SPIRITUALITÉ « Etre Libre » N° 11 (Octobre 1945)

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    15 Octobre 1945 N 11

    SPIRITUALIT(revue mensuelle de culture humaine,

    fond e en 1936, sous le iiire " Elre Libre ")

    Science, Religion, PhilosophieDirecteur-Fondateur : RAM LINSSEN (dit wan KHOWSKY)

    Directeur technique :JEAN PY CK , IL rue Anoul,Ixelles-Brux. - Tl. : 12.93.81Compte Chques P. 3374.47

    Rdactrice en chef :Marguerite BANGERTER.

    Correspondance et manuscritsBote Postale 827Bruxelles - Centre

    Administration pour la Franceet ses Colonies :

    Librairie d'Amrique et d'Orient

    ADRIEN-MAISONNEUVE11, rue St-S ulp ice, 11, PARIS 6

    Chques postaux Paris : 849.13

    R. C. Seine : 344.045

    Tl. : Danton 86-35

    SOMMAIRE

    Bergson el la science moderne

    Vers la cil mondiale ...

    Som mes-nou s le moi

    Lellre de Krishnamurfi ...

    The lesson ci Buchenwald

    Tai iwam asi ....................

    Mystre du desiin allemand

    La bo m be atom ique (suite et fin)

    La jo ie de l' U n it .............................

    Ram Linssen

    Serge Brisy

    Marg. Bangerter

    Pasteur Rob. Henderson B egg

    Pierre d'Angkor

    Marcel Lecomte

    Ram Linssen

    Marcel Hennart

    PRIX : 15 francs belges le numro - 120 francs l'abonnement annuel.Prix provisoire en France : 25 francs franais.

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    Bergson et la Science ModerneCe qui constitue loriginalit de luvre de Bergson, c'est la richesse

    dun dynamisme empruntant ses lments tout ce que la Vie-Elle-mme,offre de plus vivant, de plus intense, de plus immdiat, de plus palpable,tant en nous-mmes que dans ce qui nous entoure.

    Les arguments de base,de Bergson ne sont pas ceux de la mtaphysique pure.

    Son uvre repose sur des constatations bien positives, faites avecla clart dun jugement remarquablement pntrant, exprimes en un

    langage dont la puret mesure la nettet des penses profondes quil'animent.Le contrle des arguments que Bergson emprunte dans ses tudes

    sur lEvolution des espces, autant que ceux quil emprunte aux donnesimmdiates de la conscience, est accessible tous.

    Pour le grand public, Bergson est avant tout le reprsentant delintuitionisme moderne. Mais -il est en fait bien plus encore.

    Il est venu au moment prcis o la philosophie, lasse de se heurtertoujours au mme mur, devait trouver autre chose que les traditionnellesaffirmations de lesprit cartsien. L o il y avait incohrence et multiplicit, il apporte les germes dune unit, dune homognit vritable

    ment gniale. L, o il n'y avait que raisonnement statique, et mcanisation strile de la pense, il a install de faon dfinitive le rgnedune conception minemment dynamique, tonnement vivante de la vie.

    Comme lexprime Etienne Olivier, Bergson a fait renatre au curdes hommes avides de foi, des esprances quils semblaient avoir perdues dfinitivement. Il nous enseigne que ce monde nest pas un immenseengrenage de forces aveugles, et que lintelligence ne reprsente pas laseule formule de connaissance. Il nous fait comprendre qu'au-del denos penses, demeure un principe qui les dpasse : lintuition. Non seulement il affirme, mais il dmontre et chose prcieuse entretoutes, il nous fait parfois entrevoir les dmarches pratiques ncessaires cette ascension silencieuse et solitaire, qui nous permettra dapprhender au dedans de nous-mme, llan premier dun dynamisme fcond,essentiellement libre, parce que suprmement un et homogne.

    Parmi les uvres fondamentales de Bergson, nous emprunteronsles passages les plus suggestifs de lEvolution cratrice, et de lEssaisur les donnes immdiates de la conscience.

    Ayant analys lhistoire du mouvement volutif dans son ensembleet sur une trs vaste chelle, Bergson y discerne les traces indiscutablesdun progrs, dune intelligence. Il y voit lensemble de coordinationsprovoques ici -la surface du monde extrieur, par une puissance deprofondeur perptuellement mouvante. Le Rel*pour Bergson, nest autreque cette continuit indivise et suprmement homogne, elle seule estlibre, parce quinfinie, et non objective. Si nous sommes esclaves deslimites, cest parce que le mental nous projette sans cesse dans lespace.

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    La source de nos conflits provient des divisions arbitraires que crela pense. Divisions bien arbitraires en effet, car ainsi que la sciencele dmontre l'Univers est essentiellement un. Tout est solidaire de tout.Les tres organiss ou inorganiss, ont entre eux des actions rciproques infiniment plus vastes que ntait en droit de le supposer Bergsonlui-mme. La bio-chimie, la physico*chimie moderne, et la biologie, nousfont envisager l'Univers, comme un seul et mme tout.

    Un seul et mme tout, dont son essence suprmement homogneet indivisible. Un seul et mme tout dans lespace mme.

    Lhistoire de lvolution de la vie, dit Bergson, si incomplte quellesoit encore, nous laisse dj entrevoir comment lintelligence sest con-stitute par un progrs ininterrompu, le long dune ligne qui monte travers la srie des vertbrs jusqu lhomme.

    Lminent palontologue Marcellin Boule vient de se demander dans

    son ouvrage Les Fossiles si lon peut voir rellement dans les successions de l'histoire volutioniste, une hirarchie, un progrs.

    Si on envisage en particulier, dit-il, lembranchement des vertbrson ne saurait nier que des poissons aux mamifres et lhomme il nyait une vritable ascension. Il y a progrs par une libration des. contraintes du milieu ambiant... progrs plus dcisif encore par le dveloppement et la complication chez les primates et surtout chez lhomme dusystme nerveux...

    Ainsi , poursuit Marcellin Boule le progrs est plus physiologique quanatomique, plus psychique que physiologique...

    Dans lensemble le monde organis semble avoir obi une loignrale de progrs, la fois dans lordre physique et dans lordrepsychiqu-e.

    Les biologistes les plus minents, et de nombreux penseurs, sont prsent daccord pour reconnatre que l'volution actuelle est ssentiel-lem^nt psychique. C'est dans les profondeurs de la conscience humaine,nous dit le professeur Ed. Leroy, quil faut trouver encore vive la diffrentielle dvolution.

    Cest ce que Bergson avait pressenti lorsquil crivait lHistoirede lvolution nous montre dans la facult de comprendre, une annexede la facult dagir, une adaptation de plus en plus complexe et plus

    souple de la conscience des tres vivants aux conditions d'existence quileur sont faites.

    Notre intelligence dit-il, est destine assurer linsertion parfaitede notre corps dans son milieu, se reprsenter les rapports des chosesextrieures entrelles, enfin, penser la matire.

    Il envisageait (ce qui tait fort hardi son poque) lhomme commel'envisagent la plupart des grands penseurs actuels : un instrument conscient de la Nature.

    Mais Bergson sattache expliquer le mode oprationnel de cetteprise de conscience progressive de lnergie.

    Lintelligence humaine crit-il, se sent chez elle tant quon la laisseparmi les objets inertes, plus spcialement parmi les solides .o notre

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    action trouve son point dappui, nos concepts ont t forms, l'imagedes solides, notre logique est surtout la logique des solides.

    Mais de l, devrait rsulter aussi, nous dit-il, que notre pense

    sous sa forme purement logique est incapable de se reprsenter la vraienature de la Vie, la signification profonde du mouvement volutif.

    Cr par la Vie, comment embrasserait-elle la vie dont elle nestquune manation, quun aspect ?

    Lessence des choses nous chappera toujours, nous nous mouvonsparmi des relations, labsolu n'est pas de notre ressort, arrtons nousdevant linconnaissable. k

    Bergson nous dfinit ici le rle et les limites de l'intelligence. N'est-ilpas curieux de rapprocher cette pense, de celle du psychologue hindouKrishnamurti, lorsque ce dernier affirme Vous ne pouvez pas connatre la Vrit, car elle est essentiellement vivante, cratrice. Vous ne

    pouvez connatre que ce qui nest plus, que ce qui est mort, statique .

