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J. F. E. LE BOYS DES GUAYS 2e VOL. COLLECTION MÉLANGES CONCERNANT LA NOUVELLE JÉRUSALEM TOME QUATRIEME. SAIXT-AMAND (CHER) A la Librairie de LA NOUVELLE JÉRUSALEM, chez Porle, libraire. PARIS M. MISOT, RL'E DE SÈVRES, 96. E. JIING-TRECTTEL, LIBRAIRE, RUE DE LILLE, 19. LOS DUES SWEDENBORG SOCIETY, 36, BLOOMSBURY STREET, OXFORD STREET. NEW-YORK PUBÎ.ISIIING HOUSE 0F THE GEN. CONVENTION OF THE SEW JERUSALEM 20, COOPER UNION. 1865

Melanges J.F.E LE BOYS DES GUAYS T IV

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J. F. E. LE BOYS DES GUAYS

2e VOL.

COLLECTION

M É L A N G E SCONCERNANT LA NOUVELLE JÉRUSALEM

TOME QUATRIEME.

S A I X T - A M A N D (CHER)

A la Librairie de LA NOUVELLE JÉRUSALEM, chez Porle, libraire.

PARISM. MISOT, RL'E DE SÈVRES, 96.

E. JIING-TRECTTEL, LIBRAIRE, RUE DE LILLE, 19.

LOS DUES

SWEDENBORG SOCIETY, 36, BLOOMSBURY STREET, OXFORD STREET.

N E W - Y O R KPUBÎ.ISIIING HOUSE 0F THE GEN. CONVENTION OF THE SEW JERUSALEM

S» 20, COOPER UNION.

1865

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AVERTISSEMENT.

Ce second Volume de Mélanges, par Le Boys desGuays, était imprimé sous sa direction jusqu'à lapage 288, lorsque la carrière de cet infatigable tra-vailleur a été soudainement interrompue par samort, le 18 décembre 186-i.

C'était pour nous à la fois un pressant devoir etune douce tâche que de pourvoir à l'achèvement dece Recueil de souvenirs personnels de notre ami etcollaborateur bien-aimé. Heureusement les maté-riaux pour cela se trouvaient tout préparés par lui;les extraits de sa correspondance, transcrits de samain jusqu'à la date du 25 juin 1862; les Lettres de-vant fournir des extraits à la suite, désignées jusqu'àcelle du 2o juillet 1863 ; le reste à choisir jusqu'à lafin du Recueil de copies de sa volumineuse corres-pondance, tout entier de sa main, nouveau et pré-cieux témoignage de sa prodigieuse activité, quenous a confié avec le reste de ses manuscrits sa dignecompagne, notre chère sœur en la Nouvelle Églisedu Seigneur, Mme Le Roys des Guays.

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Pour maintenir ce Volume dans des bornes quidéjà dépassent celles du Volume précédent, il a fallulimiter le nombre et l'étendue des extraits, cedont notre ami lui-même avait d'ailleurs donnél'exemple, en réservant tout ou partie de plus d'undes extraits qu'il avait d'abord transcrits. Nousréunissons ci-après, dans une courte Notice, desrenseignements qui serviront à coordonner et à com-pléter ceux qu'il a donnés dans ces Volumes sur sapersonne et sur son œuvre.

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NOTICE

S U R L E B O Y S D E S G U A Y S

« LE BOTS DES GDAYS (Jean-François-Élienne) naquit àChâtillon-sur-Loing (Loiret), le 18 octobre 179/i.

» Sa famille appartenait depuis longtemps à la magistra-ture. Son grand-père, l ieutenant particulier au baillage etprésidial de Montargis, fut député de cette ville à l'Assem-blée nationale de 1789, et remplit sous l'Empire les fonc-tions de procureur général; son père avait servi dans lamaison militaire de Louis XVI.

» Après avoir fait les dernières campagnes de l'Empire,le jeune Le Boys des Guays étudia le Droit à Paris, se fitinscrire en 1823 au tableau des avocats près la Cour royaleet, livré spécialement à l'élude du Droit romain, il donnaen 1826, dans la 2e livraison de la Thëmis, une dissertationsur le Furtum prohibilum d'après la loi des XII Tables.

» Nommé juge au tribunal civil de Saint-Amand (Cher),en 1827, M. Le Boys des Guays se retira de la magistraturequelques années après et (à partir de 1838) se consacra en-tièrement à la propagation des doctrines de la Nouvelle Jé-rusalem ou Nouvelle Église du Seigneur Jésus-Christ, entraduisant du latin en français et en publiant à ses frais,avecl'aide de quelques généreux amis, les Écrits de Sweden-borg. »

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Telles sont les indications sommaires qui, rédigées d'aprèsune note fournie par notre ami lui-même, parurent en 1859dans un Recueil biographique où elles servaient d'introduc-tion à la liste de ses publications concernant la NouvelleÉglise parues jusqu'à celte époque. Outre une occasion depublicité à donner à celle liste, il avait particulièrement envue la rectification de plusieurs inexactitudes que présentait àson égard un autre Recueil, le Dictionnaire biographiquedes Contemporains, au moins dans sa première édition.

Faible de conslitution dans ses premières années, le jeuneLe Boys des Guays, à peine sorti du collège de Monlargis,donna néanmoins bientôt des preuves d'énergie morale.C'était le temps des grandes levées d'hommes, vers la fin del'Empire; et un moyen d'améliorer les conditions du servicemilitaire était de devancer l'appel. C'est ainsi, qu'engagé vo-lontaire dans la cavalerie, il fit la campagne de Leipzig, etprit part à des charges qui se renouvelèrent pendant touteune journée de la grande balaille, terminée le 18 octo-bre 181Û, le jour même où il atteignait l'âge de 20 ans ac-complis. A la balaille de Uanau, renversé de son cheval, ilfut blessé d'un coup de lance à la cuisse droite. L'année sui-vante, attaché comme secrétaire à un jeune colonel, il assis-tait en témoin à la bataille de Waterloo.

De ses campagnes militaires il gardait un souvenir in-digné des abus de la force qu'il avait vu exercer contre despopulations sans défense.

Après ses études de droit et le stage d'avocat, nomméjuge à St-Amand, M. Le Boys y épousa Mlle Clothilde Rollet,petite-fille de M. Tabouet, magistrat dont le siège au tri-bunal de cette ville, devenu vacant par sa retraite, était pré-cisément celui que venait occuper le nouveau juge.

A la suite de la révolution de juillet 1830, sur la demandede ses concitoyens de Saint-Amand, M. Le Boys des Guaysfut nommé sous-préfet de l'arrondissement dont cette ville

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III

est le chef-lieu; mais la réaction qui bientôt se manifestadans la politique du gouvernement ne le laissa pas longtempsdans ces fonctions (*) ; il rentra alors définitivement dans lavie privée, donnant cours à son activité par la rédaction d'unouvrage de droit resté inédit, sur la loi romaine des XIITables.

C'est dans ces circonstances que son attention fut appeléesur un ordre de faits dont jusque-là il n'avait pas eu l'occa-sion d'acquérir la connaissance.

On racontait des choses étranges d'un petit pâtre, enfantabandonné, employé à la garde des pourceaux sur les terresd'une ferme appartenant à la famille Rollet, — des faits in-diquant une vue indépendante des obstacles matériels, desperceptions du genre de celles que les adeptes du magné-tisme,, suivant leurs écrits, prétendaient provoquer par leursopérations. Étonné de ces faits, M. Le Boys recueille l'enfant,se procure les ouvrages les plus célèbres sur le magnétisme,expérimente sur son « sujet » et obtient des résultats quidépassaient ceux qu'avaient publiés les magnétiseurs decette époque. Là-dessus, disposé à engager avec ardeur lalutte en faveur du progrès des lumières sur cet ordre defaits, il se rend à Paris avec Mme Le Boys et l'enfant qu'ilse proposait de présenter aux corps savants.

Arrivés à Paris en novembre 183i, M. et Mme Le Boys desGuays y rencontrèrent quelqu'un avec qui la conversationengagée les amena à parler du motif de leur voyage. Cetinterlocuteur se montrait très au fait de ce genre de phéno-mènes, et assura qu'il leur ferait connaître des ouvragesoù ils en trouveraient l'explication, avec beaucoup d'autreschoses encore plus surprenantes; c'était le Traité du Ciel

(') ïci et dans le paragraphe sur la jeunesse et les campagnes militaires deM. Le Boys, nous avons rectifié, d'après les renseignements de M°e Le Boys,plusieurs inexactitudes qni nous avaient échappé dans la Notice adressée àVlntrll. Tîpposîforj/ de février 1865.

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IV

et de l'Enfer et quelques autres ouvrages de Swedenborg queleur prêta M. Caudron. M. Le Boys, ravi des lumières qu'ildécouvre dans ces ouvrages, les dévore et se hâte de s'enprocurer la collection, telle qu'elle existait alors ; mais enmême temps, jugeant que les explications qu'il obtient neseraient pas du goût des corps savants, il retourne à Saint-Amand avec son sujet, sur lequel il poursuit d'abord sesexpériences, tout en se livrant à l'élude de son nouveau tré-sor. Bientôt, cependant, éclairé à la fois par ses expériencesmême et par les enseignements si précis de Swedenborg,sur les dangers que présente la provocation des communi-cations spirituelles, il l'abandonne absolument et, préoccu-pé d'intérêts plus élevés, se livre entièrement à l'étude ra-tionnelle et à la propagation des enseignements de cettedoctrine céleste que la divine Miséricorde envoie au mondecomme un nouveau secours pour la guérison de nos maux;secours promis pour conduire l'humanité vers les destinéesglorieuses que lui prépare l'avènement du règne fu tu r duSeigneur, en esprit et en vérité.

Dans le volume de Mélanges déjà publié et dans celui-ci,on trouvera les documents qui retracent l'histoire des effortsde notre ami pour la propagation des doctrines de la Nou-velle Église, et d'abord : ouverture du culte public dans samaison à Saint-Amand, le 18 novembre 1837 (voir tome 1",page 409) ; fondation, en mars 1838, de ta Nouvelle Jérusa-lem, Revue religieuse et scientifique, dont les livraisonsmensuellesétaient alternativement accompagnées des feuillesdétachées de deux ouvrages : les Arcanes Célestes, cepremier et grand ouvrage théologique de Swedenborg, quiparaissait alors pour la première fois en français, et l'Apo-calypse dans son sens spirituel, extrait de Swedenborg(volume complété en 18ûl, voir ci-après, page 285). Outreces travaux et les articles ici réunis, il fournit encore à la

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Revue, de 1841 à 18Ù8, la série des « Lettres à un hommedu monde qui voudrait croire,» Lettres réimprimées à parten 1852, traduites et publiées depuis en Angleterre el enAmérique à plusieurs éditions, en anglais et en allemand.

Quelques disciples anciens et nouveaux de nos doctrinesapporlèrent à celle Kevue une part de collaboration, le con-cours de quelques articles: mais noire ami, seul signataireresponsable, portait le poids de la rédaction principale elcelui des avances de fonds. Or, l'excédant de la dépense surla recelte ne fit que s'accroître d'année en année jusqu'à ladixième de l'existence de celte publication •. c'esl alors, en18A8, qu'elle dut être suspendue. Mais le dévoué travailleurn'adoptait ce grave parti qu'avec la résolution de consacreravec d'autant plus d'énergie tout son temps et loules lesressources dont il pourrait disposer à la Iraduclion el à lapublication des ouvrages de Swedenborg.

Déjà avaient paru, feuille à feuille, avec les livraisons de1 Revue el sur son budgel, cinq volumes des Arcanes Cé-lestes, plus deux autres, imprimés aux frais d'un disciplede la nouvelle doctrine, et quelques-uns des opuscules deSwedenborg, publiés en partie aux frais du même ami et enpartie au moyen de souscriptions.

Dans une lettre de février 1853 (voir ci-après, page 288),M. Le Boys raconte, ce que plusieurs de nos amis peuventse rappeler avoir entendu de sa bouche, comment un jour ils'était posé ce problème : combien, avec un bon emploi deson temps, lui faudrait-il d'années pour achever de traduiretous les ouvrages lliéologiques de Swedenborg ? — II savaitpar expérience ce qu'il pouvait traduire par jour (dix pagesin-8° de texte latin, nous disait-il). Le calcul fait sur cellebase, en 18i3, lui donnait pour résultat un compte de septannées ; et en 1850, en effet, le tout élail traduit.

En celle même année 1850 parurent, outre un nouveauvolume des Arcanes, plusieurs des opuscules de Sweden-

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borg marquant la reprise des publications, puis le Traité duCiel et de l'Enfer (*) imprimé aux frais d'un nouveau dona-teur qui, depuis, contribua puissamment à l'achèvement del'œuvre.

En 1851, l'exposition universelle de Londres l'ut l'occasiond'une réunion de disciples de nos célestes doctrines, à la-quelle M. Le Boys eut la satisfaction d'assister, accompagnéde quelques amis, et où il trouva des sympathies qui ne tar-dèrent pas à se manifester (**). Une souscription, ouvertel'année suivante parmi nos frères d'Angleterre, fut un se-cours très-opportun pour la suite des publications. A l'im-pression des Arcanes, terminée en 185/1, succéda immédia-ment celle de l'Apocalypse Expliquée, et de front marchaitcelle d'autres ouvrages : Vraie Religion Chrétienne, de laNouvelle Jérusalem, Sagesse Angélique, Amour Conjugal,l'Apocalypse Révélée, etc.

Dans cette même année 1854, l'ami déjà mentionné,M. Emm.de L... C....,qui depuis plusieurs années aidait lar-gement M. Le Boys dans ses publications, meurt, mais en luilaissant un legs qui assurait l'achèvement de l'œuvre (voirpage 426).

L'année 1857 amenait l'anniversaire séculaire de l 'inau-guration du nouveau règne du Seigneur au moyen du Ju-gement opéré par Lui dans le Monde spirituel en 1757.Notre ami, en reconnaissance des secours qu'il reçut, célébracette date en imitant un exemple donné par Swedenborg.Cent et quelques bibliothèques publiques de la France et de

(*) II est à remarquer qu'on avait dû conimeacer de préférence pa> des ou-vrages non compris parmi les traductions de Moët, de Versailles, publiées de18)9 à (821 aus frais de M. A. Tulk, membre du Parlement d'Angleterre.L'ancienne traduction du Traité du Ciel et de l'Enfer, se trouvant la premièreépuisée, fut aussitôt avantageusement remplacée par celle de Le Boys desGuays.

(") On trouvera plu^ loin (page 2i7),k t e x t e d 'une brochure publiée Ionde cette solennité.

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VII

l'étranger reçurent le don de la collection des œuvres théo-logiques de notre auteur, en tout plus de cinq mille volumes(voir pages 334, 337).

Cet anniversaire fut en Angleterre l'occasion d'un nou-veau et solennel rendez-vous de disciples des doctrines dela Nouvelle Église, de différentes nations, à Manchester,pendant l'exposition internationale des chefs-d'œuvre del'art ouverte dans cette ville. L'accueil chaleureux de nosfrères d'Angleterre vint encore resserrer et multiplier lesliens d'affection précédemment formés entre eux et nous.

La collection des œuvres primitivement éditées par Swe-denborg se trouvait alors déjà complète; enfin, en 1859, futachevée la publication de son grand ouvrage posthume,l'Apocalypse Expliquée, et ainsi la série entière de sesœuvres théologiques à partir des Arcanes Célestes, et, cequi ne s'était vu nulle part ailleurs, par un même traduc-teur.

Ce traducteur, en outre, ajoutait à son œuvre de précieuxtravaux d'éditeur dans ces Tables analytiques et Index qu'ilavait coutume de joindre à chaque ouvrage. Swedenborg,dans son Index de l'Apocalypse Révélée, avait donné le mo-dèle le plus perfectionné du genre, celui que notre ami LeBoys s'est partout appliqué à suivre. Quiconque fera usagede ses Tables en sentira le prix (*).

Une pensée qui se présentait naturellement était celle deréunir en un ensemble toutes ces Tables ou Index particu-liers (voir pages 290, Ù36). Notre ami a pu la réaliser seule-ment en partie dans son Index général des passages desÉcritures cités ou expliqués dans les Ouvrages de Sweden-borg (voir page 398). Le besoin que nous en ressentionsnous-mêmes fut le motif qui l'engagea à en hâter l'achevé-

es Traduites par une de nos sœurs d'Angleterre, la p lupar t onl été jointesaui éditions anglaises des mêmes ouvrages.

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V I I I

ment. Publié en 1859, cet Index trouva aussitôt son appli-cation à notre travail sur le Livre d'Ésaïe : Èsaias, traduc-tion latine de Swedenborg avec ses explications du sens spi-rituel en colonnes parallèles, complétée, annotée, ouvrageque nous présentâmes à nos amis de la conférence de Lon-dres dans la troisième grande réunion convoquée à l'occa-sion de l'exposition universelle de 1862. C'était le spécimend'un plan d'édition de la Sainte Écriture dont nous aurionsaimé étendre l'exécution à toutes ses parties, l'étude de laversion de Swedenborg et du sens spirituel nous paraissantêtre la préparation nécessaire à toute bonne traduction(voir page 408). Le manuscrit latin des Quatre Évangé-(istes, préparé sur le même plan par mon laborieux colla-borateur, nous servit pour l'édition du Nouveau Testament,premier essai de notre version française de la divine Parole,publié aux frais d'un généreux ami (voir page 414) et ache-vé en même temps que YÉsaïas, en 1862.

L'expérience acquise alors nous fit comprendre l'avantagequ'il y aurait à mener de front l'un et l'autre travail : lelatin, d'après Swedenborg, et le français: c'est ce que nousentreprimes de faire pour le livre des Psaumes, encore encours d'impression: c'est dans le désir de comprendre dansnotre travail les citations inédites de VIndex Bibiicits deSwedenborg que, pour en faire les extraits, nous nous ren-dîmes, en 1862, à Tubingue auprès de notre ami le docteurïafel (voir pages 441, 443).

Tafel! Le Boys des Guays! ces deux dévoués et infatigablesouvriers dans l'œuvre de la Nouvelle Église du Seigneur ontété appelés à ce repos où leurs œuvres les suivent (*). Ledimanche 18 décembre 1864, notre ami Le Boys, saisi d'uneindisposition qui l'empêcha de présider au culte ce jour-là,dut se mettre au lit à 5 heures du soir; à 7 heures, dans

',') l'oir. sur la mort du docteur Tafel, l'âge 461.

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IX

une courte crise, son esprit avait quitté son enveloppe mor-telle.

La veille de sa mort il venait de corriger la dernièrefeuille d'épreuve d'un travail capital : son Index Méthodi-que des Arcanes Célestes, en deux volumes in-8°. Un troi-sième volume supplémentaire, en partie imprimé depuislongtemps (voir page AÙ9), attend son complément pourlequel des matériaux se trouvent heureusement préparés.

Pour ÏIndex Méthodique de l'Apocalypse Expliquée, leseul aujourd'hui manquant des Index particuliers, un pre-mier travail préparatoire était fait et la rédaction commencéejusqu'au mot «Apocalypse». Notre ami M. Blanchet, grâceslui en soient rendues, a accepté la tâche importante de cetterédaction.

Toujours devançant la publication., trop lente à son 'gré,retardée qu'elle était par les difficultés que présentait mapart de la lâche, celle de la révision sur les originaux, etpar d'autres raisons, M. Le Boys a laissé, préparés en ma-nuscrits sur le plan de notre Èsaïas, outre les Livres desQuatre Évangélistes et des Psaumes, ceux de Jérëmie,des Lamentations et de Josué; et en français, préparésd'après la version de Swedenborg complétée par celle deSchmidt, Ésaïe et Jérémie.

Nous n'avons pas parlé des ouvrages accessoires d'intro-duction à la doctrine publiés ou réimprimés par ses soins :Exposition Populaire de la Vraie Religion Chrétienne, parA. Blanchet; La Religion du Bon Sens et deux volumes deMélanges d'Éd. Kicher; VAppelât Noble et les Particula-rités de la Bible, par Rendell ; l'Abrégé de la Vraie Reli-gion Chrétienne, par Rob. Hindmarsh, et ses Lettres auDocteur Priestley, traduites par M. Eug. Rollet: enfin cesvolumes de Mélanges, dont nous présentons ici le second.

Rien, en effet, ne pouvait mieux répondre à nos senti-ments d'affection et, nous le croyons, à l 'attente des nom-

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breux amis de Le Boys des Guays, que de commencer parces souvenirs personnels la reprise de la tâche de notre chercollaborateur.

Cette tâche, nous voulons, avec le secours de la divineMiséricorde du Seigneur, la poursuivre selon la mesure denos forces, selon l'aide et les ressources dont nous pourronsdisposer par l'appui de nos frères. Nous rendons grâces ici àceux qui déjà nous secondent, à l'un d'eux surtout qui, aprèsavoir eu la plus grande part au soutien de l'œuvre denotre collaborateur (voir pages A08 et suiv.), nous continueson généreux appui.

Puisse le Seigneur bénir nos communs efforts et les faireservir à l'avancement de son règne.

Auc. IIARLÉ.

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T A B L E .

De l'État de la Nouvelle Église en France 1Sur le souci du lendemain et sur l'état de paix 9Du moyen d'obtenir le bonheur. Esquisse 16Un mot sur les réminiscences 21La Société sera religion 27De la nécessité, pour les Novi-Jérusalémites, de substituer le Tu

au Vous dans les traductions de la Parole 40Exégèse. Jean.— Chapitres XX et XXI 47

Vocabulaire pour les Chap. XX et XXI 51Chapitre XX 64Chapitre XXI 84

Exégèse. Généalogie de Jésus-Christ 102Objection et réponse sur un Article concernant les Généalogies

de Jésus-Christ 118Exégèse. Nouvelles observations sur les Généalogies de Jésus-

Christ 124Addition à l'Article ayant pour titre : Généalogie de Jésus-Christ. 129Appel aux membres de la Nouvelle Église pour la publication des

ouvrages de Swedenborg et le soutien de la Revue 159L'Union chrétienne 153Nécessité d'une nouvelle Traduction de la Parole Divine . . . . 157Projet d'une Traduction latine de la Parole Divine 169État de la publication française des ouvrages de Swedenborg

dans l'année 1847 175La Revue Gallicane 180Digression sur la politique 188Sur l'établissement de la Nouvelle Église en Europe 191

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X I I

Sur le Rétablissement des Juifs dans la terre de Canaan . • . • 201Sur Pie IX en 1817 208Sur la liberté de conscience 215Danger de la Propagande dans l'état actuel de la France . . . . 220Réflexions sur la révolution de 1848 226Le danger de la propagande devient plus grand 231De la Religion considérée dans son action sur l'état de la société. 217CORRESPONDANCE. — Sur la question des montagnes 278Sur le spirituel 282Publications de 1858 à 1832 285Sur la substance et la forme 295État de la Nouvelle Église en France 501État spirituel de la France 506Des substances 508Réponses à quelques questions 510Danger des communications avec le Monde des esprits 515De l'origine du mal 521Sur l 'élection et la prédestination 525Réponses à diverses questions 529Anniversaire séculaire. Distribution aux bibliothèques . . . . 552De l'origine du mal 559Des répétitions dans Swedenborg 545De l'établissement de là Nouvelle Église 517Doit-on at tendre de quelque autre un supplément des Écrits de

Swedenborg 560Publication de l'Index général des passages de la Divine Parole

cités dans les Écrits de Swedenborg 598Société de la Nouvelle Église à l'île Maurice 102Version la t ine des Saintes Écritures d'après Swedenborg. Esaïas. 408Fondation d'un journal (l'Echo de la Nouvelle Jérusalem) à l'île

Maurice. Instruction de jeunes Nègres et Indiens 112Publication des Saintes Écritures. Nouveau Testament en français 414Élablissement du culte; église de l'île Maurice 417Don de M. Ediu. de Cliazal, de l'île Maurice. Envoi de livres au

Canada 420

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XII I

Conseils et directions à l'église de l'île Maurice . . • . . . . 431CORRESPONDANCE; suile. — Voyages à Tiibingue et à Londres. . 441

Ouvrage de M. Malter sur Swedenborg 414Conférences avec M. Matter 446Sa déclaration 451De l ' inf lux 455Mort du docteur Tafel 461De la révélation faite à Swedenborg 464Signes des temps 467

Notes additionnelles 469

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-

E R R A T A

Page 9, ligne 3, 5e soutira, lisez : se souciera.— 56, — 18, tout corps, lisez : tout le corps.— 64, — 22, tes Ver-, lisez : les Versets.— Mih, — ll\, bien moins, lisez : moins bien.— 155, — 16, des doctrines, lisez : ses doctrines,— 201, — 3, divers, lisez : diverses.— 217, — 21, obtenu, lisez : obtenue.— 218, — 20, ou de jésuite, lisez : ou de jésuites.— 395, — 19, amenées, lisez : amenés.

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• • • • ' .

SUR L'ÉTAT DE LA NOUVELLE ÉGLISE

EN FRANCE*

Qu'on nous permette, en commençant cettesixième année de notre Revue, de présenter quel-ques considérations sur l'état de la Nouvelle Égliseen France.

Après cinq ans d'efforts publics pour la propaga-tion de la Nouvelle Jérusalem, on serait en droit denous demander quels résultats nous avons obtenus.

Aux yeux du monde ils sont peu apparents, auxyeux de tout disciple ils sont immenses.

Mais, pourrait-on ajouter, pourquoi le mondecontinue-t-il à montrer de l'indifférence pour desdoctrines qui, selon vous, sont seules capables de lerendre heureux ?

Nous pourrions donner ici plusieurs raisons queceux qui sont censés nous interroger connaissentaussi bien que nous; mais nous nous contenteronsde présenter celle-ci, qui est la principale :

Le Seigneur a dit :« Le serviteur qui connaît la volonté de son Sci-

» gneur, et ne s'est pas préparé et n'a pas fait selon

* Mars 1813.

1.

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2 SUR L'ÉTAT DE LA NOUVELLE ÉGLISE

» sa volonté, sera battu beaucoup ; mais celui qui ne» l'a pas connue, et qui a fait des choses dignes de» châtiments, sera battu peu. » — Luc, XII. 47, 48.

Connaître la volonté du Seigneur, c'est évidem-ment, dans le sens le plus proche de la lettre, con-naître les vérités Divines ; et ne pas faire cette vo-lonté, c'est ne pas les mettre en pratique. Voir Arc.Céi. N° 7790.

Or, dans l'état actuel de la Société, si les véritésDivines que nous développons dans notre Revueeussent été accueillies avec empressement par le pu-blic, n'eût-il pas été à craindre que la plupart deceux qui les auraient d'abord reçues avec plaisir neles eussent ensuite abandonnées par la difficulté deles mettre en application dans leur propre vie? Loind'être améliorée, leur position spirituelle en seraitdonc devenue plus déplorable, puisqu'ils auraientconnu la volonté du Seigneur, et auraient refusé de lafaire.

Le Seigneur étant le Père de tous les hommes veutle bonheur de tous ses enfants; il ne peut, il estvrai, les contraindre à être heureux, puisqu'il les acréés libres; mais par sa Divine Prévoyance il s'ef-force continuellement de les préserver des épreuvesqui seraient trop fortes pour eux, et qui pourraientpar conséquent rendre leur position spirituelle plusdangereuse. Le Seigneur veille donc avec la plustendre sollicitude à ce que la doctrine de sa NouvelleÉglise reste inconnue et indifférente à ceux qui ne

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EN FRANCE. à

pourraient pas la mettre en pratique : il vaut mieuxpour eux qu'ils restent dans leurs erreurs ; et il est,en outre, d'un grand intérêt pour la Nouvelle Églisequ'ils n'entrent pas dans son sein ; son établissementn'en deviendra que plus solide.

Telle est la principale raison qui s'oppose à un ac-croissement trop rapide du personnel de la NouvelleJérusalem.

Quant aux résultats immenses qui ont été obtenus,il n'est pas un seul disciple qui ne trouve dans lesfaits relatifs à l'Église, pendant ces cinq dernièresannées, des preuves évidentes que le Seigneur l'apréservée de mille embûches dressées contre elle parl'ennemi, et que toutes les épreuves qu'elle a subiesont tourné à son avantage et servi à sa consolida-tion. D'ailleurs, ce que nous disons de l'Église engénéral, chaque disciple peut se l'appliquer à lui-même en particulier : que chacun passe en revue lesévénements qui ont agité sa vie pendant ces cinqannées, et il reconnaîtra qu'il n'est pas une seule deses épreuves dont le Seigneur n'ait tiré parti pour lefaire progresser dans la vie spirituelle.

Le progrès de la vie spirituelle, voilà le but oùnous devons tous tendre; nous devons nous régéné-rer, non-seulement pour notre propre bonheur, carsi nous n'étions mus que par ce sentiment, ce seraitun égoi'sme spirituel, mais nous devons surtout nousrégénérer dans la vue de coopérer à la consolidationd'une Église qui fera le bonheur de l'humanité tout

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4 SUR L'ÉTAT DE LA NOUVELLE ÉGLISE

entière, car le progrès réel d'une véritable Égliseconsiste dans le degré de régénération de ses mem-bres, et nullement dans l'augmentation rapide deleur nombre.

Mais, dira-t-on encore, si la Nouvelle Église restelongtemps concentrée parmi un petit nombre d'hom-mes, l'humanité entière en souffrira, puisque, d'a-près vos principes, c'est de la Nouvelle Jérusalemseule qu'elle doit attendre son bonheur. Nous nesaurions en disconvenir; mais la précipitation a-t-elle jamais été de la prudence? et pour vouloir at-teindre plus vite le moment désiré où les hommesvivront en frères, ne risquerions-nous pas de le re-tarder, en contrariant les voies secrètes de la DivineProvidence? Ne nous laissons donc pas détourner dela route que nous avons suivie jusqu'à présent; con-tinuons tous à agir avec la plus grande circonspec-tion, et ne soyons nullement découragés par le peude succès apparent de nos doctrines. Le Seigneurfera fructifier en leur saison les semences que chacunde nous répand.

Travaillons avec persévérance à notre œuvre, etlaissons ceux qui courent après un bonheur qui lesfuit toujours, recevoir mécompte sur mécompte; ilsne nous écouteraient pas, tandis que l'expériencepourra du moins leur ouvrir les yeux, et les con-vaincre enfin qu'ils ont fait fausse route.

Laissons le Catholicisme-Romain et le Protestan-tisme accélérer, dans un esprit de secte, le réveil re-

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EN FRANCE. 5

ligieux qui se manifeste de tous côtés, et même ré-jouissons-nous de leurs efforts; ils travaillent, sansle savoir, à l'édifice spirituel de la Nouvelle Églisedu Seigneur.

Laissons les'Socialistes de toutes les nuances accé-lérer le renouvellement de la vieille société, et mêmeréjouissons-nous de leurs efforts ; ils travaillent, sansle savoir, à l'édifice naturel de la Nouvelle Église duSeigneur.

Il est aujourd'hui un grand nombre d'esprits éle-vés qui désirent vivement le bien général; mais laplupart d'entre eux, avant d'entrer dans la NouvelleJérusalem, ont encore une déception à subir : ilspensent que ce qui s'oppose seul au bonheur de l'es-pèce humaine, c'est la misère qui pèse sur les masses.Quand les masses seront sorties de leur misère, l'onverra encore les hommes aussi malheureux qu'ils lesont maintenant, non sous le rapport physique, maissous le rapport moral; et comme les maux morauxsont plus difficiles à supporter que les maux physi-ques et bien plus dangereux pour la société, il fau-dra bien alors que les amis de l'humanité soient for-cés d'avoir recours au principe religieux. Déjà mêmeil en est parmi eux plusieurs qui l'invoquent, maisce n'est encore que comme accessoire et non commeprincipal; ils l'invoquent comme un frein, c'est-à-dire qu'ils voudraient en faire un auxiliaire de la lé-gislation humaine ; mais quand cette dernière expé-rience leur aura démontré que le principe religieux,

i*.

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6 SUR L'ÉTAT DE LA NOUVELLE ÉGLISE

pour produire son effet salutaire, doit être le princi-pal, alors ils s'en occuperont non-seulement pour lesautres, mais encore pour eux-mêmes; et quand ils enseront arrivés là, leur intérêt propre les forcerad'examiner sérieusement la valeur intrinsèque desdivers systèmes religieux.

Oh ! c'est alors que le résultat d'un examen faitpar des hommes ainsi préparés ne pourra manquerd'être tout à l'avantage de la Nouvelle Église. Quelest parmi eux celui qui voudra faire taire sa con-science'pour croire aveuglément aux décisions de cesassemblées tumultueuses et passionnées qu'on nommeConciles, lorsqu'on les comparera aux doctrines cé-lestes que renferment les écrits de Swedenborg? Au-jourd'hui, Catholiques-Romains et Protestants segardent bien de parler de leurs dogmes; ils s'entiennent prudemment à une sorte de morale, sûrs deplaire à leurs auditeurs instruits, qui les écoutentpar habitude ou pour donner l'exemple, et qui neveulent de la religion que pour ce qu'ils appellent lepeuple; mais quand les auditeurs instruits voudrontsérieusement aussi pour eux-mêmes des croyances, ilfaudra bien que prédicateurs et publicistes religieuxabordent enfin les questions dogmatiques.

Jusqu'à ce que nous soyons parvenus à cette épo-que, nous chercherions en vain à appeler le Catholi-cisme-Romain et le Protestantisme sur le terrain dela discussion; nos appels depuis cinq ans n'ont pasété entendus, ils resteraient encore sans réponse, Ce

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EN FRANCE. 7

n'est donc plus de ce côté que nous devons porternos efforts; toutefois, si nous étions attaqués, nousrépondrions; mais maintenant nous avons mieux quecela à faire : pendant que le Protestantisme et le Ca-tholicisme-Romain vont de nouveau lutter ensembledans un esprit de secte; pendant que l'un et l'autrese déchireront par des guerres intestines qui existentdéjà dans le Protestantisme, et qui ne tarderont pasà se manifester dans le Catholicisme-Romain, res-tons simples spectateurs de ces combats et préparonsdans le silence tous les travaux qu'il nous reste à ef-fectuer pour populariser la Vraie Religion Chré-tienne.

Nous n'avons pas, comme la Primitive ÉgliseChrétienne, à formuler un Symbole, à composer uneDoctrine; tout cela est fait, tout est posé clairementet sans aucune ambiguïté dans les écrits de Sweden-borg, et tout s'y trouve en parfaite conformité avecla Parole de l'Ancien et du Nouveau Testament.Ainsi, point de discussion entre nous sur ces sujets,qui ont causé tant de débats dans l'Église précé-dente ; nous ne perdrons pas un temps précieuxdans des arguties théologiques; nous marcheronscomme un seul homme à la conquête de tous ceuxqui sont à la recherche du vrai pour faire le bien, etnous n'aurons pour armes que les sublimes enseigne-ments que le Seigneur nous a transmis par son fidèleServiteur.

Mais ces enseignements, nous ne les possédons pas

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8 SUR L'ÉTAT DE LA NOUVELLE ÉGLISE.

encore tous, ou plutôt nous ne sommes pas encoreen mesure de les mettre tous sous les yeux du public,puisque la plus grande partie des écrits de notreSwedenborg n'ont pas encore été imprimés en fran-çais. Empressons-nous donc de remplir cette lacune ;que ce soit là notre tâche principale, et poursuivons-la avec persévérance. Le Seigneur, qui connaît nosintentions, nous donnera les forces nécessaires, carsans lui nous ne pouvons rien faire.

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SUR LE SOUCI DU LENDEMAIN ET SUR l'ÉTAT DE PAIX.

« Ne soyez donc pas en souci pour le lendemain; car le» lendemain se soutira de ce qui le concerne. »

MATTH. vi. 34.

Lorsqu'on ignore que l'Écriture-Sainte renfermeun sens interne, ne doit-on pas être porté à croireque le Seigneur, en prononçant ces paroles devant lafoule assemblée sur la montagne, a présenta l'hommede ne prendre aucun soin de ce qui concerne leschoses nécessaires à son existence terrestre ? Nedoit-on pas, en outre, être confirmé dans cette opi-nion par les passages qui précèdent, et dont celui-cin'est que la conclusion ? Et cependant tel n'a pu êtrel'intention du Divin Législateur. Il suffit d'un mo-ment de réflexion pour reconnaître que le Seigneurn'a pu prescrire à l'homme une insouciance totalepour les choses terrestres, insouciance qui aurait étépréjudiciable non-seulement à l'individu, mais en-core à l'espèce humaine en général, car l'insoucianceainsi portée jusqu'à l'imprévoyance eût été subver-sive de l'ordre social. Mais quand on sait que la Pa-

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10 LE SOUCI DU LENDEMAIN.

rôle, par cela seul qu'elle est Divine, n'a dû s'occu-per que de choses spirituelles; et que, si elle sembletraiter de choses terrestres, c'est parce que les idéesspirituelles, pour qu'elles soient saisies par la géné-ralité des hommes, ont besoin d'être revêtues pardes idées terrestres; alors l'intention du Seigneur semanifeste clairement, et il est facile de reconnaîtrequ'il a prescrit à l'homme, non de rejeter toute pré-voyance humaine, mais d'avoir une entière confiancedans la Miséricorde Divine, en subordonnant en tou-tes choses la propre prudence à la Divine Pré-voyance.

Ce point important ayant été traité par Sweden-borg, il nous suffira, pour illustrer le sujet, de pré-senter les développements qu'il donne dans le N° 8478des Arcana Cœlestia.

« Celui qui ne regarde pas au-delà du sens de lalettre peut croire qu'on doit rejeter tout souci pourle lendemain, et par conséquent attendre chaque jourdu Ciel les nécessités de la vie ; mais celui qui consi-dère la chose plus profondément que d'après la lettre,celui, par exemple, qui la considère d'après le sensinterne, peut savoir ce qui est entendu par le soucidu lendemain : II n'est pas entendu le souci de seprocurer la nourriture, le vêtement, et ce qui estnécessaire pour le temps à venir, car il n'est pascontre l'ordre de pourvoir à ses propres besoins età ceux des siens ; mais ceux qui ont le souci du len-demain sont ceux qui ne sont pas contents de leur

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LE SOUCI DU LENDEMAIN. il

sort, qui mettent leur confiance, non dans le Divin,mais en eux-mêmes, et qui considèrent seulement leschoses mondaines et terrestres, et non les chosescélestes; chez eux régnent universellement la solli-citude pour l'avenir, le désir de posséder tout et dedominer sur tous, désir qui s'enflamme et s'accroîtselon qu'il est alimenté, et qui dépasse enfin toutemesure; ils s'affligent s'ils ne possèdent pas ce qu'ilsconvoitent, et se tourmentent quand ils font despertes; il n'y a pas pour eux de consolation, caralors ils s'irritent contre le Divin ; ils le rejettentavec tout ce qui est de foi, et ils se maudissent; telssont ceux chez lesquels il y a le souci du lende-main.

» II en est tout autrement de ceux qui se confientau Divin : Ceux-ci, quoiqu'ils aient le souci du len-demain, cependant ils ne l'ont point; car ils ne pen-sent point au lendemain avec inquiétude, ni moinsencore avec anxiété; ils sont d'un esprit égal, soitqu'ils possèdent ce qu'ils ont désiré, soit qu'ils ne lepossèdent pas; ils ne se tourmentent pas non plusdes pertes, ils sont contents de leur sort; s'ils de-viennent opulents, ils ne placent pas leur cœur dansl'opulence; s'ils sont élevés aux honneurs, ils ne seconsidèrent pas comme plus dignes que les autres;s'ils deviennent pauvres, ils ne s'affligent pas; s'ilstombent dans une condition basse, ils ne perdent pascourage ; ils savent que pour ceux qui se confient auDivin tout se succède pour un état de bonheur dans

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12 LE SOUCI DU LENDEMAIN.

l'éternité, et que les choses qui leur arrivent dans letemps sont avantageuses pour cet état.

» II faut qu'on sache que la Providence Divine estuniverselle, c'est-à-dire qu'elle existe dans les pluspetites particularités, et que ceux qui sont dans lefleuve de la Providence sont continuellement portésvers les choses heureuses, de quelque manière queles moyens se manifestent; que ceux-là sont dans lefleuve de la Providence, qui se confient au Divin, etlui attribuent tout; et que ceux-là ne sont pas dansle fleuve de la Providence, qui se confient en euxseuls et s'attribuent toutes choses, puisqu'ils sontdans l'opposé, car ils enlèvent la Providence au Di-vin et se l'arrogent : il faut aussi qu'on sache qu'au-tant quelqu'un est dans le fleuve de la Providence,autant il est dans l'état de paix; et qu'autant quel-qu'un est dans l'état de paix d'après le bien de la foi,autant il est dans la Providence Divine : ceux-ci seu-lement savent et croient que la Providence Divine duSeigneur est dans toutes et chacune des choses, etmême dans les plus petites de toutes, et que la Pro-vidence Divine a en vue l'éternité. Au contraire, ceuxqui sont dans l'opposé veulent à peine entendre parlerde la Providence; mais ils rapportent tout, en géné-ral et en particulier, à la prudence, et ce qu'ils n'at-tribuent pas à la prudence, ils le rapportent à la for-tune ou au hasard; quelques-uns le rapportent audestin, auquel ils donnent pour origine la nature etnon le Divin ; ils appellent simples ceux qui n'attri-

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buent pas toutes choses à eux-mêmes ou à la na-ture. »

Ceux qui ne sont pas en souci pour le lendemainsont donc ceux qui mettent toute leur confiance dansle Seigneur, en subordonnant leur propre prudenceà la Divine Prévoyance. Ceux-là, ajoute Swedenborg,sont dans l'état de paix en proportion de ce qu'ilss'abandonnent au courant du fleuve de la Providence;mais l'état de paix dont parle Swedenborg n'est pascelui auquel le monde donne ce nom :

« Presque tout le monde, dit-il, croit que la Paixconsiste à être en sécurité au sujet des ennemis, et àjouir de la tranquillité dans la maison et entre con-citoyens ; mais la paix céleste est immensément au-dessus de cette paix-là. La paix céleste ne peut êtreaccordée qu'à celui qui est conduit par le Seigneuret qui est dans le Seigneur ; elle influe lorsque les cu-pidités, qui tirent leur origine de l'amour de soi etdu monde, ont été enlevées, car ce sont elles qui dé-truisent la paix ; en effet, elles infestent les intérieursde l'homme, et font qu'enfin il place le repos dans letrouble, et la paix dans les choses nuisibles, parcequ'il place le plaisir dans les maux ; tant que l'hommeest dans ces cupidités, il lui est absolument impossi-ble de savoir ce que c'est que la paix, il croit mêmeque cette paix est une chose de néant ; et si quelqu'undit que cette paix vient à la perception lorsque lesplaisirs qui dérivent de l'amour de soi et du mondeont été enlevés, il sourit; et cela, parce qu'il place

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la paix dans le plaisir du mal, qui est opposé à lapaix. » — Arc. Cél.N0 S662.

« La paix a en soi la confiance que le Seigneurgouverne tout et pourvoit à tout, et qu'il conduit àune bonne fin ; lorsque l'homme a cette conviction, ilest dans la paix, car alors il ne craint rien, et aucunesollicitude de l'avenir ne le rend inquiet; l'hommevient dans cet état en tant qu'il vient dans l'amourpour le Seigneur ; tout mal, surtout la confiance ensoi, enlève l'état de paix. On croit que le méchantest dans la paix, lorsqu'il est dans la joie et dans latranquillité parce que tout lui réussit ; mais ce n'estpas là la paix, c'est le plaisir et la tranquillité descupidités, plaisir qui simule l'état de la paix; maiscomme ce plaisir est opposé au plaisir de la paix, ilest changé dans l'autre vie en déplaisir, car le dé-plaisir est intérieurement caché en lui; les exté-rieurs, dans l'autre vie, sont successivement dérou-lés jusqu'aux intimes; la paix est l'intime dans toutplaisir, même dans le déplaisir chez l'homme qui estdans le bien ; autant donc celui-ci dépouille l'externe,autant se révèle l'état de la paix et autant il est af-fecté d'un bonheur, d'une béatitude et d'une félicitédont l'origine vient du Seigneur Même. Quant à l'é-tat de paix qui est dans le Ciel, on peut dire qu'il nepeut être décrit par aucune parole ni venir par au-cune idée du monde dans la pensée et la perceptionde l'homme, tant que celui-ci est dans le monde;cet état est alors au-dessus de tout sens; la tranquil-

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LE SOUCI DU LENDEMAIN. 15

lité d'esprit, le contentement et l'allégresse produitspar les succès ne sont rien relativement, car cela faitseulement impression sur les externes; mais la paixaffecte les intimes de toutes choses, les substancespremières et les principes des substances chez l'hom-me, et de là elle se dérive et se répand dans les sub-stanciés et dans les principiés, et elle les affecte decharme; elle affecte aussi de bonheur et de félicitéles origines des idées, par conséquent les fins de lavie de l'homme; et ainsi elle fait du mental del'homme un Ciel. » — Arc. Cil. N° 8455.

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DU MOYEN D'OBTENIR LE BONHEUR.

ESQUISSE.

Chacun parle de la religion ; tout le monde con-vient qu'il est important qu'elle soit florissante; toutle monde la veut pour les autres; et, sauf quelquesexceptions, personne ne la veut pour soi. C'est quechacun sent que la religion est un frein; et l'on aimemettre un frein aux autres, mais on ne veut pas s'enimposer un à soi-même. Voilà pourquoi ceux quis'efforcent de propager la doctrine de la NouvelleÉglise du Seigneur trouvent tant d'indifférence pourles sublimes vérités qu'elle renferme; parler auxhommes de religion, c'est prêcher dans le désert.

En est-il de même lorsqu'on parle du bonheur?—Oh ! quant au bonheur, c'est absolument l'inverse ;tout le monde le veut pour soi, et s'inquiète peuqu'il arrive aux autres. Chacun court après lui, etpersonne ne l'atteint. Pourquoi? parce que personnene sait en quoi consiste le bonheur; parce que chacunse le représente à sa manière ; parce qu'enfin l'onprend l'ombre pour la réalité. Le pauvre le placedans la richesse; devient-il riche, il n'en est pas plusheureux. Le malade le place dans la santé; est-il

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SUR LE BONHEUR. 17

guéri, il n'en est pas plus heureux. L'avare le placedans un coffre-fort; le remplit-il, il n'en est pas plusheureux. Mais à quoi bon répéter tout ce qui a étédit depuis trois mille ans sur le bonheur? faisonsseulement remarquer que, malgré tout ce qu'on apu avancer sur l'impossibilité d'arriver au bonheur,chacun veut cependant toujours l'atteindre.

Ce désir général de bonheur n'indique-t-il passuffisamment que l'impossibilité n'est point absolue,et que si elle continue à exister, c'est qu'on ne saitpas la faire disparaître? On vogue en aveugle et sansboussole sur une mer remplie d'écueils, et l'on a ce-pendant le fol espoir d'arriver au port; aussi que denaufrages ! Pour atteindre le bonheur, la première,condition est de savoir en quoi il consiste; mais, tantqu'on le cherchera en se laissant guider par dépuresillusions, l'impossibilité d'y parvenir subsistera tou-jours.

En quoi consiste donc le bonheur?... On a écritbien des volumes sur ce sujet, on est entré dans lesplus grands détails, on a fait des Traités ex pro-fessa : Pour nous, nous répondrons en deux mots :Le bonheur consiste à cesser entièrement de haïr,et à aimer même ses ennemis,

Est-il rien qui nuise davantage au bonheur del'homme que ces mouvements d'envie et de jalousiequi ne sont que des ramifications de la haine qu'ilporte à tout ce qui n'est pas lui, ou à tout ce qu'iln'identifie pas avec lui? Supposez qu'il trouve le se-

2".

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cret de se débarrasser de ces sentiments égoïstes, nevoguera-t-il pas dès lors à pleines voiles sur unocéan de paix vers la contrée où réside le bonheur?

Le précepte est beau, répondra-t-on ; mais le toutest de le mettre en pratique. Comment l'hommepourra-t-il parvenir à l'appliquer?

Qu'on nous permette ici de continuer pour un in-stant la forme du dialogue.

— Il y parviendra par la Religion Chrétienne.— Mais depuis dix-huit cents ans la Religion Chré-

tienne s'est montrée impuissante.— Parce qu'elle a été détournée de sa marche et

falsifiée peu de temps après son établissement.— Comment pourra-t-elle être rétablie dans sa

pureté ?— Par la connaissance de ses véritables dogmes.— Quels sont les principaux dogmes qui peuvent

amener l'homme à cesser entièrement de haïr, et àaimer même ses ennemis?

— Les voici : Un seul Dieu, Créateur de l'uni-vers, Rédempteur des hommes et leur Régénérateur,dans la Personne unique du Seigneur Jésus-Christ,qui est ainsi Lui seul Père, Fils et Saint-Esprit : —une vie réelle après la mort, l'âme de l'homme étantl'Homme Même, c'est-à-dire, un être spirituel ayantspirituellement substance et forme, et vivant dans uninonde réel composé spirituellement de substances etde formes ou d'objets spirituels : — un Ciel et unEnfer, c'est-à-dire, un Monde Spirituel composé de

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substances bonnes et de formes belles pour ceux quiauront aimé et pratiqué le bien et le vrai; et unmonde spirituel composé de substances mauvaises etde formes laides pour ceux qui auront aimé et pra-tiqué le mal et le faux.

Lorsqu'un homme est pénétré de ces vérités, lors-que sa conviction est devenue inébranlable, il nepeut manquer d'avancer chaque jour dans le cheminqui conduit au bonheur. Son Dieu n'est plus un êtreinsaisissable par la pensée, un être dont il ne puisseavoir la moindre idée quant à la forme : c'est Jésus-Christ Lui-Même, dont l'Ame est le Dieu à jamais in-visible qui a tout créé, mais dont le Corps, enveloppeDivine de cette âme, est le corps même qu'il a glo-rifié sur notre terre, en le dépouillant successive-ment de tout ce qu'il tenait de Marie. Dès lors, Dieun'est plus pour lui un être idéal, c'est un Hommeréel, l'Homme Divin, l'Homme Même, dont nous nesommes que des images et des ressemblances : il sele représente, il le voit, c'est son Père, c'est le Pèrede tous les humains. Loin de lui désormais la craintede rester seul, isolé, sans secours, sans consolation ;il a un Père dont la sollicitude ne sommeille jamais :dans quelque position qu'il se trouve, serait-il danscelle qui aux yeux du monde passerait pour la plusmalheureuse, il sait que son Père a les yeux sur lui,qu'il ne l'abandonnera pas, et qu'il fera tourner cemal passager au plus grand bien de sa vie éternelle.Il ne lui reste plus qu'une seule crainte, c'est de se

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détourner de ce Dieu d'amour, de ce Père des misé-ricordes, en contrevenant aux lois de son Ordre Di-vin? Comment pourrait-il alors s'abandonner à dessentiments haineux? la haine n'est-elle pas l'opposéde l'amour? haïr, n'est-ce pas tourner le dos au Sei-gneur, le rejeter, ne plus vouloir être son fils? Loindonc de haïr ses ennemis, ses persécuteurs, il lesplaindra; ils seront pour lui des frères égarés etmalheureux au sein même des fausses jouissancesqu'ils se procurent; il priera pour eux, comme sonPère lui en a donné l'exemple; et lorsqu'il aura persé-véré quelque temps dans cette vie de la vraie Charitéchrétienne, il finira par les aimer. Alors, il jouiradu bonheur le plus pur, et, quand bien même il se-rait dans les fers, il éprouvera dans son cœur plusde jouissances réelles qu'un conquérant sur sontrône.

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UN MOT SUR LES REMINISCENCES.

Par réminiscence on entend le ressouvenir ou lerenouvellement d'une idée presque effacée, c'est dumoins la définition que l'Académie donne de ce mot;mais les Anciens appelaient aussi réminiscence leSouvenir d'une chose qu'on n'avait cependant jamaisentendue ou vue. Telle était, par exemple, l'asser-tion de ce philosophe qui prétendait se rappeler avoirassisté à la guerre de Troie, quoiqu'il fût né plu-sieurs siècles après cette guerre.

Nous ne parlerons ici que des réminiscences prisesdans cette dernière acception.

Si le philosophe, que nous venons de citer, avaitété le seul qui eût eu de pareilles réminiscences, onl'aurait certainement considéré comme fou ; mais cephénomène de l'ordre spirituel s'était présenté sisouvent, qu'il avait déjà attiré la sérieuse attentiondes philosophes les plus renommés de l'antiquité;toutefois, comme il était difficile de s'en rendre rai-son sans admettre l'existence d'une vie antérieure, iln'y a pas à douter que ces réminiscences n'aientdonné aux anciens philosophes la première idée de

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leurs systèmes de Métempsycose, et n'aient été lacause principale de la propagation rapide de ces sys-tèmes chez un grand nombre de peuples. On saitd'ailleurs que les Platoniciens admettaient le fait desréminiscences; ils croyaient même que toutes lesConnaissances que nous acquérons ne sont que desréminiscences de ce que nous avons su avant d'êtrenés; et, en cela, ils ne faisaient que suivre la doctrinedu Maître, qui avait dit dans le Phédon : « Appren-» dre n'est que se ressouvenir, » — page 219 ; — etplus loin : « L'âme existait avant de paraître sous la» forme humaine, » — page 229.

Les doctrines de Pythagore et de Platon ont étéfortement ébranlées par les lumières que le Christia-nisme est venu répandre sur le monde; et d'ailleursles idées de ces philosophes sur ce point furent telle-ment dénaturées par quelques-uns de leurs disciples,que le mot de Métempsycose ne fit bientôt plusqu'exciter le sourire. Cependant, on ne peut pas direqu'il en fut de même de l'idée primitive; on riait, ilest vrai, quand on parlait de la transmigration desâmes dans des sujets du règne animal et du règnevégétal; mais on réfléchissait quand il était seule-ment question de l'âme ayant antérieurement vécudans un corps humain, et devant, dans un tempsplus ou moins long, après sa sortie de ce monde, serevêtir de nouveau d'un corps humain pour y séjour-ner, et ainsi de suite alternativement. Cette pensée,qui avait tant occupé Pythagore et Platon, ne fut

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SfR LES RÉMINISCENCES. 23

donc pas absolument reléguée parmi les autres rêve-ries de ces philosophes; elle continua à être un sujetde méditation pour un grand nombre de penseurs, etelle ne cessera point d'avoir des partisans, tant qu'onn'aura pas donné une explication des réminiscences ;car pour nier la Métempsycose ainsi comprise, il nesuffit pas de mettre en doute le fait qui lui a donnénaissance, mais il faut l'expliquer; et cette explica-tion est d'autant plus nécessaire, que bien qu'il soitmoins fréquent de nos jours, il se reproduit cepen-dant quelquefois, et pourrait par conséquent donnerune nouvelle vogue à un système non encore entière-ment discrédité.

Or, on trouve dans Swedenborg un passage quinon-seulement confirme le fait des réminiscences,mais qui l'explique en même temps, du moins pourtous ceux qui admettent des relations entre les êtresdu monde spirituel et l'homme. Voici comment s'ex-prime Swedenborg dans son Traité du Ciel et del'Enfer, N° 256 :

« II n'est permis à aucun Ange ni à aucun Espritde parler avec l'homme d'après leur mémoire, maisils parlent d'après la mémoire de l'homme; cariesAnges et les Esprits ont également, comme leshommes, une mémoire. Si l'Esprit parlait d'aprèssa mémoire avec l'homme, l'homme ne pourrait queconsidérer comme lui appartenant les choses qu'ilpenserait alors, tandis que cependant elles appartien-draient à l'Esprit; il y aurait comme réminiscence

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d'une chose gué cependant l'homme n'aurait ja-mais entendue ou vue; c'est par l'expérience qu'ilm'a été donné de savoir qu'il en est ainsi, quand celaa lieu ; de là, parmi quelques anciens, l'opinion qu'a-près quelques milliers d'années ils reviendraient dansleur vie précédente et dans tous ses actes, et aussil'opinion qu'ils y étaient revenus; ils avaient conclucela de ce que parfois il leur était survenu comme unsouvenir de choses que cependant ils n'avaient jamaisvues ou entendues; cela était arrivé, parce que desesprits avaient, d'après leur propre mémoire, in-flué dans les idées de la pensée de ces hommes. »

Pour quiconque voudra prendre connaissance desthéories spirituelles développées dans les écrits deSwedenborg, le fait des réminiscences se trouverasuffisamment expliqué par ce passage; mais nousdoutons fort que cette explication puisse satisfaireces Savants qui croiraient compromettre leur dignités'ils admettaient l'existence des Esprits. Et cepen-dant à quoi sert la Science, si par elle l'homme n'estpas conduit à rechercher la cause des choses ? N'est-ce pas là surtout ce qui doit faire son bonheur?« Félix qui potuit rerum cognoscere causas '. » Sidonc, comme l'expérience l'atteste, les théories quine s'élèvent pas au-dessus du naturel sont insuffi-santes pour découvrir les causes des choses, et si,comme tout le prouve, ces causes se manifestentclairement à la vue, lorsqu'on admet l'existence desEsprits et leurs relations avec l'homme, nous devons

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plaindre sincèrement ces docteurs modernes de fer-mer les yeux à la lumière en persistant dans leur su-perbe dédain, et de refuser ainsi les charmes réelsque procure la science véritable; car, au rapport detous les sages, la véritable Science consiste à con-naître l'homme, ou, pour parler plus exactement, àse connaître soi-même.

Mais puisque chaque jour les rangs des physiolo-gistes vont s'éclaircissant, et que la génération nou-velle est portée à s'occuper de psychologie, n'est-ilpas évident que bientôt on sera, non-seulement con-duit à examiner sérieusement tous les faits extraor-dinaires qui ont quelque analogie avec celui dontnous venons de nous occuper, c'est-à-dire, avec lesfaits qui se produisent si fréquemment aujourd'huidans l'état de somnambulisme, de catalepsie, d'ex-tase, mais que l'on voudra aussi en rechercher lescauses dans les seules connaissances qui puissent lesdonner, c'est-à-dire, dans les connaissances des re-lations qui existent entre le monde spirituel et lemonde naturel? C'est alors, et alors seulement,qu'on•pourra acquérir sur ces faits extraordinaires desnotions claires et justes; et ces phénomènes, qui au-jourd'hui présentent les plus grands dangers, tantpour le spirituel que pour le moral, et même pour lephysique, étant alors mieux connus, deviendront parcela même moins nuisibles à l'humanité. Leur dangervient surtout de ce qu'ils n'ont encore pu être sou-mis à aucune théorie, non pas qu'ils se refusent à

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26 SUR LES RÉMINISCENCES.

toute théorie, mais parce qu'on n'a pas voulu etqu'on ne veut pas encore les considérer sous leurvéritable point de vue. Mais dès qu'ils auront étéétudiés théoriquement, l'homme sera toujours engarde contre eux, et ils ne produiront plus chez luicette fascination qui le prive de sa liberté, et le rendle jouet d'Esprits malveillants ou enthousiastes quiconspirent sa ruine en flattant avec adresse sonamour dominant.

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LA SOCIÉTÉ SERA RELIGION (*)

La Société sera Religion! Cette vérité que pro-jlame la Nouvelle Jérusalem, M. de Lamartine vientde l'entrevoir, et nous devons lui savoir gré de l'a-voir publiée au moyen de la presse périodique; certes,il y a eu dans la position sociale qu'occupé le députéde Maçon indépendance et courage à produire cettepensée, quand l'idée seule de la théocratie suffit en-core pour mettre en émoi tous les esprits indépen-dants. Cette pensée, cependant, a passé presque in-aperçue au milieu de toutes celles que renferme sonécrit si remarquable ; elle n'a pas été relevée, ou, end'autres termes, elle n'a soulevé dans la presse au-cune discussion ; et cela, on ne saurait s'y mépren-dre, parce qu'elle a été considérée comme une uto-pie. Il en aurait été bien autrement si elle eût étéprise au sérieux. — Quoi ! se seraient écriés tous leshommes de progrès, nous n'aurions en perspectiveque la théocratie ! Les efforts de nos pères, les nô-tres, ceux que feront nos enfants pour constituer le

(*) M. de Lamartine, dans l'écrit : L'État, l'Église $ l'Enseigne-ment.

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28 LA SOCIÉTÉ SERA RELIGION.

nouvel ordre de choses, tout cela aurait pour résul-tat définitif le gouvernement pour lequel nous éprou-vons le plus de répulsion ! Non, M. de Lamartine,vous êtes sur ce point dans l'erreur, la théocratie afait son temps et ne peut plus reparaître.

Mais nous, qui prenons au sérieux la pensée pu-bliée par M. de Lamartine, parce qu'elle est la con-séquence dernière des vérités nouvelles que le Sei-gneur répand chaque jour parmi les hommes, nousrépondrons : Oui, la pseudo-théocratie, ou la théo-cratie hypocrite, telle que l'histoire nous la fait con-naître, ne reparaîtra plus; mais entre elle et la vraiethéocratie il y a autant de différence qu'entre le malet le bien, qu'entre les ténèbres et la lumière. Lathéocratie réelle est le gouvernement de la Sociétéau Nom du Seigneur, seul et vrai Dieu, c'est-à-dire,au moyen des lois humaines en parfaite correspon-dance avec les véritables Lois Divines; et nous ai-mons à croire que c'est un tel gouvernement queM. de Lamartine avait en vue quand il a dit : La So-ciété sera Religion. En effet, la Religion et la So-ciété ne feraient alors qu'un comme l'âme et le corps,puisque les lois de la Société auraient pour but demettre en application dans l'ordre naturel les lois dela Religion ou de l'ordre spirituel, comme le corpsmet à exécution les affections et les pensées de l'â-me. Eh bien ! c'est à cette théocratie que nous mar-chons ; voilà où tendent, sans qu'on s'en soit douté,tous les pas qui ont été faits depuis quatre-vingts

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LA SOCIÉTÉ SERA RELIGION. 29

ans, et tous ceux que nous faisons chaque jour, pourremplacer ce vieil état de choses qui nous pèse, etqui, tant au spirituel qu'au temporel, ne peut plusse soutenir. Le Seigneur, qui nous a créés libres, nepourrait pas nous y conduire directement sans porteratteinte à notre liberté, ce qu'il ne fait jamais; maissa Divine Providence, tout en nous laissant agir se-lon nos vues quand nous refusons d'écouter ses ins-pirations, n'en poursuit pas moins continuellementson but par des voies que nous ne pouvons pénétrer :d'ailleurs, puisque les hommes se succèdent, puisqueleur but, toujours plus ou moins entaché d'égoi'sme,varie très souvent, ils ne peuvent que contrarier,mais non empêcher l'accomplissement des vues mi-séricordieuses de la Providence, dont le but, basésur l'amour et constamment le même, consiste à con-duire l'humanité au bonheur sans contraindre saliberté.

Mais avant de présenter un aperçu de ce gouver-nement théocratique, il est indispensable de montrerque la pensée publiée par M. de Lamartine doit êtreprise au sérieux, ou, en d'autres termes, de fairevoir que tous les efforts faits depuis quatre-vingtsans, et continués avec persévérance pour arriver àun nouvel ordre de choses, nous entraînent irrésis-tiblement à une théocratie.

L'ancien état de choses avait pour base le droitDivin faussement interprété : ainsi engagées dans unevoie sans issue, les religions et les sociétés devaient

3*'

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30 U SOCIÉTÉ SERA RELIGION.

nécessairement subir les déplorables conséquencesde la falsification du principe ; liées les unes aux au-tres, elles devaient donc succomber ensemble. C'estce qui est devenu aujourd'hui assez manifeste pourqu'on ne puisse douter que, malgré tous les effortsqu'elles font pour se soutenir, elles ne soient con-damnées à périr, ou tout au moins à subir une trans-formation totale par des transitions successives. Cha-cun, il est vrai, s'aperçoit que nous marchons versun nouvel ordre de choses, mais quelle forme aura-t-il, c'est ce qui est généralement ignoré.

Dès le commencement de la lutte, les adversairesdu vieil ordre de choses, considérant le droit Divincomme la clé de voûte de l'édifice, réunirent tousleurs efforts pour le combattre, et ils réussirent,surtout en France, à le renverser. Mais qu'en est-ilrésulté? c'est qu'on ne fut pas longtemps sans s'a-percevoir que les préceptes de morale et les lois nesuffisent pas pour constituer solidement une société,et qu'il faut nécessairement des principes religieux.

Dès lors il y eut rapprochement entre les deuxpartis; l'un consentit à accepter la religion, maiscomme auxiliaire; l'autre voulut bien prêter sonconcours, mais avec l'intention de profiter de toutesles circonstances pour ressaisir son ancienne domi-nation.

Loin d'être un pas en avant, une pareille transac-tion ne faisait que replacer les choses dans la vieilleornière, et renfermait en germes une foule de diffi-

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LA SOCIÉTÉ SERA RELIGION. 31

cultes inextricables, dont quelques-unes viennentdéjà de se révéler à la tribune et dans la presse.

Et comment en aurait-il été autrement? La Reli-gion Catholique-Romaine ne peut pas transiger avecsincérité; sa foi erronnée s'y oppose formellement.« Vous aurez beau lui faire une part immense, ditM. de Lamartine, elle trouvera toujours que c'estpeu, car il lui faut tout. Vous verrez éternellenientrenaître, sous une forme de séduction pieuse ou deviolence morale, selon le temps, les prétentions, lesenvahissements, les dominations, les usurpationsd'enseignement, de consciences, de corporations, depropriétés sacrées. Vous lui auriez donné toute laplace, qu'elle vous refuserait l'air (1). »

II n'y a donc pas d'issue dans une telle voie; aussiM. de Lamartine ajoute-il : « La situation présentene peut pas durer un demi-siècle impunément, »

II est bien certain que ni les peuples ni les gou-vernements ne voudront se soumettre à la puissanceultramontaine ; et cependant plus on avancera, pluson éprouvera le besoin de fonder la Société sur unebase religieuse. Aujourd'hui, tous ceux qui possè-dent veulent une religion, quelques-uns par senti-ment, le plus grand nombre pour servir de frein aupeuple. Si donc la crainte qu'inspiré le prolétariat adéjà tellement agi sur les esprits que ceux qui na-guère étaient opposés à toute manifestation religieuse

(1) L'État, l'Église § l'Enseignement.

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32 LA SOCIÉTÉ SERA RELIGION.

sont maintenant des premiers à parler de religion,que sera-ce donc dans quelques dizaines d'années?Ne peut-on pas déjà prévoir, par ce qui se passe dansles contrées industrielles, ce qui doit arriver pro-chainement? Il n'y aurait même plus aucune inven-tion nouvelle, que le seul développement de l'indus-trie actuelle suffirait pour encombrer tous les mar-chés; mais chaque année nous apportera des inven-tions par centaines et des perfectionnements par mil-liers. Et, qu'on le remarque bien, il est désormaisimpossible d'arrêter le déploiement progressif del'industrie; on le voudrait, qu'on ne le pourrait pas,il y aurait trop d'intérêts compromis : entraînéecomme Phaéthon sur un char qu'elle est incapablede diriger, l'industrie, ne pouvant plus ni revenirsur ses pas, ni s'arrêter, est forcée de se lancer sansrênes dans des routes qui lui sont tout à fait incon-nues.

En présence d'une position aussi périlleuse, quedeviendront, dans quelques années, toutes les autresquestions qui, jusqu'à présent, ont tant occupé lesesprits? Ne se verront-elles pas absorbées par laquestion bien autrement palpitante du paupérismeenvahissant tous les états de l'Europe par suite de cedéveloppement de l'industrie? Quelle importance, eneffet, auraient alors des débats politiques ou inter-nationaux, quand les yeux les moins clairvoyantsverront enfin suspendue sur la tête de la Sociétécette nouvelle épée de Damoelès?

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LA SOCIÉTÉ SERA RELIGION. 33

En vain la philanthropie multipliera ses efforts :que pourra-t-elle en face du colosse toujours gran-dissant? Il arrivera donc un temps, et ce temps n'estpas éloigné, où tous ceux qui tiennent à l'existenced'un état social regarderont le principe religieuxcomme la seule ancre de salut pour tous.

Or, ce principe, par sa nature même, étant au-dessus de tout ce qui vient de l'homme, doit néces-sairement dominer tous les autres principes; la so-ciété se trouvera donc ramenée, après un long cir-cuit, à ce droit Divin pour lequel elle éprouve au-jourd'hui une répulsion qui n'est légitime que parceque ce droit a été mal compris par tout le monde, etsurtout encore plus mal appliqué par ceux qui s'ensont faits les exécuteurs.

On ne refait pas le passé, c'est ce qui a souventété dit et ce que prouve l'histoire; on ne reviendradonc pas à ce droit Divin faussement interprété; onreconnaîtra que toutes les religions qui sont exclu-sives sont par cela même dans le faux, car la vraiereligion ne réprouve que les affections mauvaises etles actes qui en résultent, et ne condamne personnepour des croyances religieuses; la vraie religion apour mission de rallier les hommes et non de les di-viser, et toutes les religions actuelles les divisent,puisque chacune sans exception condamne toutescelles qui n'ont pas sa foi.

Ce ne sera donc ni Rome, ni Genève, qui serontappelées à promulguer le Vrai droit Divin ; le Ça-

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34 LA SOCIÉTÉ SERA RELIGION.

tholicisme-Romain voudra toujours refaire le passé,et le Protestantisme avec son dogme fondamental dela foi seule ne pourra jamais que diviser au lieu deréunir.

Le Vrai droit Divin se manifestera dans toute samajesté lorsque la Vraie Doctrine Chrétienne, quicommence déjà à se répandre, sera entrée dans unplus grand nombre de cœurs; et comme cette Doc-trine a pour base la liberté humaine, et place la cha-rité autant au-dessus de la foi que la substance l'em-porte sur la forme, il n'y aura plus à craindre quel'hypocrisie prenne le masque de la religion pourdominer la Société, car son masque lui serait aussitôtarraché; on ne parlera plus de nos distinctions ac-tuelles entre l'Église et l'État, puisque enfin on verraclairement que la véritable Église et l'État, de mêmeque l'âme et le corps, ne peuvent et ne doivent fairequ'un ; et c'est alors, et seulement alors, que la So-ciété sera Religion.

Quant à l'aperçu de ce que sera ce gouvernementthéocratique, il suffit pour le moment de présenterce que publiait Swedenborg, en 1758, dans sonTraité de la Nouvelle Jérusalem et de sa DoctrineCéleste, N08 311 à 325.

DU GOUVERNEMENT ECCLÉSIASTIQUE ET CIVIL.

311. Il y a deux sortes de choses qui, chez leshommes, seront dans l'ordre, à savoir, les choses qui

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LA SOCIÉTÉ SERA RELIGION. 35

appartiennent au Ciel, et celles qui appartiennent auMonde : celles qui concernent le Ciel sont nomméesEcclésiastiques; celles qui concernent le Monde sontnommées Civiles.

312. L'ordre ne peut être tenu dans le monde sansdes Chefs chargés de surveiller tout ce qui se faitconformément à l'ordre, et tout ce qui se fait contrel'ordre; de récompenser ceux qui vivent conformé-ment à l'ordre, et de punir ceux qui l'enfreignent; sicela ne se fait pas, le genre humain périra; car touthomme d'après l'héréditaire naît avec le penchant àvouloir commander aux autres et posséder les ri-chesses des autres, d'où découlent les inimitiés, lesenvies, les haines, les vengeances, les fourberies, lescruautés, et plusieurs autres maux; c'est pourquoi,si les hommes ne sont pas tenus dans des liens pardes Lois, et par des récompenses convenables à leursamours, c'est-à-dire, par des honneurs et des profitspour ceux qui font des biens, et par des punitionscontraires à leurs amours, c'est-à-dire, par la pertedes honneurs, des possessions et de la vie, pour ceuxqui font des maux, le Genre humain périrait.

313. Il y aura par conséquent des Chefs qui tien-dront les Réunions d'hommes dans l'ordre; cesChefs seront experts dans les lois, remplis de sa-gesse, et auront la crainte de Dieu. Il y aura parmiles Chefs un ordre, de peur qu'aucun d'eux, par bonplaisir ou par ignorance, ne permette les maux con-tre l'ordre, et par conséquent ne le détruise, ce qui

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36 LA SOCIÉTÉ SERA RELIGION.

est évité quand il y a des Chefs supérieurs et desChefs inférieurs, entre lesquels existe une subordi-nation.

314. Les Chefs préposés sur ce qui, parmi leshommes, concerne le Ciel, ou sur les choses Ecclé-siastiques, sont appelés Prêtres, et leur fonction estappelée Sacerdoce. Les Chefs préposés sur ce qui,parmi les hommes, concerne le Monde, ou sur leschoses Civiles, sont appelés Magistrats, et le Premierd'entre eux, dans les pays où existe une autorité su-prême, est appelé Roi.

315. Quant à ce qui concerne les Prêtres, ils en-seigneront aux hommes le chemin qui conduit auCiel, et en outre ils les dirigeront; ils les enseigne-ront conformément à la doctrine de leur Église d'a-près la Parole, et les dirigeront pour qu'ils viventselon cette doctrine. Les Prêtres qui enseignent lesvrais, et qui par ces vrais conduisent au bien de lavie, et par conséquent au Seigneur, sont les bonsPasteurs des brebis ; mais ceux qui enseignent, et neconduisent pas au bien de la vie, ni par conséquentau Seigneur, sont les mauvais Pasteurs.

316. Les Prêtres ne s'arrogeront aucun pouvoirsur les âmes des hommes, parce qu'ils ne savent pasdans quel état sont les intérieurs de l'homme; ils nes'arrogeront pas, à plus forle raison, le pouvoird'ouvrir et de fermer le Ciel, puisque ce pouvoir ap-partient au Seigneur seul.

317. Il y aura pour les Prêtres dignité et honneur

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LA SOCIÉTÉ SERA RELIGION. 37

à cause des choses saintes qui appartiennent à leursfonctions; mais ceux d'entre eux qui sont sages at-tribuent l'honneur au Seigneur, de Qui procèdentles choses saintes, et non à eux-mêmes; ceux, aucontraire, qui ne sont point sages, s'attribuent l'hon-neur : ceux-ci le dérobent au Seigneur. Ceux qui s'at-tribuent l'honneur à cause des choses saintes qui ap-partiennent à leurs fonctions préfèrent l'honneur etle gain au salut des âmes, auquel ils doivent veiller;mais ceux qui attribuent l'honneur au Seigneur, etnon à eux-mêmes, préfèrent le salut des âmes à l'hon-neur et au gain. L'honneur d'une fonction ne résidepas dans la personne, mais il est adjoint à la per-sonne selon la dignité de la chose qu'elle administre;et ce qui est adjoint, cela n'appartient pas à la per-sonne même, et aussi en est séparé avec la fonction :l'honneur dans la personne est l'honneur de la sa-gesse et de la crainte du Seigneur.

318. Les Prêtres enseigneront le peuple, et lecouduiront par les vrais au bien de la vie; maisnéanmoins ils ne contraindront qui que ce soit, puis-que nul ne peut être contraint à croire le contrairede ce qu'il a pensé du fond du cœur être vrai ; celuiqui croit autrement que le Prêtre et ne cause pas detroubles sera laissé en paix.; mais celui qui cause destroubles sera séparé; car cela appartient aussi à l'or-dre pour lequel le sacerdoce a été établi.

319. De même que les Prêtres ont été préposéspour administrer les choses qui concernent la Loi

U.

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38 U SOCIÉTÉ SERA RELIGION.

Divine et le Culte, de même les Rois et les Magistratsl'ont été pour administrer les choses qui concernenth Loi Civile et le Jugement.

320. Comme le Roi seul ne peut administrer touteschoses, il a en conséquence sous lui des Chefs, à cha-cun desquels a été confiée la charge d'administrer ceque le Roi ne peut administrer et n'a pas la facultéd'administrer; ces Chefs, pris ensemble, constituentla Royauté, mais le Roi lui-même est te chef su-prême.

321. La Royauté elle-même n'est pas dans la per-sonne, mais elle a été adjointe à la personne ; le Roiqui croit que la Royauté est dans sa personne, et leChef qui croit que la dignité de sa fonction est danssa personne, ne sont point sages.

322. La Royauté consiste à administrer selon leslois du Royaume, et à juger selon ces lois d'après lejuste. Le Roi qui regarde les Lois comme au-dessusde lui est sage; mais le Roi qui se regarde commeau-dessus des lois n'est point sage. Le Roi qui re-garde les lois comme au-dessus de lui place la Royau-té dans la Loi, et la Loi-domine sur lui; car il saitque la Loi est la Justice, et que toute Justice, qui estla Justice, est Divine : mais le Roi qui regarde leslois comme au-dessous de lui, place la Royauté enlui-même, et croit ou qu'il est lui-même la Loi, ouque la Loi, qui est la Justice, vient de lui; de là, cequi est Divin, il se l'arrogé; au-desscms du Divin ce-pendant il doit être.

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LA SOCIÉTÉ SERA RELIGION. 39

323. La Loi, qui est la Justice, doit être établiedans le Royaume par des Jurisconsultes sages etcraignant Dieu ; puis, et le Roi et les sujets vivrontselon cette loi : le Roi qui vit selon la loi établie, etqui en donne le premier l'exemple aux sujets, est vé-ritablement un Roi.

324. Le Roi, qui a un pouvoir absolu, et qui croitque ses sujets sont tellement esclaves qu'il a droitsur leurs possessions et sur leur vie, n'est pas unRoi s'il exerce un tel droit, mais c'est un tyran.

325. On doit obéir au Roi selon les lois du Royau-me, et ne l'outrager en aucune manière, ni en faitni en paroles, car de là dépend la sécurité publique.

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DE LA. NÉCESSITÉ, POUR LES NOV1-JÉRUSALÊMITES, DE

SUBSTITUER LE TU AU VOUS DANS LES TRADUC-

TIONS DE LA PAROLE*

On sait que dans les traductions de l'ÉcritureSainte les Catholiques-Romains se sont conformésaux usages mondains en employant le vous lorsqu'ilne s'agit que d'une seule personne, et que les Réfor-més ont conservé religieusement le lu. Les Novi-Jérusalémites, au contraire, n'ayant pas encore enpropre une traduction de la Bible, emploient le vousou le tu, suivant qu'ils font usage ou d'une traduc-tion catholique-romaine, ou d'une traduction protes-tante. Ce défaut d'uniformité se rencontre mêmechez les traducteurs de Swedenborg; ainsi BénédictChastanier, qui a publié en Angleterre, avant notrepremière révolution, quelques traductions françaisesdes écrits de Swedenborg, a employé le tu; Moët,dans ses traductions publiées à partir de 1819, s'estservi du vous; et nous, dans cette publication men-suelle et dans nos traductions, nous avons, rigidesobservateurs du texte, constamment employé le tu.Il serait bon cependant qu'on s'entendît sur ce point,qui est pour nous beaucoup plus important qu'il ne

\

* Voir aux notes additionnelles.

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TU ET VOUS. 41

l'était pour les Réformés; car nous avons pour sub-stituer le tu au vous des motifs bien supérieurs àceux qui ont dirigé les auteurs des traductions pro-testantes. Nous pourrions cependant faire valoir lesraisons que ces auteurs ont données, car elles sub-sistent toujours, et suffiraient seules pour trancherla question; mais ces raisons sont bien connues; etdu reste il suffira, nous l'espérons, de présenter iciles inconvénients pour le Novi-Jérusalémite de l'em-ploi du vous pour que ceux de nos frères qui, par laforce de l'habitude, en font encore usage, le rejet-tent entièrement.

Pour le disciple de la Nouvelle Jérusalem, toutesles expressions de la Parole sont significatives; chan-ger l'expression, c'est donc changer la signification ;on voit par cela seul, combien il est important d'a-voir une traduction fidèle. Mais, nous dira-t-on, lasubstitution du vous au tu peut-elle avoir un grandinconvénient? est-ce bien là un changement d'ex-pression susceptible d'altérer la signification? —Oui, répondons-nous; et pour prouver que cettesubstitution peut changer le sens spirituel, nousn'aurons pas besoin de multiplier les exemples, unseul suffira pour établir une conviction complète.

Philippe s'adressant au Seigneur, lui dit : « Mon-» tre-nous le Père. Jésus lui dit : Depuis tant de» temps avec vous je suis, et tu ne m'as point connu !»— Jean, XIV. 8, 9.

Le sens naturel de ce passage n'offre aucune am-4'.

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biguïté. Il est bien évident que le Seigneur s'étonnede ce qu'étant depuis tant de temps avec tousses disciples, Philippe ne l'ait point connu. Mais siau lieu du tu on met vous, le sens devient équivo-que, on ne sait plus si le Seigneur s'adresse à tousses disciples, ou à Philippe seul; et, si en raison deces mots : Jésus lui dit, on en concluait que le Sei-gneur s'adresse à Philippe seul, la phrase n'auraitplus le même sens; car alors le Seigneur s'étonne-rait seulement de ce qu'étant avec Philippe depuistant de temps, Philippe ne l'eût pas encore connu.Enfin le sens serait de même changé si l'on prenaitvous dans l'acception du pluriel, puisque le Seigneurs'étonnerait de ce qu'étant avec ses disciples depuistant de temps, aucun d'eux ne l'eût encore connu.

La substitution du vous au tu offre donc des in-convénients, même pour ceux qui ne considèrentque le sens littéral; mais si, d'après ce précepteévangélique : La lettre tue et l'esprit vivifie, nouscherchons à découvrir les vérités spirituelles que lesens naturel enveloppe, les inconvénients devien-dront plus grands, parce qu'ils pourraient nous fairetomber dans des erreurs plus graves.

Examinons donc le même passage dans son sensspirituel. On sait que les Disciples, ou les Apôtres,pris ensemble, représentent la généralité des hommesqui composent l'Église, et que chacun d'eux, pris iso-lément, représente une classe spéciale des hommesde l'Église, ou bien, en faisant abstraction des per-

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sonnes, que les douze Apôtres signifient tous lesbiens et toutes les vérités de l'Église, et que chacund'eux désigne une classe de biens ou de vérités. Phi-lippe représente donc ici les hommes de l'Église quine sont pas encore parvenus à un degré de régéné-ration qui leur permette de voir clairement que leSeigneur est le Dieu Unique dans lequel est la DivineTrinité, et que ce Dieu est Un tant en personne qu'enEssence; car c'est Philippe qui a dit au Seigneur :Montre-nous le Père. Ou bien, en faisant abstrac-tion des personnes, Philippe signifie une classede biens ou de vérités qui ne sont pas d'un ordreassez élevé pour montrer l'unité de Dieu dans laseule Personne du Seigneur Jésus-Christ.

Au moyen de ces significations, ces paroles duSeigneur : Depuis tant de temps avec vous/e suis,et TU ne m'as point connu! présentent le sens sui-vant : J'influe depuis tant de temps sur tous leshommes de l'Église pour les convaincre que jesuis le seul Dieu du Ciel et de la terre, et vousque Philippe représente, vous n'êtes point par-venus à me reconnaître dans cette qualité ! Maissi dans le premier membre de la phrase le Sei-gneur ne s'adressait qu'à Philippe, le sens ne seraitplus le même ; il en résulterait, en effet, que le Sei-gneur, au sujet de cette vérité fondamentale, n'in-fluerait plus que sur une portion de l'Église, tandisqu'au contraire il influe continuellement sur toutel'Église pour que cette vérité ne lui soit pas arrachée

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44 TU ET VOUS.

par l'ennemi. Enfin, si l'on prenait vous dans l'ac-ception du pluriel, on se trouverait encore plus enopposition avec la doctrine ; car ce serait dire que leSeigneur influe sur tous les hommes de l'Église pourles convaincre qu'il est le Seul Dieu, et que pas unseul d'entre eux ne l'a reconnu pour tel, ou, end'autres ternies, qu'il n'existe point d'Église; car iln'y a pas d'Église sans cette reconnaissance : or,nous savons que, quel que soit l'état de dégradationde l'Église, le Seigneur se réserve toujours quelqueshommes, appelés restes ou résidu dans la' Parole,pour que la communication de la terre avec le Ciel,qui n'existe que par l'Église, ne soit pas entièrementrompue.

Tel est l'inconvénient qui résulte de la substitu-tion du vous au tu, lorsqu'on veut chercher, en lisantla Parole, à en découvrir le sens spirituel. Mais cettesubstitution n'est-elle pas du moins indifférentelorsqu'on lit la Parole dans la simplicité du cœur,avec l'intention pieuse de se consocier avec le Ciel etde se conjoindre au Seigneur?—Non; en ce sens dumoins que cette consociation et cette conjonction nes'opèrent pas alors aussi facilement que si on lisaitle sens véritable de la lettre. En effet, notre doctrinenous apprend que la Parole a été prononcée par leSeigneur, de manière à ce qu'elle fût appropriée enmême temps à la haute intelligence des Esprits etdes Anges et à la faible portée de celle de l'hom-me; elle nous apprend aussi que quand la Parole est

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TU ET VOUS. 45

lue par l'homme et comprise par lui selon sa capa-cité, elle est en même temps comprise par les bonsEsprits et par les Anges qui sont en lui selon le de-gré d'intelligence de chacun d'eux. Or, si par les ex-pressions que le traducteur a employées, l'hommeest porté à comprendre autre chose que ce qui estréellement dans le texte, ne doit-il pas en résulterune sorte de trouble et de confusion dans les idéesdes Esprits et des Anges qui sont chez lui? Et cesEsprits et ces Anges peuvent-ils alors agir sur luiavec autant d'efficacité? Nous ne le pensons pas.Heureusement que le Seigneur, dans sa Divine Misé-ricorde, a pourvu à ce que les divers traducteurs dela Parole n'en aient pas dénaturé le sens au point dela rendre inefficace ; mais toujours est-il que l'hommedoit attacher beaucoup d'importance à la lire dans latraduction qui s'éloigne le moins du texte primitif.

Les remarques que nous venons de faire sur leVerset 9 du Chapitre XIV de Jean pourraient s'ap-pliquer au Verset 10, qui nous offre un cas analo-gue; car c'est à Philippe que le Seigneur s'adressequand il dit : « Ne crois-tu pas que Moi, je suis dans le» Père et que le Père est en Moi. » Et quand aussitôtaprès il ajoute : « Les paroles que Moi, je vous pro-» nonce, de moi-même point je ne les prononce, » c'estévidemment à tous ses disciples qu'il parle. Eh bien !cette distinction ne peut pas être saisie dans une tra-duction où l'on emploie vous lorsqu'il ne s'agit qued'une seule personne. Dans une telle traduction, il

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n'y a pas non plus de différence entre le commence-ment du Verset 10 et celui du Verset 11 du mêmeChapitre, tandis qu'il est bien évident que dans leVerset 10 le Seigneur parle à Philippe seul, et quedans le Verset 11 il s'adresse à tous ses disciples.

