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COP 21 LES ( VRAIS ) DÉFIS Parti communiste français 10 tarif de soutien – 5 tarif étudiant, chômeur, faibles revenus - 7 tarif normal Parti communiste français DANS CE NUMÉRO Parti communiste français SCIENCE x RACES ET RACISME par Axel Kahn TRAVAIL x NUMÉRIQUE : OUVRIR LE DÉBAT EN GRAND AVEC LE MONDE DU TRAVAIL par Sophie Binet ENVIRONNEMENT ET SOCIÉTÉ x L’ÉCOLOGIE : UNE DISCIPLINE SCIENTIFIQUE ET UN MÉTIER par Alain Pagano N o 9 JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015 7 DOSSIER x

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COP21LES (VRAIS) DÉFIS

Parti communiste français

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Parti communiste français

DANS CE NUMÉRO

Parti communiste français

SCIENCE xRACES ET RACISMEpar Axel Kahn

TRAVAIL xNUMÉRIQUE : OUVRIRLE DÉBAT EN GRANDAVEC LE MONDE DU TRAVAILpar Sophie Binet

ENVIRONNEMENTET SOCIÉTÉ xL’ÉCOLOGIE : UNE DISCIPLINE SCIENTIFIQUE ET UN MÉTIERpar Alain Pagano

No 9 JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015 7 €

DOSSIER x

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SOMMAIRE2 JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE

Progressistes JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015

ÉDITO Deux ans ! La dynamique de rassemblement Ivan Lavallée ...........................................................................................3

Le repas des Progressistes : vivement le prochain ! Hugo Pompougnac ...........................................................................................4

DOSSIER : COP21 LES (VRAIS) DÉFISHumanité, planète, même combat Jean-Noël Aqua............................................................................................................................7

Changement climatique : des faits têtus, des effets accrus… Jean-François Doussin.....................................................................8

Réchauffement climatique : court délai pour réagir Hervé Le Treut ...............................................................................................10

Réchauffement, acidification et élévation du niveau des mers : ce que nous apprend la Méditerranée Thierry Thibaut et Charles-François boudouresque .................................................................12

Une tonne et demie de CO2 par habitant et par an Sébastien Balibar ...........................................................................................14

L’urgence d’agir ! Hervé Bramy ............................................................................................................................................................17

Maîtriser le réchauffement climatique : actions efficaces ou simulacres ? Paul Sindic .............................................................18

La lutte contre le réchauffement climatique passe par la bataille pour l’égalité Lydia Samarbakhsh .....................................21

Énergie et climat Jean-Louis Bobin .......................................................................................................................................................23

Qu’appelle-t-on « transition énergétique » ? Comment la définir ? Valérie Goncalves.................................................................26

Le climat, la science et la recherche Anne Mesliand ........................................................................................................................27

Transferts de technologie et coopérations internationales Sébastien Elka ....................................................................................29

Climat : les femmes en premiere ligne Yveline Nicolas.....................................................................................................................31

Transition écologique, services publics et scop Fabienne Cru-Montblanc ........................................................................................32

BRÈVES............................................................................................................................................................................................. 34

VIDÉOS ............................................................................................................................................................................................ 39

SCIENCE ET TECHNOLOGIEÉTHIQUE Races et racisme Axel Kahn...................................................................................................................................................40

TRAVAIL, ENTREPRISE & INDUSTRIERÉVOLUTION NUMÉRIQUE ouvrir le débat en grand avec le monde du travail Sophie Binet..........................................................44

INDUSTRIE Les télécommunications : un enjeu industriel et démocratique majeur Ghislaine Coinaud◊ .....................................46

ENVIRONNEMENT & SOCIÉTÉÉCOLOGIE L’écologie : une discipline scientifique et un métier Alain Pagano ................................................................................48

LIVRES ............................................................................................................................................................................................... 50

CONTROVERSES Après l’accident de Tianjin : faut-il « sortir de la chimie » ? Samira Erkaoui ...................................................... 52

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE François Dagognet : en souvenir Jean-Michel Galano .................................................. 53

POLITIQUE Du côté du PCF et des progressistes... .......................................................................................................................... 54

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE Investir dans l’enseignement supérieur et la recherche, c’est libérer des forces immenses Matthieu Bauhain.........................................................................................................................55

PHOTOS : P52 REUTERS/Stringer CHINA OUT. NO COMMERCIAL OR EDITORIAL SALES IN CHINA TPX IMAGES OF THE DAY • P28 CC BY 2.0-File:Dakar Roofs - Beach & Ocean (5651584098).jpgUploaded by FileUpload Bot (Magnus Manske) Created: 24 April 2011 Location: 14° 45′ 47.93″ N, 17° 26′ 52.28″ W • P9 CC BY 2.5view terms File:Ice age fauna of northern Spain - Mauricio Antón.jpg Uploaded by FunkMonkCreated: circa 2004 P17 CC BY-SA 3.0 File:United Nations General Assembly Hall (3).jpg Uploaded by BDS2006 Created: 23 April 2011 • P32 English: Unit one of the Novovoronezh Nuclear Power Plant IIDate21 June 2010 Source : Own work Author Hullernuc • P33 CC BY-SA 3.0 File:IDBUS-Paris-Bercy.JPG Uploaded by Fmjwiki Created: 2 January 2013 • P36 CC BY-SA 2.0 File:Sapiens neanderthal comparison enblackbackground.png Téléversé par DrMikeBaxter Création : 15 novembre 2008

Progressistes • Tél. 01 40 40 11 59 • Directeurs de la publication : Jean-François Bolzinger, Jean-Pierre Kahane • Rédacteur en chef : Amar Bellal •Rédacteurs en chef adjoints : Aurélie Biancarelli-Lopes, Sébastien Elka • Coordinatrice de rédaction : Lise Toussaint • Responsable des rubriques : Ivan Lavallée,Anne Rivière, Jean-Claude Cheinet, Malou Jacob • Diffusion et développement : Hugo Pompougnac • Comptabilité et abonnements : Françoise Varoucas •Rédacteur-réviseur : Jaime Prat-Corona • Comité de rédaction : Jean-Noël Aqua, Geoffrey Bodenhausen, Evariste Sanchez-Palencia, Aléa Bruido, Jean-ClaudeCauvin, Bruno Chaudret, Marie-Françoise Courel, Marion Fontaine, Michel Limousin, George Matti, Simone Mazauric, Hugo Pompougnac, Pierre Serra, FrançoiseVaroucas • Conception graphique et maquette : Frédo Coyère.

Conseil de rédaction : (Président : Ivan Lavallée • Membres : Hervé Bramy, Bruno Chaudret, Xavier Compain, Yves Dimicoli, Jean-Luc Gibelin, Valérie Goncalves,Jacky Hénin, Marie-José Kotlicki, Yann Le Pollotec, Nicolas Marchand, Anne Mesliand, Alain Obadia, Marine Roussillon, Francis Wurtz)

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JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015 Progressistes

ÉDITORIAL

e 10 septembre, en préouverture de lafête du journal l’Humanité, nous avonstenu à marquer l’événement que consti-

tue le deuxième anniversaire de notre revue, parun grand repas gastronomique, réunissant prèsde 140 convives.

Pari tenu, nous menons la bataille idéologiquesans concession ; les milieux progressistes scien-tifiques et techniques ne s’y trompent pas quipeu à peu trouvent dans la revue écho à leurspréoccupations et combats contre l’obscuran-tisme, le dénigrement du progrès, des scienceset de ses acteurs, et pour la promotion de l’espritdes Lumières. Ce repas a réuni des membres del’Académie des sciences, dont l’un a rejoint leParti communiste, mais aussi nombre de syndi-calistes et plus généralement d’intellectuels,plasticiens et philosophes, dont certains étaientencore il y a peu bien loin de se douter qu’ilsviendraient un jour à une manifestation du Particommuniste. Plus, ces nouveaux compagnonsde route défendent dans nos pages des positionsdont ils n’auraient jamais pensé qu’elles fussentnôtres, ce dont nous témoignons, numéro aprèsnuméro. Ainsi, dans cette bataille idéologiqueacharnée qui voit un pouvoir dévoyer l’idéemême de progrès, nous tenons fermement labarre du rassemblement sur le fond, loin depetits arrangements.

Le combat idéologique se mène tous azimuts.De la bataille pour le climat et l’énergie pourtous, du développement à l’éducation, en pas-sant par la lutte pour la paix – qui en est dépen-dante –, nous répondons présents.

En ces temps de luttes du monde du travail,alors qu’il est plus facile de trouver une chemise,fût-elle de luxe, qu’un emploi, la lutte des classesrevient sur le devant de la scène ; l’exaspérationengendrée par la politique d’austérité mène àl’explosion sociale, en France certes, mais aussià l’échelle européenne, en témoignent les évé-nements en Grèce mais aussi en Espagne etmaintenant au Portugal.

Il est possible et essentiel de sortir de l’austérité.Les gains de productivité dus aux progrès scien-tifiques et technologiques doivent profiter à ceuxqui en sont les acteurs. Baisse du temps de travailaliéné et hausse des salaires sont indispensableset sont des vecteurs de retour à l’emploi.

Avec ce retour de la lutte sur le devant de lascène, les masques tombent et les ttravailleursdésabusés, trompés par les discours démago-giques peuvent mesurer là, à l’aune de la lutte,qui, arme le monde du travail, tant politique-ment qu’idéologiquement.

Là est le grain, du rassemblement, qui germe ! n

IVAN LAVALLÉE

IVAN LAVALLÉE PROFESSEUR ÉMÉRITE

D’INFORMATIQUE ET PRÉSIDENT

DU CONSEIL DE RÉDACTION DE

PROGRESSISTES.

Deux ans !La dynamique de rassemblement

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Progressistes JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015

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La revue Progressistes s’étaitdonné rendez-vous le jeudi10 septembre, sur le site de laFête de l’Humanité, pour ungrand repas fraternel en sou-tien à notre revue. Ingénieurs,ouvriers, scientifiques, intellec-tuels, syndicalistes, parlemen-taires, dirigeants politiques : lemonde du travail, des scienceset de l’environnement s’y estretrouvé dans toute sa bellediversité pour débattre autourd’un verre, pour échanger desidées en dégustant la gastrono-mie toulousaine, pour plaisan-

ter en finissant le café. Une ini-tiative réussie, donc, avec prèsde 140 participants. Et, disons-le, la fédération du PCF de laHaute-Garonne, le dévouementdes militants, la chaleur de sonaccueil, la qualité de ses repasy sont pour beaucoup.Nous voulons, c’est le leitmo-tiv de notre revue, mettre encommun les réflexions, les éner-gies, les intelligences du payspour ouvrir la voie au progrèsscientifique et social. De ce pointde vue, Evariste Sanchez-Palencia, académicien des

sciences, a saisi l’occasion durepas pour rejoindre notre comitéde rédaction et adhérer au PCF– Pierre Laurent himself lui aremis sa carte d’adhérent. Noussommes fiers que la démarchede la revue trouve un tel échoauprès des acteurs progressistesdes sciences. Ce geste d’Evariste,à qui nous souhaitons la bien-venue, renforce notre détermi-nation à faire vivre Progressistesau quotidien et à renouveler lesinitiatives fraternelles qui nouspermettent de nous retrouver.Nous tenons particulièrement

à remercier les militants qui ontassuré la préparation des repas,le service et la mise à disposi-tion de la revue sur place, lesinvités qui nous ont fait le plai-sir de participer, ainsi que lesecrétaire national du PCF pourses mots d’encouragement.Nous espérons que chacune etchacun a passé un beau momentet nous avons hâte de repro-duire l’expérience l’an prochain.

HUGO POMPOUGNAC, en charge de la diffusion

et du développement de Progressistes

Le repas de Progressistes : vivement le prochain !

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4 5 6

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7 8

1 - Les militantes et militants de la fédération de la Haute Garonne en pleine préparation.2 - Evariste Sanchez Palencia, de l'Académie des sciences, remettant son adhésion au PCF à Pierre Laurent.3 - Pierre Laurent, secrétaire national du PCF.4 - Les étudiants communistes avec Matthieu Bauhain, secrétaire national de l'UEC, présents en nombre et soutiens actifs de la première heure de Progressistes.5 - De gauche à droite : Pierre Lacaze, secrétaire de la fédération de la Ht-Garonne, Dominique Satge, Chef de file des communistes de Haute-Garonne pour les élections

régionales, Ivan Lavallée, Pierre Laurent, Amar Bellal.6 - Jean-Noël Aqua, lauréat du prix Gustave Ribaud de l'Académie des sciences7 - Gabriel Laumosne, lauréat du concours de l'agrégation de mathématique, tous deux chaleureusement applaudis par la salle.8 - Marie-Claire Cailletaud de la FNME CGT et Jean-François Bolzinger, directeur de Progressistes.9 - Étaient présents aussi : Gérard Aschieri, Sophie Binet, Geoffroy Bodenhauser, Yves Bréchet, Bruno Chaudret, Gilles Cohen-Tanoudji, Laurence Cohen, Bernard Devert,

Sette Diop, Sylvestre Huet, Nordine Idir, Gérard Le Puil, Didier Le Reste, Michel Limousin, Alain Obadia, Marc Neveu, Amadou Tierno Gaye, Jacky Hénin, FrédéricRauch, Guillaume Roubaud-Quashie… et tant d’autres.

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TOUJOURS DISPONIBLE !LES ANCIENS NUMÉROS DE PROGRESSISTES

No 8 AGRICULTURESIl va s’agir de nourrir 11 milliards d’hu-mains. L’agriculture est au cœur de la ques-tion écologique. Nourrir les humains oufaire du profit ? Quelles conséquences ?De grands noms, comme Michel Griffonou Aurélie Trouvé, avancent des points devue novateurs. Dans ce numéro on liraégalement : « “Big pharma” et logiquesfinancières », « Pour une politique indus-trielle européenne : le cas de l’énergie », etencore « Du “devoir de mauvaise humeur”à la “défense du bien public” » par YvesBréchet, de l’Académie des sciences.

No 7 ÉNERGIES RENOUVELABLESQuelle place dans le mix énergétique à venirpour les énergies dites renouvelables ? Lescénario de l’ADEME est passé au crible,et le problème des matériaux rares, lié, estabordé. Claude Aufort, Hervé Nifeneckersignent ces points de vue. La sûreté indus-trielle et la technologie des réacteurs nucléairesà sels fondus, ainsi que les dynamiqueslibérales du numérique, parmi d’autres,sont également abordées par Jean-PierreDemailly, ainsi qu’une réflexion d’EvaristeSanchez Palencia, tous deux de l’Académiedes sciences.

No 6 ÉCONOMIE CIRCULAIRERecyclage des déchets, produits agricoles,écoconception : la nécessité sociale et éco-logique d’une économie circulaire est évi-dente. Le système capitaliste s’épuise enpillant les ressources de la planète, le dos-sier de ce numéro balaye le greenwashing,éclaire le débat et évite les confusions.Les structures cristallines permettent d’abor-der les liens entre recherche et politique,les comètes sont au programme, et l’artaussi, avec des articles signés Jean-NoëlAqua, Jacques Crovisier ou Bernard Roué.

No 5 RÉVOLUTION NUMÉRIQUEBig data, loi renseignement, explosion desmoyens de communication, de stockagede données et des nouvelles technologies,puissance de calcul et super-ordinateurfrançais : la révolution sera aussi numé-rique. Les enjeux de classe sur le travail etl’emploi sont mis en évidence. Ce numérodresse un tableau des enjeux dans le mondenumérique. Génome et éthique, mesure dela Terre au millimètre près, culture du risque…sont proposés à la réflexion par, entre autres,Patrick Gaudray, Jonathan Chenal, GéraldBronner.

No 4 EUROPE ET COOPÉRATIONSL’Europe et ses coopérations, actuelles età forger. Regards critiques et propositionsse croisent pour un éclairage précieux surles possibles et les contradictions euro-péennes: gaz de schiste, nucléaire, impassedu low cost en matière aéronautique oubien encore les pistes de la révolution àmener. Cryptologie, histoire du mouvementbrownien, risques industriels ; thèmes trai-tés dans ce numéro sous les plumes deSofiane Ben Amor, Jean-Pierre Kahane,Jean-Pierre Cheinet, notamment.

No 3 TRANSPORTS, LA MULTIMODALITÉÉCOLOGIQUELes transports, clé de la révolution écolo-gique à mener pour remettre au cœur dudébat l’utilité sociale et les bénéfices envi-ronnementaux de transports accessibleset vertueux. Alors que les dessertes en buss’ouvrent à la concurrence et que l’enjeuferroviaire sera au cœur des prochainesélections régionales, ce dossier est à consul-ter d’urgence ! Métamatériaux et invisibi-lité, luttes dans l’industrie papetière, réchauf-fement climatique sont abordés par SébastienGuenneau, Gaëtan Levitre, Amadou ThiernoGaye (du GIEC-Afrique de l’Ouest).

No 2 COMMUNES ET ENVIRONNEMENTSuite à la brutale réforme territoriale impo-sée aux collectivités, on revient sur lesexpériences municipales à travers le dos-sier « Communes et environnement ». Desdéchets aux transports, ce numéro fait lapart belle à l’enjeu énergétique alors quese profile la COP21. Le boson de Higgs,métaux et terres rares, la finalité de l’en-treprise, douter ou relativiser sont des thèmesabordés sous les signatures de CohenTannoudji, Bruno Chaudret, Daniel Bachet,Hubert Krivine.

No 1 INDUSTRIE ET PLANIFICATIONÉCOLOGIQUEL’éditorial, « Progrès humain et politique »,signé Jean-Pierre Kahane et Jean-FrançoisBolzinger, fixe la ligne éditoriale de la revue.Le dossier porte sur l’industrie au cœur destransformations et problèmes de la relanced’une politique industrielle française dansle cadre de la transition écologique, pourun développement humain durable.Nanotechnologies, nouvelle civilisation dutravail, agriculture sous les signaturesd’Aurélie Lopes, Jean-Noël Aqua, Marie-José Kotlicki sont également au menu.

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7DOSSIER

JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015 Progressistes

e réchauffement climatique est une réalité. Une réalité scien-tifiquement irréfutable, exploitée économiquement etbafouée politiquement. Les données scientifiques sont

pourtant connues de tous. Les températures moyennes ont déjàaugmenté de 1 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Si l’augmen-tation dépasse 2 °C, les conséquences seront difficilement contrô-lables : extrêmes climatiques, montée et acidification des océans,disparitions massives d’espèces… Par là même, l’humanité estmenacée : déplacements de populations, diminution des ressources agricoles et halieutiques, raréfaction de l’accès à l’eau.Les plus pauvres seront les premiers touchés. Et les tensions inter-nationales s’exacerberont.

Ce réchauffement est certes dû à l’homme – n’en déplaise au lobbypétrolier –, mais surtout au système économique qu’il a créé. Unsystème basé sur les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) quiaugmentent l’effet de serre, un système basé sur la recherche derentabilité financière immédiate. Disons-le clairement, ce n’estpas dans le capitalisme, même « vert », qu’il faut chercher la solu-tion. Les grandes entreprises capitalistes en quête d’image et, plus généralement, les libéraux de tout poil vantent des solutionspurement locales, et surtout compatibles avec les profits pour lesriches et, donc, l’austérité pour les peuples. Ces solutions sontanecdotiques.

C’est en partant des besoins humains et en les conjuguant avec lerespect de l’environnement qu’on relèvera les vrais défis. L’hommea besoin d’énergie, pour assainir l’eau, se chauffer, se soigner, pro-duire, se déplacer… Les pays pauvres doivent pouvoir se dévelop-per. Quant aux populations occidentales, elles doivent être aidéesà se sevrer du carbone. Il faut ainsi fortement diminuer la consom-mation d’énergies fossiles (la diviser par 3 en France, 6 en Allemagne,11 aux États-Unis) grâce à l’isolation des bâtiments, la promotiondu train, de l’électrique… ; développer toutes les énergies non car-bonées (hydraulique, nucléaire, renouvelables, surtout non inter-mittentes) ; sortir du consumérisme exacerbé…

Les solutions sont connues. Une seule question reste en suspens :qui décide ? Pour l’heure, sans réels pouvoirs sur l’économie, lescitoyens subissent, impuissants. Combien de catastrophes avantque ne s’imposent la démocratie dans l’économie, notamment surles choix industriels, l’orientation des fonds publics sur critèressociaux et environnementaux, le développement des services publics,les transferts technologiques ?

La Conférence des parties, la Cop21, se tiendra donc en décembreà Paris. Pour la préparer, les pays développés promettent… desréductions – très insuffisantes – des gaz à effet de serre, et refusentque leurs engagements aient une valeur contraignante. Ils « mégo-tent » sur l’aide financière pour un développement durable des payspauvres, alors qu’ils sont responsables des pollutions passées. Ilssont dans l’impasse du libéralisme qu’ils promeuvent.

Pour les communistes, s’attaquer aux racines du système a tou-jours été au cœur de leur démarche politique. La qualité de l’envi-ronnement est désormais pleinement au centre de leur projet, tantpour la durabilité du développement économique que pour la qua-lité de vie. Promouvoir un développement humain durable est leurboussole. Une réponse de fond pour un problème de fond. Il n’estpas trop tard pour s’en emparer : l’avenir de l’humanité est toutsimplement en jeu. n

COP21 LES (VRAIS) DÉFIS

HUMANITÉ, PLANÈTE, MÊME COMBAT

L

JEAN-NOËL AQUA est maître de conférences àl’université Pierre-et-Marie-Curie. Il est membre

du comité de rédaction de Progressistes

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Progressistes JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015

La réalité du changement climatique ne fait plus réellement débat dans lacommunauté scientifique. Il faut dire que les faits sont têtus et que la mobi-lisation de la communauté scientifique qui étudie le système Terre a permisde « faire sortir du bruit » les preuves d’un dérèglement majeur.

CHANGEMENT CLIMATIQUE : DES FAITS TÊTUS, DES EFFETS ACCRUS…

PAR JEAN-FRANÇOIS DOUSSIN*,

eaucoup des changementsobservés depuis les années1950 sont sans précédent

depuis des millénaires. La tempéra-ture de surface au-dessus des terreset des océans a crû de manière signi-ficative. Si l’on prend en référencela moyenne des températures entre1961 et 1990, il apparaît que la quasi-totalité des moyennes antérieures àcette période est inférieure d’envi-ron 0,3 °C et que les valeurs depuiscette période sont en croissanceconstante : elles atteignent aujourd’hui+ 0,4 °C (fig.1).

EAU, BANQUISE, OCÉAN : LES CONSÉQUENCES DURÉCHAUFFEMENT SONT TERRIBLESCe dérèglement affecte la totalité duglobe, mais s’exprime de façon dif-férenciée et spécifique à chaque éco-système. Le changement de tempé-rature constaté entre 1901 et 2012atteint ainsi près de + 2 °C au-dessusde la Sibérie, du bassin amazonien,de l’Afrique de l’Ouest ou encore deszones boréales. Ses conséquencesmettent en cause ni plus ni moinsque l’habitabilité de larges zones denotre planète en posant des ques-tions d’accès aux ressources, au pre-mier rang desquelles l’accès à l’eau.