    De mme Bergson nous dit que l'homme est incapable par sa seuleintelligence, de connatre lessence des choses. Cette connaissance estpossible, non par les dmarches de lintelligence, mais par lintuition.

    Un savant suisse, le professeur Eugne Guye, vient de mettre envidence un principe dont lapplication semble universelle.

    L'chelle d'observation, dit-il, cre le phnomne.

    Faites un mlange de billes noires et blanches, et disposez le unmtre de vous ; vous discernerez parfaitement les billes noires ressortantpar contraste de teinte, des billes blanches.

    Placez ensuite, sans rien changer dans la disposition de ce mlange,lensemble des billes noires et blanches 100 mtres de votre pointdobservation. Vous aurez limpression de contempler un ensemble homogne de teinte gristre.

    L chelle d observation cre le phnomne.Le blanc ou le gris ou le noir, dpendront de la situation que nous

    occupons.

    Observons un fragment de marbre. A lchelle ordinaire, nous avonsun fragment solide, compact, daspect homogne. Changeons lchelledobservation : grossissons quelques milliers de fois ce fragment, et nous

    verrons qu' lchelle molculaire dj lhomognit nexiste plus. Cemarbre se rvle compos de particules infimes ne se touchant pas absolument. De plus, chacune de ces molcules effectue en lespace, de chaque seconde des milliers de millards de vibrations. Changeons encorelchelle dobservation. A lchelle atomique, toute solidit svanouit.Il nest plus question que dondes vanescentes, de centres de forcesen prodigieux tourbillonnements.

    Autant d'chelles d'observation, autant de phnomnes. Le principe est vritablement universel.

    Lai manire dont nous ragissons aux vnements, dpend essentiellement de notre attitude mentale. L che lle d observation cre te phno~

    mne, que ce soit physiquement, mentalement, ou motionnellement.Cest pourquoi Bergson d'abord, dans son cours au Collge de

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    France et ses continuateurs surtout, insistent sur la ncessit dunegrande souplesse de la pense et d'une dspcialisation du mental.

    Tout esprit trop spcialis devient victime de sa spcialisation. Il

    devient esclave dune chelle dobservation particulire qui crera pourlui toujours les mmes phnomnes. Et sil veut arriver une comprhension plus large, il faut quil change son chelle dobservation trique ,en se dspcialisant, en s'universalisant de plus en plus.

    C est l une des raisons pour lesquelles, la signification du processusvolutif ne nous devient vidente que pour autant que nous nous attachions une vue densemble. Cest donc une question dchelle dobservation. (Le Comte de Nouy.)

    Et le grand mrite de Bergson est de nost arracher irrsistiblement notre chelle d'observation statique habituelle, pour nous hisserau-del de nous-mmes et au-del de lapparence extrieure limites

    des choses, et. plonger jusquaux splendeurs insouponnes de notreessence profonde, qui se confond avec lessence de ces choses.

    Ne disons pas de Bergson quil svade des dtails. M ais le propredes hommes de gnie cest, comme le dit le Dr Carrel, de discerner au-del des parties apparemment spares dun organe, les liens secretsqui en font un tout.

    Lintuition nest rien d'autre, que cette facult de perception spontane, synthtique, globale.

    Si l'on sattarde aux dtails, lhistoire de l'volution laisse entrevoir certains moments, des priodes de stagnation, de ttonnement,

    voire mme de recul. Ceux-ci paraissent prdominants, si nous nous mettons l'chelle dobservation trique des dtails.

    Il y a ds lors des espces qui aboutissent de vritables impasses.Mais si nous changeons lchelle dobservation et que nous arrivons nous affranchir suffisamment des limites qui nous sont inhrentes, pourpossder une vision panoramique de lhistoire dun univers, nous verrons que ces impasses multiples ne sont que les voies latrales secondaires, branches sur la route lumineuse et triomphale dun lan perptuellement crateur.

    Notre intellect, n dans cet univers solide, aime ce qui est statiqueet le moi lui-mme, dont le principal instrument dauto-protection est

    l'intellect, possde cette mme tendance linertie, la conservation.Dans la matire physique, comme dans la matire mentale, se trouve

    cette tendance la rptition, lhabitude, la cristallisation. Maisdans la matire physique, et dans l'esprit se trouve aussi un aspect degense et de cration dont nous sommes les instruments vivants.

    Dans la mesure o nous rpondons aux exigences des tendancesconservatrices, nous nous fossilisons, nous perdons toute vitalit relle,toute originalit cratrice, nous adoptons un rythme de vie mcanique,strile. Nous sommes alors esclaves et dtermins.

    Dans la mesure ou nous dpassons les rsistances statiques de lapense, de ses rptitions, de ses habitudes, nous, adhrons la plni-

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    tu de de vie de llan crateur ternel, que certains considrent commeDieu lui-mme.

    Et Bergson nous achemine admirablement vers cette dcouverte

    de nous-mmes, fconde entre toutes. Mais il fait appel, bien plus l'intuition qu' l'intelligence troite.

    La Nature dit-il, nous a donn lintelligence pour la vie pragmatique utilitaire et non pour lexplication des choses.

    Nous dpassons donc les buts de lintelligence en tentant de lesinterprter. Bergson nous conduit admettre lexistence de lintuitionpar cette pense : Si la forme intellectuelle dit-il sest modele peu peu sur les actions et ractions rciproques de certains corps et deleur entourage matriel, comment ne nous livrevrait-elle pas quelquechose de lessence mme dont les corps sont faits ?

    Cette facult dapprhender au-dedans de nous, et au-del mmede nos penses, lessence profonde de notre tre et des choses, est lintuition. : : T "*nw

    On appelle intuition, dit Bergson, cette espce de sympathie intellectuelle par laquelle on se transporte l'intrieur des objets pour con-cider avec ce qu'ils ont d unique et par con squent d inexprimable.

    Mais comment se transporter au sein des objets ? La science actuellepeut-elle fournir les lments dune rponse cette question ?

    Lessence, neratiriue oui tel un fluide subtil, pntre et soutient leschoses extrieures rside galement en nos propres profondeurs.

    La phvsico-chim>e nous dmontre aue lensemble des apparencesde ce monde de surface se rsoud aux ultimes profondeurs, en uneseule et mme nergie. Tames Teans. lminent mathmaticien anglaisconsidre cette ralit profonde comme un ocan dondes plus ranidsque lclair, immense tendue de lumire, qui tel un gant ternel auxmuscles fluides soutient linfinie varit des univers.

    Cette essence est omniprsente, homogne, et donc omnipntrante.Queloue chose didentique notre essence profonde se trouve donc ausein de tout ce qui nous entoure.

    Comment arriver cette perception intuitive suggre par Bergson?En nous dpouillant des limites inhrentes notre chelle dobservation

    particulire. La vie quotidienne sen charge pour autant que nous ayonsla sagesse de discerner les leons qui se cachent dans les heurts, lesconflits avec nos semblables, dans les souffrances de lesprit et du cur,oui lentement mais srement, nous arrachent nos limites, pour nousinsrer toujours davantage dans le sillage de la vivante Unit.

    Ram LINSSEN.(A suivit.) - |i

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    Vers la Cil mondiale

    L'ide dune Cit Internationale fait des progrs dans le Monde.

    Qubec, Washington, San-Francisco, Genve, font tour tour desplans, des propositions.

    En Belgique, un homme, hlas trop tt disparu, Paul Otlet, s'entait activement occup.

    Le Comit pour la Cit Mondiale en Belgique continue l'uvredu disparu et propose Anvers (Rive gauche de lEscaut). Il y eut quelques chos favorables dans la Presse Anversoise et Bruxelloise. La Commission prparatoire des Nations Unies saisie du projet dAnvers lexaminera eni mme temps que les autres propositions du mme ordre.Quattendent les Autorits, le Parlement, qui semblent se dsintresserde la question qui.mrite cependant de retenir notre attention.

    La Belgique jouera-t-elle un rle dans le Monde de demain ?

    Sommes-nous le moi ?