Il nous serait facile de multiplier les exemples;mais nous pensons que ceux-ci suffiront pour prou-ver la nécessité de substituer le tu au vous dans lestraductions de la Parole, en attendant que nousayons une traduction Novi-Jérusalémite de la Bi-ble (1).

(1) Une nouvelle traduction de la Bible est sans doute d'une néces-sité urgente; mais un tel travail ne doit pas être fait avec précipitation.Réunissons d'abord tous les matériaux qui sont épars dans les nom-breux écrits de Swedenborg; communiquons-nous nos réflexions surles passages qui présentent le plus de difficultés ; faisons usage de toutesles ressources que nous offrent les travaux des philologues modernes;tirons parti de l'élan qui pousse aujourd'hui les Européens à s'occuperdes langues orientales; et nous pourrons alors, avec la Miséricorde duSeigneur, donner à nos frères une traduction Novi-Jérusalémite de laBible.

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EXÉGÈSE.

JEAN.— CHAPITRES XX ET XXI.

Clowes a présenté le sens interne de ces deux Cha-pitres sous le point de vue de l'Église en général,mais on sait que dans la Parole tout ce qui est dit del'Église en général, s'applique aussi en particulier àtout homme de l'Église. Nous allons essayer de pré-senter le sens interne de ces mêmes Chapitres sousce dernier point de vue; cette étude nous sembled'autant plus importante que chaque membre de l'É-glise, par sa propre régénération, coopère active-ment à la régénération de l'Église, et que la connais-sance de ce sens le dispose plus particulièrement às'observer lui-même, puisqu'elle lui dévoile les di-vers états spirituels par lesquels il a déjà passé, celuidans lequel il est, et ce qui lui reste à faire pourcompléter sa régénération.

La Parole étant Divine dans toutes ses parties, etjusqu'au moindre accent, est infinie, c'est-à-dire quechacune de ses parties peut présenter une infinité de

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48 EXÉGÈSE.

vérités qui se manifestent aux yeux des Anges et deshommes avec diversité selon l'état de chacun d'eux,et qui toutes, quoique différentes, les affectent déli-cieusement. Il en est de cela comme d'un tableauqu'un peintre habile expose en public; tous les visi-teurs restent en admiration devant cette peinture, etchacun est diversement affecté selon son état ; tellebeauté qui frappe l'un échappe à l'autre, et souventle même homme admire le lendemain ce qui n'avaitfait aucune impression sur lui la veille. Toutefois,dans cette diversité infinie que présente la Parole, onremarque, en général, trois sens distincts : Un senssuprême, où il n'est question que du Seigneur seul ; unsens interne dans le commun, où il s'agit du Royaumedu Seigneur dans les Cieux et de son Église sur laterre; et un sens interne dans le particulier, où ils'agit de l'homme considéré comme un Ciel et commeune Église dans la forme la plus petite. Ce derniersens est celui dont nous allons nous occuper dans cetessai d'exégèse.

La première chose que nous ayons à faire, c'est dedécouvrir le sujet principal dont il est question dansle sens interne particulier de ces deux Chapitres.

Nous remarquerons d'abord que, dans le sens su-prême, où il s'agit du Seigneur seul, ces deux Cha-pitres doivent traiter du complément de la glorifica-tion du Seigneur; en effet, dans les Chapitres quiprécèdent, il s'agit de sa glorification, ou de l'unionde son Humain avec son Divin par les plus terribles

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EXÉGÈSE. 49

combats des tentations, représentés par sa dernièretentation qui fut la passion de la croix ; dès lors tousses travaux sur notre terre furent terminés; mais,pour remonter définitivement vers le Père, c'est-à-dire, pour rendre sa glorification complète,-il avaitencore à rétablir l'ordre dans le monde spirituel parl'entière subjugation des enfers. Ainsi, il est bienévident que ce complément de la glorification duSeigneur, doit former le sujet principal du sens su-prême de ces deux Chapitres qui terminent l'Évan-gile.

Or, comme la régénération de l'homme est l'imagede la glorification du Seigneur,—Arc. Cél. N° 3212,— le sujet principal du sens interne particulier doitêtre le complément de la régénération de l'homme.Nous devons donc considérer ici l'homme de l'Église,ou le régénéré, comme venant de subir sa dernièretentation, et le sens interne doit nous apprendre cequi lui reste à faire pour compléter sa régénération,quand dans cette tentation il est parvenu, avec le se-cours du Seigneur, à sortir victorieux.

De même que dans le sens suprême tous les repré-sentatifs et tous les significatifs concernent le Sei-gneur seul, de même dans ce sens interne particulierils concernent uniquement l'homme de l'Église ou lerégénéré; c'est donc dans l'homme même que sepassent spirituellement toutes les scènes qui sont dé-crites dans le sens naturel. Les disciples ou les douzeapôtres représentent les principaux mobiles chez le

5

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50 EXÉGÈSE.

régénéré, c'est-à-dire, les principales choses qui leconstituent Église, et chaque apôtre représente unde ces mobiles; ainsi, Pierre représente sa foi, Jac-ques sa charité, Jean le bien de sa charité ou sesœuvres, Thomas son sensuel; quant aux autres per-sonnages ici nommés, Marie la Magdalène représenteson affection du bien, et Nathanaël de Cana en Ga-lilée le vrai qui procède du bien dans son naturel.Enfin Jésus est le Divin Amour ou le Seigneur quantau Divin Amour, c'est-à-dire, le Moteur de la viespirituelle du régénéré.

Les significations qui nous ont servi à composerle sens interne ont toutes été tirées des écrits deSwedenborg; mais pour ne pas interrompre la sériede ce sens, nous ne placerons entre les Versets quede simples observations, et seulement quand ellesseront nécessaires pour en faciliter l'intelligence ; etnous allons donner ici un vocabulaire des mots, enindiquant les Traités de Swedenborg d'où les signi-fications ont été extraites.

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VOCABULAIRE

Pour les Chapitres XX et XXI de Jean (1).

AGNEAUX (les),—XXI.15,—sign. ceux qui sont dansl'innocence; et, par abstraction, tout ce qui est dansl'innocence. A. E. 9.

ANGES (les deux) vêtus EN BLANC, — XX. 12, —sign. les Divins Vrais qui procèdent du Seigneur;les Anges sign. les Cieux, parce que ce sont eux quiconstituent le Ciel, et comme ils sont les réceptionsdu Divin Vrai, ils signifient dans le sens abstrait lesDivins Vrais. A. C. 9987. Le Blanc dont ils sontvêtus se dit du vrai, parce que le blanc tire son ori-gine de la lumière du soleil. A. R. 167.

BAISSER (se), — XX. 5, 11, — sign. être dansl'humiliation. A. C. 5682.

(1) Les nombres qui suivent immédiatement le mot indiquent lesChapitres et les Versets où ce mot est employé ; les initiales et les nom-bres qui sont après la signification indiquent les Traités de Swedenborget les N01 de ces Traités. — A. C. désignent les Arcanes Célestes;A. E. l'Apocalypse Expliquée; A. R. l'Apocalypse Révélée; R. C. laVraie Religion Chrétienne; C. E. le Ciel et l'Enfer; D. E. laDoctrine sur l'Écriture Sainte; D. S. la Doctrine sur le Seigneur;D. F. la Doctrine sur la Foi ; sign. est l'abréviation de signifie.

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52 VOCABULAIRE.

BARQUE (la),—XXI. 3,6,8,—sign. les connaissan-ces du bien et du vrai d'après la Parole, qui serventpour l'usage de la vie. A. R. 406; ainsi, c'est la doc-trine des connaissances naturelles; la Nacelle ou pe-tite barque sign. la doctrine des connaissances lesplus extérieures.

BRASIER (le),—XXI.9,—sign.lebien.A.C.7852.BREBIS (les), — XXI. 16,17, — sign. ceux qui sont

dans la charité; et, par abstraction, tout ce qui estdans la charité. A. C. 3994; au Vers. 16, tout cequi est dans la charité par la volonté, et au Vers. 17,tout ce qui est dans la charité par l'entendement,A. C. 4169.

CANA EN GALILÉE (de),—XXI. 2, — sign. chez lesnations. A. E. 376 ; et ici, où il s'agit de Nathanaël,c'est dans l'extérieur ou le naturel.

CEINDRE SA TUNIQUE, — XXI. 7,— sign. être prêt àrecevoir l'influx et à agir selon cet influx. A. C. 7863.Se ceindre soi-même,— XXI. 18,— sign. agir d'a-près la liberté; et êlreceintpar unautre,sign. êtresous la direction d'un autre. A. C. 10087.

CENT CINQUANTE-TROIS, — XXI. 11, — sign. tous;en effet, cent sign. plénitude. A. C. 2905; cin-quante, beaucoup. A. C. 5708; et trois, ce qui estcomplet. A. C. 4495.

CHRIST (le),—XX.31, —sign. le Divin Vrai. A.C.3004 ; et ainsi la Divine Sagesse.

CLOU (le),—\XX.25,—sign. ce qui affermit et con-joint; il sign. atossi l'adjonction. A. C. 9777,8990.

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VOCACULAIRE. 53

CORPS DE JÉSUS (le), — XX. 12,— sign. l'Humaindu Seigneur glorifié, cfr. A. C. 2083.

CÔTÉ DE JÉSUS (le), — XX. 20, 28, 27, — sign.l'amour du Divin Humain ; le côté, considéré commerenfermant le cœur, signifie l'amour, cfr. A. C.6960.

COURIR, — XX. 2, 4, — sign. la propension oul'intention de l'affection. A. C. 3127 ; il signifieaussi l'examen de la chose vers laquelle on court.A. C. 3088.

CROIRE, — XX. 8, 25, 27, 29, 31, — c'est recon-naître en même temps par l'entendement et par lavolonté, cfr. A. C. 10155.

DEUX CENTS,—XXI. 8,—ce nombre, étant le pro-duit de la multiplication de deux par cent, sign. lamême chose que deux, c'est-à-dire, la conjonction.A. C. 5194.

DIDYME ou JUMEAU, — XX. 24. XXI. 2, — sign. cequi doit coopérer, ou se joindre à, cfr. A. C. 3299,4918.

DIEU, — XX. 17, 28. XXI. 19, — sign. le DivinVrai ou la Divine Sagesse. A. C. 9167.

DINER, — XXI. 12, 1S, — sign. la conjonction etl'appropiation ; les repas signifient se consocier et seconj oindre quant à l'amour, et aussi s'instruire mu-tuellement de ce qui concerne l'amour et la foi.A. C. 7996.

DIRE, — XX. 2, 13 à 22, 25, 27 à 29. XXI. 3,5, 6,10,12,15 à 23, — sign. percevoir; dire sign.

5*.

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54 VOCABULAIRE.

aussi penser et réfléchir, parce que la pensée et laréflexion résultant de la pensée viennent de la per-ception. A. G. 2770; il signifie encore instruire ousuggérer. A. C. 8619; communiquer. A. G. 5012.Dire, relativement à celui qui agit, sign. l'influx; et,relativement à celui qui reçoit, il signifie la récep-tion. A. C. 8660.

DISCIPLE (le) que Jésus aimait ou Jean, —XX. 2,3, 4, 8, 10. XXI. 7, 20, 23, 24, — sign. le bien dela charité ou les œuvres. A. E. 8. Disciples (lesdouze), — XX, 18, 19, 20, 25, 26, 30. XXI. 1, 2,4,8,12,14, — sign. l'ensemble de toutes les chosesqui constituent l'Église; ici, les principaux mobilesou les choses principales chez le régénéré. A. C.3863. cfr.D. E. 71.

DOIGT (le), — XX. 25, 27, — sign. la puissance,parce qu'il appartient à la main qui a cette significa-tion. A. C. 7430.

DOUZE, — XX. 24, — sign. toutes choses en gé-néral. A. G. 3858; l'un des douze, c'est l'un desprincipaux mobiles.

DROIT (le côté), — XXI. 6, — sign. le bien d'oùprocèdent les vrais. A. G. 10061.

ÉCRIRE, — XX. 30, 31. XXI. 24; 25, — sign.rendre manifeste. A. R. 473.

Ex VÉRITÉ ou AMEN, — XXI. 18, 25, — sign. uneconfirmation Divine. A. R. 23.

ESPRIT SAINT (!'), — XX. 22, — sign. le DivinVrai ou la Divine Sagesse procédant du Seigneur.A. R. 343.

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VOCABULAIRE. 55

FEMME (la), — XX. 13, 15, — sign. l'affection dubien. A. G. 4510.

FILET (le), —XXI. 6,8,11, —sign. l'extrême de lavie correspondant à la vie inférieure qui appartientà l'entendement et à la volonté. A. G. 9728; ainsi,c'est le mental naturel.

Fas DE DIEU (le),—XX. 31,— sign. l'Humain duSeigneur. D. S. 19 ; et ici, après la résurrection,c'estle Divin Humain du Seigneur.

FRÈRES (les) ou les douze disciples,—XX.17.XXI.23, — sign. les principaux mobiles chez le régénéré.Voir ci-dessus Disciples.

HUIT, — XX. 26, — sign. le commencement d'unétat nouveau, parce que Huit suit immédiatementSept, qui signifie une période complète. A. G. 9227,2866.

INSUFFLER, — XX. 22,— sign. vivifier par lafoi et par l'amour. A. G. 9229; c'est donner la fa-culté de percevoir les Divins Vrais et de recevoirainsi les vrais de la foi. A. G. 10135.

JARDINIER (le), —XX. 15. —Le Jardin signifiantl'intelligence ou l'entendement du vrai, A. G. 98,305;le Jardinier est le dispensateur de l'intelligence oude l'entendement du vrai.

JÉSUS, — XX. 14 à 17, 19, 21, 24, 26, 29, 30,31. XXI. 1, 4, 5, 10, 12 à 15, 17, 20, 21, 22, 25,— sign. le Divin Bien ou le Divin Amour. A. G.3004; c'est-à-dire, le Seigneur quant au DivinAmour.

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56 VOCABULAIRE.

JOUR (le),—XX. 19,—sign. l'état; le jour et la nuitsignifient l'état de l'homme régénéré quant à ses in-tellectuels, dont les alternatives ressemblent à cellesdu jour et de la nuit. A. G. 936.

JUIFS (les), — XX. 2, 13, 19, — sign. les biens;et, dans le sens opposé, les maux. A. R. 96, 350.

LIEU (le), — XX. 7. — sign. l'état. A. C. 2786.LINGES (les),—XX. 5, 6,7,— sign. les vrais. A. C.

10243, parce qu'ils servent à couvrir; ici, ce sontles vrais extérieurs, parce qu'il est parlé ensuite dusuaire ou du linge qui couvrait la tête du Seigneur.

LIVRE (le), — XX. 30. XXI. 25, — sign. la viede tous dans le ciel et sur la terre. A. E. 299.

MAIN (la), — XX. 20, 25, 27. XXI. 18, — sign.la puissance. A. C. 78; la main a cette signification,parce que les forces et la puissance de tout corps seréfèrent aux bras et aux mains, car c'est par eux quele corps exerce ses forces et sa puissance. A. C.4932, 4933.

MANGER, — XXI. 5, — sign. s'approprier. A. C.3168.

MARCHER, — XXI. 18, — sign. vivre, se dirigerdans la vie. A. C. 8420.

MARIE LA MAGDALÈNE,—XX.1,11,16,18,—sign.l'affection du bien; la femme signifie cette affection.A. C. 4510; et d'ailleurs tout ce que l'Évangile rap-porte sur Marie la Magdalène indique suffisammentqu'elle représente l'affection du bien.

MATIN (le), — XX. l. XXI. 4, — sign. un com-mencement d'illustration. A. C. 8211.

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VOCABULAIRE. 57

MER DE TIBÉRIADE (la),— XXI. 1, 7,— sign. l'en-semble des connaissances dans le naturel. A. G. 8313.

MILIEU (le), — XXI. 19, 26, — sign. l'intime. A.C. 200.

MONDE (le), — XXI. 25, — sign. l'Église et toutce qui est Église. A. R. 589 ; ainsi,l'Ange 3t l'hommerégénéré.

MONTER, — XX. 17.XXI. 11,— sign. s'élever versles intérieurs. A. G. 9373 ; ce mot renferme en soiune élévation vers le bien. A. C. 4815.

MORT (la), — XXI. 19, — sign. une vie nouvelle.A. C. 6499.

MOURIR, — XXI. 23, — sign. avoir une vie nou-velle. A. C. 6499.

NATHANAEL, — XXI. 2, — sign. celui qui est dansle bien de la charité, et par ce bien dans les vrais;ainsi, celui qui est dans les vrais procédant du bien.A.E.866; et,par abstraction,les vrais qui procèdentdu bien.

NOM (le) du Seigneur, — XX. 31.— Le nom sign.la qualité. A. C. 144; le Nom du Seigneur sign. laqualité du Seigneur, c'est-à-dire, le bien de l'amouret de la charité conjoint au vrai de la sagesse et de lafoi. A. G. 3006.

Nu, — XXI. 7, — sign. celui qui reconnaît qu'enlui il n'y a rien du bien, ni rien du vrai. A. G. 4956.

NUIT (la), — XXI. 3, — sign. un état d'ombreproduit par le faux qui provient du mal ou du pro-pre. A. C. 5092. A. E. 513.

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58 VOCABULAIRE.

PAIN (le), — XXI. 9, 13, — sign. tout bien quinourrit la vie spirituelle de l'homme. G. E. 111.

PAITRE, — XXI. 15, 16, 17, — sign. instruire.A. E. 9; appliqué à la foi, c'est illustrer.

PAIX (la), —XX. 19, 21, 26, — sign. le Divinqui influe dans le bien ou dans les affections du bien,et qui produit par l'intime la joie et la félicité. A. C.3780.

PÊCHER, — XXI. 3,—sign. enseigner les connais-sances du bien et du vrai, et ainsi régénérer. A. E.§13.

PÉCHÉS (les), — XX. 23, — sign. tout ce qui estcontre l'ordre Divin. A. G. 5076; ainsi, tous lesmaux et tous les faux. Remettre les péchés, c'estremplacer les maux et les faux par les biens et lesvrais; retenir les péchés, c'est tenir éloignés lesmaux et les faux, et ainsi les mettre dans l'impuis-sance de nuire. Voir A. C. 9410.

PIEDS (les), — XX. 12, — sign. les naturels. A.C. 259, ou les choses du dernier degré; l'Angeplacé aux pieds sign. le Divin Vrai dans les derniers.A. E. 687.

PIERRE (Apôtre), — XX. 3, 4. XXI. 7, 17, 20,21, — sign. la foi. A. C. 3869. Voir SIMON.

PIERRE (la),—XX. 1,—sign. le vrai. A.C. 1298.PÈRE (le), — XX. 17, 21,— sign. le Divin Même,

et aussi le Divin Bien Même. A. C. 4334.PLEURER, — XX. 11, 13,15,—sign. avoir tin

chagrin intérieur. A, C. 4786.

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VOCABULAIRE. S9

POISSON (le petit) mis sur un brasier, — XXI. 9,— sign.le vrai du bien spirituel mis dans le naturel.A. G. 7852.

POISSONS (les), — XXI. 6, 8, 10, 11, — sign. lesscientifiques. A. C. 40, qui viennent des sensuels.A. G. 991.

PORTE (la), — XX. 19, 26, — sign. la communi-cation. A. C. 8989.

RABBONI ou MAÎTRE, — XX. 16, — sign. le Sei-gneur quant à la Divine Sagesse ou au Divin Vrai.A. G. 9167.

RÉPONDRE, — XX. 28. XXI. S, — sign. recevoir.A. C. 2941 ; reconnaître. A. C. 5255.

RESSUSCITER DES MORTS, — XX. 9. XXI. 14, —sign. être retiré d'entre les maux; ressusciter,sign.entrer dans la vie. A. C. 290; les morts sign. ceuxqui sont morts spirituellement, ou qui sont dans lesmaux; et, par abstraction, les maux. A. R. 525.

RIVAGE (le), — XXI. 4, — sign. les extrêmes desconnaissances. A. C. 8237.

SABBATH (le), — XX. 1, 19, — sign. le repos.A. C. 87.

•SAVOIR (ne pas), — XX. 2, 13, 14. XXI. 4; —sign. être dans l'obscurité à l'égard des choses quiappartiennent à la vue spirituelle. A. C. 3717.

SEIGNEUR (le), — XX. 2,13,18, 20, 25, 28. XXI.7, 12, — sign. le Divin Amour uni à la Divine Sa-gesse; ainsi, le Divin Humain. R. C. 778.

SÉPULCRE (le), — XX. 1, 2, 3, 4, 6, 8, 11, —

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60 VOCABULAIRE.

sign. la résurrection, car lorsque l'homme est ense-veli quant au corps, il renaît quant à l'esprit; ilsignifie aussi la régénération, car la régénération estla première résurrection de l'homme, puisqu'il meurtalors quant au vieil homme et ressuscite quant àl'homme nouveau. A. C. 2916, 1551. A. E. 687.

SIMON, fils DE JONAS, — XXI. 15, 16, 17, — etSIMON PIERRE, — XX. 2, 6, 10. XXI. 2, 3, 11, 15.— Simon, fils de Jonas, sign. la foi procédant dela charité. A. E. 820, ou la foi qui est l'affection duvrai. A.E. 443; Simon Pierre sign. la foi qui obéitet met les préceptes en pratique, ainsi c'est la foi en-trée dans la volonté et par conséquent dans l'hommelui-même, ou la foi de la volonté. A. E. 443; etPierre sign. le.vrai ou la foi seulement; c'est à causede ces différentes significations que Pierre, selon lesujet dont il s'agit, est appelé tantôt Pierre seulement,tantôt Simon Pierre, tantôt Simon, fils de Jonas.Voir A. E. 443.

SOIR (le), — XX. 19, — sign. l'état de l'intérieurquand les vrais de la foi sont dans l'obscurité. A. C.10135; ainsi, c'est une faible lumière.

SOUPER (le),— XXI. 20,—sign. la conjonction duSeigneur avec l'homme de l'Église. A. R. 816.

SUAIRE (le) ou le linge sur la tête, — XX. 7, —sign. le vrai intérieur ; le linge sign. le vrai. A. C.10243; et la tête, l'intérieur. A. C. 5145.

SUIVRE,— XX. 6. XXI. 19, 20, —sign. être sousl'auspice et sous la conduite de celui qu'on suit. A.C. 3191.

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VOCABULAIRE. 61

TERRE (la), —• XXI. 8, 9, 11, — sign. le sensuelexterne de l'homme. A. G. 6948.

TÊTE (la),—XX. 7,12,—-sign. les intérieurs, oules choses qui sont dans les premiers. A. G. 5145,6188; Y Ange placé à la tête sign. le Divin Vraidans les premiers. A. E. 687.

THOMAS, — XX. 24, 26, 27, 28, 29, — sign. lesensuel; cfr. A. G. 128, 129.

TOUCHER, — XX. 17, — sign. recevoir. A. G.10130.

TOURNER (se), — XX. 14, 16. XXI. 20, — sign.éprouver un changement d'état. A. R. 42.

TROISIÈME FOIS (la), — XXI. 14, 17, — sign. cequi est complet ou ce qui complète. A. R. 505. R.C.387.

TUNIQUE (la), — XXI. 7, — sign. le vrai naturel.A. G. 9826.

VENIR, — XX. 1, 2, 3, 18, 19, 24, 26. XXI.8, 12, — sign. se conjoindre. A. G. 3850; s'appro-cher, parvenir. A. G. 5941 ; communiquer par influxou influer. A. G. 5249. Venir au sépulcre sign. lesuccessif de la régénération. A. C. 5505, c'est parconséquent s'occuper de continuer la régénération.

VIE (la), — XX. 31, — sign. la vie éternelle. A.C. 5407.

VIEUX (devenir), — XXI. 18, — sign. dépouillerun précédent état et revêtir un état nouveau. A. C.4620.

VOIR, — XX. 1, o, 6, 8, 18, 20, 25, 29. XXI. 9,6.

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62 VOCABULAIRE.

20, 21, —sign. comprendre. A. G. 2807; recon-naître. A. G. 3786; percevoir. A. C. 5400; et s'a-percevoir. A. C. 2150.

ZÉBÉDÉE (les fils de),—XXI. 2,— sign. la charitéet le bien de la charité. A. E. 8.

Pendant la dernière et la plus douloureuse tenta-tion du Seigneur, lorsqu'il est livré aux Juifs, con-damné et crucifié, tous ses disciples l'abandonnent;Pierre lui-même,naguère si ferme,le renie; et quandJésus expire, il n'a près de lui que Jean et quelquesfemmes qui avaient coutume de le suivre.

Ces faits historiques, dans le sens interne particu-lier, signifient que, chez le régénéré, pendant la der-nière tentation, qui est aussi pour lui la plus dou-loureuse, lorsque Jésus ou le Divin Amour, c'est-à-dire, le Moteur de la vie spirituelle, est livré aumilieu des maux qui le harcèlent, le condamnent etl'étouffent, les principaux mobiles ou principaleschoses de l'Église chez le régénéré, abandonnentce Moteur; la foi elle-même, naguère si vive, lerenie, et quand le Divin Amour est ainsi étouffé, iln'y a près de lui que le bien de la charité, et quelquesaffections qui précédemment s'étaient habituées àsuivre toutes ses impulsions.

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EXÉGÈSE. 63

Tel est l'état spirituel du régénéré pendant sadernière tentation ; mais vers la fin de cette tenta-tion, Jésus, à l'insu des disciples et des femmes, res-suscite d'entre les morts, ce qui signifie que le DivinAmour, à l'insu du régénéré, qui le croit étouffé enlui, se dégage d'entre les maux, les chasse de chez lerégénéré, et les tient éloignés, et peut dès lors agirchez lui avec d'autant plus de force que dorénavantles maux ne pourront plus s'opposer à son action.

Mais cette action du Divin Amour ou du Seigneurchez le régénéré ne peut s'exercer que progressive-ment et selon les lois de son Ordre Divin ; de là lesdiverses manifestations rapportées dans les deuxChapitres qui vont être expliqués : ces manifestationsreprésentent les diverses merveilles que le Seigneuropère dans le régénéré, après la dernière tentation,pour compléter la régénération.

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64 EXÉGÈSE.

CHAPITRE XX.

i. Or, au premier des sab-bats,

Marie la MagdalèoeVient de grand matin,

tandis qu'il faisait encore ob-scur, au sépulcre;

Et elle voit la pierre ôléedu sépulcre.

1. Or, dans l'état de reposqui, chez le régénéré, suc-cède à la dernière tentation,

Son affection du bien,Dans un commencement

d'illustration, lorsqu'il y aencore peu de lumière, s'oc-cupe de la régénération,

Et elle s'aperçoit que levrai a été détourné de la ré-génération.

Dans les tentations, et surtout dans la dernièretentation, le régénéré est dans l'obscurité, mais aprèsla tentation, le Seigneur lui donne la consolation etle repos, et dissipe l'obscurité en l'illustrant peu àpeu. A. G. 5264, 5773. Quand le régénéré est danscet état de repos et dans le commencement de l'illus-tration, c'est Marie la Magdalene, c'est-à-dire, sonaffection du bien qui s'occupe d'abord de la ré-génération, car c'est elle qui vient la première ausépulcre; mais elle voit la pierre ôtée du sépulcre;et alors elle croit, ainsi que l'indiquent les Ver-2, il et 13, que les Juifs ont enlevé la pierre et ontdérobé le corps du Seigneur, c'est-à-dire qu'elle

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JEAN. CHAP. XX. 65

pense que les maux ont détourné de la régénérationle vrai, et ont soustrait le Divin Amour.

2. Elle court donc et vient 2. Elle s'empresse donc,vers Simon Pierre, et vers de se conjoiodre à la foi de lal'autre disciple qu'aimait Je- volonté et an bien de la cha-sus, rite,

Et elle leur dit : Ils ont Et elle leur communiqueenlevé le Seigneur du sépul- sa pensée, que les maux ontcre, privé du Divin Amour la ré-

génération,Et nous ne savons où ils Et que le régénéré ne sait

l'ont mis. comment le retrouver.

L'affection du bien ne pouvant agir seule dans larégénération a recours à la foi de la volonté et aubien de la charité, et comme elle pense que les mauxqui ont assailli le régénéré pendant la dernière ten-tation ont soustrait le Divin Humain du Seigneur, elleleur communique cette pensée. Quand le régénéré secroit abandonné du Seigneur, c'est alors que le Sei-gneur est le plus près de lui, ainsi qu'il arrive danstoutes les tentations spirituelles : c'est pour cela quel'affection du bien pense que les maux ont privé duDivin Amour la régénération ; mais ce Divin Amourou Divin Humain est bien près du régénéré, et vabientôt se manifester devant lui.

3. Pierre et l'autre disciple 3. La foi et le bien de lasortirent donc, et ils vinrent charité se disposent doncau sépulcre. pour la régénération.

Il est à remarquer qu'ici il est dit seulement Pierre6*.

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66 EXÉGÈSE.

et non Simon Pierre; ainsi, il est question ici de lafoi seulement et non de la foi entrée dans la volontéou dans le régénéré même; mais au Verset 6, quandPierre suit Jean ou se laisse diriger par le bien de lacharité, il est de nouveau appelé Simon Pierre,comme il l'avait été précédemment Vers. 2, quandMarie la Magdalène ou l'affection du bien s'était adres-sée à lui.

tt. Or, ils couraient eux 4. Or, ils se livrent en-deux ensemble, semble à un examen,

Et l'autre disciple courut Et le bien de la charité s'yen avant plus vite que Pierre, livre avec plus d'ardeur que

la foi,Et arriva le premier au se- Et il est disposé le premier

pulcre ; pour la régénération ;

Jean arrive au sépulcre avant Pierre, parce que lebien de la charité conduit à la régénération pluspromptement que la foi.

5. Et, s'étant baissé, 5. Et, s'humiliant,Vit étendus les linges; Aperçoit les vrais exté-

rieurs qui la concernent;Cependant il n'entra point. Cependant il ne pénètre

pas plus avant.

Par l'humiliation le bien de la charité aperçoit lesvrais extérieurs de la régénération, mais il a besoind'être éclairé par la foi de la volonté pour en aper-cevoir le vrai intérieur; c'est pour cela que Jean,quoiqu'arrivé le premier, n'entra point dans le sépul-cre, avant que Simon Pierre y fût entré,

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JEAN. CHAP. XX. 67

6. Vint donc Simon Pierre,qui le suivait,

Et il entra dans le sépul-cre,

Et vit les linges étendus,

7. Et le suaire qui avait étésur sa tète,

Non pas avec les lingesétendu, mais replié à partdans un lieu.

6. La foi de la volonté yparvient donc, dirigée par lebien de la charité,

Et elle pénètre dans la ré-génération,

Et aperçoit les vrais exté-rieurs qui la concernent,

7. Et le vrai intérieur,

Non mêlé avec les vrais ex-térieurs, mais disposé selonson état.

La foi ne peut apercevoir les vrais de la régénéra-tion, ni faire la distinction entre les vrais naturels etle vrai spirituel, qu'après avoir été échauffée par lebien de la charité; voilà pourquoi Pierre avait Jeanprès de lui quand il entra dans le sépulcre, et estalors appelé Simon Pierre, parce que maintenant ildésigne la foi passée de l'entendement dans la volonté.

8. Alors donc entra aussil'autre disciple qui élait ar-rivé le premier au sépulcre;

Et il vit, et il crut;

9. Car ils ne connaissaientpas encore l'Écriture :

Qu'il fallait que d'entre lesmorts il ressuscitât.

8. Alors donc pénètre aussile bien de la charité qui avaitété disposé le premier pourla régénération ;

Et il comprend et il recon-naît.

9. Car ils étaient encoredans l'obscurité touchantcette vérité,

Qu'il fallait que le DivinAmour fût retiré d'entre lesmaux.

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68 EXÉGÈSE.

Quand Jésus parlait aux Apôtres de sa mort pro-chaine et de sa résurrection, ils ne le comprenaientpas, ils craignaient même de l'interroger à ce sujet;ils auraient voulu qu'il restât toujours avec eux; etquoiqu'il les en eût avertis plusieurs fois, ils ne pou-vaient pas se persuader qu'après qu'il les aurait quit-tés, ils le posséderaient bien plus complètement quependant son séjour dans ce monde. Il en est de mêmedu régénéré avant qu'il ait subi sa dernière tenta-tion ; heureux de sentir la présence du Seigneur quile dirige dans sa régénération, il ne comprend pasqu'il faut dans son propre intérêt qu'il en soit commeprivé momentanément, car il voudrait toujours sen-tir en lui sa présence ; et quoique la doctrine le luienseigne, il a de la peine à se persuader qu'après quele Seigneur aura été comme étouffé en lui, il le pos-sédera ensuite avec plus de plénitude qu'auparavant;cependant il faut absolument que chez le régénéréJésus soit crucifié, afin qu'il ressuscite d'entre lesmorts, c'est-à-dire qu'il faut que le Divin Amour soitpour ainsi dire étouffe chez lui pendant la dernièretentation, afin que cet Amour, par un dernier com-bat contre les maux du régénéré, les chasse et se re-tire du milieu d'eux, pour pouvoir ensuite se mani-fester chez le régénéré dans toute sa splendeur etdans toute sa gloire. Avant la dernière tentation, leDivin Amour agissait chez le régénéré au milieu demaux de tout genre qui s'opposaient sans cesse à sonaction-, après la dernière tentation, les maux étant

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JEAN. CHAP. XX, 69

repoussés et mis dans l'impossibilité de nuire, le Di-vin Amour a dès lors chez le régénéré toute sa plé-nitude d'action.

10. De nouveau donc s'en 10. De nouveau donc la foiallèrent chez eux les disci- et le bien de la charité sontpies. laissés à eux-mêmes.

11. Mais Marie se tenait 11. Mais l'affection du bienprès du sépulcre, en dehors, persiste pour la régénéra-pleurant. tion, restant dans les exter-

nes, avec un profond chagrin.Comme donc elle pleurait, Comme donc elle ressent

elle se baissa vers le sépul- ce chagria, elle s'humilie aucre, sujet de la régénération,

Les disciples s'en allèrent à eux-mêmes, ou chezeux ; mais Marie resta au sépulcre, sans y pénétrer,se tenant dehors et pleurant : c'est que l'affection dubien, lors même qu'elle se tient dans les externes, estspécialement douée de persévérance et de tendresse;c'est à cette affection, comme on le verra plus tard,qu'appartient la tâche d'exciter et de mettre en ac-tion les autres mobiles chez le régénéré. Le Sei-gneur aimait Jean plus que les autres Apôtres, parceque Jean représente le bien de la charité ou lesœuvres, et que les œuvres sont ce qui plaît le plus auSeigneur, mais ici il préfère Marie la Magdalène àJean, parce que c'est l'affection du bien qui, dans larégénération, est le premier et le principal mobile.

12. Et elle voit deux An- 12. Et elle perçoit les Di-ges en blancs, assis l'un à la vins Vrais, tant dans les pré-tête, et l'un aux pieds, miers que dans les derniers,

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70 EXÉGÈSE.

Où avait été étendu le Relativement à l'état decorps de Jésus. l'Humain du Seigneur.

Les disciples en entrant dans le sépulcre ne virentque les linges qui avaient enveloppé le Seigneur,Marie la Magdalène en se baissant y voit deux Anges.Voilà la première manifestation dans le régénéréaprès sa dernière tentation, et c'est dans son affec-tion du bien qu'elle a lieu. Quand cette affections'humilie au sujet de la régénération, les Divins Vraisqui concernent l'Humain du Seigneur se manifestentdevant elle.

13. Et ils lui dirent, eux : 13. Et la perception deFemme, pourquoi pleures» ces vrais la fait réfléchir surtu? la cause de son profond cha-

grin ;Elle leur dit : Parce qu'ils Elle pense que c'est parce

ont enlevé mon Seigneur, que les maux ont éloigné leDivin Amour,

Et je ne sais où ils l'ont Et que dans son état d'ob-mis. scurité elle ne sait comment

le retrouver.

Malgré la perception des Divins Vrais sur l'état dél'Hutoain du Seigneur, l'affection du bien ne perce-vant pas encore le Divin Humain, pense toujours quece sont les maux qui l'ont éloigné.

14. Et quand elle eut dit lu. Et pendant qu'elleces choses, pense ainsi,

Elle se tourna en arrière II se fait en elle un chan-et elle voit Jésus debout ; gement d'état, et elle perçoit

le Divin Amour;

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JEAN. CHAP. XX. 74

Mais elle ne savait pas que Mais elle est dans tropc'était .Jésus. d'obscurité pour reconnaître

que c'est le Divin Amour.

C'est aussi Marie la Magdalène qui la première voitle Seigneur en personne après la résurrection. Néan-moins, malgré le changement d'état qui s'opère dansl'affection du bien, cette affection ne pouvait pas re-connaître tout de suite le Divin Amour ; c'est d'ailleursce qui est exprimé clairement dans ce Verset, en ceque Jésus se manifesta derrière Marie, et que c'esten se retournant qu'elle le vit.

15. Jésus lui dit : Femme, 15. Le Divin Amour parpourquoi pleures-tu ? Qui un influx dans l'affection ducherches-tu? bien la fait réfléchir sur la

cause de son chagrin et surl'objet de ses désirs,

Elle, croyant que c'est le Elle, le prenant pour le Dis-jardinier, pensateur de l'intelligence,

Lui dit : Seigneur, si toi, tu Pense que si c'est lui quil'as emporté, tient le Divin Humain éloigné

à cause des maux.Dis-moi où tu l'as mis; et II lui fera connaître dans

moi, je l'enlèverai. quel état elle doit être pourle retrouver, et qu'elle l'ob-tiendra.

Par ce premier influx dans l'affection du bien, leDivin Amour ne se fait pas reconnaître comme tel,mais il produit en elle un progrès, en ce qu'elle leprend pour le Dispensateur de l'intelligence, et qu'elleespère, par l'intermédiaire de ce Dispensateur, re-trouver le Divin Humain. .

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72 EXÉGÈSE.

16. Jésus lui dit : Marie! 16. Un second influx duDivin Amour pénètre danstoute l'affection du bien,

Elle, s'étant retournée, Cette affection, subissantun changement d'état,

Lui dit : Rabboni! c'est-à- Le reçoit comme Divinedire, Maître! Sagesse ou Divin Vrai.

Ce second influx pénètre dans toute l'affection dubien, car Jésus l'appelle par son nom, Marie! cequi montre qu'il s'adresse à sa qualité, c'est-à-dire,à tout ce qui constitue cette affection ; il est dit en-suite qu'elle se retourna, ce qui indique qu'aprèsavoir répondu à Jésus qu'elle avait pris pour le Jardi-nier, elle s'était tournée vers le sépulcre où elle avaitprécédemment vu les Anges, c'est-à-dire, vers lesDivins Vrais qui concernent l'Humain du Seigneur,Vers. 12 ; mais qu'en entendant prononcer sonnom, elle se retourna et alors reconnut Jésus, carelle l'appelle Rabboni, c'est-à-dire que par un nou-veau changement d'état ou un nouveau progrès, ellereçoit le Divin Amour, non pas, il est vrai, commeDivin Amour, puisqu'elle l'appelle Maître, maisseulement comme Divine Sagesse.

17. Jésus lui dit : Ne me 17. Un troisième influxtouche point, du Divin Amour lui fait per-

cevoir qu'elle ne peut pas lerecevoir en cette qualité ;

Car je ne suis pas encore Parce que le régénéré nemonté vers mon Père; s'est pas encore élevé vers le

Divin Bien Même;

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JEANi CHAP. XX. 73

Mais va vers mes frères, Mais qu'elle doit mettre enactivité les principaux mo-biles du régénéré,

Et les exciter à s'éleververs le Divin Bien Même,

Et vers le Divin Vrai Mê-me.

Et dis-leur : Je monte versmon Père et votre Père,

Et vers mon Dieu et votreDieu.

Enfin, par an troisième influx, l'affection du bienperçoit qu'elle ne peut pas recevoir le Divin Amouravant que le régénéré se soit élevé vers le Divin BienMême. Par monter vers le Père, il est entendu, dansle sens suprême, l'union complète de l'Humain duSeigneur avec son Divin, l'Humain provenant de samère ayant été entièrement rejeté. A. E. 899 ; maisdans le sens interne particulier, c'est l'élévation durégénéré vers le Divin Bien Même.

Le Seigneur appelle les disciples ses frères, parcequ'il s'agit principalement du bien, le mot frère seréférant au bien.

18. Marie la Magdalènevint annoncer aux disciples,

Qu'elle avait vu le Sei-gneur,

Et qu'il lui avait dit ceschoses.

18. L'affection du biense conjoint aux principauxmobiles pour leur communi-quer

Qu'elle a eu une percep-tion du Divin Humain du Sei-gneur,

Et que d'après cette per-ception il faut pour le rece-voir comme Divin Amour,s'élever vers le Divin BienMême et vers le Divin VraiMême.

7.

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74 EXÉGÈSE.

Jusqu'ici le Divin Humain du Seigneur ne s'estmanifesté dans le régénéré qu'à son affection dubien, parce que cette affection doit préparer et exci-ter les principaux mobiles chez le régénéré à s'éleververs le Bien Même et le Vrai Même, avant que le Di-vin Humain puisse se manifester à eux.

19. Quand donc ce fut lesoir, ce même jour, le pre-mier des Sabbaths,

Et les portes étant fermées

Là où les disciples étaientassemblés,

Par crainte des Juifs,

Jésus vint et se tint aumilieu,

Et il leur dit : Paix à vous!

19. Puis dans la faiblelumière de ce même état derepos,

Et la communication avecles choses du monde étantfermée, dans les principauxmobiles

Réunis (excepté le sensuel),

A cause de la crainte desmaux,

Le Seigneur comme DivinAmour influe et pénètre jus-qu'à Fin lime,

Et par cet influx il intro-duit dans le régénéré une fé-licité intime.

Maintenant la manifestation du Seigneur ou duDivin Amour, a lieu devant les disciples assemblés,mais en l'absence de Thomas, voir Vers. 24. Tho-mas n'était pas présent, parce qu'il représente lesensuel; or, la régénération s'effectue selon l'ordredescendant des degrés, et le sensuel est au dernierdegré ; l'externe est régénéré plus tard et plus diffi-cilement que l'interne. A. C. 3469 : il est donc con-

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JEAN. CHA.P. XX. 73

forme aux lois de l'ordre que les autres principauxmobiles chez le régénéré reconnaissent le Divin Hu-main, avant que le Divin Humain puisse se faire re-connaître par le sensuel du régénéré.

20. Et disant cela, 20. Et en introduisantcelle félicité,

II leur monlra ses mains et II manifesta sa puissanceson côté. et son amour.

Les disciples se réjouirent Ces principaux mobilesdonc en voyant le Seigneur, sont donc dans la joie, en

reconnaissant le Divin Hu-main du Seigneur.

21. Puis, Jésus leur dit en- 21. Puis, le Seigneur in-core : Paix à vous! traduit dans le régénéré une

félicité encore plus intime,Comme M'a envoyé le Pè- Avec la conviction que

re, Moi aussi je vous en- comme du Divin Même a pro-voie, cédé le Divin Vrai, de mémo

du bien interne procède levrai interne chez le régénéré.

Dans le sens interne, relativement à l'Église sur laterre, par : « Comme te Père m'a envoyé, Moi aussije vous envoie, » il est signifié que les hommes del'Église doivent enseigner le Divin Vrai procédant duSeigneur, de Qui vient la vie spirituelle; en effet, leSeigneur dans le monde était le Divin Vrai qu'il en-seigna d'après le Divin Bien qui était en Lui par laconception ; c'est ce Divin Bien que le Seigneur appelleici le Père; et comme, lorsqu'il sortit du monde, ilunit le Divin Vrai au Divin Bien afin qu'ils fussent unen Lui, et comme alors le Divin Vrai procède de

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76 EXÉGÈSE.

Lui, voilà pourquoi il a dit : « Comme mon Pèrem'a envoyé, Moi aussi je vous envoie. » A. E. 419.Mais dans le sens interne particulier, où tout sepasse dans le régénéré qui est l'image du Seigneur,il est signifié que le vrai chez le régénéré procèdedu bien, comme le Divin Vrai chez le Seigneur aprocédé du Divin Bien ou du Divin Même appelé lePère. •

22. Et, disant cela, 22. Et en introduisantcette félicité et celte convic-tion,

II insuffla, II insinue dans le régénéréla vie de la foi,

Et leur dit : Recevez Es- Et le régénéré perçoit queprit Saint la Divine Sagesse ou le Divin

Vrai influe en lui ;23. A ceux à qui vous re- 23. Que par celte sagesse

mettrez les péchés, ils seront il doit remplacer les mauxremis; et les faux par les biens et

les vrais,A ceux à qui vous les re- Et que les maux et les

tiendrez, ils seront retenus, faux seront tenus éloignés etdans l'impuissance de nuire.

Des paroles presque semblables ont été adresséesà Pierre lorsque le Seigneur lui promit les clés duRoyaume des Cieux,— Matth. XVI. 19 ; — mais c'està la foi, procédant de la charité, foi représentée parPierre, alors appelé Simon, fils de Jonas, et non àPierre lui-même qu'appartiennent ces clés : cette foiest seulement chez ceux qui sont dans l'amour enversle Seigneur et dans la charité à l'égard du prochain,

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JEAN. CHAP. XX. 77

c'est elle qui ferme le Ciel pour que les maux et lesfaux n'y entrent pas, et c'est elle qui ouvre le Ciel pourles biens et les vrais ; les douze Apôtres aussi repré-sentent tout ce qui appartient à une telle foi. A. C.Préf. IIIe Part. Cette foi est chez le régénéré quandil a reçu la Divine Sagesse ou le Divin Vrai : c'estalors qu'il reçoit en abondance des biens et des vraisà la place des maux et des faux qui ont été chassés,et qui sont tenus éloignés et dans l'impuissance delui nuire.

2û. Or, Thomas, 24. Or, le sensuel,L'un des douze, L'un des principaux mo-

biles,Appelé Didyme, Qui doit coopérer avec les

autres chez le régénéré,N'était point avec eux N'était pas d'abord con-

quand vint Jésus. joint avec eux quand le Sei-gneur influa.

Thomas, qui représente le sensuel du régénéré, aété surnommé Didyme, c'est-à-dire, Jumeau, parceque le sensuel, bien que constituant l'externe du ré-généré, est le frère jumeau des internes ou des au-tres principaux mobiles, et comme tel, il doit seconjoindre à eux ou coopérer avec eux chez le régé-néré; car tant qu'il reste séparé, la régénération estimparfaite. Thomas n'était pas avec les autres Apô-tres quand Jésus vint; c'est-à-dire que le sensueln'avait pas conscience de la présence du Divin Amourdans les intérieurs du mental du régénéré; et celaparce que le sensuel étant plongé dans les idées mon-

7*.

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78 EXÉGÈSE.

daines, il faut que les intérieurs soient ramenés àl'ordre et reconnaissent la présence du Seigneur,pour que le sensuel puisse ensuite être atteint, carc'est par l'interne que l'externe est régénéré. « Net-toie premièrement l'intérieur de la coupe et du plat,afin que l'extérieur devienne aussi net. » — Matth.XXII. 26.

25. Les autres disciples lui 25. Les autres principauxdirent donc : Nous avons vu mobiles lui communiquentle Seigneur; donc, qu'il y a eu chez eux

manifestation du Divin Hu-main du Seigneur.

Mais lui, leur dit : Si je ne Mais il déclare que s'il nevois dans ses mains les mar- voit pas dans la puissance duques des clous, et ne mets Divin Humain l'adjonction demon doigt dans la marque des la puissance naturelle,clous,

Et ne mets ma main dans Et que si la puissance na-son côté, turelle n'est pas conjointe au

Divin Amour,Je ne croirai point. Il ne le reconnaîtra point.Avant d'avoir été régénéré, le sensuel a de la

peine à croire à la glorification du Seigneur ou auDivin Humain, lors même que les autres principauxmobiles la reconnaissent pleinement; c'est-à-direque lors même que le régénéré est pleinement con-vaincu dans son intérieur que le Seigneur a renduDivin son Humain, néanmoins lorsque son sensueln'a pas encore été régénéré, et dans les instants oùchez lui ce sensuel domine, il a de la peine à recon-naître le Divin Humain, il voudrait alors avoir despreuves matérielles et palpables.

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JEAN. CHAP. XX. 79

26. Et huit jours après,

De nouveau les disciplesétaient au-dedans du logis,

Et Thomas avec eux.

Jésus vint,Les portes étant fermées,

Et il se tint au milieu

Et dit : Paix à vous!

27. Puis il dit à Thomas :

Porte ton doigt ici, et voismes mains,

Et porte ta main et mets-la dans mon côté;

Et ne sois pas incrédule,mais croyant.

28. Et Thomas répondit etlui dit : Mon Seigneur et monDieu!

Par la glorification de

26. Et au commencementde l'état suivant,

Les principaux mobilesétant de nouveau dans uneperception intérieure,

Et le sensuel étant conjointà eux,

Le Seigneur influe,La communication avec les

choses du monde étant fer-mée,

Et il pénètre jusqu'à l'in-time,

Et par cet influx il intro-duit dans le régénéré une fé-licité intime.

27. Puis il influe spéciale-ment dans le sensuel,

Et par cet influx le sensuelperçoit que chez le Seigneurla puissance naturelle est ad-jointe à la puissance Divine,

Et que cette puissance na-turelle est aussi conjointeavec l'Amour Divin;

Et qu'ainsi il ne doit plusnier, mais qu'il doit recon-naître.

28. Et le sensuel reçoit cetinflux, et reconnaît le DivinHumain du Seigneur commeétant l'union du Divin Amouret de la Divine Sagesse.son corps jusque dans les

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80 EXÉGÈSE.

derniers, le Seigneur peut se rendre accessible au sen-suel chez le régénéré. Au Vers. 16, Jésus dit à Marie :« Ne me touche pas, car je ne suis pas encore montévers mon Père, » et maintenant Jésus dit à Thomas :« Porte ici ta main, et mets-la dans mon côté. »Lorsqu'il s'adressait à Marie, l'union de son Humainavec son Divin n'était pas encore complète; maishuit jours se sont écoulés, et pendant ce temps ilétait monté vers le Père, c'est-à-dire qu'il avait com-plété l'union de l'Humain avec le Divin, au point qu'ilpouvait être accessible au sensuel chez le régénéré.Dans le sens interne particulier, ces huit jours écou-lés entre les deux manifestations signifient une pé-riode entière, pendant laquelle le régénéré a faitdans la régénération des progrès analogues à ceuxque fit le Seigneur dans sa glorification; et ces pro-grès, auxquels le sensuel a participé, mettent le sen-suel en état de percevoir le Divin Humain. Si lespreuves internes ne suffisent pas, le Seigneur donnedes preuves externes en manifestant sa puissance etson amour dans le degré naturel.

29. Jésus lui dit : Parce 29. Le Seigneur par sonque tu M'as vu, Thomas, tu inf lux fait percevoir au sen-as cru : suel qu'au lieu de reconnaî-

tre le Divin Humain par desmoyens externes,

Heureux ceux qui n'ont II vaudrait mieux qu'il Lepas vu et qui ont cru! reconnût par des moyens in-

ternes.

Dans le sens interne général, Thomas représente

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JEAN. GHAP. XX. 81

ceux qui veulent voir avant de croire, c'est-à-dire,ceux qui veulent des miracles et des visions; ceux aucontraire qui croient quoiqu'ils ne voient pas, sontceux qui veulent non des signes, mais des véritéstirées de la Parole, et qui croient ces vérités. A. E.1136. A. G. 7290, 8078. Ce Verset signifie aussiqu'aujourd'hui les hommes de l'Église doivent croireles choses qu'ils ne voient pas, parce que les mira-cles les priveraient de leur liberté. A. G. SS08; en-fin, par ces paroles : « Heureux ceux qui ne voientpoint et qui croient, » il faut aussi entendre non pasla foi séparée d'avec la reconnaissance interne duvrai, mais que bienheureux sont ceux qui ne voientpas le Seigneur de leurs propres yeux, comme Tho-mas le vit, et qui cependant croient qu'il est Lui-Même le Seigneur, car c'est là être dans la lumièredu vrai par la Parole. D.F. 10. La foi purement na-turelle est la foi insinuée par le chemin externe etnon par le chemin interne, comme la foi sensuelle,qui consiste à croire qu'une chose est, parce quel'œil voit et la main touche, foi dont le Seigneurparlait, quand il a adressé ces paroles à Thomas;comme aussi la foi des miracles, qui consiste àcroire qu'une chose est, seulement d'après des mi-racles; comme encore la foi de l'autorité, qui con-siste à croire qu'une chose est, parce qu'un autre enqui l'on a confiance le prétend; mais la foi spirituelleest celle qui est insinuée par le chemin interne et enmême temps par le chemin externe; l'insinuation par

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82 EXÉGÈSE.

le chemin interne fait que l'on croit, et alors ce qui estinsinué par le chemin externe fait que la chose estconfirmée. Le spirituel de la foi est l'affection de lacharité et par suite l'affection du vrai pour un usagebon et pour la vie ; voilà ce qui fait que la foi est spi-rituelle. L'insinuation de la foi par le chemin internese fait par la lecture de la Parole, et alors par l'illus-tration qui procède du Seigneur, et qui est donnéeselon la qualité de l'affection, c'est-à-dire, selon lafin qu'on se propose en désirant connaître le vrai.A. G. 8078.

30. Certes donc beaucoup 30. Certes le Seigneur faitd'autres signes fit Jésus enprésence de ses disciples,

Lesquels ne sont pointécrits dans ce livre.

encore dans le régénéré beau-coup d'aulres merveilles,

Lesquelles ne sont pointmanifestées dans l'état de savie, soit sur terre, soit auCiel.

11 y a dans la régénération de l'homme des arcanesinnombrables qui ne peuvent jamais entrer dans l'in-telligence d'aucun homme, ni d'aucun ange. A. C.5202.

31. Maisceux-ci sont écrits,

Afin que vous croyiez queJésus est le Christ, le fils deDieu;

31. Mais les merveilles ci-dessus rapportées sont mani-festées,

Afin que les hommes del'Église reconnaissent le Di-vin Amour uni à la DivineSagesse dans le Divin Humaindu Seigneur,

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JEAN. CHAP. XX. 83

Et afin qu'en croyant Et que par cette reconnais-sance.,

Vous ayez la vie éternelle Ils jouissent de la vie éter-nelle,

En son Nom. En conjoignant le bien del'amour avec le vrai de la foi.

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84 EXÉGÈSE.

CHAPITRE XXI.

1. Après cela, Jésus se ma-nifesta de nouveau aux disci-ples

Près de la mer de Tibé-riade.

Or, il se manifesta ainsi :

1. Après cela, le Seigneurse manifeste de nouveau chezle régénéré,

vers l'ensemble des con-naissances du naturel;

Or, il se manifeste ainsi :

Après les manifestations précédentes, on pourraitcroire que l'homme de l'Église a été complètementrégénéré, puisque son sensuel, qui est dans le der-nier degré, a été conjoint aux internes et a reconnule Divin Humain du Seigneur; mais il ne suffit pasque le principe sensuel soit arrivé à cette conjonc-tion et à cette reconnaissance, il faut encore que toutce qui est dans le dernier degré, ou dans le naturel,soit rétabli dans l'ordre, ou, ce qui est la mêmechose, régénéré. Il s'agit donc ici de la régénérationcomplète du naturel.

2. Ensemble se trouvaient

Simon Pierre,Et Thomas appelé Didyme,

Et Nathanaêl, de Cana enGalilée,

2. Vers l'ensemble de cesconnaissances se trouventréunis,

La foi de la volontéEt le sensuel alors conjoint

à la foi,Et le vrai qui procède du

bien naturel,

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JEAN. CHAP. XXI.

Elles/(k de Zébédée,

Et deux autres de ses dis-ciples,

Et la charité et le bien dela charité,

Tous conjoints aux autresprincipaux mobiles du régé-néré (1).

Les connaissances naturelles ne sont réformées etrégénérées que quand les connaissances spirituellesont été perçues et reconnues, parce que la régénéra-tion procède de l'intérieur vers l'extérieur. Ici lesprincipaux mobiles chez le régénéré sont descendusdes intérieurs où ils étaient précédemment, et seréunissent tous dans les extérieurs où sont les con-naissances naturelles.

3. Simon Pierre leur dit :Je vais pêcher.

Ils lui dirent : Nous y al-lons aussi, nous, avec toi.

Ils sortirent et montèrentdans la barque aussitôt;

Et dans cette nuit-là, ilsne prirent rien.

3. La foi de la volonté lesfait réfléchir qu'il faut régé-nérer le naturel.

Tous, par suite de celteréflexion, se joignent à la foide la volonté pour le régéné-rer.

Ils se mettent à l'œuvre etpénètrent aussitôt dans ladoctrine des connaissancesnaturelles;

Et étant dans l'obscuritéproduite par le propre, ils n'ytrouvent rien.

Les principaux mobiles stimulés par la foi de la

(1) DeM: signifiant la conjonction, elles disciples étant au nombrede Sept, qui signifie tous, A. E. 20, deux autres de ses disciples, sign.qu'ils étaient tous conjoints aux autres principaux mobiles du régénéré.

8.

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86 EXÉGÈSE.

volonté entreprennent de réformer le naturel; ilsont en conséquence recours h la doctrine des con-naissances naturelles; mais comme ils agissent parle propre ou par eux-mêmes, ils n'y trouvent rien,car c'est par le Seigneur qu'on trouve tout ce quiest utile. A. E. 513. Quand le régénéré entre-prend une nouvelle œuvre de la régénération, il agitordinairement par son propre, et malgré toutes lespeines qu'il se donne, il n'obtient aucun résultat;toutefois, ce travail n'est pas sans utilité, car fatiguéd'avoir cherché en vain, il est porté à reconnaîtrequ'il n'a agi que par lui-même, et que par lui-mêmeil ne peut rien; c'est aussi ce qu'on voit dans lesVersets suivants, les principaux mobiles y reconnais-sent n'avoir rien trouvé qui pût être approprié.

tt. Or, le malin étant déjà !i. Or, un commencementvenu, Jésus se tenait sur le d'illustration étant alors sur-rivage; venu, le Seigneur se mani-

feste dans les extrêmes desconnaissances,

Toutefois, les disciples ne Toutefois, les principauxsavaient point que c'était Je- mobiles du régénéré sontsus. alors dans trop d'obscurité

pour reconnaître que c'est leSeigneur.

Comme il est peu d'hommes qui parviennent surla terre à la période de régénération qui est ici dé-crite, il nous est difficile de la bien comprendre. Lesextrêmes des connaissances sont les connaissancesnaturelles, et les extrêmes du naturel sont les sen-

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JEAN. CHAP. XXI. 87

suels. A. C. 9331. Le régénéré ayant entrepris deréformer le naturel au moyen de la doctrine des con-naissances naturelles, et n'ayant obtenu aucun résul-tat parce qu'il agissait par lui-même, le Seigneur semanifeste dans les connaissances sensuelles qui sontles extrêmes ou les dernières des connaissances na-turelles, pour de là lui indiquer la marche qu'il doitsuivre, mais le régénéré ignore encore que c'est leSeigneur, c'est-à-dire qu'il ne perçoit pas encorel'influx du Divin Amour dans les connaissances sen-suelles-naturelles.

5. Jésus donc leur dit : 5. Le Seigneur donc lesEnfants, n'avez - vous pas porte à faire celle réflexion :quelque chose à manger? Avons-nous trouvé quelque

chose qui pût nous être ap-proprié?

Ils lui répondirent : Non. Ils reconnaissent n'avoirrien trouvé de tel.

Par ce premier influx du Seigneur, le régénéréreconnaît qu'il a agi d'après son propre, et que c'estpour cela qu'il n'a obtenu de ses recherches aucunrésultat.

6. Or, il leur dit : Jelez au G. Or, par un nouvel in-côlé droit de la barque le fi- flux il leur suggère de porterlet, le menlal naturel (1) vers le

bien des connaissances d'oùprocèdent les vrais,

(l)Le mental de l'homme ou le mental humain (Menshumana) con-siste en deux parties, la volonté" et l'entendement. A. C. 310. Il y a

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88 EXÉGÈSE.

Et vous trouverez. Et qu'ils trouveront.Ils le jetèrent donc, et ne Ils font donc ainsi, et ne

pouvaient point le tirer à peuvent point tirer parti decause de la multitude de ce mental à cause du grandpoissons. nombre de scientifiques (1)

qui le remplissent.

Le régénéré agissant par son propre pour réfor-mer le naturel était entré dans la doctrine des con-naissances naturelles sans obtenir aucun résultat;maintenant qu'il suit l'impulsion du Seigneur, enportant son mental naturel, c'est-à-dire, sa volonténaturelle et son entendement naturel, vers le bien dela doctrine, les scientifiques se présentent en si grandnombre que ce mental en est rempli, et que les mobi-les supérieurs du régénéré ne peuvent en tirer partien raison du grand nombre de scientifiques. Celavient de ce que, dans l'état actuel, le régénéré doitagir d'après le bien et non d'après le vrai ; dans lapremière période de la régénération, il arrivait aubien par le vrai, maintenant c'est par le bien qu'ilperçoit le vrai, car le vrai réel procède du bien.

chez l'homme deux mentais, à savoir, le mental rationnel et le mentalnaturel; le mental rationnel appartient à l 'homme interne, et le mentalnaturel appartient à l'homme externe. A. C. 5301. Le mental naturelest régénère' par le mental rationnel. A. C. 3509.

(1) Entre les doctrinaux, les connaissances et les scientifiques, il y acelte distinction : Les Doctrinaux sont les choses qui ont été tirées dela Parole; les Connaissances sont celles qui ont été tirées de ces Doc-trinaux d'une part, et des Scientifiques d'une autre part ; et les Scien-tifiques sont celles qui appartiennent à l'expérience acquise par soi-même et par d'autres. A. C. 9386.

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JEAN. CHAP. XXI. 89

7. Ce disciple que Jésusaimait dit donc à Pierre :C'est le Seigneur.

Simon Pierre, ayant doncentendu que c'était le Sei-gneur, ceignit sa tunique,

Car il était nu,

Et il se jeta dans la mer.

7. Le bien de la charitésuggère donc à la foi que c'estune manifestation du DivinHumain du Seigneur.

La foi de la volonté, ayantdonc compris que c'est unemanifestation du Divin Hu-main du Seigneur, se disposepour recevoir le vrai naturel,

Car par elle-même elle nepossédait rien de ce qui ap-partient à ce vrai.

Et elle pénètre dans l'en-semble des connaissances na-turelles.

La foi de la volonté appartient a. l'homme inté-rieur, et tant que l'homme extérieur n'a pas été ré-généré, cette foi ne possède encore rien de ce quiconcerne le vrai naturel, lequel est externe, voilàpourquoi il est dit que Simon Pierre était nu ; il cei-gnit sa tunique et se jeta à la mer, c'est-à-dire quecette foi se dispose à recevoir ce vrai en pénétrantdans l'ensemble des connaissances naturelles, car ils'agit ici de la régénération de l'homme externe etde tout ce qui le concerne.

8. Mais les autres disciples 8. Mais les autres princi-vinrent dans la nacelle, — paux mobiles du régénérécar ils n'étaient pas loin de la s'approchent du sensuel ex-terre, mais à environ deux terne par la doctrine descents coudées,— connaissances les plus exté-

rieures, car ils n'étaient paséloignés de ce sensuel, mais

8*'

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90 EXÉGÈSE.

presque conjoints par la qua-lité,

Traînant le filet de pois- Tirant parti du menlalsons. naturel rempli de scientifi-

ques.

Pour que les principaux mobiles du régénéré puis-sent reconnaître et s'approprier les scientifiques quisont au dernier degré (les poissons), il faut néces-sairement qu'ils s'approchent du sensuel externe (laterre), dans lequel ces scientifiques peuvent êtremis en évidence et examinés, et c'est par la doctrinedes connaissances les plus extérieures (la nacelle oupetite barque), qu'ils s'approchent de ce sensuel, tirantparti du mental naturel (le filet), c'est-à-dire, de la vo-lonté naturelle et de l'entendement naturel du régé-néré où étaient les scientifiques ; mais ils ne font pointentrer ce mental dans le sensuel externe; c'est la foide la volonté qui est chargée de ce soin. Voir Vers. 11.

9. Lors donc qu'ils furent 9. Lors donc qu'ils sontdescendus à terre, descendus dans le sensuel

externe,Ils voient un brasier qui Ils aperçoivent le bien qui

était là, était là,Et un petit poisson rais Et d'après ce bien le vrai

dessus, et du pain. du bien spirituel, et le biende l'amour.

Parvenus dans le sensuel externe après tous cespréliminaires, les principaux mobiles du régénéré yaperçoivent le bien, et par suite le vrai du bien spiri-tuel, et le bien de l'amour, qui vont leur servir afaire un examen des scientifiques.

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JEAN. CHAP. XXI. 91

10. Jésus leur dit : Appor- 10. Le Seigneur par sonlez de ces poissons que vous influx les fait réfléchir qu'ilsavez pris maintenant. doivent examiner les scienti-

fiques qu'ils ont découvertsmaintenant.

Après avoir aperçu le bien et le vrai dans le sen-suel externe, les principaux mobiles du régénérésont aptes à examiner les scientifiques, et le Seigneurpar son influx les porte à faire cet examen.

11. Simon Pierre monta, 11. La foi de la volonté s'é-et il tira le filet à terre, plein lève vers le bien, et ellede poissons grands, cent cin- fait entrer dans le sensuelquante-trois; externe le mental naturel

rempli de tous les scientifi-ques;

Et, quoiqu'il y en eût tant, Et quoique le nombre enpoint ne fut déchiré le filet, soit très-grand, le mental na-

turel n'en souffre point.

Cette pêche merveilleuse, faite sur le côté droit dela barque, montre qu'en agissant d'après le bien na-turel, le régénéré découvre les choses innombrablesqui appartiennent au vrai naturel, et qui sont appe-lées scientifiques; que sa volonté naturelle et son en-tendement naturel en sont remplis; et que malgré lamultiplication excessive des scientifiques, cette vo-lonté et cet entendement n'en souffrent aucun dom-mage.

12. Jésus leur dit : Venez, 12. Le Seigneur par sondînez, influx les convie à la conjonc-

tion et a l'appropriation,

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92 EXEGESE.

Or, aucun des disciples Or, aucun des principauxn'osait lui demander : Qui mobiles du régénéré n'entre-es-tu? prend de rechercher d'où

provient cet influx,Sachant que c'était le Sei- Percevant qu'il procède du

gneur. Divin Humain du Seigneur.

A l'inspection de tous ces scientifiques qui sont

étalés à ses yeux, le régénéré ne peut douter un in-

stant que cette multiplication prodigieuse n'ait été

produite par la miséricorde du Seigneur; et quand

aussitôt après il se sent porté à se les approprier, il

ne pense nullement à rechercher d'où provient cette

impulsion, étant bien convaincu qu'elle procède du

Seigneur.

13. Jésus donc vient, et il 13. Le Seigneur donc seprend le pain, et il leur don- conjoint avec eux, et il leurne, et le petit poisson pareil- communique dans le dernierlement. degré le bien de l'amour, et

pareillement le vrai du bienspirituel.

Par cette conjonction et par cette communicationdu bien de l'amour, et du vrai du bien spirituel, le

régénéré s'approprie ce bien et ce vrai dans le degrénaturel-sensuel.

lit. C'était déjà la troisièmefois que Jésus s'était mani-festé à ses disciples,

Après être ressuscité desmorts,

l/i. C'est là le complémentdes manifestations du Sei-gneur dans le régénéré,

Après que chez lui lesmaux ont été entièrement re-poussés.

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JEAN. CHAP. XXI. 93

Depuis que les maux avaient été repoussés chez lerégénéré, c'est-à-dire, depuis sa dernière tentation,le Seigneur s'était d'abord manifesté dans tout le ré-généré, le principe sensuel excepté, et par cette ma-nifestation l'ordre fut rétabli dans tous ses princi-paux mobiles autres que le sensuel; le Seigneur semanifesta une seconde fois dans tout le régénéré sansen excepter le mobile sensuel, et par cette secondemanifestation ce mobile fut aussi remis dans l'or-dre, et il reconnut le Divin Humain du Seigneur.Enfin, par cette troisième manifestation dans le ré-généré, tout ce qu'il y a de plus extérieur, c'est-à-dire, tout ce qui dépend du sensuel externe est remisdans l'ordre ou est régénéré par cette appropriationdu bien et du vrai.

15. Lors donc qu'ils eurent 15. Lors donc que le régé-dîné, Jésus dit à Simon néré se fut approprié ce bienPierre : et ce vrai, le Seigneur porto

la foi de la volonté à fairecette réflexion :

Simon, fds de Jonas, M'ai- Son affection du vrai aime-mes-tu plus que ceux-ci? t-elle le Seigneur plus que le

régénéré lui-même?Il lui dit : Oui, Seigneur, Celte réflexion la conduit

Toi, lu sais que je T'aime. à se conjoindre comme d'elle-même au Seigneur.

I l luidi t îPaismesagneaux. Le Seigneur lui fait perce-voir qu'elle doit éclairer, chezle régénéré, tout ce qui estdans l'innocence.

Tout ayant été enfin remis dans l'ordre chez le ré-

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94 EXÉGÈSE.

généré, le Seigneur trace à la foi de la volonté cequ'elle doit faire pour perfectionner la régénération.Quoique le Seigneur connaisse l'état de l'hommemieux que l'homme ne le connaît lui-même, néan-moins il arrive souvent que, dans la Parole, il l'in-terroge à ce sujet, ce qui signifie que le Seigneurporte l'homme à réfléchir sur cet état, afin qu'il soitpar cette réflexion conduit comme par lui-même àse conjoindre au Seigneur, et afin que par suite dece réciproque de conjonction il puisse percevoir cequ'il doit faire. Ici la foi de la volonté du régénéréperçoit que chez lui elle doit éclairer tout ce qui estdans l'innocence, c'est-à-dire, tout ce qui constituechez lui le plus haut degré; dans ce degré le régénérédoit aimer le Seigneur, c'est-à-dire, le bien et levrai, plus que lui-même.

16. Il lui dit encore une 16. Par un influx de con-seconde fois : Simon, fils de jonction il porte encore l'af-Jonas, M'aimes-lu? fection du vrai à faire cette

réflexion : Aime-t-elle le Sei-gneur?

Il lui dit : Oui, Seigneur, Cette réflexion la conduit àToi, lu sais que je T'aime. se conjoindre comme d'elle-

même au Seigneur.Il lui dit : Fais paître mes Le Seigneur lui fait perce-

brebis, voir qu'elle doit éclairer, chezle régénéré, tout ce qui estpar la volonté dans le bien oula charité.

Tout ce qui, chez le régénéré, est dans le bien par

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JEAN. CHAP. XXI. 9o

la volonté, c'est tout ce qui constitue chez lui le de-gré moyen.

17. Il lui dit pour la troi- 17. Par un influx complé-sièrae fois : Simon, fils deJonas, M'aimes-tu?

Pierre fut attristé de cequ'il lui avait dit pour latroisième fois : M'aimes-tu?

Et il lui dit:Seigneur, Toi,lu sais toutes choses; Toi, tuconnais que je T'aime.

Jésus lui dit : Pais mesbrebis.

mentaire, il porte l'affectiondu vrai à faire cette réflexion :Aime-t-elle le Seigneur?

La foi est attristée de ceque par cet influx complé-mentaire elle est portée àfaire cette réflexion : Aimes-tu le Seigneur?

Et cette réflexion la con-duit à se conjoindre commed'elle-même au Seigneur.

Le Seigneur lui fait perce-voir qu'elle doit éclairer,chez le régénéré, tout ce quiest par l'entendement dansle bien ou la charité.

H est à remarquer qu'ici il est dit que Pierre futattristé, tandis que précédemment, dans ce Chapitrel'Apôtre est nommé Simon Pierre, et Simon fils deJonas; ainsi ce n'est pas ici à la foi de la volonté,ni à l'affection du vrai, mais c'est simplement à lafoi du régénéré qu'il est dit d'éclairer chez lui toutce qui est dans le bien par l'entendement, c'est-à-dire, tout ce qui constitue chez lui le degré dernierou le plus bas ; en effet, ce degré est éclairé par lafoi simple, mais cette foi doit se mettre sous la di-rection du Seigneur, afin d'acquérir une vie nou-velle; c'est ce que signifient les Versets suivants oùl'Apôtre est toujours appelé simplement Pierre.

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96 EXÉGÈSE.

18. En vérité, en vérité, je 18. Un influx confirmatifle dis : Lorsque lu étais plus fait réfléchir la foi que dansjeune, lu te ceignais toi-mê- le commencement de la re-nie, et tu marchais où lu génération elle agissait d'a-voulais: près la liberté, et se dirigeait

où elle pouvait aller;Mais quand tu seras de- Mais qu'elle va perdre sa

venu vieux, lu étendras les puissance et qu'un autre lamains, et un autre te cein- dirigera et la conduira oùdra, et te mènera où tu ne d'elle-même elle ne peut al-veux pas. 1er.

Dans le commencement de la régénération la foitient le premier rang, et la charité est au secondrang; alors la foi agit en pleine liberté, et elle se di-rige où elle peut aller, c'est-à-dire qu'elle fait toutce qu'elle peut accomplir par elle-même dans cettepremière période de la régénération; mais dans ladernière période, la charité doit être au premierrang et la foi doit descendre au second ; alors c'est àla charité à diriger la foi, et à la conduire où d'elle-même elle ne peut aller, c'est-à-dire, dans les opéra-tions qu'elle ne peut entreprendre par elle-même.

Dans le sens interne appliqué à la première Églisechrétienne, ce Verset signifie que dans le commen-cement de cette Église la foi serait dans le bien del'innocence comme un enfant, mais qu'à la fin decette Église elle ne serait plus dans ce bien, ni dansle bien de la charité, et qu'alors le mal et le faux ladirigeraient ; qu'ainsi de libre, elle deviendrait es-clave. A. C. 10087.

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JEAN. CHAP. XXI. 97

En comparant ce sens avec celui qui est donné ici,on voit que dans la seconde partie de ce Verset ils nene paraissent point corrélatifs, car ici, par cet autrequi doit la diriger, on n'entend ni le mal, ni le faux.Pour qu'il y eût corrélation entre ces deux sens, ilfaudrait qu'il fût question ici d'un régénéré qui suc-combe dans les tentations et retourne à sa premièrevie, puisque la première Église chrétienne a fini parsuccomber et est arrivée à sa complète consomma-tion. Le sens interne que nous présentons n'étant ap-pliqué qu'au régénéré qui sort victorieux de la der-nière tentation ne doit donc être en corrélation qu'a-vec le sens interne qu'on appliquerait à la NouvelleJérusalem, car cette Église étant le couronnementde toutes celles qui ont existé ne doit pas succomber.Or, il est bien évident que dans la Nouvelle Église,de même que chez le régénéré victorieux, la foi nesera dirigée, dans sa vieillesse, ni par le mal, ni parle faux, mais qu'elle sera alors sous la direction dela charité, et acquerra par là une vie nouvelle, commeil est dit au Verset suivant.

Ainsi, relativement à la première Église chré-tienne, ces paroles du Seigneur adressées à Pierresont maintenant accomplies; relativement à la Nou-velle Église, elles s'accompliront dans leur temps quiest connu du Seigneur seul; et relativement à l'hom-me de la Nouvelle Église, elles s'accomplissent dès àprésent chez le régénéré qui est parvenu à subir sadernière tentation, et à en sortir victorieux.

9.

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98 EXÉGÈSE.

19. Or, il dit cela, signi- 19. Or, cet influx mani-fiant de quelle mort il devait fesle par quelle vie nouvelleglorifier Dieu ; la foi doit glorifier la Divine

Sagesse ;Et, ayant dit cela, il lui Et, en même temps, il lui

dit : Suis-Moi. est insinué qu'elle doit semettre sous la direction duDivin Amour.

C'est en mourant, c'est-à-dire, en acquérant unevie nouvelle, que la foi peut glorifier la Divine Sa-gesse, et pour cela il faut qu'elle se mette sous la di-rection du Divin Amour.

20. Or, se tournant,Pierre 20. Or, se détournant duvoit le disciple, qu'aimait Je- Divin Amour, la foi s'aperçoitsus, qui suivait, que le bien de la charité se

met sous la direction de cetAmour,

Lequel aussi s'était penché Lequel bien aussi avait étépendant le souper sur sa poi- pénétré du Divin Amour pen-trine, et avait dit : Seigneur, dant la conjonction du Sei-qui est-ce qui te livre? gneur avec le régénéré, et

s'était enquis du mobile gé-néral qui devait le trahir.

Avant d'acquérir une vie nouvelle, en se mettantsous la direction du Divin Amour, comme il vient delui être commandé, la foi se détourne de cet Amour,et montre pleinement quel est son caractère, quandelle est livrée à elle-même, ainsi qu'on le voit par laquestion que Pierre adresse au Seigneur dans le Ver-set suivant.

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JEAN. CHAP. XXI. 99

21. Pierre, le voyant, dit à 21. La foi, s'en apercevant,Jésus : Mais celui-ci, quoi! fait cette réflexion : Mais ce

bien, dans quel état est-il?

Cette question montre clairement quel est le mé-pris de cette foi pour le bien de la charité, ou, ce quiest la même chose, pour les œuvres, car l'expression,quoi! renferme en elle le mépris. Voir A. G. 6073.A. E. 9.

22. Jésus lui dit : Si je 22. Le Seigneur fait enten-veux qu'il demeure jusqu'à dre que s'il veut que ce bience que je vienne, que t'im- resie tel jusqu'à la parfaiteporte? régénération, peu importe à

celte foi ;Toi, suis-Moi. Que, quant à ce bien, il

doit se mettre sous la direc-tion du Divin Amour.

C'est à Jean que ces dernières paroles sont adres-sée, et non à Pierre. Voir A. E. 821, 250, cfr.A. E. 9, 229.

Dans le sens interne relatif à la Vieille Église, lesVers. 20, 21 et 22, signifient qu'à la fin de cetteÉglise, la foi se détournerait du Seigneur, et que lebien de la charité continuerait à suivre le Seigneuret à le reconnaître; ce qui est arrivé puisque leschefs de cette Église prétendent que la foi seule faitl'Église et sauve, et que malgré cette funeste etfausse doctrine qui considère le bien de la viecomme de nul effet, ce bien a néanmoins continué àsubsister.

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100 EXEGESE.

Mais dans le sens interne particulier, ces Versetssignifient que, chez le régénéré, la foi telle qu'elleexistait d'abord n'a plus rien à faire dans la régéné-ration; qu'elle doit recevoir une nouvelle vie en seplaçant au-dessous du bien de la charité; et que cebien doit se mettre sous la direction du Divin Amour.

23. Ce qui fit alors penserau régénéré, que ce bien nedevait pas avoir une vie nou-velle.

Cependant le Seigneur n'a-vait pas fait entendre que cebien n'aurait pas une vienouvelle; mais que s'il veutqu'il reste tel jusqu'à la par-faite régénération, peu im-porte à cette foi.

2/i. Ce bien est chez le ré-généré le mobile généralqui donne la preuve que cesont là des vérités, et quimanifeste ces vérités par lesétats de la vie,

Et tout homme de l'Églisevoit clairement que cellepreuve est certaine.

Le bien de la charité ou les œuvres, voilà ce quiprouve que l'on est véritablement un disciple duSeigneur; « Par leurs fruits vous les connaîtrez. » —Matth. \ll. 16, 20.

25. Or, il y a encore beau- 25. Mais il y a encore

23. Cette parole donc serépandit parmi les frères, quece disciple ne mourrait point.

Cependant Jésus ne luiavait pas dit qu'il ne mour-rait point, mais : Si je veuxqu'il demeure jusqu'à ce queje vienne, que t'importe?

2/i. C'est ce disciple qui at-teste ces choses, et qui lesécrit -,

Et nous savons que vraiest son témoignage.

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JEAN. CHAP. XXI. 101

coup d'autres choses qu'afaites Jésus,

Lesquelles, si elles étaientécrites une à uneje ne pensepas que le monde même con-t în t les livres qu'on en écri-rait.

Amen.

beaucoup d'autres merveillesque le Seigneur opère,

Lesquelles, si elles étaientmanifestées chacune en dé-tail, il serait impossible quel'homme régénéré et mêmel'ange pussent comprendretous les divers états par les-quels ils sont obligés de pas-ser jusqu'à la parfaite régé-nération.

Confirmation Divine quetout ce que contient la Paroleest la vérité.

9*.

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EXÉGÈSE.

G É N É A L O G I E DE J É SU S - C H P. I ST .

Matth. 1.1 à l l . Luc, III. 23 à 38.

En nous faisant observer que dans les divers In-dex des Ouvrages de Swedenborg, on ne trouvenulle part qu'il soit question de la Généalogie deJésus-Christ, un de nos frères nous demande ce quenous pensons du Silence de notre Auteur sur unpoint qui présente tant de difficultés, surtout enraison du peu d'accord des deux généalogies entreelles. Comme celte remarque a pu ou pourrait êtrefaite par plusieurs autres personnes, nous avons cruqu'il convenait de publier, dans cette Revue, les re-cherches auxquelles nous nous sommes livrés, pourrépondre au désir de notre Correspondant.

Nous dirons d'abord que si Swedenborg garde lesilence sur les deux Généalogies de Jésus-Christ,données par Matthieu et par Luc, il parle souventdes généalogies des divers personnages dont il estquestion dans l'Ancien Testament; et que ce qu'ildit de ces généalogies suffit pour nous mettre sur la

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GÉNÉALOGIE DE JÉSUS-CHRIST. 103

voie de ce qui est signifié par la Généalogie de Jésus-Christ.

On sait que, dans le sens interne de la Parole, lesnoms propres signifient des choses; c'est un pointsur lequel Swedenborg revient souvent, et qu'ilprouve en s'appuyant, selon sa coutume, sur denombreux passages de la Parole. De là résulteraitdéjà que les généalogies, qui ne présentent, dans lesens de la lettre, que des séries de noms propres,doivent, dans le sens interne, signifier des chosesqui aient, entre elles, des rapports analogues à ceuxqui existent entre les personnes nommées, c'est-à-dire, des rapports de filiation, en ce qu'elles dériventles unes des autres.

« II était ordinaire chez les Très-Anciens, dit» Swedenborg, d'imposer des noms, et par les noms» de signifier des choses, et d'établir ainsi une gé-» néalogie; les choses, en effet, qui appartiennent à» l'Église, se comportent de même, l'une est conçue» et enfantée par l'autre, et il en est de cela comme» d'une génération; c'est pourquoi il est commun,» dans la Parole, lorsqu'il s'agit de telles choses de» l'Église, de les appeler conception, enfantement,» descendants, petits-enfants, enfants, fils, filles, etc.» Les prophétiques sont pleins de telles dénomina-» lions. » — A.C. N°339.

Il dit plus loin en parlant des noms des fils deSem : « Ils signifient que l'Église Ancienne, qui fut» interne, a été douée de sagesse, d'intelligence, de

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104 EXÉGÈSE.

» science et des connaissances du vrai et du bien. Ce» sont de telles choses que contient le Sens interne,» quoiqu'il y ait seulement des noms, d'après les-» quels, dans le Sens littéral, il semble qu'on ne» puisse tirer autre chose, sinon qu'il s'agit d'autant» (['origines de nations ou de pères des nations, et» qu'ainsi il n'y a là rien de doctrinal, ni à plus forte» raison rien de spirituel, ni rien de céleste. Il en est» de même dans les Prophètes, où souvent l'on trouve» des Séries de noms par lesquelles les choses signi-» fiées, dans le Sens Interne, se suivent dans un bel» ordre. » — A. G. N° 1224.

D'après cela, il est constant que toutes les généa-logies et toutes les séries de noms qu'on rencontre sisouvent dans la Parole de l'Ancien Testament, et quisont même quelquefois répétées, sans qu'on puisse,dans le sens de la lettre en apercevoir le motif, ren-ferment, dans le sens interne, des choses qui concer-nent en général l'Église, et en particulier les hommesde l'Église, et qui se suivent dans un très bel ordre.Il doit donc en être de même des deux Généalogiesde Jésus-Christ dans la Parole du Nouveau Testa-ment. Si, dans les Index des Ouvrages de Sweden-borg, on ne trouve aucune mention de ces deux Gé-néalogies, cela vient de ce que Swedenborg n'ayantpas donné sur les Évangiles une exégèse suivie,comme sur l'Ancien Testament et sur l'Apocalypse,n'a cité, et par suite expliqué, que des passages desÉvangiles qui pouvaient lui servir à corroborer, par

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GÉNÉALOGIE DE JÉSUS-CHRIST. 105

la Parole, les diverses propositions qu'il émettait;or, les Généalogies de Jésus-Christ ne pouvaient of-frir aucune preuve confirmative, puisqu'elles ne secomposent que de noms, propres.

Le silence de Swedenborg sur les Généalogies deJésus-Christ, se trouvant ainsi expliqué, passons àl'examen de ces deux Généalogies. La première re-marque que peut faire tout homme. qui les lit avecattention, c'est que toutes deux, dans le sens littéral,concernent Joseph l'époux de Marie et non Jésus-Christ. En effet, on lit dans Matthieu : « Livre de Nati-» vite de Jésus-Christ, fils de David, fils d'Abraham.» Abraham engendra Isaac; puis Isaac engendra...;» puis Mathan engendra Jacob; puis Jacob engcn-» dra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle naquit» Jésus, qui est appelé Christ; » et dans Luc : « Et» Lui, Jésus, était, commençant d'avoir environ» trente ans, selon que l'on pensait, fils de Joseph,» d'Héli, de Matthat,...., d'Énos, de Seth, d'Adam,» de Dieu. »

Ainsi, bien qu'il soit dit dans Matthieu : Livre deNativité de Jésus - Christ, fils de David; il ré-sulte du sens de la lettre que cette Généalogie estcelle de Joseph, l'époux de Marie; d'ailleurs le Sei-gneur ayant été conçu du Saint Esprit, ne pouvaitpas avoir humainement une Généalogie paternelle;ainsi, la naissance de Jésus-Christ qui est racontéeaussitôt après la Généalogie, ne laisse à cet égardaucun doute; il est même ajouté, Vers. 25, que « Jo-

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» seph ne connut point Marie, jusqu'à ce qu'elle eût» enfanté son fils le premier-né. » Dans Luc, il n'y apas la moindre incertitude, car il n'est pas dit, commeclans Matthieu, que la Généalogie est celle de Jésus-Christ, elle est donc bien évidemment celle de Jo-seph, dont Jésus était supposé le fils. Du reste, leSeigneur Lui-Même a déclaré qu'il n'était pas le filsde David, et qu'ainsi, dans le sens de la lettre, cetteGénéalogie n'était pas la Sienne, lorsque s'adressantaux Pharisiens, il leur dit : « Que vous semble-t-il duChrist? De qui est-il fils? Ils lui dirent : De David.Il leur dit : Comment donc David par l'esprit l'ap-pelle-t-il Seigneur, disant : « Le Seigneur a dit à» mon Seigneur : Assieds-toi à ma droite, jusqu'à ce» que j'aie mis tes ennemis pour marchepied de tes» pieds. » Si donc David l'appelle Seigneur, com-ment est-il son fils? » — Matth. XXII. 42 à 45.