Entre 1951 et 2010, les précipitationsen Afrique de l’Ouest, dans le Bassinméditerranéen et en Extrême-Orientont décru de 10 à 25 %. Parallèlement,on observe des accroissements despluies dans l’Est américain, en Europecentrale et en Amérique du Sud, ainsique des événements intenses plusou moins destructeurs.Tous les indicateurs de la souffrancedes écosystèmes sont « au rouge ».Aux pôles, l’extension des glaces demer d’été – banquises – est passéede 11 millions de kilomètres carrés(surface relativement stable entre1900 et 1960) à 6 millions entre 2000et 2015. Dans l’hémisphère nord,outre la disparition de tout un éco-système (médiatisée avec le sort desours polaires), c’est la survie de laculture des populations arctiquesqui est en jeu. En outre, la dispari-tion de la cryosphère, qui renvoieune partie significative du rayonne-ment solaire vers l’espace, induit unerétroaction positive des plus problé-matiques. Enfin, les relevés des troisderniers siècles indiquent que leniveau moyen des océans, qui étaitresté stable au XVIIIe et XIXe siècle, s’estélevé de près de 20 cm depuis 1900.

La moyenne des concentrations deCO2 dans les couches de surface desocéans a crû de 10 à 15 %. Ce gaz,que nos grands-pères appelaient« acide carbonique », est effective-ment, une fois dissous, un acide quiconduit à abaisser le pH des océans.Cette acidification met en péril labiodiversité et les barrières de corauxen participant à la dissolution dessquelettes calcaires et autres coquillesde toute une faune essentielle aufonctionnement des biotopes.

LES MODÈLES DU GIEC POURPRÉDIRE LES CLIMATS DE DEMAINDevant le nombre et la cohérencedes observations, les quelques scep-tiques plus ou moins bien intention-nés ont déserté le débat quant à l’oc-

Tous les indicateurs de la souffrance des écosystèmes sont « au rouge ».“

DOSSIER COP21 LES (VRAIS) DÉFIS8

Figure 1.

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JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015 Progressistes

currence effective du réchauffementglobal et se sont rabattus sur la miseen question de la responsabilité desactivités humaines.Pour démontrer le caractère anthro-pique du réchauffement – et c’est làl’une des sorties majeures de sondernier rapport de 2013 –, le GIEC1

a adopté une méthodologie aussioriginale qu’édifiante : puisque, afinde prédire l’évolution du climat, lacommunauté scientifique met enœuvre tout un faisceau de modèlesclimatiques concurrents et complé-mentaires, et puisque ces modèlesont atteint des performances remar-quables dans la reproduction du cli-mat actuel, pourquoi ne pas, artifi-ciellement, « éteindre » les facteursanthropiques et regarder l’effet surla réponse du modèle ?C’est ce qui a été fait pour trois grandsindicateurs de grande échelle (fig. 2) :la température moyenne, le contenuthermique de l’océan et l’étenduemoyenne de la glace de mer. Pourchacun de ces paramètres, les modèlessont capables de reproduire les dérè-glements dans la plupart des partiesdu globe. Quand la composante

anthropique est annulée le dé -règlement disparaît, validant par là même la cause anthropique duréchauffement.

L’AUTRE TOURNANT DE LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLELe doute n’est plus permis : le for-çage que les activités humaines impo-sent à notre environnement dans sonintensité, mais également dans sonrythme, est devenu incompatibleavec les capacités de mitigation dusystème. Le CO2 est non seulementun des principaux gaz à effet de serremais aussi celui qui représente lemieux la divergence de ce forçage.Grâce aux carottages glaciaires com-binés aux observations atmosphé-

riques, nous sommes en mesure dereconstituer la concentration endioxyde de carbone sur les 600 000 der-nières années. Pendant 600 millé-naires la concentration en CO2a oscilléentre 200 et 300 ppm2. Cette tendances’est maintenue jusque vers le milieudu XIXe siècle. À partir de la révolu-tion industrielle, qui marque l’utili-sation massive des combustibles fos-

siles (au premier rang desquels lecharbon, rapidement complété parle pétrole et le gaz), on constate uneaugmentation qui s’accélère drama-tiquement avec le développementindustriel des années 1950.Non seulement les concentrationsde CO2 croissent, mais leur rythmed’accroissement s’accélère : on estainsi passé de 0,7 ppm/an dans lesannées 1960 à 2,1 ppm/an aujourd’hui.Ces constatations sont égalementvalables pour d’autres gaz à effet deserre, tels que le méthane ou le pro-toxyde d’azote (N2O).La divergence du système climatiqueest telle que les modèles prévoientaujourd’hui une augmentation detempérature moyenne de 1,5 à 4 °Cà l’horizon 2100, selon qu’on les ali-mente avec un scénario optimiste(contrôle des émissions de gaz à effetde serre, changement des pratiques,mutation de la production énergé-tique) ou pessimiste (poursuite despratiques actuelles, et des tendancesobservées). À très court terme, onestime que la température moyennese sera élevée de 0,3 à 0,7 °C entre la période 1986-2005 et la période2016-2035.

VERS DES PHÉNOMÈNESCLIMATIQUES EXTRÊMESIl est ainsi pratiquement certain que,dans la plupart des régions continen-tales, les pics de chaleur seront plusnombreux à mesure que la tempé-rature moyenne du globe augmen-tera, et que les vagues de chaleurseront plus fréquentes et durerontplus longtemps. La moyenne annuelledes précipitations augmentera dansles hautes latitudes et l’océan Pacifiqueéquatorial d’ici la fin de ce siècle.Dans de nombreuses régions desmoyennes latitudes et dans les régionssubtropicales arides, les précipita-tions diminueront probablement,tandis que dans de nombreuses régionshumides des moyennes latitudes, lesprécipitations moyennes augmen-teront d’ici la fin de ce siècle.Cependant, les épisodes de précipi-tations extrêmes deviendront trèsprobablement plus intenses et fré-quents sur les continents desmoyennes latitudes et dans les régionstropicales humides d’ici la fin de cesiècle. Enfin, il est probable que lasaison de la mousson s’allonge dans

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Le doute n’est plus permis : le forçageque les activités humaines imposent à notreenvironnement dans son intensité, maiségalement dans son rythme, est devenuincompatible avec les capacités demitigation du système.

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Figure 2. Comparaison des changements climatiquesobservés et simulés fondée sur des séries chronologiquesde trois indicateurs de grande échelle, dans l’atmosphère,la cryosphère et l’océan : évolution des températures del’air au-dessus des surfaces continentales (cadresjaunes), étendue de la banquise arctique et antarctique deseptembre (cadres blancs) et contenu thermique del’océan (CTO) superficiel par grands bassins (cadresbleus). Les changements moyens à l’échelle du globesont également indiqués.

Figure 3. Évolution de la concentrationatmosphérique moyenne du dioxyde decarbone depuis 10 000 ans. Lesmesures proviennent des analyses descarottes de glace (points colorés,chaque couleur correspondant à uneétude distincte) ou de prélèvementsd’air atmosphérique (ligne rouge).

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dans les conditions préindustrielles.Il est pourtant responsable de prèsd’un tiers de l’effet de serre naturel.Sans lui, les températures moyennesseraient 30 % plus froides, de sorteque la planète serait impropre à lavie, du moins telle que nous la connais-sons aujourd’hui. Il y a donc un effetde démultiplication considérablequi fait que ces gaz, même en quan-tités apparemment petites, peuventavoir un impact absolument énorme.Depuis les années 1970, on sait qu’undoublement de la concentrationatmosphérique en CO2 peut engen-drer un réchauffement allant de 2 à5 °C selon les études. Ces chiffressont absolument considérables quandon sait que les âges glaciaires d’il ya 20 000 ans, caractérisés par descalottes glaciaires de plusieurs kilo-mètres d’épaisseur sur l’Europe etl’Amérique du Nord, correspondaientà des températures environ 5 °C plusfroides. Nous sommes donc en situa-tion de créer une transition aussibrutale, mais vers le chaud, et enquelques décennies. Ce qui a changé depuis vingt ou trenteans, c’est que nos émissions de gazà effet de serre ont augmenté bienau-delà du niveau critique. Pour leseul CO2 dû à l’usage des combus-tibles fossiles, nous émettions 1 à2 milliards de tonnes de carbone par

PAR HERVÉ LE TREUT*,

Cette perception est malheu-reusement loin de la réalitéque constatent les scienti-

fiques, et la manière dont se posele problème climatique est désor-mais très différente de ce qu’elleétait il y a vingt ou trente ans, parceque la situation s’est considérable-ment aggravée.Les gaz à effet de serre les plus impor-tants sont invisibles et inodores, etne constituent qu’une petite part denotre atmosphère. Le dioxyde de car-bone, CO2, est le principal des gaz àeffet de serre dont l’activité humainepeut modifier la teneur atmosphé-rique. Il représentait très exactement0,027 % du volume de l’atmosphère

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RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE :COURT DÉLAI POUR RÉAGIR Le problème du changement climatique apparaît souvent commeune inquiétude ancienne, qui revient périodiquement sur ledevant de la scène médiatique au travers de conférences interna-tionales vouées à l’échec. En somme, rien de très nouveau.

de nombreuses régions. Il est très pro-bable aussi qu’au cours du XXIe sièclel’étendue et l’épaisseur de la ban-quise arctique continueront à dimi-nuer, de même que l’étendue dumanteau neigeux de l’hémisphèrenord au printemps. À l’échelle mon-diale, les glaciers continueront deperdre de leur volume. Dans le scé-nario le plus pessimiste, le niveaudes mers pourra s’élever d’environ1,50 m, conduisant à la submersionde millions de kilomètres carrés delagunes, de deltas et de polders, dansdes zones s’étendant du Sud-Est asia-tique à l’Europe du Nord.

L’INDISPENSABLE ALLIANCE DU PROGRÈS ET DESCHANGEMENTS DE SYSTÈMESIl est probable qu’il soit déjà troptard pour limiter le réchauffementclimatique à 1,5 °C. Tout reste cepen-dant jouable afin d’empêcher lesconséquences catastrophiques desscénarios pessimistes, qui ne sontmalheureusement pas les moins réa-listes. Pour conserver les concentra-tions de CO2 en deçà de 450 ppm et

maintenir une élévation des tempé-ratures moyennes en deçà de 2 °C àl’horizon 2100, il est nécessaire pourl’ensemble des modèles du GIEC –dans leur grande diversité – d’opé-rer une réduction mondiale de 40 à70 % des émissions entre 2010 et2050.Pour réaliser de telles réductions, ilest illusoire de considérer que le pro-grès technologique seul y pourvoira.Sans celui-ci, on n’y arrivera certai-nement pas. Cependant, des chan-gements d’organisation des socié-tés, des modes de production del’énergie, des modes de consomma-tion, de transports des hommes etdes biens, ainsi que des trajectoiresde développement sont indispensa-

bles. L’effort est structurel et colos-sal, mais à la hauteur des enjeux.Enfin, même si ces dernières annéesont vu une mobilisation sans précé-dent des communautés scientifiques,le système Terre est loin d’avoir livrétous ses secrets. En comprendre lesmécanismes fins reste indispensa-ble tant pour la compréhension destrajectoires de réchauffement quepour l’évaluation des scénarios quipourraient permettre la mitigation

de ce péril qui menace ni plus nimoins que l’habitabilité de notreunique planète. n

*JEAN-FRANÇOIS DOUSSIN est profes-seur de chimie atmosphérique et de physiquede l’environnement à l’Université Paris Est

1. Groupe d’experts intergouvernemental surl’évolution du climat (sigle anglais : IPCC).2. ppm : partie par million ; ici il s’agit d’unemolécule de CO2 dans 1 million de moléculesd’air.

Même si ces dernières années ont vu unemobilisation sans précédent des communautésscientifiques, le système Terre est loin d’avoirlivré tous ses secrets. En comprendre lesmécanismes fins reste indispensable pour la compréhension de ce péril qui menace ni plus ni moins que l’habitabilité de notre unique planète.

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an dans les années 1950 ; nous ensommes à 10 milliards aujourd’hui.Or ce CO2 reste très longtemps dansl’atmosphère : au bout de cent ans,la moitié de la masse injectée dansl’atmosphère est toujours présente.Cela limite drastiquement les émis-sions auxquelles nous avons encore« droit » si nous voulons limiter l’aug-mentation de température en des-sous des 2 °C de réchauffement –niveau que tous les pays ont acceptéde considérer comme un seuil dedanger. Au rythme actuel, ces limitesseront atteintes dans seulement unevingtaine d’années. À l’inverse, pourrespecter ce seuil, le GIEC (Groupeintergouvernemental d’expert sur lechangement climatique) propose unscénario de référence où les émis-sions de gaz à effet de serre seraientdiminuées de 40 à 70 % en 2050, etoù l’on atteindrait avant la fin du siè-cle un « équilibre carbone ». Il s’agi-rait alors d’aller rechercher dans l’at-mosphère tous les gaz que l’on yinjecterait encore, par exemple viales échappements des voitures, cequi suppose des technologies qui nesont aujourd’hui pas développées àune échelle suffisante.

L’HUMANITÉ DOIT S’ADAPTER TRÈS VITELa Conférence de Paris fin 2015, laCOP21, va tenter de concilier deuxobjectifs. D’une part, s’appuyer surles promesses que font déjà les Étatspour faire accepter un plan de réduc-tion des émissions qui ait une ambi-tion réelle, même s’il n’est pas d’em-blée à l’échelle des exigences citéesun peu plus haut. D’autre part, pré-parer les pays les plus vulnérables,en particulier ceux de la ceintureintertropicale, qui sont aussi les plus

pauvres, à s’adapter préventivementaux risques de situations climatiquesnouvelles : sécheresses prolongées,canicule, tempêtes, inondations, éro-sion ou submersions du littoral, fontesdes glaciers, modification des faunes,

Le GIEC propose un scénario de référenceoù les émissions de gaz à effet de serre seraientdiminuées de 40 à 70 % en 2050, et où l’onatteindrait avant la fin du siècle un « équilibrecarbone ».“ “

des flores et de la végétation culti-vée… Ces risques ont pendant long-temps été le résultat de prévisionsfaites par des modèles physiques oumathématiques : ils apparaissentdésormais dans les régions les plus

vulnérables comme des faits réels,et tout indique qu’ils vont croîtretout au long du siècle.En termes scientifiques, définir unepolitique d’adaptation constitueun défi nouveau : anticiper ce quipeut se passer à l’échelle d’une ville,d’une région est très difficile. Cettedifficulté ne concerne pas tant leréchauffement, qui sera le lot com-mun de tous les territoires, maisplutôt la circulation atmosphériqueet ses conséquences en termes d’hy-drologie. Les modifications du cli-mat seront en partie inévitables,mais aussi imprévisibles dans ledétail, et elles doivent être appré-hendées comme des risques : enquoi un territoire donné, avec l’en-semble des systèmes écologiques,ou socio-économiques qu’il abrite,est-il climato-dépendant ?Les problématiques d’adaptation seposent aussi de manière différentede celles de la réduction des gaz àeffet de serre. Comme les gaz à effetde serre restent très longtemps dansl’atmosphère, réduire leurs émis-sions constitue, nous l’avons dit, uneurgence absolue. Mais comme l’ef-fet climatique de ces gaz est différédans le temps de quelques décen-nies, en particulier à cause de l’iner-tie thermique des océans, nous dis-

posons d’une période (limitée) pourdébattre des enjeux de développe-ment tels que l’aménagement deszones littorales ou montagnardes,du partage de l’eau, des filières agri-coles, de la préservation de la biodi-versité naturelle ou du futur des zonesurbaines. Ces débats peuvent aussiêtre des vecteurs de diminution desgaz à effet de serre. Les politiquesd’adaptation peuvent ainsi contri-buer à mettre en avant le diagnosticscientifique et le débat citoyen danstoutes les problématiques liées auclimat, en promouvant une largeinterdisciplinarité et en permettantune vision partagée beaucoup plusexplicite de ce que peuvent être dansle futur les risques climatiques. Cetteapproche sera inévitablement néces-saire dans la mise en place des Fondsverts destinés à aider les pays vic-times des changements climatiques.L’intérêt porté à l’adaptation localeaux changements climatiques a doncaussi une valeur pédagogique impor-tante. L’ampleur des changementsqui sont devant nous les rend impos-sibles à affronter sans l’implicationde la société civile tout entière: entre-prises et acteurs économiques (nousavons vu la part nécessaire des tech-nologies nouvelles), mais aussicitoyens. La prise de conscience gran-dissante du grand public face à cesenjeux se heurte cependant souventà une difficulté: comment se confron-ter à ces problèmes alors que les déci-sions se prennent dans les grandesconférences onusiennes? L’approcherégionale est certainement uneréponse à ces questions. n

*HERVÉ LE TREUT est climatologue, membre du GIEC, membre de l’Académiedes sciences, directeur de l’Institut Pierre-Simon-Laplace – Jussieu.

Vue d’artiste du sud de l’Espagne du pléistocène. On sait qu’il y a 20000 ans, avec des températures d’environ 5°C plus froides qu’actuellement, les âgesglaciaires se caractérisaient par la présence de calottes de glace de plusieurskilomètres d’épaisseur sur l’Europe et l’Amérique du Nord.

Depuis les années 1970, on sait qu’undoublement de la concentration atmosphériqueen CO2 peut engendrer un réchauffement allantde 2 à 5°C selon les études.“ “

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PAR THIERRY THIBAUT ET ,CHARLES-FRANÇOIS,BOUDOURESQUE*,

UNE MER TEMPÉRÉEEn Méditerranée, la température del’eau de surface est comprise entre10 et 17 °C en hiver, entre 21 et 28 °Cen été. C’est au nord (golfe du Lion,nord de l’Adriatique, nord de la merÉgée) qu’elle est le plus froide, à l’est(de l’Égypte à la Turquie) qu’elle estle plus chaude. En profondeur, latempérature est plus stable : entre12 et 13 °C.La Méditerranée n’échappe pas auréchauffement général de notre pla-nète. Son eau se réchauffe, surtouten surface. Les chiffres diffèrent,selon le point de départ (l’an 1850ou 1900), selon les auteurs, selon les régions considérées aussi (nordou sud, est ou ouest de la Médi -terranée), mais tous font état d’unréchauffement.

La minuscule Méditerranée pour-rait, par l’intermédiaire de l’eau quien sort, à Gibraltar, contrôler en par-tie les courants de l’océan, et partantagir sur le climat de notre planète.

LE YO-YO DU NIVEAU DE LA MERDepuis la naissance de la Terre, il ya environ 4 600 millions d’années(Ma), le niveau de la mer n’a jamaiscessé de changer. Cela ne constituaitpas un problème, car l’homme, avecses villes côtières, ses États insulairesdu Pacifique et ses champs dans lesbasses plaines du Bangladesh et dudelta du Nil, n’était pas là. Depuis

2,5 Ma, l’alternance d’épisodes gla-ciaires et interglaciaires fait oscillerle niveau de la mer d’environ 130 m,à des intervalles de temps de100 000 ans. Il y a 20 000 ans, lors dudernier maximum glaciaire, les calottesglaciaires et les glaciers retenaientune partie importante de l’eau de laplanète, et le niveau de la mer étaitdonc très bas. Depuis, il n’a prati-quement jamais cessé de monter.Cette montée a été très rapide vers14000 BP : presque 4 m par siècle.Elle est très lente depuis 6000 BP,avec même des phases de relativestabilité, comme pendant le « petitâge glaciaire », entre le XIIIe et le XVIIIe siè-cle. Cette montée du niveau marina déterminé un glissement des éco-systèmes vers le haut, afin de suivreles conditions écologiques auxquellesils étaient adaptés. Ainsi, l’herbier àPosidonia oceanica dépérissait enprofondeur (plus assez de lumière)mais progressait dans les zones super-ficielles, colonisant les terres récem-ment submergées.

LE PREMIER ÉCOSYSTÈME SINISTRÉ :LE TROTTOIR À LITHOPHYLLUMIl existe un écosystème adapté à unniveau marin stable pendant au moinsquelques siècles ; c’est le « trottoir àLithophyllum byssoides », une alguerouge calcifiée (fig. 1). Cette espècea édifié, à la faveur du petit âge gla-ciaire, des encorbellements parfoisspectaculaires, comme à Scàndula(Corse). Aujourd’hui, sous l’effet duréchauffement et de la fonte des gla-ciers, la montée du niveau de la mers’accélère ; elle est d’environ 3 mm/an.Un grand nombre de trottoirs mon-trent déjà des signes de submersion :L. byssoides meurt, des cyanobacté-ries perforantes érodent le trottoir,des espèces adaptées à la submer-sion recouvrent L. byssoides.

Figure 1. Le trottoir à Lithophyllumbyssoides de Cala Litizia (réservenaturelle de Scàndula, Corse), dans les années 1980 : il mesurait 2 mde large. Cet écosystème étonnant, où des espèces marines côtoient des espèces terrestres, est spécifique à la Méditerranée.

Sanja Faivre, Marc Verlaque et ThierryThibaut ont tiré la sonnette d’alarme.En 2050, quel que soit le scénario du GIEC que l’on retienne, cet éco-système aura disparu. Ce sera doncle premier écosystème sinistré dufait du changement climatique. Ilrejoindra les populations humainessinistrées de certaines îles et plainescôtières.

RÉCHAUFFEMENT : DES EFFETS DIRECTSLa Méditerranée, de même que l’océanmondial, de même que le milieu ter-restre, se réchauffe. Ce réchauffe-ment est en partie naturel. Il a com-mencé il y a 20 000 ans, avec la findu dernier âge glaciaire, et est endents de scie, avec des épisodeschauds, comme celui du Moyen Âge,et des retours relatifs du froid, commele petit âge glaciaire évoqué. Auréchauffement naturel lié aux cyclesclimatiques s’est superposée, depuis

La minuscule Méditerranée pourrait, par l’intermédiaire de l’eau qui en sort, à Gibraltar,contrôler en partie les courants de l’océan, et partant agir sur le climat de notre planète.“ “

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RÉCHAUFFEMENT, ACIDIFICATION ET ÉLÉVATION DU NIVEAU DES MERS : CE QUE NOUS APPREND LA MÉDITERRANÉEÀ l’échelle de l’océan mondial, la Méditerranée semble minuscule : 0,8 % desa surface, moins de 0,3 % de son volume. Pourtant, les océanographes laconsidèrent souvent comme un océan, certes miniature, mais commode carplus facile à étudier et à comprendre que l’océan mondial.

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le début de l’ère industrielle, uneaccélération due aux rejets massifs,par l’homme, de gaz à effet de serre.Les modèles climatiques prévoient,pour la fin du XXIe siècle, 2 à 3 °C deplus par rapport à aujourd’hui, cequi est énorme. De telles tempéra-tures dépassent largement les fluc-tuations naturelles liées au climat.Elles n’ont jamais été atteintes depuisdes millions d’années.La faune et la flore méditerranéenneont évolué dans le contexte clima-tique des derniers millions d’années,et au sein des écosystèmes qui carac-térisent cette mer, comme les prai-ries à Posidonia oceanica, les forêtsà Cystoseira et le coralligène. Les évé-nements de « canicule marine », quise produisent certains étés, nousdonnent un avant-goût du futur :mortalité massive de certaines espècesemblématiques du paysage sous-marin, telles que les gorgones, lecorail et les grandes éponges (fig. 2).Les espèces d’affinités froides, quise réfugiaient dans le Nord (golfe duLion et nord de l’Adriatique, parexemple) lors des épisodes chaudsnaturels, ne pourront pas monterplus au nord : ces refuges devien-nent des culs-de-sac qui constituentdes pièges, prélude à leur extinction.La modélisation permet de prévoirque 6 espèces de poissons méditer-ranéens s’éteindront avant 2050 et14 avant 2100.