    Si nous faisions sincrement linventaire de ce qui est vraiment nous croyances, penses, idals, ides

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    faisons de la vie et qui ne sont dues qu a notre ignorance du Moivritable > nous aveuglent par une apparence de ralit, tout en noussparant sans cesse du Rel, Et comme une sourde aspiration nous

    pousse inlassablement vers la dcouverte de la Vrit totale, nous nousaccrochons de petites vrits transitoires, qui nous contentent momentanment, et sommes dchirs, par le combat perptuel qui se livre ennous et oppose notre dsir de vrit nos illusions, notre besoin delibert notre esclavage, notre soif d'infini nos gosmes.

    Ces opposs, quil nous faut transcender, marquent en nous lempreinte dune dualit constante :

    a) le je ou m oi dans son aspect immdiat, prsent, c.--d.dans sa manifestation actuelle : un simple instrument dont nousdevons user, mais qui ne participe en rien au principe dimmortalit ;

    b) le Moi dans son aspect total, dont nous ne prenons consciencequaprs avoir pass par lexprience ultime, apothose des expriences d e la vie et des vies de lindividu, et qui lui confrelIllumination, la Dlivrance, la Libration, nous disent tousles Sages.

    En face de cette dualit qui nous crucifie, nous pourrions dire avecraison que nous sommes le moi et que nous ne le sommes pas .

    Nous le sommes dans son intgralit. Nous ne le sommes pas dansses instruments passagers, qui ne sont quun prolongement de lui-mmepour les besoins de lvolution (corps, motions, sensations, sentiments,

    penses). Car ds que nous confondons linstrument avec ce qui lanime,nous limitons lexpression du Moi et le rendons infirme.

    Le musicien se fo n d son instrument, mais ne se confond jamaisavec lui. De mme pour lhomme de mtier avec son outil, le peintre avecson pinceau, le sculpteur avec son ciseau et son maillet. Sans les outilsadquats, nul ne peut exprimer son art. Ils sont ncessaires lexpressionde ses inspirations les plus divines. Mais quil le pose, il nen conservepas moins la source de son inspiration, mme sil narrive pas, sans eux, les traduire dans la forme.

    Lhomme nest pas davantage ses moyens dexpression. Corps, motions, sentiments, influences, prfrences, penses, sont les instruments

    dont lhomme dispose pour s'exprimer et qui lui permettent, par leurmatrise -et par la prise de conscience de leur jeu infini, de connatrele Moi rel cette Totalit qui est le' Divin pleinement manifest enltre. Il se sert de ces lments de formation, il les faonne son usage,au moyen des expriences de la vie, mais ne comprend ce quils sontque lorsqu'il cesse de sidentifier eux.

    Ignorant que, dans son essence, il est vritablement ce Moi unique,insparable du Tout, il se croit le seul moi qui lui apparait commetant le sien : le moi spar, ce moi changeant, compos dune sriede personnages, qui font continuellement lhomme de nouveaux visages, si bien que le jugement port sur lui par des tiers, varie suivant

    les attitudes diverses quil exprime, autant devant les individus que devant les circonstances... et peut-tre devant lui-mme.

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    Ces personnalits diffrentes rsultats dhabitudes, produits deileux divers se heurtent, signorent, s'opposent, se manifestent,parfois des intervalles trs courts, parfois de loin en loin, parfois simul

    tanment. Mais un conflit perptuel entre elles toutes font de lhommeune srie dhommes diffrents aux ractions ininterrompues.

    En ralit, c'est l, dans le comportement journalier de lindividu,une suite de faux moi , un nud de ractions, chaque raction produisant une attitude diffrente.

    Mais derrire ce petit je si terriblement exigeant et trompeurdans ses ignorances, derrire cette somme magnifie de tous les gosmes, spirituels ou autres, derrire cette apparence laquelle nous necessons de nous identifier, rside un Tmoin impassible, imperturbable,impartial, impersonnel : lAtman des hindous, la Monade des thosophss,le Soi unique des Vdantins, lUltime Ralit de tous les Sages.

    Ce Tmoin observe, juge, conseille et mme parfois, raille le je lorsque celui-ci se laisse entraner au-del des bornes du sens communou de la raison. Nous l'appelons la voix de la conscience et nacceptons pas toujours de lui obir. Nous luttons contre elle, en hsitant entrenos aspirations et nos dsirs changeants. Mais mesure que nous poursuivons la recherche passionnante du Vrai, cette Prsence s'avre deplus en plus imprative, de plus en plus relle, de plus en plus permanente. Et c'est l la Ralit ultime, le Tmoin impartial, le Moi dpouillde tout alliage personnel.

    Seul, l'alliage personnel aussi dilu quil soit entretient ennous le semblant de permanence du moi spar. Si nous savions quil

    est en notre pouvoir, tous, de prolonger cette priode transitoire ou dela raccourcir, nous observerions plus attentivement les expriences quenous apporte la Vie, car leur seul but est de nous faire dcouvrir, danssa puret absolue, ce Moi unique, impersonnel et divin.

    Quest-ce qui nous permet de parler ainsi ?

    Tout ce qui a un commencement a ncessairement une fin. Tout cequi crot, finit par dcrotre. Tout ce qui nat est sous l'emprise de lamort. Or, le corps, les motions, les sentiments, les penses ont, desdegrs divers et pendant un temps variable, un commencement et unefin, une croissance et une dcroissance, une naissance et une mort.

    Prenons par exemple un accs de colre : la colre commence semanifester par une lgre irritation ; lirritation augmente, la colre clate;dcroit, puis se calme.

    Il en est de mme pour la passion : une attirance, un besoin, unassouvissement, une habitude, une satit, une dcroissance, peut-treun regret, puis une fin ou une transmutation en quelque chose dautre.

    Le corps, le sentiment, la pense changent continuellement, se transforment, se transmuent. Lgo lui-mme a une mort, bien quil subsistependant des vies : il est invitablement absorb dans le Moi illimit, etcest partir de ce moment que lHomme acquiert sa stature relle.

    Un Sage de lInde na-t-il pas dit :

    Le sens du moi fait partie de la personnalit. Il tient au corps

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    et au cerveau. Mais quand un homme peroit pour la premire fois son vritable moi , quelque chose surgit des profondeurs de son tre et prend possession de lui. Ce quelque chose est ternel, infini, divin en un mot. On lappelle tantt le Royaume des cieux , tantt le Nirvna ".Nous autres, hindous, l'appelons " Dlivrance . Quoi quil en soit, quand cela se produit, lhomme ne se perd pas, il se trouve. ( 1)

    Serge BRISY.

    Lettre de KrishnamurliDs que les communications postales avec l'Amrique furent rta

    blies pour les civils, notre directeur, Monsieur Linssen, sempressa derenouer avec Krishnamurti qui rside Ojai en Californie, les relationsinterrompues par la guerre ( part une lettre reue en 1941).

    Au moment o la premire lettre partit, le grand public tait travers par un frisson dhorreur la rvlation des traitements sauvagementinhumains infligs aux prisonniers dans les camps de concentration.

    Beaucoup d'entre nous se posaient la question de savoir quel genre

    de sanctions il fallait infliger ceux qui taient responsables de cesatrocits. Un spiritualiste vritable peut-il en toute conscience rclamerla peine de mort ? La question tait brlante et les avis partags. Parminous et en nous le dbat fut long et ses conclusions incertaines. MonsieurLinssen en fit part Krishnamurti en lui proposant de nous communiquerson avis l-dessus ; voici ce quil nous rpond :

    Ojai (California), August 15, 1945.

    M y dear Frien d,

    Thank you very much for your letter of May 31 and it was very g ood o f you to have written at som e length.

    Thank you for telling us of your activities during the war and your talks and of your book. I should think, since this terrible catastrophethat has happened to Europe, there must be more fundamental and inward change rather than the superficial rearrangements of values. I am very

    g la d that you find th ere is so much interest in th es e ideas.

    1 hav e tried to answer, in the recent talks, the question o f how thewar mongers should be dealt with. If I may answer very briefly here,I think there is a much bigger Issue involved in it. W e a re all respon sible for the catastrophe that has happened not one special groupbut everyone who, in his everyday life, is seeking power, is greedy, wordly, or is seeking selfaggrandizement. Each one of us has created

    (1 ) Paroles du Maharishi, lInde Secrte (Paul Brunton, p. 6 3).