Puisque les deux Généalogies, dans le sens de lalettre, concernent Joseph l'époux de Marie, et nonJésus-Christ, il faut nécessairement que dans le sensinterne elles concernent le Seigneur ; car les contra-dictions que présente le sens littéral ne peuvent exis-ter qu'en apparence, et doivent disparaître quand lalettre est éclairée par l'esprit, c'est-à-dire, quand lesens littéral est illustré par le sens interne, commel'indique très clairement le docteur Beyer dans unelettre à M.Nordenskiod, en date du 23 mars 1776 (1),

(1) Cette lettre fait partie des Documents sur Swedenborg, qui sontinsérés dans le 7me Vol. de la Revue, Pag. 159 à 115.

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GÉNÉALOGIE DE JÉSUS-CHRIST. 107

où il est expliqué pourquoi le sens littéral de laParole offre souvent des contradictions : cherchonsdonc à découvrir le sens interne des deux Généalo-gies; et, ce sens découvert, la contradiction disparaî-tra.

Le docteur Beyer, dans la lettre dont nous venonsde parler, dit, au sujet des Généalogies dans Matthieuet dans Luc, que « les noms de la première se rap-» portent à l'incarnation et à la naissance du Sei-» gneur sur la terre, et ceux de la seconde à sa» seconde naissance ou à la Divinisation de son Hu-» main. » Et celui de nos frères qui nous a adresséla question que nous cherchons à résoudre dans cetArticle, nous dit, en nous transmettant cette expli-cation, qu' « elle paraît au docteur K... profonde et» digne de Swedenborg, quoiqu'il ne se rappelle» pas l'avoir lue dans aucun de ses ouvrages. »

Nous fûmes d'abord, comme le docteur K... frappéde la profondeur de l'explication du docteur Beyer,aussi la prîmes-nous aussitôt pour base de notre tra-vail exégétique. Nous n'eûmes, il est vrai, aucunepeine à faire concorder nos recherches sur la secondegénéalogie avec la dernière partie de l'explication,tout nous prouvait que cette généalogie traite de laDivinisation de l'Humain du Seigneur. Mais il n'enfut pas de même pour la première généalogie, il s'é-leva d'abord pendaBt notre examen quelques doutes,nous éprouvions de la difficulté a admettre que laParole qui, dans son sens suprême, ne traite que de

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la Glorification du Seigneur, ne contînt dans les dix-sept premiers Vers, du Chap. Ier de Matthieu, quedes choses relatives à la naissance du Seigneur surla terre; mais bientôt il ne nous fut plus permis deconserver le moindre doute, et la première partie del'explication du docteur Beyer, vint se briser à nosyeux contre un des principes fondamentaux de l'exé-gèse de Swedenborg. Notre Auteur répète en milleendroits que la régénération de l'homme est l'imagede la Glorification du Seigneur, et qu'ainsi, tout cequi, dans le Sens suprême, est dit du Seigneur, s'ap-plique dans le sens respectif à l'homme qui est envoie de régénération. D'après cela, si dans le senssuprême, la première généalogie traitait de l'incar-nation et de la naissance du Seigneur, il s'ensuivraitque, dans le sens respectif, elle traiterait de la pre-mière naissance de l'homme, ce qui est inadmissible.

Notre première base se trouvant ainsi renversée,il fallait la remplacer par une autre qui fut assez so-lide pour résister à toutes les objections, et le plussûr moyen était de la chercher dans Swedenborglui-même. Nous pensons l'avoir trouvée dans les ex-plications qu'il donne sur l'échelle de Jacob.— A. G.N° 3699 et suivants.

Il y a d'abord une analogie frappante entre l'é-chelle de Jacob, sur laquelle les Anges de Dieu mon-taient et descendaient, et les deux Généalogies deJésus-Christ, dont l'une est ascendante et l'autredescendante; d'ailleurs, une généalogie n'est autre

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chose qu'une échelle puisqu'elle ne se compose quede degrés ou d'échelons.

Voyons d'abord ce que Swedenborg dit de l'é-chelle de Jacob ; nous examinerons ensuite si les ex-plications qu'il donne peuvent être appliquées auxdeux Généalogies.

« Les Anges qui montaient et descendaient, dit» Swedenborg, signifient que de l'infime, ou du de-» gré le plus bas, il y a comme une ascension, et» qu'ensuite, lorsque l'ordre est inverse, il y a comme» une descente. » — A. G. N° 3701.— Et plusloin : « Quand le régénéré est parvenu à être affecté» du Céleste de l'amour, le Seigneur lui apparaît,» car alors il est monlé comme par une échelle de-» puis le degré le plus bas jusqu'au degré où est le» Seigneur; c'est là aussi l'ascension qui a été signi-» fiée par l'échelle de Jacob.... la descente vient en-» suite, parce que l'homme ne peut descendre, à» moins qu'il n'ait monté auparavant; or, la descente» n'est autre chose que regarder le vrai d'après le» bien, comme du sommet d'une montagne où l'on a» gravi avec effort on regarde les objets qui sont au» pied. » — A . C. N°3882.

De ces passages et de l'ensemble des autres expli-cations données par Swedenborg, il résulte que lesAnges qui montaient et descendaient sur l'échelleque vit Jacob signifient, dans le sens respectif, lesdeux périodes de la régénération de l'homme ; dansla première période, désignée par les Anges qui

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montaient, l'homme regarde le bien d'après le vrai,c'est-à-dire que chez lui le vrai occupe la pre-mière place et le bien la seconde ; il parvient ainsipar des échelons jusqu'au sommet de l'échelle oujusqu'au Seigneur qui lui apparaît, c'est-à-dire qu'ilparvient enfin à être affecté du Céleste de l'amour ;puisl'ordre chez lui devient inverse, c'est-à-dire qu'aulieu de regarder le bien d'après le vrai, il regarde levrai d'après le bien, ou, qu'au lieu de placer le vrai aupremier rang et le bien au second, il place le bienau premier rang et le vrai au second; alors il des-cend, c'est-à-dire que le bien ayant alors la domina-tion sur le vrai, l'homme entre dans la seconde pé-riode de la régénération, laquelle s'effectue en com-mençant par l'interne qui est le degré le plus élevé,et en descendant par les intermédiaires jusqu'au na-turel infime, qui est le degré le plus bas.

Examinons maintenant si ces explications qui con-cernent le sens respectif, peuvent être appliquéesdans le sens suprême aux deux généalogies; et com-mençons par celle qui est dans Luc, puisque c'estcelle qui se présente, avec évidence, dans un ordreascendant.

Il est d'abord à remarquer qu'elle est placée im-médiatement après le baptême de Jésus, et qu'il estdit : « Jésus commençant d'avoir environ trente» ans. » Or, on sait que le baptême signifie la nais-sance nouvelle ou la régénération; et que trente,venant de dix multiplié par trois, signifie le plein état

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des restes(reliquiœ). «Le Seigneur, dit Swedenborg,» se manifesta à trente ans, parce qu'il était alors» dans la plénitude des restes ; mais les restes» qu'il eut, il se les était acquis Lui-Même, et ils» appartenaient au Divin ; par eux il a uni l'Essence» Humaine à l'Essence Divine, et il a fait Divine» cette Essence Humaine.» — A.G.N°5335.—II fautencore remarquer que c'est l'Évangile selon Luc, quirenferme le plus de détails sur les premières annéesdu Seigneur sur notre terre; ces paroles : « Jésus» commençant d'avoir environ trente ans, » qui sui-vent immédiatement le baptême de Jésus, et précè-dent immédiatement la généalogie, signifient doncque pendant toute cette période de sa vie, pour ainsidire cachée, le Seigneur avait acquis par sa proprepuissance la plénitude des restes, c'est-à-dire qu'ilavait accompli la période ascendante de sa Glorifica-tion.

D'après ces remarques on peut s'expliquer pour-quoi cette généalogie a été placée ici, et pourquoielle est donnée dans un ordre ascendant, c'est-à-direen remontant de Joseph, dont Jésus était présuméfils, jusqu'à Dieu : on voit que c'est pour indiquerque le Seigneur avait accompli tous les travaux quiconcernent cette première période de la Glorificationde son Humain. Alors, il était parvenu au sommetde l'échelle de Jacob, et Jéhovah lui apparut, c'est-à-dire qu'alors entre son Homme Externe et son Hom-me Interne, ou Jéhovah, il y eut une communication

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complète et par suite une conjonction ; car il est dit :« Pendant que Jésus était en prière, le Ciel s'ouvrit,

» et l'Esprit Saint descendit sur Lui en forme corpo-» relie comme une Colombe, et il y eut une voix du» Ciel, disant : Toi, tu es mon Fils bien-aimé ! en toi» je me suis complu ! »

Pour compléter la concordance du Sens Suprêmede cette Généalogie avec l'échelle de Jacob, sur la-quelle des Anges montaient et descendaient, il fau-drait que la Généalogie qui exprime l'ascension de-puis le naturel jusqu'au céleste, fût suivie d'un texteexprimant la descente depuis le céleste jusqu'au na-turel. Or, si nous examinons le sujet du texte qui suitimmédiatement la généalogie, nous y trouvons cecomplément de concordance. En effet, on y lit :« Jésus, rempli d'Esprit Saint, revint du Jourdain, et» était conduit par l'Esprit dans le désert, durant» quarante jours tenté par le diable. » — Luc, IV.1 ; — ce qui indique déjà avec évidence qu'alors leSeigneur entra immédiatement dans les combats destentations, qui étaient indispensables pour cetteœuvre de la glorification ; et les trois tentations, dontil est ensuite parlé, prouvent clairement que ce futpour glorifier successivement, comme dans le senssuprême de l'échelle de Jacob, tout ce qui apparte-nait à son Humain externe ou naturel, ou en d'autrestermes, pour accomplir la seconde période de saGlorification, et cela, en suivant l'ordre descendantdes degrés. En effet, il est dit dans Swedenborg, —

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A. C. N° 1690, — que les Versets 2, 3, 4, où ils'agit de la première tentation par le diable, concer-nent l'Amour qui fut la vie même du Seigneur; queles Versets S, 6, 7, 8, où il est question de la secondetentation, concernent les combats du Seigneur contrel'amour du monde ou contre toutes les choses quiappartiennent à l'amour du monde ; et que les Vers.9, 10, 11, 12, où il s'agit de la troisième tentation,concernent les combats du Seigneur contre l'amourde soi et contre toutes les choses qui appartiennent àcet amour. Si, ensuite, on observe que dans la pre-mière tentation il est principalement question ditpain qui signifie le Céleste; que dans la seconde, ils'agit des royaumes de la terre, qui signifient lespirituel, et que dans la troisième il est dit : de peurque ton pied ne heurte contre quelque pierre, cequi s'applique au dernier degré, le pied signifiant lenaturel; et si enfin, on se reporte au N° 3469 desArcanes Célestes, où Swedenborg dit que l'externeest régénéré bien plus tard et bien plus difficilementque l'interne, on reconnaîtra que les trois tentationsdu Seigneur, par le diable, concernent les combatset les victoires du Seigneur, pour glorifier sucessive-ment tout ce qui appartenait à l'Humain qu'il avaitpris dans le monde; et cela, en suivant l'ordre des-cendant des degrés.

Enfin, pour que la concordance du sens suprêmedes Généalogies de Jésus-Christ, avec celui de l'é-chelle de Jacob, acquit la dernière évidence, il fau-

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drait que la Généalogie donnée dans Matthieu, pré-sentât les mêmes caractères de similitude que ceuxque nous venons de reconnaître dans l'autre. Por-tons donc notre examen sur cette Généalogie.

Au premier abord, il semble que Matthieu nedonne qu'une seule Généalogie qui est dans un ordredescendant ; et comme rien dans l'Évangéliste neprécède cette généalogie qui forme le commencementde son récit, on pourrait croire, d'après cela, qu'ily a impossibilité d'établir une complète similitudeavec l'échelle de Jacob, car les Anges ne descen-daient sur l'échelle qu'après y avoir monté, et ici ily aurait seulement une descente sans que rien n'indi-quât qu'il y eût eu auparavant une ascension. Mais iln'en est pas ainsi, il y a réellement deux généalogiesdans le récit de Matthieu, l'une dans un ordre as-cendant, et l'autre dans un ordre descendant. En ef-fet, la série généalogique descendante ne commencequ'au Vers. 2. « Abraham engendra Isaac, Isaac en-» gendra... » et il est dit dans le Vers. 1 : « Livre de» Nativité de Jésus-Christ, fils de David, fils d'A-» braham. » Or, il suffit de la moindre réflexion pourvoir que ce premier Verset renferme seul une généa-logie dans l'ordre ascendant, puisqu'il est dit que Jé-sus-Christ est fils de David, fils d'Abraham; ce pre-mier Verset exprime donc en quelques mots tout cequi a été signifié dans la Généalogie selon Luc, c'est-à-dire, toute la première période de la glorificationdu Seigneur. Il est même facile de voir que les noms

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qui composent cette généalogie sont aussi, d'aprèsleurs significations respectives, dans l'ordre ascen-dant des degrés; en effet, Jésus-Christ signifie lebien et le vrai dans tous les degrés, Jésus le bien, etChrist le vrai, mais comme il s'agit de Jésus-Christvenant dans le monde, puisqu'aussitôt après la gé-néalogie, il est question de sa naissance, il est évi-dent que la signification se réfère ici au dernier de-gré ou au degré naturel; David signifie le spirituel,et Abraham le céleste, ainsi qu'il résulte des preuvesirrécusables que renferment les écrits de Sweden-borg.

Quant à la généalogie dans l'ordre descendant,Vers. 2 à 46, on voit qu'elle est divisée en trois sé-ries distinctes comprenant chacune quatorze généra-tions, ainsi que l'indique la récapitulation contenuedans le Vers. 17.

Cette division s'accorde parfaitement avec l'admi-rable théorie de notre Swedenborg sur les degrésdiscrets et continus. « II y a en toutes choses trois» degrés discrets, et chaque degré discret se com-» pose de degrés continus. » D'après cela, on voitclairement le motif de la division de cette généalogieen trois séries bien distances, et que chaque sériedoit se rapporter à l'un des trois degrés discrets.

La première série commence par Abraham et s'ar-rête à David; c'est le degré céleste représenté parAbraham, ou le degré discret le plus élevé; les qua-torze patriarches qui forment cette série, représen-

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tent la filiation de toutes les choses qui appartiennentà ce degré, et le nombre quatorze montre que toutesces choses ont été rendues très-saintes par le Sei-gneur; en effet, quatorze étant le double de sept, ala même signification que sept qui désigne la Sain-teté, les nombres composés signifiant la même choseque les nombres simples dont ils sont formés.

La deuxième série commence par David et s'arrêteà la captivité de Babylone; c'est le degré spirituelreprésenté par David, ou le second degré discret.L'on sait, en effet, que David comme Roi signifie legouvernement Royal du Seigneur, ou tout ce qui arapport au spirituel; les quatorze Rois qui formentcette série représentent la filiation de toutes leschoses qui appartiennent au degré spirituel, et quiont été rendues très-saintes.

Enfin la troisième série commence à la captivitéde Rabylone, et va jusqu'au Christ; c'est le degrénaturel ou premier degré discret; ce degré est suffi-samment indiqué par l'état de Captivité, comme lesdeux autres l'ont été par le Patriarchat et par laRoyauté. Les quatorze personnages qui composentcette série, représentent la filiation de toutes leschoses qui appartiennent au degré naturel, et qui ontété aussi rendues très-saintes par le Seigneur.

De tout ce qui précède, il résulte que les deux Gé-néalogies, considérées dans le sens suprême, présen-tent une concordance parfaite avec ce que dit Swe-denborg au sujet des Anges qui montaient et des-

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coudaient sur l'échelle de Jacob, et qu'elles offrentainsi dans ce Sens, l'ensemble de la Glorification duSeigneur, et, dans le sens respectif, l'ensemble de larégénération de l'homme.

Nous ne pousserons pas plus loin ces recherchesexégétiques; il serait inutile de vouloir pénétrer plusavant, car il y a dans la Glorification du Seigneur etdans la régénération de l'homme des mystères con-nus du Seigneur seul, et impénétrables à l'homme,et même aux Anges ; et ces mystères sont précisé-ment renfermés dans les séries de noms propresdont se composent les Généalogies. Nous termine-rons cette exégèse en faisant observer :

1° Que la Généalogie dans Matthieu semble placéeen tête de l'Évangile comme un sommaire de tout cequ'il contient, puisqu'elle offre l'ensemble de tousles travaux du Seigneur, dans les deux périodes as-cendante et descendante de sa Glorification.

2° Que cette Généalogie, dans le sens suprême, estbien celle de Jésus-Christ, quoique dans le Sens dela lettre, elle soit réellement celle de Joseph l'épouxde Marie; car elle se rapporte à la Divinisation del'Humain externe ou naturel du Seigneur, et parconséquent à la seconde Naissance de Jésus-Christ.

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OBJECTION ET RÉPONSE

SUR UN ARTICLE CONCERNANT LES GÉNÉALOGIES DR

JÉSUS-CHRIST.

• Un correspondant du Mirror ofTruth lui adresseles observations suivantes sur un Article traduit denotre Revue, celui sur les Généalogies de Jésus-Christ.

« MESSIEURS,

« Dans le New Jérusalem Magazine, Vol. 18, N° 7, dansun Article traduit du français, nous trouvons un essai deconciliation, d'après les principes de la Nouvelle Église, desdiscordances littérales que présentent les généalogies deJésus-Christ données par Matthieu et par Luc. Quelques-unes des vues présentées dans cet Article, et particulière-ment celle qui consiste à assimiler ces généalogies à l'ascen-sion et à la descente des anges de Dieu sur l'échelle deJacob, et à expliquer les généalogies des Évangélistes parle passage de la Genèse, ne paraissent point satisfaisantes àmon esprit. L'explication de Swedenborg de ce passage de laGenèse est parfaitement satisfaisante, et elle doit avoir l'as-sentiment de tout esprit rationnel et impartial; mais dans cecas, nous le voyons, il faut qu'il y ail une ascension, avantqu'il puisse y avoir une descente, et cela par l'homme qui

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a atteint, ou qui atteint à la première période de la régéné-ration, correspondante, comme il est dit avec raison dansl'Article, à la première période de la glorification de l'huma-nité du Seigneur. Mais le Seigneur, comme divine vérité,n'élait-il pas descendu de son état de gloire première, parles degrés spirituel, rationnel et naturel, jusqu'au degré leplus bas de corporelle sensuelle de la famille (humaine) dé-chue, pour effectuer leur rédemption, avant qu'il fût possibleà l'homme d'atteindre à la première période de la régénéra-tion, ou de commencer à monter les degrés de l'échelle deJacob? Et n'esl-il pas à supposer que ce fut cette descentequi fut entendue, dans la pensée divine, par la généalogieprésentée dans Matthieu ? Swedenborg nous dit que lesnoms, dans l'Écriture, signifient des qualités; Abraham,quelquefois, signifie le divin spirituel, Isaac le divin ration-nel et Jacob le divin naturel, et ainsi des autres noms. Or,cela seul, bien compris, suffit , je pense, pour éclaircir toutle mystère; car l'œuvre de la rédemption de l'homme étantaccomplie, et l 'homme se trouvant être mis en état de pou-voir être régénéré et sauvé, le premier but de la descente duSeigneur, après celui-là, fut de glorifier son humanité en larendant divine, et en l'élevant à une parfaite uni té avec leDivin Bien dans son essence, ou le Père; et j'imagine quec'est celle progression que décrit Luc dans sa généalogie as-cendante, commençant au degré le plus bas de l 'humiliationdu Seigneur, signifié par Joseph, et aboutissant au plus hautdegré de sou exaltalion, signifié par « Adam qui était fils deDieu. » Comme ces progressions furent différentes, et commel'ascension, par la glorification de l'humanité, exigeait plusde gradations qu'il n'en fal la i t dans la descente pour pren-dre celte humanité , il n'est pas présumable que les écrivainsinspirés aient dû choisir les mêmes noms dans leurs généa-logies, mais que chacun a dû présenter des noms qui, parleur correspondance, signifient les degrés de la progression

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qu'il décrivait. Ce point de vue de la question dissipe touteombre de discordance entre les deux Évangélistes, et montrequ'ils donnent l 'un et l'autre la vraie généalogie de « Jésus-Christ, fils de David, fils d'Abraham, » tandis qu'à les en-tendre selon le pur sens de la lettre, ils se trouvent présenterune inconciliable discordance; et quoique Matthieu nousdise qu'il donne le livre de nativité de Jésus-Christ, cesgénéalogies aboutissent néanmoins, dans les deux cas, àn'être que le livre de nativité de Joseph, l'époux de Marie,duquel il nous est certifié que Christ n'était point le fils; etJoseph même, elles ne le font point descendre de la mêmeligne d'ancêtres.

« Je soumets en toute humilité cet aperçu, dans l'espoirque quelque plus forte tête pourra s'emparer du sujet pourle traiter avec plus d'avantage. L'écrivain qui recevrait duCiel le don d'expliquer la vraie correspondance de tous lesnoms contenus dans la suite de ces généalogies, répandraitun flot de lumière sur le monde chrétien : mais je ne doutepas qu'il n'y ait dans la descente du Divin Vrai, ou de « laParole qui a été faite chair et a habité parmi nous, » ainsi quedans sa réascension jusqu'à « la gloire qu'il avait avec le Di-vin Bien, ou le Père, avant que le monde fût, » des mystèresdivins que ne sauraient sonder les plus élevés d'entre lesanges. Jusque-là, je n'ai eu égard qu'au sens suprême, maisdans le sens respectif, ces généalogies ne pouvaient-ellespas se rapporter au déclin de l'Église, depuis son premierétat de pureté jusqu'à son dernier élat de dévastation, puisà son rétablissement, par une miséricordieuse rédemptionet rénovation, jusqu'à recouvrer la possession intérieure dubien et du vrai? Je ne doute pas que, depuis l'année 1757,l'Église n'ait été dans une ascension graduelle par « Héli,fils« de Matlhat, » etc., jusqu'à Abraham, et peut-être jusqu'à« Adam, fils de Dieu, » et que cette progression ne continueà avoir son accomplissement en temps voulu par le Seigneur,

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en dépil de loule l'opposition que peuvent y apporter les in-fidèles ou une église dévastée et corrompue.

« Je suis, avec une parfaite considération, votre frère, etc.»

Signé « BENJAMIN SHARP.

« Warren Co, Missouri, 7 avril 1845.

(Mirror of Truth, Vol. i, Pag. 70, Cincinnati, 3 mai 1845.)

Cette lettre ne pr-ésente qu'une seule objection ànotre Exégèse, encore disparaît-elle devant un exa-men attentif; nous sommes convaincus que l'Auteurl'a faite sous la première impression d'une idée spé-cieuse, dont il n'aura pas tardé lui-même à recon-naître ensuite le peu de fondement ; cependant,comme cette idée pourrait avoir frappé des lecteurs,nous allons présenter quelques observations qui suf-firont pour montrer qu'elle ne saurait être admise.

L'Auteur de la lettre suppose que le Seigneur,comme Divine Vérité, est descendu de son état degloire première, par les degrés spirituel, ration-nel et naturel, jusqu'au degré le plus bas de Cor-poréité sensuelle,^.; cette supposition sur laquellerepose son objection, renferme un principe qui non-seulement n'est pas appuyé sur les Saintes Écritures,et qu'on ne trouve nulle part dans les écrits de Swe-denborg, mais qui est même en contradiction ma-nifeste avec les Lois de l'Ordre Divin. A la vérité, ilest incontestable que Jénovah ou le Seigneur, en ve-

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122 EXÉGÈSE.

nant dans le Monde, c'est-à-dire, en prenant l'Hu-main dans le dernier degré, est descendu de son étatde gloire première; toute la Parole l'atteste, etSwedenborg le démontre en mille endroits; maisque, pour parvenir à revêtir cet humain il soit suc-cessivement descendu par les degrés spirituel, ra-tionnel et naturel, c'est ce qui ne pourrait êtreconfirmé ni par un seul passage de la Parole, ni parune seule phrase de Swedenborg; une telle descenteressemblerait beaucoup à une chute, car c'est ainsique sont successivement tombées toutes les Églises.On conçoit facilement que le Seigneur soil rentré dansson état de gloire première, en passant par diversétats successifs, car étant venu dans le Monde pourenseigner à l'homme le chemin de la régénération,il devait se soumettre en cela, comme en toutes cho-ses, aux lois de son Ordre Divin, qui est Lui-Même,afin que sa Glorification devînt le type de la régéné-ration humaine; mais ce qu'on ne conçoit pas, c'estque le Seigneur, pour venir dans le Monde, ait étéobligé de passer par divers états successifs, car onn'en voit nullement la nécessité; on voit, au con-traire, qu'une telle descente aurait été en oppositionmanifeste avec les lois de l'Ordre Divin; en effet,qu'aurait-elle représenté, sinon la descente successivede l'homme des degrés supérieurs au degré le plusbas? Or, celte descente de l'homme a été une viola-tion de l'Ordre Divin, et n'a pu être par conséquentreprésentée par le Seigneur.

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GÉNÉALOGIE DE JÉSUS-CHRIST. 123

En un mot, en admettant avec l'Écriture et Swe-denborg, que Jéhovah, ou l'Amour Même et la Sa-gesse Même, s'est revêtu d'une nature humaine dansle dernier degré, pour rendre Divin cet Humain etpar là sauver les hommes, il y a réellement descentedu Divin dans l'Humain ; mais si l'on supposait quepour venir dans le Monde Jéhovah eût passé par lesdegrés spirituel, rationnel et naturel jusqu'au de-gré le plus bas de la Corporelle sensuelle, ce neserait plus une descente du Divin dans l'Humain,mais ce serait une véritable dégradation ou unechule du Divin.

L'objection présentée par l'Auteur de la lettreétant ainsi privée de sa base, nous n'ajouteronsqu'une seule remarque.

Chaque Évangile pris séparément doit former untout : dans notre Exégèse ce principe est reconnu,car on y voit que dans Luc, comme dans Matthieu,il y a ascension et descente ; au contraire, selon l'Au-teur de la lettre, il y aurait seulement descente dansMatthieu, et l'ascension ne se trouverait que dans lagénéalogie donnée par Luc.

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E X É G È S E .

NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES GENEALOGIES DE

JÉSUS-CHIST.

Tirées de l'Intdlectual Repositonj.

L'Article d'Exégèse sur la Généalogie de Jésus-Christ, publié dans notre Revue, tome VII. p. 129,traduit en anglais pour le New Jérusalem Maga-zine, de Boston (N° de mars 1845), a été reproduitpar l'Intellectual Repository (N° de juillet 1845).Des objections soulevées par un correspondant duMirror of Truth ont été insérées avec la réponsedans notre Revue de la présente année, tome VIII.p. 58. Un correspondant de Ylnlellecluat Reposi-tory a présenté à son tour de nouvelles objectionsinsérées par ce journal dans son numéro d'octobre1845.

Les voici :

« GÉNÉALOGIE DE JÉSUS-CHRIST.

» Une remarque ou deux, à propos de l'intéressant Article

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GÉNÉALOGIE DE JÉSUS-CHRIST. 125

traduit du français sur ce sujet, semblent devoir être prisesen considération.

» II est dit page 246 (de la Revue, p. 131 ; ici,p. 106) :« Du» reste, le Seigneur Lui-Mème a déclaré qu'il n'était pas le» fils de David, et qu'ainsi dans le sens de la lettre, cette» généalogie (dans Luc) n'était pas la sienne. » Celte thèse,que le Seigneur n'est pas le fils de David, est ensuite soutenuepar une citation (à l'exemple de notre Auteur, Apoc. Exp.205, et ailleurs) de Matin. XXII. 42 à 45. Mais encore neparaît-il pas de là, autant que je puis voir, que pour celacette généalogie ne soit pas la sienne. Swedenborg, dans lepassage indiqué, donne les raisons spirituelles pour les-quelles le Seigneur naquit de la maison de David, et senomme aussi la racine et la race de David; il constate en-suite comme raison pourquoi le Seigneur n'est plus le fils deDavid, que c'est parce qu'il a dépouillé l'infirme Humanitéqu'il avait tirée de sa mère, et s'est revêtu de la Divine Hu-manité du Père; mais cela implique que comme fils de Ma-rie, il était, par naissance, le fils de David, et que Marie étaitde la maison de David, et qu'avant sa glorification, la gé-néalogie donnée dans Luc, si elle était celle de Marie, étaitnécessairement la généalogie de son fils Jésus-Christ, et parsuite elle l'est encore, relativement à la période qui précédasa glorification. Il me semble que la portée attribuée parnotre Auteur au passage cité,— Matth. XXII. 42 à 45,— enconstitue plutôt, à proprement parler, le sens spirituel quele sens littéral ; et que cela n'empêche pas de prendre à lalettre la signification évidente que ces paroles paraissent com-porter. Suivant leur teneur, tout ce qu'on peut inférer, c'estque, puisque David appelait « Seigneur » le Messie promis,il ne pouvait êlre le fils de David dans un sens absolu,ou ducôté du Père; mais cela n'empêche nullement qu'il n'ait étéle fils de David originairement, du côté de la mère. Je nenie point que, selon le sens doctrinal-,sptntae/, le Seigneur

11*-

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126 EXÉGÈSE.

ne soit plus le fils de Marie et le fils de David, sous le rap-port de la continuité de parenté naturelle, mais néanmoins,quoique l'image matérielle ait été effacée de son Humanité,il a plu au Seigneur, après son ascension dans le Ciel, defaire une déclaration qui implique littéralement de Sa part,la volonté que son Humanité soit présente à notre souvenircomme identique, en un certain sens, avec ce même Jésusqui fut à la fois le Fils de Dieu et le fils de Marie.

» Autant que j'en puis juger, notre Auteur confirme cetteconclusion, que je tire du dernier témoignage qu'il a plu auSeigneur de se donner à Lui-Même, — Apoc. XXIL 16, —où II dit : « Je suis la racine et la race de David. » CommeFils de Jéhovah, le Seigneur fut nécessairement un avec lePère dont il était issu, parce que Dieu, étant indivisible, nepeut engendrer un Fils Divin différent de Lui-Même; le Sei-gneur du côté du Père fut donc (comme Auteur de touteexistence humaine) « la racine de David; mais du cftlé ma-ternel il fut la « race de David. » Voici donc une déclarationd'après laquelle, en un certain sens, le Seigneur fut le Filsde David, même après avoir monté au-dessus des Cieux, etquoiqu'il eût dépouillé dans le monde toute parenté natu-relle avec Marie, en rejetant tout ce qu'il avait tiré d'elle parhéritage naturel. Il parait ainsi, qu'il avait dépouillé cetteparenté naturelle seulement de manière à conserver néan-moins son identité personnelle avec le fils de Marie, de larace de David. Et il a si complètement conservé celte iden-tité, encore aujourd'hui, que Swedenborg nous rapporte àl'appui un fait très-remarquable dont il a été témoin dansune vision spirituelle : il dit que le Seigneur s'est montrédans le soleil du Ciel à certains Juifs qui l'avaient connudans le monde, et dans la mémoire desquels était resté gravéle souvenir de ses traits, « et que tous confessèrent alors leSeigneur Lui-Même. » — A. C. 7173. Te. AO. — Quelquespersonnes pourront être portées à écarter la véritable dé*

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GÉNÉALOGIE DE JÉSUS-CHRIST. 127

duclion de ce fait, en parlant ^apparences; pour ma part,je perçois quelle sorte de preuve il était destiné a offrir à cesJuifs, et je pense qu'il est aussi destiné à en fournir unesemblable aux membres de la Nouvelle Église, qui en ontreçu ainsi la communication surnaturelle.

» Que Swedenborg ait envisagé la chose sous ce point devue, c'est ce qu'on peut raisonnablement inférer de ce qu'ildit — A. R. 954 : — « Je suis la racine et la race de Da-» vid, signifie qu'il est lui-même le Seigneur qui naquit dans» le monde, ainsi le Seigneur dans son Divin Humain ; c'est» d'après cet Humain qu'il est racine et race de David, et» aussi le germe de David, — Jérém. XXIII. 15 ; XXXIII. 15 ;» — puis, rameau du tronc d'Ischaji, et rejeton de ses ra-» cinés. — Es. XI. 1, 2. »

» Ainsi, relativement au Seigneur comme fils de Marie, etpar suite de David, l'ancêtre de Marie, il paraît donc qu'àconsidérer son Humanité comme le fils de Marie sous unpoint de vue — comme portant réellement son image — ilcessa d'être son fils sous ce point de vue lorsqu'il eut dé-pouillé son image par sa glorification même partiellementaccomplie, c'est-à-dire, aux noces de Cana, lorsqu'il appelaMarie « femme » et non « mère » indiquant par là commel'enseigne Swedenborg, que désormais il n'était plus son fils,c'est-à-dire qu'il n'était plus son fils quant à cet attribut dela relation filiale, qui consiste à porter l'image de la mère.Mais il paraît aussi que si nous considérons l'Humanité glo-rifiée sous un autre point de vue —• comme gardant, en uncertain sens, son identité avec l'être humain visible réelle-ment né de Marie, et qui a vécu dans le monde, est mortsur la croix, est ressuscité des morts, et maintenant au hautdes Cieux, — il est encore « la race de David, » par Marie ladescendante de David.

» Le fait que Marie était de la maison de David, est, jecrois, universellement reconnu. Je me trompe fort si je n'ai

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128 EXÉGÈSE.

point lu quelque part dans les Ouvrages de Swedenborg, quele Seigneur est né de la maison de David, et de la tribu deJuda, à cause du surcroît de dégénéralion de cette tribu etde celte maison, afin qu'il pût prendre sur lui le degré leplus extrême du mal hérédilaire, et, en le dépouillant parles tentations, pourvoir au salut de l'homme jusqu'à ses der-nières limites. Les commentateurs en général ont conclu(Voir le commentaire du docteur Adam Clarke) que Mat-thieu donne la généalogie légale du Seigneur, en donnantcelle de Joseph réputé son père, tandis que Luc donne sagénéalogie naturelle du côté maternel, c'est-à-dire, la gé-néalogie de Marie. Ainsi Matthieu appelle Joseph le fils deJacob, tandis que Luc l'appelle le ( ) d'Héli. Nos tra-ducteurs, pour compléter le sens, ont rempli la lacune parle mot de fils, imprimé en italique pour marquer l'interpo-lation; mais tous les commentateurs, je crois, seraient plutôtportés à ajouter en cet endroit beau-fils (ou gendre) d'Héli,déclarant qu'Héli fut le père de Marie, et ainsi seulement lebeau-père de Joseph. Si ceci est exact, l'Auteur de l'Articletraduit du français est tombé dans l'erreur lorsqu'il dit que« dans Luc, la généalogie est celle de Joseph, » et aussi que» les deux généalogies, dans le sens de la lettre, appartien-» nent à Joseph, l'époux de Marie. »

» J'avoue que je ne suis point savant sur ce sujet, maiscomme le docteur Adam Clarke et d'autres affirment avectant d'assurance qu'Héli fut le père de Marie, et non celuide Joseph, si ce n'est par le mariage, je suis porté à con-clure, jusqu'à meilleure information, que la généalogie deLuc est celle de Marie, et par suite la généalogie naturellede Jésus-Christ. Elle ne peut être la généalogie de Josephque dans le cas où il serait de la maison de David du côlé desa mère, aussi bien que du côté de son père, qui, selonMatthieu, se nommait Jacob. Dans cette hypothèse, Héli nefut pas le père de Joseph, mais son grand'père, et le père de

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GÉNÉALOGIE DE JÉSUS-CHRIST. 129

sa mère, mais ce n'est point là, je crois, l'idée reçue dansl'Église. Une seule chose paraît certaine, c'est que Jacob etIléli, dont chacun est nommé comme le père de Joseph, ensupposant que chacune des deux généalogies soit celle deJoseph, ne peuvent être la même personne, puisque Jacobdescendait du fils de David Saloinon, et Héli du fils de DavidNathan; ainsi l'on ne pourrait conclure sans une absurditémanifeste, qu'Héli et Jacob furent une même personne; ets'ils ne le furent point, il n'y a pas plus de raison pour con-clure qu'Héli fu t le père de la mère de Joseph, que pour lesupposer père de Marie, à moins d'attribuer une portée nonmotivée à ces paroles de Luc : « Étant comme on croyait,» fils de Joseph, ( ) d'Héli; » comme si le mot « fils, »devant Joseph, entraînait nécessairement le même complé-ment pour l'intervalle à remplir devant Héli, qu'on peutaussi bien compléter par les mots « gendre, » ou « petit-fils,»car le mot « fils, » est évidemment hors de propos. »

Signé : « Inquirer (qui s'enquiert.) »

ADDITION A L'ARTICLE AYANT POUR TITRE :

G É N É A L O G I E D E J É S U S - C H R I S T

Matlh.I . 1 à 17; Luc, III. 23 à 38.

(Pour servir de réponse aux Observation} qui précèdent).

Dans l'Article sur les Généalogies de Jésus-Christ,notre but était de présenter un simple aperçu dusens interne, et ce n'est que sous forme de remarque

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130 EXÉGÈSE.

qu'il a été parlé du sens de la lettre et des contra-dictions apparentes qu'il présente; mais puisque lesObservations qui précèdent concernent uniquementle sens littéral, nous saisirons cette occasion pourexaminer les Généalogies dans ce sens.

Depuis Jules Africain, auteur chrétien du IIIe siè-cle, diverses hypothèses ont été avancées pour con-cilier entre elles les deux généalogies de Jésus-Christ (1). Ces hypothèses sont plus ou moins ingé-nieuses, mais aucune, ce nous semble, ne lève com-plètement la difficulté; et cela, parce que ceux quiles ont présentées étaient dans une entière ignorancedu sens interne; car ce n'est pas en torturant le sensde la lettre, qu'on pourra en faire disparaître lescontradictions apparentes; on ne parviendra au butqu'on se propose qu'en éclairant ce sens par le sensinterne, au moyen des vérités que renferment lesécrits de Swedenborg. Or, le sens de la lettre, lors-qu'on ne cherche pas à le torturer, attribue positive-ment les deux généalogies à Joseph, et c'est pourcela que dans notre Remarque nous les lui avonsaussi attribuées.

Mais avant de passer aux diverses questions soule-vées sur le sens de la lettre, nous ferons observerque l'opinion présentée par Inquirer, d'après ledocteur Clarke, remonte il est vrai à Jean Damas-cène, auteur du VIIIe siècle, lequel déclare que Luc

(1) Voir le résumé qu'en donne Hermann Janssens (HerméneuliqtieSacrée, Nos 536 et suiv.)

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GÉNÉALOGIE DE JÉSUS-CHRIST. 131

a tiré la généalogie de Marie, et Matthieu celle de Jo-seph ; mais que, bien avant Jean Damascène, et dèsles premiers temps du Christianisme, l'opinion queles deux généalogies appartenaient à Joseph avait étéémise par Jules Africain. En effet, d'après un pas-sage curieux qu'on trouve dans Eusèbe, — I. 6, —Jules Africain prétend que Matthieu a donné la gé-néalogie naturelle, et Luc la généalogie légale de Jo-seph, et il assure qu'il tenait cette opinion de quel-ques parents de notre Sauveur; Jacob—Matth. 1.15,— et Héli — Luc, III. 23, — auraient été frères demère, et Héli marié étant mort sans enfants, Jacobson frère aurait épousé sa veuve d'après la loi du lé-virat, — Deutér. XXV. 5, 6. — De cette veuve d'Hé-li, Jacob aurait eu Joseph, qui ainsi aurait été, selonla nature, fils de Jacob, et selon la loi fils d'Héli.

Il est trois questions principales qu'on peut adres-ser au sujet des généalogies de Jésus-Christ : l'unesur la généalogie donnée par Matthieu, l'autre surcelle que donne Luc, et la troisième sur la différenceque présentent les deux généalogies. Examinons suc-cessivement ces trois questions.

I. Pourquoi est-il dit dans Matthieu : « Livre de» Nativité de Jésus-Christ, fils de David, etc., »tandis qu'il résulte du sens de la lettre que la généa-logie qui est donnée est celle de Joseph, l'époux deMarie ?

Cette question se divise en deux parties : 1° Pour-quoi est-il dit Livre de Nativité de Jésus-Christ

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132 EXÉGÈSE.

2° Pourquoi cette généalogie, au lieu d'être celle deJésus-Christ, est-elle celle de Joseph?

1° Pourquoi est-il ait Livre de Nativité de Jésus-Christ?

Les Prophètes de l'Ancien Testament avaient an-noncé que le Christ, (le Messie) naîtrait de larace de David, il fallait donc que dans le NouveauTestament il fût donné une Généalogie de Jésus-Christ, et que cette généalogie remontât à David.Nous ne parlons pas ici des motifs tirés de l'enchaî-nement qui doit exister dans le sens interne entretoutes les parties de la Parole.

2° Pourquoi cette généalogie, au lieu d'être cellede Jésus-Christ, est-elle celle de Joseh?

Les généalogies contenues en grand nombre dansl'Ancien Testament sont toutes dressées selon labranche paternelle; et la raison en est facile à con-cevoir, lorsqu'on sait que l'âme ou l'homme spiri-tuel vient du père, et que la mère ne donne que l'en-veloppe ou l'homme naturel. Or, Jésus-Christ ayantété conçu de Jéhovah, ou, en d'autres termes, l'âmede Jésus-Christ étant Jéhovah Même, il ne pouvaitpas avoir une généalogie paternelle, et puisqu'il luifallait une généalogie, et qu'il eût été contraire auxusages et aux mœurs des Juifs de lui en donner unematernelle, sa généalogie ne pouvait être que cellede son père putatif.

Nous ajouterons ici quelques considérations géné-rales :

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GÉNÉALOGIE DE JÉSUS-CHRIST. 133

On sait avec quelle prudence le Seigneur parlaitaux Juifs de sa Divinité : il ne leur a jamais dit ou-vertement qu'il était Jéhovah; et cela, parce quepersonne n'aurait voulu le croire. N'a-t-il pas étécrucifié, parce qu'il s'était dit le Fils de Dieu? Sidonc, il se fût dit Dieu Même ou Jéhovah, il n'auraitpas conservé un seul disciple ; cette' déclaration auraitété pour tout Juif le plus grand des scandales, et leSeigneur eût été Lui-Même considéré comme blas-phémateur au dernier degré ou abandonné comme foupar les plus fidèles de ses disciples, eux qui avaienttant de peine à saisir qu'il était un avec le Père, etqui, un instant après avoir saisi cette vérité, cessaientde la comprendre. Dans les Évangiles, qui ont étéécrits après l'ascension du Seigneur, il n'est pas ditnon plus qu'il est Jéhovah, et s'il est avancé en quel-ques endroits qu'il est un avec le Père, il est néanmoinsgénéralement parlé de Lui comme s'il était distinctdu Père; et cela aussi, afin que les hommes pussentêtre amenés plus facilement à embrasser le Christia-tianisme, et en outre par des motifs tirés de la naturede la Parole qui a éié écrite pour les deux Mondes,le spirituel et le naturel. S'il a fallu dix-huit sièclesavant que l'humanité pût être en état de comprendrel'incarnation de Jéhovah Même, et si aujourd'hui iln'est encore que peu d'hommes qui puissent la com-prendre, il devient bien évident que Dieu qui, dansses révélations, se conforme toujours aux mœurs etaux idées des hommes qu'il veut ramener à Lui, a dû

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134 EXÉGÈSE.

approprier la Parole du Nouveau Testament à l'étatde simplicité dans lequel se trouvaient les peuplesappelés alors à constituer la première Église chré-tienne. Or, les premiers Chrétiens ne discutaientpoint, ils adoraient; ils n'avaient pas besoin de com-prendre l'incarnation de Jéhovah Même, ils savaientseulement et ils croyaient fermement que le Seigneurétait retourné au Père et ne faisait qu'une seule etmême personne avec Lui. Lorsque plus tard lesChrétiens sortirent de cette simplicité et se mirent àentrer dans des discussions, ils tombèrent successi-vement dans les erreurs les plus graves, et l'Églisefut perdue. Maintenant qu'elle a été entièrement dé-vastée, le Seigneur remplit sa promesse « en venant» sur les nuées des Cieux avec une grande puissance» et une grande gloire, » c'est-à-dire, en divulguantle sens interne de la Parole; et par ce sens touthomme peut maintenant comprendre les SaintesÉcritures, et voir disparaître les nuages qui les cou-vraient : ainsi, quant au point qui nous occupe, cha-cun peut voir que, dans le sens interne, celte Généa-logie est celle de Jésus-Christ, puisqu'elle concernela Glorification de son Humain externe, ou la SecondeNaissance du Seigneur; et qu'en conséquence, quoi-que réellement dans le sens de la-letlre elle soit cellede Joseph, elle a dû, à cause du sens interne, èlreappelée « Livre dfi Nativité- de Jésus-Clirisl ; » quecette dénomination n'a pu porter aucun préjudice auxChrétiens qui ont adoré le Seigneur dans la simpli-

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GÉNÉALOGIE DE JÉSUS-CHRIST. 135

cité du cœur; et qu'enfin si l'expression paraît im-propre lorsqu'on ne considère que le sens de la lettre,elle devient tout-à-fait convenable, lorsqu'on ne sé-pare pas l'esprit d'avec la lettre, c'est-à-dire, lors-qu'on a en même temps égard au sens interne.

II. La Généalogie donnée dans Luc est-elle la gé-néalogie de Joseph ou celle de Marie?

Nous avons déjà fait observer qu'une généalogiematernelle aurait été en opposition avec les usages etles mœurs des Juifs; mais comme cette simple obser-tion pourrait, pour beaucoup de personnes, paraîtreinsuffisante; nous allons de nouveau examiner la ques-tion : toutefois, nous n'ajouterons rien à ce que nousavons dit sur les diverses opinions des commentateurs;car, à quoi bon commenter un texte, lorsque le sensen est précis? Or, ici la lettre attribue positivementla généalogie à Joseph; et pour s'en convaincre, ilsuffit de se reporter au texte grec, car l'ellipse quiest avant le mot Héli se reproduit devant tous lesnoms propres dont se compose cette généalogie;laissons donc de côté tous les commentateurs, qui neconnaissaient que le sens de la lettre et n'avaient au-cune idée du sens interne, et voyons si le sens in-terne peut résoudre la question.

On sait que Marie représente toujours l'Église,soit dans le sens réel (in sensu genuino) soit dansle sens opposé, et ne représente jamais le Seigneur.Que deviendrait donc le sens suprême de cette Gé-néalogie, si, au lieu de celle de Joseph, elle était celle

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136 EXÉGÈSE.

de Marie? Avec une généalogie paternelle, quoiquepartant de Joseph père putatif de Jésus-Christ, lesens interne se manifeste aussitôt; on voit qu'il s'a-git, dans le sens suprême, de la première période dela glorification du Seigneur, et, dans le sens respec-tif, de la première période de la régénération del'homme. Mais avec une généalogie maternelle, non-seulement il n'y aurait plus de sens suprême, maisencore respectivement à l'Église et à l'homme, commele Seigneur a rejeté tout ce qu'il tenait de sa mère,cette généalogie devrait être prise dans le sens op-posé, ainsi qu'il arrive souvent pour Marie elle-même, qui représente alors l'Église pervertie. Or,puisque cette généalogie est donnée comme étantcelle de Jésus-Christ, il est bien évident qu'elle nepeut être prise dans le sens opposé, et qu'ainsi elleest la généalogie de Joseph et non celle de Marie.

III. Pourquoi les deux généalogies diffèrent-ellesentre elles ?

Disons d'abord que les différences qui existententre les deux généalogies n'impliquent point con-tradiction, du moment où l'on admet l'hypothèse deJules Africain, car dès lors peu importe la différencedes noms; peu importe aussi que Salathiel et Zoro-babel tiennent dans Luc le 20e et le 49e rang, tandisque dans Matthieu ils ne sont qu'au 10e et au 9e, celaindique au contraire que le Salathiel et le Zorobabelde Luc ne sont pas les mêmes que ceux de Matthieu,ce qui est d'autant plus probable que chez les Juifs

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GÉNÉALOGIE DE JÉSUS-CHRIST. 137

les mêmes noms se reproduisent souvent, comme onle voit ici même dans Luc, où l'on trouve trois Juda,deux Lévi, deux Joseph, deux Héli et deux Mathathie.

Ainsi, selon cette hypothèse de Jules Africain, quinous semble la seule admissible, Luc aurait tracéune descendance légale et Matthieu une descendancenaturelle. Maintenant, si nous avons recours au sensinterne, nous découvrirons facilement pourquoi Lucn'a pas reproduit la Généalogie donnée par Matthieuet en a présenté une autre. L'on sait que, dans laParole, le Seigneur est considéré dans deux fonctionsprincipales, la fonction sacerdotale qui concerne lecéleste, et la fonction royale qui concerne le spiri-tuel. Or, la Généalogie donnée par Matthieu conte-nant la série des Rois de Juda, se réfère indubitable-ment à la fonction royale du Seigneur ou au spiri-tuel, et dès lors la Généalogie donnée par Luc doitse référer à la fonction sacerdotale du Seigneur ouau céleste; et ce qui le prouverait encore, c'est quechez les Juifs la loi procédait du sacerdoce. Il étaitdonc essentiel qu'il y eût deux Généalogies qui diffé-rassent entre elles.

D'après tout ce qui précède nous persistons à direque les deux Généalogies, dans le sens de la lettre,appartiennent à Joseph, mais que dans le sens in-terne elles sont celles de Jésus-Christ; et nous ajou-tons que l'une concerne sa fonction royale ou le spi-rituel, et l'autre sa fonction sacerdotale ou le cé-leste.

12*.

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138 EXÉGÈSE,

Nous désirons que ces explications puissent satis-faire l'Auteur des observations signées Inquirer;quant à sa dissertation sur l'identité personnelle duSeigneur, nous pensons qu'il suffit de se reporter ànotre Article sur les Généalogies pour voir que nousn'avons nullement mis en doute cette identité, com-prise comme elle doit l'être. En disant que « le Sei-» gneur a déclaré Lui-Même qu'il n'était pas le Fils» de David, et qu'ainsi, dans le sens de la lettre,» cette Généalogie (dans Luc) n'était pas la sienne, »nous n'avons pas prétendu dire que Jésus-Christ n'a-vait pas été le Fils de David par sa mère; nous avonsseulement cherché à corroborer l'assertion précé-demment émise, que « le Seigneur ayant été conçu» du Saint-Esprit ne pouvait pas avoir humainement» une Généalogie paternelle. »

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APPEL

AUX MEMBRES DE LA NOUVELLE ÉGLISE POUR LA PUBLI-

CATION DES OUVRAGES DE SWEDENBORG ET LE SOUTIEN

DE LA Bévue (*).

Le Règlement Organique, adopté par la Conven-tion générale des Sociétés de la Nouvelle Église dansles État-Unis, portant Création d'un Comité de Cor-respondance extérieure, dont les attributions sontdéterminées par la Section 14 de l'Art. II. du Chap.IV (1), le Rédacteur de la Revue s'est empressé d'a-dresser à Monsieur \V. M. Chauvenet, son correspon-dant à Philadelphie, une lettre dans laquelle il luidonne plusieurs détails sur l'état de la NouvelleÉglise en France, en le priant de les communiquerau Comité de Correspondance extérieure. Cette lettreayant été traduite en Anglais, et insérée dans le NewJérusalem Magazine de Boston et dans le Journalde la Nouvelle Église à Cincinnati, nous pensonsqu'il est de notre devoir de la mettre sous les yeuxde nos lecteurs; ils pourront d'ailleurs par ce moyenmieux apprécier toute l'importance de la réponseque Monsieur Chauvenet vient d'adresser.

(*) Voir aux notes additionnelles.(1) Voir tome W de la Revue, pag. 254 et 286.

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140 APPEL.

« Saint-Amand, 12 février

» J'ai reçu, cher frère, les Journaux et minutesdes trois conventions de la Nouvelle Église aux États-Unis pendant l'année 1843 ; le rapport de la Conven-tion Centrale a été traduit et inséré dans les der-nières livraisons de la Revue. — L'Église de Francefélicite l'Église des États-Unis de l'attitude noble etimposante qu'elle a prise, et elle en rend grâces auSeigneur, duquel procède l'Ordre et l'Union quiconstituent la force. Les lois politiques et civiles etles institutions morales des États-Unis ont aussibeaucoup contribué à l'établissement de votre orga-nisation religieuse; mais tout cela vient encore duSeigneur qui se sert des hommes, à leur insu, pourpréparer d'avance les voies de sa Divine Providence.

» L'Église de France n'entrevoit pas encore lemoment où elle pourra, elle aussi, se constituer pu-bliquement; mais ses membres pleins de confiancedans les promesses du Seigneur, attendent avec rési-gnation sa volonté ; lui seul étant juge de l'opportu-nité; ils ne restent cependant pas dans l'inaction,puisque le Seigneur veut que l'homme agisse commede lui-même; mais quand leurs efforts ne produisentpas tous les effets qu'ils en attendaient, loin d'enmurmurer, ils en remercient le Seigneur, dans laconviction où ils sont, que s'il ne l'a pas permis,c'est parce qu'il était plus avantageux pour le bien

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APPEL. 141

de l'Église qu'il en fût autrement. Il en est de l'Églisecomme de l'homme ; l'homme ne peut être régénéréqu'en subissant de nombreuses tentations, une Églisevéritable ne peut donc non plus se constituer qu'enpassant par de nombreuses épreuves : l'Église deFrance en a déjà subi beaucoup, mais elle en rendgrâces au Seigneur, et le remercie de l'avoir faitéchapper à de grands dangers par les épurationsauxquelles elle a été soumise. Si donc l'Église deFrance n'augmente pas sensiblement en nombre,du moins ses membres véritables se connaissentmieux de jour en jour, et forment maintenant uncentre capable de résister, avec le secours du Sei-gneur, à tous ceux qui se prétendant de la NouvelleJérusalem, voudraient faire dévier la Nouvelle Églisede la voie qui lui est tracée par les écrits de Swe-denborg.

» Aussi est-ce sur la propagation de ces écrits queque se portent tous nos efforts : vous savez, cherfrère, que les diverses traductions françaises, anté-rieures à celles de Moët, laissaient beaucoup à dési-rer, et que quelques-unes d'entre elles, et notam-ment celles de Pernety, avaient été faites dans unmauvais esprit; mais celles de Moët elles-mêmes,quoique faites consciencieusement, sont loin d'êtrefidèles; je revois maintenant celle du Ciel et del'Enfer; et il n'est guère de pages où je ne trouvequelque contre sens; d'ailleurs Moët se permet sou-vent de paraphraser le texte; partout il coupe les

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142 APPEL.

phrases dont les membres se lient si admirablement

entre eux dans l'original, et par là il détruit la force

des arguments; il supprime aussi la plupart des con-

jonctions, ce qui dénature entièrement le sens; il

rend souvent un verbe latin par trois verbes fran-

çais, croyant mieux exprimer la pensée de Sweden-

borg, tandis que par là il met ce Savant judicieux au

rang de ces auteurs qui entassent indistinctement des

mots sur des mots; et cependant Swedenborg est

l'auteur le plus sobre, car il n'emploie jamais que le

mot propre, et dans tous ses ouvrages il n'est pas

une seule particule qu'on puisse supprimer, ni un

seul mot qu'on puisse changer, sans nuire à la symé-trie ou au sens de la phrase. Il est encore très-im-

portant que les expressions techniques employées par

Swedenborg soient toujours traduites dans nos lan-

gues modernes par les mêmes mots, et c'est ce que

n'a pas fait Moët (1). D'après toutes ces considéra-

it) Puisque cette lettre a été publiée par la presse, j'éprouve le be-soin de rendre aux travaux et à la personne de Moè't toute la justicequ'ils méritent. J'ai souvent demandé des renseignements sur Moët àceux de nos frères qui habitent Versailles et Paris, mais son décès daledéjà de si loin qu'ils n'ont pu eu obtenir que de très-vagues; on saitseulement qu'il était bibliothécaire à Versailles et membre de la Sociétéexégétique de Stockolm. Je présume que ses traductions furent entre-prises vers 1780, du moins si j'en juge par celle de la deuxième partiedes Arcanes, qui fut commencée le 20 ju in 1"82 et terminée le i sep-tembre de la même année ; ce volume in—i° fut donc traduit en deuxmois et demi, et les volumes suivants ne lui prirent pas plus de temps,ce qui me fait présumer qu'il traduisait Swedenborg pour son usageparticulier, ou que, si son intention était de le livrer à l'impression, il se

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APPEL. 143

tions et plusieurs autres qu'il serait trop long de dé-duire dans une lettre, il serait donc indispensableque les ouvrages de Swedenborg déjà traduits lefussent de nouveau, et que tous les autres le fussent,s'il est possible, par la même personne : c'est là unelâche très-grande et très-difficile à remplir; il seramême impossible de l'exécuter sans laisser encorebeaucoup à désirer, mais du moins on doit l'entre-prendre sauf à revoir les parties défectueuses lorsd'une seconde édition, afin de faire passer dans notrelangue cette unité d'expressions ainsi que la conci-sion de style et la force de logique qui régnent danstous les écrits de Swedenborg.

» Comme j'avais déjà traduit quelques Traités denotre Auteur et que personne ne se présentait pourremplir cette tâche, je m'en suis chargé dans la con-fiance que le Seigneur me donnerait les forces néces-saires pour la mener à exécution; c'est un nouveautravail que j'ai joint à ceux que j'avais déjà entre-

roservait de revoir avec attention son premier travail : mais ses manus-crits ne commencèrent à être imprimés que près de 40 ans plus tard,en 1819, époque sans doute bien postérieure à son décos. Quanta sapersonne, les paraphrases qu'il se permettait souvent de faire dans satraduction des Arcanes attestent chez lui un cœur généreux et une pro-fonde piété. Je me plais à ajouter que c'est à ses traductions, quelquedéfectueuses qu'elles soient, que la plupart des membres actuels del'Église de France doivent la connaissance des doctrines de la NouvelleJérusalem ; et enfin je dirai avec un vif sentiment de reconnaissance quesi ces traductions ont été publiées, c'est à la munificence de M. J. A.Tulk, Membre du Parlement d'Angleterre, que nous en sommes rede-vables. (Le Red. de la Revue.)

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144 APPEL.

pris; j'ai divisé le tout en portions mensuelles demanière que la traduction de tous les ouvrages deSwedenborg, y compris YApocalypsis Explicata,fût terminée au premier janvier 1850. J'ai pu, grâceau Seigneur, accomplir ma tâche mensuelle ; j'ensuis déjà pour les Arcana Cœlestiu au cinquième vo-lume, et pour VApocalypsis Explicata au deuxième.

» En raison du nouveau plan que je me suis tracépar suite des observations dont je viens de vous par-ler, les deux premiers volumes A'Arcanes et les au-tres traductions imprimées avant que ce plan eût ététracé, auront besoin d'être retouchés, s'il s'en faitune nouvelle édition. J'hésitais, dans le principe, àfaire des néologismes, dans la crainte d'être bienmoins compris des gens du monde ; mais cette hési-tation a dû disparaître, lorsque j'ai reconnu que parlà je cessais de rendre toute la pensée de l'Auteur ;par exemple, je ne pouvais pas me résoudre à tra-duire falsa par les faux, et je le rendais, commemes devanciers, par les faussetés; en cela je m'é-cartais du texte, car Swedenborg fait une distinctionentre les faux et les faussetés; il emploie toujours lemot faussetés (falsitates) comme corrélatif de cupi-dités, et le mot falsa comme corrélatif de ver a; dèslors je ne pouvais plus hésiter à me servir des ex-pressions les faux et les vrais, au lieu de les faus-setés et les vérités, quand dans le texte il y avaitfalsa et fera, car Swedenborg distingue aussi entreles vrais et les vérités. Je m'étais aussi servi jusqu'à-

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APPEL. 145

lors de l'expression la Divine Humanité, employéepar mes devanciers pour rendre le Divinum Huma-num de Swedenborg, mais j'ai reconnu de mêmequ'il était indispensable pour la régularité de la rem-placer par celle du Divin Humain. Du reste, je neme suis décidé à introduire ces changements, qu'a-près avoir consulté ceux de nos frères qui sont lesplus compétents en cette matière, et avoir reçu leurapprobation. On ne saurait trop rester dans le mot àmot quand on traduit Swedenborg; il y a même dudanger à transposer les mots, ce qui se fait ordinai-rement quand on traduit du latin ; c'est, en effet, cequ'il est facile de voir, puisqu'il y a dans Sweden-borg une différence notable entre le Divin Vrai etle Vrai Divin. A. G. N° 2814; et entre le CélesteVrai et le Vrai Céleste. A. C. N0 1545.

» J'espère donc, s'il plaît au Seigneur, que cettetraduction complète de Swedenborg sera terminéeau 1er janvier 1850 (*); d'ici là, nous ferons tousnos efforts pour en poursuivre l'impression, mais nosressources sont si bornées que nous n'avanceronsque très-lentement. Loin de voir augmenter le nom-bre de ses abonnés, la Revue en perd chaque jour,non-seulement eu Angleterre et aux États-Unis, maisaussi en France; elle en gagne, il est vrai, en Alle-magne et dans les États du Nord, mais en bien petitnombre, en comparaison de ses perles. Les pertesqu'elle éprouve en France viennent des épurations

(*) Voir aux notes additionnelles.13.

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146 APPEL.

que l'Église a faites, du peu d'aisance de beaucoupde membres de l'Église, et en général de la retraitede ceux qui comptaient sur une manifestation écla-tante de la Nouvelle Jérusalem devant les yeux dumonde, et qui, voyant leurs espérances déçues, sontrentrés dans leur indifférence religieuse. Cependantla Revue est jusqu'ici notre seul drapeau ostensible,et si elle cessait de paraître, non-seulement il ne se-rait plus question de la Nouvelle Jérusalem dans lepublic, mais ses membres épars ça et là perdraientleur point de ralliement. Il est donc important qu'ellene cesse pas de paraître, et je continuerai à fairetous mes efforts pour qu'elle ne tombe pas; elle avaitd'abord quatre fondateurs, depuis trois ans je suisresté seul; et comme elle n'a pour se soutenir queses abonnements, car les cotisations que font nosfrères sont employées à la publication des Traités, jesuis par conséquent obligé chaque année de comblerle déficit, qui va toujours augmentant. Si du moinsles volumes des années antérieures et les Traités quenous avons publiés s'écoulaient, nous pourrions parla suite espérer de faire face aux dépenses, mais jus-qu'ici il n'y a que très-peu d'écoulement, et chaquejour nous sommes encombrés d'imprimés, quoiquenotre tirage soit très-modéré.

» Malgré la position critique dans laquelle nousnous trouvons, sous le rapport des finances, je suisconvaincu que s'il y avait écoulement de nos livres,non-seulement l 'existence de la Ilcruc serait assu-

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APPEL. 147

rée, mais nous pourrions encore doubler et mêmequadrupler par la suite la publication des traductionsde Swedenborg. Notre Auteur n'ayant encore ététraduit complètement qu'en Anglais, il me sembleaussi qu'il est de l'intérêt général de l'Église en-tière qu'une traduction complète en français viennedonner un nouveau degré de publicité à ses doc-trines.

» Je ne suis entré, mon cher frère, dans tous cesdétails, que pour faire connaître au Comité de cor-respondance extérieure de la Nouvelle Église auxÉtals-Unis, la position dans laquelle se trouve laNouvelle Église en France. Veuillez donc, je vousprie, lui communiquer cette lettre, et engager sesmembres à se réunir à nous, afin de faire leurs ef-forts pour trouver de nouveaux débouchés à nos pu-blications. Je sais bien que le premier devoir de laNouvelle Église des États-Unis est de subvenir à sespropres dépenses; mais ce premier devoir rempli, jesuis porté h croire que sa plus grande sympathie estpour l'Église de France, tant par rapport aux avan-tages que l'Église en général peut tirer de la positionde la France pour répandre ses doctrines, que parrapport aux liens intimes qui unissent depuis silongtemps les deux peuples, et qui viennent d'êtreencore resserrés dernièrement par l'accueil que vousavez fait au général Bertrand. »

Nous donnerons d'abord un Extrait de la réponseque fit M. Chauvenet dès qu'il eut reçu cette lettre.

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148 APPEL.

« Le tableau de l'état de l'Église en France, quoique très-affligeant, est néanmoins tel qu'il ne doit pas étonner lesmembres de la Nouvelle Église. Ces preuves et ces contra-riétés sont fréquentes dans l'Église, partout où la Providencelui permet de paraître : c'est l'amour de soi et l'amour duinonde s'opposant à l'amour du Seigneur et à l'amour duprochain.

» L'indifférence religieuse, qui est si grande parmi lesFrançais, est sans doute une autre cause du retard que lavérité éprouve dans ses progrès parmi nos compatriotes;néanmoins les promesses du Seigneur ne peuvent pas faillir,et elles s'effectueront dans leur propre temps. Quant à nousqui avons reçu du Seigneur la grâce d'apercevoir un rayonde ces vérités célestes, nous ne pouvons rétrograder ni mêmecesser de coopérer avec sa Divine Providence; et, quand unusage se présente, nous sentons l'impérieux devoir de l'exé-cuter.

» L'importance que vous attachez à ce que la France pos-sède une traduction complète des Ouvrages de Swedenborgme paraît très-réelle, et il me semble que les membres de laNouvelle Église dans tous les pays doivent en convenir. Votrelettre a été traduite en anglais, et une copie en a été envoyéeà plusieurs membres du Comité de correspondance étran-gère. Ce grave sujet sera soumis à la considération des troisConventions de la Nouvelle Église qui vont avoir lieu souspeu. »

. Voici maintenant un Extrait de la lettre de M. Cliau-venet dont il est parlé au commencement de cet Ar-ticle, et dont l'importance nous a déterminés à pré-senter tous ces détails à nos lecteurs.

« Par nia dernière lettre je vous donnais une idée desmesures que je prenais pour que votre lettre fût générale-ment connue de la Nouvelle Église dans les États-Unis; elle

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APPEL. 149

fu t traduite, comme je vous l'ai dit, et envoyée à plusieursmembres de l'Église sur divers points, et surtout aux mem-bres du Comité de correspondance; je tenais beaucoup à ceque son contenu fût apprécié et qu'il fût soumis aux troisConventions de l'Église. Les efforts que vous faites, pourque la France puisse posséder une Traduction complète desOuvrages de Swedenborg, ont obtenu l'approbation et lasympathie de tous les membres de l'Église dans ce pays-ci,comme vous pourrez le voir par les Journaux des minutesdes trois Conventions. Ils sont tous d'opinion qu'on devraitvous aider dans cette entreprise importante, et à cet effetils ont nommé des Comités pour arriver à ce but. J'ai assistéà deux Conventions, et l'on m'a placé à la tête de chaqueComité pour que je pusse vous communiquer plus tard lerésultat de ces mesures, et vous transmettre les fonds quipourront être souscrits pour cette œuvre.

» Dans la Convention de l'Ouest, tenue à Cincinnati, on afait insérer votre communication dans le Journal, et on anommé un Comité pour correspondre avec vous.

» Aussitôt que j'eus communiqué votre lettre à nos frèresde Boston, elle fut tout de suite, de leur propre accord, in-sérée dans le New-Jérusalem Magazine; ce Journal est celuide l'Église qui a le plus de circulation dans les Étals-Unis;c'est l'Organe de la Convention Générale, dont vous avezpublié dans votre Revue les Règlements Organiques (1).

» La Convention Générale et la Convention Centrale ontété tenues la même semaine; néanmoins je fis un voyage àNew-York, où la Convention Générale était en séance, pourm'unir à nos frères et pour nous concerter relativement àvotre communication. L'expression de la Convention Géné-rale à cet égard est des plus flatteuses. On a donné troismois aux membres qui ont été placés dans le Comité pour

(I) Voir Tome VII de la /terne, pag. 216 à 223; 248 à 256j 285 J288.

13*.

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150 APPEL.

rapporter le succès -de leurs travaux individuels, c'est-à-dire,pour transmettre les souscriptions qu'ils pourront recevoir. »

Tous ceux qui s'intéressent à la publication desécrits de Swedenborg et au maintien de notre Renie,dont le but principal est d'en propager la connais-sance, s'uniront certainement à nous pour exprimerà nos frères des États-Unis toute leur reconnaissancepour l'accueil bienveillant qu'ils ont fait à la com-munication du Rédacteur de cette Revue, et pour lezèle qu'ils mettent à venir au secours de la NouvelleEglise de France; mais nous espérons aussi que ceuxde nos frères de l'intérieur, pour lesquels la positionde fortune n'est pas un obstacle, redoubleront d'ef-forts pour soutenir la Revue, qui est notre seul dra-peau ostensible, et pour hâter la publication desécrits de Swedenborg.

Le seul Ouvrage de notre Auteur, les ArcanesCélestes, aura 17 volumes grand in-8° (*). D'après lemode actuel de publication, il ne paraît qu'un demi-volume par an, et par suite nous ne sommes parve-nus jusqu'ici qu'à la moitié du 3me volume; en con-tinuant ainsi il nous faudrait pour les 1-4 volumes etdemi qui restent à publier vingt-neuf années, tandisque si nous n'étions pas arrêtés par la question fi-nancière, nous pourrions en publier deux et mêmetrois volumes par an. UApocalypsis Explicata for-mera 10 volumes in-8° ; à ces 27 volumes il faut en-core ajouter tous les Traités traduits par Moét, qui

(*) Voir aux notes additionnelles.

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APPEL. 151

devront être imprimés de nouveau, tant par rapportaux conditions exposées dans la lettre du Rédacteurde la Revue, que parce qu'ils ne tarderont pas à êtreépuisés; et, en outre, beaucoup d'autres Traités quin'ont pas encore été imprimés en Français. Toute-fois, malgré ce grand nombre de volumes, l'impres-sion des Œuvres complètes de Swedenborg pourraitêtre terminée en moins de dix ans, avec les seulesressources des ouvrages que nous avons déjà publiés,si le zèle de nos frères et des admirateurs de Swe-denborg parvenait à faire écouler les exemplairesqui nous restent.

C'est donc uu appel que nous faisons à tous lesmembres de la Nouvelle Église du Seigneur, quelleque soit la contrée qu'ils habitent, et en même tempsà tous ceux qui, sans être encore convaincus de laSainteté des doctrines de la Nouvelle Jérusalem, ad-mirent la sublimité des théories renfermées dans lesOuvrages de Swedenborg, et désirent leur propaga-tion dans l'intérêt de l'humanité et de la science; enrépandant les ouvrages que nous avons publiés de-puis six ans, non-seulement ils propageront des doc-trines dont personne n'oserait publiquement con-tester la profonde moralité, mais ils nous fourniront,en outre, les moyens de continuer nos publications,et de terminer l'impression des écrits de Sweden-borg dans une langue qui est répandue dans toutesles contrées du monde.

Si, pour accélérer l'impression des Ouvrages de

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152 APPEL.

Swedenborg, quelques membres de l'Église ou quel-ques admirateurs de l'illustre Suédois, soit en France,soit à l'Étranger, étaient dans l'intention de faire desdons, ils pourraient les adresser à la Rédaction de laBévue, à Saint-Amand (Cher), ou à M. Hartel (*), ruedu Mail, N° 36, à Paris. A l'imitation des Journauxde la Nouvelle Église qui se publient à l'Étranger, laBévue donnera la liste des personnes qui auront faitdes dons à l'Église, ainsi que la valeur et la destina-tion spéciale des dons, et remplacera le nom du Do-nateur par une simple initiale ou par le mot Ano-nyme quand le désir en sera exprimé. Les personnesqui seraient retenues de faire une demande de livres,ou des dons par la difficulté de faire parvenir lesfonds, peuvent indiquer dans une lettre à l'une desadresses ci-dessus, le montant de la somme qu'ellesdestinent à cet effet, et on la fera toucher à leur do-micile, quelle que faible qu'elle soit.

(*) Voir aux notes additionnelles.

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L'UNION CHRÉTIENNE.

Nous recevons d'Amérique, avec les journaux destrois Conventions de la Nouvelle Église, une bro-chure au sujet de laquelle notre correspondant dePhiladelphie, M. W. Chauvenet, écrit au Rédacteurde la Revue :

« Le secrétaire de la Convention centrale vous envoie unepetite brochure (40 pages gr. in-8") sur le caractère desdoctrines de la Nouvelle Jérusalem et leurs progrès dansles États-Unis. Cet écrit est de l'un de nos frères de la Vir-ginie. Il a été rédigé pour faire partie d'un Ouvrage consi-dérable, publié par l'entremise d'une association de la VieilleÉglise, lequel doit contenir des exposés des dogmes et desdoctrines de toutes les Communions chrétiennes qui existentaux Etats-Unis. Chacun de ces exposés a été fourni à l'édi-teur par la Communion même ou par un de ses organes. »

Certes, c'est une généreuse pensée, digne de voirle jour dans un pays libre et qui honore ses auteurs,— au milieu d'un monde travaillé par le doute d'unepart et de l'autre par des tiraillements et des luttesreligieuses, — d'ouvrir un Recueil au plaidoyer desdoctrines de toutes les communions par des organesaccrédités de ces communions elles-mêmes. Quel livreplus directement utile peut-on offrir à ceux qui dé-sirent franchement, ou sortir du doute et choisir une

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154 L'UNION CHRÉTIENNE.

croyance, ou éclairer celle qu'ils possèdent, en s'ap-pliquant avec une parfaite indépendance à la recher-che de la vérité ? Quoi de plus loyal que de faire par-ler chaque communion pour elle-même, présenterses dogmes à son point de vue, au lieu de les rame-ner tous à un point de vue exclusif, comme cela alieu dans tous les Recueils religieux existants? A enjuger par l'Article qui nous concerne et que nousavons sous les yeux, le programme de l'ouvrage estsuivi dans l'exécution de la manière la plus large etla plus libérale; l'apologiste y jouit pleinement dudroit de soutenir ses dogmes et sa doctrine par la li-bre discussion des dogmes et des doctrines opposées ;et il fallait qu'il en fût. ainsi pour donner tout soneffet au plan proposé, pour faire jaillir le plus de lu-mière possible du rapprochement de ces divers plai-doyers.

Nos lecteurs savent que nulle doctrine, plus quela nôtre, n'appelle les lumières de la discussion.Nous sommes fermement convaincus que la causeque nous défendons a tout à gagner sur ce terrain ;c'est pourquoi, nous applaudissons de toutes nos for-ces à l'entreprise ici annoncée. Nous doutons qu'ellesoit autant du goût de la plupart des représentantsdes doctrines exclusives. La libre discussion en ap-pelant au jugement de la raison, et s'appuyant enmatière théologique sur le témoignage de la SainteÉcriture, ne peut convenir à ceux qui voudraientétouffer la raison sous l'empire d'une foi aveugle, et

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L'UNION CHRÉTIENNE. 155

encore moins à ceux qui voudraient couvrir d'unboisseau le flambeau de la Parole Divine.

Les Chrétiens de la Vieille Église qui ont pris partà l'association dont parle M. Chauvenet, associationqui préside à une publication si libérale, sont évi-demment de ces hommes bien disposés qui cherchentet trouvent dans l'esprit de l'Évangile un principed'union supérieur à la lettre morte des professionsde foi de leurs communions respectives. A la des-cription du caractère de celte association, on recon-naît qu'elle n'est autre que celle déjà mentionnéedans une lettre de M. Barrett, de New-York, à l'unde nos collaborateurs (Voir la Revue. Vol. VII.Page 88) ; c'est par une réunion de ses membres quece prédicateur de la Nouvelle Église fut invité à pré-senter une suite de lectures sur des doctrines; ellese nomme, nous dit M. Barrett : « l'Union Chré-tienne. »

Mais l 'union ainsi entendue, dans un esprit de li-berté et de charité, a des ennemis irréconciliables quenous venons de signaler. Il est surtout une puissancedans le monde qui n'admet l 'union qu'avec la soumis-sion aveugle à son autorité spirituelle unique et ab-solue; elle devait manifester ici son opposition. Enelfet, nous ajouterons pour plus ample information,que nous avons lu de nos yeux dans un journal, or-gane le plus fougueux de FuHramontanisme à Paris,une bulle ou lettre encyclique papale qui attaque etfrappe nominativement de sa censure l'association

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156 L'UNION CHRÉTIENNE.

américaine désignée sous le nom y Alliance (ouUnion) Chrétienne, composée de membres de di-verses communions, comme coupable de séduire lesfidèles, notamment par la distribution de versionsdes Écritures en langue vulgaire de complicité avecles Sociétés bibliques, et cela jusque dans l'Étalpapal.

Pour en revenir à la brochure qui nous toucheplus particulièrement, nous devons dire que notrereprésentant, dans cette publication, nous paraîtavoir été heureusement inspiré; son Exposé noussemble si clair, si bien approprié au service de lacause qu'il soutient avec nous, que nous nous feronsun devoir de le traduire pour l'insérer par Extraitsdans cette Revue (1).

(1) Foir Tome VII. Page 161 à 176; 195 à 202; 225 à 254; 321à 354.

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NÉCESSITÉ D'UNE NOUVELLE TRADUCTION

DE LA PAROLE DIVINE.

Nous avons déjà annoncé, dans notre avant-der-nière Livraison, tome VII, page 190, que la Con-vention de l'Ouest commençait à se préoccuper dubesoin de pourvoir, dans un avenir peu éloigné, àune nouvelle Traduction de la Divine Parole enanglais ; voici maintenant le Rapport qui fut fait àcette Convention sur cet important sujet.

Rapport du Comité sur une Traduction nouvelle desSainlcs Écritures.

« Le Comité, qu'on avait chargé de correspondre avec lesautres Conventions et avec la Conférence anglaise au sujetd'une nouvelle Traduction des Saintes Écritures, s'est con-formé aux instructions qu'il avait reçues de la Convention.

« Au mois de juillet dernier, il a adressé aux Présidentsdes autres Conventions et de la Conférence anglaise unelettre dans laquelle il appuyait surtout sur la nécessité qu'é-prouvait la Nouvelle Église de posséder une Traductionfidèle de la Parole, et demandait en même temps qu'on vou-lut bien s'en occuper à la première réunion annuelle.

« Aucune réponse n'a encore été faite à ce sujet; on nes'y attendait même pas; l'opinion du Comité étant que rienne peut se faire au moment actuel, sauf peut-être d'attirer

14.

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158 NÉCESSITÉ D'UNE NOUVELLE TRADUCTION

l'attention de l'Église sur un sujet si important. Sous cepoint de vue, on peut se flatter d'avoir réussi, puisque la re-quête fut insérée dans Ylntclleclual Rcpository, et quepeu de temps après il parut dans la même publication unArticle appuyant chaudement la proposition, et demandantqu'une société f û t formée à cet effet. Nous espérons doncque le sujet sera convenablement pesé et discuté à la pre-mière réunion de la Conférence anglaise, ainsi qu'à celle desdeux Conventions d'Amérique.

« Nous joignons ici la lettre adressée par nous à ces troisassemblées.

« Cincinnati, 23 juil let 18Û3.

CHERS FRÈRES!

« A la dernière réunion de la Convention de l'Ouest, nousfûmes institués en Comité, af in de communiquer avec lesantres Conventions des États-Unis et celle d'Angleterre, ausujet d'une nouvelle Traduction des Saintes Écritures.

« Au moment présent, nous ne pensons guère pouvoirfaire plus que d'attirer l'attention de nos frères les plus éloi-gnés sur cet impor tan t sujet. Il est généralement reconnuparmi les membres de la Nouvelle Église qu'une Traductiondes Écritures serait fort à souhaiter, les anciennes étantpleines d'erreurs, dont quelques-unes, touchant à des pointsde doctrine, sont par conséquent dangereuses. La plupartde ces dernières ayant été indiquées dans différentes publi-cations de la .Nouvelle Église, il serait superflu de les repro-duire ici.

« Partant du principe fondamen ta l qu'il est du devoir deceux qui possèdent le vrai de détruire l'erreur, su r tou t quandelle est grossière et palpable, et d'y subs t i t ue r des vérités,nous pensons que l'Kglise s'imposera la loi de faire un bonusage de la grande lumière qu'el le possède, pour, tôt outard, donner aux hommes une Traduction fidèle de la Divine

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DE LA PAROLE DIVISE. 159

Parole. Elle a, pins que toute autre, les moyens d'accomplircette grande et belle œuvre, par sa connaissance des corres-pondances, sans laquelle ce serait en vain que des hommes,quelque instruits qu'ils puissent être d'ailleurs, entrepren-draient une tâche tellement au-dessus de la science pure-ment naturelle.

<i La seule question qu'il nous paraît urgent d'examinerest celle de l'époque la plus favorable pour entreprendre untel travail; il se peut que !e moment n'en soit pas encorearrivé. Peut-être y a-t-il d'autres devoirs d'une importanceplus grande, plus directe, qui. sollicitent l 'attention de laNouvelle Église. Avant de s'occuper de la traduction de la(dire, le sens in t e rne ne serait-il pas bien plus admirable àexploi ter? l'esprit humain n'a-l-il pas soif de ces glorieusesvérités? et révéler le sens spirituel, ne serait-ce point en ef-fet traduire la lettre son représentant fidèle? .Mais si nouspouvions mener de front ces deux traductions, combien nes'aideraient-elles pas réciproquement?

« Nous avons pensé qu'il existait peut-être parmi lesmembres de la Nouvel le Église quelques frères capablesd'entreprendre un tel travail, pour peu qu'on leur fît un ap-pel au nom de l'Église en général, et c'est à leur intentionque nous désirons voir le sujet présent soumis à la délibéra-tion des Conférences.

« II ne nous reste qu'à exprimer le désir de voir le sujetd'une nouvelle Traduction des Écritures, discuté à notrepremière réunion, avec l'espérance que, si le projet estadopté, vous voudrez nommer un Comité pour s'en occuperspécialement.

« Vos frères dans le Seigneur (membres du Comité),

« Nathaniel Holley.<c T. 0. Prescott.« Wm. llooper. »

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160 NÉCESSITÉ D'UNE NOUVELLE TRADUCTION

Le Rédacteur-Gérant de la Revue ayant commu-niqué au Comité de rédaction une lettre qu'il aadressée aux membres du Comité de la NouvelleÉglise à Cincinnati, sur le sujet dont il est parlédans les deux pièces précédentes, le Comité de ré-daction a jugé qu'il était à propos d'insérer cettelettre dans la Revue, son contenu étant de nature àintéresser plusieurs de nos frères, tant en Francequ'à l'étranger.

Saint-Amand (Cher), 9 janvier 18/i5.

A Messieurs les Membres du Comité de (a Nouvelle Egliseà Cincinnati (Convention de l'Ouest), chargés de s'en-tendre avec les Comités des autres Conventions, au su-jet d'une Traduction des Saintes Écritures.

MESSIEURS ET CHERS FRÈRES !

C'est avec un grand plaisir que j'ai appris parvotre rapport à la Convention de l'Ouest, que laNouvelle Église aux Etats-Unis est préoccupée dubesoin de pourvoir à une nouvelle Traduction de laParole en anglais, et que vous désirez pour le mo-ment attirer sur cet important sujet l 'attention denos frères les plus éloignés, dans l'espoir de trouverparmi les membres de la Nouvelle Église quelquesfrères capables d'entreprendre un pareil travail.Votre but est trop louable et promet de trop grands

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avantages aux membres de la Nouvelle Église, pourque le Seigneur ne suscite pas, tôt ou tard, parminos frères de la langue anglaise, un ou plusieurshommes propres à mener cette entreprise à bonnefin; mais en attendant que cette faveur vous soit ac-cordée, veuillez permettre à un frère, depuis long-temps préoccupé d'une nouvelle Traduction de laParole en français, de vous soumettre quelques ré-flexions.

Si Swedenborg avait donné en latin pour tous leslivres de la Parole, comme il l'a fait pour la Genèse,l'Exode et l'Apocalypse, une Traduction complète, ilest évident que les difficultés qui se présentent pourune Traduction en langue vulgaire se trouveraientbien diminuées, car en suivant ponctuellement laVersion de Swedenborg, et en s'aidant de tous lesprécieux documents qu'il donne dans l'explication dusens interne, on aurait toujours avec soi un guidesûr.

Cette réflexion que je fis dès l'instant où je mesuis occupé de traduire notre Auteur, m'a porté àme demander si, au moyen des nombreux passagesde la Parole renfermés dans les Écrits de Sweden-borg, il ne serait pas possible de composer une ver-sion de la Parole, sinon tout à fait complète, dumoins presque complète. Quoiqu'une telle entreprisedût exiger un temps considérable et une grande pa-tience, le but, lors même qu'il ne serait pas entière-ment atteint, présentait une si grande importance,

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que je me suis mis aussitôt à. l'œuvre. Je commençaipar faire le dépouillement de tous les passages con-tenus dans les Arcana Cœlestia; ma récolte futtrès-abondante, surtout pour ce qui concerne lesProphètes; je passai ensuite à d'autres Ouvrages, etpour désigner les différents Traités d'où les passagesbibliques étaient extraits, j'employai les abréviationsdont s'est servi le docteur Beyer dans son Index.

Mais pourquoi avoir pris tant de peine? pourrait-on me dire; la troisième partie de cet Index dudocteur Beyer n'était-elle pas suffisante? et ne trouve-t-on pas aussi à la fin de VApocalypsis Explicata unIndex du même genre?

Ces deux Index sont, il est vrai, précieux, maisils ont été faits dans un but différent de celui que jeme proposais : ces Index concernent seulement lespassages de la Parole qui, dans les divers Traités denotre Auteur, ont été rendus clairs, ainsi que l'ex-prime leur titre (locorum luculentatorum), et parconséquent ils n'indiquent pas les passages qui ontété donnés par Swedenborg sans être suivis d'expli-cations; or, ce sont tous les passages traduits parSwedenborg qu'il m'importait de recueillir ; etquoique la collection dont je m'occupe ne soit pasencore terminée, en la comparant avec les Indexelle renferme plus du double de passages.