RÉCHAUFFEMENT : DES EFFETSINDIRECTS AU TRAVERS DES ESPÈCES INTRODUITESOn nomme « espèces introduites »les espèces que l’homme a transpor-tées, directement ou indirectement,d’une région et d’un écosystème ausein duquel elles ont évolué vers unerégion et un écosystème nouveaux,et qui peuvent s’y reproduire sansl’assistance de l’homme. Les espècesintroduites constituent, à l’échellede la planète, une menace aussi impor-tante, parfois encore plus importante,que le réchauffement climatique.La Méditerranée constitue la régiondu monde qui abrite le plus d’es-pèces introduites. Elles viennentprincipalement du Pacifique Nord,le vecteur étant l’aquaculture, et dela mer Rouge. Ces dernières, d’affi-nités chaudes, entrent en Méditerranéepar le canal de Suez ; dans un pre-mier temps, elles sont restées can-tonnées dans le bassin levantin, où

elles ont bouleversé le fonctionne-ment de la plupart des écosystèmes.C’est ainsi que les poissons-lapins,Siganus luridus et S. rivulatus, desherbivores voraces, pires que les chè-vres sur terre, transforment les fondsmarins en déserts (fig. 3 et 4). Cesespèces, du fait du réchauffement,progressent vers nos côtes. Avant2050, elles y seront présentes et domi-nantes. Bonne chance (!) aux pêcheursartisanaux et aux clubs de plongée,car ils seront les premières victimeséconomiques de ce bouleversement.

Figure 3. Le poisson-lapin, Siganusrivulatus. Cet herbivore vorace, introduitdepuis la mer Rouge grâce au canal de Suez, progresse en Méditerranée, à la faveur du réchauffement des eaux. Il pourrait sérieusement menacer la pêche artisanale en Méditerranéefrançaise.

Figure 4. Un immense banc depoissons-lapins (Siganus), originairesde la mer Rouge, en Méditerranéeorientale. Ces herbivores voracesbroutent pratiquement tout végétal,transformant les fonds en une sorte de désert minéral.

L’ACIDIFICATION DE L’EAU DE MER,UN SOUS-PRODUIT DU DIOXYDEDE CARBONE (C02)À peu près un quart du CO2 produitsur la planète est absorbé par lesmers et les océans. La dissolution duCO2 dans l’eau de mer entraîne unechute du pH. Ce phénomène estappelé acidification. Petit rappel descours de chimie : le pH se mesuresur une échelle allant de 0 à 14 ; parexemple, l’acide chlorhydrique a unpH acide de 0, le Coca-Cola un pHacide de 2,48, le vinaigre un pH acidede 3, l’eau pure un pH neutre de 7 etla soude caustique un pH basiquede 14. L’échelle d’acidité n’est paslinéaire et un pH 6 est 10 fois plusacide qu’un pH 7, 100 fois plus acidequ’un pH 8, etc.L’eau de mer a un pH de 8,14. Entre1751 et le début du XXIe siècle, le pHdes eaux de surface des océans adiminué, passant de 8,25 à 8,14. Lapériode correspond à l’ère indus-trielle, et donc à l’augmentation duCO2 dans l’atmosphère, rejeté parles activités humaines : on rejette ducarbone fossile qui a été piégé dansles profondeurs de la Terre depuisdes millions d’années sous forme decharbon, de pétrole ou de gaz et qui,sans les activités humaines, n’auraitjamais pu retourner dans l’atmo-sphère. Les prévisions du GIEC sontpessimistes et l’augmentation actuellede CO2 dans l’atmosphère devraitdiminuer le pH des océans à 7,8 d’icià 2100.Une baisse de pH de 0,3-0,4 sembleanodine, mais peut être très impor-tante pour certains organismes marins.Cette baisse du pH a pour consé-quence une diminution de la quan-tité d’ions carbonates (CO3

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Figure 2. Ce paysage sous-marin, très prisédes plongeurs, se nomme le «coralligène».Les algues calcaires rouges qui forment un concrétionnement sont menacées parl’acidification. Les gorgones (à l’arrière-plan)sont déjà atteintes par le réchauffement,avec des pics de mortalité lors des annéeschaudes.

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La dissolution du CO2 dans l’eau de merentraîne une chute du pH. Ce phénomène estappelé acidification.“

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PAR SÉBASTIEN BALIBAR*,

omme nous l’ont expliqué lesclimatologues du GIEC, ilfaudrait stabiliser la concen-

tration de CO2 dans l’atmosphèreaux environs de son niveau actuel :400 parties par million (400 ppm),avant la fin de ce siècle et faire demême pour tous les autres gaz à effetde serre que nous émettons. Or, danstoutes les émissions de ce CO2, quiconstitue le polluant principal, seule-ment la moitié est absorbée par lesocéans et la végétation; l’autre moitié,environ 20 milliards de tonnes, s’ac-cumule dans l’atmosphère. Et celava continuer pendant plusieurs décen-nies, car on ne peut pas arrêter cesémissions du jour au lendemain.Pour décarboner la production d’éner -gie, on ne peut pas remplacer en unclin d’œil toutes les centrales à char-bon, gaz ou pétrole par des barragesou par des centrales nucléaires. Onne peut pas non plus capturer le CO2

à la sortie de toutes les cheminéesd’usines puis apprendre à le stockerde manière sûre sous le simple pré-texte qu’on le souhaiterait, ni réduirela consommation d’énergie en isolant

toutes les maisons d’un coup de plume,ni convaincre tous les habitants de laplanète de prendre des tramways élec-triques au lieu de leur voiture à essence.Il est donc urgent de prendre desmesures rigoureuses pour modifieren profondeur nos modes de pro-duction et de consommation d’éner -gie, sachant qu’on n’empêchera pasla concentration de CO2 dans l’at-mosphère d’augmenter pendant

quelques décennies. Il faudrait qu’en-suite, dans la seconde moitié de cesiècle, les océans et la végétationabsorbent davantage de CO2 que ceque nous émettons. C’est ce qu’ima -gine le GIEC dans son scénario leplus optimiste. Il faudrait au moinstenter de s’en approcher1.

DES RESPONSABILITÉS TRÈSINÉGALEMENT RÉPARTIESAlors comment faire ? Le problèmeest à la fois scientifique, technique,économique et, évidemment, poli-tique. On ne le résoudra pas sansmobilisation générale. Or les émis-sions de CO2 sont très inégalementréparties entre pays.Lorsque les États-Unis nous répè-tent que les émissions de la Chinesont de 50 % plus élevées que lesleurs, ils feignent d’ignorer que leurpopulation atteint 314 millions d’habi-tants, contre 1,35 milliard de Chinois.Les 34 pays de l’OCDE (1,25 milliardd’habitants) émettent 50 % de plusque la Chine. Même s’il est évidentqu’on ne résoudra rien sans un accordentre au moins la Chine et l’OCDE(dont les États-Unis), puisque l’ensem-ble représente 65 % du total des émis-sions, tout doit commencer par unecomparaison de la manière dont onproduit et consomme de l’énergiedans chaque pays. Pour cela, ce sontbien les émissions par habitant qu’ilfaut regarder et, pour simplifier, con-sidérons les émissions liées au triopétrole-gaz-charbon (voir graphiqueci-contre), parce qu’elles constituent86 % de l’ensemble et que la déforesta-tion pose des problèmes spécifiques.L’objectif est donc 1,5 t par habitantet par an. La moyenne mondiale estaujourd’hui le triple. Mais à qui lafaute ?Proche de la moyenne, on trouve laChine, mais ses émissions augmententtrès vite : + 21,5 % de 2012 à 2013 !Dans la moyenne mondiale, la France,grâce à son nucléaire, et surtout la

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Au nom de quoi certains auraient-ils le droit de polluer davantage que d’autres ? Je propose donc d’entamer une évolution vers un même droit pour tous : pas plus de 1,5 t par habitant à l’horizon 2050.“ “

UNE TONNE ET DEMIE DE CO2PAR HABITANT ET PAR ANDans tous les pays, il faudrait réduire les émissions de CO2 et gaz à effet de serreen dessous de 1,5 t par habitant et par an, et cela avant 2050. Or nous en sommestrès loin. L’ignorer mettrait en péril notre mode de vie. Mais comment faire?

qui entrent notamment dans la com-position de coquilles et squelettescalcaires. Ainsi, une diminution dupH serait significative sur la dissolu-tion des coquilles d’aragonite (uncarbonate) des ptéropodes (orga-nismes vivant en pleine eau). On aobservé une diminution en quinzeans de la calcification de coraux

(Porites) de la Grande Barrière decorail d’Australie. En Méditerranée,à proximité de sources naturellesd’acidification dues au CO2 rejeté parle volcanisme (en Grèce et en Italie),on observe des changements de végé-tation avec une diminution de l’im-portance des algues rouges calcifiées.Le coralligène de Médi terranée,construit par des algues calcairesrouges, pourrait être menacé (fig. 2).

CONCLUSIONSLe réchauffement climatique va bou-leverser la vie méditerranéenne. Ilagit directement – hausse des tem-pératures – et indirectement – haussedu niveau marin et acidification. Enoutre, il n’agit pas seul. Il se combineen effet à d’autres impacts humains,comme l’introduction d’espèces, lasurpêche et la destruction des habi-tats. Ce cocktail peut s’avérer beau-coup plus préoccupant que le seulréchauffement climatique. Attention :un train peut en cacher un autre. n

*CHARLES-FRANCOIS BOUDOURESQUEest professeur émérite à l’Institutméditerranéen d'océanologie, université Aix-Marseille et THIERRY THIBAUT est maîtrede conférences à l’Institut méditerranéend'océanologie, université Aix-Marseille.

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Les espèces d’affinitésfroides, qui se réfugiaient dans le Nord lors desépisodes chauds naturels, nepourront pas monter plus aunord : ces refuges deviennentdes culs-de-sac quiconstituent des pièges,prélude à leur extinction.

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Suède, grâce aussi à son nucléairemais aussi à ses nombreux barrageshydroélectriques, et surtout à sa poli-tique exemplaire de taxes carbone.Quant aux pays pauvres, commel’Éthiopie, leurs émissions sont négli -geables, et le resteront longtemps. Ilfaudra cependant les aider à décar-boner leur production d’énergie.On voit surtout que presque tous lespays sont au-dessus de l’objectif àatteindre, certains très largementau-dessus, mais que tous devrontfaire des efforts, et qu’un accord mon-dial est donc nécessaire.

LES DROITS DE L’HOMMEIl faut savoir que dans les conférencesinternationales de la série COP lesdécisions sont prises à l’unanimité.On peut le regretter, mais c’est unfait. Obtenir un consensus universelentre les 195 pays qui participerontà la COP21 de Paris sera donc extrême-ment difficile. Ou bien on laissechaque pays libre de définir lui-mêmece qu’il souhaite faire, ou bien onrevient aux grands principes.D’après la Déclaration universelledes droits de l’homme, « Tous les êtreshumains naissent libres et égaux endignité et en droits ». Au nom de quoi

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certains auraient-ils le droit de pol-luer davantage que d’autres ? Je pro-pose donc d’entamer une évolutionvers un même droit pour tous : pasplus de 1,5 t par habitant à l’horizon2050. Peut-être en viendra-t-on unjour à adopter ce principe. Mais, pourl’heure, les pays ont plutôt choisi lapremière solution. Chaque pays a donc fait les propositions qui luiconvenaient le mieux. Le résultat estque, sauf exception, ces propositionssont très insuffisantes. Par exemple,la Chine ne propose de réduire sesémissions qu’à partir de 2030. Cesera beaucoup trop tard. C’estapparemment la date à laquelle sesmines de charbon vont commencerà s’épui ser. Cet immense pays a beaucons truire des barrages et des cen-trales nucléaires, il risque de désta-biliser le climat à lui seul.

Et les États-Unis ? On a entendu lesmédias féliciter Barak Obama lorsqu’ila promis de réduire les émissionsétats-uniennes de 28 % à l’horizon2025. Cela pourrait paraître ambitieux,en fait c’est beaucoup moins que laFrance ou l’Allemagne. Au lieu deprendre 1990 comme référence,comme l’Europe dans la continuité

du protocole de Kyoto, Obama prend2005, année record où leurs émis-sions avaient atteint 19 % de plusqu’en 1990. En conséquence, la réduc-tion proposée n’est que de 15 % parrapport à 1990, ce qui n’engage pasle pays vers 1,5 t par habitant en 2050.En fait, cette timide diminution doitsimplement correspondre au rem-placement de leur charbon par leursgaz de schistes.

Il faut donc décoder les chiffres. Onvoit aussi où mène la liberté de choisirchacun ses objectifs. Un début d’ac-cord aurait le mérite de reconnaîtreenfin que le réchauffement est là etexige une action immédiate. Mais ilfaudrait corriger toutes ces promes -ses à la hausse dès la conférence sui -vante. Espérons donc que la COP21maintiendra le rythme d’une confé -rence par an, car 2014 a battu tousles records de température et 2015s’annonce déjà pire.

QUELLE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE?S’engager à réduire ces émissionsest une chose, y réussir en est évidem-ment une autre. Les pays diffèrent par leur situationgéographique, leurs moyens finan-ciers, leur culture. Si tous s’engagentà réduire vigoureusement leurs émis-sions de CO2, il faut les laisser libresde choisir comment y parvenir. Ils’agit essentiellement de « décarbo -ner » l’énergie, c’est-à-dire de pro-duire une énergie que l’on consom-mera sans émettre de CO2. Il y a deuxmoyens à combiner pour cela.Pour ceux qui souhaitent continuerà brûler du pétrole, du gaz ou ducharbon, il faut capturer le CO2 et lestocker ensuite. Cela paraît difficilesur le pot d’échappement de chaquevéhicule, mais cela peut se faire surles centrales « à flamme » qui brû-lent ces combustibles fossiles. Le prixde production du kilowattheure aug-menterait d’environ 50 % et resteraittrès inférieur à celui des éoliennes.Le problème principal est le stoc -kage : où stocker et comment s’assu -rer que le CO2 ne s’échappera pas ?Il faut donc faire de la recherche surce problème, mais il serait bon, dèsmaintenant, d’imposer que toutenouvelle centrale à flamme soitéquipée d’un système de capture/stockage.

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L’autre moyen est de développer toutle reste : hydroélectrique, nucléaire,éolien, solaire, biomasse, etc. Certainspays, comme la France, ont déjà construit des barrages presque partoutoù c’était possible. Il faut se féliciterdes efforts de la Chine et du Brésildans cette direction. Le nucléaireexige un contrôle aussi permanentque rigoureux de la sûreté, ce qui mesemble réalisé en France grâce à notreAutorité de sûreté nucléaire. Maison a vu à Tchernobyl puis à Fukushimace qui pouvait se passer si les réac-teurs étaient exposés au risque d’er-reurs humaines, de tremblementsde terre majeurs et, surtout, des razde marée, sans oublier l’abandon dela production à des sociétés privéesqui cherchent à maximiser leurs pro fits.En ce qui concerne les renouvelables,la comparaison France-Allemagneest particulièrement instructive. LaFrance a abandonné le charbon auprofit du nucléaire à la fin des années1970, contrairement à l’Allemagne,qui l’a gardé ; c’est la principale rai-son pour laquelle les Allemands émet-tent presque deux fois plus de CO2

que les Français. Et cela continue.Récemment, l’Allemagne a beau-coup développé l’éolien et le photo -voltaïque. Mais ces renouvelablessont intermittents et l’on ne sait passtocker l’électricité en grande quan-tité. Les éoliennes ne tournent pass’il y a trop de vent ou pas assez; ellesne produisent en moyenne qu’en -viron 20 % de leur puissance nomi-nale (le photovoltaïque 12 %). Les barrages comme celui deGrand’Maison en France peuventremonter l’eau en période de sur-production et la redescendre en pé -riode de surconsommation, mais ily a peu de stations de pompage dece type, surtout en Allemagne, et lamodulation des autres barrages nesuffit pas non plus à encaisser lesfluctuations de production. Donc,chaque fois que ces renouvelabless’arrêtent, il faut allumer rapidementquelque chose. Les Allemands ontdéveloppé leurs centrales au ligniteà mesure qu’ils installaient des éo -liennes. La place du lignite dans lemix électrique allemand a augmen-té dans la période récente, passantde 23 % en 2010 à 25,5 % en 2013. Lerecours à ces renouvelables ne fait

pas dimi nuer leurs émissions de CO2. Lorsqu’ils prétendent dans leur Energiewende réduire leurs émissions de 40 % en 2020 et de 80à 90 % en 2050, c’est le bon objectif,mais ils ne s’en donnent pas lesmoyens. Prétendre à la fois supprimertous leurs réacteurs nucléaires en2022 et faire passer la part des renou-velables à « au moins 80 % » en 2050suppose des ruptures technologiquesimaginaires. On a l’impression que les politiquesde transition énergétiques sont plussouvent guidées par des considéra-tions électoralistes que par des analy-ses scientifiques. Il en est de mêmeen France, où l’on prévoit à la foisune réduction du nucléaire à 50 %et une augmentation des renouve-lables à 40 % de la production élec-trique. En fait, il ne me semble paspossible d’inclure plus de 10 % derenouvelables intermittents dans lemix électrique. Pas possible non plusde réduire la consommation d’éner -gie de 50 % ni de réduire la produc-tion d’électricité alors que c’est laseule énergie que l’on peut espérerdécarboner.

Comment résoudre au moins unepartie de ces difficultés ? L’exemplesuédois est intéressant. En instau-rant des taxes carbone qui ont pro-gressivement augmenté (de 27 € latonne dans les années 1970 à 117 €

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en 2009), ils ont réussi à réduire con-tinuellement leurs émissions sansincidence sur leur niveau d’activitéet de richesse. En Suède, on émet30 g de CO2 par kilowattheure pro-duit, en France 79, en Allemagne 461,aux États-Unis 522 et en Chine 766.Voilà les chiffres qui incitent à créerun système de taxes carbone uni-versel, qui devrait à la fois pousserles pays riches et gros pollueurs àchanger de politique énergétique etoffrir aux pays pauvres de quoi pro-duire de l’énergie propre. Ce systèmedevrait être contrôlé par une autoritéinternationale dotée de pouvoirscontraignants. Combiner des taxescarbone avec un marché de permisd’émissions n’est pas impossible,mais supposerait un contrôle dumarché par la même autorité afind’empêcher tricheries et dérivescomme on en a connu en Europe.Mais, évidemment, organiser la soli -darité mondiale autour d’une telleautorité supranationale a de quoichoquer plus d’un pays comme lesÉtats-Unis. Cela représenterait unevéritable révolution, mais nous enavons besoin. n

*SÉBASTIEN BALIBAR est physicien, cher-cheur à l’École normale supérieure (Paris),membre de l’Académie des sciences.

1. Pour une analyse détaillée, voir S. BalibarClimat : y voir clair pour agir, Le Pommier,2015.

Si tous s’engagent à réduirevigoureusement leurs émissions de CO2, il faut laisser les pays libres de choisircomment y parvenir.“ “

Volumesd’émissions deCO2 par pays(ici, la taille despays et descontinents estrapportée au volumed’émissions [NDLR]).

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L’URGENCE D’AGIR !

PAR HERVÉ BRAMY*,

es communistes veulent, toutà la fois, préserver la planètedes dangers climatiques bien

réels et – pour cela – rompre avec lesystème qui produit tant de gâchis,tant d’inégalités et d’injustices, tantd’exactions… Nous voulons y met-tre un terme, inventer un mondeattentif à la nature et contribuer à lamise en œuvre d’un nouveau modede développement, durable et soli -daire, à l’échelle planétaire, ouvrantla voie à l’émancipation humaine.Cela dit, dénoncer le capitalisme nesuffit pas pour transformer le mondeet dépas ser le système qui le corsète,bloque les potentialités et les aspi-rations humaines qui cherchent às’épanouir.Nous avons la conviction que, aujour-d’hui même, de meilleures situationsde vie sont possibles pour l’ensem-ble des habitants de la planète touten étant durablement économes desressources naturelles. Passer de lasociété du pétrole à une civilisation« bas carbone », afin de limiter leréchauffement climatique en dessousde 2°C, constitue un chemin inévitable.Il appelle un changement profondqui touchera bien des aspects de lavie personnelle, industrielle, agricole,économique et politique. Un tel pro-jet n’est viable qu’en plaçant au cœurdu processus l’intervention active et

éclairée de nos concitoyens. C’est lesens des premières propositions quenous soumettons au débat citoyen1.La présentation au siège du Particommuniste français, durant le moisde septembre, de l’exposition « Troisregards scientifiques sur le climat »2

et le riche débat public, à l’invitationde notre secrétaire national, avec lacommunauté scientifique s’inscriventdans cette farouche volonté d’uneappropriation scientifique des enjeuxclimatiques par le plus grand nom-bre. C’est pour ainsi dire le point dedépart. Car le GIEC3 – malgré la per-sistance de dénégations de quelques

climatosceptiques en quête d’au -dience médiatique – a accumulé unconsidérable corpus de donnéesaujourd’hui irréfutables. D’ailleurs,il faut prendre conscience de l’am-pleur et de l’originalité, sans nul pareilà l’aune de l’histoire humaine, decette somme d’investissements demilliers de chercheurs de toutes lesdisciplines scientifiques, depuis desannées et de partout au monde, pourcomprendre le fonctionnement denotre planète et pour finalement

alerter l’opinion publique des dan-gers des dérèglements climatiques.Nous avons le climat en communavec tous les peuples du monde. Les« nuages » d’émissions de gaz à effetde serre n’ont, en effet, pas de fron-tières. Investir les défis climatiques,c’est prendre à bras-le-corps le mou-vement du monde avec ses espoirset ses déchirures. Nous mesurons laresponsabilité historique qui est celledes pays riches et industrialisés. Ilsont une dette à l’égard des pays endéveloppement et des moins avancés,qui subissent, d’ores et déjà, de pleinfouet les effets du réchauffement cli-matique alors qu’ils n’en sont en rienresponsables. C’est pourquoi nousavons lancé avec d’autres formationspolitiques progressistes une cam-pagne internationale sur la base d’untexte commun4 soumis à signaturedes citoyens opposés, tout commenous, à la mondialisation capitalisteet à la course au profit.Nous appelons les États riches etindustrialisés à sortir de leur égoïsmelocal, notamment en exigeant qu’ilsrespectent leur engagement deCopenhague de doter le Fonds vertà hauteur de 100 milliards de dollarsdès 2020, afin de permettre aux paysdu Sud la mise en place d’actionstant pour l’atténuation que pourl’adaptation au réchauffement climatique. Il est de même de l’exi-gence de développer des coopéra-tions en matière de recherche et detransfert de technologies avec lesbrevets associés.Autant d’engagements difficiles àtenir en Europe compte tenu descrises financières et des actuellespolitiques d’austérité. Aussi, le bureau

« Pour nous, ce sera toujours l’humain d’abord », cette phrase, accolée àl’image de la Terre et des peuples de chaque continent sur la grande fresquedéroulée au moment du discours de Pierre Laurent à la Fête de l’Humanité2015, traduit l’ambition politique universaliste qui anime les communistes.