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    the present civilization with its va lues ; and mere outward reform , how -ever necessary, I do not [eel will radically change the causes that havebrought successive catastrophes; but there can be fundamental alteration

    only if there is inner revolution of ideas and values, and I feet that those who desire to bring about a new culture should look to their owntransformation rather than to outward patterns and legislation.

    When travelling for civilians will have been made easier we hope, next year, to come to Europe and perhaps then there may be opportunity

    fo r us all to meet.

    I hope everything, is well with you. With best wishes.

    Yours very sincerely,

    i ]. Krlshnamurti.

    Nous traduisons ici le passage essentiel :

    J'ai essay de rpondre, lors de mes dernires confrences la question de savoir comment il faudrait agir vis vis des fauteurs de guerre.

    Si je puis me permettre dy rpondre brivement ici, je pense quily a lieu d'en tirer des conclusions beaucoup plus vastes.

    Nous sommes tous responsables de la catastrophe qui nous a frapps pas spcialement un groupe dtermin, mais tout un chacun qui dansla vie de tous les jours s'en est tenu chercher le pouvoir, lavidit, lattrait du monde, lambition...

    Chacun de nous a cr la civilisation actuelle avec toute son chelle

    de valeurs et je ne pense pas que des rformes superficielles, bien quencessaires, suffisent modifier les causes qui nous ont amen cettesuccession de catastrophes. Il ne pourra y avoir de modification profondeque si les ides et leurs valeurs subissent une rvolution intrieure et jesens que cest leur propre transformation que doivent sattacher ceuxqui dsirent voir prosprer une nouvelle culture, plutt que de s'en tenir lgifrer et donner des conseils.

    J espre pouvoir venir en Europe lanne prochaine, lorsque lesvoyages pour civils seront devenus plus faciles et peut-tre alors aurons-nous la possibilit de nous runir tous.

    Par les quelques phrases succintes de cette lettre, Krishnamurti situenettement le problme de la reconstruction du monde. En ludant larponse la question que nous lui posions il nous fait comprendre quela sagesse nous commande de porter toute notre attention sur le discernement des causes plutt que de nous puiser limpossible entreprisede vouloir intgrer lordre et la justice dans lenchevtrement des effets.

    Il est vident que le maintien de lordre social exige que soient rapidement rduits une rigoureuse impossibilit de nuire ceux qui se sontrendus coupables de supplices et datrocits.

    Mais pour gurir la socit malade il est insuffisant de se borner l'exercice de cette humaine et difficile justice.

    Il convient de remonter aux sources de nos erreurs ; car nous pou

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    vons leur rendre une utilit constructive en dgageant un enseignementdes preuves qui nous accablent. Disons en passant combien nous souhaiterions voir la presse semployer cette tche plutt que de s'ingnier aiguiser les passions comme elle se piait gnralement le faire.

    * La Vie qui travers mille tentatives et dinnombrables demi-russites,uvre sourdement produire parmi ce quelle cre des organismes deplus en plus aptes traduire sa fondamentale libert semble, par lesexcs dhorreurs quont engendrs les dictatures et les fascismes, nousforcer la rflexion pour condamner dfinitivement une forme de rgimedans laquelle lhumain se dgrade au lieu de s'accomplir.

    Car nous aimerions croire que ce sont des anormaux ou des dgnrs mentaux qui se sont rendus coupables en Allemagne et autreslieux des horreurs qui nous font frmir ; pourtant ce sont des hommeset des femmes comme les autres, mais qui se sont soustraits au contrle

    de leur conscience profonde pour obir aveuglement au chef et au partidont ils taient fanatiques. Par leur dvouement absolu au parti, les S.S.nous ont premptoirement dmontr jusquo pouvait descendre la dgradation d'un tre qui se fait volontairement lesclave dune faction partisane, dune idologie ou dune quelconque autorit qui lui est extrieuresil ne peut pas sans cesse la contrler.

    Selon les circonstances de temps et de lieu, les chefs et les partischangent mais l alination de la conscience personnelle leurs impratifsreste toujours aussi pernicieuse. Lhistoire fourmille d'exemples propres nous en convaincre. Le moyen-ge appelait ce phnomne vendreson me au diable . Notre scientifique 20me sicle ne croit plus1au diablemais na 'pourtant pas encore russi vaincre le mal quil symbolisait.

    A partir du moment o un tre abdique en faveur dune autorit quilui est extrieure du contrle de sa pense et de ses actes, il perd toutce qui le rendait spcifiquement humain pour se rduire la fonctionde robot, dautomate entre les mains dune force quil croit bonne (et quipeut ltre effectivement au moment o il lui dvoue son jugement et savolont) mais sur lvolution et la qualit de laquelle il na dsormaisplus de pouvoir.

    Socialement, les tortionnaires nazis viennent de donner au mondeun exemple prcieux de ce quil ne faut pas faire ! Le nombre extraordinairement lev de brutes sanguinaires qui se sont dnombres dans lesrangs des S.S. illustre sinistrement laction que toutes les formes defascisme oprent sur des hommes civiliss en leur enlevant leur humaineresponsabilit. Et disons-nous bien que cet abominable avilissement nestpas le fait exceptionnel dune seule race ni dune seule culture, et necroyons pas quil suffirait danantir lune et lautre pour mettre le monde labri d'ventuelles rcidives : nimporte quel rgime analogue feraitde nimporte quel homme civilis une brute semblable. Confessons-le notre grande honte car tous les pays ont trouv dans leur sein de cesspcimens lamentables.

    Pourtant nous sommes les premiers penser que lorganisation du travail ainsi que la cohsion harmonieuse de toute socitrclame une hirarchie nantie dune autorit reconnue par tous et

    qui ne soit pas sans cesse conteste par ceux quelle rgit. Mais pour

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    que cette autorit soit utile, efficiente et admissible il faut qu'elle soitbase, non sur la recherche de pouvoir ou de profit, mais sur le soucid'ordre, dharmonie et dintrt collectif. Le chef devrait tre le premier

    serviteur du groupe qui le dlgue et tre si soucieux de la volont decelui-ci quen se conformant ses directives chacun serait assur dyretrouver la traduction sociale de son vu.

    Mais avant de pouvoir tablir cette coopration et cette interdpendance rciproque entre administrateurs et administrs nous devons nouslivrer cette rvolution intrieure profonde dont parle Krlshnamurtidans sa lettre. L'homme ne deviendra vraiment social quaprs avoirmodifi les mobiles de ses actes. La rapide multiplication des communications ariennes a dfinitivement ruin toute possibilit de vivre enRobinson. Nous faisons bon gr, mal gr, partie dune socit dont noussommes troitement solidaires. Jusqu prsent l'homme na pens etagi que pour tablir sa volont de puissance, de possession et de pou

    voir. Mais les conditions de peuplement, de communication et dchangenous interdisent de plus en plus dignorer notre voisin. Par lensembledes conditions o elle nous place, cest la Vie elle-mme qui nous force rflchir sur limpossibilit de continuer poursuivre chacun pour soitout ce qui renforce la puissance de notre personne : possessions, argent,honneurs, renomme, toutes choses dont les intrts antagonistes nousdressent immanquablement les uns contre les autres travers une gammedes souffrances dont nous connaissons tous les subtilits. Inhrentes nos apptits et nos instincts, ces souffrances semblent tre invitables etdevoir durer aussi longtemps que nous. Mais en vrit nous portons tousen nous une part universelle qui transcende notre animalit. Si, par ledpassement de tout ce qui nous est exclusivement personnel, goiste,

    possessif, nous russissons installer notre centre de conscience au delde notre pure et simple animalit, nous nous hissons un nouveau rgne,celui que Carlo Suars appelle le rgne de lhumain accompli .

    Ds lors la notion de luniversel et de la Totalit ne sont plus pournous des concepts que nous imaginons de lextrieur ; car nous sommesvraiment la Totalit avec un sentiment de plnitude et de joie que nullesparativit ne peut plus assombrir.