D'ailleurs, considérés comme auxiliaires pour laconfection d'une traduction de la Parole en languevulgaire, les Index seraient d'un secours bien res-

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treint; car il ne suffit pas toujours d'avoir un passageisolé pour en découvrir le sens, il faut souvent lecomparer à ce qui précède et à ce qui suit; en unmot, il faut, autant que possible, avoir sous les yeuxl'ensemble du Chapitre. Or, avec les Index seuls, onne peut avoir que de simples fragments de la traduc-tion de Swedenborg, à moins qu'on ne fasse successi-vement pour chaque Chapitre un travail préliminaireanalogue à celui que je me suis proposé pour l'en-semble de toute la Parole. Mais, outre cela, il estencore une autre considération qu'il est bon de men-tionner : L'on sait que Swedenborg, qui cite beaucoupde passages un grand nombre de fois, les présentesouvent avec des Variantes; ces Variantes sont pré-cieuses pour un traducteur des Saintes Écritures enlangue vulgaire. En effet, sans ces Variantes il seraitparfois exposé à faire un mauvais choix dans les dif-férents mots de sa langue qui expriment le mot àtraduire; mais au moyen des Variantes, il ne tardepas à être fixé sur le mot qui convient le mieux. Or,les Index ne signalent point ces Variantes ; et pourles trouver il faudrait, à chaque passage, consultersuccessivement tous les Traités cités, et souvent ilarriverait qu'après s'être livré à ee travail, on décou-vrirait qu'il n'y a pas de Variantes pour ce passage.On peut voir, d'après cela, qu'il serait très-importantd'avoir sous les yeux le dépouillement complet detous les passages de la Parole, qui sont épars dansles divers ouvrages de Swedenborg, avec l'Indica-

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tion, à la fin de chaque Verset, des N03 de tous lesTraités où ils sont cités, afin que le traducteurpuisse s'y reporter au besoin, et aussi avec toutesles Variantes, afin qu'il puisse faire son choix.

C'est là le travail que j'ai entrepris il y a sept ans,et que j'espère terminer, s'il plaît au Seigneur. Lestrois derniers Livres de Moi'se, et les Livres de Josué,des Juges, de Samuel et des Rois, sont ceux qui se-ront restitués avec le plus de difficultés; mais lesAdversaria vont être d'un grand secours; en effet,si les Adversaria ne présentent pas le texte latin desVersets, du moins ils donnent parfois les expressionsprincipales, et c'est le plus important.

Quand le travail de dépouillement sera terminé,je pense que pour remplir les lacunes, il faudrait seservir de la traduction latine de Sébastien Schmidt,qui est celle que Swedenborg préférait aux autres,quand il n'avait pas recours aux textes originaux,ainsi qu'il est facile de le reconnaître par l'inspectionde ses écrits. Alors pour distinguer les passages don-nés par Swedenborg de ceux qui auront été pris dansSchmidt pour combler les lacunes, il suffira d'impri-mer les premiers en caractères ordinaires et lesautres en italiques.

Cette traduction latine devrait ensuite être placéeen regard du texte original, savoir, pour l'AncienTestament en regard de la Bible Hébraïque d'ÈverardVan-der-Hooght, et pour le Nouveau-Testament enregard de l'un des deux Textes Grecs cités dans la

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Note de M. A. Nordenskiold (Voir Revue, 6e année,page 245). Mais auparavant il y aurait à exécuter untravail fort important; ce travail consisterait, touten laissant subsister les Variantes, à faire entre ellesun choix, afin d'indiquer au Lecteur quelle est laVersion qui paraît la plus convenable, sans pour celale priver de choisir lui-même. Je compte alors surla bienveillante coopération de plusieurs de nos frèresde Paris, qui font une étude spéciale de la LangueHébraïque; et j'espère qu'avec de la patience et dela persévérance, et surtout avec le secours du Sei-gneur, sans lequel nous ne pourrions rien faire,nous parviendrons à rendre aussi complète que pos-sible cette traduction latine des Saintes Écriturespar Swedenborg.

Si je suis entré dans tous ces détails, Messieurs etchers frères, c'est parce qu'ayant vu par votre rap-port à la Convention de l'Ouest, que vous pensiezque le moment n'était pas encore venu d'entrepren-dre une nouvelle traduction de la Bible en languevulgaire, j'ai pensé que des travaux préliminaires,qui ont été entrepris dans le but de faciliter unetraduction Biblique en langue quelconque, ne vousparaîtraient pas indifférents. Je dois d'ailleurs vousavouer, qu'en entreprenant ce travail, j'avais l'in-tention, si le Seigneur m'accordait de le mener àbonne fin, de demander l'appui de toutes les sociétésde la Nouvelle Église; car nous sommes encore troppeu nombreux en France, pour que nous puissions

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seuls en entreprendre la publication. Du reste, lors-que le moment de commencer sera arrivé, si la tâcheentière paraissait trop forte pour les ressources del'Église, au lieu de publier toute la Parole, on pour-rait pour spécimen n'en donner d'abord qu'unepartie, par exemple, le prophète Ésaïe, qui est celuique Swedenborg cite le plus souvent.

Veuillez encore me permettre quelques réflexions.Il n'est douteux pour aucun de nous que la NouvelleÉglise ne doive régner sur la terre; l'époque seulede sa manifestation complète dans le degré naturelest et doit être inconnue; mais nous qui avons l'in-appréciable avantage de savoir et d'être convaincusque le second Avènement du Seigneur est accompli,et que maintenant son Royaume descend continuel-lement sur la terre, quoique d'une manière inaper-çue par les hommes du monde et par ceux de laVieille Église, nous devons diriger nos travaux demanière à ce qu'ils se coordonnent avec ceux que nosneveux devront nécessairement exécuter. Or, ce quise passe maintenant sous nos yeux, ces merveilles dela vapeur pour rapprocher les peuples et les mettreen contact, ces nouvelles méthodes qui s'introdui-sent dans tous les pays pour faciliter l'étude deslangues vivantes, tout, en un mot, ne nous dit-il pasqu'avant peu la plupart des obstacles qui s'opposentencore à la fraternité des peuples, et à leur concourspour un intérêt commun, vont disparaître. Si doncnous parvenions d'abord à avoir un édition nouvelle

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des Saintes Écritures dans le texte original avec latraduction latine de Swedenborg en regard, pour-quoi plus tard n'entreprendrions-nous pas, noustous réunis, un travail analogue à celui qu'Origèneexécuta seul, au troisième siècle de l'ère vulgaire?Ne pourrions-nous pas aussi avoir nos Hexaples?Ne serait-ce pas un beau travail que celui qui pré-senterait la Parole dans son texte original, dans latraduction latine de Swedenborg, et dans les quatrelangues vivantes qui sont le plus répandues sur lasurface du globe, l'Anglais, le Français, l'Allemandet l'Espagnol? Et remarquez, Messieurs et chersFrères, que ce premier travail, qui contiendrait en-core beaucoup d'imperfections, se perfectionnerait àchaque édition nouvelle, d'autant plus facilementqu'on pourrait d'un seul coup d'œil confronter ver-set par verset, les divers traductions vulgaires, etqu'il se trouverait alors des hommes instruits, pos-sédant suffisamment ces quatre langues, pour met-tre à profit cette confrontation, en faisant dans cha-que langue les rectifications qui seraient jugéesnécessaires. D'ailleurs, puisque la Nouvelle Jérusa-lem doit régner sur la terre, et qu'elle ne peut ré-gner que par la Parole, nous devons être convaincusque le Seigneur fera entrer peu à peu dans les lan-gues vulgaires des expressions et des tours de phrasepropres à rendre parfaitement ceux qui sont dans letexte original de la Parole; et pour ne parler que dela France, puisque je n'ai pas l 'avantage de counaî-

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tre les trois autres langues, ne voyons-nous pas déjàcette révolution dans le langage commencer à s'ac-complir? l'école littéraire moderne ne dédaigneplus la langue du peuple, et elle remet en honneurquelques-unes de ces locutions brèves et énergiquesqui ont tant de rapport avec celles que renferme laBible. Enfin, la Parole est restée pure dans le texteoriginal, et cela, parce que le Seigneur a continuel-lement veillé sur ce texte, car c'est Lui qui a ins-piré les travaux des Massorètes ; il veillera doncaussi à ce que, dans toutes les langues, cette DivineParole soit restituée dans sa pureté, dans un tempsplus ou moins éloigné, selon que sa Prévoyance in-finie le jugera convenable pour chaque peuple.

Agréez, Messieurs et chers Frères, l'assurance demon affection fraternelle et de mon parfait dévoue-ment.

LE BOYS DES GUAYS.

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PROJET D'UNE TRADUCTION LATINE

DE LA PAROLE DIVINE (*).

Les éditeurs du New Jérusalem Magazine deBoston ayant manifesté le désir d'établir une corres-pondance pour ce Journal avec le Rédacteur en chefde la Revue, le Rédacteur s'est empressé de répon-dre à cette marque d'intérêt fraternel. Sa lettre du1er Janvier 1847 avait pour sujet principal unecommunication dont nous allons donner l'extrait.

Communication sur un travail préparatoire ayantpour but d'aider à l'achèvement de la versionlatine de la Divine Parole extraite des ouvra-ges de Swedenborg.

Le travail de dépouillement de tous lespassages bibliques cités par Swedenborg, du moinsen ce qui concerne les ouvrages publiés, étant au-jourd'hui terminé, nous avons maintenant à conférerles diverses versions données par Swedenborg, à met-tre à profit tous les éclaircissements dont ses ouvra-ges sont remplis, et à combler les lacunes Con-duit sur ce sujet, dont je suis sans cesse préoccupé,

(*) Voir aux noies additionnelles.15.

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170 PROJET D'UNE TRADUCTION LATINE

je ne saurais l'abandonner sans me livrer à quelquesréflexions; je profiterai aussi de cette circonstancepour vous soumettre un premier moyen d'exécution,car il ne suffit pas de former des projets, il faut aussiexécuter, et pour que l'exécution soit plus facile, ilfaut que tous les ouvriers puissent mettre la main àl'œuvre.

Établir d'après les écrits de Swedenborg une tra-duction latine de la Parole, pour, de là, arriver àavoir des traductions exactes en langue vulgaire,est une œuvre capitale pour la Nouvelle Église;c'est une tâche que nous devons entreprendre avecrésolution et continuer avec persévérance; que letemps qu'il nous faudra pour l'accomplir ne nouseffraie point, plus elle nous présentera de difficultésà surmonter, plus nous devrons redoubler d'eiforts.Les Chrétiens du moyen-âge employaient des sièclespour élever leurs cathédrales, qui n'étaient cepen-dant que des monuments de pierres; ils persévé-raient sans perdre courage jusqu'à ce que l'édificefût terminé, une génération continuait ce qu'uneautre avait commencé; et nous, Chrétiens de la Nou-velle Jérusalem, membres d'une Église qui subsisteratoujours, serions-nous moins persévérants qu'eux?Et cependant il ne s'agit pas de mettre des pierressur des pierres, nous avons à élever un Édifice bienautrement majestueux, nous avons à donner à laParole Divine dans chaque langue vivante la formesimple et sublime qu'elle a dans la langue originale

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DE LA PAROLE DIVINE. 171

qui n'est plus parlée. En présence d'une telle œuvre,le cœur nous manquerait-il parce que nous verrionsdevant nous de grandes difficultés à surmonter, ouparce que le cours d'une vie humaine ne nous paraî-trait pas suffisant pour l'accomplir? Aurions-nousmoins d'amour pour un monument de vie que n'eneurent les peuples du moyen-âge pour des monu-ments périssables? Commençons donc, sans nous in-quiéter de savoir si nous achèverons; commençons,mais gardons-nous d'aller trop vile; point de préci-pitation; que chaque année apporte son tribut com-posé des efforts réunis de chaque ouvrier, et le Sei-gneur, sans lequel nous ne pouvons rien faire, con-duira successivement l'édifice vers la perfection àlaquelle il doit nécessairement parvenir.

Nous ne devons donc pas hésiter à nous mettre àl'œuvre; des matériaux ont déjà été préparés, utili-sons-les; mais comment les utiliser? c'est là pour au-jourd'hui la question qu'il importe de résoudre. Cesmatériaux, reconnus nécessaires pour la constructionde l'Édifice, devraient être à la disposition de tous,et cependant ils ne sont qu'en la possession de celuiqui les a recueillis. Le moyen le plus propre à fairecesser cet état de choses consisterait à livrer à l'im-pression ce travail préparatoire, afin que tous aientla faculté d'y puiser; mais ce serait constituer l'É-glise dans des dépenses qui pourraient être troplourdes pour elle dans ce moment-ci; toutefois, si cemoyen ne peut pas être employé, il en est un autre

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172 PROJET D'UNE TRADUCTION LATIXE

qui, sans exiger de grandes dépenses offrira cepen-dant les mêmes avantages, sauf à obliger chaque ou-vrier à recourir lui-même aux sources qui lui serontindiquées; c'est celui-là que je crois devoir vousproposer; vous le trouverez suffisamment indiquédans une lettre de M. Auguste Harlé; comme le pa-ragraphe dans lequel il se trouve concerne le sujetdont nous nous occupons maintenant, je vais tran-scrire ce paragraphe en entier.

« Mes études sur le prophète Nahum, me dit-il,m'ont donné une peine effroyable, mais non sansprofit; c'est en poursuivant, comme j'ai voulu lefaire, une exégèse entièrement basée sur Sweden-borg, que l'on sent de quelle utilité serait un travailcomme celui que vous avez préparé. J'espère que lemien viendra à l'appui de votre thèse, dont je faisaussi la mienne, au moins dans l'esprit de ceux quise donneront la peine d'étudier ce travail. Pour lemoment, je veux vous communiquer les premièresconclusions auxquelles me paraît conduire l'expé-rience. Il y a un immense travail à faire pour passerdes citations partielles de Swedenborg à une versionsuivie et complète, d'un système uniforme et basésur ses meilleurs indications. Je crois que la versionde Séb. Schmidt pure et simple romprait l'unité, etqu'elle peut seulement servir de base, mais doit êtrerevisée, ramenée au système général de Swedenborg,amendée d'après les indications que fournissent lespassages traduits dans ses ouvrages, et aussi d'après

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les données de la science moderne éclairée par l'ex-posé du sens spirituel, dans les passages non traduitspar notre Auteur. En attendant, il s'agit précisémentde favoriser les travaux qui peuvent conduire à cerésultat désiré. J'ai éprouvé que les passages extraitsd'avance sont sans doute fort commodes, mais nedispensent pas de recourir le plus souvent à l'ou-vrage cité pour recueillir les précieuses explicationsjointes à ces passages. D'après cela, je pense qu'unepremière publication très-utile, et en même temps laplus facile à réaliser, serait un Index complet despassages, au lieu de l'Index incomplet de Beyer, etde ces autres Index partiels et incorrects publiés àLondres. Cet Index, vous Cavez tout préparé, etil ne vous resterait qu'à l'extraire de votre tra-vail. Il serait à la portée de tous, puisque desnoms propres et des chiffres sont de toutes leslangues, et il serait ainsi d'un usage et d'un inté-rêt universels. Une marque signalant les passagestextuels, et une autre les passages auxquels sont enoutre jointes des explications développées, me sem-bleraient de la plus grande utilité. (L'Aslérique del'Index (1) de YApocalypsis Explicata est déjàutile, mais ne distingue que deux classes, et il y ena au moins trois). Je pense qu'on intéresserait facile-ment les Comités à cette publication, dont M. le

(t) Cet index est lui-même très-incorrect; les fausses indicationsqui sont nombreuses dans le corps de l'ouvrage, comme j'ai pu m'enassurer dans mon travail de dépouillement, sont répétées dans l'Index.

15*.

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174 PROJET D'UNE TRADUCTION LATINE.

docteur Tafel devrait exécuter l'impression, en larattachant à ses éditions in-octavo. »

Vous voyez, d'après cette lettre, que ce moyen estsimple et n'exigera que peu de dépenses; je ne doutepas que M. le docteur Tafel, dont le dévouement estsi constant, ne veuille se charger de l'impression,ainsi que le propose M. Harlé; je vais lui écrire àce sujet, en le priant de m'aider de ses avis; car,pour que je puisse commencer l'extrait dont il s'agit,il est nécessaire que nous nous concertions sur lemode d'exécution de l'Index; toutefois, M. Tafel nepourrait entreprendre cette impression qu'autantqu'il serait assuré de l'appui des divers Comités, etj'espère que cet appui ne sera refusé par aucund'eux. Je me propose de soumettre incessammentcette même question à nos frères d'Angleterre.

Agréez les sentiments d'affection chrétienne devotre tout dévoué.

LE BOYS DES GUAYS.

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ÉTAT DE LA PUBLICATION FRANÇAISE DES OUVRAGES DE

SWEDENBORG DANS L'ANNÉE 1847 (*).

Lorsque nous avons changé, il y a deux ans, lemode de publication de la Revue, nous nous som-mes fondés sur ce motif, que notre œuvre principaleétait la publication de Swedenborg en français, etqu'en conséquence il nous fallait employer toutesnos ressources pour l'accélérer le plus possible.

Aujourd'hui que deux années se sont déjà écouléesdepuis ce changement, nous croyons qu'il est denotre devoir de faire connaître à tous ceux qui s'in-téressent à la propagation des doctrines de la Nou-velle Église, quels sont les avantages que nous enavons retirés, et quels sont ceux que nous pouvonsen espérer.

Disons d'abord quel était l'état de nos publica-tions lors du changement :

Pendant les sept années qui l'avaient précédé,nous avons publié environ deux Volumes et demi desARCANES CÉLESTES ; plus, en dehors de la Bévue, lessix Traités suivants :

DOCTRINE DE VIE pour la Nouvelle Jérusalem.

(*) Voir aux notes additionnelles.

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176 PUBLICATION FRANÇAISE

DOCTRINE de la Nouvelle Jérusalem SUR L'ÉCRI-TURE SAINTE.

DIVIN AMOUR ET DIVINE SAGESSE (ouvrage po-sthume) .

Du CHEVAL BLANC, dont il est question dansl'Apocalypse.

DOCTRINE de la Nouvelle Jérusalem SUR LE SEI-GNEUR.

DOCTRINE de la Nouvelle Jérusalem SUR LA Foi.

Depuis le changement, nous avons publié deuxVolumes des ARCANES CÉLESTES; et, en outre, les sixTraités qui suivent :

EXPOSITION SOMMAIRE du sens interne des Pro-phètes et des Psaumes,

DE LA PAROLE et de sa Sainteté (Extrait de Y Apo-calypse Expliquée}.

DOCTRINE DE LA CHARITÉ (Extraite des ArcanesCélestes].

DES BIENS DE LA CHARITÉ, et Explication duDÉCALOGUE (Ext. de l'Apocalypse Expliquée).

DOCTRINE DE LA CHARITÉ (ouvrage posthume).EXPOSITION SOMMAIRE de la DOCTRINE de ta NOU-

VELLE ÉGLISE.

Pendant ces deux dernières années nous avonsdonc fait, à peu de chose près, autant de publicationsque pendant les sept années précédentes.

Cet avantage est déjà important, mais il n'est pasle principal.

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DES OUVRAGES DE SWEDENBORG. 177

L'avantage le plus grand que nous devons au nou-veau mode adopté, c'est celui d'avoir établi aux yeuxdu plus grand nombre de nos lecteurs, que la publi-cation des ouvrages de Swedenborg en français pou-vait être réalisée. Quand on voit chaque jour échouertant de projets annoncés par les Prospectus, com-ment aurait-on pu croire à la réalisation du nôtre,surtout lorsqu'on réfléchissait qu'il avait fallu septannées pour livrer au public deux Volumes et demid'un seul des ouvrages de la Collection, et qu'encontinuant à ne donner qu'un demi-volume parannée, il faudrait encore vingt-huit ans pour quecet ouvrage fût terminé? Mais dès que le nouveaumode de publication eut été adopté, on a pu conce-voir enfin quelqu'espoir que cet important ouvrageserait complètement imprimé; car, en voyant quenous donnions vingt-quatre feuilles d'impression paran, après avoir commencé par en donner seulementsix, puis douze, on devait facilement présumer quece ne serait pas là le dernier terme de cette progres-sion ascendante. Or, l'avantage qui devait résulterde cet espoir était immense, si l'on considère qu'unepublication, pour peu qu'elle soit volumineuse, n'ade chance de succès qu'autant qu'il y a quelquesprobabilités qu'elle sera terminée.

Mais aujourd'hui ce n'est plus seulement un espoirque nous donnons, c'est pour ainsi dire une certi-tude. Nous sommes heureux de pouvoir annoncer àceux qui s'intéressent à la publication des Arcanes

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178 PUBLICATION FRANÇAISE

Célestes, que cet important Ouvrage sera entière-ment publié dans l'espace de quelques années. Undes disciples des doctrines de la Nouvelle Église,M. L. de Z. (*), a pourvu aux frais de publication de laPartie qui traite de l'Exode; le premier volume decette partie (le XIe de l'Ouvrage entier) est mainte-nant sous presse; le XII suivra immédiatement etsera terminé avant six mois; et comme la Partie quitraite de la Genèse continuera à être publiée avec laRevue, nous aurons à la fin de cette année sept vo-lumes complets, savoir, les Vol. I, II, III, IV, V, XIet XII. Nous avons l'intention de publier en 1848les Vol. VI, XIII et XIV; puis en 1849, les Vol. VII,XV et XVI; et enfin en 1850, les Vol. VIII, IX et X.

La publication des Arcanes Célestes étant ainsiassurée, nous allons porter tous nos efforts sur lesautres Traités de Swedenborg ; et sur ce point nousavons le plus grand espoir que le mouvement d'ac-célération continuera et suivra la même progressionascendante; d'abord parce que M. L. de Z. a déjà étéimité par un autre disciple, M. D. (**), qui se proposede pourvoir aux frais d'impression du beau Traitédu Ciel et de l'Enfer, et que l'exemple que donnentces deux disciples peut être suivi par d'autres, soitindividuellement, soit collectivement; et, en secondlieu, parce que la Société qui a déjà fait imprimerplusieurs Traités de Swedenborg verra chaque jour

(*) Voir aux notes additionnelles.(**) Voir aux notes additionnelles.

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augmenter ses ressources, puisqu'on outre des donsqu'elle recueille, elle destine à la publication denouveaux Traités tout le produit de la vente desTraités déjà imprimés.

Nos lecteurs nous pardonneront ces détails; nousles avons donnés pour montrer à tous que le projetde publier une traduction française des ouvrages deSwedenborg, projet qui, mis en avant il y a quelquesannées, pouvait alors paraître colossal en raison dela faiblesse de nos moyens, est cependant sur lepoint d'être réalisé, pour peu que ceux de nos frè-res, tant de France que des autres contrées de l'Eu-rope et de l'Amérique, qui nous ont aidés jusqu'àprésent, veuillent bien, en raison de nos efforts,nous continuer leurs encouragements. D'ailleurs, encela comme en toutes choses, nous plaçons notreconfiance dans le Seigneur; il y pourvoira. DominusProvide bit.

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LA REVUE GALLICANE.

Nous avons déjà dit plusieurs fois que, professantune doctrine toute de charité et de paix, nous n'a-vions pas à nous immiscer dans les discussions reli-gieuses avec les autres communions chrétiennes;qu'il nous suffisait de chercher à répandre peu à peules principes de notre céleste doctrine, en publiantles écrits de Swedenborg; que ces principes produi-raient des fruits dans leur saison; et que les Com-munions de la Vieille Église se chargeraient elles-mêmes de se détruire, soit par des combats entreelles, soit par des divisions intestines. Les événe-ments nous prouvent chaque jour que c'était la meil-leure marche à suivre; en effet, la lutte qui existedepuis la Réforme entre les deux branches princi-pales du Christianisme n'en est pas moins vive au-jourd'hui, quoiqu'elle soit exercée sourdement; cesdeux Communions ne se persécutent plus, il est vrai,les armes À la main, comme dans les derniers siè-cles, mais elles se détestent mutuellement autantque par le passé. Si nous les examinons dans leurintérieur, nous voyons dans le Protestantisme unschisme qui grandit chaque jour ; et le temps n'estpas éloigné, s'il n'est pas déjà arrivé, où les Sépara-tistes s'eront plus irrités contre leurs frères, qu'ils

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LA REVUfi GALLICANE. 181

appellent indifférents, qu'ils ne le sont contre lesCatholiques romains. Quant au Catholicisme romain,on sait ce qui s'est passé dernièrement en Allémti-gne, et combien Ronge et ses sectateurs ont donnéd'inquiétude au Vatican ; il est vrai qu'en France onn'en est pas encore arrivé à une semblable scission,mais il n'en existe pas moins entre le bas et le hautclergé des germes de division qui éclôront tôt outard, et déchireront en France l'Église catholiqueromaine. Quelques symptômes de ce déchirementfutur se sont déjà manifestés, et les tendances ac-tuelles de la cour de Rome viennent tout nouvelle-ment de séparer le clergé de France en deux camps,encore peu distincts en raison de la discipline ecclé-siastique, mais disposés à se montrer au jour à lapremière occasion favorable.

La Bévue Gallicane, qui fait le sujet de cet Arti-cle, semble appartenir à un troisième camp ; car sesRédacteurs ne se rangent ni sous l'ancienne bannièrede Grégoire XVI, ni sous la bannière nouvelle dePie IX. Cette Revue, d'après son Titre, est un Jour-nal Religieux et Philosophique, destiné à provo-quer la régénération devenue nécessaire dans laChrétienté, et à préparer un rapprochement mu-tuel des diverses Communions Chrétiennes. Unetelle tâche est belle, et nous désirerions que la RevueGallicane pût la remplir ; mais forte pour signalerles abus, qu'elle sape du reste avec une grande har-diesse, aura-t-elle autant de force quand ilVagira

16.

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182 LA REVUE GALLICANE.

de reconstruire? Il est généreux de vouloir en reve-nir au Christianisme primitif; mais la chose est-ellepossible? peut-on remonter le cours des siècles? Oui,certes, le Christianisme, aujourd'hui presque étouffépar les superfétations dont on l'a accablé, est destinéà revivre de nouveau pour le bonheur des peuples,mais en entrant dans une nouvelle phase, et non enretournant à son berceau ; et il ne peut entrer danscette phase nouvelle, que par un supplément de véri-tés qui n'avaient pas pu être révélées à son origine,parce que les hommes d'alors n'étaient pas en étatde les comprendre. La Revue Gallicane possède-t-elle ce supplément de vérités?

Disons maintenant quel est le motif qui nous faitparler ici de la Revue Gallicane, malgré notre ré-serve à entrer dans des discussions religieuses. CetteRevue, dans un de ses Articles, vient de s'occuperde Y Église de la Nouvelle Jérusalem; et, loin desuivre l'exemple de certains organes du Catholi-cisme romain, elle a gardé toutes les formes d'unediscussion décente; nous manquerions donc aux con-venances, si, d'abord, nous ne répondions pas à cetArticle, qui se compose de quelques détails sur Swe-denborg et sur l'état actuel de la Nouvelle Église, etd'un Extrait des Lettres de M. Oegger aux Arche-vêques de Reims et de Paris; et si ensuite nous nefaisions pas connaître cette Bévue à nos Lecteurspar la citation de quelques-uns de ses derniers Ar-ticles. .

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Swedenborg est encore si peu connu des Chrétiensde la Vieille Église, que nous n'avons pas été sur-pris de trouver quelques inexactitudes dans le peude mots que la Revue Gallicane a dit de lui ; nousciterons seulement les deux suivantes : « La doctrinede ce théologien, dit la Revue, s'éloigne peu duprotestantisme suédois. » Si les persécutions queSwedenborg et ses adhérents eurent à supporter dela part du clergé suédois, ne suffisaient pas pourmontrer le peu de fondement de cette assertion, nousdirions que dans tous ses Écrits Swedenborg combatplus souvent le Protestantisme que le Catholicismeromain. La seconde inexactitude est celle-ci : « Swe-denborg dit avoir conversé avec les saints, » et nousne la mentionnons que parce qu'elle pourrait don-ner à croire que Swedenborg reconnaît des saints.Swedenborg, il est vrai, dit avoir conversé avec cer-tains hommes que la Vieille Église appelle saints, etdont quelques-uns étaient alors des Anges, et quel-ques autres des Réprouvés; mais il ne donne jamaisaux premiers la qualification de saints, il la réservepour le Seigneur Seul et pour ce qui procède duSeigneur, d'après ce principe que Dieu seul est Saint.

Sur l'état actuel de la Nouvelle Jérusalem quantau nombre des adhérents, la Revue Gallicane ditqu'aujourd'hui cette Église compte environ centmille disciples. Nous ferons à cet égard une simpleremarque : 11 n'en est pas de la Nouvelle Église duSeigneur Jésus-Christ, comme de toutes les autres

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Communions chrétiennes; elle échappe à toute sta-tistique humaine, parce qu'elle est plutôt internequ'externe; elle est universelle, en ce sejns qu'elle secompose de tous ceux qui vivent dans le bien en vued'un Dieu, quels que soient d'ailleurs les extérieursde leur culte; tous ceux-là, qu'ils appartiennent à laVieille Église chrétienne, ou qu'ils soient Mahomé-tans, Indiens, Chinois, ou même Idolâtres, sont ac-ceptés par le Seigneur, comme futurs membres desa Nouvelle Jérusalem céleste, et après leur mort ilsreçoivent facilement les vérités chrétiennes et rejet-tent les faussetés de leur religion, parce que le biende leur vie leur reste, et que leurs œuvres les sui-vent. La plupart des Communions chrétiennes sontexclusives, et font injure à la Justice de Dieu, en dé-clarant qu'il n'y a de salut que pour ceux qui admet-tent leurs croyances; la Nouvelle Jérusalem, au con-traire, reconcilie le Christianisme avec la JusticeDivine, en proclamant que l'on peut être sauvé danstoutes les religions, pourvu qu'on vive dans le bienen vue d'un Dieu. Ainsi, tous ceux qui font le bienpour le bien, et non en vue d'eux-mêmes, sont desdisciples de la Nouvelle Jérusalem, et nous les re-connaissons pour nos frères; nous les reconnaîtrionspour frères, quand même ils combattraient nos Doc-trines, parce qu'alors ce serait de bonne foi qu'ilsles combattraient, et la bonne foi excuse; d'ailleurs,en persévérant dans le bien, ceux-là ne peuventmanquer d'adopter tôt ou tard nos doctrines, et si

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ce n'est dans ce monde, ce sera dans l'autre, où tousceux qui ont aimé et fait le bien vivront éternelle-ment dans la véritable fraternité chrétienne.

Quant à la seconde partie de l'Article relative auxLettres de M. Oegger aux archevêques de Reimset de Paris, nous n'avons rien à en dire, attendu quenous avons d'avance décliné la responsabilité de cesLettres, particulièrement en ce qui concerne l'opi-nion de l'auteur sur le recours aux phénomènes del'extase; voici ce que nous en disions, dans notreNuméro de Juin 1846, peu de temps après leur pu-blication : « Comme disciples, nous devons prévenir» que plusieurs particularités de ces lettres de» M. Oegger donnaient à sa démarche un caractère» individuel qui devait nous empêcher de nous y» associer par leur publication intégrale. Malgré les» avertissements de Swedenborg sur le danger de» provoquer les phénomènes de l'extase, M. Oegger» ne craint pas (page 18 de sa brochure) de présen-» ter ces phénomènes comme étant à la disposition» de chaque disciple, ce que ne sauraient approuver» tous ceux qui comme nous, d'après les leçons de» Swedenborg, apprécient la nature de ces mêmes» phénomènes, en même temps qu'ils en reconnais-» sent la réalité. » (Voir notre Revue, 9e année,page 280*.)

Citons maintenant quelques-uns des Articles de laRevue Gallicane :

(*) Voir aussi aux notes additionnelles.16*.

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Essence et possibilité des phénomènes surna-turels. Dans cet Article de sa dernière livraison, laRevue Gallicane approche de la vérité; elle s'enécarte seulement en ce qu'elle suit la vieille tradi-tion qui reconnaît des créatures intermédiaires entreDieu et l'homme; cette erreur a été la source demille superstitions, et les Rédacteurs de la RevueGallicane sont trop ennemis de toute superstitionpour ne pas chercher à s'éclairer sur ce point; qu'ilslisent sans prévention notre Swedenborg, et ils re-connaîtront que tous les êtres qui peuplent le mondespirituel ont d'abord vécu hommes sur des terres.

Influences remarquables de la Religion sur lasanté, signalées par un Médecin. Il y a de très-bonnes choses dans cet Article; mais la convictiondu médecin eût été bien plus forte, s'il avait eu con-naissance des Écrits de Swedenborg concernant l'in-fluence de l'âme sur le corps, et les correspondancesdu monde spirituel avec le corps humain.

Prodige notable du magnétisme animal. —•Embarras de l'Eglise prétendue infaillible au su-jet du magnétisme animal. Outre ces deux Arti-cles sur le magnétisme animal, la Revue Gallicaneen contient plusieurs autres dans ses premières li-vraisons. Les idées qu'elle émet sur les phénomènesdu somnambulisme sont en général assez justes. Loinde nier les faits, comme certaines autres feuilles,elle les admet; mais en même temps elle signale avecraison les dangers qu'ils présentent. Elle cherche

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aussi à les expliquer, et elle y parviendrait, car elleest sur la voie, si, au lieu d'avoir recours à des êtresintermédiaires entre Dieu et l'homme, elle recon-naissait l'existence d'esprits qui ont été hommes, etsi elle avait sur ces esprits des notions exactes, qu'onne peut acquérir qu'en lisant les Écrits de Sweden-borg.

Il est encore plusieurs autres Articles que nousaurions pu citer, mais leur seul examen nous auraitentraîné hors des bornes que nous nous sommesprescrites.

La Revue Gallicane termine son Article sur laNouvelle Jérusalem par ces mots : u Au reste, une» Église Chrétienne de cent mille âmes mérite atten-» tion; et nous avons dessein d'examiner un jour,» dans la Revue Gallicane, les doctrines particuliè-» res de la Nouvelle Jérusalem. » — Nous pensonsque les Rédacteurs de la Revue Gallicane, avantde juger des doctrines particulières de la NouvelleJérusalem, voudront bien prendre connaissance del'ensemble de la Nouvelle Théologie Chrétienne, carsans la connaissance de l'ensemble, il est générale-ment difficile de porter un jugement sain sur lesdétails. Nous attendons cela de leur bonne foi et deleur impartialité.

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DIGRESSION SUR LA POLITIQUE (*).

Quoique notre Revue ne s'occupe point de politi-que, les grands événements qui viennent de s'accom-plir en France sont d'une telle nature, que nous de-vons nécessairement en parler, ne fût-ce que pourmontrer que la Révolution de 1848, attribuée à laProvidence par ceux-là mêmes qui ne professent or-dinairement aucune religion, est visiblement desti-née par le Seigneur à hâter la descente de la Nou-velle Jérusalem sur la .terre.

Pour nous, tout événement, grand ou petit, estprovidentiel; car nous savons que la Divine Pro-vidence est universelle, Détendant à tout, et qu'iln'arrive jamais rien sans la permission du Seigneur;mais nous divisons les événements en deux classes,les uns directement providentiels, les autres indirec-tement providentiels; et pour distinguer à quelleclass,e appartient un événement, il nous suffit d'exa-miner s'il est de nature à favoriser ou à contrarierle but constant du Seigneur, à savoir, le bonheurspirituel de l'humanité, d'où résultera plus tardson bonheur temporel.

Or, comme il nous est prouvé que les hommes nepourront parvenir à ce bonheur que dans le sein de

(*) Voir aux notes additionnelles.

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DIGRESSION SUR tA POLITIQUE. 189

la Nouvelle Jérusalem, et que le Règne de la Nou-velle Jérusalem ne pourra être établi sur la terrequ'autant qu'il y aura liberté des cultes, non-seule-ment de droit, mais aussi de fait, nous en concluonsque tout événement politique qui donne chez unpeuple plus d'extension à la liberté des cultes est di-rectement providentiel, et que tout événement poli-tique qui restreint cette liberté est indirectementprovidentiel, c'est-à-dire que le Seigneur l'a seule-ment permis, et cela, afin de laisser intact le librearbitre humain ; il est indirectement providentiel,en ce sens qu'il concourt indirectement au but cons-tant de la Divine Providence, parce que, quelquepernicieux que soit un événement, le Seigneur entire toujours du bien. L'humanité est libre de s'é-carter du chemin qui doit la conduire aux hautesdestinées qui lui ont été promises, et elle s'en écartetrès-souvent; mais, tout en lui laissant entière cetteliberté dont il l'a douée et sans laquelle elle ne se-rait qu'une machine, le Seigneur la ramène cons-tamment dans ce chemin, et même presque toujourssans qu'elle s'en doute.

D'après cela, il est bien évident pour nous que laRévolution de 1848 est directement providentielle,car elle va donner à la liberté des cultes un dévelop-pement immense, en l'établissant de fait en France,et en disposant toutes les nations du globe à con-quérir cette précieuse liberté, qui est aux autres li-bertés ce que le spirituel est au naturel. C'est donc

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190 DIGRESSION SUR LA POLITIQUE.

avec acclamation que nous avons salué la Républiquenaissante; nous ne l'acceptons pas comme une néces-sité, nous l'accueillons avec le respect que touthomme religieux doit avoir pour une forme de gou-vernement qui nous est si visiblement donnée par laProvidence Divine.

Jusqu'ici notre Bévue a été étrangère à la politi-que, elle continuera à suivre la même marche; néan-moins elle ne s'interdira pas, comme par le passé,de s'occuper de faits politiques, lorsque ces faits serattacheront à des sujets religieux; elle en fera res-sortir les avantages ou les désavantages pour la Nou-velle Église. Quant aux faits antérieurs à la Révolu-tion de Février, si nous ne nous en sommes pasoccupé dans la Bévue, il nous est quelquefois arrivé,comme correspondant du New-Jérusalem Maga-zine, de les discuter dans les lettres que nous adres-sons chaque mois à ce Journal, qui se publie à Ros-ton (États-Unis d'Amérique). Nous pourrions endonner ici la substance dans un simple résumé ; maisplusieurs de nos abonnés, qui ont lu ces lettres tra-duites en anglais dans le journal américain, ayanttémoigné le désir d'en voir reproduire quelques-unesdans cette Bévue, nous allons donner, avec leurdate, celles qui ont quelque rapport avec les événe-ments qui fixent maintenant l'attention.

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Aux Rédacteurs du New Jérusalem Magazine,à Boston.

SUR L'ÉTABLISSEMENT DE LA NOUVELLE ÉGLISEEN EUROPE (*).

Saint-Amand (Cher), 12 février 1847.

A défaut d'autres nouvelles, permettez-moi devous présenter quelques considérations générales surl'établissement de la Nouvelle Église dans notrevieille Europe.

Il est incontestable que la Nouvelle Église régnerasur toute la surface de notre globe : c'est ce que leSeigneur a annoncé par ses Prophètes dans millepassages de l'Ancien et du Nouveau Testament ; c'estce qu'il nous déclare aujourd'hui dans les Écrits deSwedenborg, par lesquels il a dévoilé sa Sainte Pa-role, et a fait une nouvelle Dispensation de VéritésDivines. Mais pour que le Royaume du Seigneur s'é-tende sur toute la terre, il faudra nécessairementbeaucoup de temps, car le Seigneur ne contraintpersonne; il frappe, il est vrai, chaque jour et àchaque instant à la porte de chacun, mais il veutqu'on lui ouvre librement; telles sont les lois de sonOrdre Divin. Or, l'empire de l'amour de soi et du

(*) Voir aux notes additionnelles.

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monde est encore si grand dans notre vieille Europe,que bien peu d'hommes aujourd'hui entendent lavoix du Seigneur; et encore, parmi ceux qui l'en-tendent, bien peu se décident à tenir la porte ou-verte.

Il serait à désirer que la Nouvelle Église pût s'é-tablir chez nous d'une manière insensible et sanssecousses violentes, mais pour cela il faudrait quenos vieilles sociétés se transformassent volontaire-ment, car « toutes choses doivent être nouvelles »dans le Royaume du Seigneur, non-seulement quantau spirituel, mais aussi quant au moral, au politi-que et au civil, puisque ceux-ci dépendent de celui-là. Or, l'ordre étant depuis longtemps renversé,pouvons-nous espérer que le rationnel et le scienti-fique se soumettront d'eux-mêmes au spirituel?Quand l'histoire des quinze derniers siècles prouve,dans chacune de ses pages, que le spirituel a toujoursabusé ou cherché à abuser du pouvoir, ne devient-il pas presqu'impossible de détruire les préventionsqu'on a en général contre le spirituel, c'est-à-dire,contre quiconque déclare le spirituel au-dessus detout ce qui est naturel? Et comment prouver que ceprétendu spirituel de la Vieille Église est faux, tantque le mot seul restera un épouvantail pour la plu-part des hommes instruits, dont l'opinion a tantd'empire sur les masses? Pouvons-nous dès lorsespérer que le véritable spirituel puisse, du moins•chez nos contemporains, reprendre le rang qui lui

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est dû? Et dans l'ordre politique et civil, pouvons-nous espérer que les Potentats, tant Catholiques ro-mains que Protestants et Grecs, se soumettent ja-mais volontairement aux principes célestes de laNouvelle Jérusalem, quand les uns regardent encorele Catholicisme romain comme le plus ferme sou-tien de leurs trônes, parce qu'ils s'en servent en leravalant au rôle d'agent de police morale, et queles autres se sont faits ou cherchent à se faire Chefssuprêmes ou Papes de leur communion, afin deréunir en eux le pouvoir spirituel au pouvoir tem-porel?

Si nous avons peu d'espoir que la transformationde nos vieilles sociétés se fasse insensiblement etsans commotions, nous ne devons pas cependantrejeter cette hypothèse consolante, car le pouvoir duSeigneur est immense et sa Miséricorde est infinie.Si le Seigneur a laissé les hommes dans l'ignorancesur un point qui semble si important pour eux, lors-que cependant il leur a révélé par sa Dernière Dis-pensation les plus sublimes vérités, c'est encore parun effet de sa bonté inépuisable, c'est pour qu'ilsjouissent pleinement de'lellr liberté, car la connais-sance de l'avenir, en ce qui concerne les faits parti-culiers, les priverait de leur libre arbitre, et seraitpour eux plus désastreuse que profitable, parce que,dans leur imprévoyance et leur précipitation, ils dé-rangeraient les plans de sa Divine Providence. Con-servons donc encore quelque espoir, et tout «en nous

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194 SUR L'ÉTABLISSEMENT

résignant à la volonté du Seigneur, prions-Le d'at-tirer à Lui, s'il est possible, nos malheureux con-temporains.

Portons maintenant nos regards sur ce qui arri-verait si la Nouvelle Église ne pouvait pas s'implan-ter dans notre Europe, avant que le vieux MondeChrétien eût été renouvelé.

Cette seconde hypothèse exige un sérieux exa-men, non-seulement en raison des faits qui viennentd'être rapportés, mais encore à cause de certainesassertions de Swedenborg. Vous savez, en effet, queSwedenborg, lorsqu'il parle de la consommation desdiverses Églises et de l'instauration de l'Église quidoit succéder, s'explique toujours d'une manièrepour ainsi dire affirmative, en ce qui touche le passé.Il dit par exemple, dans les Arcanes Célestes,N° 2910 : « Quand une Église est consommée et» périt, le Seigneur en suscite toujours une nouvelle» quelque part, mais rarement, si jamais, d'entre» les hommes de l'Église précédente, mais c'est d'en-» tre les nations qui ont été dans l'ignorance. » Dansd'autres passages il répète en général ces mots :« rarement, si jamais; » mais au N° 2986, il parleaussi, sans la nommer, de la Nouvelle Jérusalem,car il dit : « Après que ce simulacre d'Église (l'É-» glise juive) eût été consommé, la Primitive Église» fut instaurée avec des nations (Gentils;, les Juifs» ayant été rejetcs : il en sera de même de cette» Église gui est appelée Chrétienne (Similitcr

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» erit cum hac Ecdesia quœ Christiana dicitur). »II semble donc résulter de ce passage, que les Chré-tiens seraient rejetés de la Nouvelle Jérusalem,comme les Juifs l'ont été de la Primitive ÉgliseChrétienne. Toutefois, cela ne peut concerner que lagénéralité des Chrétiens, et non tout chrétien, puis-qu'il est bien certain que ce sont des Juifs qui ontformé le noyau de l'Église Chrétienne.

Un siècle s'est déjà écoulé depuis que Swedenborga publié les Arcanes Célestes; si tous les événe-ments qui sont survenus pendant ce siècle prouventque la Vieille Église est tombée, qu'il est impossiblequ'elle se relève, et que le Royaume du Seigneurs'avance à grands pas, ils prouvent aussi que levieux Monde Chrétien rejette l'influx du Seigneur,puisque, malgré les signes des temps, il se précipitede plus en plus dans un sensualisme qui le conduiraà sa destruction. L'expérience viendrait donc déjàconfirmer l'assertion de Swedenborg, et porterait àconclure qu'à l'exemple du Christianisme, qui a com-mencé à être prêché dans la Judée par des hommesqui avaient appartenu au Judaïsme, la Nouvelle Jéru-salem continuera encore à être répandue dans levieux Monde Chrétien par des hommes ayant appar-tenu à la Vieille Église, et que, comme la grandemajorité du peuple Juif a refusé d'entrer dans leChristianisme, de même la grande majorité desEuropéens refusera d'entrer dans la Nouvelle Jéru-salem.

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196 SUR L'ÉTABLISSEMENT

Dans celte seconde hypothèse qui paraît ainsi laplus probable, si des événements au-dessus de louleprévision humaine ne viennent pas changer la mar-che des choses, la Nouvelle Jérusalem opérera sansbruit, au milieu du vieux Monde Chrétien, les tra-vaux nécessaires et indispensables à sa manifestationparmi les Gentils, manifestation qui aura lieu quandles Gentils auront été entièrement disposés par leSeigneur à recevoir les vérités de la Nouvelle Doc-trine. Et, du reste, les Gentils ne sont-ils pas déjàpour la plupart bien plus près de la Nouvelle Égliseque les Chrétiens? Les Mahométans, par exemple,ne reconnaissent qu'un seul Dieu, tandis que lesChrétiens en ont trois; ils suivent par religion lespréceptes du Décalogue, tandis que ceux des Chré-tiens qui les suivent, ce n'est le plus souvent que parmoralité; or, la reconnaissance d'un seul Dieu-Homme et la vie par religion selon les préceptes duDécalogue étant les deux Essentiels de la NouvelleÉglise, les Mahométans n'ont plus qu'un pas à faire,c'est de reconnaître le Seigneur Jésus-Christ pour leDieu Unique. Toutefois, ce pas serait très-difficile siles Mahométans étaient restés dans leur immobilisme;mais, que voyons-nous depuis peu? Non-seulementles Mahométans, mais les peuples de l'Inde, mais laChine, mais les Iles les plus retirées, tout sort del'état de somnolence, tout s'cbranle, tout marche;et cependant nous ne sommes encore qu'au com-mencement des grands événements naturels qui se-

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ront dus à la vapeur et aux autres découvertes scien-tifiques dont le nombre s'accroît chaque jour; en-core quelques années, et le Monde entier va êtreouvert aux Chrétiens de la Vieille Église; et cespauvres Gentils que le Seigneur dispose avec tant desoin pour sa Nouvelle Église deviendraient infailli-blement la proie des Européens, qui leur inculque-raient leurs fausses doctrines et leurs idées philoso-phiques, si le Seigneur n'y avait pourvu en laissantse développer au sein des sociétés Chrétiennes unelèpre, le paupérisme, qui, au souffle du vent orien-tal, quand leur temps sera arrivé, fera disparaîtreces sociétés de la scène du Monde, comme ont dis-paru les puissants Empires de Babylone, d'Assyrieet d'Egypte, et comme plus tard a disparu l'EmpireRomain dont la puissance cependant paraissait in-destructible lors de la naissance de la premièreÉglise Chrétienne.

S'il en doit être ainsi, ne faut-il pas qu'aupara-vant les Écrits de la Nouvelle Dispensation soienttraduits dans les langues des peuples Chrétiens dontl'action se fera le plus sentir sur les Gentils, afin queces Écrits servent de contre-poison aux doctrinesfausses qu'on cherchera à répandre parmi eux?

C'est donc aux disciples à redoubler de zèle dansleurs travaux. Peu importe que le vieux Monde nes'occupe point d'eux ; qu'ont-ils à faire avec lui?D'ailleurs, ne vaut-il pas mieux que, pour son propreintérêt spirituel, ce vieux Monde reste dans l'igno-

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198 SUR L'ÉTABLISSEMENT

rance que de connaître des vérités qu'il profanerait?Toutefois, comme la moisson est grande, et qu'il ya peu d'ouvriers, c'est aux disciples à prier instam-ment le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriersdans sa moisson ; et, parmi ces masses indifférentes,le Seigneur, qui seul sonde les cœurs et les reins,saura bien discerner ceux qui sont susceptibles deconnaître et d'aimer la vérité, et il les leur adjoindrapour les aider à accomplir cette grande tâche quileur est maintenant imposée, à savoir : Restituer laBible dans sa plus grande pureté, au moyen desÉcrits de Swedenborg, afin qu'elle puisse être tra-duite littéralement et fidèlement dans toutes les lan-gues; et traduire dans les principales langues del'Europe les Ouvrages qui concernent la NouvelleDispensa tion.

J'ai dû, chers frères, examiner les deux hypo-thèses au sujet de l'établissement de la Nouvelle Jéru-salem sur notre Globe; et je l'ai fait rapidement afinde ne pas dépasser les bornes d'une lettre; maisdans la seconde hypothèse elle-même, comme la Nou-velle Église sera le couronnement de toutes les pré-cédentes, et qu'elle doit régner à toujours sur toutela terre, il s'ensuit que si nos Empires actuels sontdétruits comme ceux de l'Antiquité, du moins ils neresteront point livrés à une désolation si longue, etque le Seigneur les rétablira sous une autre formeavec de vrais Chrétiens, chez qui la science resterasubordonnée au rationnel et le rationnel au spirituel.

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Ainsi dans l'une et dans l'autre hypothèse, lestravaux et les efforts des disciples sont de la plushaute importance. Si les disciples, sous la directiondu Seigneur, parviennent à faire adopter les doctri-nes célestes de la Nouvelle Jérusalem par le vieuxMonde Chrétien, ce Monde sera sauvé de la destruc-tion par une rénovation qui s'opérera plus ou moinssensiblement, avec plus ou moins de promptitude,mais qui n'en sera pas moins complète; si, au con-traire, le vieux Monde rejette ces doctrines céles-tes, il disparaîtra infailliblement dans des convul-sions affreuses, mais sur ses ruines s'édifiera unesociété de vrais chrétiens, dont les travaux des dis-ciples auront préparé la formation.

Quelques mots encore : Si, dans ce simple exposé,je nie suis servi de l'expression : «Vieux Monde Chré-tien, » c'est pour indiquer que la jeune Amérique,et surtout votre patrie, se trouvent dans un cas toutexceptionnel. Chez vous, il est vrai, règne commepartout ailleurs l'amour de soi et du monde ; mais iln'y a pas comme dans la vieille Europe, autantd'obstacles à l'établissement de la Nouvelle Église,ni les mêmes causes de destruction violente. VotreGouvernement ne reconnaît pas de religion d'État;tous les cultes sont libres, et aucun n'est privilégiéau détriment des autres; votre Chef ou Présidentn'étant élu que pour quatre ans, n'a aucun intérêt àréunir en sa personne le spirituel au temporel ; dureste, votre population a déjà secoué une grande

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200 DE LA NOUVELLE ÉGLISE EN EUROPE.

partie des préjugés qui régnent en Europe; et cha-que jour elle se recrute d'hommes qui, par cela seulqu'ils abandonnent leur patrie, ne tiennent pas beau-coup à ses vieux principes politiques ni à ses dogmesreligieux. Quant au paupérisme, cette plaie ef-frayante, ce nouvel Attila, dont les bataillons segrossissent chaque jour, et commencent déjà à me-nacer l'Europe, quoiqu'il existe aussi chez vous, ilne se présente pas si menaçant, et d'ailleurs il pourraêtre facilement apaisé. Chez nous, il n'y a pas uncentiare de terre qui n'ait son maître; dès lors com-ment satisfaire ce désir de posséder qui alimentecontinuellement la haine du prolétaire contre lepropriétaire? vous, au contraire, vous avez d'im-menses terrains libres, et malgré les distributionsqui peuvent être faites dès à présent, il en resteraittoujours assez pour apaiser le prolétariat, si, levantsa tête menaçante, il demandait à jouir, lui aussi,des avantages de la propriété.

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SUR LE RETABLISSEMENT DES JUIFS

DANS tA TERRE DE CANAAN (*).

Saint-Amand (Cher), 1" octobre 1847.

Il est une croyance généralement répandue dansles divers communions de la Vieille Église, c'est queles Juifs se convertiront enfin au Seigneur et serontde nouveau introduits dans la terre de Canaan. Delà proviennent ces efforts multipliés que font danstous les pays certaines sociétés de Chrétiens pour laconversion des Juifs.

Cette croyance est-elle fondée, et ces efforts parconséquent ont-ils quelques chances de succès?

En cela, comme en beaucoup d'autres choses, laNouvelle Église du Seigneur est en complet désac-cord avec la Vieille Église. En effet, Swedenborgdéclare positivement que si la nation juive a été con-servée jusqu'à ce jour, ce fut à cause de la Parole del'Ancien Testament, parce qu'il avait été prévu parle Seigneur que les Chrétiens rejetteraient presquecette Parole, et en souilleraient les internes par deschoses profanes; et il ajoute que si les Chrétiens qui

(*) Voir aux notes additionnelles.

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202 SUR LE RÉTABLISSEMENT DES J U I F S

connaissent les internes eussent pu vivre en hommesinternes, il y a longtemps que cette nation eût étédétruite. — Arcanes Célestes, Nos 3479, 7051.

Or, puisque le Seigneur instaure maintenant uneNouvelle Église sur la terre, et qu'il n'est plus àcraindre que la Parole de l'Ancien Testament, au-jourd'hui en la possession de cette Église, soit reje-tée ou falsifiée, nous devons en conclure que la na-tion juive va être détruite ou disparaître de la terre.

Voyons donc si les faits accomplis depuis que laNouvelle Église a commencé à être manifestée publi-quement sont d'accord avec cette conclusion.

Mais, avant tout, il importe de dire ce qu'on doitentendre par la disparition de la nation juive : Ladisparition des Juifs n'implique pas leur anéantisse-ment comme individus. La nation juive disparaîtracomme toutes les autres nations ont disparu ; les na-tions anciennes n'ont pas été anéanties, ou, en d'au-tres termes, ceux qui les composaient n'ont point étéextirpés de manière à ne point laisser de descen-dants; mais ces nations se sont fondues insensible-ment dans les nations modernes, sans laisser subsis-ter aucune trace qui indiquât, après un certain nom-bre de siècles, que tel individu était originaire detelle ou telle nation ancienne. C'est ainsi, par exem-ple, qu'il serait aujourd'hui impossible à un Fran-çais d'établir s'il est d'une origine celtique, gauloise,romaine ou franque. Je reviens maintenant à la dis-parition prochaine de la nation juive.

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DANS LA TERRE DE CANAAN. 203

Si de toutes les nations anciennes la nation juiveest la seule qui ait traversé les siècles sans se perdreou se confondre avec les nations modernes, chacunpeut, en dehors du but providentiel dont il vient d'ê-tre parlé, en voir clairement les motifs; c'est d'uncôté parce qu'elle a conservé avec ténacité ses coutu-mes religieuses et ses mœurs, et d'un autre côté parceque toutes les nations chrétiennes avaient pour ellela plus grande aversion ; ces deux motifs réunis ontévidemment rendu impossible toute fusion entre elleet les autres peuples.

Du moment donc où d'un côté les Juifs commen-ceraient à se relâcher de leur ténacité pour leurscoutumes religieuses, et où de l'autre côté les na-tions chrétiennes n'auraient plus pour les Juifs cetteaversion séculaire, d'impossible qu'elle était la fusiondeviendrait possible, et dès lors la disparition desJuifs comme nation ne serait plus qu'une affaire detemps. Cela doit être évident pour tout le monde.

Or, cette fusion est déjà depuis quelque tempscommencée, et elle est même aujourd'hui plus avancéequ'on ne le pense, car tout va vite dans notre siècle.L'initiative du rapprochement a d'abord été prisepar les nations chrétiennes ; et, pour ne parler quede la France, il y a déjà un demi-siècle que les Juifschez nous sont des citoyens français ; on les trouvemaintenant partout, au barreau, dans la magistrature,à la chambre des députés, et ceux qui se sont ainsilancés dans notre vie sociale en ont pris les mœurs,

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2U4 SUR LE RÉTABLISSEMENT DES JUIFS

et même les idées philosophiques ; car, pour la plu-part, ils ne tiennent pas plus à la loi de Moi'seque nos hommes du monde ne tiennent à la loi duChrist.

Bien plus, les idées philosophiques du siècle et lerationalisme se sont même glissés chez une partiedes Rabbins, et se répandent parmi les masses. Onpeut en juger par la pièce suivante qui vient deparaître dans une Revue accréditée parmi les Israé-lites de France :

« L'expérience a établi avec évidence que la plus» grande partie de notre code religieux est devenue» impraticable, et est effectivement impratiquée par» des Israélites devenus citoyens, c'est-à-dire, par» ceux qui, ayant renoncé à une nationalité asia-» tique, ont adopté la nationalité de la contrée natale.» Les hommes les plus instruits, tenant fermement» au dogme mosaïque, ont cessé de considérer com-» me fondamentaux des points qui passaient pour tels» autrefois. De ce nombre sont l'inauguration mas-» culinc (la Circoncision), la période septénaire, les» prohibitions alimentaires, les prescriptions pas-

» cales, les alliances exclusivement indigènes. En» effet, les formes du culte ne sont pas le culte ; le» fond est immuable, mais les formes varient avec» les besoins qui les ont établies, avec le- sens qu'on» y attachait, et cessent d'être obligatoires. D'ail-» leurs rien n'est moins obligatoire que l'impossible.» Cette lutte contre des impossibilités que la foule

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DANS LA TERRE DE CANAAN. 205

» prétend soutenir, est le principal obstacle que la» civilisation ait à soutenir parmi nous. »

Voilà où en sont les choses en France en 1847. Jen'ai pas pour le moment en ma possession les docu-ments nécessaires pour préciser l'état où elles sonten Allemagne; mais il est à présumer qu'au milieude l'agitation intellectuelle où se trouve maintenantce pays, elles sont au moins aussi avancées qu'enFrance, si elles ne le sont pas davantage, car voicice qu'on lisait dans la Gazette d'Augsbourg, il y aquelques années (août 1843):

« Des Israélites de Francfort-sur-le-Mein ont cons-« titué une société réformatrice, pour confesser pu-

» bliquement des principes qui se résument en trois» points : 1° La loi de Moi'se est susceptible de dé-» veloppement et de progrès ; 2° Le Talmudn'a. au-» cune autorité obligatoire ni en principe ni en pra-M tique; 3°La venue d'un Messie pour conduire les» Israélites en Palestine n'est ni attendue ni souhaitée» d'eux ; ils ne reconnaissent pour patrie que celle à» laquelle ils appartiennent par leur naissance ou par» les rapports civils. »

Le journal français qui reproduisait l'article de laGazette d'Augsbourg contenait à la suite les ré-flexions-suivantes faites par un Allemand :

« L'Allemagne est le pays des réformes religieuses.» Après avoir, au XVe siècle, battu en brèche l'au-» torité papale, après avoir la première consacré le» grand principe de la liberté de conscience, la voilà

18.

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206 SUR LE RÉTABLISSEMENT DES JUIFS.

» qui prélude à l'émancipation de la race juive,» émancipation difficile ou à peu près impossible» dans des pays comme la Pologne ou la Russie, mais» facile et bien préparée chez nous par l'émancipa-» tion morale et industrielle de ce peuple.

» II y a déjà une quinzaine d'années que les Israé-» lites éclairés de Berlin, comprenant les besoins de» la Société actuelle, entreprirent d'introduire le» principe de la réforme dans leur culte suranné, et» de se rapprocher par là du milieu chrétien plus» que cela ne s'était fait jusqu'alors. Aujourd'hui il» ne s'agit de rien moins pour une partie de nos Juifs,» que d'abandonner la Circoncision. La ville de» Francfort a, la première, donné le signal de cette» réforme, et d'autres localités ont l'intention d'imi-» ter cet exemple. Il va sans dire que le vieux parti» orthodoxe, à la tête duquel se trouve la famille» Rothschild, ne voit pas sans dépit celte défection,» et qu'il fait tout son possible pour l'empêcher.» Menaces, promesses, tout est employé pour rame-» ner dans le bercail le troupeau égaré. L'heure de» la délivrance a sonné pour la maison d'Israël, et» toutes les menées de la faction Rothschild seront» en pure perte. Peu à peu le parti progressif se» confondra dans la société chrétienne, et ainsi se» trouvera résolue la principale difficulté qui, jus-» qu'à présent, s'opposait à l'émancipation complète» d'une partie notable de notre population. » —» Démocratie Pacifique, 30 août 1843.

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DANS LA TERRE DE CANAAN. 207

Que conclure de tout cela, sinon que la disparitiondes Juifs, annoncée par Swedenborg à une époque oùrien ne présageait un tel événement, est aujourd'huidans sa première phase d'accomplissement, et que letemps n'est pas éloigné, où la nation juive se trou-vera entièrement fondue dans toutes les nationsparmi lesquelles elle a vécu tant de siècles sans au-cun mélange.

Ainsi la nation juive sera détruite et non pas ré-tablie dans la terre de Canaan ; ainsi les efforts descomités chrétiens pour la conversion des Juifs serontimpuissants. Les Juifs abandonneront leur nationa-lité et leurs coutumes religieuses pour des avan-tages mondains et terrestres et non pour des avan-tages spirituels, qu'ils dédaignent aujourd'hui comme ;il y a dix-huit siècles. „ I

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SUR PIE IX EN 1847 (*).

Saint-Amand (Cher), 1" novembre 1847.

Depuis ma dernière lettre où je vous parlais de ladestruction prochaine de la nation juive par la fusioncomplète des Juifs avec les autres peuples, il s'estproduit en France un nouveau fait qui va accélérerencore cette prochaine disparition des Juifs, annon-cée par notre Swedenborg à une époque où rien nepouvait la faire présumer. Voici ce fait : Un mariageavait été contracté en 1842, à Marseille, entre uncatholique romain et une juive, et malgré toutes lesdémarches qui furent faites depuis ce moment auprèsde l'autorité ecclésiastique, celle-ci avait opiniâtre-ment refusé jusqu'ici d'en permettre la bénédiction ;mais une demande ayant été adressée dernièrementà Pie IX, l'autorisation fut aussitôt accordée, et cemariage mixte vient d'être béni par un prêtre catho-lique romain. C'est le premier mariage autorisée parl'Église romaine entre Catholiques et Israélites. Ainsise trouve levé en France le dernier obstacle à la fu-sion qui, dès ce moment, ne pourra plus être arrêtée

(*) Voir aux notes additionnelles.

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SUR PIE IX EN 18*7. 209

chez nous dans sa progression croissante et rapide.Ce fait me conduit naturellement à vous parler de

Pie IX et de ses réformes, dont le retentissement n'apas manqué de venir jusqu'à vos lecteurs. Quoiquele mouvement, qui s'est emparé des peuples de l'Italieà la voix de Pie IX, soit avant tout essentiellementpolitique, et quoiqu'il s'agisse surtout de réformesdans l'ordre temporel, les réformes dans l'ordrespirituel auront certainement leur tour ; alors lesChrétiens de la Nouvelle Jérusalem pourront, en con-naissance de cause, porter un jugement sur Pie IX ;mais jusque-là ils ne peuvent voir dans Pie IX qu'unprince dont le courage est admirable, qu'un tribuncouronné appelant les peuples à la liberté, qu'unpatriote s'occupant avec persévérance de l'émanci-pation intellectuelle et politique des Italiens. Commeprince souverain, Pie IX peut, dès à présent, êtrejugé, mais comme pape il importe de suspendretoute appréciation de son caractère jusqu'à ce qu'ilse soit manifesté par quelques actes importants.

Nous n'aurons cependant pas longtemps à attendre,la liberté civile et politique appelle la liberté reli-gieuse; l'une est la conséquence inévitable de l'autre ;après avoir obtenu leurs droits de citoyens, lespeuples réclameront infailliblement leurs droits dechrétiens.

Gardons-nous toutefois de croire que les réformesreligieuses qui partiront de Rome puissent amenerautre chose qu'un déchirement dans le catholicisme

18*.

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210 SUR PIE IX EN 18*7.

romain, déchirement qui pourra causer de grandescatastrophes dans l'ordre moral et civil, mais quiconduira nécessairement à une plus grande éman-cipation de la liberté de conscience, principal butprovidentiel de l'élévation de Pie IX au pontificat ;car lors même que nous supposerions que le Papeaurait connaissance de nos célestes doctrines, et lesreconnaîtrait de cœur, il deviendrait impuissant dumoment où il témoignerait l'intention de les faireadmettre, et il se verrait aussitôt brisé par ceux-làmêmes qui ont contribué à son exaltation. En effet,on peut supposer qu'un prêtre, malgré l'éducationqu'il a reçue dans le séminaire, malgré les doctrinesqu'il est obligé de suivre et de prêcher publique-ment, malgré tous les avantages mondains qu'elleslui procurent, malgré le pouvoir spirituel qu'elleslui donnent dans ce monde-ci et pour l'autre, onpeut, dis-je, supposer qu'un prêtre, quoiqu'entravépar tant d'obstacles, soit néanmoins intérieurementconvaincu que cette éducation est pernicieuse, queces doctrines sont fausses, que les avantages mon-dains qu'elles procurent sont pour la perte de l'âme,qu'il n'a lui-même en réalité aucun pouvoir spirituel,et soit par suite de cette conviction porté à recher-cher la vérité ; et que, l'ayant trouvée, il reconnaissede cœur que l'Humain du Seigneur est Divin, etqu'en conséquence Jésus-Christ est à la fois le Père,le Fils et le Saint-Esprit, et qu'on ne peut être sauvéqu'en vivant selon les préceptes de ce Dieu unique.

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SUR PIE IX EN W7. 211

Mais cette supposition, qui peut sembler à beaucoupde personnes bien hasardée, pourrait-on la fairemême pour un très-petit nombre de prêtres? Entrouverait-on un sur mille qui fut disposé à aban-donner pour la vérité tous les avantages qu'il tire desa position ? Or, puisque dans la supposition mêmeoù Pie IX reconnaîtrait nos doctrines célestes, ilserait impuissant pour les faire admettre, nous de-vons en conclure que nous n'avons rien à espérerdirectement des réformes religieuses qu'il pourrafaire ; je dis directement, car ces réformes, quellesqu'elles soient, auront une grande importance pournous en ce sens, qu'elles donneront une plus grandelatitude à la liberté de conscience.

Ce qui étonne dans les événements dont la pénin-sule Italique est aujourd'hui le théâtre, ce n'est pastant de voir un pape libéral se tracer et suivre avecrésolution une marche politique opposée à celle de sesprédécesseurs en rompant ainsi avec le passé, que devoir une partie du clergé appuyer des réformes quiparaissent si contraires à son intérêt. Je citerai iciune disposition importante du Molu proprio dePie IX sur la municipalité : Cette disposition remetà l'autorité municipale la tenue des registres del'état civil, sans préjudice cependant des registrestenus par le clergé. Mais les registres municipaux,plus complets, ne tarderont pas à éclipser les autres,comme cela s'est fait en France. C'est là une mesuredes plus hardies, qui aurait dû soulever une répro-

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212 SUR PIE IX EN »847.

bation invincible dans le clergé, et cependant leclergé n'a pas fait de protestation. On se demandedonc si les adhérents ecclésiastiques de Pie IX sontde bonne volonté, ou s'ils ne le suivent que parcequ'il est le chef et que de lui dépendent les faveurs,ou parce que dans le mouvement général des espritsils craignent de se montrer hostiles au vœu des po-pulations. Comme il vaut mieux supposer la bonnevolonté, examinons si le bon vouloir du clergé peutse concilier avec son intérêt bien ou mal entendu,car si la conciliation est possible, l'étonnement de-vra disparaître.

Le clergé catholique romain a toujours eu pourbut la domination, et pour atteindre ce but il s'estligué selon les circonstances, soit avec les peuples,soit avec les rois ; ligué avec les peuples, il abais-sait les rois ; ligué avec les rois, il foulait les peu-ples ; tels sont les enseignements de l'histoire. Mal-gré son abaissement actuel, le clergé n'a pas cesséde rêver le retour de cette suprême domination,qui lui est échappée peu à peu du moment où lestrônes ont commencé à se consolider par la des-truction successive des grands vassaux et de la féo-dalité. Depuis cette époque il est resté, il est vrai,presque toujours ligué avec les rois contre lespeuples, mais il y a eu pour cela plusieurs causes ;d'abord les peuples étaient trop faibles et les roistrop forts ; ensuite les rois ont toujours eu soin deflatter le clergé, et de lui assurer des avantages ho-

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SCR PIE IX EN m?. 213

norifiques et pécuniaires; enfin, il était resté auclergé pour consolation sa puissance spirituelle tantsur les grands que sur le peuple. Mais aujourd'huitout est bien changé, les peuples sont devenus oudeviennent forts, et les trônes vacillent ; les avan-tages du clergé sont ou diminués ou perdus, et ceuxqui lui restent sont menacés d'être engloutis avecles trônes ; enfin sa puissance sur les âmes a telle-ment été attaquée par les idées philosophiques,qu'elle n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était.Dans ces circonstances, lorsque le haut clergé voit àsa tête un homme jeune encore, hardi, entreprenant,devenu en quelques jours l'idole d'un peuple devingt-sept millions d'âmes, est-il bien étonnant qu'iljuge le moment arrivé de changer sa tactique enabandonnant les rois pour se mettre avec les peuples ?Le bon vouloir des adhérents ecclésiastiques dePie IX peut donc ainsi se concilier parfaitement avecleurs intérêts ; mais ils sont dans une grande erreur,s'ils croient par là arriver à cette domination qui n'apas cessé d'être le but de tous leurs actes ; elle està jamais perdue pour eux, et il n'est pas d'effortsqui puissent la rétablir. Les peuples pourront seservir du clergé pour recouvrer leurs droits, mais ilne sera pour eux qu'un simple instrument, qu'ilsbriseront dès qu'ils auront obtenu une victoire com-plète. Il faudra pour les peuples émancipés et libresautre chose qu'une doctrine religieuse qui, en pros-crivant l'examen, détruit la liberté de conscience, la

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214 SUR PIE IX EX W7.

plus précieuse de toutes les libertés, et accorde auneclasse d'hommes un pouvoir qui ne peut appartenirqu'à Dieu seul.

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SUR LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE (*).

Saint-Amand (Cher), 10 janvier 1848.

Quoique le but de votre journal soit de répandreles vérités spirituelles, je crois cependant qu'en pré-sence des graves événements politiques, sociaux etscientifiques, qui surgissent chaque jour et de touscôtés sur la surface de notre globe, il ne serait pashors de propos de jeter de temps en temps un coupd'œil sur le milieu naturel dans lequel nous vivons ;et qu'en conséquence je puis, dans une correspon-dance avec vous, aborder quelquefois des faits poli-tiques, ou sociaux, ou scientifiques, en les rattachantaux faits spirituels qui les dominent nécessairement,puisqu'il n'y a rien de naturel qui ne soit dominépar quelque chose de spirituel qui y correspond.

Je commence aujourd'hui par les faits politiques,non pas que je veuille les examiner en détail, maispour montrer qu'ils tendent tous directement ouindirectement, sans que les publicistes le présument,vers un principe spirituel, la liberté de conscience.

Ce principe, je le trouve implicitement écrit dans

(*) Voir aux notes additionnelles.

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216 SUR LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE.

la Divine Parole, et manifestement dévoilé par laNouvelle Dispensation. En effet, d'un côté la Paroledéclare qu'à la consommation du siècle le Règne duSeigneur s'établira sur toute la terre. D'un autrecôté la Nouvelle Dispensation nous prouve que la con-sommation du siècle est la fin de la première ÉgliseChrétienne, à savoir, quand il n'y n'aura plus en elleni charité ni foi ; et que le Règne du Seigneur sur laterre est l'établissement d'une nouvelle Église où leSeigneur sera reconnu pour seul et unique Dieu, etoù l'on vivra librement selon ses préceptes. De plus,la Nouvelle Dispensation nous apprend, et les faitsnous confirment, que la première Église Chrétiennea cessé d'exister, comme Église, depuis 1757 ; et quela Nouvelle Jérusalem, depuis cette époque, descendpeu à peu du ciel sur la terre.

" Ainsi il est incontestable pour tous les nouveauxChrétiens, que la Nouvelle Jérusalem régnera surtoute la terre dans un temps plus ou moins éloigné ;or, elle ne peut régner qu'autant que la liberté ré-gnera, car l'homme ne pouvant être régénéré quedans l'état libre, il en est de même des peuples et del'humanité entière; et comme tout doit être successi-vement et nécessairement dispose par le Seigneurpour que son Règne arrive, il en résulte que, mal-gré la perversité humaine, et sans que le libre ar-bitre humain soit brisé, les grands événements poli-tiques convergeront tous vers ce principe sacré, li-berté de conscience, et que tout ce qui s'opposera

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SUR LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE. 217

à l'établissement de ce principe sera tôt ou tard brisé.Le principe une fois posé et admis, il est facile de

se former un jugement sur les faits politiques.Pour qu'un peuple parvienne à la liberté de con-

science, il est d'abord nécessaire qu'il obtienne laliberté politique, car sans celle-ci la liberté de con-science est illusoire, ou du moins très-précaire.

De là il résulte : 1° que tout peuple qui n'a pasencore obtenu la liberté politique est destiné à subirdes commotions et des révolutions pour parvenir àcelte liberté. Exemples : l'Italie, une grande partiede l'Allemagne, la Russie, etc.

2° Que tout peuple qui a obtenu la liberté politi-que devra encore subir des commotions et des révo-lutions pour qu'il obtienne la liberté de conscience.Exemples : l'Espagne, la Grèce, le Mexique, l'Amé-rique méridionale, etc.

3° Et, enfin, que tout peuple qui n'a la liberté deconscience que de droit subira de nouveau des com-motions et des révolutions jusqu'à ce qu'il l'ait obte-nu de fait. Exemples : La France, etc.

Comme la Divine Providence est universelle etqu'il n'arrive rien sans la permission du Seigneur,il en résulte que tout fait politique ayant pour butd'étendre la liberté d'un peuple est directement pro-videntiel, et que tout fait politique tendant à res-treindre cette liberté est indirectement providentiel,c'est-à-dire qu'il a été seulement permis par le Sei-gneur pour ne pas froisser le libre arbitre humain,

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218 SUR LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE.

et que, bien qu'il paraisse opposé aux vues de la Pro-vidence, il y tend cependant indirectement, et cela,parce que le Seigneur lire toujours du bien d'un évé-nement quel qu'il soit.

Ainsi, dans les luttes que soutiendront les peuplespour obtenir leur liberté, il pourra survenir bien desévénements, qui seront jugés funestes, qui peut-êtreles rendront momentanément plus esclaves ; maistous ces événements n'en tendront pas moins au but,quoiqu'indirectement, et la victoire n'en sera pasmoins certaine, quoique reculée.

Si nous jetons maintenant un simple coup-d'œilsur la France, qui n'a la liberté de conscience quede droit, sans l'avoir de fait, qu'y voyons-nous? Dessymptômes bien frappants d'une prochaine commo-tion qui nous conduira entin à la vraie liberté deconscience. Depuis soixante ans que la France com-bat pour la liberté, elle a toujours instinctivementconsidéré le Calholicisme-romain, sous le nom departi-prêtre ou de jésuite, comme son ennemi le plusdangereux. Après chaque victoire nationale, le peu-ple français a cru ce parti abattu pour toujours, etpeu de temps après il l'a vu se relever, grandir etdominer dans les conseils du gouvernement. N'est-cepas ce qui est encore arrivé depuis 1830? Quoiqu'ilfut prouvé aux yeux des moins clairvoyants que leparti-prêlre avait cauîé les malheurs de Louis XVI,contribué puissamment à la chute de Napo'éon, etliàtéle renvoi honteux de Charles X, le Gouverne-

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SUR LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE. 219

ment nouveau a été assez insensé pour se confier àce parti, qui maintenant domine ostensiblement dansses conseils. Le Gouvernement actuel est aussi aveu-gle sur ce point que le Gouvernement impérial ; ilcroit que le clergé lui sert d'instrument, et c'est lui-même qui sert d'instrument au clergé. Les tendancesdu Gouvernement à favoriser les Jésuites ne sont plusun secret pour personne ; il les a fait sortir de Francel'an dernier, il est vrai ; mais il vient de les soutenirostensiblement en Suisse et en Italie ; il vient enfin,pour leur complaire, de fermer le cours d'un desprofesseurs les plus estimés du Collège de France,et ce dernier fait a soulevé l'indignation générale.Tout cela n'esl-il pas indirectement providentiel? Etsi le Seigneur le permet, n'est-ce pas afin que nousarrivions par là à la liberté de conscience de fait? Eneffet, il sera désormais impossible à de nouveaux jon-gleurs politiques de l'escamoter encore une fois, lors-qu'une commotion, qui devient chaque jour de plusen plus imminente, aura brisé toutes les entraves.Le peuple, trompé tant de fois, ne se contentera pasde la voir inscrite dans une Charte, il exigera desgaranties certaines, il la voudra réellement en fait,et il l'aura. Alors et seulement alors l'abîme des ré-volutions sera fermé pour nous, car cette précieuseliberté est la fin pr opter quem. C'est aussi pour cetteliberté que tous les autres peuples combattent à leurinsu, et sans qu'ils s'en rendent compte, parce qu'elleest indispensable pour l'établissement du Règne duSeigneur sur la terre.

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DANGER DE LA PROPAGANDE DANS L ÉTAT ACTUEL

DE LA FRANCE (*).

Saint-Amand (Cher), 20 février 1848.

En vous communiquant, au mois de décembre der-nier, notre détermination de nous en tenir pour lemoment à notre mode de publication, sans chercherà retendre par la prédication publique, je vous pro-mettais d'entrer plus tard dans quelques détails. Jevais tâcher aujourd'hui de vous présenter quelques-uns des motifs qui nous ont dirigés.

Si nous n'avions consulté que nos désirs, il n'y aaucun doute que nous n'eussions suivi l'impulsion don-née par quelques-uns de nos frères, car il n'y a per-sonne qui ne souhaite ardemment voir répandre sesopinions, soit politiques, soit religienses ; mais le dé-sir de propagation, quelque désintéressé qu'il soit,doit toujours être soumis à la prudence, et princi-palement en matières religieuses.

Si la Nouvelle Jérusalem était une secte, elle au-rait, comme toutes les sectes, fait de rapides progrèsdès son apparition, pour ensuite végéter comme ellesplus ou moins longtemps, avec plus ou moins debruit ; car c'est là l'histoire de toutes les sectes, his-

(*) Voir aux notes additionnelles.

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DANS L'ÉTAT ACTUEL DE LA FRANCE. 221

toire qui du reste s'explique facilement. En effet,quoique chaque secte ait la prétention d'être FÉglise,aucune ne l'est réellement; dès lors les principauxinstigateurs d'une secte se trouvent sous la directiond'Esprits enthousiastiques qui prétendent être ou leSeigneur ou le Saint-Esprit, et qui-les poussent à unepropagation d'autant plus active, qu'il s'y mêle tou-jours des motifs humains. Mais la Nouvelle Jérusalemétant la véritable Église du Seigneur, et non une secte,c'est sous la direction du Seigneur seul qu'elle doitmarcher, et pour qu'elle se maintienne sous cettedirection, il est absolument nécessaire qu'elle soitsans cesse en garde contre toute impulsion qui vien-drait des Esprits enthousiastiques; car ces Esprits,semblables à des loups ravissants, tournent conti-nuellement autour de la cité sainte, pour y trouverquelque brèche et s'y introduire.

Quand on réfléchit qu'un siècle s'est déjà écoulédepuis que la Doctrine de la Nouvelle Jérusalem acommencé à être publiée, on ne peut s'empêcher dereconnaître que la marche lente, qu'elle a suivie jus-qu'à présent, est due à la sagesse de la Divine Pro-vidence, qui la dirige selon ses vues impénétrablesdans un chemin étroit mais sûr. Est-ce qu'elle n'au-rait pas fait plus de progrès, si le Seigneur n'eûtmodéré le zèle des disciples î car il n'est pas un seuldisciple qui, au moment de son introduction dans laNouvelle Église, n'ait fait, selon son aptitude et sesmoyens, d'immenses efforts pour hâter le Règne du

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222 DAXGER DE LA PROPAGANDE

Seigneur sur la terre ; mais le Seigneur a toujoursmodéré insensiblement ce zèle, c'est-à-dire que denaturel qu'il était d'abord il l'a peu à peu rendu spi-rituel, et par conséquent moins propre à captiver leshommes, qui pour la plupart ne sont accessiblesqu'autant qu'on joint à une doctrine nouvelle quel-que appât terrestre conforme à leur désir. C'est en-core ce que prouve l'histoire des diverses sectes re-ligieuses, lorsqu'on l'examine avec soin, car on yreconnaît qu'elles n'ont dû en grande partie leurssuccès de propagation qu'à des intérêts mondains quivenaient se joindre à leur doctrine. Ce mélange dusacré et du profane qui a existé chez toutes les sectes,parce qu'elles étaient des sectes, devait être rigou-reusement interdit dans la Nouvelle Jérusalem, puis-qu'elle est la véritable Église du Seigneur; et s'il yétait introduit, il la ferait descendre à l'état de secte.Si donc nous voulons ne point nous opposer aux vuesde la Divine Providence, et rester sous la directiondu Seigneur seul, il faut que nous nous tenions con-tinuellement en garde contre tout zèle intempestif,afin de conserver pure et sans le moindre alliage laDoctrine céleste qu'il nous a confiée comme un dépôtsacré.

Maintenant, si nous appliquons à la France cesréflexions générales, il sera facile de voir que sicette Doctrine céleste était dans ce moment-ci préchée publiquement à Paris, elle courrait de très-grands risques d'être pervertie ou au moins forte-

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DANS L'ÉTAT ACTUEL DE LA FRANCE. 223

ment altérée, En effet, il se fait aujourd'hui enFrance un bouleversement complet dans toutes lesidées : les découvertes, qui s'accumulent tous lesjours dans chaque branche des connaissances hu-maines, ébranlent tellement les principes qui yétaient précédemment reconnus, que ce qu'on croyaitfermement la veille être vrai, est mis en doute lelendemain. On nous dira sans doute que cet ébran-lement intellectuel ne peut être que favorable à lapropagation de la vérité ; cela est incontestable, etnous sommes les premiers à le reconnaître ; nous re-gardons même cet ébranlement comme un des prin-cipaux faits providentiels destinés à amener le Règnedu Seigneur sur la terre ; mais nous n'en persistonspas moins à penser que ce serait compromettre gra-vement les doctrines de la Nouvelle Jérusalem, sinous les prêchions inconsidérément au milieu de cetteconfusion générale des idées. Une comparaison varendre cela plus facile à saisir.

Lorsqu'un orage est suspendu menaçant au-dessusde nos têtes, la lumière pénètre difficilement jusqu'ànous ; et, pour qu'elle brille dans toute sa pureté, ilfaut que l'orage ait été entièrement dissipé ; tant queles nuages s'accumulent, ils interceptent les rayonsdu soleil, et quand ils s'entrechoquent, il n'en sortque des étincelles électriques qui éblouissent plutôtqu'elles n'éclairent. C'est là précisément ce qui seprésente aujourd'hui à l'égard de la vérité dont lalumière est la correspondance; il y a évidemment

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224 DANGER DE LA PROPAGANDE

orage dans les mentais humains qui sont représentéspar le eiel astral; les nuages, qui sont les erreurs,s'y sont accumulés et interceptent la lumière, c'est-à-dire, la vérité ; toutes les découvertes, dont on estsi fier et qui ébranlent les vieux principes, sont au-tant d'étincelles électriques qui se dégagent des nua-ges, mais elles éblouissent plutôt qu'elles n'éclai-rent ; le tonnerre, qui retentit avec fracas après cha-que éclair, représente les discussions qui s'élèvent àl'apparition de chaque découverte nouvelle. Mais si,pendant qu'un orage suit ses phases ordinaires, lefluide électrique se trouve tout-à-coup accumulé surl'un des principaux points d'où jaillissent les éclairs,qu'arrive-t-il ? Non-seulement l'éclair éblouit, maisil porte alors avec lui la destruction et la mort. Or,Paris est sans contredit l'un des | points principauxd'où jaillissent les éclairs spirituels ou les décou-vertes nouvelles ; y prêcher publiquement les véritésde la Nouvelle Dispensation au milieu de cet orage,ce serait y accumuler en trop grande abondance lefluide électrique, et l'éclair qui jaillirait du choc desnuages porterait avec lui chez les uns la destructionintellectuelle, et chez d'autres la mort spirituelle oula profanation. La vérité ne pourra donc être ma-aifestée sans danger qu'après que l'orage, qui grondemaintenant sur Paris, aura été entièrement dissipé.

Du resle, ce qui s'est passé jusqu'à présent enFrance montre suffisamment quels dangers la Nou-velle Église aurait à redouter chez nous, si dans

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DANS L'ÉTAT ACTUEL DE LA FRANCE. 225

l'état actuel des esprits sa Doctrine était publique-ment prêchée à Paris ; les Écrits de Swedenborg nesont encore que peu répandus dans notre pays, etcependant parmi le petit nombre de personnes quiles connaissent, nous en avons déjà eu malheureuse-ment plusieurs qui, tout en les prônant avec zèle, lessubordonnent néanmoins à leurs propres idées, eten font un amalgame déplorable. Ce sont, il est vrai,des Swedenborgiens, dénomination adoptée par quel-ques-uns d'eux, plutôt que des Novi-Jérusalémites ;mais s'il s'opérait maintenant une grande manifesta-tion publique en faveur des Écrits de Swedenborg,il n'est pas douteux qu'il y aurait bientôt plus de cesSwedenborgiens, qui abusent du nom de Sweden-borg, que de vrais Novi-Jérusalémites ; et dès-lorsle danger que nous venons de signaler ne pourraitplus être évité, c'est-à-dire que la Nouvelle Jérusa-lem, au lieu de rester l'Église du Seigneur, ne seraitplus en France qu'à l'état de secte.

Pour qu'un tel danger ne soit plus à craindre pournous, il nous faut laisser passer l'orage intellectuel,travailler pendant ce temps à augmenter le nombredes vrais disciples par une propagation réfléchie etprudente, publier autant que nos moyens nous lepermettront les Ouvrages de Swedenborg, afin den'être pas pris au dépourvu lorsque le temps de lamanifestation sera arrivé, et continuer surtout àmettre toute notre confiance en la Divine Providencedu Seigneur Jésus-Christ.