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Fresque desdernières affichesde la Fête del’Humanitémarquée cetteannée par l’enjeude la COP21.

Hervé Bramy.

Doter le Fonds vert à hauteur de 100milliards de dollars dès 2020, afin depermettre aux pays du Sud la mise en placed’actions tant pour l’atténuation que pourl’adaptation au réchauffement climatique.“ “

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PAR PAUL SINDIC*,

L’avenir des générations futuresdépend déjà de la manièredont les générations actuelles

prendront ou non rapidementconscience de la nécessité de maî-triser le réchauffement climatique,susceptible d’affecter sérieusement,voire de menacer, la vie sur Terre.Cette prise de conscience, en partieamorcée, devra déboucher sur desactions politiques de masse.

L’ÉTAT DES LIEUXLes premiers acteurs ayant prisconscience du réchauffement ont étéévidemment les scientifiques les plusdirectement concernés, météoro-logues et climatologues, rejoints aufil du temps par les océanologues etbiologistes (faune et flore). Les pre-mières études scientifiques du cap-tage par le CO2 d’une partie du rayon-nement solaire, à l’origine duréchauffement de l’atmosphère, datentde la fin du XIXe siècle. Depuis, le phé-nomène a été de mieux en mieuxcerné et compris. À la fin des années1980, la communauté mondiale desclimatologues a ainsi acquis la convic-tion que, au rythme actuel d’émis-

MAÎTRISER LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE : ACTIONS EFFICACES OU SIMULACRES?Le danger majeur que constitue le réchauffement climatique nécessite de consacrer à ce problème tous lesmoyens humains et financiers nécessaires, dès que possible, dans l’équivalent de ce qu’ont pu être dans le passé des efforts de guerre visant à la survie d’une nation.

sion des gaz à effet de serre (GES), latempérature moyenne de la planètepourrait s’accroître de plusieurs degrésd’ici la fin du XXIe siècle.

LES RÉACTIONS POLITIQUES DE 1988 À 2015Le premier organisme politique àréagir, dès 1988, est le G7. Il consa-crera de nombreuses réunions auréchauffement climatique. Sous sonimpulsion ont été créés :– dès 1988, sous l’égide de l’Organi -sation météorologique mondiale etdu Programme des Nations uniespour l’environnement, le Groupeintergouvernemental d’experts surl’évolution du climat (GIEC). Il com-prend 31 membres permanents, maisaussi des centaines de collaborateursscientifiques de tous pays: 831 auteursont contribué à son dernier rapport,et 2 500 experts à sa relecture ;– en 1992 (Rio), un deuxième orga-nisme, la Convention-cadre desNations unies pour le changementclimatique (CCNUCC), qui se réu-nira périodiquement en « Conférencesdes parties » (COP), chronologique-ment numérotées. La CCNUCCregroupe en principe tous les pays,mais à l’origine seuls les pays indus-

trialisés occidentaux et les pays « entransition » de l’Est européen, plusla Russie et l’Ukraine, étaient conviésà prendre des engagements de réduc-tion de leurs émissions de GES. Lesautres, pays en développement etpays semi-industrialisés (Chine, Inde,Brésil), refusent, en effet, toute res-ponsabilité historique dans le réchauf-fement climatique amorcé.

Or, dès le départ, les recommanda-tions du GIEC et les mesures prisespar la CCNUCC souffrent d’une dicho-tomie fondamentale.La mission principale du GIEC estde recueillir et de synthétiser les tra-vaux de la communauté mondialedes chercheurs en climatologie, etde formuler des recommandationsreflétant leurs travaux. En tant que

Il y a donc de fortes (mal)chances que le seuil des 2 °C de réchauffement soitdépassé, et que celui-ci atteindra au minimum3 à 4 °C, voire plus. Quand on voit déjà les graves conséquences du réchauffement de 1 °C actuel, on peut imaginer l’avenir avec un tel réchauffement.

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exécutif du PGE a décidé de rendrepublique une déclaration des lea -ders de chacune des formations quile composent pour sortir du carcanaustéritaire, car la transition écologiquemobilisera d’énormes moyens.Notre lutte pour préserver la planèteet l’humanité, pour un développe-ment humain durable mondial n’ade sens qu’avec l’ambition d’unelutte sans concession contre lenéolibéralisme afin de favoriser ledéveloppement et le progrès social,un autre partage des richesses ici,en Europe et dans le monde.Nous agissons également en conver-

gence avec les mouvements de lasociété civile chaque fois que celaest possible. Ainsi, nous répondronsprésent à la grande marche pour leclimat du 29 novembre prochain.À moins de deux mois de la Conférencede Paris, la campagne internationaleet citoyenne pour sauver la planèteet l’humanité5 doit prendre encoreplus de vigueur afin de faire enten-dre la voix des peuples. Dans chaquequartier, chaque entreprise, chaqueville, en soumettant ce texte, les com-munistes se donneront autant d’oc-casions pour engager le débat et fairevivre la solidarité.

HERVÉ BRAMY est membre du Comiténational du PCF, en charge du pôle Écologie.

1. Planète Humanité, édition spéciale : « Faceau défi climatique, l’urgence d’agir.Propositions pour l’action », www.pcf.fr2. Exposition réalisée avec la contribution du CNES, de l’IRD et de l’Institut Pierre-Simon-Laplace/LSCE.3. Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (ONU).4. Disponible à l’adresse suivante :http://www.pcf.fr/715055. Disponible à l’adresse suivante :http://www.pcf.fr/71505

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telle, cette communauté de cher-cheurs se préoccupe des intérêts del’humanité tout entière. Dès sa pre-mière réunion, en 1990, le GIECévoque donc une possible nécessitéde réduire les émissions de CO2 de60 % d’ici à 2050. Depuis, ses crisd’alarme n’ont cessé de croître devantl’inertie des classes dirigeantes desprincipaux pays industrialisés, et sesrecommandations d’actions rapideset de grande ampleur se sont mul-tipliées. À Copenhague, en 2009, onparle de plafonnement des émis-sions dès 2015-2020 et de réductiondes émissions de 70 % d’ici à 2050.À l’inverse, la CCNUCC, créée à l’ini-tiative des classes capitalistes desprincipaux pays occidentaux, seraporteuse de leurs exigences néo -libérales, ne prenant que des enga-gements fort limités. Le premier enga-gement global pour la période1997-2012, le Protocole de Kyoto,prévoit une réduction de 5 % d’émis-sion des GES par rapport à 1990. Maisce sera fonction des pressions ounon des opinions publiques, et sur-tout des pressions liées à l’accumu-lation financière du capitalisme mon-dialisé. Les délais pour tenir cesengagements seront sans cesse retar-dés. Il est aussi remarquable qu’ilsuffise de se retirer du Protocole pourêtre délivré de ses engagements,comme l’a fait le Canada qui avaitlargement dépassé ses émissionsavec l’exploitation des sables bitu-mineux. Difficile aussi de faire moinscontraignant. Pour les États-Unis,Bill Clinton ne proposait à Kyoto que7 % de réduction sur 1990, chiffrescandaleusement faible pour un paysqui émet alors près de trois fois plusde CO2 par habitant que la moyenneeuropéenne. Son engagement ne

sera pas ratifié par le Sénat états-unien (0 voix pour), après une cam-pagne médiatique des lobbies pétro-liers, charbonniers et gazierssoudoyant des journalistes et desscientifiques niant le réchauffement.Le bilan de l’application du Protocole

de Kyoto est tout à fait décevant. Lesémissions globales ont augmenté deprès de 30 %. Seule L’UE a rempli sesobjectifs, mais avec de fortes dispa-rités entre ses membres. Divers paysindustrialisés émetteurs importants(États-Unis, Canada, Australie, etc.)sont hors protocole et ont accrusérieusement leurs émissions. LaChine était sur une trajectoire de tri-plement de ses émissions, niveauqu’elle a atteint aujourd’hui…La Conférence de Copenhague endécembre 2009, la COP15, était cen-sée faire le bilan de la mise en œuvredu Protocole de Kyoto et proposerde nouveaux engagements jusqu’à2020. L’échec est patent : aucunedécision globale n’est prise si ce n’estla prolongation du Protocole de Kyoto,avec ses lacunes, jusqu’à 2020, enreportant à 2015 la discussion de ceque l’on fera après 2020. Difficile defaire pire dans cette course de len-teur. La Conférence donne lieu à defortes tensions avec les pays en déve-loppement qui s’estiment déjà vic-times de certaines évolutions clima-tiques et réclament des aides.100 milliards de dollars par an leur

sont promis… mais ils n’en ont guèrevu la couleur jusqu’ici (10 milliardsde dollars à peine). On peut s’atten-dre à ce que le sujet ressorte avecune virulence accrue à la Conférencede Paris. Enfin, il est à noter aussique le rassemblement massif àCopenhague d’organisations asso-ciatives, partis politiques, person-nalités n’influencera nullement lesdécisions prises.

AVANT LA CONFÉRENCE DE PARISNous renvoyons ceux qui espèrentbeaucoup de la COP21 au récentAccord sino-américain la concer-nant. C’est un texte d’engagementstout à fait insuffisants, en trompel’œil – surtout côté états-unien –,destiné à désamorcer les critiqueslégitimes à faire à ces deux cham-pions planétaires des émissions deGES, à éviter toute polémique entreeux à ce sujet, chacun d’eux accor-dant en fait un satisfecit à l’autre. Leprésident Obama a proposé uneréduction globale de 28 % d’ici à 2025,mais par rapport à 2005 (et non 1990),incluant une réduction de 30 % desémissions de CO2 des centrales élec-triques. Ces chiffres ne correspon-dent en fait qu’à 3 à 5 % de mieuxque l’engagement déjà très insuffi-sant et non ratifié de Clinton à Kyoto.Par ailleurs, il n’y a toujours aucuneassurance que le Congrès états-unienratifie cette proposition. La Chine,elle, repousse à 2030 le plafonne-ment de ses émissions et n’envisage,à cette date, qu’un recul de 8 % (80 %,contre 88 %) des énergies carbonéesdans son bilan d’énergie primaire.Si l’UE, elle, se conforme aux sou-haits du GIEC et propose un reculprogressif des émissions de GES parétapes dès 2020 (allant jusqu’à 70 %en 2050), elle ne le ventile pas entreles différents pays membres, libresde faire leurs propositions. Or cer-tains pays membres de l’UE, commela Pologne, ont déjà déclaré leur hos-tilité à ces propositions. Au final, ily a un risque majeur lors de la COP21: que, parmi les invités à pren-dre des simples engagements deréduction en fonction de leurs situa-tions propres, certains pays en déve-loppement rabaissent fortement leurspropositions, vu l’attitude inaccep-table des principaux émetteurs deGES (États-Unis et Chine). Cette atti-tude est le résultat, aux États-Unis,

Reste la question : qui doit financer ? Ce n’est certainement pas la moitié del’humanité qui croupit dans la misère ni les consommateurs des pays occidentaux, dont une bonne partie est accablée par le chômage, les bas salaires, les politiquesd’austérité, parfois en état de précaritéénergétique.

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Assembléegénérale de l’ONU.

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de la pression des lobbies des éner-gies carbonées (pétrole, gaz, char-bon) et des ultraconservateurs, et enChine de la priorité absolue donnéeau projet nationaliste de faire dupays, dès que possible, la premièrepuissance économique du mondiale.Par ailleurs, tous ces engagementssont non contraignants, ce qui estinacceptable.Or, si la Conférence de Paris n’ob-tient que peu de résultats, les consé-quences pour l’avenir de l’humanitérisquent d’être catastrophiques. Entout cas, les insuffisances majeuresde la CCNUCC rendent urgente lacréation d’une « Organisation mon-diale de l’environnement », un tempsévoquée, dotée de véritables pou-voirs de décision et de sanction.Il y a donc de fortes (mal)chancesque le seuil des 2 °C de réchauffe-ment soit dépassé, et que celui-ciatteindra au minimum 3 à 4 °C, voireplus. Quand on voit déjà les gravesconséquences du réchauffement de1 °C actuel, on peut imaginer l’ave-nir avec un tel réchauffement. Pouren donner une idée, évoquons laquestion des « réfugiés climatiques ».L’Alliance des petits pays insulaires(39 pays, 63 millions d’habitants) acalculé qu’à 2 °C de réchauffementprès de 20 millions de personnesseront obligées de quitter leurs îles.Globalement, les divers continentsauront à gérer, au minimum, desdizaines de millions de réfugiés cli-matiques. Les graves dérives poli-tiques au sein de l’UE consécutives

à l’arrivée de nouveaux migrants(dont la montée des partis fascisantsréclamant des politiques de rejet oud’expulsion des migrants) ne lais-sent rien envisager de bon. Les acquisde la civilisation humaine – empa-thie pour son prochain, coopération,aide aux plus faibles –, qui nous vien-nent des premiers hominidés et quenous partageons aussi avec les grandssinges, ne sont nullement intangi-

bles. Les idéologies de la « loi de lajungle », où le plus fort (le plus richeet/ou le mieux armé) chasse ou mas-sacre le plus faible (le plus pauvre)sont déjà là. Elles peuvent devenirmajoritaires si les choses s’aggraventencore. Le risque est d’autant plusgrand que les classes dirigeantes ducapital mondialisé, notamment ausein de l’UE, sont déjà prêtes, si besoinest, à surfer sur cette vague avec desalliances droite-extrême droite.

QUI DOIT FINANCER LA MAÎTRISEDU RÉCHAUFFEMENTCLIMATIQUE?Le G7 avait réussi en 1990 à glisserdans l’organisation du GIEC un groupede travail chargé d’élaborer desmesures économiques pour finan-cer la maîtrise du réchauffement cli-matique. Composé majoritairementd’économistes néolibéraux, celui-ciavait pour mission d’élaborer desmesures qui n’affectent ni les entre-prises ni les intérêts du capital mon-dialisé. D’où le marché des permisd’émission de GES, les projets detaxe carbone, etc. Cela a été un échec(prix ridicule de la tonne carbone),mais le système est maintenu, caril sert de paravent.Reste la question : qui doit financer ?Ce n’est certainement pas la moitiéde l’humanité qui croupit dans lamisère ni les consommateurs despays occidentaux, dont une bonnepartie est accablée par le chômage,les bas salaires, les politiques d’aus-

térité, parfois en état de précaritéénergétique. Il faut se tourner versles détenteurs de la fantastique accu-mulation financière qui, par leursprédations toujours plus poussées,étranglent littéralement la majeurepartie de l’humanité. Ce sont le 1 %des plus riches, qui possédaient début2015 plus de 140 000 milliards dedollars. Il y a quelques années, le rap-port Stern, récemment confirmé,évaluait à 1 % du PIB mondial l’ef-fort annuel nécessaire pour aboutirà la maîtrise du réchauffement cli-matique, soit, actuellement, 750 mil-liards de dollars/an. Une simple taxede 0,5 % par an sur cette accumula-tion financerait donc la maîtrise duréchauffement climatique. Elle feraitd’une pierre deux coups, car ellecontribuerait aussi à une sortie dela crise économique actuelle, parrelance des investissements publicset recul du chômage. C’est une bataillequi pourrait être engagée, avec d’au-tres forces progressistes, nationaleset internationales, à l’occasion de laConférence de Paris.Maîtriser le réchauffement clima-tique n’est donc pas seulement unebataille environnementale, c’est aussi,et fondamentalement, une bataillepolitique de grande envergure, impé-rative. Car, sans elle, l’humanité risquede sombrer. n

*PAUL SINDIC est juriste, auteur de Urgences planétaires, Le temps des cerises, Paris, 2010.

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Maîtriser le réchauffement climatiquen’est donc pas seulement une batailleenvironnementale, c’est aussi, etfondamentalement, une bataille politique de grande envergure, impérative. Car, sanselle, l’humanité risque de sombrer.

“ “Rencontre ausommet desdeux plusgrandespuissancesmondiales, laChine et lesÉtats-Unis, paysdont l’évolutiondes émissionsde CO2 pour lesprochainesannées seradéterminantepour l’évolutiondu climat.(photo 2009).

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PAR LYDIA SAMARBAKHSH*,

UN CONTEXTE D’INÉGALITÉSÀ la veille du dernier Foruméconomique mondial de Davos (jan-vier 2015), l’ONG Oxfam publiait sonrapport sur les inégalités, qui mérited’être relu dans ces semaines quinous séparent de la COP21. Car dansquel contexte s’inscrit cette con-férence de l’ONU que la diplomatiefrançaise voulait aussi historique quecelle de Kyoto ? Dans celui qui voit,selon les termes de l’ONG, « les iné-galités économiques s’amplifier rapi-dement dans la plupart des pays. Lesrichesses du monde sont divisées endeux : près de la moitié est entre lesmains des 1 % les plus riches, tandisque 99 % de la population mondialese partagent l’autre moitié ». Parailleurs, l’Observatoire des inégal-ités précise que 83 % des richessesaccumulées dans le monde sontdétenues par 8 % de la populationmondiale. Les inégalités s’aggraventdans chaque pays, mais aussi entrepays et régions du monde, et mêmedans chaque région elle-même.C’est le résultat de l’offensivenéolibérale et de la financiarisationde l’économie qui ont donné lespleins pouvoirs à des consortiumsqui ne représentent pas plus desintérêts nationaux que l’intérêt général.La dérégulation, l’expansion du libre-échange et la domination mondialede la finance cherchent en outre às’affranchir de toute souverainetédes États et des peuples dans unesituation, résumée par le présidentbolivien Evo Morales, où « 15 multi-nationales contrôlent à elles seules,50 % de la production mondiale des richesses. »Si le dérèglement climatique affectedurement toutes les régions du monde,une étude du cabinet Maplecroftrévèle qu’il sera plus dramatiquepour 67 pays particulièrement vul-nérables. Parmi ces 67 États, les 10

pays les plus exposés sont parmi lesplus pauvres du monde.Autrement dit, l’enjeu central de laCOP21 est de parvenir à un accordglobal contraignant sur le planjuridique, mais aussi différencié,devant permettre d’inverser radi-calement les transferts entre paysindustrialisés et pays en développe-

ment au profit de ces derniers, enparticulier en matière de transfertsde connaissances et de technologies.À l’approche de la conférence, leschances sérieuses d’aboutir à un telaccord doté d’engagements effectifset à la hauteur des enjeux dimi nuent.Les annonces de juillet et août 2015sur les engagements de réductiondes émissions de gaz à effets de serrejouent pour la plupart sur les annéesde référence et/ou les échéances. Lapart de responsabilité sociale et cli-matique des transnationales et entre-prises tend à passer quant à elle ausecond plan.

Comme le soulignait Nicolas Hulotle 24 août 2015 : « La réussite de laCOP21 est entre les mains des paysles plus riches. […] Si on ne sort pasde l’orthodoxie financière, commentvoulez-vous répondre aux besoinsd’adaptation et de développementdes pays les plus vulnérables, quipayent les effets pervers de notre mo -dèle de croissance ? »La lutte contre le réchauffement cli-matique représente un défi mondi-al qui appelle des décisions et desengagements politiques fondés surles principes d’équité, de justice etde solidarité.

AVANTAGE PÉTROLE Or la conférence va se dérouler aprèsune année de « guerre des prix dupétrole » engagée par l’Arabie saou-dite, qui a provoqué en six mois uneffondrement de 55 % des cours dubaril, mettant en difficulté deséconomies nationales comme celledu Venezuela ou de la Russie ; et cealors que, selon une étude de l’OCDEpubliée le 21 septembre 2015, lesénergies fossiles (pétrole, gaz et char-bon) captent 500 milliards de dollarspar an de subventions des États etgouvernements, États-Unis en tête.Ce sont les mêmes qui rechi gnent à

LA LUTTE CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUEPASSE PAR LA BATAILLE POUR L’ÉGALITÉAlors que les inégalités explosent dans le monde et que l’argent coule à flot pour soutenir et subventionnerle pétrole, le Fonds vert de solidarité reste, lui, sous-doté. De plus, sur fond d’enjeux climatiques, toute une nouvelle géopolitique se dessine.

Les énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) captent 500 milliards de dollarspar an de subventions des États etgouvernements, États-Unis en tête. “ “

«Si le climat avaitété une banque,

vous l’auriez déjà sauvé»une citation

d’Hugo Chavez ici reprise en

anglais dans unemanifestation.

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abonder le Fonds vert pour le cli-mat, mis en place par l’ONU pourréa liser les transferts de fonds despays les plus riches vers les pays lesplus vulnérables afin que ceux-cis’adaptent au réchauffement clima-tique, visant 100 milliards de dol-lars par an d’ici à 2020 (il reste sous-doté à hauteur de 10 milliards depuissa création). La conférence va aussise dérouler après la récente décou-verte de gisements gaziers dans laMéditerranée, mais aussi l’accordsur le nucléaire civil iranien et laperspective de levée des sanctions,ainsi que la relance de la compéti-tion pour le contrôle et l’exploita-tion des ressources pétrolières etgazières de l’Arctique.

LA DETTE CLIMATIQUEDans ce contexte, il est important derappeler que la dette climatique n’estpas celle des pays émergents maisbien celle des pays les plus indus -trialisés et les plus riches. L’autredébiteur de cette dette est le secteurmarchand, financier et industriel,en particulier les transnationales quinon seulement délocalisent les indus-tries les plus polluantes vers les paysdu Sud, saccagent les écosystèmespour accroître leurs profits, empoi-sonnant au passage les populations,mais aussi empêchent le dévelop -pement des pays émergents et la

GÉOPOLITIQUE SOUS FONDD’ENJEUX CLIMATIQUESDu côté des grandes puissances, lesattitudes différentes des États-Uniset de la Chine sont révélatrices descontradictions de ces pays, non seule-ment parce qu’ils ne sont pas aumême niveau de développement,mais aussi parce que leur capacitéde connivence est très limitée : cesdeux États sont dans une « étrangerelation » mêlant interdépendanceéconomique et financière et rival-ité, voire hostilité, stratégique. Cesambiguïtés sont soulignées par ladéclaration du président chinois XiJinping dès son arrivée en visite offi-cielle aux États-Unis le 22 septem-bre 2015 : « La Chine et les États-Unisdevraient clairement indiquer lesintentions stratégiques de l’une et del’autre, promouvoir la coopérationgagnant-gagnant, régler leurs dif-férends de façon correcte, chercherefficacement davantage de terraincommun, et renforcer les échangesentre les peuples. »D’autre part, les États-Unis et la Chinene partagent pas la même vision dumonde ni de leurs rôles au plan inter-national. Les États-Unis d’un côtédemeurent soucieux de préserverleur leadership sur un monde qu’ilsveulent unipolaire, tandis que laChine mise à plein sur le multilatéral-isme qui lui « sert de plate-forme »

maîtrise de leurs ressources, foulantau passage les droits humains et so -ciaux. Contre cela surgissent des ini-tiatives comme celle du présidentéquatorien Rafael Correa, lorsqu’ilpropose la notion d’« émissions nettesévitées » visant à « récompenser » lespays non polluants. Il remet ainsi encause une division mondiale du tra-vail injuste, les injonctions de l’OMCainsi que les obstacles juridiques etinstitutionnels mis aux transferts desconnaissances et technologies dontces pays ont besoin pour atténuer

les effets du réchauffement, maisaussi pour se développer. Dans lemême esprit, le président bolivienEvo Morales, reçoit en octobre 2015le 2e Sommet des peuples sur lechangement climatique et la défensede la vie, réunissant forces sociales,associatives, politiques porteusesd’alternatives aux logiques libéraleset au système d’exploitation capital-iste. Cette dernière initiative chercheà dessiner les contours de nouveauxchoix de civilisation : le bien-vivreen lieu et place de l’exploitation etde la domination.