    Pour russir ce dpassement, nous devons, rapprendre entendrela voix de notre conscience profonde, qui est lorgane de la substanceternelle dont nous sommes faits. A chacun de nous elle parle le mmeinfaillible langage. Si nous ne lentendons plus cest force d'avoir

    entass sur elle nos prjugs, nos conceptions, nos habitudes, nos prfrences, nos intrts, notre indolence. Au fur et mesure que nousnous dbarasserons de tout ce fatras nous sentirons se fortifier en nouscette intuition souveraine, suprieure lintelligence, suprieure la pense, qui est lessence commune toutes choses, lomniscience de la Vieelle-mme.

    Ds lors, lhomme sera devenu minemment social et sociable.Universalis dans son cur, ses aspirations et ses penses, il sera enfincitoyen du monde sans effort ni contrainte. Rendu aux directives desa conscience profonde, il obira de lintrieur la mme voix que Cellequi parle tous les autres puisquelle est lexpression de lunique essencede tout.

    Alors seulement deviendront possibles les vritables dmocraties

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    harmonieusement communautaires, ct desquelles les dmocraties etles communismes actuels ne sont que des travestissements de despotismesattards.

    Ainsi chacun doit comprendre quil ne peut rellement servir lemonde quen saccomplissant lui-mme car cet accomplissement, loin derenforcer son goisme a pour seul objectif de lui faire dpasser celui-ci.C'est lindividu quil appartient de crer la socit de demain. Le phnomne inverse mne la faillite de lhumain comme nous venons denavoir les preuves. Si lhomme savait quelle plnitude il est promis dsquil parvient briser le cercle de son gosme et de la possession, ilnaurait pas tant de mal saffranchir de la crainte qui le rive lamisre de sa condition actuelle.

    Puisse-t-il de plus en plus comprendre que les obstacles sont enlui-mme et que le problme du monde consiste les rduire dans son

    cur et dans sa pense.Marguerite BANGERTER.

    The Lesson of Buchenwald

    W hy have the atrocities of Buchenwald produced such a feeling ofhorror in the hearts of men of all nations ? Surely it is because we havecome to the conclusion that human nature should have, got beyond suchthings. But have we any true reason for such a belief ? W as that notthe fallacy that deceived Woodrow Wilson and his followers at the endof the war of 1914-1918? Wilson believed that there existed, at thattime, a true and new desire for peace in the hearts of men everywhere.It is true that such a desire existed, but it was certainly not new.

    The League of Nations was founded on the .supposition that thereexisted in mens hearts a new moral force capable of outlawing war.Wilson believed that it was possible, if necessary, to make an appeal to

    peoples over the heads of their governments. But Th e League of Nationsfailed to preserve peace simply because moral sanctions, which were itsonly sanctions, had not the necessary power for the task.

    W he re did we get this idea that men are becoming more moral,more ethically minded ?

    In Greek philosophy we find the three tenets of Beauty, Truth,Goodness, Our ears are accustomed to hearing these three at the sametime and so we finally regard them as synonymous. W hen Jesus Christsays that the Holy Spirit will lead us into all truth, I believe that havingin our minds those Greek ideas, we take it for granted that He will leadus into all Beauty and all Goodness as well.

    Now for myself, I believe that the Spirit leads us continually intonew fields of truth. Our Lord has said that there is nothing hidden that

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    shall not be revealed.' The idea is the same. These words are a guaranteeof human reason, the Charter of Rationalism. They mean that the spiritof man is able to search successfully into all the mysteries of the universe,

    of creation. In fact, since the time of Christ, we have made great stridestowards the Truth. But it is evident that we have not made similaradvances in the field of Beauty - the beauties of Art, of Life, of Culture.W hy then do we think that we should have made similar advances in thefield of Goodness, of Ethics ? Are men really better than they were ahundred years ago ? Are they really better than they were a thousandyears ago ? I would not like to say. Thucidydes, the Greek author,wrote his history, not as a chronicle of events, but in order that menmight profit from the examples of the past. He wrote in the belief thathuman nature does not .change, and that men are the same everywhere.He was right. W e read elsewhere of demagogues who say that theold customs must be done away with, that the old ties, civil and secred,

    must be broken, that everything must be changed according to new andfalse theories . W e read also that when a certain type of man achievespower spies and informers are his principle instruments, and war is hisnormal occupation so that he may absorb the attention of the people, andmake himself indispensable as their leader . W e look in vain for thesewords among the speeches of Winston Churchill, although it would seemcertain that he must have used them in speaking of Hitler or Mussolini.But in fact we find them in the works of Aristoie, written two thousandthree hundred years ago. It is clear that km an nature has changed littlesince then. W e turn to the Ten Commandments. How long ago werethey first promulgated ? One thing is certain, that when they first saw

    the light of day they dit not form a revolutionary document. The commandments, Thou shalt not kill, Thou shalt not steal, covet, commitadultery, were even at that time the universally accepted standards ofconduct. But it is equally certain that people sinned against them then,

    just as we in our generation sin against them today.

    It is unfortunate that we know little of the men who lived at thedawn of civilisation, except what we can deduce from some skull orfragment of bone. But we should certainly be unjust to NeanderthalMan, if we believed that we have surpassed him as much in moralityas we have in science- For the most part his primitive art falls short ofours only because of the failings of his instruments.. No doubt we havesurpassed him in Knowledge and in Truth. W e are not so advanced asregards Beauty. It may be that we have not surpassed him at all asregards Goodness.

    To what conclusion do these thoughts lead us ? W e feel that menought to be better than they are. But men have felt that for a very longtime. It is enough O Lord said Elijah in the wilderness after he hadput to death the priests of Baal, for which he was being pursued by theirprotectress Jezebel. It is enough. Take away my life, for I am nobetter than my fathers. Elijah was conscious of his faults. He feltthat he ought to be better than his fathers. But God did not reject himfor that. He had still a mission to fulfill in his own generation.

    If we believe in a progressive moral evolution, sooner or later weshare the disillusionment of Elijah. W e realise that in fact we are not

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    better than our fathers, and in doing so we lose all hope of progress inour own lives. But the real progress of Morality is not a steady evolutionfrom generation to generation, nor even an evolution by saltations. It is

    the progress of a single generation. W e forget that a new generationdoes not continue from where the old one left off. It has to begin afresh,right from the begining. Elijahs mission was to work for the salvationof his own generation. And that is our task as well. It is possible forindividuals to become more spiritual. But the human race does notadvance much, simply because the human race is not a single creature,but is composed, and always will be composed, of individuals.

    Buchenwald, Dachau, Belsen, etc., come as a warning to us. Th eyteach us that although men can advance^ and in fact have advanced inspirituality, the human race is still, and perhaps always will be veryclese to the animal. It cannot be denied that the Old Adam is stillfound in him. Whenever we think that we have made a new advancein spirituality, a new Hitler will arise to let us know that we are deceived,and that we must begin our work over again from the begining. HaveI written we ?

    No, It will not be us. It will be our children. It is our childrenwho must set themselves to the tasks of their generation. They havetheir tasks. For us the tasks and problems of our own generation areenough.

    Perhaps it may make us sad to think that we can do nothing tolighten their task. For so it seems. But in fact we can help them, ifonly by our example. If we work with enthusiasm for the things of thespirit we will leave behind us a great legacy of despair. But if we inour generation do everything in our power for the things of the spirit,in which we believe, our work will bear fruit in our generation, and willprovide for the future an example and a call for those who come after.The farmer knows that if a field gives a good yield this year, we can notrest assured that he has done everything he can for posterity. He mustalso do the same work the following season, and the season after thattoo. He must work each season. Each season he must apply himselfto the problem anew. But for him that is not a reason for despair.

    Let us go forward then, not in a spirit of unthinking optimism, notbelieving that our work is going to bear fruit for ever. The fruit willcome, but it will come in our generation. As for the generations of the

    future there will not be lacking men and women to continue with thetask, the task which is in fact endless. That is the ground for ouroptimism, that although we may have left the earth, our work will continue, so that the experiences of Buchenwald, Dachau, Lansberg willproduce a credit balance because we are certain that the work mustalways go on. Only in this way can the Divine Light and the EternalLove arise in the hearts of the men of our generation.

    Pasteur ROBERT HENDERSON-BEGG.