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RÉFLEXIONS SUR LA RÉVOLUTION DE 1848 (*).

Saint-Amand (Cher), 16 mars 18i8.

Depuis ma dernière lettre, il s'est accompli enFrance, comme vous le savez, une révolution dontles effets se feront sentir sur toute la surface du globe ;ce sera sans contredit le plus grand événement destemps modernes. Inutile d'entrer dans des détailspour montrer que cet événement est providentiel,ceux mêmes qui chez nous n'ont aucune croyancereligieuse ne peuvent s'empêcher de l'attribuer àla Providence, et d'en faire publiquement l'aveu.Inutile aussi de dire à vos lecteurs qu'il est destiné àfaire avancer» le Règne du Seigneur sur la terre,tout Novi-Jérusalémite en esl convaincu, puisque lerégime républicain, qui va s'établir de proche enproche dans toute l'Europe, proclamera la libertédes cultes, liberté sans laquelle il serait impossibleque la Nouvelle Jérusalem pût descendre sur la terre.

Lorsque je vous parlais, il y a deux mois, de cetteliberté des cultes, et des commotions qu'aurait àsubir tout peuple qui n'en jouissait pas encore, j'avaisla conviction que les temps étaient proches ; qu'il

(*) Voir aux notes additionnelles.

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SUR LA RÉVOLUTION DE 1848. 227

tardait au Seigneur de briser les obstacles qui s'op-posaient à l'avancement de son Règne; mais j'étaisloin de présumer qu'il suffirait de trois jours, etmême de trois heures, pour républicaniser la France,et fournir ainsi à tous les autres peuples des moyensprompts et faciles de secouer le joug monarchiqueet sacerdotal. Grâces en soient rendues au Seigneur,qui, dans sa Miséricorde inlinie, a évité à ma chèrepatrie une longue commotion dans ce passage durégime monarchique au gouvernement républicain.

Mais ce grand événement providentiel doit-il nousfaire dévier de la ligne de conduite que je traçaisdans ma lettre du 20 février dernier, relativementà la propagation de nos doctines célestes ? Je ne lepense pas. Nous devons plus que jamais travaillerdans le silence, et ne faire qu'une propagande réflé-chie et prudente, tout en nous tenant prêts à agirsur les masses, lorsque le moment sera devenu pro-pice. Laissons agir le Seigneur, nous nuirions à sonœuvre en voulant la hâter; si, comme tout semblel'annoncer, le grand jour de sa visite sur notre terreest arrivé, prions-Le d'user de miséricorde enversnous et de nous cacher sous l'autel, comme il y cacha,il y a 92 ans, dans le monde spirituel, les âmes deceux qui avaient gardé sa Parole.

D'après celle correspondance, on voit que nos es-pérances pour le moment sont bien faibles ; nous

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228 RÉFLEXIONS

sommes encore au milieu de l'orage dont il est parlédans ma lettre précédente, et personne ne peut direquand le calme reviendra. Il faudra du temps, etbeaucoup de temps, pour déraciner du cœur del'homme tout ce qui s'oppose à son bonheur sur cetteterre. La société était corrompue avant le 24 février,elle ne saurait être saine dès à présent. La Révolu-tion, il est vrai, a comprimé l'égoi'sme ; elle a donnél'essor à de nobles sentiments ; elle a proclamé lesvrais principes évangéliques en prenant pour deviseces trois mots qui contiennent l'essence du Livre Di-vin : Liberté, Égalité, Fraternité; mais elle nepourra que peu à peu, et avec l'aide du Seigneur,faire entrer ces principes dans la vie des citoyens.L'égoi'sme, qui aurait eu honte de se montrer dansles premiers jours de la République, commence déjàà se produire sous mille formes différentes.

Pour que l'humanité puisse reposer en paix sousson cep et sous son figuier, il ne suffit pas que la saintedevise, Liberté, Égalité, Fraternité, soit inscriteen tête des constitutions et placée en lettres d'orsur les monuments publics ; il faut qu'elle soit gravéedans tous les cœurs, et que les trois termes, biencompris de tous, soient coordonnés et restent indivi-sibles. Pouvons-nous, dès maintenant, atteindre à cebut si désiré par tous les cœurs généreux? je ne lepense pas.

Notre première Révolution, elle aussi, avait pro-clamé la Liberté, l'Égalité et la Fraternité; et

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SUR LA RÉVOLUTION DE 1848. 229

cependant, après des efforts inoui's, elle n'a pu attein-dre qu'au premier terme de la formule ; la Liberté,ou plutôt une quasi-Liberté, a été le seul fruit qu'onait retiré d'une lutte de tant d'années. La Révolu-tion de Février 1848 nous conduira sans aucun douteau second terme ; oui, par elle, et au travers de nou-velles luttes, nous parviendrons à VÉgalité, ou plu-tôt encore à une quasi-Égalité; mais elle ne nousconduira pas au-delà. Pour arriver au troisième ter-me, la Fraternité, il faudra encore un de ces grandsévénements providentiels, tels que ceux qui ont pro-duit les mouvements populaires de 1792 et de 1848.

Il est facile de comprendre que si nous n'avons eupour résultat de la Révolution de 1792 qu'une quasi-Liberté, et si nous ne pouvons espérer de la Révolu-tion de 1848 qu'une quasi-Égalité, c'est parce que laLiberté réelle est impossible sans l'Égalité et sans laFraternité, et que la Liberté réelle et l'Égalité réellene peuvent pas non plus exister sans la Fraternité ;les trois termes sont indivisibles, comme nous venonsde le dire; si l'un des trois manque, les autres nesont que l'ombre de ce qu'ils devraient être. Lorsquela quasi-Liberté et la quasi-Égalité nous auront con-duits à une quasi-Fraternité, de la quasi-Fraterniténous passerons à la Fraternité réelle, et celle-ci nousdonnera la véritable Égalité, et par suite la véritableLiberté. C'est alors seulement que notre céleste de-vise républicaine sera inscrite aussi dans nos cœurs.Quant au grand événement providentiel qui doit

20.

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230 RÉFLEXIONS

nous conduire à la Fraternité, et faire ainsi entrerl'humanité dans la terre promise, ce ne peut être quela manifestation éclatante des vérités de la NouvelleÉglise, la Nouvelle Jérusalem, manifestation dont leSeigneur seul connaît le temps, le lieu et le mode.

Nous tous, ouvriers que le Seigneur daigne em-ployer à la construction du monument, remercions-Le, et continuons à obéir à son impulsion, commedes manœuvres aux ordres d'un architecte. Si nousne pouvons encore qu'entrevoir les beautés de laSainte Cité quadrangulaire qu'une enceinte, faite deplanches ou de toile, dérobe complètement aux re-gards du monde, du moins comme ouvriers, pendantnos heures de travail, nous pouvons, placés en de-dans de cette enceinte, parcourir avec admirationquelques-uns des détails du monument, et nous faireune idée de ce que sera l'ensemble, lorsque plus tardles planches ou la toile tombant sous uu souffle duSeigneur, la Nouvelle Jérusalem frappera le monded'étonnement et d'admiration par son éclat et par samagnificence.

Ici se terminent les Extraits de LA REVUE, les Lett?-es à unhomme du monde ayant été imprimées séparément en 1852.

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(NOTA.) Depuis que LA REVUE a cessé de paraître, c'est-à-diro, depuis 17 ans, son Rédacteur-Gérant s'est entière-ment livré aux divers travaux dont il a été parlé ci-dessus(lettres du 12 février 1844, page l/iO, et du 9 janvier 1845,page 160) ; et pendant ce même temps chaque membre de l'É-glise a agi, sous la direction du Seigneur, selon ses propresmoyens et son aptitude ; ainsi, il n'y a pas eu inaction. Ilsera plus tard parlé de ce qui s'est passé pendant cette pé-riode silencieuse ; toutefois, le Rédacleur-Gérant de LA RE-VUE croit devoir extraire, dès maintenant, de sa correspon-dance, par ordre de date, quelques lettres ou fragments dele l l resqu i pourront présenter, soit certains faits relatifs àl'état de l'Église, soit quelques discussions concernant laDo.'.trine.

I.E DANGER DE LA PROPAGANDE DEVIENTPLUS GRAND.

A Monsieur B.

Saint-Arnaud (Cher), 27 mai 1848.

Je suis parfaitement de voire avis quant aux faits

relatés dans votre lettre du 31 mars, et quant à l'ac-tion directe de la Divine Providence dans les grands

événements dont nous avons été et sommes témoins ;

mais quant aux moyens que vous proposez, je suisO.'une opinion entièrement opposée. Nous jeter dans

<îe tohu-bohu en prêchant nos Célestes Doctrines

sur les toits, ce serait les compromettre, et en reçu-

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232 LE DANGER DE LA PROPAGANDE

1er peut-être pour bien longtemps la manifestation.Laissons agir le Seigneur ; vouloir maintenant secon-der par des démonstrations éclatantes son action bienvisible, ce serait nuire à son développement succes-sif et le retarder. Laissons crouler les vieux trôneset les vieux autels, sans nous mêler à l'œuvre de des-truction. Quand, d'après les faits épouvantables quisurgiront de leurs combats acharnés, les hommes seseront convaincus que leurs théories sont imprati-cables ; qu'elles manquent de base ; que la souve-raineté du peuple, si elle n'est point basée sur le vraiprincipe religieux, est aussi impuissante que la légi-timité ; que le Protestantisme est aussi opposé à cevrai principe que le Catholicisme-romain ; que tousles nouveaux systèmes de religion qui se présententou vont se présenter sont impuissants ; quand, dis-je,les hommes auront ainsi tout essayé, et auront étédésabusés par mécomptes sur mécomptes, et que fa-tigués, harassés, moralement et physiquement, re-connaissant ainsi l'impuissance de leurs vaines théo-ries politiques et religieuses, ils tourneront sincè-rement les yeux vers le Seigneur des Seigneurs, alorsles Novi-Jérusalémites pourront prêcher sur les toits,car alors ils seront entendus et compris. Mais, avantcela, qu'ils restent dans le désert, s'ils ne veulent pasêtre entraînés dans la destruction de la nouvelle So-dôme.

Rester dans le désert, c'est continuer à nous oc-cuper de tout ce qui doit précéder la grande mani-

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DEVIENT PLUS GRAND. 233

festation ; mais le pourrons-nous ? Voilà la question.Vous parlez de nous transporter à Paris, d'y fonderun journal quotidien, ou pour le moins hebdoma-daire ; et les moyens d'exécution, y avez-vous songé?Au lieu de nous lancer au milieu de cette Babel, oùnous succomberions bientôt, lors même que nousaurions d'énormes capitaux à notre disposition, tâ-chons seulement de conserver notre position, qui au-jourd'hui est si précaire que je ne sais pas mêmesi nous pourrons continuer notre publication trimes-trielle. Depuis la troisième année de la Revue, lenombre des abonnés a continuellement diminué, etil est maintenant si faible, qu'il nous sera impossiblede continuer s'il n'augmente pas. Le déficit est grand,et j'ignore quand il pourra être comblé ; toutefois, sije suis forcé de suspendre, je n'en continuerai pasmoins à me vouer complètement aux travaux quej'ai entrepris pour la Nouvelle Église, et qui occu-peront ma vie entière, lors même que j'aurais encoreà passer trente ans sur cette terre. Je ne demande auSeigneur, pendant cette tourmente, qu'un asile où jepuisse, avec la nourriture et le vêtement, m'occuperexclusivement de ces travaux.

20*.

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234 LE DANGER DE LA PROPAGANDE

t

A Monsieur Hartet (*), à Paris.

Saint-Amant! (Cher), 10 juio 1848.

Je recois à l'instant une lettre de M. F......avec le prospectus d'une brochure, mais je n'ai pasencore reçu la brochure qui sans doute uie parvien-dra demain, je ne puis donc pas encore m'expliquersur cette œuvre. Tout ce que je puis dire, c'est quenous finirons par épuiser totalement nos ressources,si nous les disséminons en voulant agir sur nos con-temporains, au lieu de travailler pour nos neveux enpubliant Swedenborg. Jamais le moment n'a été plusinopportun pour nous adresser au public ; nous n'a-vons rien à faire dans tout ce gâchis ; je respecte lesbonnes intentions de nos frères qui croient le mo-ment favorable; mais je suis convaincu qu'ils seraientbien vite désabusés, s'ils parvenaient à avoir, commeils le désirent, une tribune et quelques milliers d'au-diteurs. Le Seigneur, qui veille sur son Église, nele permettra pas ; ne mettons donc pas, par notreprécipitation, des entraves à l'œuvre si éminemmentprovidentielle qu'il dirige maintenant à l'insu desinstruments dont il se sert.

(*) Voir aux notes additionnelles.

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DEVIENT PLUS GRAND. 235

Au même.

Saiot-Amand (Cher), 21 juin 1848.

Devons-nous cesser de faire paraître ta Re-vue, me demandez-vous? La solution de celte der-nière de vos questions dépendra de nos abonnés. Siaprès l'envoi de la dernière livraison de la dixièmeannée, que nous allons expédier, le nombre des abon-nés est encore sensiblement diminué, comme il est àprésumer, et qu'il ne nous survienne pas de nouvellesressources, nous serons matériellement forcés de ces-ser cette publication. Mais lors même que nous se-rions obligés de prendre ce parti désespéré, je necesserais pas pour cela la publication des ArcanesCélestes, et je continuerais à consacrer à cette publi-cation tous les fonds dont je pourrais disposer, et aufur et à mesure qu'ils seraient en ma possession, caril y aurait imprudence à contracter des dettes ; etcomme malheureusement nous avons été amenés parles circonstances à ne pas être en état pour le mo-ment de solder les neuf dernières feuilles impri-mées, nous devons nécessairement suspendre l'im-pression jusqu'à ce que ces feuilles aient été soldées.La question principale va donc dépendre de nosfrères ; si nous restons tous unis, la Revue pourracontinuer à paraître ; mais si nous nous divisons sous

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236 LE DANGER DE LA PROPAGANDE

l'empire de cette idée qu'on n'avance pas, qu'on neprofite pas des circonstances nouvelles, qu'on pour-rait faire mieux, qu'il faut prêcher publiquement, etc.,la Revue tombe, tandis que pour la soutenir il nefaudrait pas le centième des fonds qu'on dépenseraitpour faire des prédications publiques, qui dans cemoment-ci produiraient plus de mal que de bien.

A Monsieur F

Saint-Amand (Cher), 21 juin 1848.

J'ai reçu, quelques jours après votre lettre,les deux brochures dont vous me parlez. Puisquevous me demandez mon avis, je dois vous le donner.J'ai l'intime conviction que dans ce moment-ci nous'devons plus que jamais rester dans le désert, et qu'ilest inopportun de chercher à répandre nos doctri-nes au milieu de gens qui ne s'occupent que d'affairestemporelles. J'ai aussi l'intime conviction que ceserait un malheur pour la Nouvelle Église, si sesDoctrines étaient accueillies maintenant par un assezgrand nombre de personnes, et surtout si elles étaientprêchées publiquement. Si l'esprit de prosélytisme a

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DEVIENT PLUS GRAND.

son bon côté, il a aussi son mauvais côté ; et nousdevons toujours être en garde contre lui ; il est dan-gereux pour ceux qui s'y abandonnent, parce qu'ils'y mêle presque toujours quelque chose de mondain,même à notre insu ; et il peut être nuisible pour lesautres, parce qu'il peut introduire dans l'Église despersonnes pour qui il aurait été avantageux de n'yjamais entrer. Ce que le Seigneur dit dans Matthieu,— XXIII. 15,— peut aussi s'appliquer à ceux de laNouvelle Église, qui se laisseraient entraîner par unprosélytisme inopportun. Sachons attendre, et res-tons dans le désert tant que le péril existera.

A Monsieur C

Saint-Amand (Chçr), 20 septembre 18/i8.

Depuis votre bonne visite de l'année dernière, dontje conserve toujours un souvenir bien agréable, degrands événements se sont accomplis, et ne sontpeut-être que le prélude d'événements encore plusgrands, si notre Société ne veut pas profiter de cetavertissement pour se transformer pacifiquement;mais sera-t-elle assez sage, j'en doute, lorsque je

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238 LE DANGER DE LA PROPAGANDE

considère toutes le£ passions <[iii bouillonnent au seinde l'Assemblée nationale et de la Presse, et dontl'effervescence se communique rapidement dans lecorps social tout entier.

Nous devons nous trouver bien heureux d'avoirrencontré, au milieu de ce cataclysme intellectuel,une arche dans laquelle nous pouvons nous réfugieren toute sûreté, tandis que les nouveaux Titans quivoudraient gouverner la terre à leur guise, en es-caladant le Ciel, ne peuvent que bouleverser le vieuxmonde et s'engloutir sous ses ruines ; hommes de larésistance et hommes du mouvement, tous sont aveu-glés par des passions mondaines et embrasés d'unamour plus ou moins corrompu, faute de vouloir re-courir à Celui qui Seul donne la vraie intelligence etl'amour réel. Tous périront dans cette grande afflic-tion telle qu'il n'y en a point eu et telle qu'il n'y enaura, car nous ne sommes encore qu'au commence-ment des douleurs.

Abrités comme nous le sommes, poursuivons nostravaux au milieu du fracas des idées qui s'entrecho-queront de plus en plus, et ne nous laissons pas dé-tourner de notre but, lors même que nous nous trou-verions entourés de décombres et de ruines ; car lesfaits suivent les idées, et tout cataclysme intellectuelest infailliblement suivi d'un cataclysme matériel ;si nos travaux ne servent pas à éclairer nos contem-porains, ils seront uti les à nos neveux. Comme vous,j'ai été un peu distrait par quelques préoccupations

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DEVIENT PLUS GRAND. 239

politiques ; mais je suis décidé, maintenant plus quejamais, à m'occuper exclusivement de la tâche quej'ai entreprise ; inutile de vous dire que j'ai éprouvéle plus grand plaisir, en voyant par votre lettre quevous aviez repris votre important travail avec l'espoirde le mener à bonne fin.

Nous ne tarderons pas, ainsi que vous le pressen-tez, à voir l'idée d'indépendance et de réforme ra-dicale pénétrer dans les idées religieuses ; l'Allema-gne commencera et nous la suivrons de près ; c'estalors que la lutte deviendra plus acharnée, et quetout croulera. Le Catholicisme et le Protestantismetomberont sous les coups de leur terrible adver-saire, le naturalisme; et alors les derniers liensqui retenaient encore une portion du Vulgaire étantrompus, il y aura débordement complet. N'espéronspas que nos doctrines puissent être accueillies aumilieu de cette lutte épouvantable ; elles seraient re-jetées et bafouées par les deux partis, si nous lesleur présentions ; elles ne seront admises que par unpetit nombre d'hommes que le Seigneur seul connaît,et auxquels sa Providence les fera parvenir. Pour quela Nouvelle Église puisse s'établir sur notre conti-nent, il faut que la dévastation soit complète, qu'il yait table rase ; jusque là elle est destinée à rester dansle désert.

Les événements politiques ont atteint dans leurfortune plusieurs personnes qui soutenaient nos pu-blications, ce qui nous obligera momentanément à les

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240 LE DANGER DE LA PROPAGANDE

ralentir ; mais cela, loin de nuire à nos travaux detraduction, nous permettra d'y consacrer plus detemps encore.

A Monsieur Ch. P.

Saint-Amand (Cher), 19 mai 1849.

Je ne pense pas que nous puissions reprendre cetteannée la publication de la fievue, mais nous conti-nuons l'impression du tome vie des Arcanes Célestes,et les fonds que vous nous avez envoyés seront em-ployés ta accélérer cette impression. Quant à la pro-pagande dans le moment actuel, je ne puis être devotre avis ; je regrette beaucoup d'être en désaccordsur ce point avec vous, B , L... de Z.....Fet quelques autres de nos frères ; mais je persiste àcroire que le moment serait mal choisi, et que le plusprudent est de travailler dans le silence et d'évitertoute espèce de manifestation publique. J'ai été lemois dernier à Paris, où je suis resté quelques jours.La majorité de l'Église de Paris est de mon avis,D le partage complètement; F a persistédans son opinion, et j'en suis très-fâché, plutôt pourlui que pour l'Église, parce que je suis convaincu,comme je le lui ai dit, que le Seigneur ne permettra

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DEVIENT PLUS GRAND. 241

pas que les projets de la minorité de l'Église de Pa-ris soient mis à exécution. F est emporté parson zèle qui l'aveugle au point de ne pas lui laisservoir qu'il est la dupe d'un intrigant de bonne com-pagnie ; nous avons fait tout notre possible, Det moi, pour le désabuser ; mais à notre grand regretnous n'y sommes pas parvenus.

Travaillons dans le silence, cher frère, veillonstous à notre propre régénération, non pour nous-mêmes, car ce serait encore de l'égoïsme, mais danscette conviction qu'en nous régénérant nous devenonsde plus purs récipients de l'influx divin, et que parlà nous accélérons la venue du Royaume du Seigneursur cette terre beaucoup plus que par une propa-gande à découvert, dans laquelle il se glisse toujours,même à notre insu, un peu de l'amour de soi et dumonde. Laissons le Seigneur préparer lui-même lesmasses par son influx commun pendant ce cataclys-me qui ne fait que commencer ; réfugions-nous dansl'arche pendant sa durée, et n'en sortons que lors-que la Colombe reviendra avec une feuille d'olivier.Alors les masses viendront à nous ; mais courir àelles maintenant, ce serait, je n'en doute pas, perdrenotre temps. Quant aux savants, ceux-là sont des in-corrigibles ; en convertir quelques-uns, si toutefoisc'était possible, ce serait les exposer à la profanation,car ils sont tous dominés par l'amour de la propreintelligence.

2l.

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RÉPONSES A DIVERSES QUESTIONS.

A. Monsieur J. A....

Sainl-Amand (Cher), 21 novembre 1850.

Je m'empresse de répondre aux questions que vousm'adressez, en vous priant de m'excuser, si je nedonne pas à mes réponses les développements qu'ellesexigeraient, mais qui dépasseraient les bornes d'unelettre.

1° A quelle formule pratique pour le monde na-turel actuel la Doctrine de la Nouvelle Jérusalemconclut-elle ?

Que l'homme rentre dans l'ordre de sa création,et le monde naturel rentrera dans l'âge d'or. Ce n'estpas la Société qui a rendu l'homme mauvais, maisl'homme devenu mauvais a fait la Société mauvaise :le tout dépend de la qualité des parties; tant que lesparties resteront mauvaises, le tout ne pourra devenirbon. En un mot, nécessité absolue de régénérationindividuelle ; c'est à cette seule condition qu'on par-viendra à un état social normal.

La Vieille Église a, depuis quinze cents ans, faitpreuve d'impuissance pour la régénération de l'hom-me ; donc une Nouvelle Église.

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RÉPONSES A DIVERSES QUESTIONS. 243

2° D'où vient l'homme à sa naissance?Le genre humain est un homme en puissance,

comme le gland est un chêne en puissance ; c'estvous dire qu'avant de naître dans le monde l'hommen'a jamais existé qu'en puissance. Chaque homme al'éternité en avant, mais il n'a pas l'éternité en ar-rière ; il est in œternum, mais non ab œterno ; Dieuseul est ab œterno et in œternum. Ainsi le nombredes hommes sera à l'indéfini, parce que Dieu est in-fini, et qu'à sa ressemblance il a placé les indéfinisdans la création. Limiter le nombre d'hommes oud'âmes, en supposant que le nombre en a été déter-miné dès la première création, ce serait mettre desbornes à la puissance infinie de Dieu. Je dis dès la pre-mière création, parce que Dieu n'a jamais cessé uninstant de créer, et qu'il crée et créera continuelle-ment ; car la conservation est une perpétuelle créa-tion.

3° Pour quelle fin Dieu fait naître l'homme?Pour qu'il soit sa ressemblance et son image ;

c'est-à-dire, pour qu'il reçoive librement son amouret sa sagesse et devienne ange; ou, en d'autres ter-nies, pour peupler le monde spirituel d'êtres aimantset intelligents, dont l'existence éternelle consistera àvivre dans des sociétés bien ordonnées, où chacuns'occupera du bonheur des autres, ou le plus heureuxsera celui qui aimera le plus et songera le moins àlui-même, et où le progrès sera continuel en suivantle cours d'une spirale sans fin. Les terres naturelles

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244 RÉPONSES A DIVERSES QUESTIONS.

sont les pépinières des cietfx ; l'homme doit nécessai-rement naître sur une terre naturelle, mais il laquitte pour une terre spirituelle sur laquelle il vivraéternellement, sans jamais revenir sur une terre na-turelle.

4° Le monde naturel ne mérite-t-il qu'ana-thème ?

Le monde naturel ne doit pas être anathématisé.Le monde naturel est le fondement du monde spiri-tuel ; l'un ne peut pas subsister sans l'autre. Le mondespirituel sans le monde naturel serait comme unemaison sans fondement, et comme un palais dans l'air.Le monde naturel subsistera donc toujours, puisquesa destruction entraînerait celle du monde spirituel,et par conséquent la destruction complète de l'œuvrede Dieu, ce qui serait supposer qu'en créant l'universDieu s'est trompé. Si par anathème au monde vousentendez anathème à la chair, je dirai la chair nedoit pas êtreanathématisée,— les anachorètes étaientdes égoïstes d'un genre spirituel, inutiles aux autres,et ne pensant qu'à eux seuls, — mais la chair doit êtreremise à son rang, c'est-à-dire, subordonnée à l'es-prit, ou, pour employer les expressions de Sweden-borg, le spirituel chez l'homme doit faire la tête etle naturel les pieds. La chute consiste en ce que l'or-dre a été renversé, et qu'on a fait le naturel la tête,et le spirituel les pieds.

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A MomieurW. Chauvenet, à Annapolis (États-Unis de l'Amérique du Nord).

Saint-Amand (Cher), 8 octobre 1851.

Votre lettre du 18 juillet est arrivée à Saint-Amandpendant mon absence, qui a été bien plus longue queje ne présumais ; je croyais qu'elle ne serait que detrois semaines environ, et elle a durée plus de sixsemaines, y compris mes deux séjours à Paris avantde me rendre en Angleterre et après mon retour enFrance. Du reste, je ne regrette nullement ce tempsenlevé à mes travaux ordinaires, car je l'ai employéaussi bien que possible dans l'intérêt de l'Église, etje suis charmé d'avoir fait la connaissance person-nelle d'un grand nombre de nos frères, et surtout deceux avec qui j'entretiens depuis longtemps une cor-respondance suivie. Je ne vous parlerai pas de lagrande réunion qui eut lieu le 19 août, les grandsjournaux s'en sont occupés le lendemain en présen-tant plusieurs détails, et d'ailleurs YIntellectualRe~pository a dû en donner un compte-rendu. Nos Frè-res d'Angleterre en ont paru très-satisfaits, et pournous Français, qui étions là, au nombre de neuf, nousnous trouvions heureux de nous voir en si nombreusecompagnie. Invité par le Comité de Londres à traiter

21*.

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246

un sujet quelconque, qu'il se chargeait de faire im-primer et distribuer le jour de la grande Solennité,je pris pour texte : La Religion considérée dans sonaction sur l'état de la Société; le manuscrit que jelui remis à mon arrivée à Londres fut aussitôt, parses soins, livré à l'impression, mis en brochure etdistribué.....

Telle est la circonstance mémorable qui a donné lieu àl'Article qui suil.

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DE LA RELIGION

CONSIDÉRÉE DANS SON ACTION SUR l'ÉTAT

DE LA SOCIÉTÉ.

« La Société est en danger ! » Voilà le cri de dé-tresse que chaque jour on entend répéter ; la craintede voir l'édifice social disparaître dans un cata-clysme préoccupe la plupart des esprits, aussi cher-che-t-on de tous côtés à prévenir ce danger ; et commeon a surtout remarqué que les révolutions ont rapide-ment succédé l'une à l'autre depuis que les anciennescroyances religieuses ont été affaiblies par le philo-sophisme, plusieurs sont convaincus, et un plus grandnombre se persuadent, qu'un retour à ces anciennescroyances donnera à la Société toute la stabilité dé-sirable.

Cette opinion se répandant chaque jour de plus enplus, il est important d'examiner si elle est bienfondée.

Mais, avant tout, il est à observer que vouloirsauver la Société par la Religion, c'est reconnaîtreimplicitement que l'état social des peuples dépend

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248 DE LA RELIGION CONSIDÉRÉE

de leur état religieux ; et qu'ainsi la Religion a uneaction puissante sur la Société. C'est aussi ce quenous reconnaissons; mais en ajoutant que, par suitede cette action puissante, l'état social devient meil-leur ou pire, selon que les principes de la Religionsont vrais ou ont été falsifiés.

Si la Société est maintenant dans un grand péril,c'est parce que, depuis le plus haut degré de l'échellesocialejusqu'au plus bas, il y a partout antagonismeau lieu d'amour mutuel ; toutefois, cet antagonismene règne pas d'aujourd'hui seulement, car aussi loinqu'on puisse remonter dans l'histoire, on le voit entous lieux se développer avec plus ou moins d'inten-sité sous les diverses formes de l'amour de soi ; maisaujourd'hui il est parvenu à un tel point, qu'il me-nace de tout engloutir. Les lois civiles et politiques,comme le prouve l'expérience, sont impuissantescontre lui ; elles ne feraient que le déplacer ou leforcer à prendre une autre forme, mais il n'en sub-sisterait pas moins, et serait toujours menaçant; iln'y a que les croyances religieuses qui puissent leréprimer en changeant le cœur de l'homme ; maispour cela il faut des croyances fortes et vraies, etnon pas ces vieilles croyances qui, n'ayant pu arrê-ter la marche de l'antagonisme lorsqu'elles étaientgénéralement admises et non contestées, montrentsuffisamment par là quelle est leur impuissance. Cequi peut arrêter aujourd'hui l'antagonisme, et leehanger peu à peu en amour mutuel, ce n'est pas un

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Christianisme falsifié depuis plus de quinze siècles,ainsi qu'il va être montré, mais c'est le vrai Chris-tianisme ; car lui seul, par sa doctrine et par sesdogmes, possède la force de persuasion nécessairepour opérer un tel changement.

Ceux qui sont habitués à confondre le Christia-nisme, soit avec le Catholicisme-romain, soit avecle Protestantisme, soit avec l'Église Grecque, serontsurpris d'entendre dire que le Christianisme, telqu'il existe maintenant dans les diverses Commu-nions Chrétiennes, est un Christianisme falsifié ; carsi chacune de ces trois Communions admet que leChristianisme a été falsifié chez ses deux rivales, ellesoutient qu'il est pur chez elle. Cependant, commel'antagonisme règne au même degré, quoique sousdes formes diiférentes, chez tous les peuples qui ap-partiennent à ces trois Communions, elles ne sau-raient échapper à ce dilemme.

Ou le Christianisme a été conservé pur, ou il a étéfalsifié. S'il a été conservé pur, l'état social chez lespeuples Chrétiens depuis quinze cents ans, c'est-à-dire, depuis qu'il existe des peuples Chrétiens, l'ac-cuse d'impuissance, et fait douter de son origine Di-vine; s'il a été falsifié, il ne peut lui être adresséaucun reproche, et les misères de ces quinze sièclesdoivent être imputées à ceux qui l'ont falsifié.

Un vrai Chrétien hésiterait-il à absoudre le Chris-tianisme ? Aimerait - il mieux l'accuser d'impuis-sance ?

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II est bien évident que si le Christianisme avaitété conservé dans sa pureté, son action puissante sedéveloppant à l'extérieur aurait peu à peu produitun état social tout opposé à celui que nous présentel'histoire, et aurait ainsi manifesté à tous les yeuxson origine Divine.

Examinons maintenant les diverses propositionsqui viennent d'être avancées.

Et d'abord, pour faire comprendre quel aurait étél'état social produit par le Christianisme, s'il eût étéconservé pur, montrons quelle est sa vraie doctrine.

Lorsque l'on considère aujourd'hui les doctrinesreconnues par les diverses Communions Chrétiennes,on est porté, tant elles diffèrent entre elles, à croireque le Seigneur en fondant son Église a voulu enlaisser la doctrine à l'arbitre des hommes, ou quedu moins il n'en a pas posé les bases en termes tel-lement clairs, que personne ne pût s'y méprendre.Cependant il n'en a pas été ainsi ; ces bases ont été sinettement posées, qu'il faudrait être aveugle pour nepas les y voir ; mais l'amour de la domination et l'a-mour de la propre intelligence rendent aveugle pourle vrai, et donnent de la clairvoyance pour le faux ;et comme ces amours ont commencé à régner parmiquelques Chrétiens dès les premiers siècles du Chris-tianisme, et se sont ensuite généralement répandus,c'est pour cela qu'on a laissé de côté ces bases pouren chercher d'autres plus conformes à ces deuxamours.

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La Doctrine Chrétienne, donnée par le SeigneurLui-Même, avait pour fondement l'amour mutuel ;et tout homme qui lira l'Évangile sans idée doctri-nale préconçue, devra s'étonner que depuis quinzesiècles les Chrétiens se soient déchirés entre euxpour des points de doctrine, lorsqu'ils auraient puvoir clairement que le Seigneur avait placé toute ladoctrine Chrétienne dans l'amour des hommes lesuns envers les autres, et qu'ainsi cesser d'être dansl'amour mutuel, c'était cesser d'être dans sa doc-trine, c'est-à-dire, cesser d'être Chrétien.

En effet, il n'est pas un seul Chrétien érudit quine sache que par ces mots : « La Loi et les Prophè-tes, » le Seigneur entendait toute l'Écriture Sainteou toute la Parole; or, un Pharisien ayant demandéquel était le grand commandement dans la Loi,« Jésus lui dit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu» de tout cœur, et de toute ton âme, et de toute ta» pensée ; c'est là le premier et le grand comman-» dément; puis le second, semblable à celui-là : Tu» aimeras ton prochain comme toi-même. De ces» deux commandements toute la Loi et les Pro-» phèles dépendent. » —Matlh. XXII. 36 à 40. —En demandant au Seigneur quel était le grand com-mandement dans la Loi, le Pharisien voulait savoircomment il entendait la Loi, et quel était le fonde-ment de la doctrine qu'il prêchait ; or, le Seigneurpose d'une manière précise l'amour envers Dieucomme premier et grand commandement ; mais afin

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que ce commandement soit saisi dans toute son ex-tension, il ajoute : «Le second semblable à celui-là :Tu aimeras ton prochain comme toi-même ; » c'étaitlui dire : Si tu ne sais pas ce que c'est qu'aimer Dieu,tu dois savoir ce que c'est qu'aimer ton prochaincomme toi-même ; aime donc ton prochain commetoi-même, ce sera aimer Dieu, car le second com-mandement est semblable au premier ; et il ajouteencore : «De ces deux commandements toute la Loiet les Prophètes dépendent. » N'était-ce pas dire entermes clairs : L'amour à l'égard du prochain est lefondement de toute ma doctrine ; c'est la pierre detouche dont vous devez vous servir quand les Écri-tures ont besoin d'être interprétées; toute interpré-tation qui se concilie avec cet amour est bonne, ettoute interprétation qui ne se concilie pas avec luiest mauvaise ; car tout est renfermé dans l'amour àl'égard du prochain, amour qui lui-même renfermel'amour envers Dieu.

Il restait à expliquer ce que c'est que le prochain,et le Seigneur l'a enseigné dans la parabole du Sa-maritain. — Luc, X. 25 à 37, — par sa réponse aulégiste qui lui avait dit: «Et qui est mon prochain?»Le Seigneur a montré aussi ce que c'est que l'amour àl'égard du prochain, lorsqu'il a dit: « Toutes les cho-» ses que vous voulez que vous fassent les hommes,» de même aussi, vous, faites-les-leur; car c'est là la» Loi et les Prophètes. » — Matth. VII. 12. — Eneffet, par ces mots : « C'est là la Loi et les Prophè-

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tes, » qu'il a employés ici, et qu'on ne retrouve plusnulle part au sujet d'aucun autre commandement, ila déclaré que ce commandement-ci est le même queles deux précédents, qui eux-mêmes sont semblables,et que par conséquent faire aux autres ce que nousvoudrions que les autres nous fissent, c'est aimer leprochain comme nous-mêmes, et c'est aimer Dieu.

Toute la doctrine évangélique est donc renferméedans ce commandement : Faire aux autres ce quenous voudrions que les autres nous fissent ; or, c'estlà, en d'autres termes, l'amour mutuel ; car si tous lesChrétiens agissaient ainsi, ils s'aimeraient tous mu-tuellement, et il n'y aurait plus d'antagonisme. Cettedoctrine a été du reste pleinement confirmée par leSeigneur dans les dernières exhortations qu'il aadressées à ses disciples : « C'est ici mon comman-» dément, que vous vous aimiez les uns les autres,» comme je vous ai aimés. » —Jean, XV. 12. —Puis,de nouveau : « Ces choses je vous commande, afin que» vous vous aimiez les uns les autres. »— l'oid. 11.— Et un instant auparavant il leur avait déjà dit :« Un commandement nouveau je vous donne, que» vous vous aimiez les uns les autres ; à ceci ils con-ri naîtront tous que mes disciples vous êtes, si de» l'amour vous avez les uns pour les autres. » —XIII. 3i, 35, — Est-il besoin de plus de confirma-tions ?

Les Apôtres, qui avaient très-bien compris quetoute la doctrine chrétienne était renfermée dans l'a-

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mour mutuel, avaient toujours prêché cet amour tantrecommandé par le Seigneur. La tradition rapporteque Jean l'Évangéliste, qu'on a surnommé le théolo-gien, étant dans un âge avancé, ne disait aux fidèlesque ces paroles : « Mes petits enfants, aimez-vous les» uns les autres ; » et que, lorsqu'on lui fit observerqu'il répétait toujours la même chose, il répondit :« C'est le commandement du Seigneur ; et si on le» garde, il suffit pour qu'on soit sauvé. » Ainsi lethéologien par excellence résumait toute la sciencedivine dans l'amour mutuel. Oui, toute la science di-vine est dans cet amour ; aimez, vous saurez ; maisaimez réellement, sinon vous resterez dans votreignorance. Aimer réellement c'est sentir comme unplaisir en soi le plaisir d'autrui ; mais sentir sonplaisir dans autrui, ce n'est pas aimer autrui, c'ests'aimer soi-même. Vouloir pénétrer dans la sciencedivine, ou faire de la théologie sans aimer réellement,c'est-à-dire, sans l'amour d'où procède la vraie in-telligence, c'est se plonger dans les ténèbres les plusépaisses. Voilà pourquoi ce qu'on décore du nom deThéologie dans le monde chrétien, n'est qu'un tissud'incohérences et d'aberrations de l'esprit humain :«Ils ont fait éclore des œufs d'aspics, et ils ont» tissé des toiles d'araignées. » — Ésaïe, LIX. 5.

Maintenant, puisque toute la doctrine chrétienneest renfermée dans l'amour mutuel il est facile devoir que si cette doctrine eût été suivie, le Christia-nisme aurait produit un état social qui eût manifesté

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à tous les yeux son origine divine ; car l'amour mu-tuel mis en application aurait produit tout l'opposéde ce qui existe depuis quinze cents ans, et l'on n'au-rait pas vu les Chrétiens se faire continuellement uneguerre acharnée, non-seulement de peuple à peuple,mais aussi de ville à ville, de bourgade à bourgade,de famille à famille, et d'homme à homme, chacunméprisant le prochain, ou n'aimant que soi-mêmedans le prochain.

On dira que cet amour mutuel n'a jamais cesséd'être prêché dans toutes les chaires de la Chrétien-té. Cela est vrai ; mais en a-t-on fait le fondementde toute la doctrine ? Lui a-t-on tout rapporté ? Tousles dogmes qu'on a répandus sont-ils d'accord aveclui? Toutes les pratiques qu'on a recommandées seconcilient-elles avec lui? En un mot, l'a-t-on misau-dessus de tout, comme le seul et unique moyende salut? Qu'importé donc qu'on l'ait recommandédans des sermons, si l'on n'a pas su, en prêchantd'exemple, le faire pénétrer dans les cœurs.

La doctrine de l'amour mutuel, expressément re-commandée par les Apôtres, subsista pendant lestrois premiers siècles ; non pas que tous ceux qui sedisaient Chrétiens fussent alors dans l'amour mu-tuel, car il s'était déjà produit plusieurs hérésies ;mais néanmoins la généralité des Chrétiens suivaientla doctrine apostolique, et l'amour mutuel conservéparmi eux manifestait l'origine divine du Christia-nisme. Cependant, il est à observer qu'alors les Chré-

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tiens n'étajent pas encore constitués en peuples ounations ; répandus dans un grand nombre de contréessoumises pour la plupart à la domination romaine,ils avaient presque toujours vécu dans la persécu-tion, privés souvent des droits civils et politiques.

Si les successeurs des premiers Chrétiens les eus-sent imités en conformant leur vie à l'Évangile, lavraie doctrine chrétienne se serait conservée ; maisles discussions auxquelles ils se livrèrent eurent pourpremier résultat de faire préférer le vrai au bien, oula foi à la charité. Dès lors, tout commença à êtreinterverti, puisqu'on mettait au premier rang ce quidevait être au second, et au second ce qui devait êtreau premier ; de là sont nés les hérésies, les schis-mes, les sectes, et toutes les fausses doctrines qui ontdésolé la Chrétienté jusqu'à nos jours. La Bible, tantle Nouveau Testament que l'Ancien, devint un arsenaloù chacun alla chercher des armes pour soutenir ladoctrine qui concordait avec son amour dominant etavec sa propre intelligence, et le passage qui était leplus en faveur de cette doctrine en devenait le fon-dement. Qu'il en ait été ainsi, on le voit clairementen ce que parmi les milliers d'hérésies ou de sectesqui ont déchiré le Christianisme, il n'y en a pas uneseule qui ne se soit appuyée et qui ne s'appuie surla Bible.

Du moment où les Chrétiens eurent interverti l'or-dre en préférant le vrai au bien, ou la foi à la cha-rité, ils perdirent successivement toutes les notions

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spirituelles dont leurs prédécesseurs avaient eu per-ception. Ils ne surent plus ce que c'est que Dieu, nice que c'est que le prochain, ni ce que c'est que lebien et le vrai, la charité et la foi, le ciel et l'enfer,ni ce que c'est que l'âme de l'homme, ni quel est sonmode d'existence après la mort.

Ils en étaient déjà arrivés à ce point, — du moinsceux qui se prétendaient leurs chefs, car ces notionsétaient encore perçues par les simples,—lorsque, parun édit, Constantin permit aux Chrétiens l'exercicepublic de leur religion. Le Christianisme parut alorstriomphant, mais ce ne fut qu'à l'extérieur; carfrappé déjà au cœur par les hérésies qui s'étaient mul-tipliées, et surtout par les discussions sur la foi, ilne fut plus conservé intérieurement que chez le pluspetit nombre. L'Arianisme, qui était alors très-puis-sant, faillit même l'étouffer ; car s'il eût été victo-rieux, il n'y aurait plus eu de Chrétiens, même àl'extérieur, dans l'acceptation propre de ce mot, puis-que Arius niait la divinité de Jésus-Christ. Cepen-dant, après une lutte longue et acharnée, l'Arianismel'ut vaincu, mais la victoire coûta cher au Christianis-me; en effet, il n'y avait eu jusqu'alors pour lesChrétiens, malgré leurs discussions, qu'un seul sym-bole, celui des Apôtres ; il avait suffi aux premiersChrétiens, hommes simples qui croyaient sans discu-ter ; mais pour apaiser les dissentions qui s'élevè-rent au sujet de la doctrine Arienne, le Concile deNicée, qui condamna cette doctrine, fit le symbole

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qui porte son nom ; et peu de temps après, pourmieux s'opposer à cette doctrine toujours menaçante,il parut un troisième symbole, qui est connu sous lenom d'Athanase. Ces trois symboles ont subsisté jus-qu'à présent dans les Églises chrétiennes, malgré lesdivergences de ces Églises. Dans les deux premiers,l'unité de Dieu est maintenue, mais dans celui d'A-thanase elle n'existe plus, car il est dit : « Je crois enDieu le Père, en Dieu le Fils et en Dieu l'EspritSaint ; » ainsi en trois Dieux, puisqu'on y trouve cesmots : « Autre est la Personne du Père, autre celledu Fils, et autre celle de l'Esprit Saint. » II estajouté, il est vrai, que les trois Personnes Divines detoute éternité ne font néanmoins qu'un seul Dieu ;mais quoiqu'on dise de bouche qu'il n'y a qu'un seulDieu, l'idée de trois Dieux n'en subsiste pas moinsdans l'esprit, puisqu'on donne à chacun d'eux desattributions différentes.

Les Ariens niaient la Divinité de Jésus-Christ,parce qu'ils ne voyaient pas d'autres moyens de con-server intacte la parfaite unité de Dieu ; et les au-teurs du symbole d'Athanase ont fait trois PersonnesDivines, parce qu'ils ne voyaient pas d'autres moyensde conserver quelque reconnaissance de la Divinitédu Seigneur Jésus-Christ ; or, ce point étant indis-pensable pour que le Christianisme ne fût pas entiè-rement détruit, la Providence permit que l'erreurAthanasienne, comme moins pernicieuse, obtînt lavictoire sur l'erreur Arienne,

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Ce dogme de la Trinité Divine en trois Personnesdistinctes fut dès lors adopté par ceux qui dirigèrentle Christianisme, et devint la tête de toute la Théo-logie ; on crut aussi voir cette Trinité des Personnesdans le symbole de Nicée, où il est dit seulement :« Je crois en un seul Dieu, le Père ; en un seul Sei-gneur, Jésus-Christ, et à l'Esprit Saint; et commealors pour soutenir un tel dogme, on fut obligé d'in-troduire la métaphysique dans la Théologie, toutesles idées saines furent remplacées par les arguties.

Tel n'était pas cependant le dogme de la Trinitéenseigné par les Apôtres. Les premiers Chrétiens nereconnaissaient nullement la Trinité des Personnes ;ils savaient que le Sauveur ou Rédempteur annoncépar les Prophètes, et attendu sous le nom de Messie,n'était autre que Jéhovah Lui-Même, puisque Jého-vah avait dit en beaucoup d'endroits, et notammentdans Hosée : «Moi Jéhovah ton Dieu, et de Dieu ex-» cepté Moi tu ne reconnaîtras point ; et DE SAU-» VEUR, point d'autre que Moi. » — XIII. 4. — Etdans Ésai'e : « Ainsi a dit Jéhovah le Roi d'Israël, et» son RÉDEMPTEUR Jéhovah Sébaoth : Moi le Pre-» mier, et Moi le Dernier ; et, excepté Moi, point de» Dieu. » — XLIV. 6. — Ils ne reconnaissaient doncqu'un seul Dieu dans la Personne du Seigneur Jésus-Christ, car Lui-Même,[en qui ils croyaient, avait dit :« Moi et le Père nous sommes un. » — Jean, X. 30.— « Philippe ! qui M'a vu, a vu le Père ; et commentn toi, dis-tu ; Montre-nous le Père?»—Jean, XIV.1

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9. — C'était du reste le dogme prêché par les pre-miers Disciples ; l'Apôtre Jean dit dans sa premièreJlpître : « Jésus-Christ est le vrai Dieu et la vie éter-« nelle. » — V. 20. — Et Paul déclare que « dans» Jésus-Christ habite corporellement toute la ple-ut nitude de la Divinité. » — Coloss. II. 9. — N'é-tait-ce pas affirmer que dans le corps ressuscité duSeigneur Jésus-Christ il y avait le Trine Divin, etqu'ainsi le Seigneur était le Vrai Dieu, comme ledisait Jean? Et maintenant, éclairés par une nouvelledispensation de Vérités Divines, les nouveaux Chré-tiens savent que dans le Seigneur il y a le Père, leFils et l'Esprit Saint, comme dans chaque homme,créé à l'image de Dieu, il y a la volonté, l'entende-ment et l'acte qui en résulte ; que la Volonté Divineou l'Amour Divin est le Père, que l'Entendement Di-vin ou la Sagesse Divine est le Fils, et que l'Acte quien résulte ou l'Opération Divine est l'Esprit Saint;pu bien, que dans le Seigneur l'Ame est le Père,l'Humain Glorifié ou le Corps est le Fils, et l'Actionou la Providence est l'Esprit Saint.

Que l'on ne dise pas, pour soutenir la Trinité desPersonnes, que ce dogme a été puisé dans la Parole ;car il suffirait de répondre que la Parole dans l'An-cien Testament enseigne partout l'Unité de Dieu, etque si dans le Nouveau Testament il est parlé du Père,du Fils et de l'Esprit Saint, cette Trinité concernedes attributs différents de la Divinité, ainsi qu'ilvient d'être dit, et non pas des Personnes distinctes.

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De ce dogme de la Trinité des Personnes DivinesJe toute éternité, qui montre combien les auteurs dusymbole d'Athanase avaient perdu les vraies notionsde la Divinité, il en a découlé un autre par lequelon attribue à Dieu les passions humaines, en le fai-sant même plus cruel que l'homme le plus vindica-tif; et, ce qu'il y a de plus étonnant, quoique cedogme répugne à la raison, il s'est néanmoins con-servé intact dans toute la Chrétienté, et règne encoreaujourd'hui d'une manière absolue tant chez les Pro-testants que chez les Catholiques romains, Le senscommun cependant dit à tout homme doué de raisonque Dieu est la Miséricorde même et la Clémencemême, parce qu'il est l'Amour même et le Bienmême, et que c'est là ce qui constitue son Essence.Si donc on n'avait pas, dès l'enfance, été familiariséen quelque sorte avec un tel dogme, pourrait-on,sans éprouver un sentiment d'indignation, entendredire que Dieu, qui est notre Père céleste et la Bontémême, selon les expressions de l'Évangile, s'est ir-rité contre le genre humain, et l'a destiné tout en-tier à une damnation éternelle ; que longtemps après,et par une grâce spéciale, il a engagé son Fils, Dieude toute éternité comme Lui, à descendre dans lemonde, à prendre sur lui la damnation qui avait étédécidée, et ainsi à apaiser la colère de son Père ; quece n'était que par ce moyen que le Père pourrait re-garder l'homme avec quelque faveur ; que le Fils aexécuté cette œuvre, de sorte que prenant sur Lui la

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damnation du genre humain il s'est laissé crucifiercomme malédiction de Dieu ; que le Père après l'accomplissement de cette œuvre est devenu propice, eta, par amour pour son Fils, retiré la damnation,mais seulement de dessus ceux pour lesquels le Filsintercéderait, la laissant peser tout entière sur lesautres.

Par ces deux dogmes principaux de la Théologieon peut juger de l'effet que leur enseignement a dûproduire, car toute la doctrine en a découlé. Avec lavraie doctrine chrétienne, l'action du Christianismesur l'état" social aurait été telle, que chez tous lespeuples, où le Christianisme depuis le quatrième siè-cle a été admis, les hommes, devenus successive-ment de vrais Chrétiens à l'intérieur, auraient con-stitué à l'extérieur un état social conforme à leurétat intérieur, et dès lors l'amour mutuel aurait étéle fondement de toute communion religieuse vérita-blement chrétienne. Au contraire, avec la doctrinechrétienne pervertie par ces deux dogmes, l'actiondu Christianisme au lieu de s'étendre sur les Chré-tiens en général n'a pu pénétrer que chez quelqueshommes, et alors au lieu de l'amour mutuel s'est éta-bli dans toute la Chrétienté cet antagonisme qui, deprogrès en progrès, est parvenu aujourd'hui à soncomble, et menace d'engloutir la société chrétienne.

Qu'on ouvre l'histoire depuis Constantin jusqu'ànos jours, y trouvera-t-on une seule époque, ne fut-elle que d'une année, où l'amour mutuel ait régné,

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je ne dis pas entre tous les peuples chrétiens, maisseulement chez un peuple, soit dans une de ses pro-vinces, soit dans une de ses villes, ou même dans lamoindre de ses bourgades? Qu'y voit-on? Partoutdivision ouverte ou secrète, partout antagonisme pa-tent ou caché, Sont-ce là les fruits que l'Évangileaurait dû porter? Que l'on compare l'époque oùnous vivons avec celle où Jéhovah s'est incarné pourfonder le Christianisme et sauver les hommes ; quelledifférence y trouvera-t-on ? La civilisation n'était-elle pas alors à son apogée, comme on prétend assezgénéralement qu'elle y est aujourd'hui? Les repro-ches que les penseurs d'alors faisaient à cette civili-sation, les penseurs de nos jours ne les adressent-ilspas à la nôtre? En quoi l'homme a-t-il été changé?Est-ce que les mauvaises passions que l'Évangile si-gnale, et qu'il est destiné à réprimer, ne bouillon-nent pas avec autant de force dans le cœur humain ?Il est vrai que les deux civilisations, quoique sembla-bles dans le plus grand nombre de points, diffèrentaussi en quelques-uns ; ce ne sont plus les mêmesmœurs, les mêmes lois civiles, les mêmes institu-tions politiques ; mais si l'homme aujourd'hui esten général plus policé extérieurement, en est-il de-venu intérieurement meilleur? N'a-t-il pas le mêmeégoi'sme, la même cupidité, la même ardeur de do-miner? Si donc il y a eu progrès à l'extérieur oudans l'ordre naturel, ce n'est pas à la religiosité diteChrétienne qu'on le doit, car il est prouvé qu'elle a

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employé toutes ses forces pour comprimer la pensée,et la contenir dans des bornes qu'elle croyait infran-chissables; mais on le doit au vrai Christianisme,car bien qu'il ait été arrêté dans sa marche et ense-veli sous les langes du Catholicisme romain, il y adans ses principes une force latente qui n'a pu êtreétouffée, et qui a produit ces résultats.

Ceux qui dirigent maintenant les diverses Commu-nions chrétiennes soutiendront que le Christianismen'a pas été falsifié, — et cependant chacune de cescommunions l'interprète à sa manière et se prétendexclusivement Chrétienne ; — ils diront que c'estseulement à la philosophie moderne qu'on doit attri-buer l'état social actuel. Cette manière d'expliquerla chose pourrait être admise, si avant l'irruption dela philosophie moderne, on pouvait montrer un seulpeuple chrétien qui eût manifesté comme effet le ca-ractère du vrai Christianisme ; mais on fouilleraiteu vain dans l'histoire, on n'en découvrirait pas unseul; il ne s'agit pas ici des Chrétiens qui vivaientdans les premiers siècles ; car, nous le répétons,avant que Constantin eût admis le Christianisme dansl'Empire, il n'y avait pas encore eu de peuples chré-tiens ; les Chrétiens formaient alors de simples so-ciétés religieuses et non un corps de nation ; et, pres-que continuellement persécutés, ils n'avaient parconséquent aucune action sur les lois civiles et poli-tiques des pays qu'ils habitaient.

Il est vrai, cependant, que la philosophie moderne

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a contribué pour beaucoup à l'état social actuel,mais nous allons voir qu'elle en est seulement lacause secondaire, et non pas la cause principale.

On croit généralement que la religion et la philo-sophie sont tout à fait antipathiques, et ne sauraientvivre ensemble ; c'est là une erreur ; l'une traitantde choses spirituelles et l'autre de choses naturelles,il y a entre elles la même relation qu'entre le spiri-tuel et le naturel ; et comme le spirituel ne sauraitexister sans un naturel correspondant, il en résulteque toute religion a nécessairement avec elle unephilosophie, c'est-à-dire qu'elle a des principes na-turels qui correspondent à ses principes spirituels.Si la Religion est vraie, sa philosophie est vraie ; sila religion est falsifiée, sa philosophie l'est aussi ; demême donc qu'il n'y a qu'une seule religion vraie,de même aussi il n'y a qu'une seule philosophievraie. Tant qu'une religion falsifié ne comptera dansson sein que des croyants aveugles, elle régnera avecsa philosophie sans contestation ; mais du momentoù la foi aveugle cessera d'être universelle, ceux quiauront déchiré le bandeau qui leur couvrait les yeuxse feront des principes philosophiques opposés à laphilosophie de cette religion, et par conséquent op-posés aussi à ses principes spirituels; de là combatentre cette religion et cette autre philosophie nais-sante, qui, se formant d'elle-même, et ne découlantpas de la vraie religion, ne sera pas par conséquentla vraie philosophie ; mais le combat n'en sera pas

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moins acharné, car l'erreur attaque l'erreur qui luiest opposée avec autant d'acharnement qu'elle attaquela vérité. Toutefois, il est à remarquer que dans toutephilosophie erronée, comme dans toute religion fal-sifiée, il y a toujours quelques vérités; mais ces vé-rités entourées de faussetés et d'erreurs perdent leurefficacité.

D'après cela, on voit que, lorsqu'à côté de sa pro-pre philosophie, une religion falsifiée à laquelle on acru aveuglement laisse se former une philosophie quine découle pas de ses dogmes, cette religion courtinévitablement à sa perte, et est dans l'impossibilitéde recouvrer son autorité ; car le combat ne cesseraque quand les deux adversaires, après nombre de vic-toires et de défaites alternatives, succomberont tousdeux d'épuisement. La France, surtout depuis unsiècle, en offre un exemple frappant; le Catholi-cisme romain et la Philosophie s'y font une guerreacharnée, tantôt ouvertement, tantôt sourdement; etcette guerre ne cessera que par l'anéantissement del'un et de l'autre, pour faire place à la vraie Reli-gion Chrétienne et à la vraie Philosophie.

Ces luttes, plus ou moins longues, qu'on retrouvepartout depuis les temps historiques les plus anciens,sont le résultat de la liberté spirituelle que le Sei-gneur a donnée à l'homme en le créant, .liberté sanslaquelle l'homme aurait été une brute et non unhomme. C'est par cette liberté que l'homme est tom-bé, et c'est aussi par elle qu'il se relèvera ; mais

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DANS SON ACTION SUR l'ÉTAT DE LA SOCIÉTÉ. 267

comme de la dégradation spirituelle la plus profondeil ne pouvait être ramené librement à la vraie reli-gion qu'au moyen de principes religieux susceptiblesd'être admis par sa nature déchue, le Seigneur a per-mis qu'il s'établît partout des religions en rapportavec l'état de chaque peuple ; et comme toute religionqui n'est pas la vraie Religion tend à se maintenirperpétuellement stationnaire, et ne consentirait mêmepas à se transformer en une autre moins impure, carses directeurs tiennent à la conserver intacte pourjouir des avantages mondains qu'elle leur procure, leSeigneur a permis aussi ces luttes entre chaque reli-gion et la philosophie qui naît tôt ou tard malgré lacompression exercée sur les esprits ; ainsi s'est ma-nifestée et se manifeste encore de nos jours la loi duprogrès. Si aujourd'hui le monde entier chancelledans ses vieilles croyances, cela ne se rattache-t-ilpas à ce même plan providentiel, qui consiste à con-duire par la liberté spirituelle tous les habitants duglobe à la vraie Religion ? Est-ce que les peuples sou-mis à l'Islamisme, est-ce que les Indiens, les Chinois,les Australiens, et tous les habitants des îles, idolâ-tres ou sauvages, pourraient jamais se délivrer deslanges religieux qui les enveloppent, si les nationschrétiennes, aidées des chemins de fer et de la va-peur, ne glissaient pas chez eux avec les denréescommerciales les idées qui résultent du libre examen ?Ainsi se prépare chez tous ces peuples la lutte entreleurs vieilles religions et une philosophie naissante,

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268 DE LA RELIGION CONSIDÉRÉE

qui périra avec elles, lorsque le temps sera venu.Quant c'i la loi du progrès, dont il vient d'être

parlé, elle ne saurait être mise en doute, quand onconnaît sa vraie marche. Ce n'est ni en suivant la li-gne droite, ni en parcourant un cercle, que se fait leprogrès; c'est en décrivant une spirale, et, de mêmeque la spirale, il est indéfini. Cette loi ainsi conçueest conforme et à l'infinité de Dieu se manifestantdans la création par les indéfinis, et à l'histoire del'humanité qui descend, il est vrai, après avoir mon-té, mais qui ne descend que pour remonter plus hautchaque fois. C'est d'ailleurs ce qui nous est repré-senté dans la nature par le cours apparent du soleil,qui, à partir du solstice d'hiver, monte et descendchaque jour, mais pour se trouver chaque lendemainun peu plus élevé à midi.

D'après cette loi du progrès, les diverses Commu-nions chrétiennes, étant visiblement arrivées à la finde leur période descendante vont peu à peu faire placeà la vraie Religion Chrétienne; et la philosophiemoderne, ayant rempli les vues de la Providence endétruisant l'esclavage spirituel, mais étant incapablede coopérer au rétablissement de l'ordre en raisondes principes dissolvants qu'elle renferme, va aussielle-même être remplacée peu à peu par la vraiePhilosophie, dont les principes découleront des prin-cipes du vrai Christianisme, qui, loin d'être atténuéspar l'examen de la raison, en receveront au contraireune confirmation plus éclatante.

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Si l'état social des peuples chrétiens est si déplo-rable, on doit donc moins s'en prendre aux princi-pes de la philosophie moderne qu'aux doctrines reli-gieuses des diverses Communions chrétiennes; cariesphilosophes en combattant l'esclavage spirituel ser-vaient sans le vouloir, et sans en avoir conscience, leprogrès religieux, puisque le Christianisme ne pou-vait entrer dans sa nouvelle période ascendante qu'aumoyen d'une liberté spirituelle pleine et entière, tan-dis que les chefs des diverses Communions chrétien-nes, au contraire, en s'opposant de tous leurs effortsà la liberté spirituelle, retardaient cette nouvelle pé-riode du Christianisme.

.Puisque les croyances religieuses produites par lafalsification du Christianisme sont la principale causede l'état social actuel, et puisque le philosophisme aété permis par la Providence pour détruire l'escla-vage spirituel, il est bien évident qu'un retour à cescroyances religieuses serait impuissant pour sauverla société ; et qu'au lieu de prévenir la catastrophe,il pourrait au contraire la rendre plus imminente ;car la cause persistant, l'effet persiste ; et donnerplus d'activité à la cause, c'est rendre l'effet plusprompt. Et d'ailleurs peut-on espérer que cette im-puissance de la vieille Église Chrétienne cessera,quand le Catholicisme romain se prétend immobile,et veut rester immobile ; et quand on voit le Protes-tantisme, variable par sa nature, essayer maintenantde revenir aux principes de ses premiers fondateurs,

23*.

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270 DE LA RELIGION CONSIDÉRÉE

afin de se rendre immobile aussi pour éviter le ra-tionalisme qui le mine ?

Mais d'un côté si un retour à ces croyances reli-gieuses est impuissant pour sauver la société, d'unautre côté la persistance dans le philosophisme ne lasauverait pas davantage, car le philosophisme ren-ferme dans l'ordre naturel presque autant d'erreursque le Catholicisme romain renferme de faussetésdans l'ordre spirituel ; et par conséquent ils présen-tent l'un et l'autre à peu près autant de dangers. Qu'onne s'appuie donc ni sur l'un ni sur l'autre, et qu'onles laisse s'entre-déchirer. Aujourd'hui, en France,l'Université est battue en brèche par le Catholicismeromain, qui naguère pliait sous les coups de sa ri-vale ; ce n'est point là une victoire, c'est seulementun succès passager ; ces succès et ces revers alterna-tifs sont permis par le Seigneur, afin que par là ilss'arrachent mutuellement leurs oripeaux, et queleurs partisans désillusionnés les voient enfin danstoute leur nudité, et en aient honte.

L'unique moyen de sauver l'état social, ce seraitde le reconstituer peu à peu par un retour au vraiChristianisme, non pas en remontant le cours dessiècles, mais en développant le Christianisme avec lasomme des connaissances spirituelles et naturellesaujourd'hui acquises.

Vouloir remonter le cours des siècles, c'est-à-dire,reprendre le Christianisme à l'époque où il a com-mencé 4 être falsifié, ce serait inéepnaître les lois

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de l'Ordre Divin, et accuser d'imprévoyance la Pro-vidence Divine, qui aurait ainsi dépensé inutilementquinze siècles, lorsqu'au contraire cette longue pé-riode de temps a servi à l'accomplissement de sesvues toujours miséricordieuses.

Quand le Christianisme fut fondé, le voile qui cou-vrait les vérités que renferme la Parole ne pouvaitpas encore être entièrement levé ; les hommes n'é-taient pas alors en état de contempler certaines vé-rités, et si elles leur eussent été présentées sansvoile, pas un seul ne les aurait reçues ; le Seigneur nefit donc que lever un coin du voile, et en découvrantau monde les vérités qu'il était susceptible de rece-voir, il avertit ses disciples que l'Église qu'il instau-rait alors aurait le sort des Églises précédentes ; maisqu'à la « consommation du siècle, » c'est-à-dire, à lafin de cette Église, il viendrait « dans les nuées duciel avec puissance et gloire » pour fonder une Églisequi n'aurait point de fin. C'est cette Église que leSeigneur instaure aujourd'hui en étant le voile quicouvrait sa Parole. Les Vérités Divines, ces « pierresprécieuses, » maintenant exposées aux yeux des hom-mes, peuvent être contemplées par eux, et admisespar l'intelligence et par la raison ; car les connais-sances naturelles aujourd'hui acquises, loin d'être enopposition avec les vérités internes de la Parole Di-vine, viennent au contraire les confirmer ; et plus lessciences feront de progrès, plus elles fourniront demoyens confirmatifs ; les vérités spirituelles et les

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272 DE LA RELIGION CONSIDÉRÉE

vérités naturelles étant liées entre elles comme l'âmeet le corps.

Ce n'est pas ici le lieu de prouver que le SeigneurJésus-Christ n'est plus avec la vieille Église Chré-tienne, dont la consommation est accomplie ; et qu'ilinstaure maintenant sa Nouvelle Église, signifiée dansla Parole par la Nouvelle Jérusalem ; toutes les preu-ves qu'on pourrait désirer se trouvent en abondancedans les Écrits théologiques de Swedenborg. Il s'agitseulement de montrer que cette Nouvelle Église Chré-tienne peut seule sauver la société.

La Société est un être collectif ou un tout, dont leshommes sont les parties. Si le tout est mauvais, c'estévidemment parce que les parties sont mauvaises, etpour que ce tout devienne bon, il faut nécessaire-ment que les parties deviennent bonnes. Rendezbonnes les parties, c'est-à-dire, réformez les hommes,et le tout ou l'état social sera bon ; mais autrement,vous échouerez. Quelques-uns, il est vrai, prétendentque si l'homme est mauvais, c'est parée que la so-ciété mal constituée ne lui permet pas d'être bon ;et, pour soutenir cette prétention, ils posent en prin-cipe que l'homme naît bon, d'où ils concluent ques'il est mauvais, c'est la mauvaise organisation de lasociété qui le rend tel. Admettre ce principe, n'est-ce pas nier l'utilité de la Religion? Car si c'est lamauvaise organisation de la société qui rend l'hommemauvais, il suffit de bien constituer la société pourle rendre bon, et dès lors la religion devient inutile,

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DANS SON ACTION SUR L'ÉTAT DE LA SOCIÉTÉ. 273

Mais c'est absolument le contraire : L'homme naîtmauvais, car il naît avec'l'amour de soi, comme onle voit clairement par les petits enfants qui, sans au-cune exception, rapportent tout à eux; or, l'amourde soi ou l'égoïsme est le mal d'où découlent tousles autres maux, puisqu'il est l'opposé de l'amourmutuel ou du dévoûment, qui est le bien d'où dé-coulent tous les autres biens.

Ainsi, la société est mauvaise parce que l'hommeest mauvais, et il n'est pas vrai de dire que l'hommeest mauvais parce que la société est mauvaise ; nousposons ceci en thèse générale d'après ce principe, quel'amour mutuel ou le dévoûment est le bien, et quel'amour de soi ou l'égoi'sme est le mal : mais nous nenions pas que la mauvaise organisation de la sociéténe réagisse sur beaucoup d'hommes qui, dans un mi-lieu moins mauvais, auraient été moins méchants. Dureste, il est facile de reconnaître que l'organisationd'une société est la conséquence de l'état intérieur deceux qui la composent, et que vouloir réformer la so-ciété sans que les individus aient été préalablementréformés, c'est vouloir ce qui est impossible ; onpourra, il est vrai, en changer la forme, ainsi quecela a déjà été fait tant de fois ; mais changer laforme, ce n'est pas ce que nous entendons ici par ré-former.

Supposons que, dans une de ces révolutions quienthousiasment un peuple entier, à cet instant su-blime où, après la victoire complète, tous les citoyens

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274 DE LA RELIGION CONSIDÉRÉE

s'oubliant eux-mêmes donnent toutes les preuves d'unpur dévoûment, supposons, dis-je, qu'un législateur,généralement estimé, mettant à profit cet élan géné-reux, leur présente une constitution en tous pointsconforme à ce pur dévoûment, et que tous l'accep-tent aussitôt avec admiration et amour sans avoiraucune arrière-pensée. Cette constitution, si les ci-toyens en eussent été dignes, non pas accidentelle-ment, mais réellement, c'est-à-dire, s'ils eussent étéindividuellement réformés, aurait fait le bonheur dela nation entière; mais acceptée dans un momentd'enthousiasme, elle ne sera pas longtemps respec-tée ; et, dès le lendemain, l'enthousiasme n'étant plusau même degré, cette œuvre si admirée la veille nesera déjà plus vue du même œil. Chacun, frappé à sonpoint de vue des vices de la société, veut et mêmedésire avec ardeur que la société soit réformée ; maisen même temps chacun veut rester tel qu'il est, c'est-à-dire, ne pas se réformer lui-même ; on voit le malchez les autres, mais chez soi on ne le voit pas ; ou,si on le voit, on l'atténue.

L'homme collectif, ou la Société, restera doncmauvais tant que l'ameur de soi ou l'égoi'sme régnerachez l'homme individu ; pour remplacer chez l'hommel'amour de soi par l'amour mutuel, les institutionshumaines seules sont impuissantes, nous l'avons déjàdit ; elles peuvent modifier les mœurs et accélérer lacivilisation, mais rien de plus. En quoi ont-elleschangé le cœur humain? L'homme est-il au fond

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moins égoïste ? Il peut à l'extérieur le paraître moins,mais à l'intérieur il l'est tout autant. Il n'y a doncque la Religion qui puisse opérer la réforme inté-rieure, et seulement la vraie Religion Chrétienne,puisque le Christianisme falsifié qui règne depuis tantde siècles a complètement échoué dans cette œuvre.

La Vieille Église Chrétienne a échoué, parce quela falsification des dogmes lui a fait perdre les notionsqu'elle avait reçues concernant Dieu, l'âme de l'hom-me, et la vie après la mort ; et la Nouvelle ÉgliseChrétienne peut seule réformer la société, parce que,possédant ces notions avec les vérités nouvellementdévoilées, et s'appuyant ainsi sur les vrais dogmes,elle peut régénérer l'homme, et par la régénérationindividuelle arriver à la réformation complète de laSociété.

Que, dans les diverses Communions chrétiennes,les ecclésiastiques qui comprennent l'importance deleurs fonctions, c'est-à-dire, qui veulent avant touteschoses le salut des âmes et leur propre salut à eux-mêmes, veuillent bien fixer leur attention sur ce sim-ple exposé, et recourir ensuite aux Écrits théologi-ques de Swedenborg pour ce qui concerne les dog-mes de la Nouvelle Église Chrétiennne, et les véritésnouvellement dévoilées qui sont aujourd'hui en la pos-session de cette Église ; il ne s'agit pas de rompre lachaîne des temps, en renversant l'édifice religieuxpour en construire un nouveau sur le sable mouvantdes passions humaines ; la Révélation est précieuse-

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27 6 DE LA RELIGION CONSIDÉRÉE

ment conservée, et c'est sur elle, c'est sur ce roc, ques'appuie la Nouvelle Église du Seigneur Jésus-Christ,Seul et Unique Dieu, en qui est la Divine Trinité. Ilne s'agit pas non plus des formes extérieures du culte ;conservez celles que vous avez tant que vous les croi-rez utiles au salut des âmes, et qu'elles ne choquerontpas vos consciences ; la forme n'est qu'un vêtement,et chacun doit être libre de se vêtir à sa manière ;mais n'altérez plus la substance des choses spiri-tuelles. Cessez de penser, chacun de votre côté, quevotre communion seule est l'Église ; l'Église n'est pasici ou là, elle est partout où règne l'amour mutuelbasé sur la reconnaissance d'un Dieu. Tous ceux quifuient les maux comme péchés appartiennent à l'É-glise du Seigneur Jésus-Christ, quelle que soit dureste la religion dans laquelle ils ont été élevés ; carfuir les maux comme péchés, c'est reconnaître unDieu et vivre dans l'amour mutuel ; si le Seigneur lesrejetait, parce que, n'ayant pas entendu parler deLui, ils ne Le reconnaissent pas, serait-il l'Amourmême et la Justice même ?

Quant h tous les hommes de bonne volonté, nousleur dirons : Vous voulez sauver la Société, revenezà des idées religieuses vraies, et cessez de vous per-suader que les vieilles croyances puissent faire autre-ment qu'elles n'ont fait ; ce sont elles qui ont conduitla Société sur les bords de l'abîme, et elles ne sau-raient l'empêcher d'y tomber. D'ailleurs, habituésque vous êtes à faire usage de votre raisonnement en

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chaque chose, pourriez-vous jamais vous astreindre àcroire sincèrement ce que votre raison repousse, et àfaire en matière de religion une abnégation complètede votre intelligence? De ce que l'homme ne pourrajamais comprendre l'infinité de Dieu, car pour com-prendre Dieu dans son infinité il faudrait être Dieu,on ne doit nullement en inférer que la Religion obligeà croire ce qui est mathématiquement impossible ; carDieu est le Suprême Géomètre, et toutes les lois deson Ordre Divin sont mathématiquement réglées.Croire, ce n'est pas admettre sans comprendre;croire, c'est voir, voir avec les yeux de l'intelligenceles choses qui ne sont pas du ressort de la vue corpo-relle. Abandonnez donc le spirituel faux, qui ne peutconvenir ni à votre nature nia votre éducation ; adop-tez le spirituel vrai, propagez-le, et vous verrez alorsl'antagonisme disparaître peu à peu pour faire placeà l'amour mutuel ; et la Société, se reconstituant ainsisur des bases solides, sera désormais à l'abri des ré-volutions violentes que vous redoutez.

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SUR LA QUESTION DES MONTAGNES.

A Monsieur H , à Manchester.

Saint-Amand (Cher), 15 juillet 1852.

Au sujet de la question des montagnes, dont ons'est occupé dans une de vos dernières réunions,vous me demandez de vous faire part de mes idées,spécialement sur ce point : Pourquoi les montagnessont si belles dans le monde spirituel, et si laidesici.

Les montagnes sont belles dans les cieux, parceque tout y est dans l'ordre, et qu'ainsi les montagnesont conservé leur correspondance vraie ou plutôtgenuine (comme vous dites en Angleterre). Lesmontagnes sont laides ici-bas, parce que l'ordre aété renversé, et qu'ainsi les montagnes ont pris unecorrespondance opposée à leur correspondance pri-mitive. La nature dépend de l'homme, parce que lanature a été créée pour l'homme; la nature, nousdit Swedenborg, est le théâtre représentatif duroyaume du Seigneur. Si le royaume du Seigneurexistait sur terre comme il existe dans les cieux.

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SUR LA QUESTION DES MONTAGNES. 279

I— avec la différence, bien entendu, qu'il y a entrel'ange et l'homme de l'Église, — la terre serait unparadis terrestre ; tout y serait dans l'ordre, et lesmontagnes terrestres offriraient à l'homme de l'É-glise des agréments analogues à ceux qu'éprouventles anges sur leurs montagnes. Les animaux féroces,les insectes nuisibles, les miasmes, les ronces, lesépines, les lieux arides, etc., n'existent sur terre quepar suite de la chute de l'homme ; que le royaume'du Seigneur revienne sur notre globe, ou, en d'au-tres termes, que son Église nouvelle s'y établisse, ettoutes ces productions de l'enfer disparaîtront àmesure qu'elle fera des progrès. Tout a été créé bonpar le Seigneur, et tout redeviendra bon à mesureque son influx sera reçu avec moins d'obstacle parles hommes.

Quant à ce qui concerne spécialement les monta-gnes. Pourquoi, a-t-on dit, éprouve-t-on en les gra-vissant une sensation de plus en plus pénible, telle-ment qu'enfin la vie cesserait, si l'on ne se hâtait dedescendre ? Aux arguments qui me sont transmis,j'ajouterais ceux-ci, si toutefois ils n'ont pas été pré-sentés : II y a trois atmosphères, Taure, l'éther etl'air proprement dit ; la dernière renfermant les deuxautres. La physique nous apprend que l'air est d'au-tant moins dense qu'on s'élève au-dessus du niveaude la mer, et que l'homme pour exister a besoind'être environné d'une atmosphère assez dense pourque ses poumons y puisent la dose d'air qui leur est

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280 SUR LA QUESTION DES MONTAGNES.

nécessaire. D'après cela, les naturalistes ne sontnullement étonnés que l'homme éprouve sur lesmontagnes les sensations dont il vient d'être parlé ;et comme ils ne s'occupent que du naturel, notrediscussion leur paraîtrait futile ; mais pour nouselle est très-importante, et j'y reviens.

L'homme par la chute s'est créé de nouveaux be-soins ; devenu grossier, il lui a fallu, pour respirer,une atmosphère plus grossière, d'où il résulte quemaintenant s'il entre dans un milieu moins denseque celui qui convient à sa constitution actuelle,l'aliment aériforme devient insuffisant, et il mourraitfaute de respirer assez, comme il meurt faute demanger suffisamment. Mais que l'homme par la régé-nération améliore progressivement sa constitution, etle séjour sur les hautes montagnes ne sera plus nui-sible, mais même deviendra délicieux. Il est uneobjection qu'on pourrait me faire, et au-devant delaquelle je dois aller. Supposez, me dira-t-on, qu'unhomme de la Nouvelle Église se soit régénéré aupoint d'être dans un état semblable h celui des hom-mes avant la chute, croyez-vous qu'il serait exemptd'éprouver sur les hautes montagnes les sensationsqu'éprouvent les hommes en général ? Je répondrai :Non ; et cela, parce que la régénération de cet hom-me, étant isolée, n'a pas pu changer la constitutionactuelle des montagnes, devenues arides par l'état decorruption où vivent en général les hommes depuisdes siècles. Ce n'est pas la ténuité de l'air qui lui

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SUR LA QUESTION DES MONTAGNES. 281

serait nuisible, car par sa régénération cet air, quoi-que ténu, serait suffisant pour lui, en raison de l'é-ther et de l'aure qui s'y trouvent enveloppés, et quiconviennent spécialement à son état de régénération ;mais la nudité des montagnes depuis des milliersd'années est cause que cet air a perdu les qualitésqu'il avait lorsque les montagnes étaient couvertesd'une riche végétation ; et c'est précisément parsuite de cette dénudation séculaire que l'air y est sifroid. Si les hommes se régénéraient en masse, toutce qui, dans la nature actuelle, provient de l'enfer,disparaîtrait peu à peu ; on verrait les glaciers sefondre insensiblement, la végétation gagner de pro-che en proche, et les plus hautes montagnes, denouveau couvertes de verdure et d'arbres, offriraientun séjour délicieux aux hommes qui se seraient assezrégénérés, pour que la ténuité de l'air qu'on y res-pirerait fût suffisante pour les besoins de leurs pou-mons. Ainsi les hautes montagnes sur notre globeprésenteraient un analogue des montagnes dans lescieux, et seraient habitées, non-seulement sans dan-ger, mais même de préférence et avec délices par leshommes qui seraient dans l'amour envers le Sei-gneur.

24*.

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SUR LE SPIRITUEL.

A Monsieur D.

Sainl-Amand (Cher), 22 décembre 1852.

Je répondrai aussi en quelques mots à vosquestions sur le spirituel. Pour bien saisir les ma-tières philosophiques traitées dans Swedenborg, ilconvient d'abord de mettre de côté tout ce qui estappelé métaphysique, car nul n'est autant opposé queSwedenborg à la métaphysique et aux systèmes desspiritualistes, de même que nul n'est plus opposéque lui aux mystiques, quoiqu'on le confonde tou-jours avec eux. Il faut ensuite connaître la théoriedes degrés, qui est la clé sans laquelle il est impossi-ble d'avoir des notions claires sur le céleste, le spi-rituel etle naturel.

Partant alors de la nature de Dieu, qu'il est facilede se représenter comme Amour et Sagesse, on arriveà reconnaître que l'Amour est une substance, et quela Sagesse est la forme de cette substance ; car sil'Amour et la Sagesse n'étaient pas substance etforme, ils ne seraient que ce que la philosophie

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SUR LE SPIRITUEL. 283

appelle des êtres de raison, ou, pour mieux dire, ilsn'auraient ni l'être ni l'exister. Que l'on fasse milleefforts d'imagination, on ne parviendra jamais àsaisir l'Amour et la Sagesse hors d'un sujet ; il leurfaut absolument un sujet pour qu'ils soient et exis-tent, et ce sujet est nécessairement substance et for-me.

Dieu est donc substance et forme, puisqu'il estAmour et Sagesse ; il est la substance en soi ou leDivin Amour, et la Forme en soi ou la Divine Sa-gesse. De lui, comme Créateur, proviennent dessubstances et des formes, qui ne sont ni substancesen soi ni formes en soi, puisqu'elles sont et existentpar Lui, et non par elles-mêmes. De ces substanceset de ces formes, les unes sont des substances et desformes spirituelles ou de repos, et les autres sontdessubstances et des formes fixes ou matières, celles-ciayant pour but de continuer celles-là, et de leurservir de base et d'affermissement. Chez l'homme,lorsqu'il vit sur la terre, son esprit est une subs-tance spirituelle, et son corps est une substance fixeou de la matière. Mais, de même que la substancegénérale de son corps est composée d'un nombreindéfini de substances particulières, de même lasubstance générale de son esprit, qui est un amourbon ou mauvais, est composée d'un nombre indéfinide substances particulières, qui sont appelées affec-tions, sentiments, désirs, etc. Ces substances parti-culières sont comme la substance générale, elles ne

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184 SUR LE SPIRITUEL.

peuvent être que dans un sujet. Qu'est-ce, en effet,qu'une affection, un désir, si l'on ne suppose pas unsujet dans lequel soit cette affection ou ce désir?

Excusez-moi, si je n'entre pas aujourd'hui dansde plus grands développements; ce sera pour uneautre fois.

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PUBLICATIONS DE 1838 A 1852.

A Monsienr B...., à Londres.

Sainl-Amand (Cher), 20 février 1853.

Dans l'intérêt de nos publications futures, vousme demandez un rapport très-détaillé de celles quenous avons faites jusqu'à ce jour ; puisque vous atta-chez, me dites-vous, une grande importance à cerapport, je vous adresse la note suivante qui pourra,je crois, en tenir lieu :

C'est en 1838 que nos publications commencèrent.Le premier numéro de la Revue parut le 21 mars ;outre la partie-journal, chaque numéro contenaitalternativement une feuille y Arcanes Célestes etune feuille de 1''Apocalypse dans son sens spiri-tuel, de sorte qu'il n'était publié chaque annéeque 6 feuilles ou 96 pages des Arcanes Célestes.A continuer ainsi il aurait fallu plus de 70 ans pourterminer la publication de cet important Ouvrage.Mais en 1840, quoique la Revue fût loin de faire sesfrais, — et pendant son existence de 10 ans, ellen'est jamais parvenue à les faire, — nous nous dé-

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286 PUBLICATIONS DE 1838 A 1852.

cidâmes à donner une feuille à'Arcanes Célestes parmois ou 12 feuilles par an, et nous parvînmes ainsià compléter le premier volume dans la livraison defévrier 1841. Il nous a donc fallu trois ans pour pu-blier ce premier volume qui porte la date de 1841,quoiqu'il ait été commencé en 1838. Ainsi il y a bien-tôt 1S ans que cette publication a été entreprise;mais grâce aux secours qui viennent de nous être sigénéreusement offerts, elle sera terminée dans lecourant de 1834, si la Divine Miséricorde du Sei-gneur nous le permet.

Pendant cette même année 1840, quelques-unsde nos frères proposèrent de publier LA DOCTRINE DEVIE, et les fonds nécessaires ayant été souscrits, celteproposition fut mise à exécution. Ce fut le premierouvrage publié en dehors de la Revue.

L'année 1841 se passa sans aucune autre publi-cation que la Revue et les 12 feuilles d''ArcanesCélestes qui l'accompagnaient. Dans cette année,parut aussi l'Apocalypse dans son sens spirituel,dont six feuilles étaient imprimées chaque annéeavec la Revue.

Nous publiâmes, en 1842, LA DOCTRINE SUR L'ÉCRI-TURE SAINTE.

En 1843. Le Traité posthume DU DIVIN AMOUR ETDE LA DIVINE SAGESSE, et le Traité DU CHEVAL BLANC,dont il est parlé dans l'Apocalypse.

En 1844. LA DOCTRINE sur le Seigneur, et LADOCTRINE sur la Foi,

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PUBLICATIONS DE 1838 A 1852. 287

En 1845. L'EXPOSITION SOMMAIRE du sens internedes Prophètes et des Psaumes, et le Traité pos-thume de la Parole et de sa Sainteté.

En 1846. LA DOCTRINE de la Charité (extraitedes Arcanes Célestes] et DES BIENS DE LA CHARITÉET DES BONNES ŒUVRES (extraite de l'ApocalypseExpliquée}.

A partir de cette année 1847, nous donnâmesdeux feuilles à'Arcanes Célestes avec chaque livrai-son de la Revue.

En 1847. LA DOCTRINE de la Charité (Traitéposthume), Bt I'EXPOSITION SOMMAIRE de la Doctrinede la Nouvelle Église ; plus le XIe volume des Ar-canes Célestes, imprimé aux frais de M. Lino deZaroa (*).

En 1848. Le XIIe volume des Arcanes Célestes,imprimé aussi aux frais de M. Lino de Zaroa, LECOMMERCE DE L'AME ET DU CORPS.

C'est en 1848 que la Revue a cessé de paraître ;pendant ses dix années d'existence, les cinq premiersvolumes d'Arcanes Célestes avaient été imprimésen même temps qu'elle, et sur son budget ; maisson budget était dans un triste état ; non-seulement

, •)(*) M. Lino de Zaroa était un prêtre espagnol, retiré en Ffaneei

depuis nombre d'années ; il habitait dans le département des Ça,s,sfs.TPyrénées, et ordinairement à Orlhez. En 1851, quoiqu'il eût alors78 ans, il n'hésita pas à traverser toute la France pour 'se' Wnflrifavec nous à la grande Réunion du 19 août. II estiiBiaiittendiU'dntttle Monde Spirituel.

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288 PUBLICATIONS DE 1838 A 1852.

nous ne pouvions plus continuer, mais le déficitétait considérable, et il nous fallait beaucoup detemps et d'économie pour le combler. Nous fûmes.par conséquent dans l'impuissance de continuer nospublications pendant l'année 1849.