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Dans ce contexte, il est important derappeler que la dette climatique n’est pas celledes pays émergents mais bien celle des paysles plus industrialisés et les plus riches.“ “

Dhaka auBangladesh. Un des pays les plus pauvreset l’un des plusvulnérablesau réchauffementclimatique.

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pour remplir ses objectifs dans unmonde qu’elle voit multipolaire.Au sein du G77 + Chine, cette dernièreaffiche des ambitions et une démarchequi ne sont pas celles des États-Unis:« Nous soulignons que nos princi-pales priorités sont de promouvoirune croissance économique soutenue,partagée et équitable, de créer davan-tage de possibilités, pour tous, deréduire les inégalités, d’améliorer lesconditions de vie de base, d’encour-ager un développement social équitablepour tous et de promouvoir une ges-tion intégrée et durable des ressourcesnaturelles et des écosystèmes, en faveur,notamment, d’un développementéconomique, social et humain quitienne compte de la protection, de larégénération, de la restauration et dela capacité d’adaptation des écosys-tèmes face aux nouveaux problèmesqui se font jour » (déclaration duSommet des chefs d’État et de gou-vernement du G77 + Chine, juin 2014,Bolivie).Bien que la Chine entende poursui -vre son développement pour releveraussi le défi de la résorption des iné-galités chez elle, elle entreprend enmême temps – poussée par une opi -nion publique nationale qui en souf-fre et se mobilise – de s’attaquer auxgraves conséquences sur la santé dutaux de pollution dans le pays, encherchant à diversifier ses modes deproduction énergétique. Les autoritésont accéléré les fermetures d’usinespolluantes – malgré des conséquencessociales lourdes –, ou encore la créa-tion d’un parc photovoltaïque dansle désert de Gobi qui, en six ans, laplace au 2e rang mondial, aprèsl’Allemagne, pour la productiond’électricité solaire. Ces différencesd’approches n’ont pas empêchéChinois et États-Uniens d’annoncerfin 2014 et en 2015, à l’occasion duSommet de l’APEC (Asia-PacificEconomic Cooperation), des objec-tifs de réduction d’émission de gazà effet de serre insuffisants, tant entermes d’ambitions que d’échéances.Si les grandes puissances industria -lisées avaient mis autant de volon-té et déployé autant d’efforts à attein-dre, malgré leurs imperfections, lesobjectifs du millénaire pour ledéveloppement (OMD) définis parl’ONU qu’à déréguler, à exploiter lesressources et richesses nationales

des pays en développement, àmarchandiser les biens universels età développer le libre-échange, laquestion du réchauffement clima-tique se poserait dans des termesbien différents.

LA BATAILLE POUR L’ÉGALITÉLa lutte contre le réchauffement cli-matique passe par une bataille pourl’égalité. Elle suppose des solutionsécologiques novatrices centrées surla satisfaction des besoins humainset sociaux, comme la garantie dudroit universel à l’énergie, sur ledéveloppement; mais aussi des solu-tions solidaires qui apportent plusde soutien à ceux qui en ont le plusbesoin et qui mettent à contributionceux qui ont le plus de moyens ; des

solutions, enfin, qui remettent encause les logiques dominantes et lesmodèles de développement, de crois-sance et de production capitalistes.Les dirigeants capitalistes savent quele cœur de l’affrontement est sur ceterrain. La prise de conscience pro-gresse sur le fait que la lutte contrele réchauffement climatique et pourune transition écologique et énergé-tique globale est indissociable del’exigence d’un développementhumain et social. Elle peut ne pasdébou cher à la COP21, mais rendez-vous est pris avec l’histoire. n

LYDIA SAMARBAKHSH est membre de lacoordination nationale du PCF. Elle est res-ponsable du secteur international du Conseilnational du PCF.

ÉNERGIE ET CLIMATConcilier préservation du climat et réponse aux besoins éner-gétiques, pour une planète qui comptera bientôt 9,5 milliardsd’êtres humains, constitue un vrai défi. Certains scénariospermettent d’y répondre en utilisant de multiples leviers pré-conisés par le GIEC.

fossiles (charbon, pétrole et gaz natu-rel), qui dégage des quantités consi-dérables de dioxyde de carbone (CO2)et d’autres GES. Pour prévenir desconséquences catastrophiques sur leclimat, il convient donc de réduire lesémissions de ces gaz.

TRAJECTOIRES D’ÉMISSIONDans ses rapports, qui paraissent àdes intervalles de trois à cinq ans2,le Groupe d’experts intergouverne-mental sur l’évolution du climat(GIEC), travaillant pour le comptedes Nations unies, procède à unerevue de toute la littérature scienti-fique relative au climat. Celle-ci inclutla modélisation sur ordinateur qui,ajustée sur les observations du passé,permet de se projeter vers l’avenir.Il faut pour cela élaborer des scéna-rios reposant sur des hypothèsesrelatives aux évolutions de l’écono-mie comme du système énergétique.Ainsi, à partir d’une situation à une

PAR JEAN-LOUIS BOBIN*,

l est maintenant bien établi quedepuis les débuts de l’ère indus-trielle – fin du XVIIIe siècle – les

activités humaines ont modifié lacomposition de l’atmosphère. Lesconcentrations de gaz à effet de serre(GES) ont considérablement aug-menté par rapport à la plage de varia-tion qui a prévalu pendant les800 000 ans précédant notre époque1.Cet effet permet d’expliquer le réchauf-fement observé à la surface de laTerre pendant la seconde moitié duXXe siècle et fait craindre pour l’ave-nir proche une élévation encore plusgrande des températures.L’augmentation de GES est due pour30 % aux changements dans l’utili-sation des sols, à l’agriculture et àl’élevage, et pour le reste aux sourcesd’énergie indispensables au dévelop-pement de nos sociétés. À 80 %, notreénergie provient de la combustion de

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date donnée et de la tendance cor-respondante, il est possible de tra-cer un faisceau de trajectoires d’émis-sion, dont la figure 1 donne un aperçu.À partir de prévisions démogra-phiques et économiques et en tenantcompte de modifications du mixénergétique, les modèles conduisentpour la fin du siècle à des concen-trations de CO2 dont on déduit desvaleurs de forçage radiatif : déséqui-libre (dans un sens ou dans l’autre)par rapport au flux d’énergie apportépar le rayonnement solaire qui entre-tient le régime permanent de la machi-nerie climatique. D’après la figure,emprunter la voie qui limite à 400 ppmla concentration de CO2 et à 2,6 W/m2

le forçage exige d’agir sans attendre.Ce devrait être une recommanda-tion forte de la COP21.

LE DÉFIPeut-on réduire les émissions du sys-tème énergétique sans contrarier ledéveloppement économique de nossociétés, en particulier celles des paysémergents ? Si l’on rejette le principede la décroissance3, laquelle bloque-rait le développement en réduisantsévèrement la disponibilité de l’éner-gie, il reste qu’il convient de satis-faire une demande croissante en limi-tant les émissions de GES selon leschéma général de la figure 2. Pour

y parvenir, il faut apporter des réponsesaux quelques questions importantesapparaissant sur ce graphique.

Les tendances de la première décen-nie du siècle conduisent à des niveauxde production d’énergie et d’émis-sions insoutenables. Une produc-tion de 30 Gtep (milliards de tonneséquivalent pétrole) en 2050 dépas-serait vraisemblablement les capa-cités industrielles de l’humanité etelle pourrait même s’avérer incom-patible avec la disponibilité des res-sources. Les scénarios raisonnables

visent plutôt un niveau de 20 Gtepen 2050. Cependant, en raison de lamultiplication des innovations aussibien dans la production que dansl’utilisation de la puissance élec-trique, la part de l’électricité est appe-lée à grandir.Quant aux émissions, la figure 3 mon-tre que malgré le protocole de Kyoto,qui n’intéressait qu’un nombre limitéde pays développés, la trajectoireréelle s’est considérablement écar-tée du chemin menant à une concen-tration de CO2 limitée à 450 ppm.Rejoindre celui-ci à partir de la situa-tion actuelle ne pourrait se faire quede façon assez brutale (moins devingt ans) selon une approche par lebudget carbone4.

STRATÉGIESLa transition énergétique qu’il convientd’assurer doit faire passer progressi-vement de 80 % de sources d’éner-gie fossiles à 80 % de sources sansémissions de GES. Outre une incita-tion générale à une meilleure utili-sation de l’énergie, une première pos-sibilité technologique est de retenirle CO2 à la source (captage et séques-trations du carbone). Une secondeest la mise en service massive demodes de production décarbonés.Une stratégie de réduction des émis-sions de GES proposée par Socolow

La transition énergétique qu’il convientd’assurer doit faire passer progressivement de 80 % de sources d’énergie fossiles à 80 %de sources sans émissions de GES. “ “

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Figure 1. Trajectoires d’émission (Representative Concentration Paths [RCP])pour différentes valeurs positives de forçage radiatif (en W/m2) suscepti-bles d’entraîner un réchauffement. Les émissions sont comptabilisées en milliards de tonnes (Gt) de CO2 par an et les concentrations en partiespar million (ppm).

Figure 2. Évolutionscomparées de la pro-duction d’énergie etdes émissions deGES telles qu’on lessouhaite au coursdu XXIe siècle.

Figure 3. Objectifs de décarbonisation comparés à l’évolution des émissionsévaluées en gigatonnes de carbone (GtC) envoyées par an dansl’atmosphère (courbe en trait plein). Les trajectoires d’émission (en tiretés)indexées par leurs valeurs de stabilisation correspondent aux travaux deWigley, Richels et Edmonds (WRE)5.

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OBJECTIF TECHNOLOGIE POUR UN COIN

Améliorationdesrendements

Véhicules plus efficaces.

Consommation limitée à4 L/100 km pour 1,6 milliards devoitures en 2050 parcourantchacune 15 000 km/an.

Usage réduit des véhicules.Diminution de 50 % du kilométrageannuel si en 2050 la consommationreste à 8 L/100 km.

Habitat plus efficace.Isolation, généralisation des lampesfluocompactes et LED.

Amélioration, du rendementdes centrales.

Passer de 30 à 40 % + cogénération.

Électricité sans émissionsde carbone

Remplacement du charbon pardu gaz.

Construire par an 28 centrales à gazde 1 GW.

Captage du CO2 émis par lescentrales à flamme (CCS).

Savoir séquestrer chaque année70 Mt de CO2 supplémentaires.

Remplacement du charbon parde l’électronucléaire.

9 EPR/an.

Remplacement du charbon pardes éoliennes.

23 000 éoliennes de 2 MW chaqueannée*.

Remplacement du charbon pardu photovoltaïque.

1 000 km2 de panneauxphotovoltaïques par an*.

Combustibleschimiquesdécarbonés

Production d’hydrogène aveccapture de CO2.

Même effort que pour le captage etla séquestration de CO2.

Production de carburantssynthétiques avec capture de CO2.

3 Gt de charbon par an convertiesen « synfuels ».

Production d’hydrogène àpartir d’éoliennes.

Même effort que pour leremplacement du charbon par deséoliennes.

Remplacement des fossiles parde la biomasse.

Attribuer chaque année 4 Mha àdes cultures dédiées à hautrendement (15 t/ha).

Puits végétaux Reforestation.Réhabiliter par an 8 Mha de forêttempérée ou 6 Mha de forêttropicale.

*Chiffres donnés ici à titre indicatif, car dépendant fortement de la façon dont est gérée l’intermittence.

fisamment vaste pour laisser de la souplesse aux politiques del’énergie. Mais, pour garantir uneproduction au niveau de 20 Gtep en2050, il faudra faire appel à toutesles sources d’énergie disponible, sans en exclure aucune pour des raisons idéologiques8.La nécessité de réduire les émissionsde GES impose qu’une transitionénergétique soit mise en œuvre aucours des décennies qui viennent.Dans son rapport de synthèse adoptéfin 2014, le GIEC9 préconise de fairereposer la transition sur les techno-logies suivantes : captage et séques-tration du carbone pour toutes lesinstallations fixes à flamme, y com-pris celles qui brûlent de la biomasse ;électronucléaire ; éolien et solaire.Accompagnées par un effort desobriété énergétique, les nécessairestransformations à venir impliquent,au-delà de la technologie, de nou-veaux modes d’organisation et dedéveloppement des sociétés. Ilconvient de s’y préparer sans tarder.n

*JEAN-LOUIS BOBIN est professeur émérite à université Pierre-et-Marie-Curie et membre de Sauvons le climat.

1. Jean Poitou, Pascale Braconnot et ValérieMasson-Delmotte, Le Climat : la Terre et leshommes, EDP-Sciences, 2015, p. 162.2. Les derniers rapports du GIEC sont télé-chargeables : 3. Serge Latouche, Le Pari de la décrois-sance, Fayard, 2006.4. Jacques Treiner, « Jouer avec les chiffresdu climat : une approche par budgetcarbone », in Reflets de la physique, no 43,2015, p. 46.5. T.M.L. Wigley, R. Richels, etJ.A. Edmonds, « Economic and environmen-tal choices in the stabilization of atmosphe-ric CO2 concentrations », in Nature, no 379,1996, p. 240-243.6. Stephen Pacala et Robert Socolow(Science, no 305, 2004, p. 968) ont intro-duit les mitigation wedges ou l’art d’enfoncerdes coins.7. Commission Énergie Environnement de laSociété française de physique, La Situationénergétique en 2015, choix politiques etconséquences, sous presse.8. Pour cette raison, les scénarios militants,par exemple Greenpeace, Energy-Revolution- 2015, visant 100 % d’énergies renouvela-bles en 2050, prennent pour hypothèse uneproduction d’énergie limitée au niveau del’année 2000, soit 10 Gtep.9. IPPC, Climate change 2014, Synthesisreport, téléchargable :http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/syr/AR5_SYR_FINAL_SPM.pdf

et Pacala consiste à définir des « coins »à enfoncer6. Enfoncer un coin consisteà effacer progressivement les émissionsde CO2 pour parvenir à les réduire de1 Gt de carbone par an. Ils listent ainsiune quinzaine de coins technologiques.En mobilisant pleinement sept coins,nous arriverions à stabiliser les émis-sions dans les limites fixées par le GIEC.Tous les scénarios de décarbonisation

conçus à l’échelle planétaire (Agenceinternationale de l’énergie) ou locale(ANCRE) ou encore par secteur d’acti-vité suivent ce type de schéma.Le tableau ci-dessus précise l’effort quidevrait être accompli pour que chaquecatégorie d’économies d’énergie et chaquetechnologie considérée soit à même d’en-foncer au moins un coin au cours desprochaines décennies7. Le choix est suf-

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celles émettant le moins de CO2 touten prenant en compte le niveau dematurité des différentes techno logiesavec un triple critère : social, envi-ronnemental et économique.Faire prévaloir, sans attendre, la logiquedu développement humain durablesur la logique capitaliste est devenuune question absolument crucialepour l’avenir de l’humanité.Une des préconisations du Grouped’experts intergouvernemental surl’évolution du climat (GIEC) pourlutter contre le réchauffement cli-matique est d’aller vers une évolu-tion rapide d’une électricité la plusdécarbonée possible en substitutiondes énergies fossiles. Au sein del’Europe, la France (avec la Norvègeet la Suède) est en avance pour attein-dre cet objectif. En effet, son élec-tricité est fortement décarbonée grâceau mix électrique où la part dunucléaire et de l’hydraulique estprépondérante. Il est donc impor-tant pour nous de conserver cet avan-tage. Il y a de fortes chances que notreconsommation d’électricité aug-mente, compte tenu des évolutionstechnologiques (informatique, fer-routage, climatisation, voiture élec-trique, etc.) et démographiques.

UN ENJEU ÉCONOMIQUE ET SOCIAL MAJEURAussi, l’accès à l’énergie à un coûtmodéré est un élément vital pour lespopulations. C’est également unenjeu majeur pour les entreprises etde localisation industrielle. En France,nous devons veiller à ne pas remet-tre en cause l’égalité de traitementdes citoyens dans l’accès à l’énergieni la péréquation tarifaire pour l’élec-tricité, par exemple, qui permet àchacun d’avoir partout, quel que soitson lieu d’habitation, un même tarif.Une condition sine qua non de laréussite d’une transition énergétiqueambitieuse est un effort massif derecherche tous azimuts dans cha-cun des secteurs énergétiques.Malheureusement, un récent rap-port remis au gouvernement sur lesinfrastructures énergétiques fait étatd’un effort de recherche au même

Au même titre que l’accès à l’alimen-tation ou à la santé, l’accès à l’éner -gie est un élément déterminant pourla réduction des inégalités, pourl’éman cipation et l’épanouissementdes peuples. Depuis un siècle, lamaîtrise des ressources en énergie(charbon, pétrole, gaz et nucléaire)a permis une hausse considérabledu niveau de vie des populations,spécialement dans les pays dévelop-pés. Les pays se sont appuyés majori-tairement sur les ressources fossilespour asseoir leur développementéconomique. Il en va donc de laresponsabilité de ces pays qui onttrès largement privilégié le recoursà ces ressources de donner la prior-ité à d’autres modes de productiond’énergie qu’ils maîtrisent. Ils doiventinvestir beaucoup plus massivementdans la recherche pour obtenir desmodes de production plus respectueuxde la planète, mettre en place de vraisplans d’économie d’énergie et, enfin,d’effectuer les transferts techno -logiques nécessaires afin que les paysen voie de développement et les payspauvres puissent bénéfi cier des acquisscientifiques pour inscrire, dès ledépart, leur développement dans un cadre durable et respectueux del’environnement.

DÉCARBONER L’ÉLECTRICITÉ : UNE RECOMMANDATION DU GIECLes questions sociales, environ-nementales et économiques sontintimement liées lorsque l’on évoqueles enjeux énergétiques. On ne peutpas se contenter d’en traiter une par-tie sans aborder les autres.C’est pourquoi, lorsque l’on évoquele mix énergétique diversifié, on doits’attacher à « exploiter » le mieuxpossible chacune des énergies sansles opposer les unes aux autres. C’est-à-dire qu’il faut solliciter toutes lesénergies disponibles en privilégiant

QU’APPELLE-T-ON «TRANSITION ÉNERGÉTIQUE»?COMMENT LA DÉFINIR?La transition énergétique prend de multiples significations suivant les pays. Il en va de la responsabilité des pays riches d’utiliser les technologies les plusmodernes pour décarboner leur énergie et organiser les transferts de techno-logies nécessaires vers les pays du Sud.

PAR VALÉRIE GONCALVES*,

HISTORIQUESi l’on regarde dansnotre histoire récente,on recense plusieurstransitions énergé-

tiques :– la transition vers l’hydraulique etle charbon après la Seconde guerremondiale ;– la transition vers le pétrole et la« régression » du charbon après lasignature du traité de Rome de 1957;– la transition vers le nucléaire aprèsle premier choc pétrolier, en 1974 ;– la transition vers une énergie « libéral-isée » et « décarbonée » depuis lesannées 2000.Aujourd’hui, en Allemagne la tran-sition énergétique prend la formede la sortie du nucléaire ; aux États-Unis, celle de l’exploitation des gazde schistes. En ce qui nous concerne,la transition énergétique, c’est pas -ser d’un modèle qui s’appuie sur des énergies fossiles à un modèle où les énergies décarbonées sontdominantes.

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Pour une transitionénergétiqueréussie :brochure de 30 pages, éditéepar le PCF,détaillant lesenjeux sur le climatet l’énergie(téléchargeablegratuitement surwww.pcf.fr).

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niveau que celui de 1980, alors queseule la recherche pourra ouvrir deschamps nouveaux et permettre dessauts technologiques.Les énergies fossiles représententaujourd’hui 69 % de l’énergie finaleconsommée en France, et les trans-ports consomment près de la moitiéde cette énergie. Le transport est lesecteur le plus émetteur de gaz àeffet de serre (GES), c’est donc danscette direction qu’il faut se tournerprioritairement. Il faut développerles lignes ferroviaires, le fret, l’inter-modalité; repenser notre urbanisme,en particulier l’étalement urbain ;relancer notre industrie pour pro-duire et recycler au plus près.Le bâtiment, deuxième secteur àémettre des GES (25 %), est aussicelui qui consomme le plus d’éner -gie (44 %). L’habitat et le tertiairesont de gros consommateurs de com-bustibles fossiles également. Il y a

donc là, un gisement d’économiesd’énergie et de réduction de nosémissions de CO2 en substituant auxénergies fossiles la production dechaleur renouvelable, par exemple.La rénovation thermique est doncune impérieuse et urgente néces-

sité. Cela suppose la mise en placede politiques publiques réellementefficaces, tant en matière d’investis -sements – qui sont considérables –que de recherche, formation, créationde filières professionnelles. S’attaquerà l’efficacité énergétique seraégalement l’occasion de combattrela précarité énergétique, qui en France

touche 11 millions de personnes.Enfin, il nous faut mobiliser dansune même dynamique et de manièreefficace tous les acteurs industriels,publics comme privés, pour la miseen œuvre d’une politique énergé-tique visant le progrès social et répon-dant aux grands défis écologiquesposés en ce début de IIIe millénaire.Ainsi, il nous faut contraindre tousles acteurs industriels de ce secteurà œuvrer à la mise en place et aurespect de critères de gestion, allantdans le sens du service public et del’intérêt général. Il s’agit de favoris-

er l’enclenchement d’un processusde coopérations industrielles et d’har-monisation sociale qui se substitueraità la concurrence économique et audumping social. n

*VALÉRIE GONCALVES est dirigeantenationale du PCF. Elle est en charge de lacommission Énergie.

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LE CLIMAT, LA SCIENCE ET LA RECHERCHESans les sciences, pas de visibilité sur l’ampleur, les causes et l’évolutiondu réchauffement climatique. Ces connaissance se construisent grâce à deschercheurs et des laboratoires, dont le coût doit être assumé et les budgetspérennisés.

qui ont alerté les politiques. Ainsi,lors de la première Conférence mon-diale sur le climat, à Genève en 1979,la communauté scientifique met engarde les gouvernements contre leschangements climatiques d’origineanthropique.