    (des Royal Hussards )

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    Tat lwam asiLes religions et les philosophies nont en dfinitive jamais eu dautre

    objet que la manifestation de lEtre en soi, inconnaissable, cette manifestation connaissable tant la Vie universelle, considre soit dans sa natureunitaire, abstraite en dpit des formes multiples par lesquelles elle sexprime, soit au contraire en tant que traduite, exprime, par ces formes mmes.Le seul Dieu concevable est donc, non un transcendant totalement tranger notre nature et ds lors impensable, mais bien cette vie universelle, envisage tantt sus son aspect unitaire et cach (monothisme, monisme),tantt dans la varit multiforme de ses aspects apparents (polythisme,

    panthisme) la Vie dont non seulement nous voyons les expressionsphnomnales autour de nous, mais encore et surtout celles dont nousavons lexprience personnelle et directe en nous-mme... la vie en nous.

    Conformment lantique vrit inscrite sur la table dmeraude , ...1 petit est comme le grand ; il ny a quune seule Loi et celui quitravaille est Un , les sages ont toujours considr lunivers comme ilsconsidraient lhomme, c'est--dire, comme Ame et Corps, une Trinitsubjective de lEsprit, Volont Sagesse Amour, se traduisant objectivement comme force lumire mouvement, la trinit de la matire.Le microcosme tant ainsi l'image rduite du macrocosme, lhomme devienten quelque sorte l'unit de mesure de l'Univers. Tel tait le sens du Gnti seauton , connais-toi toi-mme, inscrit au fronton du temple de

    Delphes et qui tait comme une rplique du texte sacr de lInde : Tattwam asi , tu es Cela.

    On comprend immdiatement tout ce qu'une telle ide bien comprise

    reprsente dessentiel et de capital pour lhomme.

    Si, hypostase ou non, la seule et suprme Ralit qui nous soit accessible est la vie elle-mme qui est en nous, que nous sentons en nous,alors la Divinit n'est plus pour nous ce quelle tait avant, cest--direseulement un objet de foi. Ce nest plus un Dieu relgu dans un ciellointain et qui nous envoie sa grce du dehors, une grce surnaturelle.Quoi de plus naturel en effet, quoi de plus palpable en quelque sorte etde plus certain en nous que la vie ? Quoi de plus objet de notre exprience

    immdiate et quotidienne que cette ralit si mystrieuse pourtant et dontnous ne coniiaissons vrai dire jamais que les effets, les manifestations ennous, et non la nature premire, intrinsque ? Si la vie est en nous le plushaut aspect connaissable de l'Etre, si elle est en nous le Crateur, transcendant notre conscience actuelle, alors elle sera pour nous, non seulementl'objet immdiat de notre culte, de notre vnration, dont nous sentironstoujours en nous la puissance puisque c'est par elle que nous agissons,que nous sentons, que nous pensons - mais elle sera galement la sorcede toute inspiration, de tout dveloppement, de tout panouissement spirituel ; bien plus que cela mme, la source de tout amour pour nos semblables et pour tous les tres, puisque participant tous de cette mme vie,

    Us sont pareillement mus et anims par elle. Alors en effet cette Vie nenous apparatra plus comme notre proprit personnelle, mais comme un

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    fragment de la Vie universelle, lintelligence en nous ne sera plus notreintelligence, mais un rayon capt de lIntelligence universelle, la volontplus comme notre volont mais un courant driv par nous - et souvent,

    hlas, dans la mauvaise direction de la Volont cosmique. En un mot,la vie en nous nous apparatra de cette manire comme tant la Vie,comme possdant un caractre divin, comme tant, dans sa nature fondamentale, le Principe ternel et divin de l'univers passager, crant dans letemps, par son unit mme, la solidarit de la fraternit de tout ce quiexiste.

    Oui, mais , objectera-t-on, la vie en nous possde-t-elle rellement ce caractre divin que vous lui prtez ? N est elle pas*tout au contraire quelque chose de bien prcaire et que le souffle de la mort menacesans cesse ? Telle est bien en effet la fausse ide que chacun se faitde la vie, de sa vie, une petite flamme qui s'teint la mort. En fait il sefait ici une confusion lamentable entre deux choses entirement diffrentes : la vie en nous et la conscience que nous en avons.

    Tous nous avons conscience de cette ralit mystrieuse, la vie ennous. Nous ignorons .pourtant, je le rpte, ce quelle est, quoiquelle nousapparaisse comme le principe mme de notre tre. La vie en nous est doncdistincte de la conscience que nous en avons. Pour la vie elle-mme, lamort nexiste pas. Mort et vie sont deux termes antinomiques, deux idesqui sexcluent mutuellement. Mais pour notre conscience de la vie, pournotre moi conscient, la mort existe quand la vie sen retire. Or, touthomme est la fois cette conscience et cela dont il a conscience. Commeconscience de la vie en lui, il est un tre limit et mortel, mais en tant quevie dont il a conscience, il est le Principe ternel et divin. En tant que

    j ai conscience de moi, comme d'une forme particulire psycho-mentale,je suis un tre mortel ; ma conscience, mon moi, mourra quand la vie senretirera, comme mon corps physique mourra quand la vie le quittera etbien que ces deux morts, physique et psychique, ne concident pas, s'effectuant sur des plans diffrents. Mais cela dont jai conscience, la vie elle-mme qui cre et anime mon moi, ma conscience, rie mourra pas, parcequ'elle est la Vie Divine, le Soi unique. Si je me transporte par exempleen imagination dans 10.000 ans dici, je vois que la vie qui animera ma conscience! d'alors, quelle que celle-ci puisse tre, sera identiquement la mmeque celle qui anime mon moi daujourd'hui, mais ma conscience dalors,ma conscience de cette vie, sera au contraire sans rapports apprciables,sans commune mesure, sans identification possible, avec mon moi ou maconscience prsente, bien quelle en aura procd au cours des ges parune longue succession de cause effet (Karman). A moins que je nesorte de ce cycle fatidique par la libration. Quoiquil en soit, il est defait que nous avons tous conscience de la vie en nous mais non du vritable caractre divin de la vie, toute voile que celle-ci est encore parnos formes limites de conscience.

    La vie en nous, cest donc le rel, lternel : la conscience de la vie, letemporaire, lillusoire. Quelle illusion ? dira-t-on. L'illusion dtre unmoi distinct, spar des autres, spar du Moi unique, et pourtant immortel !

    C est donc en ralit une trange et profonde exprience que reprsente la reconnaissance effective de cette dualit en nous et du vrai carac-

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    tre transcendant et immanent de la Vie. Quimporte dsormais que monmoi, ma personnalit consciente, soit un tre falot, impuissant et dbile,si, dautre part, je sens en moi-mme ce divin Compagnon qui minspire

    et me guide, qui me relve quand je tombe, qui me soutient quand je faibliset qui est mon Etre rel ?

    J entends les objections : Illusions et sophismes , dira-t-on. Comment pourrait-il y avoir quelque chose de divin dans cet tre misrablequ'est lhomme ? Il y a ici antinomie complte entre deux notions, deuxralits qui sopposent, Dieu et l'homme, lInfini et le fini !

    Sans doute ainsi prsente, lobjection parat dcisive. Mais il nesagit pas de concilier en l'homme des choses irrductibles, mais de reconnatre en lui la Ralit ternelle et la forme passagre. Essayons d'exprimer ceci par une image. Si nous nous reprsentons lInfini ou lAbsolupar une page blanche et que nous tracions sur elle une petite circonfrencenoire, celle-ci figurera, au sein de lAbsolu lui-mme, ltre manifest,

    limit, macrocosmique ou microcosmique, cest--dire l'univers ou lhomme.II. est vident que lhomme ici reprsent nest pas que cette limite noiremais aussi le blanc remplissant le cercle intrieur que circonscrit la limite.Or, lhomme a conscience de cette limite qui est son moi, sa consciencedhomme. Au contraire, sa nature cache, intrieure, divine, que reprsentele cercle blanc, transcende encore sa conscience actuelle. Et voil pourquoi tout en sentant la Vie en lui, il nen peroit pas encore le vrai caractre divin. Notre image serait du reste plus suggestive si nous nous reprsentions le cercle blanc, la Lumire divine, comme se dissociant (telle lalumire solaire) en se projetant dans une srie de petites spres coloresreprsentant la nature psychique, mentale, spirituelle, de lindividu, et

    dont la synthse l aura forme le moi de chaque tre humain, moiqui doit tre transcend avant quil soit possible de percevoir la Lumireoriginelle. Concluons donc que ce qui est ternel et divin en l'homme,cest le principe immanent de la Vie, ce qui est lhomme proprement ditcest la consciene temporaire que chacun ralise de cette Vie, autrementdit le moi, hypostase du Moi divin immanent en tous.