Pendant ces dix années de publications, j'étaisparvenu à traduire la presque totalité des Ouvragesde Swedenborg. Un jour je m'étais proposé ce pro-blême : Combien faudrait-il d'années à un hommefaisant bon emploi de son temps, et doué de persé-vérance, pour traduire tout Swedenborg ? Le pro-blème ainsi posé, il s'agissait de le résoudre. Aussi-tôt je rassemble tous les ouvrages de notre Auteur,et me voilà à additionner les pages des volumes quin'avaient pas encore été traduits par moi. Dès quej'en eus le total, comme je savais par une expériencede plusieurs années, combien de pages je pouvaistraduire par semaine, en dehors de nos travaux decomposition de la Renie, de révision de copie avantde la livrer à l 'imprimeur, de correction d'épreuveset de correspondance avec nos frères tant en Francequ'à l'Étranger, je divise mon nombre total parle nombre de pages que je crois pouvoir traduirepar semaine, et je trouve 366 pour quotient ;c'était donc encore sept années. Je faisais ce calculen 1843, et en 1850, le tout était traduit. Dans cecalcul n'étaient compris ni le Diarium, ni les Ad-versaria; mais quand tous les autres Ouvragesauront été imprimés, ces deux derniers seront en

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PUBLICATIONS DE 18Î8 A 1852. 289

état d'être livrés à l'impression, si toutefois on jugeà propos de les publier en français.

En 1850. Nous reprenons nos publications ; nousimprimons : 1'APPENDICE à la Vraie Religion Chré-tienne; la CONTINUATION sur le Jugement Dernier;les NEUF QUESTIONS sur la Trinité ; le Traité DU CIELKT DE L'ENFER ; le VIe volume des ARCANES CÉLESTES ;et DU JUGEMENT DERNIER.

En 1851 : DES TERRES DANS L'UNIVERS ; 1'AUTO-BIOGRAPHIE de Swedenborg ; le XIIIe volume desAKCANES CÉLESTES.

En 1852. La Sagesst Angélique sur LE DIVINAMOUR ; le VIIe et le XIVe volumes des ARCANES CÉ-LESTES ; le Ier et le II" volumes de LA VRAIE RELIGIONCHRÉTIENNE.

Nous avons encore à publier cinq volumes desArcanes Célestes, et l'Index; l'Apocalypse Expli-quée ; le IIIe volume de la Vraie Religion Chré-tienne ; la Sagesse Angélique sur la Divine Pro-ridence;l'Apocalypse Révélée; V Amour Conjugal;et la Doctrine Céleste de la Nouvelle Jérusalem.

Il pourrait paraître étrange que plusieurs desTraités qui nous restent à publier n'aient pas étéimprimés, en raison de leur importance, avant quel-ques-uns de ceux que nous avons édités. Si nousn'avons pas commencé par ces Traités, c'est que, tra-duits par Moët, ils avaient été imprimés de 1819 à1824. Tant que cette édition n'a pas été épuisée,nous avons dû porter nos ressources financières sur

25.

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290 PUBLICATIONS DE 1838 A 1852.

les Traités qui n'avaient pas encore paru en français ;mais cette édition ne se trouvant plus depuis quelquesannées dans le commerce, il est maintenant de laplus grande importance que la nouvelle traductionsoit imprimée le plus promptement possible.

D'ailleurs, je ferai remarquer que je mets main-tenant à la suite de chacun de ces Traités une Tablealphabétique et analytique et un Index des Pas-sages de la Parole. Quatre de ces Traités, à savoir :Du Ciel et de l'Enfer, des Terres dans l'Univers,du Jugement Dernier et sa Continuation, et la Sa-gesse Angélique sur le Divin Amour, sont accompa-gnés d'une Table alphabétique et analytique. Non-seule-ment j'en mettrai une à chacun des Traités quirestent à imprimer; mais j'en dresse aussi pourceux qui le sont déjà, afin de les en munir lorsqu'ilsseront réimprimés. Mon but est non-seulement defaciliter au Lecteur les recherches, et de lui présen-ter dans une sorte de Tableau synoptique la subs-tance de chaque Ouvrage, mais encore de parvenirplus tard, au moyen de ces Tables, à composer unevaste Table analytique de tous les Ouvrages de Swe-denborg. 'L'Index de Beyer nous est certainementd'une grande utilité ; mais cet Ouvrage a été com-posé avec trop de précipitation, il manque de mé-thode, les extraits étant placés sans autre ordre quecelui des lettres de l'Alphabet. Il nous faudra autrechose, si nous voulons faciliter les travaux de nossuccesseurs. La construction de ces Tables analy-

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PUBLICATIONS DE 1888 A 18S2. 291

tiques exige beaucoup de temps, de patience et depersévérance ; chacun peut en faire, mais chacun enfait à son point de vue. Je m'attache principalementà extraire les définitions, les sentences, les chosesles plus substantielles, et à les coordonner dans cha-que Article, en plaçant en tête la définition, s'il y ena une. Dans les Tables que je dresse maintenant,lorsqu'un article a besoin d'explications qui ne setrouvent pas dans le Traité, mais qu'on rencontredans d'autres Traités de notre Auteur, je fais suivrecet Article d'une observation en caractères pluspetits.

Quant aux Index des Passages de la Parole, j'airejeté l'Astérisque, et adopté une nouvelle notationqui me donne la facilité de désigner au Lecteur lespassages cités textuellement dans l'Ouvrage ; jen'emploie que les trois lettres *,e, ', placées en pe-tit caractère à la suite du Numéro. Ainsi :

1 Signifie Texte formel ;i Renversé, Texte en termes non formels ;e Explication ;' Illustration ;te Texte formel et Explication ;ti Texte formel et Illustration ;1° Texte non formel et Explication ;n Texte non formel et Illustration.Si le Numéro n'est suivi d'aucune lettre, il y a seu-

lement renvoi au Passage pour confirmation.Remarquez que par Illustration, j'entends non-

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PUBLICATIONS DE 1818 A 18SI.

seulement une Explication plus détaillée, mais aussiet principalement un de ces traits de lumière qui neconsistent souvent qu'en un seul mot, et qui cepen-dant peuvent résoudre un point controversé.

Tous ces travaux ne sont, pour ainsi dire, quedes préparations pour un travail beaucoup plus im-portant, et qui ne pourrait pas être entrepris fruc-tueusement sans eux ; je veux parler de la traduc-tion de la Parole en langue vulgaire. C'est à ce tra-vail que M. Harlé et moi nous tendons de tous nosefforts ; nous accumulons chacun de notre côté leplus possible de documents.

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SUR LA SUBSTANCE ET LA FORME.

A Monsieur D.

Saint-Arnaud (Cher}, 24 août 1853.

Les questions que renferme votre dernière lettreexigeraient, pour être convenablement traitées, delongues dissertations qui dépasseraient les bornesd'une simple lettre. Veuillez donc m'excuser, si jene fais qu'en aborder quelques-unes aujourd'hui.

Et d'abord, les difficultés que vous éprouvez poursaisir le spirituel comme substance ne viendraient-elles pas en partie de l'idée que vous avez de la subs-tance, à en juger du moins par cette phrase devotre lettre : <i Qui dit substance, ne dit-il pas quel-» que chose de matériel, ou au moins de saisissable ? »C'est là, il est vrai, le sens général qu'on donnedans le langage ordinaire au mot substance ; maissi l'on se reporte au dictionnaire de l'Académie, ontrouve pour première définition : « Substance, terme» de philosophie, Être qui subsiste par lui-même. »Puis il est donné pour exemples : « Substance spi-rituelle ; substance corporelle. » Ainsi, la philoso-

25*.

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294 SUR LA SUBSTANCE ET LA FORME.

phie elle-même reconnaît des Substances spiri-tuelles. Toutefois, la définition de l'Académie nepourrait, selon nos doctrines, s'appliquer qu'àDieu, puisque Dieu est le seul Être qui subsiste parlui-même ; aussi notre Swedenborg dit-il que Dieuest la Substance Même ; puis, en ce qui concerne lacréation, ou l'univers créé, il donne le nom de Subs-tance à ce qui constitue l'être même d'une chose,et le nom de forme à ce qui constitue l'exister decette chose, de sorte que tous les sujets ou objets,soit naturels, soit spirituels, ont substance et forme.

Quant aux substances et aux formes spirituelles,tout ce qui procède de la volonté est une substancespirituelle, et tout ce qui procède de l'entendementest une forme spirituelle. Vous avez une affection,cette affection est donc une substance spirituelle, cartoute affection procède de la volonté ; mais vous nepouvez pas avoir cette affection, sans avoir en mêmetemps une pensée qui vous la manifeste, et cettepensée qui procède de votre entendement est laforme spirituelle. Le statuaire veut une statue pourune fin ou dans un but quelconque, voilà la subs-tance spirituelle ; son entendement la conçoit detelle ou telle manière, voilà la forme spirituelle ;tout cela est et existe indépendamment du bloc demarbre ; seulement cette statue spirituelle ne subsis-tera qu'autant que la volonté et l'entendement dustatuaire, qui constituent l'être et l'exister de la sta-tue, subsisteront dans le même état chez le statuaire ;

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SUR LA SUBSTANCE ET LA FORME. 293

elle se modifiera, s'évanouira et reparaîtra selonl'état de ces deux facultés du mental ; et cela, parceque c'est seulement une statue spirituelle, et que les*objets spirituels, ne dépendant ni du temps ni de l'es-pace, ne subsistent que selon l'état et s'évanouissentquand l'état cesse. Mais si un bloc de marbre estdonné au statuaire, et que sa main sculpte la statue,la volonté et l'entendement passent, par cet acte, dumonde spirituel dans le monde naturel, le marbredevient la substance matérielle de la statue, et cemarbre, limité en tous sens par le ciseau du sculp-teur, en devient la forme matérielle ; tant que lastatue de marbre subsistera, elle présentera, fixéesau moyen de la matière, l'affection et la penséequ'avait le statuaire en sculptant la statue.

Telle est l'acception dans laquelle est pris le motspirituel respectivement au mot matériel.

Mais si l'on considère le spirituel respectivementau naturel, voici la définition qu'en donne Sweden-borg : « Par le spirituel il est entendu ce qui dans le» naturel appartient à la lumière du Ciel, et par le» naturel ce qui dans le naturel appartient à la lu-» mière du monde; car tout cela est appelé spirituel,» et tout ceci est appelé naturel. » — Arcanes Cé-lestes, N° b328. — Cette définition nous apprend àdistinguer un bien spirituel d'un bien naturel, et engénéral une action spirituelle d'une action naturelle,lorsque nous savons ce que Swedenborg entend parla lumière du ciel et par la lumière du monde dans

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296 SUR LA SUBSTANCE ET LA FORME.

l'entendement humain. Quant au Spirituel respec-tivement au Céleste, Swedenborg dit : « II faut» qu'on sache que le spirituel, dans un sens commun,» signifie l'affection tant du bien que du vrai ; de là» le Ciel est appelé monde spirituel, et le Sens interne» de la Parole Sens spirituel ; mais dans un sens» spécial, ce qui appartient à l'affection du bien est» appelé Céleste, et ce qui appartient à l'affection du» vrai est appelé Spirituel. » — Arcanes Célestes,N° 5639. — Ce N° 5639, trop long pour être rap-porté en entier dans une lettre, est d'une grandeimportance.

Maintenant qu'il est établi que le mot substances'applique aussi bien à l'immatériel qu'au matériel,et s'applique même, philosophiquement parlant, depréférence à l'immatériel, je passe à votre impor-tante question : « D'où est venue la matière ? »

Vous savez, d'après nos doctrines, que Dieu estsubstance, que sa substance est l'Amour Même et saforme la Sagesse Même ; que l'ensemble est l'HommeMême ou le Divin Homme ; que de ce Divin Hommeémane une sphère qui l'enveloppe et apparaît auxêtres spirituels sons la forme d'un Soleil répandantcontinuellement une chaleur spirituelle qui est l'A-mour, et une lumière spirituelle qui est la Sagesse,et que c'est par ce soleil que Dieu a créé l'universtant spirituel que matériel, et qu'il le conserve oule crée perpétuellement, puisque la conservation estune perpétuelle création comme la subsistance est

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SUR LA SUBSTANCE ET LA FORME. 297

une perpétuelle existence. D'après cela, votre ques-tion : D'où est venue la matière? peut être misesous cette forme : Comment la matière a-t-elle puémaner de Dieu qui es^immatériel? Mais à la ques-tion ainsi posée, on pourrait joindre celle-ci : Com-ment le spirituel a-t-il pu émaner d'un Être quiest Divin ? ou, en se reportant à la forme primitivede la question, y joindre celle-ci : D'où est venu lespirituel? Car la difficulté de solution pour l'une etl'autre question sera la même, quoique cela ne semblepas ainsi au premier abord, parce qu'on est porté àconsidérer seulement Dieu comme un Être spirituel.Mais la réflexion nous montre qu'entre le spirituel etle Divin'la différence est aussi grande qu'entre le ma-tériel et le Divin, car la différence entre le spirituelet le Divin est incommensurable, ainsi telle qu'en-tre eux on ne peut établir aucun rapport; qu'importéalors la différence qu'il y a entre le matériel et lespirituel? cette différence ne fait nullement que laseconde question soit plus facile à résoudre que lapremière. Quoiqu'à des degrés différents, toujoursest-il que le céleste, le spirituel et le matériel sontfinis, tandis que le Divin est infini ; on peut, entre lestrois, établir le rapport de la fin, de la cause etde l'effet, mais aucun rapport ne peut être établientre la céleste, qui est le plus élevé des trois, et leDivin, car il n'en existe aucun entre le fini et l'in-fini.

Nous reconnaissons sans contestation les subs-

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298 SUR LA SUBSTANCE ET LA FORME.

tances matérielles, parce que nous les voyons des yeuxdu corps; nous pouvons par l'entendement nous for-mer une idée des substances spirituelles et célestes;mais il y aurait folie, même pour des anges, à vouloirconnaître la substance divine ou même à vouloir nousen former une idée, parce que le fini ne peut en au-cune manière se former une idée de l'infini. Le Sei-gneur, en tant que Jéhovah ou le Père, est inacces-sible, invisible, incompréhensible, et inconjongible ;aussi, combien ne devons-nous pas être reconnaissantsenvers Lui, de ce qu'il a daigné, par amour pournous, descendre dans les derniers et prendre l'hu-main qu'il a divinisé, puisque maintenant par ce Di-vin Humain il est devenu accessible, visible, com-préhensible et conjongible pour tous ceux qui viventselon ses préceptes.

La création de la matière, comme résultant del'émanation de Dieu, ne doit donc pas être plus dif-ficile à admettre que la création du spirituel et ducéleste. Du moment qu'il y a eu création des fins etdes causes, il fallait nécessairement qu'il y eût pourcomplément création des effets, non-seulement deseffets spirituels, mais aussi des effets derniers quisont les matières. Lors donc qu'on admet que le cé-leste et le spirituel ont pu émaner de Dieu, on estconduit à admettre que le matériel a pu aussi enémaner. Quant à cette émanation, qui a produit l'u-nivers et qui le conserve à chaque instant, veuillezvous reporter, je vous prie, aux Lettres à un homme

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SUR LA SUBSTANCE ET LA FORME. 299

du monde sur la création. En somme, l'univers aété créé pour être réceptacle de Dieu ; Dieu est dansl'univers, mais l'univers n'est pas Dieu ; Dieu esthors de l'espace et dans l'espace, et hors du temps etdans le temps, ou, en d'autres termes, Dieu est dansl'espace sans espace et dans le temps sans temps ;mais par suite de l'éducation première que nousavons reçue, et aussi en raison de ce que nous som-mes dans l'espace et dans le temps, il nous est diffi-cile de ne pas mêler des idées d'espace et de tempsdans nos pensées sur l'infini et l'éternel.

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ÉTAT DE LA NOUVELLE ÉGLISE EN FRANCE.

A Monsieur W. C , à Annapolis (États-Unis de l'Amérique du Nord).

Saint-Arnaud (Cher), 28 septembre 1853.

Vous me demandez, mon cher frère, un aperçustatistique de la Nouvelle Église en France, consis-tant dans le nombres des Sociétés ; les localités où il ya des membres de l'Église et des amis de nos doc-trines.; les efforts qu'ils font individuellement oucollectivement pour répandre les doctrines ; quellessont les voies religieuses, morales ou pécuniaires,dont ils se servent pour préparer les esprits à la ré-ception des célestes vérités ; et vous me dites que laconnaissance de ces détails serait agréable à l'Égliseen général dans vos contrées. Puisque vous croyezque ces détails seront agréables à nos frères, je vousles transmettrai volontiers, bien qu'ils ne soient pas

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ÉTAT DE LA NOUVELLE ÉGLISE EN FRANCE. 301

aussi intéressants qu'on pourrait le désirer. Je vaissuivre l'ordre établi dans votre question :

1° Le nombre des Sociétés.!l n'y a pas en France, à proprement parler, de

Sociétés constituées comme celles qui existent auxÉtats-Unis et en Angleterre. Jusqu'à présent tous lesgouvernements qui se sont succédé ne l'auraient paspermis, et celui qui existe maintenant le permettraitmoins que tout autre. Nous devons donc attendre quela Divine Providence du Seigneur ait disposé cheznous les choses de manière que nous puissions clai-rement voir sous quelle forme la Nouvelle Église doitêtre constituée en France.

2° Les localités où il y a des membres de l'É-glise et des amis de nos doctrines.

Ces localités sont encore en petit nombre ; outreParis et Saint-Amand, comme possédant des mem-bres de l'Église, nous avons Versailles, Nantes,Boulogne, Toulouse, Tarbes, Orthez, Rayonne,Bourg, Châlon, Pau, Bordeaux, et plusieurs petiteslocalités. Quant aux amis de nos doctrines, la plu-part, par des considérations mondaines dont ilsn'ont pas encore pu se débarrasser, ne désirent passe mettre en évidence, ou bien ne veulent pas mêmeêtre connus de nous, ce dont j'ai la preuve par dessecours anonymes que je reçois de temps en temps.

3" Les efforts qu'ils font individuellement oucollectivement pour répandre les doctrines.

Les efforts sont plutôt individuels que collectifs,26.

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302 ÉTAT DE LA NOUVELLE ÉGLISE EX FRANCE.

puisqu'il nous est pour le moment impossible deformer des Sociétés. Les efforts individuels sont enraison du caractère de chacun ; en général, les nou-veaux membres sont plus actifs que les anciens, parceque sous l'impulsion de l'éclatante lumière qui vientde frapper leurs yeux, ils ne voient pas encore lesinconvénients qui peuvent résulter d'une propagandeirréfléchie. Les anciens agissent avec plus de pru-dence ; ils examinent attentivement la nature du ter-rain avant d'y jeter la semence ; leur amour du pro-chain est soumis, pour ainsi dire, à un calcul spiri-tuel ; ils aiment mieux laisser le prochain dans seserreurs que de lui dévoiler des vérités dont il nepourrait pas soutenir l'éclat, ou que peut-être il pro-fanerait.

4° Quelles sont les voies religieuses, morales oupécuniaires, dont ils se servent pour préparer lesesprits à la réception des célestes vérités.

Les voies religieuses et morales consistent pourchacun, dans le cercle restreint des personnes qu'ilconnaît , à saisir l'occasion de montrer les erreursde telle ou telle idée religieuse ou morale, et de ré-former cette idée en la présentant dans sa pure vé-rité, telle qu'elle résulte de nos célestes doctrines, età donner à lire à la personne, si elle y paraît dispo-sée, quelques-uns des Ouvrages de notre Sweden-borg, en choisissant ceux qui peuvent le mieux con-venir à son caractère. Les voies pécuniaires con-sistent dans une souscription annuel le pour la publi-

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ÉTAT DE LÀ NOUVELLE ÉGLISE E.\ FRANCE. 303

cation des Ouvrages de Swedenborg. Chacun souscritselon ses moyens, et le montant de la souscriptionlui est délivré en livres qu'il répand suivant sa con-venance. Biais, comme la plupart des membres sontdans une position de fortune peu aisée, cette sous-cription annuelle est très-faible, eu égard aux im-pressions qui nous restent à faire.

Ces détails, comme je vous le disais, ne sont pasaussi intéressants qu'on pourrait le désirer, et nedonneront pas à nos frères des États-Unis une idéebien satisfaisante de l'état religieux dans lequel setrouve la France. Il ne faudrait pas, cependant, qu'ilsjugeassent de l'état futur par l'état présent ; il y a,il est vrai, un temps d'arrêt, qui pourrait même êtreconsidéré au premier abord comme un pas rétro-grade vers les vieilles idées religieuses ; mais, pourqui connaît la France et le caractère de ses habitants,ce temps d'arrêt n'est qu'un simple repos pour sedisposer à marcher plus vite. La protection bien ma-nifeste que le Gouvernement accorde au clergé Ca-tholique romain, les prétentions de ce clergé, au-jourd'hui entièrement ultramontain, et ses empiéte-ments continuels, vont nécessairement forcer leshommes sensés et probes à étudier les matières re-ligieuses, afin de pouvoir opposer une digue auxenvahissements du parti-prêtre; et, en outre, cen'est que dans les Écrits de Swedenborg que les hom-mes sincères, qui cherchent la vérité, pourront trou-ver un refuge contre l'idolâtrie de Rome, le rationa-

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304 ÉTAT DE LA NOUVELLE ÉGLISE EN FRANCE.

lisme de Genève et le naturalisme des philosophes.De là l'importance de la publication des Écrits deSwedenborg en français.

Cette importance se déduit encore de ce que notrelangue est parlée non-seulement en France, mais en-core en Suisse, en Belgique, dans les anciennes pos-sessions françaises, et est en outre connue de pres-que tous ceux qui sur terre ont étudié une autrelangue que la leur ; en Russie surtout, où elle estpour ainsi dire la langue inalernelle de la haute so-ciété. C'est principalement sous ce point de vue queles traductions françaises peuvent être utiles dans cemoment, car elles ont pénétré en Suisse et en Belgi-que où nous avons des frères ; en Russie, d'où jereçois souvent des demandes de livres par l'entre-mise des libraires de Paris ; elles sont répanduesdans l'île de Jersey, ancienne possession française,où il existe une Église constituée ; elles se répan-dent maintenant à l'île Maurice, autrefois l'île deFrance, où elles ont pénétré il y a deux ans : par sadernière lettre mon correspondant de Maurice m'a-dresse une demande de livres, dont le montant s'é-lève à 1,064 francs, faite par 37 souscripteurs. J'aiaussi à différentes fois reçu de plusieurs officiers demarine au long cours des demandes de livres ; laplupart de leurs lettres me venaient des côtes del'Inde orientale, de Smyrne, de la mer Rouge; d'au-tres m'écrivaient de Nantes avant de partir pour lesIndes. Vous avez des Missionnaires, ne serait-ce pas

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ÉTAT DE LA NOUVELLE ÉGLISE EN FRANCE. 305

le cas de tâter maintenant l'élément français dans vosvastes contrées, et même au dehors, si vos Mission-naires sont envoyés aussi hors des États-Unis ; vousavez près de vous le Canada ; vous avez Saint-Domin-gue ; vous avez nos Antilles.

26*.

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ÉTAT SPIRITUEL DE LA FRANCE.

A Monsieur Jos. A , à Boston (Etats-Unisde l'Amérique du Nord).

Saint-Amand (Cher), 18 octobre 1853.

Quant à votre question : Quel est l'Etatspirituel de la France vis-à-vis de nos doctrines ?Voici ce que je puis vous répondre.

La Divine Providence étant non-seulement dansles communs, mais aussi dans les particuliers et lessinguliers et même dans les très-singuliers, car tousles cheveux de notre tête sont comptés, et il n'entombe pas un seul sans la permission de notre Pèrequi est dans les cieux, nous devons êlrc continuelle-ment convaincus que, quelque chose qu'il arrive, leSeigneur ne le permet que pour conduire le genrehumain à sa fin dernière, qui est la Nouvelle Jérusa-lem, dans laquelle chacun vivra sous son cep et sousson figuier.

Pour peu que le disciple de la Nouvelle Égliseréfléchisse sur les événements passés et présents,il voit dans chacun d'eux le doigt du Seigneur.

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ÉTAT SPIRITUEL DE LA FRANCE. 307

Quant à l'état de la France en particulier, ce qui sepasse aujourd'hui nous montre visiblement l'actionmiséricordieuse de la Divine Providence ; la France,depuis un siècle surtout, est ballotée entre le philo-sopliisme et le Catholicisme romain, ou plutôt entrele naturalisme et l'idolâtrie. Il faut que ces deuxforces se combattent et s'affaiblissent mutuellement ;mais si l'une était complètement victorieuse et anéan-tissait sa rivale, les vues miséricordieuses du Sei-gneur ne seraient pas remplies. Admettez la victoirecomplète du philosophisme sur le Catholicisme ro-main, la France devient athée ou tout au moinsarienne ; supposez, au contraire, le Catholicisme ro-main écrasant le naturalisme, la France tombe dansl'idolâtrie la plus grossière ; il faut donc que la luttecontinue entre eux, et qu'ils s'affaiblissent mutuelle-ment. Aujourd'hui le Catholicisme romain paraîtl'emporter ; mais ne voyez-vous pas qu'en mêmetemps que le parti-prêtre semble se renforcer ens'emparant de l'éducation de la jeunesse, il fait nosaffaires plutôt que les siennes ; il sera, il est vrai,maître de l'intelligence de ses élèves jusqu'à ce qu'ilsaient atteint l'âge de la rationalité ; mais alors ils luiéchapperont, et imbus de principes religieux faux,ils voudront les discuter en eux-mêmes, et serontplus disposés à recevoir les vrais principes religieuxque s'ils n'avaient sucé que le poison de nos écolesphilosophiques.

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DES SUBSTANCES.

A Monsieur D...

Saint-Amand (Cher), 15 décembre 1853.

Quelque nombreuses que soient mes occupations,je saurai toujours trouver un moment pour répon-dre aux questions que vous voudrez bien me faire.Veuillez donc, je vous prie, ne pas craindre de m'enadresser. Celle que renferme votre dernière lettreest relative aux substances ; vous me dites : « Si l'af-» fection est dans le sujet, par conséquent un état du» sujet, alors c'est le sujet qui est la substance. »Vous avez vous-même résolu la question. Oui, c'estle sujet qui est la substance ; et c'est pour cela queSwedenborg, en parlant des anges et des esprits,emploie quelquefois ces expressions : « Ils sont des» charités. Ils sont des paresses. » Un sujet est quel-que chose qui existe substantiellement; mais ce sujet,pour le cas dont il s'agit, est un sujet spirituel etnon un sujet matériel ; d'ailleurs, tout sujet matérielest l'enveloppe d'un sujet spirituel, organisé de lamême manière que lui, mais spirituellement

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DES SUBSTANCES. 309

Livrés l'un et l'autre aux occupations que leSeigneur nous a données, il nous est difficile de nousvoir quant aux corps, mais nos esprits sont souventen présence, et se chérissent mutuellement ; lorsdonc que le Seigneur nous aura appelés dans le inon-de spirituel, nous y ferons aussi des usages, carnotre vie s'y continue, et celui qui a aimé les usagesdans ce monde-ci les aime aussi dans l'autre ; maiscomme alors il suffira que l'un de nous pense à l'autre,pour que nous nous trouvions en présence, j'espèreque nous serons très-souvent ensemble.

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RÉPONSE A QUELQUES QUESTIONS.

A Monsieur II

Saint-Amand (Cher), le 28 janvier 185Û.

Dans votre dernière lettre, vous posez plu-sieurs questions ; commençons par le N° 103 de laVraie Religion Chrétienne. Dans l'ignorance où jesuis si vous avez emporté avec vous le premier vo •lume de ma traduction, je transcris ici le sujet enquestion.

« L'âme qui vient du père est l'homme lui-même,et le corps qui vient de la mère n'est pas l'hommeen soi, mais il est d'après l'homme ; c'est seulementson vêtement, tissu de choses qui sont du mondenaturel, tandis que l'âme est composée de choses quisont dans le monde spirituel. Tout homme après lamort dépose le naturel qu'il a reçu de la mère, etretient le spirituel qui lui vient du père, et en mêmetemps autour de ce spirituel une sorte de limbe tirédes parties les plus pures de la nature. »

Vous voyez d'abord qu'en employant le mot choses,j 'ai évité l'inconvénient que vous et vos amis vous

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RÉPONSES A QUELQUES QUESTIONS. 311

signalez au sujet du mot talibus, que la traductionanglaise rend par of such materials ; puis, le motlimbe, au singulier, étant pris en français dans plu-sieurs cas pour bord, limité., j'ai pensé que je pou-vais l'employer de préférence à tout autre mot pourexprimer le limbus du texte. Quant au mot naturœ,je crois qu'il serait impossible de le rendre autre-ment que par nature, même en se servant d'une cir-conlocution, car on courrait risque de faire dire-àl'Auteur ce qu'il n'a pas eu l'intention de dire ; j 'aisouvent eu lieu de remarquer que c'est en voulantrendre Swedenborg plus clair qu'on s'éloigne le plusdu sens réel de son texte. Il vaut donc mieux, sur lepoint en question, laisser à chacun le droit d'inter-préter le mot nature qu'il emploie. On peut d'ailleursconférer ce qu'il dit dans son Traité nu DIVIN AMOUR,]N'° 237, § o et 6 ; puis, dans le Traité DE L.V DIVINEPROVIDENCE, j\"° 220, où sont ces expressions : «Postmortem retinet puriora naturœ, qiue proxima spiri-tualibus sunt, et luec sunt tune ejus continentia. »Ces puriora naturœ peu vent-i l s résider dans lemonde spirituel avec l 'homme devenu esprit ou dé-tracé des crassiora dont il s'est dépouillé en mou-tj fj L

rant ? Telle est, ce me semble, la question à traiter.Pour la résoudre, il faudrait déterminer la qualité,ou, comme dirait Swedenborg, le quale de ces pu-riora naturœ. Essayons-donc. Vous savez que dansles deux, les deux royaumes du Seigneur, le céleste etle spirituel, quoiqu'il n'y a i l entre eux aucune corn-

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312 RÉPONSES A QUELQUES QUESTIONS.

munication, sont cependant liés l'un à l'autre, et celaau moyen de Sociétés angéliques intermédiaires,qui sont appelées Célestes-Spirituelles, (CIEL ET EX-FEU, N°27 ;) et elles sont appelées ainsi, parce qu'ellestiennent à la foi? et du céleste et du spirituel. Or,ne pouvons-nous pas, en nous reportant à la créa-tion de l'univers, qui se compose du monde spirituelet du monde naturel, conclure par analogie ( N° 20 )à l'existence de substances intermédiaires (N°28)entre ces deux mondes ? En l'homme aussi ont étérassemblées toutes les choses de l'ordre depuis sespremiers jusqu'à ses derniers (N° 30), et ce tout,étant composé de choses qui appartiennent aux degrésdiscrets, ne peut être cohérent qu'au moyen d'inter-médiaires ; « ce qui est intermédiaire, dit Sweden-borg, doit tirer quelque chose de l'un et de l'autrecôté, autrement il ne peut servir comme intermé-diaire. » A. C. 4585. Je serais donc porté à croireque ces puriora naturœ sont des choses intermé-diaires qui, parce qu'elles tiennent du spirituel etdu naturel, ont été appelées ainsi dans ces passagesde Swedenborg. Je vous soumets ces observationsqui se sont présentées à mon esprit à la lecture devotre lettre ; vous voyez, du reste, qu'elles ne dé-truisent en rien vos deux hypothèses, et peuventmême servir à les expliquer. Dans tous les cas, jepersiste à croire que le mot nature doit être con-servé dans une traduction de ce N° 103, sauf à l'ex-pliquer dans une note si on le juge convenable.

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RÉPONSES A QUELQUES QUESTIONS. 313

Quant au N° 689 de la Vraie Religion Chrétienne,il faut, je crois se reporter à l'époqne dont il estquestion, à savoir, au moment où Jean baptisaitdans le Jourdain. Il s'agit par conséquent de ceuxqui sur terre devaient alors former le noyau de lapremière Église Chrétienne, et de leur insertiondans le Ciel, quant à leur esprit, parmi ceux de l'É-glise précédente, qui avaient attendu et désiré le,Messie, pendant qu'ils vivaient dans le monde, c'est-à-dire, qui avaient reconnu un seul Dieu et avaientvécu conformément aux préceptes du Décalogue enfuyant les maux comme péchés ; car c'était là atten-dre et désirer le Messie. Quoiqu'alors le jugementdernier ir'eût pas encore été complètement exécutédans le monde spirituel sur l'Église juive dévastée,ceux-là néanmoins, ayant bien vécu sur terre, se trou-vaient dans le monde spirituel, consociés avec lesanges au moyen de l ' influx, et pouvaient transmettrecet influx à ceux qui étaient baptisés par Jean, et quialors, quant à l'esprit, étaient insérés dans le Cielparmi eux. D'après ces considérations j'ai d'autantmoins hésité à rendre les parfaits expectaverunt etdesider-averunt du texte par des pi us-que-parfaits,que ce temps est très-rarement employé par notreAuteur, qui se sert très-souvent du parfait, lorsquenotre langue très-exigeante veut le plus-que-parfait.J'ai donc traduit ainsi ce passage : «Si lechcminaétépréparé par le baptême de Jean, c'est parce que par cebaptême, ainsi qu'il vient d'êlre montré, on était in-

27.

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314 RÉPONSES A QUELQUES QUESTIONS.

troduit dans l'Église future du Seigneur, et insérédans le Ciel parmi ceux, qui avaient attendu et désiréle Messie, et qu'ainsi on était gardé par les anges. »

Puisque nous en sommes sur le Traité de la VraieReligion Chrétienne, je vous envoie ci-inclus VOb-servation que j'ai placée avant la Table analytique.Je vous prie de la communiquer à MM. Bush, Ford,Johnson, Hitchcock, lorsque vous vous réunirez àeux en petit comité ; et voici pourquoi. Si nos frèresd'Amérique ont l'intention, quand ils feront de nou-velles éditions des Traités de Swedenborg, d'y join-dre des Tables alphabétiques, je crois qu'ils feraientbien d'abandonner la marche qui a été suivie dans lacomposition de la Table alphabétique anglaise de laVraie Religion Chrétienne, et d'adopter celle quiconsiste à présenter les Extraits dans un ordre ra-tionnel, ce qui est beaucoup plus avantageux pourceux qui ont recours à ces Tables.

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DANGER DES COMMUNICATIONS

AVEC

LE MONDE DES ESPRITS.

A Madame de St-A...., à Oran (Algérie).

Saint-Amand (Cher), 22 avril 1854.

Il n'est pas étonnant qu'un Journal de ma-gnétisme dirigé par un moderne magicien parle malde Swedenborg ; il vaut mieux cependant qu'il en aitdit du mal que s'il en avait parlé avec éloge ; cardans ce dernier cas certaines personnes, en lisantun éloge de Swedenborg dans un tel journal, au-raient pu croire qu'il y avait entre nous et ces ma-gnétiseurs une communauté de sentiments. S'ilsaccusent Swedenborg d'avoir émis des principes im-moraux, les pharisiens avant eux avaient dit du Sei-gneur qu'il chassait les dénions par le prince des dé-mons. Du reste, le Seigneur n'a-t-il pas dit : «S'ilstraitent ainsi le Maître de la maison, à combien plusplus forte raison ses domestiques ?» Ne nous inquiétonsdonc pas de leurs blasphèmes ; ils tomberont aveceux, quand la lumière aura dissipé les ténèbres.

Quant aux tables tournantes dont vous faites men-

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316 DANGER DES COMMUNICATIONS

tion dans votre lettre, c'est là un sujet grave quipeut induire dans de funestes erreurs, et produirede terribles effets pour les imprudents qui se livrentà ce jeu en apparence futile, mais infernal en réalité ;les personnes qui s'y abandonnent ressemblent à desenfants qui jouent avec le feu. Aussitôt qu'il a étéquestion de ces tables, j'ai prévenu nos frères detous les inconvénients, tant spirituels que naturels,qui pouvaient en résulter, et aucun de nous ici n'acherché à faire des expériences, qui du reste ne nousauraient rien appris sur la nature de ce phénomène,puisque cette nature nous était bien connue. Ce n'estautre chose que la partie mauvaise du monde desesprits, mise maintenant en communication avec lapresque généralité des humains. Cette communica-tion, permise par le Seigneur, causera bien des per-turbations, tant dans la société en général que dansles familles et chez les individus, et nous devons nousattendre à de tristes événements. Mais ces perturba-tions et ces événements sont sans aucun doute dansles vues de la Divine Providence pour la régénéra-tion de l'espèce humaine, car sans cela le Seigneurn'eût jamais permis une telle communication. Gar-dez-vous donc, je vous en prie, d'assister mêmecomme simple spectatrice à aucune de ces expérien-ces, le Seigneur vous en récompensera. Quant à l'ap-parition de votre chère Minna, il n'y a rien qui puissevous donner la pleine certitudeque ce soit elle ; ce peutêtre elle, mais aussi ce peut ne pas être elle. Je n'ai

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AVEC LE MONDE DES ESPRITS. 317

jamais eu de vision, et j'espère que le Seigneur nepermettra jamais que j'en aie d'aucune sorte ; mais jeverrais mon père ; je reconnaîtrais tous ses traits ;il me rappellerait une à une toutes les circonstancesde mon enfance ; il me citerait des choses qu'il n'yaurait que lui et moi qui les connussions ; eh bien !je me dirais encore : Rien de cela me donne la pleinecertitude que ce soit lui ; ce peut-être lui, mais aussice peut ne pas être lui. Rappelez-vous ce que nousdit Swedenborg de ces mauvais esprits qu'il désignesous le nom de Syrènes. Les Syrènes s'emparent enun instant de toute la physionomie et du ton devoix d'une personne quelconque, homme, femme ouenfant, dans le monde des esprits ; elles s'emparentaussi de sa mémoire et de tout ce qui est dans sonmental, et se présentent alors à d'autres comme étantcette personne ; elles aiment surtout à se présentercomme des innocences, et alors tout ce qu'elles di-sent est conforme au rôle qu'elles jouent; mais aumilieu des bons conseils qu'elles donnent elles englissent de pernicieux ; car le seul but auquel ellestendent, c'est de perdre l'âme de ceux du monde na-turel avec lesquels elles se mettent en communica-tion

,27*.

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318 DANGER DES COMMUNICATIONS

A Madame B , à Nantes.

Sainl-Amand (Cher), 26 juillet 1854.

Je suis très-content que vous me consultiezau sujet de la prétendue apparition de la Vierge,parce que ceci va me donner l'occasion de vous pré-munir contre toutes les espèces de manifestationsspirituelles, qui se produisent maintenant, et qui seproduiront à l'avenir d'autant plus fréquemment queles idées se tournent aujourd'hui vers ces sortes dephénomènes. Dans l'état où se trouve actuellementnotre monde, toute communication avec le mondedes esprits est dangereuse. Quelque bons que pa-raissent les conseils que les esprits peuvent donneraux personnes qui sont en communication avec eux,ils sont toujours entachés de quelque hérésie perni-cieuse, par cette raison qu'il n'y a que de mauvais es-prits qui puissent désirer entrer en communicationdirecte avec notre inonde. Il n'y a que deS espritssensuels et corporels au plus bas degré qui cherchentà pénétrer par le moyen de l'homme dans le mondenaturel, parce que ceux-là seuls regrettent ce mondeet veulent savoir ce qui s'y passe, afin d'y exercerdirectement leur malice aux dépens des dupes qui lesécoutent et les vénèrent comme des oracles. Les bonsesprits savent que ce mode de communication est

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AVEC LE MONDE DES ESPRITS. 319

contraire aux lois de l'ordre, et ils agissent sur nousd'après les moyens ordinaires en nous communi-quant des affections bonnes et des pensées vraies sansque notre liberté soit lésée, tandis que par les moyensextraordinaires nous nous trouvons privés de notrelibre arbitre et à la merci d'esprits astucieux.

D'ailleurs, vous savez qu'il est très-facile à unmauvais esprit de se transformer en ange de lumière ;aussi n'y manque-t-il jamais, lorsqu'il est en rapportavec des personnes pieuses ? S'il s'adresse à des Ca-tholiques romains, il dira qu'il est tel Saint, ou laVierge elle-même ; s*l s'adresse à des Protestants,il se présentera comme étant FEsprit-Saint ; s'il s'a-dresse à des membres de la Nouvelle Église, il diraqu'il est Swedenborg, ou même le Seigneur; etdans l'un ou l'autre de ces cas, il parlera toujoursconformément à la doctrine de ceux à qui il s'a-dresse, et il les flattera adroitement pour s'em-parer d'eux, et pour les faire tomber dans de mon-strueuses hérésies. Le Seigneur ne parle aux hom-mes que dans sa Parole ; et nous pouvons maintenantl'enten.dre d'autant plus facilement qu'il nous l'aouverte par son second avènement, en nous endévoilant le sens interne au moyen de son serviteurSwedenborg. Quant à Swedenborg, qu'aurait-il be-soin de venir maintenant causer avec des hommes ?Ne possédons-nous pas ses inappréciables Écrits, quisuffisent certainement pour l'instruction des généra-tions présentes et futures ? L'apparition de la Yierge,

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320 DANGER DES COMMUNICATIONS

dont vous me parlez dans votre lettre, n'est donc quel'une de ces mille opérations magiques dont s'occu-pent les mauvais esprits pour séduire les pauvreshumains...........

A Monsieur M , à Port-Louis (Ile-Maurice).

Sainl-Amand (Cher), le 18 octobre 1854.

Si les tables parlantes avaient été en renom,il y a vingt ans, lorsque je commençais à étudier lesÉcrits de Swedenborg, j'aurais fait comme vous, jeme serais livré à des expériences ; mais depuis vingtans, j'ai longuement médité les enseignements quenous donne Swedenborg sur les dangers qu'il y amaintenant à entrer en conversation avec les êtresdu monde spirituel, et lorsqu'il a été question de cestables, je me suis bien gardé de m'en occuper ; ellesne pouvaient rien nous apprendre, et elles auraientpu sous plus d'un rapport nous être très-préjudi-ciables, en nous inculquant des principes erronés aumoyen de flatteries faites avec une satanique adresse,et en nous berçant d'illusions nuisibles à notre pro-pre régénération. Aucun de nous, à Saint-Amand, nes'en est donc occupé ; il en a été de même à Paris,nos frères s'en sont abstenus.

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AVEC LE MONDE DES ESPRITS. 321

Quant au fait en lui-même, il est certainement pro-videntiel, comme tout ce qui arrive ; mais il est dela classe des faits de Permission. Le Seigneur a per-mis aux Esprits sensuels-corporels, — car il n'y aque ceux-là qui désirent entrer en communicationdirecte avec les hommes,— de lier conversation avecdes habitants de notre globe, parce qu'il est de saDivine Providence de tirer du bien des pernicieusesintentions de ces esprits qui ne se plaisent qu'à dres-ser d'astucieuses embûches ; et je reconnais avecvous que ce phénomène de tables dont on s'occupedans toutes les classes de la Société, soit ouverte-ment, soit secrètement, aura pour premier avantaged'amener beaucoup de personnes à méditer sur leschoses spirituelles, ce qu'elles n'auraient pas faitsans cela. Mais aussi, que de maux il en résultera !combien d'hérésies il en surgira ! que de désillusion-nements ! combien d'hommes en deviendront fous !nos hospices aujourd'hui en reçoivent chaque jourdont la folie n'a pas eu d'autre cause. Si les limitesd'une simple lettre me le permettaient, que de chosesj'aurais à vous dire sur ce point ; mais j'ai encorebeaucoup d'autres questions à examiner avec vous.Passons à la suivante :

De l'origine du mal.

Cette question que vous me posez est de laplus haute importance ; je n'ai pas la prétention de

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322 DE L'ORIGINE DU MAL.

a résoudre ici à la satisfaction de tous ceux qui dé-sireraient la voir complètement hors de doute ; ilfaudrait pour cela la traiter pour ainsi dire ex pro-fessa ; je vais cependant vous présenter quelques rai-sonnements qui font qu'elle ne laisse en moi aucundoute, parce que je la trouve implicitement résoluepar suite des principes qu'on rencontre ça et là dansSwedenborg.

Tout ce qui procède de Dieu, nous dit notre Au-teur, est Dieu ; ou, tout ce qui procède du Divin estun Divin ; ainsi, le bien, le vrai, la justice, etc.,sont Dieu ou des Divins dans les réceptacles dans les-quels ils se trouvent, anges, esprits ou hommes. Tousceux qui croient avoir Dieu en eux ailleurs que dansle bien, le vrai, la justice, etc., sont dans une grandeerreur, et deviennent enthousiastes, visionnaires,etc. Le Seigneur habite ainsi dans ce qui lui appar-tient (insuo) chez l'ange et chez l'homme. Toutesces choses de Dieu sont incréées comme Dieu ; commelui elles sont ab œterno in œternum ; mais la créa-tion n'est que in œternum, et non ab œterno;c'est là ce qui principalement la distingue du Divin.La création, ou, en d'autres termes, les êtres ouvases récipients de certains attributs de Dieu, n'étaientpas des divins, ont dû nécessairement avoir un Pro-pre, et ce propre par cela même est opposé au divin ;si un seul de ces récipients n'avait pas son propre,il serait Dieu ; or, l'opposé du Divin, ou du bien, duvrai, de la justice, etc., est le mal, le faux, l'injus-

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DE L'ORIGINE DU MAL. 323

tice, etc. Voilà donc ce que sont les hommes, etmême les anges du troisième Ciel, considérés quantà leur propre, lequel, quoique éloigné par la récep-tion du Seigneur chez eux, n'en subsiste pas moins,et même est indispensable pour leur perfectionne-ment continuel pendant l'éternité (in œternum);s'il cessait de subsister, ils se confondraient avecDieu et perdraient ainsi leur individualité, ou ce quifait qu'ils sont des créatures distinctes, et l'œuvre dela création, qui a principalement consisté à formerdes réceptacles ou récipients de Dieu, distincts deDieu, serait détruite. Les Très-Anciens, quoiqu'ilsreçussent d'abord le bien et le vrai sans les altérerd'une manière perceptible, avaient donc en eux àl'état latent les opposés, par cela seul qu'ils étaientdes réceptacles de Dieu, distincts de Dieu et non desdieux.

En créant les hommes, Dieu savait par conséquentqu'il les créait renfermant caché en eux un opposé,qui plus tard se développerait, et constituerait l'enfer ;il le savait, et s'il n'y a pas remédié, c'est qu'il ne lepouvait pas sans renoncer à la création, ainsi qu'ilrésulte de ce qui précède, et aussi parce que cetopposé était indispensable pour la formation et leperfectionnement à l'infini de son Royaume ou du Ciel.Cela peut à première vue paraître extraordinaire,mais néanmoins cela est une vérité que prouve l'ex-périence, lorsqu'on y a recours en réfléchissant surla nature du bien, du vrai, de la justice, etc. Est-ce

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324 DE L'ORTGINE DU MAL.

que l'homme pourrait se former une idée du bien s'iln'y avait pas le mal, ou du vrai s'il n'y avait pas lefaux, ou de la justice s'il n'y avait pas l'injustice, oudu beau sans le laid, ou du chaud sans le froid, etc. ?« Le bien, dit Swedenborg, n'est connu tel qu'il estque par relation avec un bien qui est moindre, et paropposition avec le mal L'opposé ôte et aussiexalte les perceptions et les sensations ; il les ôte,quand il se mélange, et il les exalte quand il ne semélange pas. » — D. P. 24. — « Le mal et enmême temps le faux servent pour l'équilibre, pour larelation et pour la purification, et ainsi pour la con-jonction du bien et du vrai chez d'autres. » — D. P.21. — II résulte de là que Dieu, quoique Tout-Sa-chant et Tout-Puissant, ne pouvait pas faire que lemal n'existât pas, puisqu'on créant l'univers il fallaitnécessairement qu'il créât quelque chose qui ne fûtpas Lui. Ce qui était conforme aux lois de son OrdreDivin, c'était de créer des réceptacles, et d'y infuseren même temps le bien et le vrai, avec pleine libertépour chaque réceptacle de conserver ces précieuxdons, ou de les altérer en se retournant vers sonpropre.

Nous n'avons pas en France l'avantage deposséder, comme en Angleterre et aux Etat-Unis,des temples et des ministres exerçant publiquement.La liberté des cultes n'existe en France que sur lepapier ; nos (rois révolutions qui l'ont proclaméen'ont pas encore suffi pour l'introduire de fait, sinon

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DE L'EXERCICE DU CULTE. 325

momentanément. Elle n'existe de fait que pour lescultes reconnus par l'État, à savoir, Catholique ro-main, Protestant national et Juif ; on ne tolère pasmême les Protestants dissidents, à plus forte raisonne nous laisserait-on pas libres de prêcher publique-ment. Cependant ici, à Saint-Amand, depuis près devingt ans que nous nous sommes séparés ouvertementde l'Église romaine, on ne nous a pas inquiétés ; lescérémonies se font dans un salon de ma maison quej'ai affecté à l'usage du culte ; les baptêmes et lesmariages s'y célèbrent aussi, et quand il y a un décès,l'enterrement se fait publiquement sans que l'auto-rité s'y oppose. Nos frères de Paris se réunissentaussi dans un local particulier. Il y a seize ans, nousavions entrepris la construction d'un temple, dontvous verrez le plan dans le second volume de la Re-vue ; mais, par des motifs qu'il serait trop long devous expliquer, celte construction a été suspendue,et nous n'en sommes pas fâchés aujourd'hui; car,sous le gouvernement actuel, il ne nous aurait pasété permis de nous y réunir.

SUR L'ÉLECTION ET LA PRÉDESTINATION.

Au même.

Saint-Amand (Cher), 26 mars 1856.

J'ai bien des fois entrepris de vous écrire; maispour vous répondre, il me fallait relire votre disser-

28.

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326 SLR L'ÉLECTION

tation sur la question du bien et du mal, et lorsquecelte lecture était terminée, je me trouvais dans untel état de tristesse, que je reprenais mes travauxordinaires, sans pouvoir me décider à combattre vosconclusions. Il est encore trop tôt, ni» disais-je ; maréponse produirait peu d'effet ; ou peut-être, en per-pétuant la discussion, produirait-elle un effet opposéà celui que je désire ; il vaut mieux différer; la lec-ture des Ouvrages de Swedenborg, et les réflexionsqu'elle fera naître, seront sans aucun doute plus effi-caces. Mais il y a un terme à tout, et mon silence nepeut durer plus longtemps ; je n'entrerai donc pasen discussion, je vous citerai seulement sur l'Élec-tion et sur la Prédestination une série de passagesde notre Auteur :

\. Dans la Parole sont î^ppelés Elus ceux qui vi-vent selon l'ordre introduit dans la Création. — R.C.134.

2. Par les Élus sont entendus ceux qui sont dansla vie du bien, et de là dans la vie du vrai. — D. C.276. A. C. 6487, 6i88.

3. Ceux qui sont avec le Seigneur dans les exter-nes de l'Église sent dits Appelés, ceux qui sont dansles internes sont dits Elus, et ceux qui sont dans lesintimes sont dits FidHrs. — A. R. 744.

4. Par les Elus, il n'est pas entendu que quel-ques-uns ont été élus par prédestination, mais sontapp'elés ainsi ceux qui sont avec le Seigneur.— A. R.744. ^ - "J0(|

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ET LA PRÉDH5TINATION. 3*27

5. Les Elus signifient ceux qui sont dans le biende la Charité. — A. E. 418, 433, 624, 630, 650,1074.

6. Les Elus signifient ceux qui sont dans la viedu bien et du vrai. — A. G. 3755, 3900, 4060.C. E.420.

7. Il n'y a pas Election ni par suite admissiondans le Ciel par la seule Miséricorde, selon l'opiniondu vulgaire. —A. C. 5057, 5058, 8700. C.E. 420.

8. Il n'y a aucune Élection avant la naissance, niaprès la naissance, mais tous sont élus pour le Ciel,parce que tous ont été appelés. — R. C. 664.

9. Après la mort, le Seigneur choisit ceux qui ontbien vécu et ont sainement cru. — R. C. 664.

10. Le dogme de l'Église d'aujourd'hui sur l'E-lection est pernicieux et conduit à la prédestination.— R. C. 486, 629.

11. Dieu ne peut prédestiner l'âme d'aucun hom-me à la mort éternelle. — R. C. 56, 72.

12. Tout homme a été prédestiné pour le Ciel,. 6tpersonne ne l'a été pour l'enfer ; mais l'homme selivre lui-même à l'enfer. — R. C. 490.

13. Chaque homme naît pour le Ciel, et nul nenaît pour l'enfer ; et chacun vient dans le Ciel parle Seigneur, ou dans l'enfer par soi-même. — AM.C. 350.

14. Une prédestination autre que pour le Ciel estcontre le Divin Amour qui est infini, et aussi contrela Divine Sagesse qui est infinie. — D. P. 330.

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328 SUR L'ÉLECTION ET LA PRÉDESTINATION.

15. Il n'y a pas de Prédestination ou de Destin;fous ont été prédestinés pour le Ciel, et nul ne l'a étépour l'enfer. — D. G. 276. A. G. 6487, 6488.

16. Supposer que quelques-uns du genre humainont été damnés par Prédestination est une hérésiecruelle. — D. P. 330 (*).

Je désire de tout mon cœur, mon cher Monsieuret Frère, que ces extraits de Swedenborg vous fassentrevenir sur un point si important, qui, je l'espère,n'a pas encore été confirmé en vous. Appelez-en desdécisions de votre entendement aux bonnes affectionsde votre cœur. Malgré les admirables beautés qu'ontrouve dans les Écrits de Swedenborg, je ne l'auraisjamais pris pour mon guide spirituel, s'il avait admisla Fatalité ou Prédestination ; je serais resté telque j'étais avant de connaître ses Écrits. Pour mefaire abandonner le Dieu des philosophes, Être indif-férent et insaisissable, il me fallait un Dieu Amouret Sagesse, un Dieu-Homme, un Père veillant conti-nuellement sur toutes ses créatures, portant au biencelles qui consentent à se laisser conduire par Lui,et s'efforçant continuellement de retirer d'un malplus profond dans un mal moindre celles qui résis-tent à son action.

(*) A. C., pour Arcanes Célestes ; D. C., pour de la Nouvelle Jé-rusalem et de sa Doctrine Céleste ; D. P., pour Divine Providence ;A. R., pour Apocalypse Révélée; AM. G., pour Amour Conjugal ;R. C., pour Vraie Religion Chrétienne.

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RÉPONSES A DIVERSES QUESTIONS.

Au même.

Saint-Amand (Cher), 26 juin 1856.

L'ouvrage de M. de Mirville peut être bonpour faire admettre par quelques personnes les théo-ries de Swedenborg ; mais si ces personnes sont pru-dentes et sages, elles feront bien ensuite de s'en te-nir à notre Auteur.

Le mot statue (Gén. XXVIH. 18) est le mot pro-pre et étymologique ; stare, se tenir debout ; les an-ciens appelaient statue toute pierre qu'ils dressaientpour témoignage, sans pour cela la façonner; mettretémoignage au lieu de statue, ce serait interpréter,et alors sortir de la lettre ; d'ailleurs, dans le sensspirituel, témoignage a une autre signification questatue. Le mot monument, employé par David Mar-tin, ne convient nullement, il emporte avec lui l'idéede construction ; statue, par son étymologie, est leseul convenable, en rejetant l'idée de pierre ciselée.Ce que nous appelons maintenant statue de pierre

28*.

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330 RÉPONSES

est désigné dans l'Écriture, selon la.version de Swe-denborg, par sculptile (image taillée), et la statuede fonte est désignée par fusile (image de fonte).

Jean, XXI. 25. — Voir dans la Revue, VIIe vo-lume, page 293, le sens interne de ce Verset. Quantau sens de la lettre, on peut même s'en rendrecompte ; en effet, toutes les actions du Seigneur,toutes ses paroles et jusqu'aux moindres gestes, toutétait représentatif et significatif, et même chaqueaction, chaque parole et chaque geste, étant d'es-sence divine, contenait en soi l'infini. Si donc toutcela était rapporté et développé dans les trois sens,le monde pourrait-il contenir les livres qu'on enécrirait? Il n'existe aucune raison de contenance en-tre le fini (le monde) et l'infini (le Seigneur). La Pa-role,, qui est Dieu, n'est-elle pas inépuisable ? Unseul de ses Versets, qui est Dieu aussi, puisque le Di-vin est indivisible, n'est-il pas inépuisable ? Les An-ges du troisième Ciel n'y trouveront-ils pas leurnourriture intellectuelle pendant toute l'éternité, eny puisant toujours de nouvelles connaissances, denouvelles idées, sans jamais la tarir ?

Quant aux divers contrastes que vous me signalez,et vous auriez pu m'en signaler beaucoup d'autres,on a toujours, depuis les premiers siècles du Chris-tianisme, cherché à les concilier, mais on n'y est pasparvenu, et l'on n'y parviendra jamais, tant qu'on nevoudra pas reconnaître qu'il y a un sens interne dans

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A DIVERSES QUESTIONS. 331

la Parole, et que cette Parole a été donnée aussi bienpour les anges et pour les esprits que pour les hom-mes ; car .toutes les expressions qui sortaient de labouche du Seigneur, lorsqu'il était dans le monde,étaient dites pour toutes ses créatures, et étaient en-tendues par les esprits et par les anges (par chacunselon le sens qui convenait à son état) en mêmetemps qu'elles frappaient les oreilles des hommes quil'écoutaient. La série devait toujours exister dans lesens spirituel, qui est l'esprit même de la Parole ; etpour que cette série ne fût pas interrompue, il fallaitnécessairement qu'en certains endroits le sens de lalettre se prêtât aux exigences du sens spirituel ; delà le décousu et les contrastes qui se présentent sou-vent dans le sens littéral. Pour vous convaincre queces contrastes ne doivent pas être pour nous despierres d'achoppement, veuillez lire entièrement unArticle remarquable de la Revue, sous ce Titre : «Dela Parole Divine.» — Tom. VIII. page 289 à 311.— Cet Article est du général russe M , et a ététraduit en français par une princesse russe qui estvenue nous voir à Saint-Amand.

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ANNIVERSAIRE SÉCULAIRE,DISTRIBUTION AUX BIBLIOTHÈQUES.

A Monsieur Jos. Andrews, à Boston (Etats-Unis d'Amérique),

Saint-Amand (Cher), 9 mai 1857.

Vous me demandez des détails sur l'état de la Nou-velle Église soit en France, soit dans les autres paysoù j'ai des communications par correspondance ; jevais, autant que possible, tâcher de vous satisfaire.Je me serais certainement fait un devoir de vousécrire plus souvent, et de vous tenir au courant detout ce qui peut intéresser nos amis d'Amérique, siun devoir plus impérieux ne m'eût contraint de cesserpour ainsi dire mes relations épistolaires, pour m'oc-cuper exclusivement de la tâche que j'ai entreprise,et que je désire vivement ne pas interrompre, afind'avoir le temps de la terminer. Je ne puis donc guèrevous parler que de ce que j'ai fait, et vous pensezbien qu'il n'est nullement agréable d'être obligé, àdéfaut d'autres choses, d'entretenir les autres de soi ;c'est là un second motif qui me fait depuis longtemps

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DISTRIBUTION AUX BIBLIOTHÈQUES. 333

garder le silence. Cependant, dans la circonstanceprésente, je dois, d'après votre demande, faire vio-lence à ma répugnance, et instruire nos frères desÉtats-Unis de ce qui s'est passé dans nos contréesdepuis l'été dernier.

Vers la fin d'août, nous partîmes, ma femme etmoi, pour visiter nos amis de la Suisse. Nous noustrouvions à Neuchâtel le 3 septembre, au moment oùle château fut pris, par suite d'un complot, et nousdéjeunions le même jour dans un village, à une lieuede là, chez des amis, de la Nouvelle Église, lors-qu'une colonne d'insurgés royalistes se dirigeant surNeuchâtel traversa le village en y commettant desdévastations, ce qui nous obligea à y passer la nuit ;mais le lendemain le château ayant été repris, nousrentrâmes à Neuchâtel. Nous allâmes ensuite voir desfrères à Yverdun et à Berne ; à Vevey, nous visi-tâmes le ministre, M. Jacquier, que nous avions déjàvu lorsqu'il habitait Paris. Pendant notre séjour àNeuchâtel, j'eus occasion de voir le bibliothécaire,jeune littérateur distingué. Il accepta l'offre d'unecollection complète des Ouvrages de Swedenborg pu-bliés par nous, pour la bibliothèque publique dont ilest le conservateur. Le bon accueil fait à cette offreme suggéra l'idée de doter aussi Genève des Ouvra-ges de Swedenborg ; c'est pourquoi, dès notre arri-vée dans cette ville, nous allâmes visiter la biblio-thèque publique, et l'offre que je fis au bibliothécairefut agréée avec de grands remerciements. Il en fut

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ANNIVERSAIRE SÉCULAIRE,

de même lorsque nous visitâmes une autre biblio-thèque très-importante, qui appartient à la sociétéde lecture, composée de plus de trois cents membres ;mon offre d'une collection des Ouvrages de Sweden-borg fu t acceptée avec des témoignages de vive gra-titude.

Ce succès obtenu en Suisse nous fit penser qu'enFrance le moment était peut-être venu de mettre lesOuvrages de Swedenborg à la disposition du public ;car depuis nombre d'années nous avions vainementt'ait des efforts pour doter de ces Ouvrages les biblio-thèques des grandes cités, et ce n'est qu'avec beau-coup de démarches que nous étions parvenus à lesfaire accepter par quelques bibliothèques ; ainsi, parquatre bibliothèques à Paris, et par celles de Besan-çon, de Rennes et de Saint-Malo. Il s'agissait doncde faire de nouveaux efforts. D'ailleurs, l'état de laNouvelle Église en France ne lui permettant pas decélébrer par une manifestation publique son entréedans le second siècle de la nouvelle ère chrétienne,il nous paraissait convenable de célébrer l'anniver-saire centenaire par un moyen quelconque, et la do-tation des bibliothèques pouvait être celui que le Sei-gneur nous avait réservé. Mus par cette pensée, nousadressâmes une circulaire (*) aux principales biblio-thèques de France et de l'étranger, et le succèsqu'elle obtint dépassa nos espérances. Nous avons

(*) Voir aux nutes additionnelles,

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DISTIUCUTION AUX BIBLIOTHÈQUES. 335

reçu 84 lettres d'acceptation, contenant toutes desexpressions de gratitude pour le don, et renfermantpour la plupart une haute appréciation du caractèrede Swedenborg.

Voici les noms des villes qui ont reçu gratuitementles collections de nos Ouvrages, formant chacune unballot de 52 volumes.

Carcassonne.Chàlons-sur-Marne.Chàlons-sur-Saône.Chartres.Clermont-Ferrant.Dijon.Dijon, société de Lecture.Dole.Douai.Dunkerque.Evreux.Grenoble.

FRANCEAbbevillc.Agen.Aix.Alençon.AmieBs.Angers.Angoulème.Arles.Arras.Auxonne.Bar-le-Duc.Bayonne.Beauvais.Béziers.Blois.Bordeaux.

La Rochelle.Laval.Le Havre.Le Mans.Lille.

Boulogne-sur-Mâ7.!Joli"";HLimogcs.Bourg-en-Brêsse. Lisieux. .noluoT

«•Icqionhq ''l ob Jo obyuc!

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336 ANNIVERSAIRE SÉCULAIRE,

Lyon. Troyes.Lyon, palais des arts. Valence.Maçon. Valenciennes.Montargis. Vannes.Montauban. Versailles.Montpellier. Vienne.Moulins. —Nancy.Nantes.Narbonne.Nevers.Nîmes.Orléans.Pau.Périgueux.Poitiers.Reims.Rochefort.Saint-Etienne.Saint-Omer.Saint-Quentin.Saumur.Sedan.Strasbourg.Tarbes.Toulon. —

Dans une lettre précédente, je vous avais indiquéles envois gratuits faits aux principales bibliothèquesde Suède et de Paris, et à quelques bibliothèques de

BELGIQUE.Anvers.Bruxelles.Gand.Liège.Louvain.

SUISSE.Lausanne.

ÉTATS-SARDES.Nice.

HOLLANDE.Utrecht.

ALLEMAGNE.Hambourg.

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DISTRIBUTION AUX BIBLIOTHÈQUES. 337

France ; j'ajouterai que l'année dernière une collec-tion complète a été acceptée par la bibliothèque del'école polytechnique.

Voici les noms des villes qui n'ont pas répondu àmon offre gratuite, ou qui ont refusé le don :Alger.Alby.Amsterdam.Auxerre.Avignon.Berlin.Calais.Cambrai.Castres.Châteauroux.Cherbourg.Colmar.Constantine (Algérie).Dieppe.Épinal.

Foix.Grasse.Le Puy.Leyde.Marseille.Metz.Niort.Oran (Algérie).Perpignan.Rouen.Soissons.Toulouse.Tours.Turin.Verdun.

Voilà donc une centaine de collections complètes,c'est-à-dire, plus de cinq mille volumes mis à la dis-position du public, et confiés à la garde de biblio-thécaires, hommes instruits et toujours jaloux deconserver précieusement les ouvrages qui sont unefois entrés dans l'établissement qu'ils dirigent. Enagissant ainsi, nous avons cru suivre une impulsiondonnée par le Seigneur, et nous espérons que cesvolumes produiront leurs fruits lorsque le Seigneur

29.

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338 ANNIVERSAIRE SÉCULAIRE.

le jugera à propos. Nous avions aussi à cet égard undevoir à remplir : Nous avons reçu à diverses épo-ques des secours pécuniaires, tant de nos frères deFrance que de ceux d'Angleterre et des États-Unis;ces secours nous étaient adressés pour la publicationdes Ouvrages de Swedenborg, sans aucune autreprescription ; mais nous avons pensé qu'après avoirdonné à ces fonds leur destination, à savoir, l'im-pression des Traités théologiques de notre Auteur,le meilleur moyen de témoigner nos remerciementsà ces bienveillants donateurs, c'était d'aller au-devantde leurs désirs, en mettant les Écrits de Swedenborgà la disposition de toutes les personnes qui fréquen-tent les bibliothèques publiques.

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DE L'ORIGINE DU MAL.

A Monsieur M , à Port-Louis (Ile-Maurice).

Saint-Amand (Cher), 11 juillet 1857.

Après avoir cité celte phrase de ma réponseà une précédente question :

« En créant les hommes, Dieu savait par consé-quent qu'il les créait renfermant caché en eux un op-posé qui plus tard se développerait et constitueraitl'enfer ; il le savait, et s'il n'y a pas remédié, c'estqu'il ne le pouvait pas sans renoncer h la création,etc. «

Vous dites :« Eh bien ! l 'humanité est arrivée plus tard dans

le mal, et cela, jusqu'à nos jours, ainsi qu'il est men-tionné ci-dessus. Nous demandons de quel côté est lafaute;du côté de Dieu, ou du côté de l 'humanité quine s'est pas faite d'elle-même. Là est toute la ques-tion. »

Vous dites ensuite :« Maintenant, j'ajoute de mon propre gré : Est-ce

réellement une faute ? Est-ce bien là le mot propre?»

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340 DE L'ORIGINE DU MAL.

Non ; en ce qui concerne la création et la naturede l'homme, il n'y a eu faute ni du côté de Dieu, nidu côté de l'humanité. Non ; ce n'est pas là le motpropre. Les choses ne pouvaient pas être autrementqu'elles n'ont été. Dieu ne pouvait pas créer desDieux, ni même créer des Divins, puisque tous lesDivins, tels que le Bien, le Vrai, la Justice, etc., sontab œterno, comme Dieu Lui-Même ; il ne pouvaitpas non plus créer l'homme automate ou sans librearbitre. Dieu ne pouvait que créer des réceptacles deces Divins avec plein pouvoir de les adultérer, etc'est ce qu'il a fait.

Quant à l'explication que vous donnez, quoiquetrès-ingénieuse, je ne puis l'admettre tout entière,et voilà pourquoi : II me semble, si toutefois j'ai biensaisi votre argumentation, que vous divisez les hom-mes en deux catégories : ceux qui ont été créés hom-mes intérieurement, et ceux qui n'ont pas été crééshommes intérieurement, et qui sont des opposésnécessaires à la régénération des autres. S'il enétait ainsi, on pourrait accuser Dieu d'injustice,puisque nous ne serions pas tous enfants de Dieu aumême titre, les uns ayant été créés pour être heureux,et les autres pour être malheureux ; ce serait, end'autres termes, la classification en élus et en re-prouvés, tandis qu'au contraire tous les hommes in-distinctement sont créés pour le Ciel. — D. P.N° 330.

Cet opposé au Divin que Dieu, en créant les

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DE L'ORIGINE DU MAL. 341

hommes, savait être renfermé en eux, c'est l'a-mour de soi ; et si Dieu n'y a pas remédié, quoi-qu'il le sût, c'est parce que l'homme n'étant pas Dieu,ne pouvait exister qu'autant qu'il aurait en lui l'amourde soi. Tous les hommes sont donc indistinctement parleur nature des opposés au Divin, mais en mêmetemps tous indistinctement sont aptes à subordonnerpar la régénération cet amour de soi à l'amour deDieu. L'amour de soi, dit Swedenborg, est de créa-tion ; il reste chez l'homme, même lorsque l'hommeest devenu ange, mais il doit faire les pieds et non latète ; s'il fait la tête, l'homme est un diable, et nonun ange ; ainsi, c'est à l'homme à s'imputer la faute,s'il n'est pas dans l'autre vie parmi les heureux. Jesuis d'accord avec vous sur tout le reste.

Cette question est d'autant plus importante queles hommes de bonne volonté sont assez générale-ment portés à admettre le Ciel, mais que presquetous ne veulent pas entendre parler de l'enfer ; onveut bien admettre Dieu pur amour, mais à la condi-tion de rejeter l'enfer qu'on ne peut pas concevoiravec un Dieu bon et miséricordieux. Cela vient non-seulement de ce qu'on ne réfléchit pas assez sur laloi des relatifs et des opposés, mais principalementde ce qu'on a conservé sur l'enfer et sur les damnésdes notions fausses. Les damnés sont dans l'enfer,parce qu'ils veulent y être ; Dieu ne les y a pas pré-cipités, ils s'y sont jetés eux-mêmes ; ils en sortentquelquefois quand ils le désirent vivement, mais ils

29*.

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342 DE L'ORIGINE DU MAL.

ne tardent pas à y rentrer, parce que là ils sont dansleur élément, tandis que hors de l'enfer ils sont com-me le poisson dans l'air. Ils tiennent à leur vie infer-nale, malgré les tourments qu'ils endurent, commeles malheureux sur terre tiennent à la vie malgréleur misère, comme le goutteux malgré sa goutte,comme le forçat malgré sa chaîne ; et si dans leurdésespoir quelques-uns appellent la mort, ils sontcomme le bûcheron de la fable, si elle pouvait s'yprésenter, ils la renverraient.

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DE L'HUMAIN GLORIFIÉ DU SEIGNEUR.

A Mademoiselle de S , à Vevey (Suisse).

Sainl-Amand (Cher), 2 juin 1858.

J'ai vu avec grand plaisir que vos idées sesont portées avec une profonde méditation sur lagrande question qui malheureusement, en Angleterre,a soulevé entre quelques-uns de nos frères une dis-cussion regrettable, parce qu'elle a été trop vive. Ildevrait nous suffire de connaître cette sublime véritéque l'humain pris par le Seigneur a été fait entière-ment Divin par Lui; et qu'étant ainsi à éternité dansles derniers comme dans les premiers, il a, commeil le dit lui-même, tout pouvoir dans le Ciel et surterre. Toutefois, comme chacun aime à confirmerpar le raisonnement ce que la Divine Parole nous en-seigne, et que vous me demandez mes motifs de con-firmation, je vais tâcher de vous les exposer en quel-ques mots.

Le Seigneur, exempt du mal héréditaire paternel,puisqu'il était conçu de Jéhovah, a eu cependant parMarie le mal héréditaire maternel ; sans cela il n'au-

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344 DE L'HUMAIN GLORIFIÉ DU SEIGNEUR.

rait pas pu être tenté. Or, par les tentations et parses victoires, il a extirpé successivement toutes lesramifications de ce mal héréditaire, et rendu ainsidivin son naturel (*). Quant à son naturel-matériel,ou quant à la chair et aux os, pour me servir des ex-pressions de l'Écriture, ils ont été divinisés par suitede l'action de l'âme sur le corps. L'âme chez Lui, étantJéhovah même ou Divine, rendait divines les partiesmatérielles du moment où le naturel maternel, vaincudans la tentation, perdait son action mortifère sur elles.Il en est autrement chez tout homme, son âme n'ayantpar elle-même rien de Divin, mais étant seulement unréceptacle du Divin, ne peut pas changer la nature dumatériel ; l'homme ne peut donc pas, quelque pro-grès qu'il fasse dans sa régénération, emporter aveclui dans l'autre vie ce matériel; aussi, le laisse-t-ilsur la terre. Celui seul dont l'âme était Divine a puglorifier ainsi son corps, et avoir dans le monde im-matériel la chair et les os, comme il nous le dit lui-même, — Luc, XXIV. 39. — L'esprit et l'ange ont,il est vrai, chair et os, mais chair et os spirituels,tandis que le Seigneur Seul a la chair et les os prisdans les derniers de la nature et divinisés par lui,de sorte que Seul il est dans les derniers et dans lespremiers, et gouverne l'univers entier d'après lespremiers par les derniers

(*) Voir aux notes additionnelles.

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DES REPETITIONS DANS SWEDENBORG ;DE LA SITUATION APPARENTE DES ESPRITS.

A Monsieur M....,, à Port-Louis (Ile-Maurice).

Saint-Amand (Cher), 23 juin 1858.

Swedenborg s'est répété, il est vrai, dansplusieurs de ses Ouvrages; mais c'était pour quechaque Ouvrage, tombant seul entre les mains d'unepersonne, pût donner une idée de l'ensemble du sys-tème. Du reste, il est à remarquer que, lorsqu'il serépète, il ajoute le plus souvent quelque chose denouveau.

Votre manière d'interpréter les trois citations desA. G. tome X, est bonne ; l'obscur dont vous parlezpourra se dissiper, si vous réfléchissez que la scène,pour les trois cas indiqués, se passe dans le mondedes esprits, qui tient le milieu entre les deux grandsorganismes opposés l'un à l'autre, et que les espritsjouissent en général d'une sorte d'ubiquité ; or, lemonde des esprits ayant lui-même la forme humaine,les esprits infernaux, quoiqu'ayant leur place arrêtéeet fixe dans l'organisme infernal, peuvent cependant,

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346 DES RÉPÉTITIONS DANS SWEDENBORG.

en raison de la faculté d'ubiquité, se présenter dansl'organisme du monde des esprits dans telle ou telleplace qui correspond à l'étal présent de leur mental,par exemple, dans le plan du sommet de la tête, s'ilssont dans un haut degré de domination, etcv et quepour dominer plus fortement ils veuillent empêcherl'influx angélique de pénétrer.

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DE

L'ÉTABLISSEMENT DE LA NOUVELLE ÉGLISE

A Monsieur Edm. de C , à St-A., par Port-Louis (Ile-Maurice).

Saint-Amand (Cher), 21 octobre i858.

Ceux qui voudraient établir la NouvelleÉglise en prenant strictement pour modèle l'établisse-ment de la primitive Église Chrétienne n'obtien-draient aucun bon résultat. L'Église primitive n'étaitqu'un acheminement pour arriver à la Nouvelle Jéru-salem ; en raison de l'état des hommes et des chosesd'alors, elle n'a pu être fondée que par la contrainte,ainsi plutôt d'après les lois de permission que d'aprèsles lois mêmes de l'ordre ; de là les miracles, les ex-tases, etc., toutes choses qui contraignent ; et c'estpour cela que cette Eglise devait périr pour faireplace à une Église qui, n'étant composée que cl'liom-mes qui agiraient « d'après le libre selon la raison(ex libéra scciindum rationem), » demeureraitstable à perpétuité, et serait enfin la véritable Eglisedu Seigneur Jésus-Christ, ou le couronnement detoutes les Églises précédentes.

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348 DE L'ÉTABLISSEMENT

Les réflexions qui suivent votre conclusion sont detoute justesse ; ce que nous devons éviter par-des-sus tout, c'est de faire perdre à la Nouvelle Égliseson caractère d'universalité, en la rabaissant à l'étatde secte.

Nous sommes encore du même sentiment en ce quiconcerne le fouriérisme. Sans avoir fait partie d'au-cun groupe phalanstérien, j'avais cependant étudiéFourier et admiré son génie avant de connaître Swe-denborg. Nous avons aussi parmi nous quelques an-ciens phalanstériens, et il n'est guère de lettres queje reçoive d'eux dans lesquelles ils ne fassent allusionà leur ancien état et ne bénissent le Seigneur de lesavoir retirés de leurs illusions.

Avant d'aborder les autres questions de votrelettre, je vais, comme je vous l'ai promis, vous faireconnaître l'état de la Nouvelle Église en France ; sije ne vous l'ai pas exposé plus tôt, c'est que je nepouvais le faire sans vous parler assez longuementde moi, ce qui me répugne toujours. Quand je fondaila Revue, quoique je connusse déjà depuis trois ouquatre ans les Écrits de Swedenborg, j'étais cepen-dant encore dans cet état de zèle de propagation, quitoujours s'empare de tous ceux qui sortent des ténè-bres spirituelles et entrent dans l'éclatante lumièredes vérités divines ; et, heureux de ma nouvelle po-sition, je brûlais du désir d'en faire jouir les autres,et je croyais, sans toutefois me faire trop d'illusions,qu'il suffirait de présenter aux hommes les sublimes

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DE LA NOUVELLE ÉGLISE. 349

vérités de la doctrine de la Nouvelle Jérusalem, pourque du moins elles fussent accueillies par tous ceuxque je supposais aimer le vrai pour le vrai ; je croyaispar conséquent à un prochain établissement du Règnedu Seigneur sur la terre, ne me rappelant pas assezque, malgré son ardent désir d'attirer les hommes àLui, le Seigneur ne précipite rien, ne contraint per-sonne, laisse chacun libre, et attend patiemment,parce que le temps n'est rien pour Lui. Je dus doncéprouver bien des mécomptes ; mais le Seigneur,dans sa Divine Miséricorde, ne m'a pas abandonné,il m'a donné la force nécessaire pour persévérer, etsurtout pour éviter les pièges qui m'ont été tenduspar le Jésuitisme, et pour déjouer ses machinationsinfernales.

Je n'ai pas été longtemps sans reconnaître que lavieille Europe était peu propre à recevoir les divinesvérités de la Nouvelle Dispensation ; que, semblableà la Judée, elle serait le berceau de la NouvelleÉglise, comme la Judée avait été celui de la premièreÉglise Chrétienne ; mais que, de même que la pre-mière Église Chrétienne était sortie de son berceaupour se répandre chez les Gentils et s'y établir, demême la Nouvelle Jérusalem, après avoir été accueil-lie par le très-petit nombre de personnes suscepti-bles de reconnaître de cœur et d'intelligence le Di-vin Humain du Seigneur Jésus-Christ et de conformerleur vie à ses préceptes, sera portée par quelques-uns de ses disciples ohcz ces nations nombreuses et

30.

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330 DE L'ÉTABLISSEMENT

dans ces contrées favorisées du Soleil, où, malgréleur idolâtrie, les hommes sont plus près du Sei-gneur que ceux qui se disent Chrétiens ; car ils ontmoins de répugnance qu'eux à reconnaître un Dieu-Homme et en même temps Unique. Or, toute la Nou-velle Jérusalem consiste dans ce dogme : Jésus-Christest le Seul et Unique Dieu ; s'adresser à Lui dansl'Humain qu'il a fait Divin et suivre ses préceptes.En effet, c'est cet Humain qui est la Porte, par la-quelle il faut entrer. Depuis 2o ans, combien ai-jevu d'admirateurs des Écrits de Swedenborg se four-voyer pour avoir négligé ces paroles du Seigneur :« Je suis la Porte ! » Combien peut-être y en a-t-ilencore qui feront fausse route par suite d'une sem-blable négligence ! C'est là le grand écueilpour ceuxqui, dès leur jeune âge, ont été habitués à considérerDieu comme un pur esprit, dans l'acception que leCatéchisme de la Vieille Église et la philosophie mo-derne donnent au mot esprit.

Mais si le Royaume du Seigneur ne s'établit pasencore d'une manière bien ostensible sur noire globe,il nous suffit de réfléchir sur les événements accom-plis depuis 1757, et sur ce qui se passe maintenant,pour reconnaître que tout est admirablement dirigépar la Divine Providence pour le préparer et le faireavancer chaque jour, sans que des milliers d'instru-ments qu'elle emploie en aient la moindre connais-sance. Les hommes s'agitent, poussés souvent parles plus mauvaises passions, et la Providence du Sei-

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DE LA NOUVELLE ÉGLISE. 351

gneur fait servir ces passions à ses vues miséri-cordieuses. Quant à nous, mon cher frère, heureuxde connaître la vérité au milieu de tant d'hommesqui veulent rester aveugles, bénissons le Seigneur ensuivant ses lois ; faisons tous nos efforts pour répan-dre sa doctrine céleste, mais avec la plus grandeprudence; et si nous ne réussissons pas au gré denos désirs, restons alors convaincus que c'est le Sei-gneur qui, dans sa prévoyance infinie, s'y oppose enraison de la profanation qui en résulterait ; car ilvaut mieux pour la génération actuelle qu'elle reste,quant à la majeure partie, dans ses ténèbres spiri-tuelles, que d'être introduite dans une lumière qui,trop brillante pour elle, l'éblouirait sans lui donnerla chaleur nécessaire pour suivre le Divin Maître. Ceque Swedenborg nous dit de la profanation, et dusort affreux des profanateurs, doit être pour nous laclé de bien des choses qui, sans cela, ne sauraientêtre expliquées.

Le peu de succès de la Revue sur le public, et 1®événements politiques qui survinrent, nous contrai*gnirent de suspendre celte publication ; toute mo*activité se porta sur le projet de donner, si le Sei-gneur le permettait, une traduction complète desOuvrages théologiques de notre Swedenborg. J'avaisaussi en vue le projet de donner une traduction dela Parole ; mais ce travail ne pouvait être entreprisqu'autant que nous aurions sous la main, M. Harléet moi, tous les instruments nécessaires, c'est-à-dire

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352 DE L'ÉT\BLISSEMENT

qu'autant que nous serions en état de ne rien négli-ger de ce que notre Auteur avait dit sur tel et telpassage ; c'était donc d'un outillage, si l'on peuts'exprimer ainsi, qu'il fallait préalablement s'occu-per. Cet outillage h créer, c'étaient des Tables ana-lytiques et des Index à placer à la suite de chaqueTraité. C'est ce que je me suis empressé de faire dèsque mon plan eut été définitivement arrêté. Ce tra-vail avance, mais il me demandera encore beaucoupde temps ; car lorsque chaque Traité sera suivi de saTable analytique et de ses Index, j'aurai à les re-fondre tous en un seul corps qui formera une sorted'encyclopédie spirituelle, et dispensera ainsi touttravailleur d'avoir recours à une multitude de vo-lumes pour trouver ce qu'il cherchera.

Quant à notre personnel, il est toujours peu nom-breux; nous nous trouvons disséminés sur la surfacede la France, et il n'existe de réunion pour le cultequ'à Paris chez M. Minot, et à Saint-Amand chezmoi. Jusqu'à présent le gouvernement ne nous a paspersécutés, mais sa prédilection avouée pour le Ca-tholicisme romain nous fait présumer que si notrenombre augmentait de manière à donner de sérieusesinquiétudes au parti clérical, il ne nous laisserait pastranquilles. Le clergé ne dit rien, parce qu'il craintde nous mettre en évidence, et d'exciter ainsi la cu-riosité publique au sujet de nos Doctrines, ce qui luiserait plus nuisible qu'avantageux. C'est en raisonde cette crainte que nous pouvons exercer ostensible-

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DE LA NOUVELLE ÉGLISE. 353

ment notre culte, sans que personne s'y oppose. ASaint-Amand, il y a deux réunions le Dimanche, l'unele matin spécialement pour les enfants, et l'autrele soir. La réunion pour les enfants, après la lec-ture de la Parole, est principalement destinée à leurinstruction ; ils ont pour catéchisme la Doctrine dela Charité (extraite des Arcanes Célestes) qu'ils ap-prennent par cœur ; je ne pense pas que nous puis-sions avoir un meilleur catéchisme ; les plus âgés ap-prennent ensuite la Doctrine sur l'Écriture Sainte,De cette manière ils sont préparés de bonne heurepour lire avec fruit dans un âge plusavancé les autresTraités de Swedenborg. Le culte pour les adultesconsiste à lire les passages de la Parole indiquéspour chaque Dimanche dans la liturgie de Ledru,qui du reste ne nous sert que pour cela ; puis, en uneinstruction puisée dans les Écrits de Swedenborg.Nous commençons le culte par la lecture du Déca-logue et par» notre prière unique : L'Oraison Domini-cale.

Tel est l'état des choses en France : c'est un tempsd'arrêt résultant de l'état politique dans Tequel setrouve notre pays. Devons-nous le déplorer? Je nele pense pas. Le Seigneur, qui veille avec amour surson Église, ne le permettrait pas, s'il devait lui êtrenuisible. Pendant que l'Église semble sommeiller, leSeigneur qui veut quelle soit universelle dispose,comme je le disais précédemment, toutes les nationsde la terre à recevoir librement plus tard les Doe-

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3S4 DE L'ÉTABLISSEMENT

trines Célestes, et il donne à tous ceux qui ont con-senti à les recevoir, en ouvrant leur porte, le tempsd'exécuter les travaux qui sont nécessaires pour queces doctrines soient plus facilement comprises.

Mais ce qui a lieu pour la France ne saurait êtreune règle pour les autres contrées. C'est aux disci-ples à juger eux-mêmes de l'état des choses dans lacontrée qu'ils habitent, et à décider suivant les cir-constances la marche qu'ils doivent prendre, tout enréglant leur décision sur la doctrine réelle de l'É-glise. N'oublions jamais ce grand principe : La Di-versité dans l'Unité.L'unité sans diversité, telle qu'é-tait celle du Catholicisme romain dans le moyen âge,est une monstruosité. La Nouvelle Jérusalem, nousdit Swedenborg, sera Une quant à l'interne, maisDiversifiée quant à l'externe plus que ne l'a jamaisété la première Église Chrétienne, c'est-à-dire, Unequant au culte interne ayant pour base la Charité,mais Diversifiée quant au culte externe qui n'estqu'un vêtement relativement au culte interne. Cha-que groupe pourra donc s'habiller comme il voudra,c'est-à-dire, donner à son culte externe les formesqu'il jugera les plus convenables, sans que les autresgroupes puissent s'en formaliser, pourvu que la Cha-rité réelle soit la base de sa conduite......