Les scientifiques participeront ensuiteà toutes les conférences internatio-nales. Le GIEC est créé en 1988. Cegroupe d’experts présente un moded’organisation et de travail qui enfait un modèle de coopération scien-tifique et d’interaction avec les pou-voirs publics. Ses rapports – le 5e estparu en novembre 2014 – constituentsouvent la base des débats politiqueset sociétaux que nous vivons (ils sontdisponibles en ligne, en de nom-breuses langues). Notons toutefoisune contradiction profonde entreles discours officiels et les politiques

menées : alors que l’urgence clima-tique apparaît de plus en plus clai-rement, les moyens des laboratoiresde climatologie ne cessent de seréduire. Le CEA et le CNRS voientainsi leurs crédits baisser, et en par-ticulier ceux alloués aux laboratoiresen climatologie, qui pour la plupartappartiennent à ces établissements.Lorsque le transfert d’un joueur defootball coûte plus cher que le bud-get annuel d’un laboratoire, il s’agitbien d’une question politique.Jean Jouzel, du GIEC, le souligne :« La France doit maintenir unerecherche scientifique de très hautniveau sur les sciences du climat »1.Visiblement, notre gouvernementne suit pas…

TOUS LES DOMAINES SCIENTIFIQUESSONT CONCERNÉSDe manière générale, une recherchescientifique forte et de haut niveauest nécessaire pour traiter des enjeuxdu réchauffement.Et tous les domaines scientifiques sontconcernés. En effet, la question duclimat amène à se préoccuper de

PAR ANNE MESLIAND*,

n ce qui concerne le climat et la prisede conscience du dérègle-ment climatique, tout a com-mencé grâce à la science. Et

ce depuis longtemps, puisque la pro-blématique de l’effet de serre estposée dès 1845 par le Français JacquesJoseph Ebelmen ; puis, vers 1860, lephysicien irlandais John Tyndalldonne sa forme moderne à cettequestion. Les travaux du SuédoisSvante August Arrhenius, prix Nobelde chimie en 1903, montrent le rôleessentiel de l’effet de serre dans leschangements climatiques.Si on ne peut retracer ici toutes lesétapes des recherches sur le climat,il faut souligner le rôle crucial desscientifiques dans la mise en évi-dence du risque que représente lechangement climatique. Ce sont eux

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Il faut développer les lignes ferroviaires,le fret, l’intermodalité ; repenser notreurbanisme, en particulier l’étalement urbain ;relancer notre industrie pour produire et recycler au plus près.“ “

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beaucoup d’autres questions quis’enchaînent ; celles de la faune etde la flore affectées par les change-ments climatiques, par exemple…Aussi, la compréhension des chan-gements climatiques nécessite depouvoir faire de la biologie, de la géo-logie, de la botanique et de la zoo-logie, de la chimie, de l’écologie, dela paléontologie, et de la physique,des mathématiques, de l’informa-tique…, et même de la sociologie,de l’économie et de l’histoire.

Les changements climatiques obli-gent également à s’occuper de ques-tions sociétales. Valérie Masson-Delmotte2 l’indique en ces termes :« Nous ne pouvons plus séparer laquestion du climat des autres enjeux

sociétaux. Elle s’inscrit dans une pro-blématique beaucoup plus large, celledu triptyque écologie-économie-socialdu développement durable. » Lesmigrations en donnent un aperçu.Toute la société est concernée, doncégalement les sciences humaines etsociales. « On ne peut plus parler desciences sans parler de la société, del’homme, de l’action économique. Etde l’histoire, car en Afrique les popu-lations subissent toujours les pollu-tions héritées du colonialisme. »3.

UNE RECHERCHEFONDAMENTALE...Il est par ailleurs utile de rappelerdans ce contexte qu’on ne peut assi-gner à la recherche un « but » définipar avance. Les découvertes, les avan-cées scientifiques ne se font pas ainsi :on ne « trouve » pas sur ordre. Larecherche ne peut être pensée demanière utilitariste mais, au contraire,dans une vision globale de la scienceet du processus des connaissances.Cette démarche implique des coo-pérations entre disciplines et entreorganismes de recherche, ainsi qu’auplan international comme le démon-tre le travail du GIEC. C’est là lecontraire de la concurrence fondéesur l’exigence de rentabilité que lespolitiques libérales veulent assignercomme méthode et finalité à larecherche scientifique. La compéti-tivité n’est pas compatible avec l’exer-cice de la recherche.

... ET DES BUDGETS PÉRENNES !Pour que la recherche puisse correc-tement se développer, il faut donc desbudgets pérennes, des chercheursnon précaires et de la démocratie.Démocratie pour la communautéscientifique, qui doit être maîtressede ses choix et pouvoir se faire enten-dre ; démocratie citoyenne aussi, afinde promouvoir des décisions conformesà l’intérêt général, au rebours de cellesqui favorisent les profits des multi-nationales. Par ailleurs, les observa-tions et évaluations sur lesquelles sefondent les décisions doivent releverd’une maîtrise publique.

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LE GIECOuvert à tous les membres de l’Organisation des Nations unies et de l’Organisation météo-rologique mondiale (OMM), le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du cli-mat compte aujourd’hui 195 pays membres. Sa mission est de rassembler, d’évaluer et desynthétiser l’information scientifique disponible dans le monde entier. Il n’est donc pas unorganisme de recherche mais un lieu d’expertise.Des milliers de scientifiques du monde entier contribuent aux travaux du GIEC sur une basevolontaire, en tant qu’auteurs, collaborateurs et examinateurs. Aucun d’eux n’est rémunérépar le GIEC.Il prend ses grandes décisions lors d’assemblées plénières auxquelles participent les représen-tants des gouvernements. Les travaux du groupe d’experts sont par conséquent susceptiblesd’orienter les politiques sans pour autant préconiser des choix précis.Jean Jouzel, climatologue, vice-président du groupe scientifique du GIEC : « L’une descaractéristiques du GIEC est le mode d’élaboration de ses rapports : ils sont rédigés au coursd’un processus dont la phase intensive dure environ deux ans. À chaque étape, les textessont soumis à l’extérieur (communauté scientifique, experts gouvernementaux). En 2013,nous avons ainsi reçu 54 517 commentaires sur les travaux du groupe 1. Les auteurs doi-vent prendre en compte tous ces commentaires et, dans le cas contraire, s’en expliquer.Même soumis à l’approbation des gouvernements, le rapport n’échappe pas aux scienti-fiques. Ce processus donne au rapport du GIEC sa visibilité et permet aux décideurs de sel’approprier. Malgré sa complexité, je crois à la vertu et à la force de l’expertise collective.»

Le CEA et le CNRS voient leurs créditsbaisser, et en particulier, ceux alloués auxlaboratoires en climatologie. Lorsque letransfert d’un joueur de football coûte plus cherque le budget annuel d’un laboratoire, il s’agitbien d’une question politique. Jean Jouzel le souligne : « La France doit maintenir une recherche scientifique de très haut niveausur les sciences du climat. »

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La connaissancescientifiques’avèredéterminante pourla compréhensionde la machineclimatique.

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L’indépendance intellectuelle destravailleurs scientifiques doit aussiêtre assurée. On connaît le poids deslobbies, l’énergie et les moyens qu’ilsdéploient en particulier lorsqu’il s’agitdu climat, naguère pour nier l’exis-tence du réchauffement climatique,aujourd’hui pour nier la responsa-bilité de l’homme en la matière. C’estau prix d’une recherche publique dequalité qu’on pourra véritablementrépondre aux défis du réchauffe-ment. De même, les observations etévaluations sur lesquelles se fondentles décisions doivent relever d’unemaîtrise publique, ce qui à l’heureactuelle n’est pas toujours le cas.La coopération internationale et letransfert de connaissances et de tech-nologies vers les pays du Sud sontabsolument incontournables si l’onveut atteindre les objectifs des dif-férents protocoles internationaux,et plus globalement de réaliser undéveloppement mondial solidaire et durable.

En juillet, plus de 2 000 scientifiquesont participé à Paris au colloque«Notre avenir commun sous le chan-gement climatique ». « C’est unemanière pour nous, les scientifiques,d’apporter notre contribution à laConférence sur le climat », indiqueJean Jouzel, un des organisateurs.

En septembre, la Fête de l’Humanitéa lancé un appel pressant pour laréussite de la COP21, pour en faireune grande affaire populaire. « Il seraitcriminel de continuer à tergiverser et

faire primer les intérêts du capital etla course au profit sur le devenir de laplanète », disait Pierre Laurent.C’est bien de la convergence, de larencontre de ces deux mouvements,celui de la science et celui du mou-vement populaire, de la discussionentre chercheurs et citoyens, quepourront advenir les changements,dont aussi bien la connaissance scien-tifique que l’expérience sociale et les aspirations humaines montrent l’urgente nécessité. n

*ANNE MESLIAND est responsable de la commission Enseignement supérieur-Recherche du PCF .

1. Les défis du CEA, sept. 2013, no 182.2. Paléo-climatologue et co-auteur du 5e rapport du GIEC.3. Amadou Thierno Gaye, ancien responsabledu GIEC pour l’Afrique, l’Humanité, 16 sept.2015.

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La compréhension des changementsclimatiques nécessite de pouvoir faire de labiologie, de la géologie, de la botanique et de la zoologie, de la chimie, de l’écologie, de la paléontologie. Et de la physique, des mathématiques, de l’informatique… Et même de la sociologie, de l’économie et de l’histoire.

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TRANSFERTS DE TECHNOLOGIE ET COOPÉRATIONS INTERNATIONALESAfin de lutter contre le changement climatique tout en s’y adaptant, les États doivent dèsaujourd’hui investir des systèmes énergétiques et informationnels complexes. Pour y parvenir,le transfert international des savoir-faire et technologies doit s’imposer face aux thuriférairesde la concurrence féroce.

PAR SÉBASTIEN ELKA*,

Qu’il s’agisse de réduire laconsommation d’énergie etles émissions de gaz à effet

de serre, de prévoir les conséquencesdu réchauffement ou de s’y adapteret d’en protéger les populations, ledéfi climatique est affaire de tech-nologie et de savoir-faire, mais ausside ressources, très inégalement répar-ties sur la planète.Dans les pays déjà industrialisés, ils’agit de rénover profondément lesréseaux énergétiques, les systèmesindustriels et agricoles, les logementsexistants. Dans des tissus écono-miques et sociaux complexes et inter-dépendants, c’est un exercice diffi-cile qui implique de combiner des

changements d’organisation, desinvestissements lourds et des nou-velles technologies pas toujours prêtes.Au-delà de la lutte contre les causesdu réchauffement, il importe ausside se préparer à en affronter les désor -mais inévitables conséquences, d’adap-ter les systèmes agricoles et d’anti-

ciper sur la montée des eaux et lafréquence accrue des événementsmétéorologiques extrêmes.

Dans les régions du monde en retardd’industrialisation, la question sepose différemment. Leurs systèmesénergétiques s’appuient principale-ment sur les énergies fossiles, voirele bois et le charbon, simples à ache-ter, à stocker et à transporter. Lesréseaux électriques, nécessitant dessavoirs complexes et des équipe-ments coûteux, s’avèrent souventdéfaillants et limités à quelques zonesurbaines. Dans ce cadre, une alimen-tation énergétique décentralisée,avec des petites unités au plus prèsdes besoins, permettrait d’envisa-ger des réseaux plus simples et poten-tiellement plus fiables.Parallèlement, la diversité des milieuxet climats impacte l’efficacité de cer-taines énergies (éolien, solaire, géo-

Le défi climatique estaffaire de technologie et de savoir-faire, mais aussi deressources très inégalementréparties sur la planète.“ “

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thermie…), une île australe n’ayantpas les mêmes potentiels qu’unezone saharienne. La même hétéro-généité se retrouve du côté des besoins,qu’il s’agisse du chauffage, rafraî-chissement ou isolation des bâti-ments, mobilité, production agri-cole ou industrielle.

ENJEU COMMUN ET SOLUTIONS PARTICULIÈRESTout cela montre que si la probléma-tique du réchauffement climatiqueet la nécessité de sortir des énergiescarbonées sont mondiales, les solu-tions à apporter – donc les techno-logies à mettre en œuvre – peuventvarier localement. Or ces enjeux diver-sifiés se heurtent aux inégalités dedéveloppement comme aux poli-tiques industrielles des firmes et paysdominants. Mais la répartition descartes évolue. Ainsi, le Brésil déploieune politique énergétique originale,faisant la part belle aux agrocarbu-rants de canne à sucre, avec toutesles ambiguïtés d’une production debon rendement énergétique mais quialimente la déforestation et les injus-tices sociales. Non loin de là, le Chiliet la Bolivie explorent le potentiel

photovoltaïque de leurs territoiresd’altitude, très ensoleillés, et exploi-tent les réserves de lithium – métal

léger indispensable aux batteries –de leurs lacs salés. Au nord, l’Islandeexploite la géothermie à un niveausans équivalent, tandis que les tsu-namis de 1999 ou 2011 ont pousséles pays riverains du Pacifique à sedoter de capacités de pointe pour laprévision des catastrophes naturelleset l’alerte aux populations.

UN NOUVEL ÂGE DE L’AIDE ET DE LA COOPÉRATIONFace à l’urgence du réchauffementclimatique, les technologies et savoir-faire disséminés sur le globe doiventpouvoir être employés par tous lespays à la hauteur de leurs besoins.Le sujet est trop important pour lais-ser la propriété industrielle et lesstratégies financières des grandes

firmes bloquer l’accès de ceux quien ont besoin au meilleur du savoirhumain. D’autant que nous sommestous liés par une pollution qui n’apas de frontière.Il en va d’ailleurs de même pour lesexigences de valorisation de larecherche publique, qui ne doiventpas s’opposer à l’essor des néces-saires coopérations. Des organismescomme le ECN (Centre néerlandaispour la recherche sur l’énergie), leFraunhofer ISE allemand ou le CEA-Liten (Laboratoire d’innovation pourles technologies des énergies renou-velables) français annoncent appor-ter à des États moins avancés leurassistance technologique. Toutefois,il faut bien constater qu’on oscillesouvent entre déclarations creuses,accompagnement intéressé de par-tenaires industriels nationaux etquête de financements externes pourremédier au désengagement desÉtats. Les politiques d’aide au déve-loppement financent en partie cestransferts de technologie, mais enpratique les sommes concernéessont insuffisantes.La coopération qui a présidé depuisdes années aux travaux du GIEC(Groupe international d’experts surle climat), sous l’égide des Nationsunies, a montré tout l’intérêt qu’il yavait à développer une approchecoopérative multilatérale. Ne devrait-on pas aller plus loin et coordonnerune véritable action internationaled’ampleur en faveur de l’améliora-tion des systèmes énergétiques et depréparation des régions vulnérablesaux conséquences du changementclimatique ? La majorité des Étatsdispose de capacités, même faibles,de recherche publique, de ministèreset d’agences dédiées à ces sujets, etle réchauffement climatique est l’unedes premières préoccupations d’am-pleur mondiale. Au lieu de mettretous les acteurs et territoires enconcurrence, saisissons cette oppor-tunité historique d’unir l’humanité.Coopérons. n

*SÉBASTIEN ELKA est rédacteur en chefadjoint de Progressistes.

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Le sujet est trop important pour laisserla propriété industrielle et les stratégiesfinancières bloquer l’accès au meilleur dusavoir humain.“ “

Votre revue est égalementtéléchargeable gratuitement sur www.progressistes.pcf.fr

Dakar, Sénégal. La majorité des États dispose de capacités, même faibles, de recherche publique, de ministères et d’agences dédiées aux problématiques de l’énergie et du climat. Une opportunité pourtransférer et partager les résultats des progrès scientifiques et technologiques à l’échelle mondiale.

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PAR YVELINE NICOLAS*,

ans le monde, de nombreusesfemmes subissent les réper-cussions négatives des dés-

équilibres climatiques combinés àl’aggravation de la crise économique.Constituant 70 % des pauvres, etfaute d’un partage équitable des res-sources et du travail entre femmeset hommes, les femmes sontcontraintes de cumuler leurs res-ponsabilités socialement construites– déjà très lourdes (tâches domes-tiques, soins aux enfants et aux per-sonnes âgées) – avec de nouvellesexigences écologiques, tout en affron-tant une précarisation croissante.Dans les pays en développement, lesconséquences du réchauffement cli-matique global (catastrophes, déser-tification, érosion de la biodiversité,raréfaction des ressources en eau…)se combinent avec le manque d’in-frastructures et de services collec-tifs, notamment en milieu rural. Dansles pays riches, les femmes sont aussiles plus concernées par la précaritéénergétique, particulièrement lesfamilles monoparentales, dirigées à80 % par des femmes.Il existe un lien direct entre le manqued’autonomisation des femmes, lesdiscriminations et les atteintes à leursdroits, et l’impact des dérèglementsclimatiques. Ainsi, les femmes sontconcernées de façon spécifique parles processus de concentration etd’achat des terres, notamment à desfins énergétiques de production d’agro-carburants. Au niveau mondial, ellesne possèdent que 3 % des droits depropriété et peuvent se voir brusque-ment déposséder de terres qu’ellesont patiemment mises en valeur. Ellessont souvent exclues des négocia-tions locales et nationales sur l’usagedes terres – comme sur celui des forêts.Les terres marginales, moins produc-tives, où les paysannes sont reléguéessont les premières concernées quandles pouvoirs publics ou des investis-seurs extérieurs les convertissent encultures pour l’exploitation, par exem-

ple, de l’huile de palme à des finsénergétiques.Les femmes affrontent égalementdes violences de genre dans le contextede conflits liés à la compétition pourdes ressources naturelles en dimi-nution, de migrations climatiqueset de déplacement des populations.Pourtant, les femmes sont des actricesspécifiques de la transition énergé-tique, par leur investissement dansl’agriculture et l’alimentation, l’éco-nomie sociale et solidaire, leur préoc-cupation concernant la santé envi-ronnementale, leur apport à unegestion équitable des biens com-muns, de la biodiversité locale et desquartiers populaires. Partout dansle monde, des initiatives sont misesen œuvre par les femmes et leursassociations. Jusqu’à présent, ellesrestent insuffisamment documen-tées, financées et valorisées. Desétudes montrent pourtant le rôle desfemmes dans le maintien d’une agro-écologie préservant la biodiversité :selon la FAO, le rattrapage des iné-galités entre les paysannes et les pay-sans permettrait d’augmenter de 20à 30 % le rendement des parcellesexploitées par les femmes.Ainsi, plusieurs organisations defemmes se mobilisent pour la COP21.Grâce à la pression des associationsféministes du monde entier, notam-ment réunies dans la Women GenderConstituency, qui participe aux négo-ciations, les questions de genre sont

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CLIMAT : LES FEMMES EN PREMIERE LIGNE

progressivement prises en compte.Déjà, la COP18 avait décidé d’un suivide la parité au sein des organismesde négociations et de décision, et dela prise en compte du genre dans lespolitiques climatiques. Le Cadre d’ac-tion de Hyogo (stratégie internatio-nale pour la prévention des catas-

trophes) indique que « la perspectivede genre devrait être intégrée danstoutes les politiques de gestion desrisques de catastrophe, et des planset des processus de prise de décisions,y compris celles relatives à l’évalua-tion des risques, l’alerte rapide, la ges-tion de l’information, l’éducation etla formation ». La COP20, à Lima, fin2014, a adopté un programme de tra-vail sur le genre.En France, le groupe Genre et Justiceclimatique rassemble une vingtained’associations féministes. Parmi sesrevendications figurent l’inclusiondes droits des femmes comme prin-cipe dans le futur texte de l’accordclimatique et l’intégration d’une pers-pective de genre dans les politiquesd’atténuation et d’adaptation audérèglement climatique. Le réseaumilite pour renforcer la formation etl’accès des femmes et des jeunes fillesaux filières scientifiques et tech-niques, aux emplois créés par la tran-sition énergétique. Il soutient aussila participation des femmes et la for-malisation de leurs activités dans lessecteurs économiques et sociaux quicontribuent à la transition des modesde production et de consommationet à la résilience environnementale(économie solidaire, services urbainset ruraux, agriculture urbaine…). n

*YVELYNE NICOLAS milite au sein de l’association Adéquations et anime le groupefrançais Genre et Justice climatique.

Les femmes et les organisations de femmes sont particulièrement concernées par les enjeux climatiques, du fait à la fois des discriminations qui les affectent et de leurs contributions spécifiques à un mode de développement soutenable.

Trois heures parjour, c’est le tempsque, en moyenne, les femmes decertains paysdoivent consacrerà se procurer de l’énergie bois.

Il existe un lien direct entre le manqued’autonomisation des femmes, lesdiscriminations et les atteintes à leurs droits,et l’impact des dérèglements climatiques.“ “

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PAR FABIENNE CRU-MONTBLANC*,

a 21e Conférence des parties,la COP21, de la convention-cadre des Nations unies sur

les changements climatiques(CCNUCC) se tiendra au Bourget du30 novembre au 12 décembre 2015.L’événement fait l’objet de beaucoupde médiatisation et de préparatifs,mais on oublie trop souvent que, loinde ne concerner que la seule sphèreécologique, c’est toute l’organisa-tion du travail et de la productionqu’il met en jeu.

CRISE ENVIRONNEMENTALE, CRISE SOCIALE Le changement climatique constitueen effet un problème complexe, qui,quoique de nature environnemen-tale, a des conséquences bien pluslarges, sur la pauvreté, le développe-ment économique, l’emploi, la démo-graphie, la santé, les droits des femmes,etc. La réponse à ce défi passe d’abordpar une réduction des émissions degaz à effet de serre (GES). En la matière,la situation est préoccupante, car seuls146 États sur 195 ont rendu publiqueleur contribution (représentant toutde même 87 % des émissions mon-diales). Ces contributions sont trèsdifférentes. Seules 80 % d’entre ellescontiennent des objectifs chiffrés.Mais, alors que selon un sondagemondial 73 % des personnes inter-rogées désirent que leur gouverne-ment agisse davantage pour limiterle changement climatique, force estde constater que le compte n’y estpas. En se basant sur les engagementspubliés, le GIEC a calculé que les émis-sions seront toujours trop impor-tantes et ne permettront pas de conte-nir le réchauffement à 2 °C commeannoncé. Les gouvernements conti-nuent de jouer avec l’avenir des popu-lations et de la planète.C’est pour éviter ce non-sens envi-ronnemental et social que des ONGet des syndicats se sont regroupésdans la coalition Climat 21 afin depeser sur les choix de la COP de Paris.

Les organisations associatives et syn-dicales revendiquent un autre modèlede développement, durable sur leplan environnemental, économique-ment soutenable et socialement juste.Le modèle ordo-libéral a montré seslimites. C’est bien ce système qu’ilfaut changer, et pas le climat. Changerde système nécessite de : transfor-mer l’industrie pour la rendre plussobre en énergie et moins polluante;s’adosser à des services publics extraitsdes enjeux des marchés ; repenser letravail, ses enjeux et sa finalité; repen-ser aussi la place des femmes et deshommes dans la société.