    Un tel enseignement apparatra comme bien froid beaucoup. Il nerpond pas suffisamment aux besoins du coeur humain, dira-t-on. C'estoublier que le cur de l'homme, comme sa raison appartient l'go etque c'est celui-ci tout entier qui doit tre dpass, transcend. La spiritualit vraie en effet est autre chose que ce dbordement de sentimentalitmystique, le plus souvent intresse, qui se dverse sans retenue dans les

    glises, chapelles et autres lieux de prires, et avec laquelle elle est souvent confondue. Dieu, lEtre en soi, n'est pas un objet damour. Il est lePrincipe de l'Amour mme comme de toute chose. Ainsi que lexprime lasagesse hermtique: Dieu nest pas une Intelligence mais la cause qui faitque lintelligence existe ; Il nest pas un Esprit mais la cause qui fait quelesprit existe ; Il nest pas la Lumire mais la cause qui fait que lalumire existe . Tous nous sommes uns dans l'unit de l'Etre en soi (lenon manifest), mais nous ne raliserons effectivement la conscience decette unit que lorsque nous aurons transcend la maya de lEx-istence(l'univers manifest, invisible et visible).

    PIERRE DANGKOR.

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    Mystre du destin allemand

    II arrive quaprs un grand vnement historique, tel: que l'croulement du Reich allemand, l'on ait tendance penser que les solutions desproblmes venir peuvent se trouver facilement. Lon sait pourtant quilnen est rien, que le Rel poursuit ses dveloppements propres sur lesquels sans doute, nous cherchons, avoir quelque prise dircte, mais que,la plupart du temps, ils nous dconcertent par le sentiment dinextricablecomplexit qu'ils nous donnent.

    C'est bien ce qui nous arrive aujourdhui o la structure politique delAllemagne a t brise. Et il le fallait. Si le national-socialisme, sortede mouvement pur, navait pas t dfinitivement matris, il et trouv

    encore des raisons desprer. Du reste, a-t-il dfinitivement abdiqu ?L'on ne sait, car se fiant peut-tre encore la permanente modificationdes rapports entre les hommes et les choses, il nest pas impossible quilcroie toujours la vertu de sa technique particulire et quil prpare unlent redressement.

    Aujourd'hui cependant, l'Allemagne est entirement occupe par lesforces des puissances qui ont troitement collabor la destruction deson rgime et l'anantissement de sa rvolution, qui avait voulu aller

    jusquau bout de ses tendances, jusquau bout dun programme purementdynamique. Mais laffreux malaise que la ralit allemande avait cr enEurope et dans le monde fait place prsent une sourde inquitude

    rsultant de l'aspect incertain, trouble, difficile que prend le morcellement du complexe germanique.

    Et lon voit peu peu se crer un climat propre chacune des zonesd'occupation. Lon peroit quune sourde lutte commence se livrer entreidologies de lEst et de lOuest sur le territoire du Reich.

    Aprs avoir manqu son destin particulier, lAllemagne sera-t-elleappele constituer le centre mme o vont slaborer peu peu lesdbuts de nouvelles synthses culturelles : l'une, l'Eurasique dont onconnait dj maintes donnes, lautre, lAtlantique, lie au monde anglo-saxon, mais enrichie, nuance par tout un apport occidental latin etalmanique ? Il semble que lon n.e puisse pas tout fait sempcher de

    le penser lorsque l'on saperoit que lnorme remous hitlrien na eudautres rsultats que d obligerles Anglo-Saxons, dune part, et les Russesde lautre prndre une conscience singulirement pressante de leuravenir historique. Et les Allemands dEst et dOuest seront peut-tre appels un jour s'opposer violement les uns aux autres au cours de quelque nouvelle crise mondiale.

    M A R C E L L E C OM TE ,

    ( Rdacteur La Lanterne )

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    La Bombe atomique (Suite)

    Grce aux travaux du Duc de Broglie, de son frre le prince Louisde Broglie, tous deux prix Nobel de Physique, et ceux deFranis Prrin, des Joliot-Curie, de sir James Chadwick, de Thomson,de Hahn et Strassman, de Lize Meitner, les calculs de ruptures en chanepurent ds 1939 tre trs prcis.

    Ds ce moment, Franis Perrin estima que la rupture en chane taitralisable la condition de former une sphre d'oxyde d'Uranium deplus de 2,60 m. de diamtre. Mais ceci reprsentait une masse de 40 tonnes du prcieux minerai.. Peu aprs, divers savants dcouvrirent quelintroduction de composs hydrogns dans la masse, et certaines con

    ditions de temprature favorisaient les chances de rupture. La guerremondiale clatant, les chercheurs poursuivirent leurs travaux avec unvritable acharnement. Les dcouvertes se suivirent ds lors un rythmeacclr. Partout sur le monde se poursuivait fivreusement la coursevers la ralisation de la bombe atomique. Des inventions vraiment sen-sationelles prenaient naissance dans de nombreux laboratoires, mais personne nen souponnait lexistence ni surtout la porte.

    On dcouvrit que le Cadmium, mtal voisin du Zinc, avait la proprit de temprer l'explosion. Sa prsence au dix-millime seulementparvenait modifier limportance de la rupture. Un autre mtal, leGadolinium avait la mme proprit.

    Le professeur de Hemptinne, de l'Universit de Louvain, qui effectua une mission dinformation dans le domaine des sciences physiques,en Grande Bretagne, dclara dailleurs quil fallait sattendre de grandes surprises et des rvlations vritablement sensationnelles dans ledomaine de la physique du noyau de l'atome.

    Ds 1940, les physiciens avaient rduit de 2,60 m, 1,30 m. lediamtre minimum de la sphre dUranium ncessaire pour lobtentiondes ruptures en chane.

    Mais depuis lors, diffrents chercheurs ayant remarqu la radioactivit extraordinaire des lments obtenus par bombardements atomiques, tels le radiosodium, le radiophosphore, le radioberyllium, etc., s

    sont appliqus obtenir diffrents isotopes radioactifs de lUranium.E t de mme quen biologie, les rayons X . influant les chromosomes

    de mouches sont parvenus former des monstres biologiques, la physicochimie a cr ses monstres nuclaires. LUranium tant dj radioactif l'tat naturel, il est clair que les isotopes raliss par bombardementsatomiques possdent des proprits extraordinaires, rendant les rupturesen chane beaucoup plus aises. Dautre part, les spcialistes des bombardements atomiques: ont constat que les neutrons taient efficacespour autant quils soient ralentis. Ceci parait contradictoire mais est bienrel, pour' des raisons de relativit Einsteinienne quil ne convient pasde dvelopper dans cet expos sommaire. Les composs hydrogns, t

    spcialement leau lourde possdent la proprit de ralentir les neutrons.C'est la raison pour laquelle les allemands au courant de la chose,

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    difirent htivement en 1942 de vastes usines d'eau lourde sur les ctesde Norvge.

    Mais le premier ministre Winston Churchill averti de ldification

    de lusine d' eau lourde la fit immdiatement bombarder diverses reprises. Le grand secret de la bombe atomique rside toujours dans lemploi de ces varits dUranium aux noyaux absolument disproportionnsmlangs des catalyseurs appropris.

    Lexplosion de la masse dUranium relativement faible est foudroyante. En quelques secondes des milliards datomes se trouvent briss.Il sagit dune vritable transformation de matire en rayonnement. Latemprature est extraordinairement leve. Elle atteint de 10 20 millions de degrs.

    En effet, la matire se trouve rduite un tat semblable celuide la constitution des toiles.