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DE LA NOUVELLE ÉGLISE. 255

A Monsieur Edm. de C , à St-A., par Port-Louis (Ile-Maurice).

Saint-Amand (Cher), 2/i décembre 1858.

Je ne vois en France aucune autre personnequi puisse remplir dans votre île les fonctions duministère. Toutefois, une pensée doit nous consoler :De votre côté vous avez fait tout ce qu'il était possi-ble de faire pour avoir un ministre, et de mon côtéj'ai fait toutes les démarches possibles pour vous entrouver un ; si nos efforts restent infructueux, c'est,n'en doutons pas, qu'il est dans les vues insondablesde la Divine Providence qu'il en soit ainsi. Nos dé-sirs, quelque purs qu'ils soient en eux-mêmes, nesont pas toujours conformes aux plans de la Provi-dence Divine; et alors, quoiqu'il nous soit tenucompte de leur pureté, ils ne sont pas exaucés.

J'ai lu avec le plus grand intérêt la relation con-cernant votre culte de famille, et je vous félicite cor-dialement d'avoir institué ce culte dont vous avezressenti sur-le-champ pour vous et les vôtres la douceinfluence ; continuez, mon cher frère, sans trop vouspréoccuper de l'effet plus ou moins grand que, dansla suite, ce culte pourra produire sur les auditeurs,et soyez persuadé que l'audition de la Parole fera surchacun d'eux, lors même qu'il ne s'en apercevrait

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356 DE L'ÉTABLISSEMENT

pas, un travail intérieur proportionné à son état pré-sent et à son état futur, dont les effets ne deviendrontvisibles que plus tard. Toute la sainteté du culte ré-side dans la lecture ou l'audition de la Parole, quandle lecteur ou l'auditeur la considère avec respectcomme étant la Parole même de Dieu ; l'homme estalors avec le Seigneur, ou plutôt le Seigneur et l'hom-me interne s'entretiennent ensemble, sans que l'hom-me externe en ait conscience, et l'homme interneillustré par cette communication a plus de forcepour agir contre l'homme externe et pour le vain-cre lorsqu'arrivent les tentations. Les explicationsqui suivent la lecture de la Parole sont excellentes,il est vrai, mais elles agissent seulement sur l'hom-me externe, et sous ce rapport elles n'ont pas unesemblable efficacité, quoique cependant elles soienttrès-importantes pour nous diriger dans le cheminde la vérité, et nous aider à dissiper les faussetésdont nous avons été imbus. Je ne mets sous vos yeuxces principes que pour en conclure que vous pouvezparle culte, tel que vous l'avez institué, retirer, quoi-que privé d'un ministre, les avantages les plus grandspour votre régénération et pour celle des membresde votre famille. Cherchez, par tous les argumentsque le Seigneur vous suggérera, à convaincre chaquemembre de votre petite Église, 1° que Dieu est Un,que ce Dieu Un est notre Seigneur Jésus-Christ enqui est le Divin Même ou le Père, le Divin Humainou le Fils, et le Divin procédant ou le Saint-Esprit ;

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DE LA NOUVELLE ÉGLISE.

qu'ainsi Dieu est visible aux yeux de l'entendementde l'homme, puisque l'homme peut se le représentertel qu'il s'est montré aux trois disciples lorsqu'il s'esttransfiguré, et tel qu'il se montre réellement auxanges lorsqu'il le juge convenable, et que par consé-quent nous devons toujours nous le représenter ainsilorsque nous nous adressons à lui, et non pas surla croix où il n'a été qu'un moment pour dépouillerle reste de l'humain qu'il tenait de Marie ; 2° que laParole est divine dans sa lettre même, qu'il n'y apas un seul mot qui ne renferme un Divin ; qu'elleest le seul moyen de communication entre le Sei-gneur et l'homme, et que tout autre mode de com-munication est une déception qui ne peut produireque des résultats funestes. Ces deux points étant bieninculqués chez les membres de votre Église avec l'in-tention de fuir les maux comme péchés, n'ayez plusaucune inquiétude, le Seigneur pourvoira aux besoinsspirituels de chacun, non sans quelque péripétie pourquelques-uns, car chacun doit être soumis à des ten-tations plus ou moins fortes, mais du moins sansdanger pour son salut s'il reste convaincu de cesprincipes fondamentaux et les suit ponctuellement.

Quant au mode d'instruction, ne vous en préoccu-pez pas trop non plus ; une instruction familière,d'abondance, passant d'un point à un autre selonqu'on s'y trouve naturellement conduit, est bien pré-férable, et porte beaucoup plus de fruits, que ces ser-mons apprêtés pour produire de l'effet, et qui sou-

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358 DE L'ÉTABLISSEMENT

vent causent la perte des prédicateurs, parce qu'ilsn'y cherchent qu'à briller sans produire d'autres ré-sultats que l'admiration des auditeurs

Ayez, en toutes choses, une confiance illimi-tée en la bonté miséricordieuse du Seigneur; agissezavec toute votre prudence, mais en la soumettant àla prudence divine; et, à ce propos, puisque nousparlons à cœurs ouverts, vous me permettrez de memettre en avant, et de vous dire comment depuis long-temps pour mon propre compte je comprends cetteproposition importante : « Soumettre sa prudence àla Prudence Divine. » Je cherche dans toutes mesactions à suivre les règles de la prudence humaine ;si je réussis, je n'attribue rien à cette prudence, jeme dis seulement qu'en cela j'ai suivi l'impulsion duSeigneur ; si je ne réussis pas, je ne m'afflige nulle-ment, je suis même porté à m'en réjouir, car je medis : Imprudent que tu étais ! avec ta prétendue pru-dence, tu ne voyais que les choses d'ici-bas, maiston Père, qui voit le futur comme le présent, et quimet le bonheur éternel des ses enfants bien au-des-sus d'un prétendu bonheur terrestre, n'a pas permisque tes souhaits fussent accomplis; garde-toi doncd'en murmurer, mais bénis-le. Cette manière de con-sidérer ainsi les choses, mon cher frère, méfai t jouird'un bonheur inaltérable ; et puisque l'occasion s'enest présentée, je vous en parle, désirant de toutcœur que ce bonheur dont je jouis, vous puissiez enjouir aussi.

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DE LA NOUVELLE ÉGLISE. 359

Le voyage que vous projetez de faire en France, nousprocurerait à tous un plaisir infini, désireux que noussommes de faire la connaissance personnelle d'un siexcellent frère. Si ce voyage est dans les vues de laProvidence, nous nous en réjouirons ; si, au con-traire, le Seigneur vous retient sur ce que vous ap-pelez votre rocher, nous en augurerons que vousêtes indispensable pour ses plans pour les vastescontrées de l'Orient, par suite de la position avanta-geuse qu'occupé l'île Maurice

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DOIT-ON ATTENDRE DE QUELQUE AUTRE

UN SUPPLÉMENT

DES ÉCRITS DE SWEDENBORG ?

A Monsieur Ed.-J. B , à Manchester.

Saint-Arnaud (Cher), 18 octobre 1859.

Mon cher Ami,

Vous me demandez mon opinion au sujet d'un Ou-vrage nouvellement publié en Angleterre, ayant pourtitre : « Arcanes du Christianisme, Explication dusens céleste de la Divine Parole par le moyen de T. L.Harris ; » puis vous me posez les questions suivantes :

La Révélation donnée au moyen de Swedenborgest-elle en elle-même une révélation complète? —Comprend-elle un supplément ou continuation? —Enseigne-t-elle, ou pouvons-nous voir dans ses en-seignements, la possibilité d'une autre diffusion devérités d'un caractère semblable ou plus élevé, tellequ'une révélation du sens céleste de la Parole, danslequel serait corrigé ce qu'on pourrait considérer

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US SUPPLÉMENT DES ÉCRITS DE SWEDENBORG ? 361

comme des erreurs commises par Swedenborg, enjugeant de certains détails d'un point de vue spirituel?

Je répondrai d'abord en quelques mots à ces ques-tions, sauf à développer plus loin les considérationssur lesquelles mon opinion est fondée.

Le Seigneur étant infini, tout ce qui émane de Luitend par conséquent à l 'infini. Il y aurait donc d'aprèscela inconséquence à poser des limites à l'action duSeigneur pour éclairer ses créatures ; car l'Humanité,de même que le Ciel, est destinée par l'amour infinidu Seigneur à un progrès indéfini ; mais ce dont jesuis pleinement convaincu, c'est que ce qu'il a plu auSeigneur de nous révéler par le moyen de son servi-teur Swedenborg, pour accomplir soir second avè-nement, doit suffire à perpétuité quant à lu Doc-trine pour la régénération de l'homme, et est mêmetout à fait suffisant pour alimenter la vie intellec-tuelle, non-seulement des hommes de la générationprésente, mais aussi des hommes d'un grand nombrede générations successives. Nous et nos descendantsnous pourrons toujours trouver dans les Écrits deSwedenborg de quoi satisfaire notre désir de con-naissances nouvelles; il y a là une mine presque iné-puisable ; et je m'étonne que, même dans noire siècle,lorsque cette mine est à peine eff leurée , on cherchedéjà à vouloir en découvrir une plus riche. Dans cequi suit, vous pourrez voir dans quelles illusions se-raient ceux qui ne se contenteraient pas des sublimesvérités contenues dans les Écrits de notre Auteur, et

3l.

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362 DOIT-OX A T T E N D U E DE QUELQUE AUTRE

quels effroyables malheurs tomberaient sur ceux quise croiraient destinés par le Seigneur à faire denouvelles révélations.

Vous étiez bien jeune encore, mon cher ami , lors-qu'on 1848 vous vîntes, avec votre beau-frère, M. H.,passer quelques mois à Saint-Amand. Nous nous réu-nissions alors tous les soirs pour nous entretenir denos sublimes doctrines ; et, d'après ces entretiens,vous avez dû prévoir quelle serait ma réponse à vosquestions. Mais puisque vous désirez que je déduiseles raisons qui m'ont porté à me former cette opinion,à cause, dites-vous, de l 'influence qu'exercent surbeaucoup de nos frères l 'ouvrage et les prédicationsde M. Marris*, je vais tâcher de remplir votre désir;cependant, comme il s'agit de détruire cette in f luen-ce que vous redoutez, je crois qu'il est indispensa-ble de présenter ici quelques développements sur lemode de transmission de la Parole de Dieu aux hom-mes, et sur la révélation du sens interne de cette Pa-role, afin qu'on soit bien fixé et sur l'état des pro-phètes et sur le caractère de la mission de Sweden-borg ; car les questions que vous me posez ayant déjàété soulevées plusieurs fois en France, et sans douteaussi en Angleterre et aux Etats-Unis, par des mem-bres de k Nouvelle Église, cela indique suffisammentque plusieurs de nos frères n'ont pas sur cet élat etsur cette mission une idée parfai tement exacte. Avantdonc d'examiner la prétent ion de M. Barris, il con-vient d'établir, d'après les connaissance? acquise»

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IN SUPPLÉMENT DES ÉCRITS DE SWEDENBORG? 363

par les Écrits de Swedenborg, que la mission dont ilfut chargé a été le Couronnement des deux Révéla-tions qui constituent notre Divine Parole.

Nous savons que la Parole du Seigneur est le lienqui u n i t le monde spirituel et le monde naturel, queces deux mondes ne peuvent subsister l'un sans l'au-tre, et que pour conserver l'univers, qui aurait périlorsque l'ancienne Parole ou Parole antémosaïque eutété entièrement oblitérée, le Seigneur donna, par lemoyen de Moi'se et des autres prophètes, la Paroledel'Ancien Testament. Nous savons aussi que les pro-phètes, par le moyen desquels cette Parole a ététransmise aux hommes, étaient des instruments toutà fait passifs et ne comprenaient pas mieux que lepeuple ce qu'ils prononçaient ou ce qu'ils écrivaient.Il suffisait pour les Juifs d'exécuter ponctuellement laParole dans le sens de la lettre, et le sens interne leurresta entièrement caché, parce que s'il eût étédévoilé, ils l 'auraient profané.

Lorsque cette Parole eut été adultérée par les tra-ditions des Juifs, au point que la destruction de l'u-nivers devenait encore imminente, le Seigneur Lui-Même vint dans le monde pour le sauver, c'est-à-direque la Parole elle-même, qui est Dieu, — Jean, I. 1,— se fit chair. Mais comme les hommes étaient alorstombés dans le degré naturel le plus bas, qui est lesensuel-corporel, l'Église que le Seigneur fonda nepouvant alors être que spirituelle-naturelle, il soulevaseulement un coin du voile qui couvrait laParole; et,

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364 DOIT-ON A T T E N D R E DE QUELQUE AUTRE

après sa sortie du monde, il donna, par le moyen desKvangélistes, une nouvelle Parole dont le sens de lalettre, approprié à cette Église, cachait toujours, saufen quelques endroits, le sens spirituel. De même queles Prophètes, les Évangélistes ont donc été aussi desinstruments passifs lorsqu'ils ont écrit les Évangileset l'Apocalypse, qui constituent la Parole du NouveauTestament.

Les hommes étant alors sensuels-corporels, la pri-mitive Église chrétienne ne pouvait pas s'établir sansl'intervention de miracles ; et comme les miraclescontraignent, et que tout ce qui est faitpar contraintene reste pas, cette Église devait périr comme les pré-cédentes, et n'était qu'un acheminement pour arriverplus tard à une Nouvelle Église qui s'établirait ration-nellement et librement, par conséquent sans miracles,au moyen de la révélation du sens spirituel. C'est ceque le Seigneur a prédit à ses disciples, lorsqu'il leura dit qu'à la consommation du siècle, c'est-à-dire, àla fin de l'Église, il viendrait sur les nuées du cielavec puissance et gloire ; les nuées du ciel, commetous nos frères le savent, sont le sens de la lettre dela Parole, et la gloire en est le sens spirituel. CetteNouvelle Eglise, qui est désignée dans l'Apocalypsesous le nom de la Nouvelle Jérusalem, devait être parconséquent une Église spirituelle-rationnelle; et parcela même qu'elle doit s'établir rationnellement et li-brement, sans l ' intervention de miracles, elle serale couronnement des Églises précédentes, et subsistera

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UN SUPPLÉMENT DES ÉCRITS DE SWEDENBORG? 365

à perpétuité. Ainsi, par la révélation du sens spiri-tuel de la Parole devait s'effectuer le second avène-ment du Seigneur, en ce qui concerne la fondation desa Nouvelle Église, la Nouvelle Jérusalem.

Or, pour révéler aux hommes le sens interne de laParole, le Seigneur n'avait pas à recourir à des instru-ments passifs, tels que les Prophètes et les Évangé-listes ; en effet, il ne s'agissait pas de donner un nou-veau supplément à la Parole qui, ayant été faite chair,était devenue complète, après l'ascension du Seigneur,par les quatre Évangiles et par l'Apocalypse ; il fal-lait au Seigneur un instrument actif, c'est-à-dire,un homme qui, illustré par Lui selon les lois de l'or-dre, pût reconnaître, en méditant la Parole, les vé-rités réelles cachées sous les vérités apparentes dusens de la lettre, et établir ainsi sur le sens de la lettreillustré par le sens spirituel la vraie doctrine de l'É-glise.

Mais comme la Parole avait été écrite au moyen dereprésentatifs et de correspondances, afin qu'elle ser-vît en même temps aux habitants du monde spirituelet à ceux du monde naturel, et qu'elle tînt reliés en-semble les deux mondes, il fallait de toute nécessitéque l'instrument que le Seigneur allait employer ac-quît rationnellement la connaissance de la science desCorrespondances, science que possédaient les ancienset qui avait été entièrement perdue.

Or, pour qu'un homme put acquérir rationnelle-ment cette science, qui n'est autre que le rapport

3l*.

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366 DOIT-ON ATTENDRE DE QUELQUE AUTRE

existant entre les clioses naturelles et les choses spi-rituelles, il fallait d'abord que cet homme fût celuiqui par ses études scientifiques aurait obtenu les no-tions les plus saines sur les objets de la nature ; puis,il fallait que cet homme, par la probité de sa vie dansle monde, fût le plus apte à pénétrer avec le moins dedanger dans ce monde spirituel, où existent tant d'ê-tres pervers et astucieux, puisqu'il s'agissait de leparcourir dans toutes ses parties pour en avoir uneconnaissance suffisante.

Par ses travaux scientifiques et par sa vie exem-plaire, Swedenborg était bien l'homme qui remplissaitle mieux ces deux conditions ; il fut donc introduitdans le monde spirituel, afin d'étudier les phéno-mènes de ce monde avec celte même sagacité dont ilavait donné tant de preuves dans son étude des phé-nomènes du monde naturel.

D'après ce qui précède, on voit que le Seigneur,pour transmettre sa Parole aux hommes, a pu pren-dre ou des bergers et des pêcheurs, ou des hommesd'une condition plus élevée, puisqu'il s'agissait seule-ment d'instruments passifs ; mais que, pour la ré-vélation du sens interne de sa Parole, il lui fallait,comme instrument actif ou rationnel, l'homme del'époque le plus instruit elle plus sage.

Toutes ces vérités sont connues de la plupart desmembres de la Nouvelle Église ; mais ce que quelques-uns ignorent, c'est la marche qu'a suivie Swedenborgpour la découverte du sens spirituel de la Parole.

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CM SUPPLÉMENT DES ÉCRITS DE SWEDENBORG ? 367

Comme de tout temps et en tous pays il y a eu desextatiques, c'est-à-dire, des personnes qui, par déro-gation aux lois de l'ordre divin mais d'après les loisde permission, ont eu communication avec le inondespirituel, on est porté à croire que Swedenborg nedifférait de ces extatiques qu'en ce que sa missionétait d'un ordre beaucoup plus élevé, puisqu'il s'a-gissait pour lui de dévoiler le sens spirituel delà Pa-role, afin que par là le Seigneur accomplit son secondavènement ; mais entre Swedenborg et les extatiquesil y a une autre différence bien grande qu'il est im-portant de signaler.

Il est bien connu, par les divers écrits que les exta-tiques ont laissés, qu'ils s'annoncent pour la plupartcomme agissant sous l'impulsion directe, soit du Saint-Esprit, soit du Seigneur Jésus-Christ, soit même deDieu le Père ; les plus modestes se disent en relationavec les personnages les plus vénérés de leur audi-toire ou de la secte à laquelle leurs écrits sont desti-nés, et les plus extravagants déclarent qu'ils sont leSaint-Esprit ou le Père éternel. Mais tous donnentou transmettent des ordres, et quelques-uns vontmême jusqu'à menacer des plus grands malheurs ceuxqui ne les exécuteraient pas ; eux-mêmes se montrentcomme privés de libre arbitre ; tout ce qu'ils font,tout ce qu'ils disent, c'est par ordre ; ils obéissent, etils veulent qu'on obéisse. Leurs paroles et leurs écritssont en général remplis d'aperçus brillants, propres àfrapper l'imagination de ceux qui les écoutent ou qui

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368 DOIT-OX ATTENDRE DE QUELQUE AUTHE

les lisent; mais on y rencontre le plus souvent desobscurités qui font alors un contraste frappant avecces aperçus. S'ils parlent de certains points de doc-trine, ils les présentent comme leur étant imposés, etils les imposent à ceux qui ont confiance en eux, ouqui croient que le Seigneur ou le Saint-Esprit a parlépar leur bouche. Il en est tout autrement de Sweden-borg, comme on peut le voir par ses Écrits, dans les-quels toutes les propositions nouvelles qu'il avancesont soumises au libre examen du lecteur, et sontprouvées, d'abord par des passages de la Parole, etensuite, s'il le juge à propos, par des vérités scienti-fiques qui les confirment et les corroborent. Du reste,son style est toujours simple et jamais boursoufflé.

Toutefois, on pourrait croire que Swedenborg,lorsqu'il a écrit son Traité de l'Apocalypse Révélée, aété, comme les Prophètes, un instrument passif duSeigneur ; car, dans la Préface de ce Traité, on lit cepassage : « Chacun peut voir que F Apocalypse ne peut» nullement être expliquée, sinon par le Seigneur» Seul ; car chaque mot y contient des arcanes qui ne» peuvent jamais être connus sans une illustration» spéciale, et par conséquent sans mie révélation;» c'est pourquoi, il a plu au Seigneur de m'ouvrir la» vue de mon esprit, et de m'instruire. Qu'on ne» croie donc pas que j 'y aie pris quelque chose de moi» ni de quelque ange ; j'ai tout reçu du Seigneur» Seul. »

Comme ce passage a fait impression sur quelques-

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UN SUPPLÉMENT DES ÉCRITS DE SWEDENBORG ? 369

uns de nos frères, qui même se sont adressés à moipour savoir ce que j'en pensais, et comme il pourraitproduire un effet semblable sur quelques autres, jecrois qu'il est utile de vous dire ici comment je lecomprends, et de m'étendre quelque peu sur ce su-jet, ce qui, dans la circonstance présente, ne doitpas paraître hors de propos. D'ailleurs, je n'oubliepas M. Harris, et je reviendrai à lui le plus tôt possible.

Il est bien certain que l'Apocalypse n'a pu être ex-pliquée que par le Seigneur Seul, comme le dit Swe-denborg ; mais parce que Swedenborg ajoute qu'il atout reçu du Seigneur Seul, on tomberait dans unegrande erreur si l'on en concluait que le Seigneur aparlé avec lui comme il parlait avec les Prophètes, etlui a donné de vive voix le sens interne de l'Apoca-lypse. Pour s'en convaincre, il suffit de faire cetteseule remarque, que tout ce qui sort de la bouche duSeigneur est la Parole Divine (car lorsque le Seigneurparle, il parle pour toutes ses créatures, tant pourles anges et les esprits que pour les hommes), et qued'après cela le sens interne de l'Apocalypse, dans leTraité de Swedenborg, serait une Parole Divine nou-velle. Or, cela serait tout à fait opposé à la missionmôme de Swedenborg, qui consista, non pas à donneraux hommes une nouvelle Parole, mais seulement àleur révéler le sens interne de la Parole de l'Ancienet du Nouveau Testament, afin qu'une nouvelle Églisepût être instaurée.

Mais on va, sans aucun doute, demander ce que

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370 DOIT-ON ATTENDRE DE QUELQUE AUTRE

Swedenborg a entendu par ces mots : J'ai tout reçudu Seigneur Seul. Remarquons d'abord que Swe-denborg a commencé par dire que « chaque mot del'Apocalypse contient des arcanes qui ne peuvent ja-mais être connus sans une illustration spéciale. »Maintenant, voyons ce que c'est que l'illustration :l'acception dans laquelle ce mot doit être pris estd 'autant plus importante à connaître, qu'on pourraitconfondre l'illustration avec ce que, dans le inonde,quand il s'agit des mystiques, on appelle l'illumina-tion ; et pour qu'on soit bien fixé sur ce point impor-tant, nous allons présenter ici les principales propo-sitions contenues dans les Écrits de notre Auteur surl'illustration, sur ses effets, et sur ceux chez qui elleexiste, c'est-à-dire, sur les illustrés.

Ces propositions sont les suivantes :L'illustration est une ouverture actuelle des inté-

rieurs qui appartiennent au mental, et aussi une élé-vation dans la lumière du Ciel.—G. B. 1.

La lumière du Ciel est illustration pour l'entende-ment comme la lumière du monde pour la vue. —D. C. 35.

C'est l'entendement de l'homme qui est illustré parcette lumière. — D. C. 3o.

L'entendement est illustré en tant que l'homme re-çoit le vrai par la volonté, c'est-à-dire, en tan t qu'ilveut faire selon le vrai. — D. C. 33.

Le sens littéral de la Parole est celui qui est illus-t ré .—D. C. 256.

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UN SUPPLÉMENT DES ÉCRITS DE SWEDENBORG? 371

Le Seigneur donne à ceux qui sont illustrés la fa-culté de comprendre le vrai, et de discerner les chosesqui , dans la Parole, semblent se contredire.— D. G.256.

Le sens réel de la Parole n'est saisi que par ceuxqui sont illustrés, et il n'y a d'illustrés que ceux quisont dans l 'amour et dans la foi envers le Seigneur.— B.C. 253.

Sont illustrés d'après la Parole ceux qui la lisentd'après l'amour du vrai et du bien, et non ceux quila lisent d'après l'amour de la réputation, du gain,de l'honneur. — D. G. 256.

Telle est l'illustration en général, et tout hommequi reconnaît la Parole comme Divine, et qui la litpour y découvrir le vrai afin de l'appliquer à sa vie,peut reconnaître par lui-même la justesse de ces pro-positions. N'est-il pas vrai qu'en lisant la Parole ilarrive parfois qu'on est surpris d'y découvrir deschoses qu'on n'y avait pas vues précédemment lors-qu'on avait lu les mêmes passages? El quand cela ar-rive-t-il ? N'est-ce pas précisément quand, moinspréoccupé de choses mondaines, on désire le vraipour la direction de la vie? C'est là l'illustration, quidiffère selon la qualité de chacun, et, chez chacun,selon sa propre disposition quand il lit la Parole.Chez Swedenborg, il y avait illustration spéciale, ouau plus haut degré, en raison et de la mission qu'ilavait à remplir et des connaissances qu'il avait ac-quises sur la science des Correspondances par ses

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372 DOIT-ON ATTENDRE DE QUELQUE AUTRE

longues pérégrinations dans le monde spirituel. C'estlà aussi la révélation dont il pai'le clans le moine pas-sage de sa Préface, puisque l'illustration lui révélaitou lui faisait découvrir le sens interne ; c'est aussil'instruction qu'il a plu, dit-il, au Seigneur de luidonner ; car, « depuis que la Parole a été écrite, leSeigneur parle par elle avec les hommes,» — D.C. 263,— « et ne parle pas avec l'homme autre-ment que par sa Parole, » — A. G. 10290.

Le sens interne de l'Apocalypse a donc été révélé àSwedenborg au moyen de l'illustration ; c'est lorsqu'ilétait dans l'état naturel, et non en même temps dansl'état spirituel ou de vision, lisant la Parole dans lerecueillement et avec les dispositions voulues par leslois de l'ordre, que le sens interne se révélait à lui aumoyen de la science des Correspondances, dans la-quelle il faisait continuellement des progrès en par-courant le monde spirituel, et en comparant les chosesde ce monde avec les choses naturelles. C'est parcequ'il en était ainsi, que dans cette Préface il dit qu'iln'a rien pris de lui, ni d'aucun ange ; il s'entretenait,il est vrai, avec les anges, il discutait même avec eux,et il arrivait quelquefois que, par suite de ses connais-sances sur les Correspondances des spirituels avec Sesnaturels, il leur apprenait des choses qu'ils ignoraient ,quoique d'un autre côté il reçût d'eux des instruc-tions; mais on ne voit nulle part dans ses Écrits qu'ilslui aient appris quelque chose concernant la doctrineclé la Nouvelle Église et le sens interne de la Parole.

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UN SUPPLÉMENT DES ÉCRITS DE SWEDENBORG? 373

Ainsi, dans l'explication de l'Apocalypse, comme, dureste, dans lesexplications dusens interne qu'on trouvedans ses autres Traités, Swedenborg a tout reçu duSeigneur Seul, non de vive voix, mais par l'illustra-tion, puisque, comme il a été dit ci-dessus, depuisque la Parole a été complètement écrite, le Seigneurne parle pas avec l'homme autrement que par la Pa-role.

On peut voir, d'après cela, combien l'illustrationde Swedenborg diffère de l'illumination des extati-ques, qui n'est autre chose que la possession del'homme par des esprits, au point que celui qui estainsi possédé n'est plus conduit que par eux, lorsmême qu'il croit jouir pleinement de son libre arbitre.Dire que Swedenborg est un illuminé, ainsi que lenomment communément ceux qui ne connaissent passes Écrits, car on va jusqu'à lui donner le titre deprince des illuminés, c'est commettre la plus grandeerreur. Qu'on donne le nom d'illuminés aux extati-ques, cette qualification peut leur convenir et n'a rienqui étonne, elle est en quelque sorte en rapport avecleur état ; mais qu'on applique cette dénomination àSwedenborg, cela est manifestement en oppositionavec les faits eux-mêmes ; car entre son illustrationet l'illumination des extatiques il y a plus de différencequ'entre la lumière du soleil et la lueur de la lune ; et,pour que la comparaison fût exacte, il faudrait direqu'il y a la môme différence qu'entre la lumière dujour et la lueur fantas t ique d'un feu follet. Qu'on lise

32.

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374 DOIT-ON7 ATTENDUE DE QUELQUE AUTRE

ses Écrits ; tout y est logique, tout y est conforme à laraison la plus saine quand elle met de côté les préju-gés, et chaque découverte que fera la science viendraconfirmer celles de ses assertions qui maintenant peu-vent paraître hasardées.

Pour qu'on saisisse encore mieux la différence qu'ily a entre Swedenborg et tous les extatiques, nous al-lons examiner quel a été son état à partir du mo-ment où la rue de son esprit a été ouverte.

C'est à l'âge de 57 ans que Swedenborg entre dansle monde spirituel ; et il y entre avec tous les préjugésrésultant et de son éducation comme fils d'un évêqueluthérien, et du milieu scientifique dans lequel il avaitvécu. Qu'on ne croie pas que, dès son entrée dans cemonde, la vérité se soit montrée à ses yeux dans toutson éclat, et qu'il se soit aussitôt dépouillé de ses pré-jugés ; cela aurait été en opposition avec les lois del'ordre, qu'il nous a si bien exposées pins tard dansses Écrits. Son instruction spirituelle s'est faite gra-duellement, comme se fait toute instruction naturelle,et son illustration a été progressive selon que par savie même il avançait dans le chemin de la régénéra-tion. C'est, du reste, ce que prouvent évidemment sespremiers Écrits théologiques (les Advcrsaria et leDiarium), laissés par lui en manuscri t , mais publiésdernièrement ; ces Écrits nous ont montré quel a étépour ainsi dire jour par jour son avancement dansla découverte des vérités. Ce n'est même qu'environtrois ans après son introduction dans le monde spiri-

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UN" SUPPLÉMENT DES ÉCRITS DE SWEDENBORG? 375

tuel, à savoir, au commencement de l'année 1748,qu'il reconnaît que notre Seigneur Jésus-Christ est leseul et unique Seigneur qui gouverne le Ciel et laterre, et qu'en Lui Seul est la Divine Trinité de Père,de Fils et d'Esprit Saint; mais, dès ce moment,lors-qu'il parle de Lui, il n'emploie plus dans tous sesÉcrits que l'expression Dominm (leSeigneur), tandisqu'auparavant pour le désigner il se servait de l'ex-pression Deux Messias (Dieu le Messie).

Cette substitution de Dominus à Deus Messias apour nous de l'importance (permettez-moi cette re-marque faite en passant) ; elle peut nous servir à indi-quer l'époque de quelques-uns des Écrits posthumesde notre Auteur ; ceux où l'on trouve Deus Messiasmontrent suffisamment par celte expression qu'ils ontété composés avant 1748, c'est-à-dire, dans les troispremières années de l 'introduction de Swedenborgdans le monde spirituel, et qu'ainsi ils ne peuvent pasavoir pour nous la môme autorité que ceux qui ontété écrits postérieurement. Il est encore à remarquerque ce n'est qu'une année après, en 1749, qu'il com-mença à publier son grand ouvrage, les Arcana Cœ-testia; et, ce qui n'est pas moins remarquable, c'estque dans les divers Traités qu'il a publiés depuis 1749jusqu'à la fin de sa vie, on ne trouve aucune mentionde ces Écrits composés antérieurement à 1748, etqu'il n'y est même fait aucune allusion, ce qui prou-verait que ce ne sont que des ébauches, et qu'il avaitjugé que son instruction spirituelle et son illustration

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n'étaient pas encore à celte époque parvenues à unassez liant degré, pour qu'il put sans quelque incon-vénient mettre au jour ce qu'il avait alors écrit. Tou-tefois, la publication décès Manuscrits a eu pour nousce grand avantage de nous faire connaître le moded'instruction spirituelle et d'illustration de notre Au-teur, ce qu'on ignorait généralement avant cette pu-blication ; mais il faut ajouter que ces Écrits antérieursà 1748 ne doivent être lus qu'en tenant compte del'état d'illustration encore faible dans lequel étaitalors Swedenborg ; car si on les mettait au mêmerang que les Traités qu'il a publiés lui-même, onpourrait en les confrontant les uns avec les autrestrouver des contradictions, tandis qu'on n'en rencon-tre aucune dans tout ce qu'il a livré lui-même aupublic.

Maintenant, d'après les explications qui précèdent,comme nous savons en quoi consiste l'illustration, etquel a été le mode d'instruction spirituelle de Swe-denborg, les questions que vous avez posées se trou-vent pour ainsi dire résolues d'elles-mêmes. En effet,il est facile de voir, 1° que la révélation donnée aumoyen de Swedenborg est une révélation complète enelle-même, puisqu'après l'ascension du Seigneur laParole a été complétée par les quatre Évangiles etpar l'Apocalypse, et que son sens spirituel a été ré-vélé au moyen de Swedenborg ; 2° que par conséquentil n'y a pas lieu à un supplément ou continuation,puisque, sans avoir recours à un nouvel instrument

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actif du genre de Swedenborg, le Seigneur, au moyende l'illustration, que tout homme est susceptible derecevoir, fera progresser son Église dans la connais-sance des vérités à mesure que le besoin s'en ferasentir, la science des Correspondances aidant ; 3° querien dans les enseignements de Swedenborg ne faitentrevoir la possibilité d'une autre diffusion de véritésd'un caractère semblable au sien ou plus élevé que lesien, ce qui d'ailleurs peut être constaté par quicon-que lira attentivement tous les Écrits de notre Auteur.

Mais cette 3e question est complétée par ces mots :« Diffusion de vérités, telle qu'une révélation du senscéleste delà Parole, dans lequel serait corrigé ce qu'onpourrait considérer comme des erreurs commises parSwedenborg, en jugeant de certains détails d'unpoint de vue spirituel. » Ce complément de la ques-tion concerne sans aucun doute la prétention deM. Barris de surpasser Swedenborg en donnantcomme révélation le sens céleste de la Parole.

Du moment où M. Barris est de son aveu en com-munication avec le Monde spirituel, et s'annoncecomme ne faisant qu'expliquer ce que dicte le Sei-gneur, sa prétention ne peut pas être admise par lesmembres de la Nouvelle Église, puisque maintenantle Seigneur ne parle pas avec l'homme autrement quepar la Parole, c'est-à-dire, autrement que par l'illus-tration de l'entendement de l'homme, quand celui-cilit la Parole avec les dispositions voulues par les loisde l'ordre.

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Nous admettons la mission de Swedenborg, parcequ'elle avait une cause, mais nous ne pouvons admet-tre celle que se donne M. Harris, parce qu'elle seraitsans cause. En effet, le Seigneur avant de quitter cemonde annonce à ses Disciples qu'il viendra de nou-veau à la consommation du siècle, c'est-à-dire, à lafin de l'Église qu'il fondait, mais sur les nuées du Cielavec puissance et gloire, c'est-à-dire qu'il lèvera alorsle voile qui doit rester jusque là étendu sur sa Parole;puis, dans l'Apocalypse, il annonce la fondation d'uneNouvelle Église sous la dénomination de la NouvelleJérusalem, dont il donne la description ; il fallaitdonc, comme nous l'avons vu, un homme spécial parle moyen duquel pût s'accomplir ce second avènementdu Seigneur. La cause de la mission de Swedenborgétaitdonc une cause réelle, et sa mission, une missionnécessaire et indispensable. Mais où est la cause de lamission de M. Harris? Quelle est la nécessité de cettemission? Pour que M. Harris pût soutenir devant desmembres de la Nouvelle Église sa prétention, il fau-drait d'abord qu'il prouvât d'après la Parole que lesecond avènement du Seigneur, maintenant accompli,n'était pas son dernier avènement, et qu'il devait ve-nir une troisième fois ; il faudrait ensuite que M. Harrisprouvât que Swedenborg n'était pas en état de pou-voir comprendre et communiquer aux hommes le senscéleste qui lui est maintenant révélé, à lui M. Harris;et c'est lorsqu'on peut, d'après les lois naturelles,apprécier avec quelle économie de moyens la Divinité

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agit dans toutes ses œuvres, qu'on pourrait supposerque le Seigneur, cent ans à peine après son secondavènement, viendrait donner aux hommes, en se ser-vant d'un instrument passif, un supplément de véritésqu'il aurait pu leur communiquer par Swedenborg,instrument conforme aux lois de l'ordre ! Il seraitinutile d'insister davantage sur ce point.

Cependant, pour réduire tout à fait à néant la pré-tention de M. Harris de donner le sens céleste de laParole, et pour qu'il ne reste aucune incertitude surce point, nous allons montrer, 1° combien le sens cé-kste est au-dessus du sens spirituel ; 2° que l'hommepeut devenir ange, même du troisième Ciel, sans avoirbesoin de connaître sur notre terre le sens céleste ;3° que les anges du second Ciel, qui sont si intelli-gents, ne désirent môme pas le sens céleste. Ces troisPropositions trouveront successivement leur solutiondans les considérations générales que nous allons pré-senter.

Ceux qui ont lu les Ouvrages de Swedenborg sa-vent qu'en toutes choses il y a trois degrés, appelésdiscrets ou séparés, parce qu'ils sont entre eux commela fin, la cause et l'effet ; et que chacun de ces degréscontient d'autres degrés, appelés continus, parcequ'ils croissent continuellement dans chaque degréséparé, sans que ceux d'un degré inférieur puissentjamais atteindre le degré supérieur. Ils savent aussique la Parole a trois sens selon les trois degrés dis-crets, à savoir, le sens naturel, le sens spirituel et le

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sens céleste, et qu'ainsi chacun de ces trois sens, quisont entre eux comme l'effet, la cause et la fin, con-tient, selon son degré, des sens de plus en plus élevés,sans que ceux, par exemple, du degré spirituel, quel-qu'élevés qu'ils soient, puissent atteindre les moinsélevés du degré céleste. Ceci ne doit-il pas suffirepour faire voir combien le sens céleste est au-dessusdu sens spirituel, même le plus élevé ? On sait aussique le sens de la lettre de la Parole est pour leshommes dans le monde, et renferme les autres sens ;et, qu'outre le mental que Swedenborg appelle YAni-mus, ou mental extérieur destiné aux choses pure-ments naturelles, l'homme a encore trois autres men-tais, à savoir, le mental naturel-spirituel, le mentalspirituel et le mental céleste, qui correspondent auxeffets, aux causes et aux fins, ou aux trois Cieux, etqu'il peut devenir ange de l'un de ces Gieux après samort, selon que par sa vie dans le monde il a ouvertle premier de ces mentais, ou successivement le se-cond et le troisième. Ainsi, si l'homme, quelle quesoit son intelligence, n'est porté qu'à s'occuper deseffets, c'est-à-dire, s'il n'a en vue que le vrai naturelet le bien naturel, il est simplement dans la charitéspirituelle-naturelle; alors s'ouvre chez lui le mentalspirituel-naturel, et d'après cette ouverture, qui alieu sans qu'il en ait conscience, il se trouve apte à de~venir ange du premier Ciel. Mais si l'homme recher-che aussi les causes, c'est-à-dire, s'il a aussi en vuele vrai spirituel et le bien spirituel, il est par là dans

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la charité spirituelle-rationnelle, mais plus dans cettecharité que dans l'amour envers le Seigneur, c'est-à-dire qu'il agit plus d'après l'entendement que d'aprèsla volonté ; dès lors s'ouvre chez lui le mental spiri-tuel, et d'après cette ouverture, qui a lieu aussi sansqu'il en ait conscience, il se trouve apte à devenir angedu second Ciel. Enfin si l'homme s'occupe spéciale-ment des fins, c'est-à-dire, s'il a spécialement en vuele bien céleste et le vrai céleste, il est par là dans l'a-mour envers le Seigneur, et plus dans cet amour quedans la charité à l'égard du prochain, c'est-à-direqu'il agit plus d'après la volonté que d'après l'enten-dement ; dès lors s'ouvre chez lui le mental céleste,et d'après cette ouverture, qui a lieu de même sansqu'il en ait conscience, il se trouve apte à devenirange du troisième Ciel.

On voit donc que l'homme peut devenir ange del'un des Cieux, et même ange du troisième Ciel ou Cielcéleste, sans qu'il ait besoin de connaître sur notreterre le sens céleste de la Parole ; pour qu'il devienneange du troisième Ciel il suffit que dans l'accom-plissement de ses devoirs de chrétien il ait en vue lesfins, c'est-à-dire, le bien céleste et le vrai céleste,agissant alors plutôt par volonté que par entende-ment.

De plus, on sait que notre Parole existe dans lestrois Cieux, et que dans chaque Ciel, où n'entrentpas les mots qui la constituent, elle présente en sériele sens qui est propre à ce Ciel, ainsi le sens spiri-

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tuel-naturel dans le .premier Ciel, le sens spiritueldans le second Ciel, et le sens céleste dans le troi-sième Ciel. Or, comme la Parole est infinie, tant dansson ensemble que dans chacune de ses parties, puis-qu'elle est Dieu et que Dieu est un et indivisible, cha-cun de ses sens internes est infini aussi, c'est-à-direque dans chaque Ciel les anges trouvent dans le sensde la Parole, qui leur est propre, un aliment par le-quel ils croissent et croîtront indéfiniment et à per-pétuité en amour et en sagesse, sans toutefois sortirde leur sphère ou du degré discret dans lequel ilssont ; par exemple, l'ange du second Ciel ou Cielspirituel restera a. éternité dans ce Ciel, et dans laParole il trouvera toujours à satisfaire son désir deposséder de nouvelles affections et de nouvelles pen-sées. C'est en cela même que consiste le bonheur desanges, parce qu'ainsi ils restent dans la sphère quiconvient à leur intérieur ; et même ils cesseraientd'être heureux, s'ils montaient dans une sphère su-périeure.

D'après cela il est évident que le sens céleste de laParole n'est pas même désiré par les anges du secondCiel, dont l'intelligence est si élevée.

Ajoutons ici, pour servir de confirmation, que lesens purement naturel, ou sens littéral de la Parole,offre aussi aux hommes des avantages analogues àceux dont il vient d'être parlé; et ce qui le prouve,c'est que tout homme qui s'en tient au sens de lalettre, et vit réellement dans l'amour envers le Sei-

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gneur et dans la charité à l'égard du prochain,trouve continuellement dans ce sens de nouveauxaliments qui le font croître aussi en amour et en sa-gesse. De plus, ceci montre que le sens de la lettrea pu suffire aux hommes ; et il leur a suffi tant qu'ilssont restés simples de cœur; et il suffit encore à ceuxqui, dans cette simplicité de cœur, laissent de côté lesfausses interprétations et les funestes déductions desdocteurs et des théologiens, et font consister la reli-gion dans la vie.

Or, puisque l'homme peut même devenir ange dutroisième Ciel, sans avoir besoin de connaître le senscéleste, et puisque les anges du second Ciel, ou angesspirituels, se contentent du sens spirituel, et ne dé-sirent même pas le sens céleste de la Parole, pour-quoi chercherions-nous à le connaître ? De quelavantage nous serait-il sur cette terre? Pour satis-faire n»tre ardent désir de nouvelles connaissances,et notre pressant besoin de nouvelles affections,n'avons-nous pas à explorer le vaste champ que nousoffre le sens spirituel ï car ce que le Seigneur nousen a révélé par le moyeu de son serviteur Sweden-borg est loin de constituer la Paroie en série, telleque la lisent les Anges du second Ciel.

En eifet, les mots dont est composée notre Parolen'entrant pas dans les Cieux, ainsi qu'il a été dit, etles anges dans chaque Ciel l isant la Parole dans lesens qui leur est propre, il est évident que pour lesanges du second Ciel, le Livre qui renferme leur Pa-

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rôle n'est autre que le sens spirituel de notre Paroleécrit en série, c'est-à-dire qu'il n'y a pas le plus petitmot, le moindre iota ou accent du texte original denotre Parole, qui ne s'y trouve traduit en sa signifi-cation spirituelle, ce qui constitue la série, et ce quifait que là même où le sens de la lettre nous paraîtdécousu, le sens spirituel, nous dit Swedenborg, estdans une admirable série. Or, il y a spécialement troisLivres de la Parole, dont Swedenborg a donné le sensspirituel : ce sont la Genèse, l'Exode et l'Apocalypse.Qu'on lise les Traités où ce sens est donné, et l'onreconnaîtra qu'il n'en est présenté que le sommaire,sommaire admirable, il est vrai, mais ce n'est pas làseulement ce qui est sous les yeux des anges lorsqu'ilslisent leur Parole. Non-seulement pour eux le texte,spirituel lui-même est en série, sans que la significa-tion du moindre iota de notre Parole y soit omise,mais ils voient dans une seule phrase, lorsque leurattention s'y arrête, beaucoup d'autres choses quiexigeraient des pages pour être écrites, et dont plu-sieurs ne pourraient pas même être exprimées dansaucune langue de notre monde. Gardons-nous, ce-pendant, de nous plaindre de ce que le Seigneur, ennous révélant le sens spirituel de sa Parole, ne nousen ait donné que le sommaire; il nous a donné toutce que nous pouvions présentement porter; mais aumoyen de la science des Correspondances, dont lesbases ont été posées dans les Écrits de Swedenborg,et en raison de l'illustration qui deviendra de plus

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en plus gîdiide à mesure que les hommes de la Nou-velle Église avanceront dans la voie de la régénéra-tion, nous et nos neveux nous pourrons toujours,sans une autre révélation extraordinaire, faire desprogrès dans la connaissance du sens spir i tuel , quiainsi se dévoilera indéfiniment selon les lois de l'ordre.

S'il en est ainsi pour le sens spirituel, que serait-ce donc pour le sens céleste? et c'est lorsque, parles révélations faites à Swedenborg, il a suffi, pourl'instauration de la Nouvelle Jérusalem, d'un simplesommaire du sens spirituel, que M. Harris aurait laprétention de nous 'révéler le sens céleste, dont lesAnges du second Ciel ne peuvent saisir que quelquepartie, de môme que les hommes ne peuvent saisirque quelque partie du sens spirituel ! Les Anges dutroisième Ciel peuvent seuls comprendre le senscéleste en série. Dans le sens intime, dit Sweden-borg, la Parole ne traite que du Seigneur Seul.—D. C. 263. — D'ailleurs, le sens céleste ne pourraitconcerner qu'une Eglise céleste, et la Nouvelle Jéru-salem est spécialement une Église spirituelle, quidoit subsister à perpétuité. Sa doctrine n'est-elle pascomplète? Que peut-il lui manquer? Ne suffit-il pasà un homme qui l'admet de faire quelques pas dansla voie de la régénération, pour qu'aussitôt il recon-naisse que cette doctrine n'a aucun besoin de complé-ment ?

Maintenant qu'il est établi que la Nouvelle Jérusa-lem n'a aucun besoin de la révélation du sens céleste

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de la Parole pour parvenir aux hautes destinées quilui sont promises, il est à espérer que les écrits etles prédications de M. Harris n'exerceront plus surl'esprit de certains membres de la Nouvelle Églisedu Seigneur cette influence que vous redoutez. Ce-pendant, comme le merveilleux a toujours quelqueattrait pour beaucoup de personnes, et, qu'en géné-ral on n'est pas longtemps porté à jouir paisiblementdes richesses qu'on possède, même quand ce sont desrichesses spirituelles, sans désirer en posséder denouvelles, je crois qu'il est important de montrerpar des exemples combien l'extase présente de dan-gers; et, puisque dans votre lettre vous désirez quej'entre sur ce sujet dans quelques détails, je m'em-presse d'accéder à votre désir.

Inutile de rapporter ici les nombreuses extrava-gances dites ou écrites par les extatiques de Francedans ces derniers temps; il en a sans doute été demême en Angleterre ; mais je vous parlerai de deuxextatiques qui ont appartenu à la Nouvelle Église, etdont l'état d'extase a beaucoup de rapport avec ce-lui de M. Harris. Ils avaient l'un et l'autre les quali-tés qu'on se plaît à reconnaître dans M. Harris, ettous deux avaient fait une élude approfondie desÉcrits de Swedenborg; mais, malgré les connais-sances qu'ils y avaient puisées, ils ne purent pas ré-sister longtemps aux astucieuses insinuations desesprits qui étaient en eux, et avec lesquels ils s'entre-tenaient.

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Ces esprits insinuèrent au premier, M. le comtede B., qu'il était chargé de la mission spéciale d'éta-blir la Nouvelle Jérusalem sur notre terre. Par suitede cette insinuation, M. de B. avait fait ce raisonne-ment : « Le monde spirituel est le monde des causes,et le monde naturel est le monde des effets; Swe-denborg a été le révélateur des causes et ne s'estpoint occupé des effets ; donc, pour que l'œuvre soitcomplète, il faut un révélateur des effets ; je suis cerévélateur. » Alors il reçoit ordre de faire la consti-tution que doit avoir la France sous le régime de laNouvelle Jérusalem, et il se met aussitôt à l'œuvre;il commence à écrire cette constitution le 16 janvier1830, et termine ce travail le 5 février suivant. Ilfaut ajouter que, dès la fin de 1829, M. de B. avait,à l'exemple de Swedenborg, commencé un Diariumou journal, qu'il a continué sans interruption jus-qu'au 22 novembre 1833, et dans lequel il a enre-gistré toutes ses visions ; mais il a quitté notremonde sans que ses révélations aient reçu leur ac-complissement, que chaque jour il attendait. Peu detemps après son décès, tous ses écrits, dont quel-ques-uns sont bons, m'ont été adressés par sa veuve ;et, si l'on en excepte ses visions, sa prétention à êtrele révélateur des effets et quelques autres excentri-cités, M. de B. ne s'écarte pas de Swedenborg.

Le sort du second, M. ***, a été plus douloureuxpour nous. M. de B. s'était contenté d'être le révé-lateur des effets ; les esprits avec lesquels M. ***

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communiquait se montrèrent plus ambitieux pourlui, et lui insinuèrent qu'il avait pour mission de ré-véler les fins. Par un raisonnement analogue à celuide M. de B., ils faisaient dire à M. *** : « Le royau-me spirituel du Seigneur est le royaume des causes,et son royaume céleste est le royaume des lins ; Swe-denborg a été le révélateur des causes, et ne s'estpoint occupé des fins ; donc, pour que l'œuvre soitcomplète, il faut un révélateur des fins ; je suis cerévélateur. » Dès lors, M. "*** ne s'occupe qu'à rem-plir la mission dont il se croit chargé ; il veut dé-couvrir les fins; mais ses facultés intellectuelles,quoique d'un ordre très-élève, sont tellement surex-citées que ses extases deviennent effrayantes; il di-vague, il entre en fureur, et l'on est contraint de lemettre dans une maison de fous.

Vous parlerai-je d'un autre extatique qui se crutdestiné à donner une troisième Parole pour compléterl'Ancien et le Nouveau Testament ? Je crois qu'ilsuffit des deux premiers exemples, sans qu'il soitmême besoin de les accompagner de réflexions.

Toutefois, comme le nombre des extatiques a beau-coup augmenté depuis qu'il est question des Tablestournantes, il ne serait pas hors de propos de direici quelques mots de ces Tables, surtout en raison durapport qu'elles ont avec le sujet dont nous nousoccupons maintenant. Or, quand on commença enFrance à faire tourner des tables, l'un de nos frèresm'écrivit pour me demander ce que j'en pensais;

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mon opinion sur ce point n 'ayant pas changé depuisla réponse que je lui adressai, je vous transcris icicette réponse :

« Nous ne nous sommes pas occupés ici des Tablestournantes et parlantes, ni d'aucun des phénomènesqui peuvent en dériver, parce que nous savons, partons les enseignements que nous donne Swedenborgsur le Monde spirituel, combien il y a de dangers àentrer main tenant en conversation avec les êtres quihabitent ce monde. Quant au fait en lui-même, il estcertainement providentiel, comme tout ce qui arrive,mais il est de la classe des faits de permission. LeSeigneur a permis aux esprits sensuels-corporels (caril n'y a que ceux-là qui désirent entrer en communi-cation directe avec les hommes) de lier conversationavec les habitants de notre globe, parce qu'il est dansles vues de sa Divine Providence de tirer du bien despernicieuses intentions de ces esprits, qui ne se plaisentqu'à dresser de fatales embûches, en se présentantsoit comme des Anges de lumière, soit comme Saint-Esprit, soit même quelquefois comme étant le Sei-gneur, et surtout en nous inculquant des principeserronés au moyen de flatteries faites avec une sata-nique adresse, et en nous berçant d'illusions nuisi-bles à notre propre régénération. Je suis persuadé([ne ce phénomène des Tables, dont on s'occupe danstoutes les classes de la société, soit ouvertement,soit secrètement, aura pour avantage d'amener beau-coup de personnes à méditer sur les choses spiri-

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tuelles, ce qu'elles n'auraient pas fait sans cela. Maisaussi, que de maux il en résultera ! combien d'héré-sies il en surgira ! que de désillusionnements ! com-bien d'hommes en deviendront fous ! les hospices enreçoivent chaque jour dont la folie n'a pas d'autrecause. Rendons donc grâces au Seigneur de ce qu'ilnous a fait connaître par son serviteur Swedenborgla nature de ce monde spirituel, dont la communi-cation avec le nôtre est si dangereuse maintenantque la partie la plus proche de nous (le monde desesprits) est encore composée de tant d'êtres pervers ;et ne cherchons la vérité que dans sa Parole, dont ilnous a donné la clé en nous révélant le sens spirituel.Remarquez bien que, si Swedenborg a pu conversersans danger avec les êtres du monde spirituel, c'estparce qu'il a été continuellement sous la garde duSeigneur ; il déclare lui-même que s'il eût cessé d'yêtre un seul instant, il eût été perdu ; et il a été con-tinuellement sous cette garde, parce qu'il était indis-pensable pour le second avènement du Seigneurqu'unhornme eût une connaissance parfaite du Mondespirituel, afin de pouvoir donner l'explication dusens interne de la Parole. Cette explication étantdonnée, il n'y a plus maintenant aucune nécessitéqu'un autre homme soit mis dans le même état queSAvcdenborg. Il ne peut donc arriver que des mal-heurs, soit naturels, soit spirituels, aux imprudentsqui voudraient communiquer directement avec l'autremonde. »

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UN SUPPLÉMENT DES ÉCRITS DE SWEDENBORG ? 391

Enfin, pour en finir avec ces Tables, j'ajouteraique des habitants de notre ville, surpris de ce qu'au-cun des nôtres ne s'occupait des Tables, nie firentdemander ce que je pensais de ceux qui s'amusaientà les faire tourner ; je leur fis répondre que je nesaurais mieux les comparer qu'à des enfants quijouent avec le feu.

Quant au langage des esprits avec l'homme, et auxdangers qui en résultent, nous trouvons dans Swe-denborg un passage que tous les membres de la Nou-velle Église devraient avoir sous les yeux pour le mé-diter ; c'est pourquoi, bien que ce passage soit long,je n'hésite pas à le donner ici tout entier.

« Plusieurs croient que l'homme peut être ensei-gné par le Seigneur au moyen des esprits qui parlentavec lui ; mais ceux qui le croient et le veulent, nesavent pas que cela a été conjoint avec le péril deleur âme. Tant que l'homme vit dans le monde, il est,quant à son esprit, au milieu des esprits, et cepen-dant les esprits ne savent pas qu'ils sont chez l'hom-me, et l'homme ne sait pas qu'il est avec les esprits :cela vient de ce qu'ils ont été conjoints immédiate-ment quant aux affections]de la volonté, et médiate-ment quant aux pensées de l 'entendement ; en effet,l'homme pense naturellement, mais les esprits pen-sent spirituellement ; or, la pensée naturelle et lapensée spirituelle ne font un que par les Correspon-dances, et l'union par les Correspondances fait quel'un ne sait rien au sujet de l'autre. Mais dès que les

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esprits commencent à parler avec l 'homme, ils pas-sent de leur état spirituel dans l'état naturel del'homme, et alors ils savent qu'ils sont chez l 'homme,et ils se conjoignent avec les pensées de son affection,et parlent avec lui d'après ces pensées : ils ne peu-vent entrer dans autre chose; car tous sont conjointspar une affection semblable, et par suite par unepensée semblable, et tous sont séparés par la diffé-rence de l'affection et de la pensée. De là résulte quel'esprit qui parle est dans les mêmes principes avecl'homme, que ces principes soient vrais, ou qu'ilssoient faux, et qu'en outre il les excite et les confir-me fortement par son affection conjointe à l'affectionde l'homme. D'après cela, il est évident qu'il n'y apas d'autres esprits que des esprits semblables à lui ,qui parlent avec l'homme, ou qui opèrent d'une ma-nière manifeste dans l 'homme, car l 'opération mani-feste coïncide avec le langage; de là vient qu'il n'y aque des esprits enthousiastiques qui parlent avec lesenthousiastes ; qu'il n'y a aussi que des esprits Qua-kers qui opèrent dans les Quakers, et des espritsMoraves dans les Moraves ; il en serait de même avecles Ariens, avec les Sociniens, et avec les autres héré-tiques. Tous les esprits qui parlent avec l'homme nesont autres que des hommes qui ont vécu dans lemonde, et alors tels : qu'il en soit ainsi, il m'a étédonné de le connaître par des expériences. Et, cequ'il y a de plaisant, lorsque l'homme croit que l'Es-prit Saint parle avec lui, ou opère en lui, l'esprit

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l:N SCPPLÉMIÎ.XT DES F.OIUTS NE SWEDENBORG? 393

croit aussi lu i -même q u ' i l est l'Espril Saint; cela estcommun chez les esprits enlhousiastiques. D'aprèsces considérations, on voit clairement le danger danslequel est l'homme qui parle avec des esprits, ou quisent manifestement leur opération. L'homme ignorequelle est son affection, si elle est bonne ou mau-vaise ; il ignore aussi avec quelles autres affectionselle a été conjointe ; et s'il a le faste de la propre in-telligence, l'Esprit est favorable à i ou l e pensée quien provient : il en est do même si quelqu'un a, pourdes pr inc ipes , une faveur pleine d'un certain feuqu'on trouve chez ceux qui ne sont pas dans les vraispar une affection réelle; quand l'Esprit d'après uneaffection semblable est favorable aux pensées ou auxprincipes de l 'homme, l 'un condui t l'autre commeun aveugle condu i t un aveugle, jusqu'à ce qu'ilstombent tous deux dans la fosse. Tels ont été autre-fois les Pythoniciens, et aussi dans l 'Egypte et àBahylone les mages, qui ont été appelés sages, parcequ'ils parlaient avec les esprits, et parce qu'ils sen-taient manifes tement-en eux leur opération : maispar là le culte de Dieu a été changé en culte des dé-mons, et l'Eglise a péri : c'est pour cela que de tellescommunicat ions furent interdites sous peine de mortaux lils d'Israël. » — A. E. 1182.

Permettez-moi encore de rapporter ici ce quenous apprend Swedenborg sur la manière dont leSeigneur enseigne l 'homme : «Une des lois de laDivine Providence, nous d i t - i l , c'est que le Seigneur

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n'enseigne pas immédiatement les vrais à l'homme,ni d'après Lui-Même, ni d'après les Anges ; maisqu'il enseigne médiatement par la Parole, par lesPrédications, par les Lectures, par les Entretiens etles Coinmiinications avec les autres, et ainsi par lesPensées qu'on a avec soi-même ; et que l'homme soitalors illustré selon l'affection du vrai d'après l'usage ;autrement l'homme n'agirait pas comme par lui-même. « — A. E. 1173. —- « II n'y a pas de révé-lation immédiate, si ce n'est celle qui a été donnéedans la Parole, et telle qu'elle est dans les Prophèteset les Évangélistes, et dans les Historiques.» — A. E.1177.

A tout ce qui précède j'ajouterai une considérationqui doit être d'un très-grand poids pour quiconqueest réellement de la Nouvelle Église, c'est que laBible défend impérativement d'avoir aucune commu-nication avec les morts ; or, d'après nos doctrines,tous les êtres qui sont dans le monde spirituel ontété primitivement dans le monde naturel et y sontmorts.

La Nouvelle Église du Seigneur n'a rien à craindredu Catholicisme romain, ni du Protestantisme ; cesdeux grandes fractions de la vieille Église, n'ayantplus aujourd'hui aucun lien interne avec l'Église duSeigneur dans le Ciel, et n'existant plus qu'à l'exté-rieur dans notre monde, sont destinées à se détruiremutuellement par des combats, et aussi à se déchirerelles-mêmes par des guerres intestines ; mais le dan-

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UN SUPPLÉMENT DES ÉCRITS DE SWEDENBORG ? 395

ger que pourrait courir la Nouvelle Église, et dontle Seigneur saura la préserver, c'est le zèle trop ar-dent de ceux de ses membres qui, ne se contentantpas de la nouvelle dispensation de lumières donnéespar le Seigneur à son second avènement, voudraienten obtenir de plus éclatantes par des moyens opposésaux lois de l'ordre Divin ; car il ne pourrait résulterdelà que de pernicieuses hérésies. Nous devons doncnous en tenir à la Parole, et aux explications quenous en donne Swedenborg ; c'est, en mon particu-lier, ce que je fais ; et s'il m'est arrivé, ou s'il m'ar-rive jamais d'écrire ou de dire quelque chose qui nesoit pas en concordance avec les enseignements doc-trinaux et philosophiques de notre Auteur, ce n'auraété ou ce ne sera que par une pure inadvertance, etdès à présent je le rétracte.

Je terminerai par une observation : Le Seigneurpermet que quelques-uns de ceux qui doivent être desa Nouvelle Église y soient amenées, soit par descommunications qu'ils ont avec le monde spirituel,soit par des faits de ce genre dont ils ont été seule-ment témoins. Il en est ainsi, parce que ceux quiont été dévastés complètement, c'est-à-dire, ceux quiont entièrement rejeté les dogmes de la vieille Église,et qui par suite sont tombés dans l'incrédulité, sontplus aptes que les autres à recevoir les dogmes de laNouvelle Église, s'ils ont conservé en eux de l 'amourpour ce qui est bien et vrai, et pour ce qui est justeet équitable. Or, de tels hommes ne peuvent être re-

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300 DOIT-OX ATTENDRI' ; DE QIEÏ .QUK A U T R E

tirés de l'incrédulité que par des fai ts qui leur prou-vent manifestement qu ' i l y a dans l'univers autrechose que la matière, et que le spir i tuel , qu'ilsavaient en mépris par suite de l'abus qu'on en faitpour obtenir domination sur les hommes, a cepen-dant une existence réelle et cer taine ; c'est donc dansleur intérêt spirituel que le Seigneur permet cesfaits; mais si l 'homme, retiré ainsi de son incrédu-lité, continue à avoir commerce avec les esprits, aulieu de recourir et de s'en rapporter à la Parole et

. aux Écrits de Swedenborg, qui seuls peuvent luifaire connaiire quelle est la composition de ce mondedes esprits, et quels sont les dangers dont lui-mêmeest entouré, les esprits s'emparent facilement detoute sa confiance, et il perd son libre arbitre, c'est-à-dire qu'il n'agit plus d'après le libre selon la rai-son (ex liuero sfcundum r/nionem), comme touthomme sensé doit le faire; dès cet instant il n'estplus que leur esclave, lors même qu'il s'imagine êtreencore libre.

Si donc il m'était permis de donner des conseils ànos frères, j 'engagerais fortement ceux d'entre euxqui n'ont pas eu de communica t ion avec le Mondespirituel, ci qui désireraient en avoir, à prier leSeigneur de leur donner la force de chasser lo ind 'eux ce désir ; et plus for tement encore j 'engageraisceux qui seraient en communicat ion avec ce Mondespirituel, d'abord, à réfléchir sérieusement aux dan-gers t a n t naturels que sp i r i tue ls auxquels i l s se t rou-

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UN SUPPLÉMENT DES ÉCRITS DE SWEDENBORG ? 397

vent exposés ; puis, à supplier le Seigneur de leurvenir en aide pour rompre cette communication, cequi ne pourrait être fait qu'autant que leur supplica-tion partirait du fond de leur cœur, c'est-à-dire,qu'autant qu'eux-mêmes, loin d'avoir encore quelquepenchant pour cette communication, ne ressenti-raient plus pour elle que de la crainte et de l'aver-sion. Enfin, je dirais à tous en général : Le Seigneurnous a donné par Swedenborg la vraie doctrine de saNouvelle Église; cette doctrine est inattaquable,parce qu'elle est fondée sur le sens de la lettre de saParole, illustré par son sens spirituel, et qu'elle apour base la base même qu'il lui a donnée lorsqu'ilétait dans le monde, à savoir, l'amour envers le Sei-gneur et la charité à l'égard du prochain. Qu'avons-nous besoin de plus ? rejetons donc loin de nous tousles autres moyens d'instruction qui sont incompati-bles avec les lois de l'ordre divin ; cherchons leroyaume de Dieu et sa justice, et toutes choses nousseront données par surcroît, c'est-à-dire, régéné-rons-nous, et nous trouverons en abondance, aumoyen de l'illustration, tout ce que nous pourronsdésirer pour accroître notre intelligence dans leschoses spirituelles.

Agréez, mon cher ami, la nouvelle assurance dema constante amitié.

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PUBLICATION DE L'INDEX GÉNÉRALDES PASSAGES DE LA PAROLE CITÉS DANS LES ÉCRITS

DE SWEDENBORG.

A Monsieur S. Worcester, ministre de la Nou-velle Église, à Baltimore (États-Unis).

Saint-Amand (Cher), 1" mars 1859.

Mon cher Monsieur,

J'ai retardé de quelques jours ma réponse à votrelettre pour avoir le plaisir de vous annoncer quel'ouvrage dont vous me parlex est maintenant souspresse, et que la première feuille est déjà imprimée ;j'espère même que la publication pourra être termi-née, s'il plaît au Seigneur, dans le courant de cetteannée ; car tout est maintenant disposé pour qu'iln'y ait pas d'interruption dans le tirage des feuilles ;l'ouvrage entier formera un volume in-8° d'environ400 pages.

Cet ouvrage comprendra tous les Traités théolo-giques de Swedenborg, sous 37 dénominations, carles Advenaria ayant 3 séries de numéros et une par-tie non numérotée, formeront 4 divisions. Chaque

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PUBLICATION DE L'INDEX GÉNÉRAL. 399

Traité est désigné par des initiales, et la nature dechaque citation des passages de la Parole est indi-quée par les petites lettres initiales dont je me suisservi dans les Index particuliers qui sont à la suitede la plupart de mes traductions.

Pour éviter la confusion, et principalement en rai-son de la faible importance des Adversaria, lesLivres de la Parole qui en sont le sujet, à savoir :Le Pentateuque, Josué, les Juges, Samuel, les Rois,Ésaïe et Jércmie, auront un double Index. Ainsi,Genèse, Index I, contiendra les citations qui sontdans les 33 Traités, et Genèse, Index II, contiendracelles qui sont dans les 4 parties des Adversaria.L'Index II de la Genèse sera à la suite de l'Index I,et précédera l'Index I de l'Exode, et de même pourles Livres qui auront deux Index. Les Livres bibli-ques, tant de l'ancien que du nouveau Testament,qui ne font pas partie de la Parole, auront leur Indexà la fin de l'ouvrage, de même que dans mes Indexparticuliers.

Comme ce volume ne sera, pour ainsi dire, com-posé que de chiffres, il pourrait être a l'usage detoutes les nations, s'il n'était pas indispensable de lefaire précéder d'un Avertissement, pour expliquerau lecteur la signification des initiales qui précèdentet suivent les chiffres, à savoir, les lettres qui in-diquent les Traités, et celles qui indiquent la va-leur de la citation. Or, pour que cet Avertisse-ment fût à l'usage de tous les membres de l'É-

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400 PUBLICATION DE l/INDEX GÉNÉRAL.

glise, il suffirait de l'imprimer en même temps enanglais et en allemand ; car de tous ceux qui aurontbesoin pour leurs travaux de recourir à cet Index, ilne s'en trouvera pas un seul qui n'ait quelque notionde l'anglais, de l'allemand ou du français, languesqui sont les plus répandues dans le monde. Or,comme cet Avertissement, quoiqu'il doive être placéen tête de l'Index, n'a pas besoin pour cela d'êtreimprimé tout de suite, j'ai l'intention de le faire tra-duire en anglais et en allemand, afin de le donnerdans les trois langues. Je suis encore porté à celapar deux autres considérations; la première, c'estque, malgré tout le soin qu'on pourrait mettre enréimprimant cet Index, il serait impossible qu'il nese glissât pas de nombreuses fautes, puisque l'ou-vrage entier ne se compose que de chiffres et delettres initiales. La seconde considération, c'est que,s'il était seulement à l'usage de ceux qui connaissentle français, il ne s'en écoulerait peut-être pas dixexemplaires, tandis qu'étant d'un usage plus généralau moyen des trois langues, j'ai l'espoir que toutceux de l'Église qui s'occupent de travaux bibliquess'en serviront. D'un autre côté, il y aura économiepour les Églises des États-Unis, d'Angleterre etd'Allemagne; car si elles étaient obligées de faireréimprimer l'Index dans leur langue, elles ne ren-treraient pas dans les frais considérables qu'une telleréimpression nécessiterait.

Je vous annoncerai aussi que j'ai l'intention de

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PUBLICATION DE L'INDEX GÉNÉRAL. 401

faire réimprimer les Traités de Swedenborg quej'avais publiés avant d'avoir conçu l'idée de donnerdes Tables analytiques; on réimprime maintenantles quatre doctrines en un seul volume.

Veuillez, je vous prie, remercier le Comité de cequ'il a bien voulu s'adresser à moi pour le travaildont la Convention l'avait chargé, et lui dire quej'aurais, de mon côté, été charmé de recourir auxtravaux qu'il a déjà préparés pour l'accomplissementde l'Index Général, si au moment où votre lettrem'est parvenue mon plan n'eût pas été arrêté, et sila première feuille de l'ouvrage n'eût déjà été en voiede composition à l'imprimerie.

34*.

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SOCIETE DE LA NOUVELLE EGLISE

I>E L'ILE-MADIUCE.

A Monsieur M , à Port-Louis (Ile-Maurice).

Saint-Arnaud (Cher), 24 décembre 1859.

La rupture de M. B avec les Métho-distes, l'organisation par lui d'une Église semblableà celle des Apôtres, son adhésion à certains prin-cipes de notre doctrine, et la fusion de son Égliseavec la Nouvelle Église du Seigneur, sont des faitsd'une importance bien grave, sur lesquels notrefrère, M. Edmond de Chazal, m'invite par sa lettreà donner mon opinion. S'il ne s'agissait que de cer-tains détails du culte, je répondrais : Faites à Mau-rice comme vous le jugerez convenable ; peu importela forme, pourvu que dans l'Église la substance (laDoctrine) soit la même. Mais, comme il s'agit defondre ensemble deux communautés dont les doctri-nes ne sont point identiques, et même de placer à latête de la fusion un homme, respectable sans doute,mais qui n'a encore adopté qu'une partie de nosdoctrines, je réponds, puisqu'on me demande monavis, que cette fusion serait désastreuse pour l'Église.

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SOCIÉTÉ DE L'ILE-MAURICE. 403

C'est surtout à son commencement qu'une Églisea besoin de prudence ; car tout dépend des commen-cements; engagée dans une voie fausse, elle ne tar-derait pas à être dissipée; ce n'est pas au nombrequ'il faut viser, mais c'est à la qualité des membres,c'est-à-dire, à n'avoir pour nouveaux adeptes que despersonnes susceptibles de commencer et de pour-suivre leur régénération. Est-il possible d'obtenir cerésultat, en recevant dans votre sein une foule depersonnes qui se sont détachées de leur communionpar suite d'une querelle entre leurs ministres, etqui ont épousé le parti de l'un deux? Et encore, CGn'est pas vous qui les recevriez dans votre sein;mais, au contraire, vous iriez vous joindre à ellesdans l'espoir de les attirer plus tard à vous.

J'ai donc répondu à M. de Chazal que j'étais com-plètement de son avis, et qu'en s'opposant à la fu-sion il avait agi comme j'aurais cru devoir agir enpareille circonstance. Dans ce que je vous dis là, iln'y a rien de personnel pour M. B ; je désiremême bien vivement que ce ministre de la vieilleÉglise continue à étudier Swedenborg, et qu'il puissese convaincre que tout ce que Swedenborg a écritest conforme à la Divine Parole, et conforme enmême temps à la saine raison ; alors, si l'Église doMaurice le jugeait à propos, elle pourrait le choisirpour ministre.

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404 SOCIÉTÉ DE LA NOUVELLE ÉGLISE

A Monsieur Edm. de Chazal, à Si-A., par Port-Louis (Ile-Maurice).

Saint-Araand (Cher), 2ù décembre 1859.

Nous avons lu avec beaucoup d'intérêt vosbrochures ; et je ne doute pas qu'il n'en soit demôme en Angleterre et en Amérique, où vous enavez sans doute envoyé quelques exemplaires.

J'arrive maintenant à la question capitale de votrelettre : La fusion de la Nouvelle Église avec l'ÉgliseB Que vous avez été bien inspiré en résistantà cette fusion ! Puissiez-vous remporter une victoirecomplète ! non pas que notre Doctrine soit exclusive ;elle est très-tolérante, au contraire, puisque, quelleque soit la croyance des autres, elle admet commeétant de l'Église universelle du Seigneur tous ceuxdes autres communions qui croient en Dieu et quivivent par religion conformément aux préceptes duDécalogue ; mais ce n'est pas une raison pour sejoindre dans un culte externe commun avec ceux quin'admettent pas l'ensemble de nos doctrines; unetelle fusion serait on ne peut plus dangereuse pournos frères en particulier, et pour l'avenir de la Nou-velle Église en général. L'affaire B me rappellecelle de l'abbé Ledru, l'éditeur de la liturgie dontnous nous servons en quelque partie. L'abbé Ledru,

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DE L'UE-MAURICE. 405

après 1830, s'étant brouillé avec son métropolitain,l'évêque de Chartres, fut destitué par lui ; les parois-siens de l'abbé l'aimaient beaucoup, car c'était, dit-on, un excellent homme ; ils se rangèrent de son côté,et M. Ledru, qui connaissait quelques Écrits de Swfrdenborg, mais imparfaitement, établit un culte pu-blic. Or, tout en prêchant les doctrines de la NouvelleÉglise, il les entremêlait de cérémonies Catholiquesromaines, espérant par là retenir chez lui la majoritéde ses paroissiens encore imbus de superstitions;mais on ne met pas du vin nouveau dans de vieillesoutres; aussi l'entreprise de M. Ledru n'eut-ellequ'un succès éphémère, et après sa mort le reste deses paroissiens retourna à la Babylone. Il n'y eutplus dans sa paroisse une seule personne attachéeaux doctrines de la Nouvelle Église.

Jesuisloin de suspecter les intentions de M. B ;j'admets qu'il a sincèrement reconnu et adopté laTrinité dans l'Unité Divine de notre Seigneur Jé-sus-Christ ; que la foi ne peut pas sauver sans lesœuvres, et que la Parole renferme un sens spiritueldont Swedenborg, comme M. B ledit, peut avoirmieux compris l'expression ; mais cela suffit-il dansla position où se trouve M. B ? Pour conserverson ascendant sur ses ouailles, M. B ne sera-t-il pas forcé, comme M. Ledru, de faire des conces-sions à quelques-uns de leurs préjugés? Les ouaillesauront un pied dans la Nouvelle Église et l'autredans l'ancienne ; cette position est la plus dangereuse.

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406 SOCIÉTÉ DE LA NOUVELLE ÉGLISE

La meilleure condition pour entrer dans la NouvelleÉglise, c'est d'être dévasté ; j'admets que parmi ceuxqui ont suivi M. B , il y ait plusieurs dévas-tés ; ceux-là ne pourront devenir de réels disciples,qu'autant qu'on les aura convaincus que Dieu lui-même est Homme, que l'âme de Jésus-Christ étaitDieu même, que le monde spirituel est un mondesubstantiel, que l'âme humaine est une substance or-ganisée indestructible, donnant la forme à notrecorps, et est, par conséquent, l 'homme même, etc.Or, M. B pourra-t-il, en chaire, entrer danstous les développements nécessaires pour prouver cespoints capitaux ? S'il ne le fait pas, les dévastés re-tourneront à leur incrédulité, et les non-dévastés àleur foi seule; car ceux-ci ne manqueront pas dedire : Le vin vieux est meilleur? En effet, il est plusaisé de se croire sauvé par la foi seule que de se ré-générer.

Tout en admettant que M. B soit sincère, jene crois pas lui faire injure en redoutant qu'il y aitencore en lui quelque reste de l'amour de la propreintelligence; car nous tous, qui faisons tous nosefforts pour avancer dans la régénération, nous sa-vons que le chemin est rude, et qu'on n'avance quepas à pas. Du reste, nous n'aurions pas cette expé-rience personnelle, que le fait de M. B d'éta-blir par lui-même un culte doctrinal suffirait pournous donner cette crainte. Vous avez donc pris leparti le plus prudent, et je vous en félicite de tout

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DE L'ILE-MAURICE. 407

cœur. Quoique nous ne soyons pas du monde, com-me nous le dit le Seigneur, nous devons cependantvivre dans le monde ; mais pour la doctrine, c'estau monde à venir h nous, et non à nous à aller aumonde ; nous n'avons donc aucune transaction à faireavec lui quant à tout ce qui concerne le spirituel.La propagande, telle que le monde la conçoit, ases dangers ; le nombre ne fait rien pour la chose,la qualité fait tout ; le disciple qui fait des progrèsdans sa propre régénération, fait plus avancer lerègne du Seigneur sur la terre, que celui qui par sesdiscours arrive à pêcher quelques maigres poissons.

Vous avez très-bien fait de ne pas vous laisser en-traîner par les mots charité et tolérance; la vraiesignification de ces mots est tombée en oubli commecelle du mot prochain. Vous êtes sur un bon terrain,restez-y ferme ; nos amis, j'en ai l'espoir, reconnaî-tront que cette fusion était grosse de dangers; et cequeje souhaite ardemment pour M.B ,c'est qu'ilcontinue à étudier Swedenborg, et qu'il se pénètredes principes de notre Doctrine céleste.

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VERSION LATINE DES SAINTES ECRITURES

D'APRÈS SWEDENBORG.

A Monsieur Edm. de Chazal, à St-A. (Ile-Mau-rice).

Saint-Amand (Cher), 20 mars 1860.

Veuillez recevoir mes remerciements etl'expression de ma vive reconnaissance pour la som-me que vous mettez à ma disposition. Cette sommenous est venue fort à propos pour nous déterminer àcommencer dès maintenant une œuvre bien impor-tante, vers l'exécution de laquelle tous mes travauxont convergé depuis plus de vingt ans, mais qui nepouvait être commencée que lorsque nous aurions ànotre disposition l'outil principal, c'est-à-dire Vln-dex Général de tous les passages bibliques citésdans les Écrits de Swedenborg ; je veux parler d'uneVersion latine de la Bible d'après Swedenborg.Convaincus, comme nous le sommes tous, que laNouvelle Église dans un temps plus ou moins éloigné

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VERSION LATINE DES SAINTES ÉCRITURES. 409

sera répandue sur toute la surface du globe, nousdevons considérer comme le plus universel de tousles usages, celui de présenter une Version de'la Bibledans la langue la plus généralement connue desérudits, afin que, à mesure que la Nouvelle Églisepénétrera chez une nation, cette nation puisse enavoir une traduction dans sa langue. La Version la-tine ne servira donc pas seulement aux Français, auxAnglais et aux Allemands pour avoir une Version vul-gaire, mais elle servira aussi aux Suédois, aux Es-pagnols, aux Portugais, aux Italiens, aux Polonais,aux Russes, etc., et plus tard, sans doute, aux di-verses nations mahométanes, indiennes, etc.

Cette Bible, dans le format in-8° sera à deux co-lonnes ; la première à gauche contiendra le texte, età la suite de chaque Verset l'indication des Ouvragesde Swedenborg où le texte est cité, les variantes s'ilen existe, et au besoin des observations ; la secondecolonne contiendra les significations données parSwedenborg dans ses divers Traités. Comme cetteBible formera, d'après cela, un assez grand nombrede volumes, nous avons pensé qu'il serait plus agréa-ble pour les lecteurs d'avoir d'abord la partie pro-phétique; ainsi, nous allons commencer par Ésai'e ;et comme on est très-peu porté en général à lire lelatin, lors même que l'on connaît bien cette langue,notre intention est de donner plus tard une traduc-tion française de chaque volume publié. Je pars de-piain pour Paris afin de me concerter avec M. Harlé,

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410 VERSION LATINE DES SAINTES ÉCRITURES

qui veut bien prendre sa part dans cette œuvre ; etde là nous irons à Tubingue pour compulser ensem-ble les nouveaux manuscrits que M. Tafel a rapportésdernièrement de Stockholm.

Lorsqu'une nouvelle Église se forme, jecrois qu'il est bon que le frère qui s'est chargé deremplir provisoirement les fonctions du ministèrecontinue, sauf empêchement, à les exercer tant quele provisoire subsiste Les détails que vous nousdonnez sur l'impression que la cérémonie du bap-tême a produite nous ont beaucoup intéressés, etsont d'un très-bon augure pour l'avenir de l'Églisedans votre île. Quant aux diverses tribulations quevous avez éprouvées, elles sont dans la nature deschoses ; l'enfant qui vient de naître doit traverserdiverses périodes douloureuses, avant que sa santésoit affermie, la dentition, par exemple; telle esttoute Église naissante. Que votre Église se confie auSeigneur Seul, et elle sortira victorieuse de toutesses épreuves. Ce que vous me dites de M. B meprouve suffisamment combien vous avez eu raison devous opposer à sa réception comme ministre. Parcela seul que M. B a des communications avec lemonde des esprits, quelle que soit du reste sa mora-lité, l'Église courrait les plus grands dangers, sielle se mettait sous sa direction ; car de telles com-munications sont contre l'ordre Divin ; le Seigneurne communique avec l'homme que dans la Parole,lorsqu'elle est lue par l'homme avec intention d'y

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D'APRÈS SWEDENBORG. 411

découvrir le vrai et de le mettre en application ; c'estlà l'illustration ; l'homme alors conserve pleinementsa liberté. Dans le cas de M. B , il la perd tout àfait ; or, pour que l'homme puisse se régénérer etguider les autres, il faut qu'il agisse d'après le libreselon la raison, ex libéra secundum rationem,nous dit Swedenborg; belle sentence exprimée enpeu de mots, et que nous devons avoir toujours pré-sente à la mémoire........

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FONDATION D'UN JOURNALDANS L'ILE-MAURICE.

INSTRUCTION DES JEUNES NÈGRES ET INDIENS.

Au même.

Saint-Amand (Cher), 24 avril 1860.

..' Si votre île appartenait encore à la France,je vous engagerais fortement à renoncer au projetd'y fonder un journal; mais comme vous jouissezd'une complète liberté de discussion, je ne vois pasun grand inconvénient à ce que vous fassiez ce quefont nos frères en Angleterre et en Amérique, etvotre polémique jusqu'à ce jour prouve suffisammentque vous saurez maintenir haut le drapeau de laNouvelle Jérusalem. Votre Église est encore dans lapériode militante; il lui faut donc des discussionspour entretenir son zèle; mais il arrivera un tempsoù elle reconnaîtra l'inutilité de la lutte, et où chaquefrère se reposera sous son cep et sous son figuier,laissant la vieille Église se déchirer de ses propresmains, nation contre nation, royaume contre royau-me (mal contre mal, faux contre faux ) ; n'est-ce pasdéjà ce que nous voyons dans notre vieille Europe ?

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FONDATION D'CN JOURNAL DANS I/ILE-MAURICE. 413

J'ai vu avec peine que votre école n'allait pas se-lon vos désirs ; il ne faudrait cependant pas jeter lemanche après la cognée ; j'ai toujours considéré votreprojet de donner de l'instruction aux enfants de vostravailleurs comme une des choses les plus impor-tantes de la Nouvelle Église. Patience et persévé-rance, et vous réussirez ; parmi ces enfants, si insou-ciants d'instruction pour le moment, il suffira peut-être que quelques-uns prennent enfin goût à l'étude,pour que la doctrine de la Nouvelle Église soit portéepar eux chez les diverses nations de leur race. C'étaitvotre espoir, dites-vous, et vous craignez que cen'ait été qu'un rêve. Chassez, je vous prie, loin devous cette crainte ; avisez, si vous le jugez convena-ble, à d'autres moyens d'exécution, mais persévérezdans votre dessein ; n'abandonnez pas un des princi-paux usages dont le Seigneur vous a gratifié, en met-tant sous votre direction paternelle tant de jeunesenfants, et en vous donnant les moyens naturels defonder l'établissement que je considère comme de-vant être le plus avantageux pour les destinées fu-tures de la Nouvelle Église

25*.

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PUBLICATION DES SAINTES ECRITURESVERSIONS LATINE ET FRANÇAISE.

Au même.

Saint-Amand (Cher), 21 juin 1860.

Le secours pécuniaire, que vous avez lagénérosité de nous offrir, va nous permettre de don-ner une plus grande impulsion à nos publications.Aussitôt que j'eus reçu votre lettre, j'en ai fait partà M. Harlé, afin de me concerter avec lui sur laprompte mise à exécution de votre heureuse idéed'imprimer dès maintenant notre traduction de laBible en français, et je n'ai retardé de quelquesjours ma réponse à votre lettre, que pour avoir leplaisir de vous annoncer que nos dispositions sontdéjà prises, et que nous allons mettre sous presse lenouveau Testament, se composant des quatre Évan-giles et de l'Apocalypse. Ainsi, grâce à votre muni-ficence, l'Église de France va jouir de l'avantaged'avoir sa Bible à elle, Bible qu'elle désirait depuisbien longtemps, et que sans vous nous n'aurions pucommencer à faire imprimer que dans quelques an-

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PUBLICATION DES SAINTES ÉCRITURES. 415

nées. Et, à ce propos, je vois confirmer d'une ma-nière bien frappante cette déclaration de notre Swe-denborg, que, selon les lois de l'Ordre Divin, c'estau moyen des hommes que l'action du Seigneur surles hommes s'exerce. En effet, avant d'entreprendrela publication d'une traduction française de la Bibleà l'usage des membres de la Nouvelle Église, il fallaitde longs travaux préparatoires ; il fallait que tous lesOuvrages de Swedenborg eussent été traduits, afinque rien de ce qu'ils contiennent ne fût négligé, ilfallait en outre un Index Général des passages de laParole, qui pût permettre de trouvera l'instant celuidont on pourrait avoir besoin. Eh bien! à peine latraduction complète est-elle terminée et l'Index Gé-néral publié, lorsque, pour entreprendre l'œuvre, ilne manquait que les fonds, le Seigneur vous suggèrel'idée de nous les offrir. Ce n'est certes pas la pre-mière fois que je constate l'action de la Divine Pro-vidence envers ceux qui ont mis toute leur confianceen elle, car depuis que j'ai eu le bonheur de revenirà mon Seigneur et à mon seul Dieu, j'ai eu bien desoccasions, quoique moins solennelles que celle-ci,de reconnaître que dans sa Divine Miséricorde le Sei-gneur veille à tous nos besoins, et nous donne ce qu'ilnous faut avant même que nous le lui demandions.