Les gouvernements doivent se défairedes pressions des entreprises quiportent la défense d’intérêts indivi-duels au détriment de l’intérêt géné-ral, qui protègent un système faussé,injuste et sans avenir. Il y a trenteans, pour 100 € de salaire, les entre-prises françaises versaient 7 € de dividendes; aujourd’hui, elles en ver-

sent 34, pratiquement cinq fois plus!Mais ces bénéfices croissants sontbasés sur un moins-disant tant sala-rial qu’environnemental : les délo-calisations dans les pays à bas salairessont aussi des délocalisations dansdes pays où les normes environne-mentales ne sont pas respectées, per-mettant de produire à moindre «coût».Cela sans compter le transport desmarchandises, qui n’inclut pas lecoût de la pollution au carbone.

VERS UN DÉVELOPPEMENTHUMAIN DURABLELa CGT revendique un nouveaumodèle de développement, avec unevisée sociale et environnementale.Un modèle au service des femmeset des hommes, et donc de leur éman-cipation; un modèle mettant en causele système économique mais aussiles modalités et finalités de produc-tion; un modèle permettant de conte-nir le réchauffement climatique, assu-rant l’adaptation des pays les plusvulnérables et garantissant les finan-cements pour ce faire.Tous les secteurs économiques devrontêtre concernés et se transformer. C’estdans les entreprises que devra s’opé-rer cette transition, notamment grâceà des investissements dans de nou-veaux emplois, dans la formation,dans la reconnaissance des qualifi-cations et de nouvelles compétences,à la protection des revenus. Il est ainsiindispensable de créer partout dansle monde des filières industrielles

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Progressistes JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015

TRANSITION ÉCOLOGIQUE, SERVICES PUBLICS ET SCOPL’engagement des salariés et des forces syndicales est déterminant pourmarier transition écologique et transformation progressiste de l’économie et de la production.

Les organisations associatives etsyndicales revendiquent un autre modèle dedéveloppement, durable sur le planenvironnemental, économiquement soutenableet socialement juste.“ “

Pendant qu’onfavorise le transportpar camion etautocar, 11000 kmde voies ferréessont menacés.

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promouvant l’emploi décent et laréduction des transports polluants.L’avis des travailleurs, hommes etfemmes, devra être entendu sur tousces sujets. La question de droits nou-veaux des salariés leur permettantde peser sur les choix stratégiquesde leurs entreprises reste incontour-nable si l’on cherche une finalité éco-nomique non basée sur la seule ren-tabilité financière. La production doit avoir pour fina-lité de répondre aux besoins humainstout en préservant la planète.

LE RÔLE MAJEUR DE L’ÉTAT ET DES SERVICES PUBLICS La place de l’État dans la prise encompte des enjeux écologiques estcertainement cruciale et incontour-nable. Seul l’État, via les lois maisaussi les services publics, peut avoirune action à la hauteur des enjeux.Il est donc impératif d’amener lesÉtats à établir des politiques publiquesqui permettent vraiment d’engagerune transition.Le premier enjeu est celui de la stra-tégie nationale pour atteindre lesengagements européens de réduc-tion de 40 % des émissions de GES.C’est là le rôle dévolu à l’État qui dis-pose d’un arsenal législatif et nor-matif. Ensuite, la question de la miseen œuvre doit se concevoir dans uneperspective d’intérêt général. Le sec-teur public en est le meilleur vecteurparce que bâti sur d’autres principesque la seule rentabilité financière,comme l’efficacité sociale ou l’éga-lité de traitement des citoyens par-tout sur le territoire. Ainsi, du fait deson indépendance face aux lois desmarchés, le service public est le mieuxadapté pour fournir des réponsescoordonnées, à l’opposé de cellesdes entreprises qui répondent à l’anar-chie spéculative du marché.Prenons l’exemple des transports.Comment réduire les trajets domi-cile-travail, et apporter ainsi une solu-tion aux problèmes de pollution oude santé ? Le marché libéralisé quenous connaissons montre son inca-pacité à y répondre. Une étude duCGDD (Commissariat général audéveloppement durable) montre ainsique les trajets domicile-travail repré-sentent 27 % des déplacements ; ellenote que la distance domicile-travaila augmenté de 2,7 km entre 1994

et 2008. Dans le même temps, l’uti-lisation des transports collectifs dimi-nuait pendant que l’utilisation d’unvéhicule personnel augmentait. Àcela deux raisons: le besoin de conser-ver un temps de transport à peu prèsconstant et l’absence de transporten commun. En fait, ce sont les popu-lations les moins argentées qui payentune double peine : les ouvriers habi-tent plus loin de leur lieu de travailet prennent majoritairement leur voi-ture; les cadres, eux, habitent en villeou à proximité de leur travail et uti-lisent les transports collectifs. Seull’État est aujourd’hui capable d’in-vestir massivement dans des infra-structures nouvelles permettant dedévelopper les transports ferrés pourles voyageurs et les marchandises.Bref, il est seul en mesure d’être à lahauteur des besoins.

Ainsi, répondre aux défis de la tran-sition juste de nos économies ne peutse concevoir sans des services publicsrépondant aux besoins des popula-tions, notamment le besoin d’unenvironnement de qualité. Pourtant,ce n’est le cas ni de la récente loi detransition énergétique, ni de la stra-tégie nationale bas carbone, ni de laloi Macron. En 2012, le Grenelle del’environnement avait déclaré d’uti-lité publique le fret ferroviaire et flu-vial ainsi que le cabotage, moins« émissifs ». À ce jour, cette déclara-tion n’a pas été suivie d’effet. Pisencore, le gouvernement actuel libé-ralise le transport par camions etautocars, ajoutant la pollution à lacasse du service public ferroviaire ;pendant ce temps, 11000 km de voiesferrées sont menacés pour cause demanque de rentabilité financière. Ledéploiement de voitures électriquesn’inversera pas le cours des choses,et il serait d’autant plus difficile àréaliser qu’il nécessiterait une aug-mentation de la production élec-trique incohérente avec l’engage-ment de la loi de transition énergétiquede François Hollande de ramener la

part du nucléaire dans le mix éner-gétique à 50 % d’ici à 2025. Engagerla France dans une transition éco-logique ne peut se construire uni-quement sur des discours. Le gou-vernement doit se donner les moyensde passer du dire au faire !

LES SALARIÉS PORTEURS DE SOLUTIONS POUR UNE TRANSITION JUSTEAu-delà des services publics, les nou-velles formes d’entreprises, commeles sociétés coopératives et participa-tives (Scop), permettent de concilierdes objectifs sociaux et environne-mentaux. Ainsi, la lutte des salariésde Fralib à Gémenos, près de Marseille,a permis de sauver une activité queUnilever voulait supprimer ; les ex-Fralib ont ainsi repris l’appareil pro-ductif au sein d’une Scop – la Scop-Ti –, relancé la production de thé etinfusions sous la marque 1336, et trans-formé le modèle économique désas-treux en un modèle durable. Pourmémoire: Unilever achetait le tilleulen Amérique latine, le transformait àHambourg, l’empaquetait à Katowice,puis le réexpédiait par camions enFrance…; aujourd’hui, il est acheté àdes producteurs de la Drôme. En créantdes emplois stables et en favorisantles circuits courts, la Scop-Ti a réduitsingulièrement l’empreinte carbonedes tisanes offertes à la consomma-tion! Autre exemple, celui des ex-Pilpacréant en 2015, après deux années delutte, la Scop La Belle Aude. Dans cecas aussi, le modèle économique aété radicalement transformé, privilé-giant des circuits courts et durables:les crèmes glacées sont désormaisfabriquées avec des fruits cultivés dansla région, sans arôme artificiel ni colo-rant, loin du modèle de rémunéra-tion du capital prôné par les fonds depension états-uniens. Ces exemplesmontrent l’intérêt social et environ-nemental de soutenir des chaînesd’approvisionnement courtes et dura-bles, et des modèles économiquessortant du diktat des actionnaires.Ils mettent en perspective, à leuréchelle, d’autres modèles visant l’in-térêt de tous. n

*FABIENNE CRU-MONTBLANC est mem-bre de la direction confédérale de la CGT, encharge du développement humain et durable.

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Ainsi, répondre aux défis de la transitionjuste de nos économies ne peut se concevoirsans des services publics répondant auxbesoins des populations, notamment le besoind’un environnement de qualité. “ “

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n TREIZE ANS D’ANCIENNETÉ ET… À LA PORTEPSA vient de licencier un ouvrier qui travaillaitdepuis treize ans à l’usine de Valenciennes. Motif :il aurait pris dans une poubelle un joint en plas-tique pour réparer son chauffage.Coût de la pièce selon la CGT : 5 €. Chiffre d’affaires de PSA : 54 milliards d’€. Bénéfices de PSA en 2014 : 435 millions d’€.

n LES CHATS VIRTUELS SUR INTERNETPOLLUENTLes centres de stockage des données des Google,Facebook ou Amazon, Twitter ou Netflix consom-ment avec Internet 2 % de l’électricité mondiale,et ça ne peut que croître avec la vague (le tsu-nami) annoncé des objets connectés, ce qui neva pas sans provoquer des problèmes environ-nementaux. Une recherche sur Google émet 0,2 gde CO2 ; multiplié par 3,3 milliards, qui est lenombre de requêtes par jour, ça fait 660 t de CO2par jour. Le problème n’est plus marginal.

Regarder dix minutes de vidéo de chat tel GrumpyCat sur Youtube représente 1 g de CO2, qu’il fautmultiplier par plusieurs millions d’utilisateurs.L’étude ne dit pas par contre ce que coûtent encarbone les vidéos pornographiques, sûrementplus regardées que celles de chats. Il y a sansdoute là beaucoup à faire pour le climat et aussipour la vision qu’elles véhiculent des relationsentre êtres humains.

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Afrique du Sud : un mégacontrat de 40 milliards d’€ dans le nucléaire civil

Depuis un an, l’Afrique du Sud connaîtdes coupures de courant à répétitionet craint le retour du grand black-outde 2008. Face à cela, Jacob Zuma etson homologue congolais ont réaf-firmé, mi-octobre, leur volonté d’ac-célérer le développement des barragesd’Inga, sur le fleuve Congo, d’une capa-cité théorique gigantesque de40 000 MW. En 2013, Pretoria s’était

déjà engagée à acheter 2 500 des 4 800 MW du barrage Inga 3 basse chute, dontles travaux doivent démarrer en 2017.Mais cela ne suffira pas à satisfaire les besoins énergétiques sud-africains, etle pays – qui abrite déjà près du Cap la seule centrale nucléaire du continent,de conception française – souhaite construire 6 à 8 nouveaux réacteurs nucléaires,pour une puissance de 9 600 MW. Les constructeurs de cinq pays – France,États-Unis, Russie, Chine et Corée du Sud – ont rendu en septembre leur copiepour ce qui s’annonce comme un mégacontrat à plus de 40 milliards d’euros.Malgré l’expérience française, la Russie et la Chine semblent en tête de la com-pétition. La première a signé en juillet avec l’Afrique du Sud un protocole d’ac-cord sur la formation de spécialistes dans le domaine du nucléaire, et sa tech-nologie est éprouvée et peu coûteuse. Quant à Pékin, premier partenairecommercial de Pretoria, son nouveau réacteur de 3e génération, Hualong One,vendu à l’Argentine en février 2015 et que la Chine espère aussi vendre au Kenya,se veut particulièrement adapté aux pays en développement. Surtout, la pro-position chinoise devrait bénéficier non des facilités de financement que laChine apporte régulièrement aux pays en développement dans lesquels elleintervient ainsi que de temps de construction plus courts que ceux de sesconcurrents. Un argument qui pourrait peser lourd alors que le pays doit faireévoluer au plus vite un réseau électrique en crise, inefficace et polluant, dépen-dant à 90 % du charbon. n

À 45 dollars le baril, il n’y aura pas de pétrole Arctique à nos pompes Fin septembre, Shell a annoncé l’arrêt de ses activités en Arctique. Une annoncesymbolique mais pas isolée, puisque Total, Rosneft et Exxon Mobil s’y sont déjàcassé les dents. Certes, d’autres, comme Gazprom, Statoil et Engie (ex-GDF-Suez), exploitent déjà quelques champs pétroliers et gaziers, mais on est bienloin de l’engouement pour l’Arctique d’il y a quelques années, quand les réservesarctiques étaient estimées à 30 % des réserves mondiales non découvertes degaz et que les permis d’exploration se sont multipliés. À l’origine de ces revers,des conditions climatiques très dures, la pression des associations écologistespour protéger des écosystèmes très fragiles, mais aussi et surtout la politiquede prix bas menée depuis 2014 par les pays de l’OPEP pour contrer l’essor desgaz de schiste. Où l’on constate une fois de plus que les logiques financièressont incapables de prendre sérieusement en compte le temps long. n

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BAISSE DU TEMPS DE TRAVAIL OU BAISSE DU TEMPS DE TRAVAIL ?En Suède, deux expériences donnent à réfléchirsur la question de la baisse du temps de travail.Sous l’impulsion du Parti de gauche (l’ex- Particommuniste de Suède), la première expériencemenée par la municipalité de Göteborg, centréesur le service de soins aux personnes âgées,consiste à comparer le travail de deux groupesd’agents : l’un (groupe A) travaillant30 heures/semaine, l’autre (groupe B) travail-lant 40 heures/semaine. Après quelques mois,les résultats sont les suivants : 1o les salariés dugroupe A sont moins fatigués et l’absentéismebaisse ; ils donnent également plus de sens àleur travail, qui gagne ainsi en qualité ; 2o la mai-rie a recruté 14 nouveaux agents.

Deuxième expérience, l’usine Toyota de Göteborga également adopté la journée de 6 heures depuismaintenant treize ans. Aurions-nous trouvé là unpatronat avant-gardiste et progressiste ? Pas vrai-ment. Car si les journées font 6 heures en moyenne,sans recrutement supplémentaire les salariés tra-vaillent sans pause et avec une pression à la pro-ductivité : il faut faire 8 heures en 6 heures(+ 25 %). De son côté, la direction y gagne avecdes machines qui tournent à plein régime : lesprofits ont progressé de 25 %.

Avec l’accroissement de la vitesse du cycle de lamarchandise (production-vente), la baisse dutemps de travail est une nécessité historique pourle capitalisme, n’en déplaise aux réactionnaireslibéraux. La question est donc la suivante : cettebaisse du travail sera-t-elle subie (temps partiels,alternance entre emploi et chômage, flexibilité,intensification et densification du temps de tra-vail…) ou sera-t-elle progressiste et émancipa-trice ? En attendant, la municipalité de Göteborgest passée à droite et la majorité municipale adécidé de mettre fin à la semaine de 30 heures.

S’ils n’ont pas de trains, qu’ils semangent la route en cars ! La libéralisation des transports, issue de la loi Macron, se traduit par une valsedes prix de la part des autocaristes. De 1 à 12 €, la concurrence tourne à pleinrégime. De telles offres de la SNCF avec sa filiale OuiBus (ex-IDbus) concur-rencent désormais… les trains SNCF !La déconnexion se fait à toutes les échelles de normes : coût réel du voyage,confort, temps de trajet… Cet habillage du marché des autocars se fait en dés-habillant le transport de voyageurs par train, synonyme, lui, de modernité, deprogrès et de services aux citoyens.Mais surtout les TER roulent au trois-quarts grâce à l’investissement des régions.C’est donc un coup porté aux régions, qui partagent avec la SNCF les bénéficesmais surtout les déficits des lignes TER.En prétendant rendre le transport « accessible à tous » et travailler à la « mul-timodalité », la loi Macron et la SNCF s’attachent surtout à abandonner lesvaleurs de service public de la SNCF pour offrir de nouveaux marchés à un sys-tème à bout de souffle. Et encore, on ne parle pas de l’idiote environnemen-tale de faire rouler des autocars à la place de TER ! n

Une chercheuse française au nouveau bureau du GIEC Le mercredi 7 octobre, au lendemainde la nomination du Sud-CoréenHoesung Lee à la présidence du GIEC,la Française Valérie Masson-Delmotte,chercheuse en sciences du climat, a étéélue coprésidente du groupe no1, lequelporte sur la connaissance du climat. « Avec la coprésidence d’un groupe de tra-vail, ce sera la première fois que la France prend en charge une responsabilité deniveau aussi élevé dans le GIEC », a souligné Najat Vallaud-Belkacem, ministrede l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, dansun communiqué.« Je suis très contente du bureau et des vice-présidents élus, il y a une complé-mentarité scientifique et une meilleure représentation des femmes », a confié àÉnerpresse Mme Masson-Delmotte, directrice de recherche du laboratoire dessciences du climat et de l’environnement de Saclay (Essonne). Au sein du GIEC,« je pense qu’il faudra davantage travailler sur les produits de synthèse pour lesdifférents utilisateurs de ces connaissances, et mieux articuler le travail avec legroupe 2 : atténuation, sciences du climat, et impact, adaptation et vulnérabi-lité. La qualité des rapports dépendra au premier lieu de la qualité du travaildes scientifiques qui en seront les auteurs bénévoles et les relecteurs, a-t-elledéclaré. L’un des défis pour le groupe 1 sera d’augmenter la participation d’ex-cellents scientifiques des pays en développement, pour une meilleure évolutiondes connaissances. » n

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n UNE NOUVELLE ARME POUR LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS HOMMES-FEMMESLe défenseur des droits vient de publier uneenquête sur l’égalité hommes-femmes. Ces der-nières sont davantage sujettes à des discrimina-tions liées à l’accès à l’emploi. C’est 80 % des

femmes qui jugent que le fait d’être enceinte estun « inconvénient majeur ». Entre intériorisationdu « risque » pour les femmes enceintes (ou dési-rant avoir un enfant) et préjugés des employeurs,le tableau est bien triste. C’est pourquoi le 2 juil-let 2015 un outil pratique permettant de consti-tuer un dossier et d’apporter des éléments juri-diques nécessaires a été créé. Le but est d’analyserles conditions de rupture du contrat de travail pourdétecter la preuve d’une rupture discriminatoire.Depuis l’été, l’institution a constaté une augmen-tation des saisines sur les discriminations liées àla grossesse. Preuve que,informés et bien armés,les travailleurs se défendent.

n NOUVELLE PREUVE DE DOUTEAUTOUR DU CICEDans son dernier « état de la France », le Conseiléconomique, social et environnemental (CESE)dresse un portrait bien sombre de la politique gou-vernementale en matière d’économie et de luttepour l’emploi. Le Conseil dresse un diagnosticlimpide sur le CICE : un cadeau fiscal mal ficeléet qui « n’aurait pour effet que de sauver desemplois dans un premier temps et ne favorise-rait pas nécessairement les créations d’emplois ».Au-delà de cette erreur court-termiste, le CESE pointeaussi la légèreté du dialogue social. C’est 25 %des entreprises ayant bénéficié du dispositif quin’ont pas consulté les syndicats. Pis, l’immensemajorité des entreprises bénéficiaires ont effectuédes consultations purement informatives sur le mon-tant du CICE, en éludant la question de son utili-sation. Le combat pour la représentation syndicaleet l’accès à l’information reste primordial.

Progressistes JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015

Temps de travail : un référendum en trompe l’œil Beaucoup de médias se sont fait l’écho du « référendum » qui s’est tenu le 11 sep-tembre 2015 à l’usine automobile Smart (groupe Daimler) de Hambach, enMoselle. Ce jour-là en effet une majorité des salariés (56 %) a approuvé la pro-position de la direction visant à réaugmenter provisoirement le temps de tra-vail de 35 à 39 heures, avec en contrepartie une augmentation de 120 € et la pro-

messe, très floue, dumaintien de l’emploijusqu’en 2020. S’agit-il là de la preuved’une adhésion dessalariés au fameux« travailler plus pourgagner plus » et auculte de la compétiti-vité ? C’est en réalitéloin d’être le cas.Presque tous les syn-dicats, CGT et CFDTen tête, se sont élevés

contre une consultation dénoncée comme une mascarade totalement injusti-fiée : l’usine de Hambach n’est pas en difficulté et ne souffre pas de problèmeparticulier de compétitivité. Ses dirigeants semblent avoir voulu se faire bienvoir de la direction du groupe Daimler. Le vote globalement positif occulte parailleurs les fortes divisions entre les salariés : si une majorité des cadres et desemployés, payés au forfait, a voté pour la proposition, une majorité d’ouvrierspostés, celle qui subit le plus les effets de l’augmentation prévue du temps detravail, a voté contre.Inutiles sur le plan économique, cette consultation et cette régression socialen’ont fait qu’accroître les divisions au sein de la communauté de travail. Le réfé-rendum tant vanté par certains médias apparaît en fait comme un contresensadossé à la seule recherche du profit ! n

Médicaments : entre indignationsélective et indécence ordinaireLe prix du Daraprim vient d’être rehaussé de 5 400 %. De quoi renforcer la pro-fitabilité de Turing Pharmaceutical, heureux propriétaire des droits de cet anti-parasitaire sur le marché depuis soixante-deux ans, toujours utilisé contre lesco-infections du sida… Peu avant, le prix de la Cycloserine, un médicament

contre la tuberculose multirésis-tante aux antibiotiques, avaitbondi de 2000 %. En période préé-lectorale, l’affaire Daraprim a sus-cité l’indignation de Hilary Clinton,qui a menacé, si elle était élue,d’agir pour une baisse des prixdes médicaments.Selon une étude britannique, lesanticancéreux Tarceva et Glivec,propriété des laboratoires suissesRoche et Novartis, coûteraient100 à 200 € euros à produire, par

an et par malade. Or le prix de vente approche les environ 30 000 €, et jusqu’à100 000 dollars aux États-Unis, où les organismes publics ont l’ubuesque inter-diction de négocier les prix.Comme toujours, l’industrie pharmaceutique justifie sa marge bénéficiaire parles besoins de financement de la recherche. Sauf que moins de 15 % de ses béné-fices y sont consacrés, deux fois moins par exemple que ses dépenses de mar-keting… n

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La France en communComité national du projet

Revue du Projet N°51novembre 2015

Documents téléchargeables sur le site PCF, pour la versionpapier (payante) téléphonez au 01 40 40 11 59 ou écri-vez à : [email protected]

CONTRIBUTION AU DÉBAT

Dramatique résistance des croyancesface à la scienceLa rougeole demeure en Allemagne. Un lycée a même été obligé de fermer aprèsplusieurs cas de rougeole recensés. Un enfant d’un an et demi est décédé en ce

début d’année. Cette résurgence s’ex-plique malheureusement non pas parune résistance de la maladie mais parune résistance à la vaccination. ÀBerlin, le taux de vaccination contrela rougeole est de 60 %, ce qui alarmebien plus les autorités que les parents.Alors que ces derniers, notammentdans les classes moyennes, ont encoreen tête les croyances à un diabétismeou à un autisme lié à la vaccination,

les autorités sont, elles, furieuses. Car celui qui ne veut pas vacciner son enfantle met en danger, et par là met en danger les autres enfants également. Quandla méfiance tourne à l’inconscience… n

Volkswagen, exemple d’énormesmagouilles des normes !