    Les ondes brisantes manant dune telle dflagration et dune telletemprature, les fluctuations de pression sont dune gravit telle, quela bombe atomique ne peut tre simplement lche, mme haute altitude,comme les bombes ordinaires. Elle doit tre parachute avec une grandeprudence, afin de permettre aux avions de prendre le large et de setenir une distance aussi grande que possible du lieu de lexplosion. Lalumire intense qui accompagne la rupture des noyaux datome est due la prodigieuse transformation de matire en rayonnement qui sopre.

    La dcouverte de la bombe atomique inaugura-t-elle un ge nouveau ?

    Cest indiscutable. Elle entranera d'immenses rvolutions.

    Elle pourra multiplier les moyens de production de l'homme defaon extraordinaire. Economiquement, elle dotera lhumanit dune abondance sans prcdent, mais elle posera, par ce fait, de redoutables problmes lgard du chmage menaant. Elle peut librer lhomme dutravail matriel et des soucis entravant lpanouissement de ses facultsspirituelles. Encore faut-il quune ducation approprie des individus lesmette en tat dutiliser de faon rationnelle les nergies colossales quise trouvent ds prsent la porte de tous.

    Prenant en considration la priode relativement brve de 13 ansqui nous spare de la dcouverte du neutron, nous sommes en droit desupposer que nous assisterons trs prochainement lutilisation de lnergie atomique dans le domaine de lindustrie. Quelques kilos dUranium

    spcialement traits permettraient un paquebot comme le Normandied'effectuer le tour du monde sans escale. Soyons nanmoins prudentsdans nos estimations. N oublions pas que la dynamite, le trinitritolunelibrent galement des nergies extraordinaires. Mais jamais personnena pu trouver le moyen de les rpartir uniformment.

    La rpartition uniforme de lnergie incomparablement suprieure,libre par la bombe atomique, rencontrera vraisemblablement bien desdifficults.

    Lutilisation de l'nergie intra-atomique est particulirement opportune, les rserves charbonnires et ptrolifres du globe terrestre spuisant rapidement et pouvant dici une gnration ou deux atteindre un

    point critique.Le monde est donc vritablement au seuil dune re nouvelle.

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    Lutilisation de lnergie pratiquement illimite de la matire luipermettra de se librer, de saffranchir de toutes les contingences matrielles pour accder aux plus hautes cmes de lesprit. Encore faut-il dire

    que si lhomme ne procde pas durgence aux rformes morales et spirituelles qui simposent, cette: arme redoutable pourrait se retourner contrelui. Il est dune imprieuse ncessit que chacun, sente plus que jamais,devant la menace terrible qui pse sur le monde, lurgence dun nouveaumode de penser et d'agir, affranchi des limites traditionnelles delgosme.

    RAM LINSSEN.

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    La Joie de l'Unit

    Soit quil sagisse du Zohar juif, soit quil sagisse des philosophesSong, nous avons vu que lEtre initial tendait sa concrtisation. Etcest alors quau sein de lUn naissait la Pluralit. Et ces penseurs dOrientont trs bien not quil seffectuait alors des matrialisations progressives. En effet, le domaine de la Cration est celui des formes (rup),cest--dire : des apparences (M ay), c'est--dire aussi : des individualisations (Sphiroth, manations). C est aussi le domaine du changement ; seul, lUn demeure identique en profondeur.

    Le processus serait toujours le mme : lEtre dsire, et ses dsirsprennent la forme dactes. Ainsi, les tres du monde sont les actes dugrand Etre.

    La possibilit du Mal, impossible au grand Etre est incluse dans sescrations : elle est due aux contingences, lillusion. Notre libert consistant pouvoir choisir entre deux, biens : celui qui parat le meilleur,notre connaissance qui nest quun fragment de la grande Connaissance(Vijnana, marifr) peut se laisser abuser.

    Quest-ce, en somme, que le Diable ?Certains hommes nous donnent lapparence dabriter en eux une

    Possession, une Prsence inquitante, inluctable. On est tent de croireque cette prsence est d'origine supra-naturelle, voire divine. Mais cetteforce cratrice agit comme un membre qui sest dtach de son corps.Ce membre, la Vie lhabite encore ; mais cette vie se transforme, devenantinforme et larvaire nous disons que la Chair putrfie.

    Cette force, que nous appelons : puissance diabolique, ne serait-ellepoint justement la force de lEtre ; mais, spare, personnalise dansl'illusion, et dvie de son but, dforme par la Cration qui en dcouleet voulant raliser son Absolu dans les contingences de cette cration.

    En ce sens, Faust et Don Juan matrialisent trs bien le Diable.Nous ne devons, dailleurs, pas nous attendre une existence personnelle de cette puissance ; mais elle prend forme et l : Mon nomest Lgion est-il dit dans lEvangile.

    LE DESIR DE LUN

    Dautre part, nous constatons chez l'homme un trange besoind'chapper au contigent, au multiple.

    Un de ces effets a permis la naissance de lArt. Une grande basede lE ST H E T IQ U E classique tait ce principe : leprincipe de la pluralit

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    convergeant vers l'Unit (harmonie). Mais il est, de plus, un autre besoinplus profond. Rappelons ici !-i notion de catharsis (purification), cettenotion essentielle que dcouvrirent les anciens Grecs; Gide 1 cartel

    en fut tourment. Ce besoin dcder au calme, la joie (rith, Aanda)*,tout fallacieux et fauss quil puisse devenir, prouve justement toute lavaleur mystique du dsir d'Unit.

    Mais encore, sur les chemins de lEsthtique, faudra-t-il savoir interprter les diffrentes tapes dt3 Beau. Et, tout ainsi que Morgan, Claudel a trs bien transcend la question quand, un jour, il a dit : Agissezde manire ce que vos actions et vos plus secrtes penses non seulementnempchent pas lharmonie dont vous tes un lment, mais qu'ellesla provoquent et la crent autour delles .

    Nous trouvons encore l 'Un et le .Multiple dans les procds danalyse et de Synthse.

    La mythologie de lInde reprsente la Trimourti, par un ensemble

    de trois forces : Brahma cre, Shiva dtruit, Vichnou conserve. Leslivres sacrs nous montrent aussi lalternance dpanouissements (brah-m )*, et de rtractions (praaya). Mais tous ces phnomnes natteignent que les formes, le Multiple ; puisque la Trimourti reste une, inchange, dynamique.

    En Europe, aprs Aristote et bien dautres, Hegel a mis galementsur le pavois sa thorie de la Thse et de lantithse aboutissant lasynthse.

    Cest le mme souci constructif, la mme recherche de lUn quia conduit le mental ce t .i ' o h appelle communment : le dsir delABSOLU. La connaissance des diffrentes beauts nous amne la

    connaissance de l'essentielle Beaut ; la connaissance des diffrentes vrits nous amne la connaissance de lessentielle Vrit. Ainsi est possible pour le mental la connaissance de l'Etre, muni des diffrentes perfections, dont nous ne connaissons que des ples reflets.

    Encore faut-il se mfier ; mme chez Platon, cette connaissance delEtre est une construction du mental. Aussi, cette construction demeure-t-elle anthropocentrique, incomplte. Que lui manque-t-il ?

    LACCESSION A LUN

    Mme sans tre mystiques, nous avons facilement lintuition que laconnaissance rationnelle est une connaissance imparfaite, cest--dire :un ensemble approximatif dobservations et dadquations rudimentaires.

    La connaissance relle doit tre plus profonde. Elle imprgne etdirige la vie de son dcouvreur ; elle nous fait, de plus, souponner laconnaissance divine, ici-bas non coercible.

    Mais cette connaissance nest quune qualit, une manifestation,de lEtre. De mme, lAmour. Nous le savons, lUnit suprme, cest cetEtre.

    Mais que peut-on savoir de plus ? A supposer que la sensibilit luisoit donne, leau ne pourrait avoir conscience de la jarre qui la contientque par le contact de ses parois ; mais elle nen saurait jamais la formeextrieure. Ainsi, en est-il pour nous, parcelles de la Cration.

    Marcel HENNART.

    Editeur responsable : Jan PYCK, rue Ancrai, 11, XL.

    Impr. la . V anderitich*Ien, l, r. Alfrd-Cluy*tn*r. BruxtllM Tl. S7.30.4S