Nous allons donc mener de front l'impression dela Bible latine dont je vous parlais dans une de mesprécédentes lettres, et celle de la Bible française

Nous avons reçu, M. Harlé et moi, chacun deux

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416 PUBLICATION WES SAINTES ÉCRITURES.

exemplaires du catéchisme en français et en patois.C'est une heureuse idée que vous avez eue de com-poser, pour vos jeunes élèves, ce catéchisme en pa-tois

Je vous remercie de l'attention que vous avez euede m'envoyer un exemplaire de votre réponse à l'évê-que anglican de Maurice ; je l'ai lue avec un grandintérêt, et je vous félicite d'avoir si bien jugé et ré-futé Adolphe Monod. Toutefois, si vous fondez unjournal à Maurice, évitez autant que possible de par-ler de Paul. Si vous désirez savoir pourquoi, je vousle dirai.

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É T A B L I S S E M E N T DU CULTE

ÉGLISE DE L'ILE-MAURICE.

Au même.

Saint-Aroand (Cher), 23 août 1860.

Il arrive quelquefois que certains de nos projets,quoique empreints du plus pur dévouement au biengénéral de l'Église, ne peuvent pas être réalisés; nousnous en affligeons d'abord ; mais notre céleste doc-trine, qui a du baume pour toutes les blessures, nousrappelle bientôt que, puisqu'il n'a pas plu au Sei-gneur d'exaucer nos vœux, c'est que leur accomplis-sement aurait été plus nuisible qu'utile aux vues mi-séricordieuses de sa Divine Providence ; et plus tardnous acquérons la certitude que ce que nous avionsd'abord considéré comme désavantageux pour l'Églisea cependant tourné à son avantage. C'est dans cesens que l'Écriture dit qu'on ne peut voir Dieu quepar derrière. Ces réflexions me sont suggérées parvotre dernière lettre au sujet du projet que vous aviezformé d'élever à Port-Louis un temple pour la Nou-velle Église. Les tribulations que vous éprouvezprésentent tant de similitudes avec celles qui m'ont

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418 ÉTABLISSEMENT DU CULTE.

assailli, que vous voudrez bien m'excuser, si je mepermets de vous tracer un simple précis de ce quinous est arrivé ici il y a environ vingt ans. LaFrance, sous les Bourbons de la branche cadette,jouissait d'une sorte de liberté publique des cultes.En 1839, un homme, M. C , paraissant pénétréde toutes les vérités de la Nouvelle Église, se pré-sente à moi et me déclare son intention de consacrer80,000 francs à l'érection d'un temple dans la villede Saint-Amand ; il achète et paye 12,000 francs leterrain, et me charge de faire dresser un plan del'édifice ; le plan est fait et approuvé par lui ; c'estcelui qui est inséré dans le Tome II de la Revue;les fondations sont effectuées, et le 20 mars 1840est fixé pour la pose de la première pierre. M. C ,arrive le jour dit, et la cérémonie a lieu au milieu duconcours de toute la ville. Puis, dès le lendemain, lesouvriers se mettent à l'œuvre, et l'édifice s'élève;mais lorsqu'il fut question de couronner le dessus dela porte d'entrée, les constructions étant déjà arri-vées à cette hauteur, M. C voulut y faire mettredes emblèmes qui ne convenaient nullement à nosprincipes ; résistance de ma part, obstination de lasienne. M. C était, il est vrai, un très-honnêtehomme, et admirateur de Swedenborg, mais mal-heureusement il était extatique, et les emblèmes qu'ilproposait étaient un résultat de ses extases. Commeil n'y a pas à raisonner avec un extatique, quand ils'agit de ses extases, je fus contraint de rompre avec

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ÉGLISE DE L'ILE-MAURICE. 419

lui, et la construction du temple fut abandonnée (*).Vous devez juger des tribulations que j'éprouvai ;mais la doctrine me donna la force de les surmonter,et le temps est venu me fournir la preuve qu'il avaitété avantageux pour l'Église de Saint-Amand que cetemple n'eût pas alors été construit ; en effet, il au-rait pu rester ouvert jusqu'en 1851, mais alors ileût été inévitablement fermé.

Autre exemple : La Revue, après une existencede dix années, cesse de paraître ; il m'en a, certes,coûté beaucoup d'être obligé de suspendre sa publi-cation, car c'était en 1848, alors que tout portait àcroire qu'elle pourrait jouir de toute sa liberté d'ac-tion. C'est encore la doctrine qui vint me soutenirdans cette affliction ; je portai alors toute mon acti-vité sur les traductions de notre Auteur, que j'ai pu,d'après cela, mener à bonne fin, ce qui n'aurait paspu avoir lieu, si j'eusse continué à publier la Revue.D'ailleurs, de quel avantage aurait été la Revue avecla nouvelle législation sur la presse depuis le réta-blissement de l'empire ?

Je ne vous cite, mon cher frère, que ces deuxexemples qui me sont personnels ; il serait facile d'enmultiplier le nombre. Restons donc invariablementconvaincus que, quand nos intentions portent uncachet de dévouement, le Seigneur est toujours avecnous, et que s'il ne permet pas que nos intentions

('*) Voir Tome III des Mélanges, page 424.

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420 ÉTABLISSEMENT DU CULTE.

soient réalisées, c'est dans l'intérêt général de l'É-glise ou dans notre propre intérêt spirituel.

Les luttes dont vous me parlez n'ont rien d'éton-nant, elles sont même dans la nature des choses.Toute Église, soit grande en nombre, soit petite, esthomme collectif, et soumise comme l'homme auxdiverses phases de la régénération : or, de mêmeque l'homme qui commence à se régénérer doit né-cessairement éprouver de nombreuses tentations, demême doit-il en être pour toute Église naissante.Continuez donc, cher ami et frère, à suivre la ligneque vous vous êtes tracée, sans trop vous préoccu-per de conflits qui ont leur raison d'être, mais quien définitive tourneront à l'avantage de l'Église.Dans l'état d'irréligion où sont, en général, plongésles hommes de notre siècle, on devient Swedenbor-gien avant de devenir un vrai membre de l'Église duSeigneur Jésus-Christ; et le passage du premierétat au second se fait plus ou moins rapidement selonla disposition d'esprit et le degré d'amour de cha-cun; tel qui aujourd'hui n'est encore que Swedenbor-gien, sera peut-être demain un vrai disciple du Sei-gneur, tel autre ne le deviendra que plus tard ; leSeigneur Seul connaît le vrai moment de ce passagepour chacun

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ÉGLISE DE L'IIE-MAURICE. 421

A Monsieur M , à Port-Louis (Ile-Maurice).

Saint-Amand (Cher), 24 septembre 1860.

Soyons les vrais disciples du SeigneurJésus-Christ, en nous aimant tous les uns les autres ;laissons les morts ensevelir leurs morts, et ne nousjetons pas comme eux dans des discussions intermi-nables, parce qu'alors les deux amours mauvais, quine peuvent être déracinés que par de nombreuxcombats intérieurs et beaucoup de temps, trouve-raient dans ces discussions de nouvelles forces pourrésister. Soyons sévères pour nous-mêmes, mais in-dulgents pour les autres, et nous pourrons alors main-tenir parmi nous la concorde, l'union, l'amour. Ceconseil, mon très-cher frère, que je vous donne, eninvoquant le nom de notre Divin Sauveur, c'est depasser l'éponge sur tous les faits qui se sont produitsdernièrement, et de donner le baiser de paix à vostrois frères. Dans une lettre que j'écris aujourd'huià M. de Chazal, je lui donne aussi ce conseil, et jeprie le Seigneur de m'accorder la grâce qu'il soitbien accueilli des deux côtés.

A quoi servirait-il de peser les griefs de part etd'autre ? ne serait-ce pas envenimer la plaie plutôtque la guérir? S'il s'agissait d'une hérésie quelcon-

36.

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422 ÉTABLISSEMENT DU CULTE.

que, ce serait différent ; il y aurait urgence à l'ex-tirper; mais tant qu'il ne s'agit que de l'externe,qui est seulement un vêtement, comme chacun estlibre de s'habiller à sa manière, chaque société peut,pour le culte et ses accessoires, adopter les formesqui lui paraissent les meilleures. Si donc, après vousêtre cordialement réconciliés, vous ne pouvez pastomber d'accord sur les formes, gardez-vous d'en-trer pour cela en discussion ; au lieu d'une société ily en aura deux, mais que ces deux sociétés restentsœurs, et l'Église n'en sera pas moins une. « La Nou-velle Église du Seigneur, nous dit Swedenborg, seradans son externe beaucoup plus diversifiée qu'au-cune des Églises précédentes, mais elle sera unedans l'interne; » et, en effet, l'Église universelle esthomme aux yeux du Seigneur, comme le Ciel esthomme, et c'est la diversité des parties de l'hommequi constitue son unité.

Il est cependant un point sur lequel je dois direquelques mots : c'est à l'égard du ministre demandé.S'il ne vous en a pas été envoyé un, ce n'est nulle-ment la faute de M. de Chazal ; dans chacune deslettres qu'il m'écrivait, il insistait pour le promptdépart du ministre ; il a même été jusqu'à doubler letraitement annuel, dans la crainte que le premiertraitement ne fût trop faible ; plusieurs personness'étaient présentées; mais, après renseignementspris, elles ne pouvaient convenir; enfin nous entrouvâmes un qui serait parti, si une maladie grave

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ÉGLISE DE L'ILE-MAURICE. 423

dont il fut attaqué ne l'eût rais hors d'état d'entre-prendre la traversée.

Maintenant, venons à M. B Je vous avoueraique je ne partage pas vos espérances sur le succèsde ses prédications ; non pas, vous le pensez bien,que je mette en doute ce que vous me dites de soncaractère, de ses bonnes intentions et de son savoir,mais mon opinion est fondée sur un fait analogue, quis'est produit en France, il y a environ 2o ans. L'abbéLedru (le traducteur de la liturgie dont vous avez,je crois, un exemplaire), s'étant fâché avec son évo-que qui le destitua, était tellement aimé de ses pa-roissiens qu'ils résistèrent à l'évêque, se cotisèrentet gardèrent l'abbé pour leur guide religieux. M. Le-dru connaissait quelques Ouvrages de Swedenborg,il ouvrit un temple à Lèves sa paroisse, faubourg deChartres, et il y prêcha ouvertement les doctrines dela Nouvelle Jérusalem ; son troupeau lui resta fidèle-ment attaché tant qu'il vécut, mais dès qu'il fut mort,tous ses paroissiens, sans en excepter un seul, re-tournèrent à la Babylone. Ce n'est pas en massequ'on entre dans la Nouvelle Église; et même, cequ'il y a de plus dangereux pour l'homme quant àson âme, c'est d'avoir un pied dans une Église etl'autre pied dans une autre. Encore un exemple : Lerévérend Clows (le traducteur anglais des ArcanesCélestes), continua toute sa vie à rester extérieure-ment attaché à l'Église anglicane ; il prétendait, di-sait-il, être plus utile à la propagation de la Nouvelle

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424 ÉTABLISSEMENT DU CULTE.

Église, parce qu'il pouvait ainsi s'adresser à Man-chester à un nombreux auditoire; et il critiquaitRobert Hindmarsh qui s'était résolument séparé dela vieille Église. Hindmarsh était un laïque qui avaitété nommé ministre par trois ou quatre amis. Lors-que je m'informai à Manchester des résultats obtenuspar Clows, j'appris qu'après sa mort pas un seul deses paroissiens n'était entré dans la Société de laNouvelle Eglise, tandis que toutes les Sociétés ac-tuelles d'Angleterre et des États-Unis sont des fillesde la petite Église que Robert Hindmarsh et ses troisou quatre amis avaient fondée.

D'un autre côté, il paraît que M. B a quelque-fois des rapports avec le monde spirituel. Si le faitest vrai, je le plains bien sincèrement; mais il medeviendra impossible de lui accorder ma confiance,parce que j'ai la conviction que, dans le temps pré-sent, d'après l'état actuel du monde des esprits, toutecommunication avec ce monde par la voie de l'extasene peut causer que des désastres dans l'Église, en yintroduisant des hérésies ; nous n'en avons eu jusqu'àprésent que trop d'exemples. Je ne vous citerai queM. OEgger, dont la Revue contient quelques articlessignés QE M. Œgger était premier vicaire de lacathédrale de Paris et professeur de philosophieavant d'adopter la doctrine de la Nouvelle Jérusalem ;il eut malheureusement des extases, et mêla ses per-ceptions personnelles avec celles qu'avait eues Swe-denborg ; il en résulta une hérésie, qui aurait été un

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ÉGLISE DE L'ILE-MAURICE. 425

serpent volant dans l'Église, si le Seigneur n'y eûtpourvu en isolant sous ce rapport M. QEgger, quicependant, sauf cette hérésie, demeura toujours uniavec nous ; mais malgré toutes les raisons qu'on necessa de lui donner pour la lui faire rejeter, il y res-tait attaché, tant il est vrai que, sur certains points,chaque extatique se trouve privé de son libre arbitre,et ne peut plus dès-lors agir ex libéra secundum ra-tionem, sentence admirable que nous donne Swe-^denborg, et qui devraitrester toujours gravée dans lamémoire de tout Novi-Jérusalémite. Malgré le vif dé-sir que M. OEgger avait d'être ministre de la Nou-velle Église, et quoiqu'on n'eût aucun autre repro-che à lui faire, jamais nos frères de Paris n'ont voulule reconnaître en cette qualité.

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DON DE M. E. DE CHAZAL, DE L'ILE-MAURICE

ENVOI DE LIVRES AU CANADA, ETC.

A Monsieur Edm. de Chazal, à St-A. (Ile-Mau-rice).

Saint-Amand (Cher), 24 octobre 1860.

J'ai reçu avec votre dernière lettre la traite de10,000 fr. qu'elle contenait; je vous prie d'agréerau nom de l'Église de France et au mien toute notrereconnaissance pour ce généreux don, qui nous meten position de donner une nouvelle activité aux pu-blications que nous avons entreprises. Jusqu'à pré-sent j'ai eu pour habitude, toutes les fois que j'ai re-çu des dons, sans autre désignation que l'emploipour l'impression de nos ouvrages, de distribuergratuitement nos Traités pour une valeur équivalenteaux dons; c'est ainsi qu'en 1857, par suile du donde 20,000 fr. que M. Emmanuel de L m'avaitprécédemment fait, je dotai une centaine de biblio-thèques publiques, tant de France que de l'étranger,d'une collection complète des Ouvrages jusqu'alors

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ENVOI DE LIVRES AU CANADA. 421

publiés. Je ne vous rapporte ce fait que pour vousprévenir que j'ai l'intention d'en agir de même pourles sommes que vous m'avez envoyées ; ainsi, non-seulement vous avez puissamment contribué à l'im-pression des ouvrages que nous nous proposons depublier, mais encore votre générosité aura servi àrépandre sur le globe les célestes doctrines de laNouvelle Jérusalem. J'ai même commencé : ayantlu, il y a peu de temps, dans le New-JérusalemMessenger, la lettre d'un Canadien qui demandait auRédacteur s'il avait des traductions de Swedenborgen français, je m'empressai d'envoyer à M. Jewettune lettre pour M. J.Q., en le priant de la lui transmet-tre; la réponse ne se fit pas longtemps attendre ; il enrésulte qu'il y a à Québec un noyau de la NouvelleÉglise, composé de six personnes parmi lesquelles setrouve un médecin qui, par suite de ses études anté-rieures, peut prêcher et prêche publiquement nosdoctrines. A cette nouvelle, j'écrivis sans perdre detemps à M. Minot pour le charger d'envoyer à Québec,non-seulement une collection complète de nos ou-vrages, mais plusieurs exemplaires des Traités qui,par leur nature, sont plus propres à être répandusdans le public ; la caisse va partir, et ce sera spé-cialement à vous que les Canadiens qui, en qualitéd'anciens colons français, sont en conformité de rap-ports avec les habitants de l'ancienne Ile de France,devront la connaissance des ouvrages français de laNouvelle Église, Mes efforts en 1857, pour doter les

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428 ENVOI DE LIVRES AU CANADA.

bibliothèques publiques des principales villes d'Italie,ont été vains ; mais les circonstances n'étant plusles mêmes, je vais les renouveler, et j'espère êtreplus heureux.

J'ai lu avec la plus grande satisfaction votre ré-ponse et celle de M. Lesage aux attaques de M. Le-brun ; vous ne pouviez pas frapper plus juste ; mescompliments aussi à M. Lesage. Les nouvelles quevous me donnez de l'état des esprits dans votre îlesont plus satisfaisantes que les précédentes, et cepen-dant vous manifestez une sorte de découragement;je conçois cet état ; j'y ai passé ; ce sont là des tenta-tions que le Seigneur permet pour notre propre ré-génération. Lui-Même ne s'y est-il pas soumis ? et larégénération de l'homme est l'image de la glorifica-tion du Seigneur ; c'est lorsque notre Divin Sauveurvoyait l'état spirituel des hommes parmi lesquels ilvivait, et celui de l'humanité tout entière, qu'il étaitporté à désespérer d'accomplir son œuvre de Ré-demption ; c'était là une de ses plus cruelles tenta-tions, et c'est alors qu'il s'adressait au Père. Demême, nous, adressons-nous dans ces moments auSeigneur en qui seul est le Père, et il nous rendral'espoir. Vous parlez de vous réfugier en France ouen Amérique ! Vous étiez encore sous le coup de latentation, quand vous avez écrit ces mots. Songezdonc que si vous mettiez en acte une telle idée, vousseriez comme un soldat qui abandonnerait le postequ'on lui a confié ; et encore quel poste ! le plus

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MISSION DE L'ÉGLISE DE L'ILE-MAURICE. 429

glorieux qui puisse être offert. Située entre les deuxmondes, l'occidental et l'oriental, l'île Maurice neparaît-elle pas destinée à transmettre la nouvelle ré-vélation de l'occident qui la méprise à l'orient qui ena soif, bien qu'il en ignore encore l'existenee? Quimieux que vous qui avez, comme planteur, une sort»de pouvoir paternel sur de jeunes êtres susceptiblesd'être façonnés par l'éducation, pourrait remplir lesvues du Seigneur pour la propagation de sa doctrinecéleste dans les vastes régions orientales? Si donccette pensée de découragement, qui n'a été que mo-mentanée, s'emparait de nouveau de vous, chassez-laavec le secours du Seigneur, et songez aux immensesrésultats que votre persistance à conserver- votreposte produira, sinon pour le présent, du moinspour l'avenir. Efforcez-vous d'être moins sensibleaux coups qu'on vous porte, soit du dehors, soitmême de l'intérieur; c'a d'abord été comme descoups de poignard, je le sais par expérience, et jevous ai plaint; « qui ne sait compatir aux maux qu'ila soufferts! »et j'ai prié le Seigneur pour vous:maisces coups de poignard doivent déjà ne plus pénétrersi profondément, et bientôt ils ne feront qu'effleurerFépiderme. Vous désirez voir la France, rien de plusnaturel ; si vous pensez pouvoir vous absenter sansgrand inconvénient, venez nous voir ; vous nous fe-rez à tous le plus vif plaisir, mais que ce soit commevoyageur et non comme réfugié.

Je vous ai adressé avec ma dernière lettre un exem-

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430 RÉIMPRESSION DE LA RELIGION DU BON SENS.

plaire de notre réimpression de la Religion du bonsens. L'édition de Richer étant épuisée, nous aurionsdésiré réimprimer aussi la Clé du mystère; maiscomme Richer n'a l'ait imprimer lui-même que lepremier volume de son ouvrage, et que les septautres volumes ont été édités par M. de Tollenare,il n'y a que le premier volume qui soit tombé dansle domaine publie ; et M. de Tollenare ayant laissépour héritiers des mineurs (son fils étant mort), nousne pouvons pas encore réimprimer les volumes quisont leur propriété ; cependant M. de Tollenarem'ayant abandonné les manuscrits inédits de Richer,dont plusieurs ont été insérés dans la Revue, unsecond volume qu'on imprime maintenant sous letitre de Mélanges sera peut-être suivi d'un troisième.

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CONSEILS ET DIRECTIONS A L'ÉGLISEDE L'ILE-MAURICE.

Au même.

Saint-Aœand (Cher), 24 novembre 1860.

J'ai vu avec plaisir que, grâce à la DivineProvidence, votre petite société a échappé aux dan-gers dont la tempête soulevée par des amours pro-pres la menaçait ; continuez à suivre la marche pru-dente que vous avez adoptée, et si de nouveaux ora-ges survenaient, ils se dissiperaient d'eux-mêmes,sans nuire à votre vie spirituelle ; on n'a rien à crain.dre pour elle, lorsqu'on reconnaît le Seigneur pourseul et unique Dieu dans son Divin Humain et qu'onvit selon ses préceptes. Le Divin Humain du Sei-gneur ! Que l'homme est heureux quand il le recon-naît, le confirme et s'adresse uniquement à Lui ! CeDivin Humain de Jésus-Christ est la pierre d'achop-pement pour les hommes de notre siècle, même pourquelques-uns qui se croient de sa Nouvelle Église,parce qu'ils ont adopté les Doctrines de la NouvelleJérusalem. L'unité de Dieu dans le Seigneur Jésus-

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432 CONSEILS ET DIRECTIONS A I/ÉGLISE

Christ leur plaît, surtout parce qu'ils la voient inscritedans mille passages de la Parole ; mais comme ils necherchent pas à confirmer ce dogme fondamental dela Nouvelle Église par des scientifiques, il en résulteque, vivant dans un siècle raisonneur, ils sont natu-rellement portés à douter, lorsque leur croyance auDivin Humain de Jésus-Christ tombe sous l'examen deleur rationnel, ce qui arrive assez souvent, et bien qu'a-lors ils cherchent à chasser la raison, leur foi chan-celle. Nous devons, il est vrai, arriver au dogme parla Divine Parole, et non par les scientifiques, parceque agir autrement, ce serait contraire aux lois de l'or-dre ; mais une fois le dogme ainsi admis et reconnu,il nous est permis de le confirmer par des scientifi-ques, et dès qu'il a été ainsi confirmé, nous n'avonsnullement à redouter la raison humaine. Il y a doncdu danger k ne s'attacher dans les Écrits de Sweden-borg qu'à la partie théologique, et à laisser de côtéla partie philosophique ; et ce danger existe princi-palement pour les membres de la Nouvelle Église quisont nés dans le protestantisme. Ceci m'expliquepourquoi en Angleterre et aux États-Unis des mi-nistres mêmes ont été entraînés dans de fatales héré-sies, et m'explique aussi pourquoi Swedenborg n'apas publié un seul Ouvrage où il ne soit question del'état extraordinaire dans lequel le Seigneur l'avaitmis, et où il ne traite philosophiquement son sujet,après avoir pris pour base la Parole. Excusez cettedigression, qui n'est pas pour vous, mon cher ami,

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DE L'ILE-MAURÏCE. 433

mais qui pourrait être utile à quelques-uns de nosfrères ; car j'ai plusieurs fois entendu dire en Angle-terre et aussi en France : « Les Mémorables de Swe-denborg nuisent à la propagation de la NouvelleÉglise, et l'on ferait beaucoup plus d'adeptes si on pu-bliait ses principes doctrinaux qui sont admirables,en éloignant tout ce qu'il donne comme mémora-ble » (*). Cela serait possible quant au nombre, maisquant à la qualité, non ; car beaucoup retourneraientensuite à ce qu'ils avaient vomi ; et c'est ce que nousdevons soigneusement éviter, puisque la profanationqui en résulterait est l'état le plus déplorable pourl'homme.

Au même.

Saiot-Amand (Cher), 16 avril 1861.

J'ai lu avec un grand intérêt vos réflexionssur la constitution externe de la Nouvelle Église;c'est un sujet qui m'a toujours beaucoup préoccupé^et plus je le méditais, plus j'y trouvais de difficultés,surtout en raison de la constitution du clergé à une

(*) Voir Tome III des Mélanges, page 546.

37.

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434 CONSEILS ET DIRECTIONS A L'ÉGLISE

époque comme la nôtre, où l'amour de la dominationet l'orgueil de la propre intelligence ont encore tantde force. Nous ne devons pas oublier que ce sont lesprêtres qui ont le plus contribué à perdre toutes lesÉglises, et cependant il faut un sacerdoce. Mais est-ce bien le moment de le constituer en corps aveccertains pouvoirs? Je ne saurais le décider

... J'ai cru longtemps, comme vous, dans mon ar-dent désir pour le bien de l'humanité, que l'universa-lité de l'Église pourrait se réaliser assez prompte-ment sur notre globe; mais je crains beaucoup quece ne soit qu'après des siècles, quoique nous mar-chions, certes, avec une rapidité toujours croissantedans la nouvelle voie ouverte par le Seigneur depuis1757 ; voir le N° 73 du Jugement Dernier.

Nous sommes en général, par suite de notre na-ture, trop pressés de jouir. Heureux de connaître lavérité, nous voudrions que tous la connussent ; con-vaincus que la fraternité réelle ne pourra existerentre les hommes qu'autant que la Nouvelle Jérusa-lem régnera sur la terre, nous voudrions que sonrègne s'établît tout de suite; do là le besoin qui sefait aussitôt sentir de constituer l'externe de l'église.Jusque là il n'y 'a pas grand mal, mais voici le dan-ger : on se trouve porté à croire qu'une Église ainsiconstituée, quant à l'externe, va présenter l'image dela concorde et de l 'union ; et, comme il ne sauraiten être ainsi, il peut arriver qu'on se désespère. Or,s'il ne peut pas y avoir concorde, c'est parce qu'alors

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DE L'ILE-MAURICE. 435

chaque homme de l'Église a des tentations à subir,d'où résultent des troubles individuels et collectifs.S'il ne peut pas y avoir union, c'est parce que, enadmettant même que tous les membres d'une Églisefussent de vrais Jérusalémites, ils ne pourront pascependant, dans l'état actuel des choses, constituerl'homme spirituel qu'on nomme Église; car il man-quera à cet homme certain organe ou certain vis-cère important, ou bien, il s'y trouvera des partiesdont la vraie place serait dans un autre corps, ettout cela en raison des Correspondances, puisquechaque homme de l'Église correspond à une des par-ties du corps humain. Ce qui s'opère dans le mondespirituel, où il n'y a qu'apparence d'espace, et oùl'union est la conséquence de la sympathie, ne peutavoir lieu sur notre terre qu'à l'égard de l'Églisevue intérieurement. Ainsi, depuis le JugementDernier,la Nouvelle Église sur notre terre se présente commeun seul homme aux yeux du Seigneur, et les diversesparties de cet homme se trouvent disséminées surtoute- la surface du globe; il en est de même desÉglises partielles ; chacune, dans un royaume ou dansun empire, constitueun homme dont les diverses par-ties sont éparses ça et là, et se trouvent chez ceuxqui reconnaissent le Seigneur et vivent selon ses pré-ceptes, à quelque communion qu'ils appartiennent. Jene suis entré dans ces détails, que vous connaissezaussi bien que moi, qu'afin de vous encourager dansvotre dessein de ne pas trop chercher à augmenter

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436 CONSEILS ET DIRECTIONS A L'ÉGLISE

en nombre, et de vous rappeler que votre Église,quelque petite qu'elle soit, fait partie d'une Égliseplus grande dont le Seigneur seul connaît la compo-sition.

Quant à l'interprétation de la doctrine, je penseque la Nouvelle Jérusalem n'aura pas à redouter cesdiscussions interminables qui ont troublé la pre-mière Église chrétienne, depuis son commencementjusqu'à nos jours. La doctrine est exposée si claire-ment dans les Écrits de Swedenborg, qu'il est impos-sible qu'on puisse la falsifier; et quiconque voudraitseulement la modifier devra par cela même être con-sidéré comme hors de l'Église. Il n'en serait peut-être pas de même pour les autres vérités que renfer-ment les Écrits de Swedenborg ; car ces Écrits sontsi nombreux qu'on pourrait, lorsqu'on n'a pas encoresaisi l'ensemble de son système si bien coordonné, endétacher une proposition, et en déduire toute autrechose que ce que l'Auteur voulait exprimer. Ce dan-ger, je l'ai déjà reconnu depuis longtemps, et c'est cequi m'a décidé à consacrer tout le temps que j'ai àrester sur cette terre à joindre à chaque Traité deSwedenborg une Table analytique, à réunir toutesces Tables en un volumineux dictionnaire méthodi-que, et à donner une Bible latine et une Bible fran-çaise avec toutes les explications qui sont éparsesdans tous les Écrits de Swedenborg. Ce sera, pourainsi dire, une sorte d'arsenal, où chaque disciplepourra trouver des armes pour combattre les adver-

Page 455: Melanges J.F.E LE BOYS DES GUAYS T IV

DE L'ILE-MAURICE. 437saires de la Nouvelle Église, ou pour confondre ceuxqui prétendraient que Swedenborg a dit des chosesque réellement il n'a pas dites, ou qui interpréte-raient mal des choses qu'il a avancées.

Au même.

Saint-Arnaud (Cher), 16 juin 1861.

J'ai reçu avec votre lettre du 4 mai les quatreexemplaires de vos Réponses au révérend Lebrun, sonattaque et les divers journaux dont vous me parlez.Ce qui étonnera certainement ceux qui liront l'Atta-que, c'est qu'un tel écrit porte là signature d'unministre protestant. Ses coreligionnaires doivent êtreconfus d'avoir pour champion un tel énergumène ;car si ce pamphlet tombait sous les yeux des ministresprotestants français, ils en rougiraient d'indignation.

Votre réponse, mon excellent ami, estdipe,votre modération admirable ; aucun des argumentsque notre Auteur pouvait fournir n'a été omis ;ia défense de la Nouvelle Église ne pouvait être ende meilleures mains...... Le choix des Articles ex-traits de la Revue est aussi très-heureux.

37*.

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438 CONSEILS ET DIRECTIONS A L'ÉGLISE

Au même.

Saint-Amand (Cher), 25 novembre 1861.

Vous avez près de vous nos frères MM. Châ-teauncuf, Lesage et autres, avec qui vous pourrezvous entendre pour vos publications. Nous sommesvos aînés, il est vrai ; mais vous avez marché vite, àMaurice ; et par les connaissances que vous avez ac-quises sous la direction du Seigneur, par la libertélégale dont vous jouissez dans votre île, par sa posi-tion admirable pour la propagation parmi les gentils,vous avez une haute mission à remplir. Vous venezde commencer en publiant Y Écho de la NouvelleJérusalem •

Quant à Madagascar, laissons d'abord les mission-naires catholiques etprotestants se disputer ce pauvrepeuple ; leur action sur lui aura du moins cet avan-tage de lui donner quelques idées sur le Seigneur;quoique erronnées, "elles le prépareront

Ce que vous me dites de votre petite école et deses progrès nous a fait le plus grand plaisir ; vous nesauriez croire à quel point je m'intéresse à cette école,et combien j'ai été heureux d'apprendre qu'elle com-mençait à bien marcher........

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DE L'ILE-MAURICE. 439- •• -, / -" -

. . • .. . ;

Au même.

Saint-Amand (Cliei), 25 mars 1862.

Les découragements qui surviennent, plusou moins intenses selon la nature de chaque disciple,sont permis par le Seigneur, parce qu'ils sont indis-'pensables pour que la régénération poursuive soncours. Dans votre Église, ils ont principalement eupour cause son organisation provisoire qu'on auraitvoulu remplacer par une organisation définitive aumoyen d'un ministre; mais le Seigneur, malgré toutesnos démarches, n'ayant pas permis que nos désirsfussent satisfaits, n'en devons-nous pas conclure qu'ilest dans les vues de sa Divine Providence que l'étatprovisoire subsiste encore ? Nous ne pouvons voirDieu que par derrière, et le temps n'est peut-être paséloigné où nous reconnaîtrons que nos désirs, quoi-que partant d'un cœur pur, auraient par leur accom-plissement été préjudiciables et à l'état spirituel dutroupeau, et principalement à celui du pasteur. Jedis principalement à celui du pasteur, car dans l'étatprésent de la société humaine, et avec les idées qu'ona en général à l'égard, soit d'un ministre protestant,soit d'un prêtre catholique, il y a beaucoup plus dedanger pour le pasteur que pour ses brebis; eneffet, il lui est bien difficile de ne pas reporter un peusur sa personne ce qui n'est dû qu'à sa fonction,

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CORRESPONDANCE; SUITE.et de n'être pas gonflé par cette sorte de vénérationoutrée que le sexe féminin est porté à avoir pour lui.L'histoire de toutes les religions montre clairementqu'elles ont été perverties par l'esprit de domina-tion* du sacerdoce; aussi, cette question du sacer-doce est celle qui m'a toujours le plus préoccupé ; et,sans critiquer en aucune manière l'établissement dusacerdoce dans les sociétés de la Nouvelle Église enAngleterre et aux États-Unis, car le sacerdoce estnécessaire, et il en faut un, je me suis souvent de-mandé si, en lui donnant presque les mêmes formesque dans la vieille Église, on n'aurait pas plus tard às'en repentir. En effet, notre pauvre espèce humaineest prompte à s'enorgueillir, et si malheureusementl'esprit de corps, partout si pernicieux, se glissaitun jour dans le sacerdoce de la Nouvelle Jérusalem,n'y aurait-il pas pour elle un grand danger? Leslaïques, devront, je crois, en vue du bien général,tout en entourant le sacerdoce d'égards et de res-pect, veiller soigneusement pour le maintenir dansde justes bornes, afin qu'il ne puisse pas être entraî-né à suivre les errements des autres sacerdoces.

Au même.

Saint-Amand (Chef), 25 juin 1862.

Vous avez très-bien fait de chasser tout

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DE L'ILE-MAURICE. 437

saires de la Nouvelle Église, ou pour confondre ceuxqui prétendraient que Swedenborg a dit des chosesque réellement il n'a pas dites, ou qui interpréte-raient mal des choses qu'il a avancées.

Au même.

Saint-Arnaud (Cher), 16 juin 1861.

J'ai reçu avec votre lettre du 4 mai les quatreexemplaires de vos Réponses au révérend L«brun, sonattaque et les divers journaux dont vous me parlez.Ce qui étonnera certainement ceux qui liront Y Atta-que, c'est qu'un tel écrit porte la signature d'unministre protestant. Ses coreligionnaires doivent êtreconfus d'avoir pour champion un tel énergumène ;car si ce pamphlet tombait sous les yeux des ministresprotestants français, ils en rougiraient d'indignation.

Votre réponse, mon excellent ami, est digne,votre modération admirable ; aucun des argumentsque notre Auteur pouvait fournir n'a été omis;la défense de la Nouvelle Église ne pouvait être ende meilleures mains...... Le choix des Articles ex-traits de la Revue est aussi très-heureux.

37*.

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438 CONSEILS ET DIRECTIONS A L'ÉGLISE

Au même.

Sainl-Amand (Cher), 25 novembre 1861.

Vous avez près de vous nos frères MM. Châ-teauneuf, Lesage et autres, avec qui vous pourrezvous entendre pour vos publications. Nous sommesvos aînés, il est vrai ; mais vous avez marché vite, àMaurice ; et par les connaissances que vous avez ac-quises sous la direction du Seigneur, par la libertélégale dont vous jouissez dans votre île, par sa posi-tion admirable pour la propagation parmi les gentils,vous avez une haute mission sa remplir. Vous venezde commencer en publiant l'Écho de la NouvelleJérusalem j

Quant à Madagascar, laissons d'abord les mission-naires catholiques et protestants se disputer ce pauvrepeuple ; leur action s,ur lui aura du moins cet avan-tage de lui donner quelques idées sur le Seigneur ;quoique erronnées, "elles le prépareront

Ce que vous me dites de votre petite école et deses progrès nous a fait le plus grand plaisir; vous nesauriez croire à quel point je m'intéresse à cette école,et combien j'ai été heureux d'apprendre qu'elle com-mençait à bien marcher

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VOYAGES A TU6INGUE ET A LONDRES. 441

doute relativement au droit de conférer le baptême ;je conçois votre hésitation, car j'ai passé aussi parcet état ; mais j'ai fini par reconnaître que dans lasituation embryonnaire où notre Église se trouve, ceserait nous priver des plus grands avantages que leSeigneur accorde, si nous hésitions plus longtemps ;j'ai donc considéré cette hésitation comme produitepar certains esprits que Swedenborg appelle con-sciencieux; voir A.. G. 5386, 8724. Vous ne sauriezcroire à quel point cette cérémonie du baptême con-féré à de jeunes idolâtres nous a tous intéressés ; j'ailu publiquement à notre culte du dimanche la partiede votre lettre qui en traitait, et l'impression qu'elleproduisit sur tous les assistants était saisissante; nousétions surtout frappés de l'immense résultat qu'auraitcette introduction de jeunes indiens et africains dansla Nouvelle Église du Seigneur, eux élevés sous votretutelle, et destinés sans doute par le Seigneur, lors-qu'ils seront adultes, à propager parmi leur race lesprincipes de la Nouvelle Jérusalem.

Nous nous rendrons, M. Harlé et moi, dans lespremiers jours de Juillet auprès du Dr Tafel, à Tu-bingue, et nous ignorons encore le temps que nousy resterons ; car le but principal de notre voyage estd'avoir une copie de l'Index Biblicus, dont leDr Tafel fait la publication; cette publication de-mandant beaucoup de temps pour être conduite à safin, et d'un autre côté notre travail sur la Bible exi-

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442 CORRESPONDANCE ; SUITE.

géant que nous ayons au moins sous les yeux les pas-sages qui sont donnés dans cet Index, et qui n'ontpas été cités en tout ou en partie dans les autresÉcrits de Swedenborg, nous aurons à examiner surles lieux s'il vaudra mieux faire nous-mêmes le dé-pouillement de ces passages, ou confier à un copisteintelligent la transcription de tout le manuscrit. —•A notre retour d'Allemagne, nous avons le projetd'aller avec quelques autres de nos frères à la con-férence générale de la Nouvelle Église, qui ouvrira àLondres le 12 août.

Au même.

Saint-Amand (Cher), 25 septembre 1802.

Cher et excellent ami et bien aimé frère ennotre S. J.-C.

Je vous ai écrit en quelques mots, de Tubingue etde Londres, en vous promettant des explications surces deux voyages lorsque je serais de retour. Me voicià Saint-Amand depuis une quinzaine de jours; mais,depuis mon arrivée, j 'ai été tellement occupé à cor-riger les épreuves des compositions faites pendantmon absence, et à préparer de la copie pour les com-positeurs, que je suis pour ainsi dire harassé ; je vais

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VOYAGES A TUliINGUE ET A LONDRES. 443

cependant tâcher de vous donner un aperçu de ceque nous avons vu et fait, M. Harlé et moi, pendantces deux voyages.

A Tubingue, nous avons été occupés du matin ausoir à recueillir sur les manuscrits de Swedenborgtout ce qui pouvait nous servir à compléter notretravail sur les Psaumes et sur Jérémie, afin de livrerimmédiatement à la presse ces deux volumes de notreBible latine.

A Londres, où M. Tafel s'est rendu avec nous,nous avons assisté à la conférence, et nous y avonsrenoué connaissance avec la plupart de nos frèresque nous y avions vus en 1851, et à Manchester, en1857. Nous y avons trouvé la même cordialité, lemême empressement à nous être agréable et la mêmefraternité.

Au même.

Sainl-Amand (Clicr), 25 octobre 1862.

Votre dernière lettre nous a fai t grand plaisir;d'abord le choléra a disparu ; puis la cérémonie dontvous nous donnez les détails, et dont le résullat a étési satisfaisant; mes sincères compliments à notrefrère M. Pastourel surtout, pour la prompte décisionqu'il a prise, après la discussion approfondie qui aeu lieu. Toute société de la Nouvelle Église a le droit

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444 CORRESPONDANCE; SUITE.

de se constituer comme bon lui semble; voilà le prin-cipe quant à l'externe. J'ai lu avec intérêt l'articleque vous m'avez envoyé ; quant à l'avis que vous medemandez sur l'opportunité d'appliquer nos doctrinesaux discussions politiques et sociales, je me trouveincompétent sur ce point; il faudrait être sur leslieux et bien connaître la législation et les mœurs dupays pour émettre une opinion ; vous seul pouvezdonc juger des avantages ou des inconvénients quipourraient en résulter; du reste, cette applicationn'est nullement en opposition avec nos doctrines,puisque tout naturel dérive nécessairement d'un spi-rituel ; tout dépend de Pà-propos.

L'un de nos savants littérateurs, M. Matter, connupar de nombreux écrits estimés du public, vient defaire paraître un ouvrage sur Saint-Martin, (le « phi-losophe inconnu »,) et en a fait annoncer un sur Swe-denborg. En homme consciencieux, M. Matter a vouluconnaître les Écrits de l'homme qu'il veut faire con-naître, et son éditeur, le libraire Didier, les lui aprocurés. A la date du 19 octobre, M. Harlé m'écrit :— « Je viens de recevoir la visite de M. Matter, en» séjour à Paris pour quinze jours chez son fils, mi-» nistre de la confession d'Augsbourg. Il désirait» beaucoup vous voir et dit qu'il vous en écrira, en» vous expliquant la difficulté pour lui d'aller jusqu'à» vous. Nous avons beaucoup causé, et il me parait» très-bien disposé pour un examen sérieux et sym-» pathique, reconnaissant bien qu'il aborde tin hom-

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OUVRAGE DE M. MATTER. 445

» me très-supérieur à Saint-Martin, dont il voit les» côtés faibles. » — Le lendemain, 20 octobre,M. Matter m'adresse la lettre suivante : — « Mon-» sieur, — Vos amis de Paris vous ont entretenu de» la publication que je prépare sur la vie et les Écrits» de Swedenborg. Ils ont mis à ma disposition quel-» ques-uns des ouvrages les plus considérables de» l'homme extraordinaire dont je tiens à présenter» et à faire apprécier le caractère, les facultés et la» doctrine si exceptionnels dans les annales de l'hu-» manité. J'ai pris dans mes entretiens avec eux des» points de vue beaucoup plus clairs et plus positifs» que dans les livres que j'avais consultés. Rien ne» manquerait à mes vœux, si je pouvais y ajouter une» conférence ou deux avec vous-même, Monsieur ; et» si vos affaires, si l'intérêt que vous portez à une» sainte cause, pouvaient vous amener à Paris d'ici» au 4 novembre, je vous demanderais de me donner» un rendez-vous aussitôt votre arrivée. Je dresse» une série de notes dans la perspective que mon» vœu pourrait se réaliser. — P. S. Mon âge, ma» santé et mes affaires me rendent une excursion à» Saint-Amand impossible. »

Depuis la réception de cette lettre, j'ai pris mesdispositions pour pouvoir m'absenter sans que notreimprimerie en souffre, et je partirai après-demainpour Paris. Comme c'est la première fois que la lit-térature savante entreprend de s'occuper sérieuse-ment de Swedenborg, je ne veux pas laisser échap-

38.

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446 CORRESPONDANCE; SUITE.

per l'occasion de conférer avec l'un de ses repré-sentants.

Au même.

Saint-Amand (Cher), 25 novembre 1862.

Je vous disais dans ma dernière lettre quej'allais partir pour Paris, afin d'avoir plusieurs con-férences avec M. Matter. Je suis extrêmement con-tent du résultat de ce voyage. Nous avons trouvé,M. Harlé et moi, notre savant encore mieux dispo-sé en faveur de Swedenborg que nous ne pouvions lesupposer, même d'après ce que nous connaissionsdéjà de l'opinion que s'en était formée M. Matter àla première inspection de ses Écrits. « Quel hommeextraordinaire ! » nous répétait-il souvent. Ce quinous a surtout réjouis, ce furent ces paroles, par les-quelles dès le commencement M. Matter aborda la dis-cussion : « O n di t , en parlant de Swedenborg, quec'est un mystique, qu'il est le prince des mystiques ;mais nul n'est plus que lui opposé au mysticisme ! »iN'ous avons abordé avec M. Matter, au sujet de Swe-denborg, presque toutes les questions, tant scienti-fiques que doctrinales; toutefois, nous ne devons pasnous attendre à ce que l'ouvrage que publie M. Mat-

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CONFÉRENCES AVEC M. MATTER. 447

ter soit du genre de ceux qui seraient écrits pardes disciples; mais il n'en fera que mieux son che-min parmi les hommes du monde, et sera propre àdissiper les idées fausses qu'on s'est généralementformées sur Swedenborg, car il le présentera avecpièces justificatives tel qu'il était réellement. Nousavons remis à M. Matter tous les livres français, an-glais et allemands qui traitent de Swedenborg, etnous nous sommes séparés les meilleurs amis dumonde, lui étant retourné à Strasbourg et moi àSaint-Amand.

Au même.

Sainl-Amand (Cher), 1l\ décembre 18G2.

Depuis ma dernière lettre, dans laquelle jevous parlais de M. Matter, nos relations avec lui ontcontinué avec une franche cordialité; son ouvrageest sous presse, et aussitôt qu'il aura paru, je m'em-presserai de vous en adresser un exemplaire; ce nesera toutefois que dans quelques mois.

Nous avons maintenant sous presse les Psaumesen latin ; même disposition que notre Esaias, et enmême temps la traduction française dans le même

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448 CORRESPONDANCE; SUITE.

format que notre Nouveau Testament ; celle doublepublication nous occupe beaucoup, M. Harlé et moi.Je continue simultanément l'Index des Arcanes Cé-lestes, dont je vous ai envoyé il y a deux mois lesdouze premières feuilles; le mois prochain, je vousenverrai les feuilles suivantes qui auront paru ; cettepublication, en raison des nombreuses recherchesqu'elle nécessile, ne va pas aussi vite que je le dé-sirerais; je pense cependant que le 1er volume, quiaura au moins 500 pages, pourra être terminé danstrois ou quatre mois. Outre ces Iravaux, qui meprennent beaucoup de lemps, je n'oublie pas votrerecommandation de donner des traductions des bonsouvrages de nos frères d'Angleterre. L'ouvrage deM. Rendell, les Particularités de la Bible est auxtrois quarts imprimé ; mais il nous a fallu fairebeaucoup de suppressions; malgré les bonnes chosesque cet ouvrage renferme, je crois qu'il n'aurait pasété du goût des Français si nous l'avions donné enson entier; nous avons supprimé la plupart des dis-cussions avec les théologiens de la vieille Église et lesnotes qui s'y réfèrent. Les travaux actuels de nosfrères d'Angleterre conviennent sans doute très-bienpour amener une nation protestante à lire les Ou-vrages de Swedenborg, mais je doute que reur ma-nière de présenter les choses puisse avoir le mêmerésultat pour une .nation catholique telle que lanôtre......

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SUITE DES PUBLICATIONS. 449

Au même.

Sainl-Amand (Cher), 24 janvier 1863.

Cher et excellent ami...

J'ai appris avec grande satisfaction que mon envoides douze premières feuilles de l'Index des Arcanesvous avait fait plaisir, et je m'empresse de vousadresser les 7 feuilles suivantes.... Je joins à cesfeuilles 24 demi-feuilles qui forment le commence-ment du 3e volume du même Index ; ces 24 demi-feuilles sont imprimées depuis très-longtemps, et levolume ne sera continué que lorsque les deux pre-miers volumes, qui composent l'Index proprementdit, auront été imprimés. Si j'ai commencé par le3e volume, ce qui peut paraître étonnant, en voicila raison : Je ne pouvais composer l'Index Généraldes passages de la Parole qu'autant que j'aurais à madisposition tous les Index particuliers des Traités deSwedenborg ; or, le plus important, celui des Ar-canes Célestes, me manquait ; il fallait donc d'abordl'imprimer, et c'est ce que je .fis. Si ces 24 demi-feuilles ne contenaient que cet Index des passages dela Parole, je me dispenserais de vous l'adresser,puisque vous avez l'Index Général ; mais vous y trou-verez en outre plusieurs Tableaux alphabétiques quivous seront d'un grand secours pour vos travaux. Ce

38*.

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450 CORRESPONDANCE ; SUITE.

3e volume, d'après le plan que je me suis tracé, con-tiendra ensuite un exposé de la science des Corres-pondances, la théorie des Degrés, celle des Nombres,et une sorte de grammaire, tout cela tiré des Ar-canes Célestes.— Sous les mômes bandes vous trou-verez de plus les deux premières feuilles de notretraduction des Psaumes

J'arrive maintenant à votre bienveillante lettre.Combien je rends grâces au Seigneur d'avoir fait pé-nétrer ses célestes doctrines dans l'ancienne Ile deFrance et de vous les avoir fait connaître. Sans vosgénéreux secours, sans votre participation active auxfrais de nos publications, où en serions-nous ici aumilieu de l'indifférence générale? Aurions-nous pufaire ce que nous avons fait ? Mais le Seigneur saitlever les obstacles lorsqu'il le faut ; et quand on mettoute sa confiance en Lui, quand on s'abandonne aucourant de sa Divine Providence, le secours arrive aumoment opportun ; c'est ce que j'ai éprouvé bien desfois depuis plus de 25 ans.

Au même.

Saint-Amand (Cher), 25 février 1863.

Je vois par votre dernière lettre, du 5 jan-vier, que ce que je vous ai dit de M. Matter vous a

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DÉCLARATION DE M. MATTER. 451

beaucoup intéressé, je pense donc vous être agréableen vous transcrivant un passage de la lettre qu'ilnous a adressée de Strasbourg, il y a une huitaine dejours : — « Mon travail avance, mais j'ai encore be-» soin de tous vos documents pour la correction des» épreuves, qui est bien plus laborieuse que pour» Saint-Martin ; celui-ci n'était qu'un individu ; Swe-» denborg est un interprète de la Révélation et un» fondateur, celui d'une Église. Sans nos conféren-» ces du mois d'octobre, mon travail se faisait bien» autre ; vous me l'avez facilité, mais il est encore bien» difficile. Pour un membre de la Nouvelle Jérusa-» lem tout est aisé; je le vois dans voire Revue et» dans vos autres travaux. Il n'en est pas de même» pour nous; dès que nous sommes d'une bienveil-» lance complète, nous avons l'air, aux yeux des adver-» saires, de trahir nos convictions. Pour moi, j'aiM pris un parti héroïque : « Ceci est vrai, donc je» le dis ; car c'est mon droit et mon devoir d'être» vrai. » Que Dieu soit avec moi ! » — Ce sont debons sentiments et de nobles paroles, comme toutsavant honnête et consciencieux devrait en avoir etles manifester; mais ils sont rares ceux qui préfèrentl'amour du vrai à l'amour de leur propre renommée.

Toutes les nouvelles que contient votre dernièrelettre sont des plus satisfaisantes; d'abord, la réap-parition de l'Écho; je ne saurais trop vous recom-mander de continuer cette publication, qui est la

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452 CORRESPONDANCE ; SUITE.

seule qui puisse, pour le moment, être publiée enfrançais ; le reproche que vous me citez, du corres-pondant du « Monthty Observer, » dont votreN° 14 contient la réfutation, serait une preuve, s'ilen était besoin, des services que votre Écho peutrendre.

Au même.

Saint-Amand (Cher), 1k mars 1863.

... Les événements qui se passent maintenant, «nAmériqueetenEurope.sont une preuve bien évidenteque le Seigneur n'est plus avec la vieille Église, puis-qu'il renouvelle de jour en jour avec plus de rapiditédes choses de la société civile qui, jusqu'en 1757,avait eu pour base la vieille société religieuse ; celle-ci ne recevant plus l'influx du Seigneur, l'autre doitnécessairement être renouvelée. « Voici, dit le Sei-gneur, nouvelles toutes choses je fais. »

.... Je compte toujours sur vous pour m'indiquerceux des ouvrages de .nos frères d'Angleterre et d'A-mérique que vous jugerez propres a être traduitsibrement en français. Pour le moment nous avons

sous presse les Lettres de Rob. Hindmarsh audocteur Priestley,.......

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DE L'INFLUX. 453

Vous me demandez ce que nous devons comprendrepar Présence du Seigneur en nous, Influx, et In-fluence de CÉglise sur la terre etc., et vous résu-mez, ce me semble, votre opinion sur ce sujet parces mois : «La puissance dans le monde des effets,vient du monde des causes par la sphère de l'hommede l'Église ici-bas. » C'est là une incontestable vérité,et je suis complètement de votre avis en ce qui con-cerne l'argumentation qui précède cette conclusion.Vous citez ensuite deux exemples, à savoir : La pierredu sépulcre roulée par l'Ange, et la femme guérie desa perte de sang. Dans le second exemple, le médiumnaturel est évident, c'est la main de la femme quitouche le vêtement du Seigneur; mais dans le pre-mier exemple, je ne vois pas de médium naturel ; carce ne saurait être la présence des femmes et des gar-des, puisque ni les uns ni les autres ne s'attendaientà l'événement, et par conséquent ne pouvaient y con-tribuer, ni par la volonté, ni par le regard, le regard,lorsqu'il résulte de la volonté, pouvant être con-sidéré comme médium. Est-ce un motif pour mettreen doute l'événement? Loin de nous cette pensée, quiserait un blasphème; mais je dis : Au-dessus du casordinaire, il y a le cas extraordinaire, l'un et l'autresoumis ci une loi générale; ici, il y a cas extraordi-naire ; la loi générale, c'est que le spirituel met enaction le naturel, et non vice versa; le cas ordinaire,c'est que pour cette mise en action il faut qu'il y aitrecours à un médium naturel, ce qui n'a pas lieu

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454 CORRESPONDANCE ; SUITE.

pour le cas extraordinaire; ainsi la loi est une pourles deux, mais l'exécution est différente. J'aurai oc-casion de revenir sur ce sujet, lorsqu'à propos desTables tournantes, dont vous parlez à la fin de votrelettre, je vous donnerai mon opinion sur les mira-cles divins et les miracles magiques ; mais j'ignoreencore si j'aurai le temps de vous développer danscette lettre mes idées sur cette importante théorie,qui me semble indispensable pour se rendre comptedes divers phénomènes du spiritisme, dont beaucouptrop de personnes sont engouées aujourd'hui danstoutes les classes de notre vieille société en dissolu-tion; mais si, en raison de ce que j'ai encore À vousdire, je ne pouvais pas aborder ce sujet dans cettelettre, ce serait pour la lettre du mois prochain.

Je reviens à cette partie de votre question : « Quedevons-nous comprendre par Présence du Seigneuren nous et par influx?» — Le Seigneur étant la viemême, le Seigneur est en nous puisque nous vivons ;il est même dans l'être infernal le plus dégradé, puis-que cet être vit ; mais il est chez chacun, homme, espritou ange, dans l ' intime même. Ainsi, prenons l'hom-me : chaque homme a un mental naturel d'après le-quel il veut et pense ; mais ce mental en renfermetrois autres, ayant aussi, selon les degrés discrets,volonté et entendement, à savoir, un mental naturel-spirituel, un mental spirituel et un mental céleste;au dedans du mental céleste est le Seigneur. Or, com-me tout influx vient du Seigneur, l ' influx chez l'hom-

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DE L'INFLUX. 4oo

me, l'esprit et l 'ange, vient donc du dedans audehors, ou de l'intime jusque dans l'exlime, et nond'en haut en bas ou du supérieur à l'inférieur, com-me il y a apparence, tant dans le monde spirituel quedans le monde naturel ; « le Royaume des cieux estau dedans de vous, » nous dit le Seigneur; c'est là laréalité. En effet, comme tout ce qui entoure l'espritou l'ange dans le monde spirituel n'est autre choseque la manifestation à l'extérieur de toutes les affec-tions et de toutes les pensées qui sont en lui, et quiconstituent pour lui son monde spirituel ou son Ciel,il en résulte que dans le monde spirituel le Ciel in-t ime apparaît à la vue au-dessus des autres cieux, etque l ' influx du Seigneur parait descendre du Ciel in-time pour parvenir aux autres cieux; mais, d'après lesprincipes ci-dessus, il est évident que ce n'est làqu'une apparence.

Si l 'homme, doué en naissant de tousses mentais,ne commence pas sa régénération sur cette terre,les trois mentais contenus dans son mental naturelrestent fermés, et il ne peut recevoir l ' influx duSeigneur qu'en ce qui concerne la vie nature l le ; or,comme par nature il est porté à adultérer le bien età falsifier le vrai, il ne diffère (les animaux que parl'intelligence dont ceux-ci sont privés; c'est en vainque le Seigneur a continuellement frappé à la porte,cet homme n'a pas ouvert , par cela qu'il ne s'est pasmis en voie de régénération. Au contraire, par larégénération commencée sur cette terre, il y a ou-

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456 CORRESPONDANCE; SUITE.

verture des divers mentais chez l'homme, à savoir :ouverture du premier mental par la réception desvrais et des biens naturels-spirituels; ouverture dusecond par la réception des vrais et des biens spiri-tuels, et ouverture du troisième par la réception desvrais et des biens célestes; et après sa mort il de-vient habitant, ou du premier Ciel, ou du second,ou du troisième; habitant du premier, s'il ne s'estoccupé que des effets; du second, s'il est remonté auxcauses, et du troisième s'il s'est élevé jusqu'aux fins;mais, quelque soit le Ciel dans lequel il vivra éter-nellement, ce Ciel sera toujours pour lui celui quilui conviendra le mieux, et celui où il sera le plusheureux.

Au même.

Saint-Ainand (Cher), 25 avril 1863.

Votre Écho fait du bruit, et ce n'est pas éton-nant; continuez et laissez le PèreLafond et tutti quantidéblatérer à leur aise; cela ne durera pas longtemps,car ces énergumènes seront rappelés à l'ordre parleurs supérieurs, lorsque ceux-ci s'apercevront quecette polémique est plus préjudiciable qu'avantageusepour leur parti. C'est ce qui est arrivé en France en

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LOIS DE L'INFLUX. 457

1838. Ce sont les chefs de l'ultramontanisme quiont intimé l'ordre à leurs subordonnés de cessertoute discussion avec la Nouvelle Jérusalem.

Je reviens pour un moment sur le cas extraordi-naire, c'est-à-dire, sans médium humain, dont jevous parlais en quelques mots dans ma dernièrelettre.Le cas ordinaire en fait de miracles, soit divins, soitmagiques, c'est que le spirituel se sert d'un médiumpour agir sur le naturel; il en est ainsi parce que,le spirituel n'agissant que sur le spirituel contenudans tout naturel, la règle la plus ordinaire, c'estqu'il y ait un signe naturel pour que le spirituel con-tenu dans le naturel agisse sur le naturel qui le con-tient; mais ce signe naturel n'est pour ainsi direqu'un accessoire, et ce n'est pas une raison, parcequ'il est employé le plus souvent, pour en conclureque le spirituel ne peut agir sans avoir recours à unmédium. Plusieurs miracles rapportés dans la Paroleen donnent la preuve; — Voir sur II Sam. XXIV.io, 16, et II Rois, XIX. 35, les Nos 5717 et 7879des Arc. Cet. — Voici comme je me rends raisondes faits rapportés dans ces deux passages : De mêmeque le naturel peut modifier le naturel, de même lespirituel peut modifier ou déplacer le spirituel. Or,dès qu'un spirituel dépourvu d'un matériel (ou unesprit) a agi sur un spirituel revêtu d'un matériel(ou un homme) de manière a le mettre hors d'état derester dans son matériel, ce matériel se trouve privéde vie, ou, en d'autres termes, l'esprit de l'homme

39.

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458 CORRESPONDANCE ; SUITE.

n'étant plus dans son enveloppe matérielle, cette en-veloppe n'est plus qu'un cadavre.

Au même.

Saint-Amand (Cher), 25 mai 1863.

Je commence celte lettre par vous annoncer l'en-voi de l'ouvrage de M. Matter... Je ne saurais mieuxvous exprimer l'effet qu'il a produit sur nous qu'envous transcrivant la réponse que je fis à l'auteur, etdont le contenu fut approuvé par nos amis : — « . . .» En raison du peu de temps dont vous pouviez dis-» poser avant la publication, il vous était impossi-» blé d'avoir, sur la doctrine de la Nouvelle Église,» toutes les connaissances qu'on serait en droit d'exi-» ger d'un disciple. Si le vœu que vous exprime/,» d'être assez heureux pour en faire une deuxième» édition, s'accomplissait, vous nous trouveriez tou-» jours disposés à avoir avec vous de nouvelles con-» férences, sur le même pied d'aménité qui a existé» pendant celles que nous avons eues » —SiM. Matter s'était prononcé davantage en faveur deSwedenborg, son livre n'aurait peut-être pas eul'effet qu'on en peut attendre; du reste, il redresse

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LOIS DE L'INFLUX. 459

la plupart des idées erronées qu'on avait générale-ment sur la personne et les Écrits de Swedenborg.

Au même.

Saint-Âmand (Cher), 25 juin 1863.

J'ai lu avec intérêt vos réflexions sur ce quej'appelais dans une de mes lettres cas ordinaire etcas extraordinaire, expressions qui, dans ma pen-sée, équivalaient à celles de lois de l'ordre propre-ment dit et lois de permission ; votre médium con-scient et non conscient exprime, ce me semble, lamême chose en d'autres termes ,

Au même.

Saint-Amand (Cher), 25 juillet 1863.

Je vois que par médium non conscient,vous entendez ce qui a lieu chez l'homme interneEn effet, quoique le mot médium soit pris en gêné-

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460 CORRESPONDANCE ; SUITE.

rai par Swedenborg (voir A.. G. 5411) dans un sensqui diffère beaucoup de celui dans lequel on le prendcommunément aujourd'hui,... cependant on trouvedans les A. G. un passage qui concorde avec ce quevous appelez médium humain ; c'est le N° 3702 ; jevous transcris ce passage, parce que l'imprimeur(c'était à Paris) a commis deux fautes grossières, si-gnalées du reste dans l'errala du volume ; voici cepassage : » L'homme a été créé de manière que par» lui les divins du Seigneur descendent jusque dans» les derniers de la nature, et que des derniers de la» nature ils montent vers le Seigneur, de sorte que» l'homme fût le médium de l 'union du Divin avec» le monde de la nature, et de l'union du monde de» la nature avec le Divin, et qu'ainsi par l'homme» comme médium d'union (médium uniens) le der-» nier même de la nature vécût d'après le Divin, c'est» ce qui serait si l 'homme avait vécu selon l'ordre» divin. » — II est à remarquer que celte acceptiondu mot médium par Swedenborg concerne l ' influxmédiat, sans néanmoins exclure l'influx immédiat,car l'influx immédiat agit chez l'homme, en mêmetemps que l'influx médiat. Or, l 'influx immédiat nevient pas à la perception, parce que c'est un influxdans les intimes de l 'homme, N° 8690. Ainsi,votre médium humain conscient se rapporte à l'in-flux médiat, et votre médium humain non conscientse rapporte à l ' influx immédiat, et tout se trouveainsi concilié, ce me semble, entre nous.

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MORT DU DOCTEUR TAFEL. 461

An même.

Saint-Amand (Cher), 25 septembre 18

La Nouvelle Église vient de faire une perte biensensible dans la personne du Dr Tafel. Il était partide Tubingue pour faire sa tournée ordinaire enSuisse pendant les vacances, lorsqu'une indisposi-tion le força à s'arrêter À Ragatz, le 15 août; il nequitta plus le lit, et passa dans le monde spirituel le29 août à 10 heures du matin. On me fit aussitôt partde ce triste événement, auquel tous nos frères étaientloin de s'attendre, car il paraissait devoir vivre long-temps et n'avait que 68 ans; mais le Seigneur dis-pose de nous à sa volonté et toujours selon ses vuesmiséricordieuses; inclinons-nous donc devant cettesainte volonté.

Comme, avant de quitter Tubingue l'an dernier,j'avais eu soin de prendre en note un état descriptifdes cinq manuscrits de Swedenborg confiés à M. Ta-fel par l'Académie royale de Stockholm, je m'em-pressai d'envoyer une copie de ma note au Comitéde Londres, en l'engageant à s'adresser comme corpsconstitué à l'Académie et à lui demander autorisa-tion de retirer ces manuscrits, et de les confier à quide droit jusqu'à leur complète publication. Le Comitéa envoyé deux de ses membres à Tubingue ; ces Mes-sieurs m'ont écrit pour me prévenir de leur mission.

39*.

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462 CORRSEPONADNCE ; SUITE.

.... Quant à l'ouvrage de M. Matter, vous ferezbien de donner dans votre Echo quelques articles.Vous avez eu raison de penser que nous ne pourrionspas nous en occuper en France ; cependant, notreami Blanchet m'écrit qu'il va envoyer une lettre enAmérique sur cet ouvrage; mais cette lettre, qui se-ra traduite en Anglais, ne pourrait vous arriver quetardivement.

Au même.

Saint-Amand (Cher), 25 octobre 1863.

J'ai reçu dernièrement d'un Suédois, leDr S...., une longue lettre en latin qui m'a fait ungrand plaisir. C'est un homme qui me paraît bienpénétré des doctrines de Swedenborg, et tout à faitorthodoxe Excellente acquisition pour l'Église.

Vos observations sur le mot intermédiaire sontjustes, mais la difficulté est de trouver le mot propre.Je me suis toujours attaché à rendre le mot latin parle mot français, et même à franciser le latin, lorsquenotre langue n'avait pas de mot convenable, ce quim'a attiré quelques reproches de la part de ceux quine voulaient pas de nçologismes.... Je dois recon-naître que ces reproches ne laissaient pas de m'in-

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I)U MOT MEDIUM. 463

fluencerdans les premiers temps, et de me rendre par-fois timide; ainsi j'ai hésité longtemps à employer lemot médium, et je rendais les deux expressions in-termedhtm et médium par le même mot intermé-diaire ; mais ces incorrections disparaîtront dansune deuxième édition.

J'ai lu avec le plus grand intérêt, dans le N°21 del'Écho, votre article sur M. Matter. Je vous en faismon sincère compliment.

A Monsieur le Dr S...., à Cliristianstad(Suède).

Saint-Amand (Cher), 29 octobre 1863.

Les'principes que vous exprimez, mon cheret très estimé M., en fait de traduction des SaintesÉcritures, sont tout à fait les nôtres Quantà la critique des citations latines dans Swedenborg,soit directes, soit d'après Séb. Schmidt, vous verrezdans la préface de YEsaïas des relevés de points re-marquables et les conclusions à en tirer Les élé-ments de notre critique continuent à se présenterdans notre travail sur la Scriptura Sacra.

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464 CORRESPONDANCE; SUITE.

A Monsieur Edm, de Chazal, à St-A. (Ile-Mau-rice).

Sainl-Amand (Cher), 25 novembre 1863.

J'ai enfin reçu des nouvelles de Londres re-latives au voyage des deux membres du Comité. Lesmanuscrits de Swedenborg sont en sûreté à Londres,et le Comité a acheté de Mme Tafel le restant desexemplaires des éditions latines publiées par le Dr Ta-fel, moyennant une somme en capital et un droit surle prix de vente de ces exemplaires

A Mademoiselle P , à ***.

Saint-Amand (Cher), 15 juin 1864.

La révélation faite à Swedenborg ne ressem-ble en rien à la révélation faite aux prophètes; celle-ci constituait la Parole dans la lettre, et celle-là lèvele voile qui couvrait cette Parole. •— Les prophètesétaient des instruments passifs; Swedenborg étaitaussi un instrument, il est vrai, mais conservant sapleine liberté. — Les prophètes parlaient de vive voixavec un ange qui se disait et qu'ils croyaient être

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DE LA RÉVÉLATION FAITS A SWEDENBORG. 465

Jéhovah; Swedenborg recevait du Seigneur l'illus-tration lorsqu'il lisait la Parole. — Ne confondonspas l'illustration, qui est une révélation interne,avec la révélation proprement dite. — L'une doitavoir des degrés, l'autre ne saurait en avoir. •—• De-puis que la Parole a été complétée par le NouveauTestament, il n'a plus été besoin de prophètes. —Swedenborg n'est pas un prophète ; pourquoi doncparler d ' infai l l ibi l i té? — L'infaillibilité! Mais cemot est horrible; i! suffirait d'y accoler le mot mi-racles pour se retrouver en plein moyen âge. Miraclés! infail l ibi l i té! ce sont là des mots qui excluent laliberté humaine ; et la Nouvelle Église a cette belledevise : Agir « ex libéra secundum rationem, »d'après le libre selon la raison. —• Est-ce à direque Swedenborg s'est trompé lorsqu'il a composé saDoctrine céleste? Non, mille fois non !.... — Agentlibre, Swedenborg entre dans le monde spirituelavec tous ses préjugés religieux, afin qu'il puisse lesdépouiller librement pour arriver à l'illustration quin'est donnée que progressivement. Il n'était donc pasétonnant qu'il eût d'abord conservé le dogme de laTrinité des personnes; ce n'est qu'en 1748 qu'il re-connaît que notre Seigneur jésus-Christ est le seulet unique Dieu en qui eslla Trinité. Dès lors il aban-donne complètement l'expression Dieu Messie, dontil s'était d'abord servi, et n'emploie plus que l'ex-pression le Seigneur, comme dans les Écrits qu'il alui-même publiés, (à partir de \749). Comment donc

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466 CORRESPONDANCE; SUITE.

opposer à ces Écrits ceux qui les avaient précédés,(les Adversaria) non destinés par lui à la publication ;ceux-ci ne nous sont utiles que parce qu'ils nousapprennent comment Swedenborg est parvenu peu àpeuàcette admirable illustration

A Monsieur Edm. de Chazal, à St-A. (Ile-Mau-rice).

Saint-Amand (Cher), 25 juillet 1864.

Je vous parlais dans ma dernière lettre d'un voya-ge que j'allais faire à Paris Pendant mon séjour,j'ai appris une triste nouvelle; M. Matter qui, parsuite de son travail sur Swedenborg, semblait pren-dre goût à étudier notre céleste doctrine, vient dequitter ce monde. Espérons que cette étude, com-mencée ici-bas, l'aidera, dans le inonde qu'il habitemaintenant, à rejeter les idées fausses que la scienceinculque à ses adeptes.

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SIGNES DES TEMPS. 46"

Au même.

Saint-Amand (Cher), 25 septembre 1864.

Quoique toujours animé du vif désir devoir nos célestes doctrines se répandre parmi leshommes, j'aperçois la différence qu'il doit y avoirentre les commencements de la primitive Églisechrétienne et ceux de la Nouvelle Jérusalem, et parconséquent entre le mode d'action des Apôtres et ce-lui des disciples de la Nouvelle Église. Bien que laprimitive Église chrétienne fût une Église spirituelle,elle n'était pas cependant en possession du sens in-terne de la Parole ; il ne lui en avait été révélé quela faible partie nécessaire pour le tempérament deshommes de cette époque ; la profanation n'était doncpas alors tant à craindre qu'elle le serait aujour-d'hui. Or, la profanation, vous le savez, est ce quele Seigneur, dans sa Divine Miséricorde, veut nouséviter avant tout. C'est donc h cause de la profana-tion qui pourrait résulter de la diffusion de la lu-mière céleste, que le Seigneur ne permet pas que lesdoctrines de sa Nouvelle Église se répandent mainte-nant. Le Chérubin est toujours à l'entrée du jardind'Eden, pour en détourner ceux qui ne pourraientpas y établir définitivement leur demeure

Je suis de plus en plus convaincu que nous n'avonsrien de mieux à faire que de remplir, chacun de son

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468 CORRESPONDANCE; F IN .

côté, les usages qui nous paraîtront les plus propresà l'accomplissement de notre tâche sur celte terre,en laissant agir le Seigneur sur l'ensemble de l'hu-manité. .Lorsque nous .portons nos regards sur cetensemble, il nous est facile de voir comme tout mar-che rapidement vers l'accomplissement des promessesdu Seigneur. Tout tend visiblement à une rénovationcomplète ; le vieux monde s'écroule, et le nouveaucommence de tous côtés à manifester quelques signesd'une vie embryonnaire, il est vrai, mais qui par-viendra en son temps à l'état de vie réelle. Quant aujour et à l'heure, le Seigneur seul les connaît. Il noussuffit de veiller.

Au même.

Saiiit-Amand (Cher), 25 octobre 18G/i.

Oui, les temps me paraissent arrivés; maisil me semble que, au lieu de nous jeter dans la mê-lée, nous devons prier le Seigneur de nous mettresous l'autel pendant le cataclysme naturel , comme ille fit pendant le Jugement Dernier dans le monde spi-rituel pour ceux qui devaient form'er le noyau de saNouvelle Kç'lisc !

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NOTES A D D I T I O N N E L L E S ,

NOTE DE L'ÉDITEUR.

La première partie de ce volume, jusqu'à la Page 281,imprimée sous la direction de Le Boys des Guays, contientdes renvois à des Notes Additionnelles pour lesquelles, in-terrompu par la mort, il n'a pas laissé, à notre connaissance,de renseignements manuscrits. Nous ne pouvons qu'y sup-pléer de noire mieux, sans avoir la certitude de répondrecomplètement à sa pensée.

NOTE DE LA PAGE 40.

Voir, au sujet de la traduction de la divine Parole, lesArticles, Pages 157, 160, 169. — H est à remarquer quel'emploi du vous en parlant à une seule personne a été uneinnovation introduite vers le xvne siècle dans les versionsfrançaises catholiques des Saintes Écritures, et à laquellesont étrangères quelques versions antérieures.

NOTE DES PAGES 139, 145.

Voir sur la Revue, sur sa suspension en 1848 et sur lasuite de la publication des Ouvrages de Swedenborg, la No-tice en tête de ce volume, Page iv, et l'Article, Page 285.

NOTE DE LA PAGE 142.

A la Note sur Moët, ancien bibliothécaire de Louis XVI,nous pouvons ajouter ce renseignement : Un recueil litté-raire anglais de 1807 (cité par Vlntellectual Hepository demars 1856, Page 143), rapporte que Moët venait de mourirrécemment à Versailles, à l'âge de 86 ans.

40.

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470

NOTE DE LA PAGE 150.

L'édition imprimée des Arcanes Célestes se compose de16 volumes in-8° de texte, auxquels on peu! joindre l'Indextraduit de celui de Swedenborg, en 1 vol. in-8"; ïIndexMéthodique- et plus complet de Le Boys dos Guays, en2 forts volumes in-8"; et nous espérons y ajouter le 3e vol.supplémentaire commencé de cet Index, qui portera à 20volumes l'ensemble de l'ouvrage et de ses compléments.

NOTE DE LA l'AGE 152.

Notre excellent ami Hartel, ancien mili taire décoré de laLégion d'honneur, invalide de la campagne de Russie où ilavait perdu le bout des pieds par congélation, habile méca-nicien, préposé à la fabrication des harpes dans la maisonÉrard, avait répondu selon son pouvoir, des la fondation dela Revue, au premier appel de M. Le Boys, en se faisant l'a-gent dévoué du journal et le dépositaire des ouvrages à Pa-ns. 11 avait aussi ouvert son modeste logis à de petites réu-nions de culte privé où il avait rallié quelques membresépars de l'auditoire dissous de M. Broussais, fils du méde-cin de ce nom; réunions qui durèrent de 1838 jusqu'à lamort de M. Ilartel t-.n ISiS, et furent ensuite reprises cheznotre ami M. Minot.

On a vu, Page 312 du précédent volume, que d'autresréunions avaient eu lieu, en 1826, chez l'avocat M. Gobert.L'ouvrage récemment publié de Rob. Ilindmarsh, Risc and•proyress of (lie _Yeœ> Cliurck, nous montre (page 181)qu'en 1802, l 'auteur assiste à Paris à une petite réunion delecteurs des Ouvrages de Swedenborg, suite d'une sociétéformée dès avant 1789, rassemblée occasionnellement parlessoins de quelques amis d'Angleterre, et qui comptait parmises membres M. Parraud, au teur de quelques traductionspubliées vers cette époque.

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471

Nous aimons à recueillir ces traces de l'existence persis-tante, à Paris, d'un noyau de disciples des doctrines de laNouvel le Église. Hindmarsh voit .M. Parraud, sur la demanded'un correspondant de Sainl-Petersbourg, expédier un en-voi considérable de livres à celte destination.

NOTE DE LA PAGE 169.

Voir dans la Notice, Page vin, l'état actuel d'avancementde la t raduction des livres de la divine Parole et des travauxconcernant cette traduction.

NOTE DE LA PAGE 175.

Voir, Pages 285 et suivantes, l'état des publications en1852, et l'état actuel dans la Notice en tête du volume.

NOTES DE LA PAGE 178.

Voir, sur M. Lino de Zaroa, Page 287, et Notice, Page v.L'init iale D. est ici pour Dieudonné, nom sous lequel était

entré en correspondance avec M. Le Boys, M. EmmanuelDicudoimc Clede L.. C.... dont le vrai nom nous a été révé-lé à sa mort, à l'occasion de son legs en faveur de la publi-cation des Ouvrages de Swedenborg, legs mentionné Page426, et dans la Notice, Pages v, vi.

NOTE DE LA PAGE 185.

Voir, Page ù2/i, quelques autres renseignements surM. OEgger.

NOTE DE LA PAGE 188.

Voir, sur la suite des événements de cette époque et lasituation générale alors, les Lettres, Pages 231 à 241, et sui-vantes.

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472

NOTE DE LA PAGE 191.

Voir la Lettre, Pages 247 et suivantes.

NOTE DE LA PAGE 201.

Voir, sur les Juifs, dans les Arc. Ce'/., outre les N0i citésPage 202, le N" 4847 ; voir aussi la Lettre suivante, Page 208.

NOTE DE LA PAGE 208.

La suite des événements a montré combien il était difficileà la papauté de tenir des promesses libérales.

NOTE DE LA PAGE 215.

Les commotions prévues dans cette Lettre ont eu lieu, maisn'ont pas encore abouti à établir de fait, en France, la libertéde conscience.

NOTE DE LA PAGE 220.

Voir encore les Lettres, Pages 231 à 241.

NOTE DE LA PAGE 226.

Voir de nouveau ci-dessus la Note de la Page 188.

NOTE DE LA PAGE 234.

Voir de nouveau la Note de la Page 152 et la Lettre,Page 285.

NOTE DE LA PAGE 334.

Délibérée en comité et adressée aux bibliothécaires, cettecirculaire était ainsi conçue : « M., — Traducteur et éditeur» des Œuvres de Swedenborg en français et désirant faire» connallre cette publication, je viens vous demander si» vous seriez diposé à recevoir, pour la bibliothèque de . . ,» la collection des Ouvrages de cet Auteur. — Je puis vous» les offrir gratuitement, pourvu que vous consentiez à payer

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473

» les frais de port. — En cas de réponse affirmative, veuil-» lez m'indiquer par quelle voie je dois vous acheminer l'en-» voi.— Je joins ici le catalogue de ces ouvrages. — Agréez,» etc.»

Nous croyons à propos d'extraire des réponses les rensei-gnements stalistiques suivants : — Le bibliothécaire deNancy écrivait : « Je placerai avec plaisir vos traductions» près des Ouvrages originaux de Swedenborg que nous pos-» sédons. »—Celui de Lyon : « La grande bibliothèque, dont» je suis le conservateur, possède la plupart des éditions ori-n ginales de Swedenborg, qu'on lui demande assez souvent,» mais elle n'a pas vos traductions, qui lui seront d'un grand» secours.»— Celui de Strasbourg : «Notre bibliothèque» possède, soit dans la langue originale, soit dans des tra-» ductions, la plupart des Ouvrages de Swedenborg; 1" les» Arcana Gœlestia, édition de Londres, 17/|9, en 8 vol.» in-i°, édition si rare, que M. Tafel, de Tubingue, n'a pu» trouver que notre exemplaire pour en donner une réini-» pression; 2°etc. (jusqu'àl/i articles).Vous voyez,Monsieur,» qu'il nous manque plusieurs ouvrages essentiels, et que» vos publications seront un complément important » —Celui de Boulogne-sur-Mer : «Votre traduction figurera chez» nous avec d'autant plus d'avantage que, par suite de nos» rapports avec l'Angleterre, des étrangers de celte nation» faisant à notre bibliothèque des dons assez fréquents, nous» possédons en anglais les principaux Ouvrages du grand» philosophe suédois, mais nous n'avons en français que» l'extrait sur la Nouvelle Jérusalem publié en 1834, par» Ed. Richer.» — Celui de Dole (Jura) : «Ces ouvrages» nous ferons d 'autant plus de plaisir à recevoir, qu'on nous» les a demandés plusieurs fois. »

NOTE DE LA PAGE Slilt.

Le Seigneur, par les combats des tentations, a purifié,

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474

c'est-à-dire vaincu et expulsé lou! l ' inf i rme ot l ' hé réd i ta i requ'il teti i ' i i t d ' une Moie , an po in t do dépouiller absolumenttou t M a t e r n a i et de n'être, p l u s son f i l s . — Arc. Cet. N"' 17913,2159.

.NOTE

Sur les manuscrits de Swedenborg actuellement entre lesmains du Comité de Londres. (Voir pages /|61, ùGi).

L'INDEX BIBLICCS Ft'4t>n.s 2>stott«J<i,Tovnesî, IL, contientdes textes et des explications sur les Prophètes, les Psaumes,l'Apocalypse, ainsi en général sur les livres prophétiques. Ilest rédigé par ordre alphabétique, cl suivi d'un supplément.— Dans l'Index, chaque lettre de l 'alphabet a une pagina-tion dis t inc te ; dans le supplément, la paginat ion est suiviedu commencement à la fin, et les mots sont placés sans ordrealphabétique.

UD INDEX in Gencsin et Esaïam contient des textes etdes explications: chaque lettre de l 'alphabet y a une pagina-tion dist incte.

Un INDEX BIBLICUS, numéroté II, contient des textes deJosué, des Juges, de Samuel et des Kois; chaque lettre del 'alphabet a une paginat ion dis t incte . — Un autre volume,numéroté I!l, est le supp l émen t de cet I N D E X : la pagina-tion va du commencement à la l in; les mots y sont placéssans ordre a lphabét ique .

L ' INDEX BIBLICCS î\ovi Teslamcnli contient des textesdes Quatre Evangél is tes ; chaque le t t re de l 'alphabet a unepagination distincte.

Puis vient un I N D E X BIBUCES .\oininum propriorum.—Komina "irorum, terrarum, rcgnorum, nrbium.

NOTE FINALE.

Nous avons averti, en commençant, que nous avons dûbeaucoup restreindre les extraits de la correspondance.

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- i /o

Nous nous sommes arrêté à l'expression de la pensée denotre ami sur la situation générale actuelle et sur l 'a t t i tudequi convient aux disciples des doctrines de la Nouvelle Égliseen présence de cette s i tuat ion.

Nous devons nienSioaner, dans les dernières Lettres, l'envoid'une photographie qui représente M. et M1"6 Le Boys desfiuays occupés à une collation d'épreuves.

Les deux dernières, des 25 novembre et 6 décembre 1864,contiennent les expressions de v ive reconnaissance adresséesà M. de Chazal pour une nouvelle libéralité. Nous y joignonsencore ici les nôtres pour ce généreux ami à qui surtout, nousaussi, nous devons de pouvoir continuer l'œuvre poursuiviedepuis 25 ans de concert avec noire regretté collaborateur.

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OUVRAGES D'EMMANUEL SWEDENBORGTraduits en Français

PAR J.-F.-E. LE BOYS DES GUAYS

Arranes Célestes, 16 volumes grand in-8° 1201' » c

Index des Arcanes, 1 volume grand in-8" 7 50La Vraie Religion Chrétienne, 5 volumes grand in-18 . 15 »La Sagesse Angéliq. sur le Div. Amour, &c. 1 vol. g. in-18. 5 »La Sagesse Angélique sur la Divine Providence, 1 vol. 5 nDélices de la Sagesse sur l'Amour Conjugal, &c. 2 vol. 8 nDe la Nouvelle .Jérusalem et de sa Doctrine Céleste, 1 vol. 4. »Les Quatre Doctrines , S »Exposition Sommaire de la Doct. de la AT||e Eglise, 1 vol. 2 oODes Terres dans notre Monde solaire, 1 vol. gr. in-18. 2 »Du Jugement Dernier et de la Babylonie détruite, 1 vol . 2 »Continuation sur le Jugement Dernier, 1 volume in-18. 1 nDu Commerce de l'Ame et du Corps, 1 volume in-18 . 1 »Appendice à la Vraie Religion Chrétienne, 1 vol. in-18. 1 50Exposition Sommaire du Sens interne, 1 volume in-8". 5 »Doctrine de la Charité (Extr. des Arc. Cet,), \ vol. in-8°. 1 50Doctrine de la Nouv. Jérus. sur la Chanté, I vol. iu-8°. 1 »Des Biens de la Charité ou Bonnes (Eûmes, 1 vol. in-8". 1 50De la Parole et de sa Sainteté, 1 volume in-8°. . . . n 75De la Toute-Présence et de la Toute-Science de Dieu, » 50Du Cheval Blanc, dont il est parlé dans l'Apocal., 1 v. 1Du Divin Amour, 1 volume in-8° 2Doctrine sur Dieu Triun, \ volume in-52 2Traité des Représentations et des Correspondances, 1 v. 2L'Apocalypse Révélée, ô volumes grand in-18 ,15L'Apocalypse Expliquée selon le Sens Spirituel, 7 vol . 70Vu Ciel et de l'Enfer (sous presse), 2e édit. 1 volume in-8".

OUVRAGES CONCERNANT LA NOUVELLE ÉGLISE.

Lettres à un Homme du Monde, 1 vo lume in-18 . . . 3 »L'Apocalypse dans son Sens Spirituel, 1 vol. gr. in-8". 7 50Exposition Populaire de la Vraie Religion Chrétienne. » 50La Religion du Don Sens, 1 volume in-18 G »Mélanges, i volumes in-18 2l»Abrégé de la Doctr. de la Vraie Religion Chrétienne, 1 v. 3 »Le Nouveau Testament, 1 volume in-52 2 50Scriptttra Sacra.— Esaias, 1 volume in-8" 10 »Index, général des passages delà Parole, 1 volume in-8°. 10 »Appel aux Hommes réfléchis, 1 volume in-18 5 »Particularités de la Bible, 1 volume in-18. . . . . . 5 »Lettres au Docteur Priestleu, i volume in-18 5 »Index mélhudiqiie des Arcanes Célestes, 2 vol in-8". . 20 a

Impr imer ie dp INvtcnav, à Saint-Amand (Cher).