Mais comment en sont-ils arrivés là ? La cupid-ité, comme toujours… Quand, en 2005,Volkswagen décida de pénétrer le marché améri-cain avec un moteur Diesel, il lui fallut s’adapteraux normes états-uniennes en la matière, plusstrictes qu’en Europe. Or les cylindrées moyennesde la marque émettent beaucoup d’oxydes d’a-zote (NOx), émissions contrôlées par ces normes. Après avoir réfléchi avec suc-cès à un prototype de moteur Diesel « propre » – la technologie dite SCR du pro-totype, déjà utilisée sur d’autres moteurs, neutralise 80 % des émissions de NOx

–, la direction juge que le dispositif développé revient trop cher : 300 € parvéhicule. Elle décide alors de contourner les normes, donc de frauder, en util-isant le fameux logiciel fourni par Bosch (il viendra le temps de les interrogerles responsables de la marque, eux aussi !).Derrière le tour de passe-passe, deux constats émergent. D’une part, dans le champdes dizaines de milliers de normes, les experts « indépendants » forment trop sou-vent des groupes spécialisés dont beaucoup travaillent aussi pour des industriels :le conflit d’intérêts est vite au rendez-vous. D’autre part, c’est une recherche uni-versitaire qui a permis de déceler l’arnaque. Face aux ergoteries d’un capitalismepeu soucieux de l’environnement, vive la recherche universitaire publique indépen-dante, le contrôle des stratégies et des processus de production ! Et nous ne lerépéterons jamais assez, car, entre les chevaux des moteurs bidouillés et les chevauxdu scandale des lasagnes, les industriels peu soucieux des normes nous prouventleur maîtrise toute relative de leurs sujets (équestres !). n

Travailler moins pour travailler tousLa réforme des 35 heures reste « la politique la plus efficace et la moins coûteusedepuis les années 1970 », comme le rappelle rapport Romagnan. Pour s’enconvaincre, il suffit de comparer les résultats de cette réforme avec la mise enplace du CICE. D’un côté, une réforme qui aura coûté 2,5 Md€ [13 Md€ (baissede cotisation) – 11,5 Mds€ (cotisation sociales nouvelles + baisse d’indemnisa-tion chômage)] et crée près de 350 000 emplois (DARES). De l’autre côté, le CICEdevant créer1 million d’emplois avec les résultats suivants : 497 500 chômeursde plus entre janvier 2014 et août 2015 (INSEE) pour un coût cumulé de la mesureestimé à 18,4 Md€ entre 2014 et 2015. n

La Revue du projet (hors série)«Convention industrie du PCF»

Pour une transition énergétique réussie

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n DU DANGER DES SELFIESD’après le site Mashable, au cours de l’année 12personnes sont mortes smartphone en main entrain de s’autophotographier, contre 8 tuées pardes requins, dont aucune n’avait de smartphoneen main.D’aucuns veulent en conclure que les téléphonesportables sont plus dangereux que les requins,mais il y a fort à parier que ceux qui pensent çan’ont pas pris en compte les requins de la financeni tous les drames qu’ils génèrent…

n LE TOURISME DÉVASTATEURAu Costa Rica , la ponte des tortues de mer oli-vâtres menacées d’extinction a été victime d’unvrai désastre causé par la mode des autoportraits(selfies). Le cruel manque de pluies ayant assé-ché les cours d’eau qui habituellement barrentl’accès à la plage de la réserve naturelle d’Ostional,une horde de touristes amenés par des tours-opé-rateurs irresponsables, avides de nouveauté (etde profits faciles) est venue se pavaner et se pho-tographier au milieu des tortues venant pondre.Celles-ci, apeurées, s’en sont allées et la nidifi-cation n’a pu avoir lieu, créant ainsi un tort consi-dérable à l’espèce.

Le biologiste Éric Karsenti récompensépar la médaille d’or du CNRSPour sa 61e édition, la médaille d’or du CNRS a été remise au biologiste ÉricKarsenti. Cette distinction récompense, depuis 1954, une personnalité scien-tifique ayant contribué au rayonnement de la recherche scientifique. ÉricKarsenti a contribué à des découvertes majeures sur la régulation cellulaire.Ont été mis à l’honneur ses travaux réalisés au sein de l’expédition Tara Oceans,visant à cartographier la biodiversité. Les résultats ont largement contribué àl’approfondissement des connaissances sur la biodiversité, des recherchesnécessaires pour la préservation des espèces. n

Homo naledi, une nouvelle espècedécouverte?C’est une découverte qui pourrait s’avérer essentielle. Une nouvelle espèce dugenre Homo, baptisée Homo naledi, a été identifiée dans une grotte à RisingStar, à environ 500 km de Johannesburg, en Afrique du Sud, par une équipe del’université de Witwatersrand menée par Lee Berger. Cette espèce n’est pasencore datée, mais d’après les premiers éléments ses caractères primitifs mon-trent qu’elle pourrait remonter aux origines du genre Homo. Quinze squelettes

quasi complets d’en-fants et d’adultes ontpu être identifiés. Lesossements des piedsmontrent que cetteespèce était bipède, etles mains possédantdes doigts courbésmontrent une forteadaptation à la viearboricole, ce qui rap-proche cette espècedes plus anciens mem-bres de Homo habilis,

vivant il y a environ 2,5 millions d’années. La découverte de cette grotte per-met d’envisager aussi leurs coutumes. Les individus retrouvés pourraient yavoir été déposés selon un rituel funéraire. Un comportement qui n’a pourl’instant jamais été identifié pour des espèces si éloignées dans le temps, lespremiers comportements de ce type ayant été identifiés chez Homo heidelber-gensis, en Espagne actuelle, et remonteraient à plus de 400 000 ans. n

Vieillir en bonne santé : un objectifmondial selon l’OMSSelon un rapport de l’OMS, pour la première fois dans l’histoire la majorité despersonnes dans le monde peut espérer vivre au-delà de 60 ans. Mais vivre plusâgé ne signifie pas nécessairement vivre en bonne santé. Si la tendance à l’aug-mentation de l’espérance de vie est généralisée, les disparités entre les paysrestent fortes. L’OMS appelle à une transformation des systèmes sanitaires,notamment pour limiter l’inflation des coûts de santé liés aux besoins crois-sants. « Vieillir en bonne santé », objectif de l’OMS, voilà de quoi poser à l’heurede l’examen de la loi Santé de Marisol Touraine, la question de l’accès aux soinset de leur coût, enjeux majeurs tout au long de la vie. n

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Vérités et mensonges sur la SNCF

Documentaire (56 min).Réal. : GillesBalbastre ; prod. :Comité d’établisse-ment régional SNCFNord-Pas-de-Calaiset Émergences.À l’heure où laFrance prépare la

COP21 avec com me seul mot d’ordre lalutte contre le réchauffement climatique,la casse du service public du transport fer-roviaire se poursuit. Sous couvert de « moder-nisation », le gouvernement n’hésite pas àse lancer dans la course à la libéralisationvoulue par l’Union européenne, en ouvrantà la concurrence un secteur pourtant indis-pensable à l’aménagement du territoire.Depuis la réforme de 1997, la situation necesse de se dégrader : réductions de trains,suppressions de lignes jugées non renta-bles, culpabilisation des salariés, multipli-cation des accidents, augmentation desarrêts de travail et des maladies profession-nelles, pressions de la part de la directionsont liées à la logique de rentabilité à laquellese prête le P-DG de la SNCF. Mais faire deséconomies pour baisser les coûts engen-drés par un service public entraîne forcé-ment un risque pour la sûreté et la sécu-rité des usagers et des personnels. n_____________

La Face cachée du « low cost»Documentaire CGT (46 min).

Vous pensez aimer le low cost, mais savez-vous quel est le vrai coût du bas prix ?Diffusée par Options, le journal de l’UGICT-CGT, cette enquête exclusive d’Enrico Porsiadécortique le modèle économique de lacompagnie « à bas coût » Ryanair et metau jour son chantage aux subventionspubliques déguisées.On y découvre comment Ryanair exerceune pression permanente sur des collec-

tivités territoriales et passe outre le Codedu travail, sur fond de directive Bolkesteinet de distorsion de concurrence. nÀ visionner sur http://www.verite-lowcost.com_____________

Le Monde merveilleux du GPSAuteur-réal. : Franck Cuvelier.Documentaire (57 min)

Le GPS, géolocalisation (et guidage donc)par satellite, est historiquement contrôlépar l’armée états-unienne. Mais Beidou, leGPS chinois, est déjà opérationnel et pourGalileo, le système européen, c’est immi-nent. Les applications militaires, socialeset économiques sont immenses. Aujourd’hui,toute notre société est dépendante d’unsystème qui a à peine vingt ans… Ce doc-umentaire aborde tous ces aspects, en plusde l’enjeu autour des libertés individuelles:le GPS rend possible l’espionnage de tousnos déplacements et ainsi la réalisationd’un profil de nos modes de vie, goûts ethabitudes de consommation. n_____________

Nucléaire, la grande explicationDocumentaire (75 min).Réal. : Jean-Charles Deniau et Yves de Saint Jacob. Prod. JEM Productions,avec la participation de France Télévisions, CNCet Procirep-Angoa.

Plus de 50 personnes sont interviewées àégalité de parole suivant les points de vue :pro- et antinucléaire. Ce qui est remar-quable ici, c’est la place accordée aux « pro- »

ou plutôt à ceux qui pensent que le nucléairecivil est la moins mauvaise solution disponibleaujourd’hui. C’est assez rare dans les médias,au point que les arguments qui plaidentpour le maintien du nucléaire (civil) sontsouvent inaudibles, donc méconnus. Détailde psychologie, le fait d’être conscient d’unemise à égalité des opinions dans le docu-mentaire oblige visiblement les antinu-cléaires à avoir des propos plus nuancésque de coutume – pas de propos excessifscomme sur Internet ni de déclarations offi-cielles d’associations où le nucléaire estqualifié de « crime contre l’humanité ». Cedocumentaire prouve que le débat mesuréest possible sur ce sujet. Aux citoyens main-tenant de se faire une opinion. n

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Nanotechnologies : une révolution invisibleDocumentaire en 3 volets :L’Homme amélioré ? 2011 (52 min) ;Le meilleur des mondes. 2011 (50 min) ;Pour une planète plus verte ? 2011 (50 min).

Une trilogie de haut niveau toujours d’ac-tualité. Le meilleur de ce que peut produireArte: propos juste et précis, montrant toutesles potentialités d’une technologie, et aussiles risques qu’elle comporte et les interro-gations qu’elle suscite. Et le titre est juste,il s’agit bien là d’une révolution, tant lesruptures sont multiples et les applicationsinnombrables ; et invisible par la taille desoutils et des interventions comme par lefait que nous ne sommes pas vraiment con-scients de la portée de cette technologie.Un beau travail de mise en scène qui faitle pari de l’intelligence du spectateur, avecun rythme bien dosé et des idées qui sontpatiemment amenées, sans caricature. n

VIDÉOS

Tous ces documentaires et films sont disponibles en VOD (payant), en DVD, et pour certainsen libre accès (sous réserve de films libres de droits) par une simple recherche internet.

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Tous les n° sont téléchargeables sur Le blog ! revue-progressistes.org et sur revueprogressistes

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SCIENCE ET TECHNOLOGIE40

PAR AXEL KAHN*,

homme moderne sem-ble avoir colonisé peu àpeu la planète à partir

d’un petit groupe qui a com-mencé de quitter l’Afrique il ya moins d’une centaine de mil-liers d’années. Ces hommes,établis en différentes régionsdu globe, ont parfois été confron-tés à des populations auto -chtones antérieures (par exem-ple les néandertaliens en Europe).Localement, ils se sont, au coursdu temps, plus ou moins diffé-rencié les uns des autres, for-mant des groupes physique-ment reconnaissables, desethnies… on devait dire, un jour,« des races ».

LES FONDEMENTS DU RACISMERace et racisme sont deux motsde même origine. On appelle« race » l’ensemble des indivi-dus d’une même espèce quisont réunis par des caractèrescommuns héréditaires. Leracisme est la théorie de la hié-rarchie des races humaines,théorie qui établit en généralla nécessité de préserver lapureté d’une race supérieurede tout croisement, et quiconclut à son droit de domi-ner les autres.Si on s’en tient à ces définitions,tout semble clair et facile. Puisquele racisme est défini par les races,il suffit de démontrer que lesraces n’existent pas pour ôtertoute substance au racisme.Cependant, les choses sont loind’être aussi simples. En effet, le racisme s’est structuré enidéologie à partir de la fin duXVIIIe siècle, c’est-à-dire, pourparaphraser Georges Canguil -hem, en une croyance lorgnantdu côté d’une science pour s’en

arroger le prestige. Le racismepossède un fondement qui n’estpas issu des progrès de la bio-logie. Tout débute par des pré-jugés, et lorsque le racisme auraété débarrassé de ses oripeauxscientifiques on peut craindreque ceux-ci ne persistent. Or ils sont autrement difficiles àcombattre.Les races humaines n’existent

pas, au sens que l’on donne aumot « race » lorsque l’on parlede races animales. Un épagneulbreton et un berger allemandappartiennent, par exemple, àdeux races différentes qui obéis-sent peu ou prou aux mêmes

caractéristiques, à l’instar desvariétés végétales : distinction,homogénéité, stabilité. En l’ab-sence de croisement entre cesraces, les similitudes intrara-ciales l’emportent de loin surles ressemblances entre deuxindividus de races différentes.Rien de tout cela ne s’appliqueaux populations humaines. Ainsi,on constate du nord au sud une

augmentation continue de lapigmentation cutanée : les peauxtrès blanches en Scandinaviefoncent graduellement pour enarriver à la couleur la plus som-bre en zones équatoriales etsubéquatoriales.

Certains ont proposé que lasélection des peaux claires dansles régions les moins ensoleil-lées ait permis d’améliorer lasynthèse cutanée de la vita-mine D, facteur antirachitiqueessentiel, normalement stimu-lée par la lumière. À l’inverse,la richesse cutanée en méla-nine a été sélectionnée dans lespays soumis à l’ardeur du soleilcar elle protège des brûlures etdes cancers cutanés.

CE QUI EST RACISTE ET CE QUI NE L’EST PASUn préjugé raciste peut êtredéfini comme la tendance àattribuer un ensemble de carac-téristiques péjoratives, trans-mises héréditairement, à ungroupe d’individus. Des affir-mations telles que « tous les Juifssont avares, tous les Irlandaissont violents, tous les Corsessont paresseux » sont des exem-ples typiques d’affirmationsracistes. En revanche, toute indi-cation d’une différence phy-sique, physiologique entre popu-lations n’a évidemment rien deraciste : dire que les Suédoissont plus grands que les Pygméesou que les Africains noirs pour-raient avoir des dons particu-liers pour la course à pied sontdes remarques dénuées de touteconnotation négative et quireflètent la réelle diversitéhumaine. Il se trouve parfoisdans la presse des discours irré-fléchis où est taxée de racisteune étude notant que le chiffrenormal des globules rouges etla durée de la grossesse sontlégèrement différents entre despopulations d’origine africaineet, par exemple, européenne.Ces paramètres ne préjugeanten rien des capacités les plusspécifiquement humaines, del’ordre de la créativité et de la

n ÉTHIQUE

Revenir aux fondements des idées racistes : mieux les comprendre pour mieux les com-battre. Axel Kahn nous aide à poser un regard historique et scientifique sur le racisme.

Races et racisme

Décembre 1492, Christophe Colomb débarque à Hispaniola (Haïti). C’est le début d’une catastrophe pour le continent américain, dont la population passera, en l’espace de 80 ans, de 80 millionsd’habitants à 8 millions. (Gravure de Théodore de Bry, XVle siècle.)

Depuis le Moyen Âge et jusqu’au XVIIIe siècle, entre lanaissance de l’antisémitisme chrétien, la conquête del’Amérique et la traite des esclaves noirs, ce sont donctous les ingrédients du racisme qui se mettent en place,tous ses crimes qui commencent d’être perpétrés.

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dignité, leur étude ne peut d’au-cune manière être diaboliséecomme étant d’essence raciste.

HISTOIRE DU RACISMEDes discours racistes apparais-sent dès l’Antiquité, y comprischez Aristote. Ce dernier éta-blit des différences intrinsèquesde comportement et de quali-tés entre les peuples ; selon lui,les Européens sont courageuxmais un peu sots, les Asiatiquestrès intelligents mais manquentde courage, et les Hellènes, pla-cés géographiquement au milieu,combinent les avantages desuns et des autres : ils sont intel-ligents et courageux. Le philo-sophe ajoute que les esclavessont des « choses animées », etil introduit la notion d’esclavespar nature. Cependant, et làréside l’ambiguïté qui empêche

de ranger définitivement lesGrecs dans le camp des proto-racistes, les esclaves peuvent êtreaffranchis… et accèdent alorsde plein droit à l’humanité.À Rome, le discours change.Cicéron écrit : « Il n’est de racequi, guidée par la raison, nepuisse parvenir à la vertu. » Dansla foulée de l’impérialismeromain, les premiers siècles dela chrétienté sont exempts deracisme, car s’y trouvent com-binés l’universalisme du mes-sianisme chrétien s’exprimantdans la parole de saint Paul etle souvenir de l’Empire romain,creuset de peuples et d’ethniesdifférents.Dans l’Occident chrétien, leracisme réapparaît et se déve-loppe plusieurs siècles avantl’apparition du concept scien-tifique de race, à partir de l’an1000, autour des cristallisationsreligieuses, l’anti-islamisme et,surtout, l’antijudaïsme. Au XIIe siè-

cle, en pleine querelle desInvestitures, Anaclet II, l’anti-pape élu, a un ancêtre juif. Lacampagne virulente du campromain contre cet antipape s’ap-puie sur ses origines « mau-dites » souillant tout son lignage.L’antijudaïsme virulent de SaintLouis flirte avec l’antisémitisme.Dans l’Espagne chrétienne, c’estun antisémitisme cette fois struc-turé qui se manifeste, puisqueles juifs convertis sont interditsd’accès aux fonctions publiques,au métier des armes, etc. Il estdécrété que ces individus doi-vent être écartés parce que l’in-famie de leur père les accom-pagnera toujours. La notiond’hérédité d’une infériorité, d’unopprobre, qui constitue unebase essentielle du racisme, estdonc ici manifeste.C’est dans ce contexte que prend

place un épisode décisif, sou-vent présenté comme un suc-cès de la civilisation alors qu’ils’agit d’un drame effroyable : ladécouverte de l’Amérique parChristophe Colomb. À cetteoccasion s’accomplit l’un despremiers génocides de l’histoiredu monde. En 1492, ChristopheColomb débarque à Hispaniola(Haïti, Saint-Domingue), uneîle alors peuplée de 3 millionsde Taïnos. Trois ans après, il nereste déjà plus que 1 milliond’Indiens ; soixante ans après,ils ne seront plus que 200, quidisparaîtront rapidement.Tous les ingrédients du racismetel qu’il s’est manifesté depuis,y compris dans les universconcentrationnaires, sont iciréunis. Les Indiens sont par-qués et mis au travail forcé, lesenfants sont tués, les femmesenceintes sont éventrées. Danscette misère extrême, les femmesn’ont plus d’enfants, voire, pour

échapper à leur malheur, se sui-cident en masse.À partir de 1519, d’âpres dé - bats théologiques opposentBartolomé de Las Casas, qui estentre-temps devenu domini-cain, à différents autres ecclé-siastiques. La confrontation laplus connue est la controversede Valladolid, en 1550, qui abou-tit à la conclusion, acquise dejustesse, que les Indiens ne sontpas de nature différente desautres hommes. On continuemalgré tout à les massacrer, etl’Amérique, qui comptait 80 mil-lions d’aborigènes aux tempsprécolombiens, n’a plus que8 millions d’habitants quatre-vingts ans après sa « décou-verte » par Christophe Colomb.Par la suite, les Indiens ayantété massacrés et décimés, sepose le problème de la main-d’œuvre dans les colonies amé-ricaines. Cette question devientcruciale lorsque s’y développela culture de la canne à sucre,conduisant le Portugal, puis laFrance et l’Angleterre, à déve-lopper le commerce trilatéralet la traite des Noirs.Depuis le Moyen Âge et jusqu’auXVIIIe siècle, entre la naissancede l’antisémitisme chrétien, laconquête de l’Amérique et latraite des esclaves noirs, ce sontdonc tous les ingrédients duracisme qui se mettent en place,tous ses crimes qui commen-cent d’être perpétrés.

L’IDÉOLOGIE RACISTELe concept scientifique de racen’apparaît qu’au XVIIIe siècle. Ilest perceptible sous la plumede Carl von Linné, dont la clas-sification systématique des êtresvivants s’étend aux hommes,

rangés en cinq catégories… quideviendront des races : les« monstrueux » (c’est-à-dire lespersonnes atteintes de malfor-mation, que Linné assimile àune race à part entière), lesAfricains, les Européens, les

Américains et les Asiatiques. Àchacune de ces catégories ilattribue des caractéristiques etdes qualités comportementales,les plus flatteuses étant natu-rellement réservées auxEuropéens.Avant le XVIIIe siècle, le mot « race »est surtout utilisé dans le sensde lignage aristocratique : onparle d’enfants de bonne race,de bon lignage… un peu commede chevaux de bonne race.C’est à partir de la fin du XVIIIe

siècle, et surtout au XIXe, quel’on assiste à la structurationdes préjugés protoracistes enidéologie par agrégation suc-

Manifestation en 1958 contre l’intégration d’élèves noirs dans une écoleaux États-Unis.

Le racisme s’est structuré en idéologie à partir de la fin du XVIIIe siècle, en une croyance lorgnant du côté d’une science pour s’en arroger le prestige. Le racisme possède un fondement qui n’est pas issudes progrès de la biologie.

Un préjugé raciste peutêtre défini comme la tendance à attribuerun ensemble decaractéristiquespéjoratives, transmiseshéréditairement, à ungroupe d’individus,telles que « tous lesJuifs sont avares ». En revanche, touteindication d’unedifférence physique,physiologique entrepopulations n’aévidemment rien de raciste.

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n ÉTHIQUE

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cessive des progrès scientifiques,principalement la théorie del’évolution. C’est à cette mêmeépoque qu’apparaissent les deuxgrandes thèses opposées surl’origine de l’homme : produitde l’évolution ou créature, est-il apparu une fois – les hommesactuels étant tous les descen-dants de cet ancêtre (monogé-nisme) – ou plusieurs fois defaçons séparées et indépen-dantes – les différents groupesethniques ayant alors des ancê-tres différents (polygénisme) ?Naturellement, c’est cette der-nière hypothèse que privilé-gient les doctrinaires du racisme.Le polygénisme sera la thèseprivilégiée par les créationnistesesclavagistes américains jusqu’àla fin du XIXe siècle.Le mécanisme de la sélectionnaturelle comme moteur del’évolution, proposé par CharlesDarwin, et surtout la lecturequ’en fait le philosophe anglaisHerbert Spencer, contempo-rain de Darwin, puis l’AllemandErnst Haeckel vont modifier enprofondeur la forme de l’idéo-logie raciste. En effet, le méca-nisme de l’évolution, la luttepour la vie pour Darwin, devient,sous l’influence de Spencer, la survivance du plus apte.Appliquée aux civilisations, cettenotion peut constituer une jus-tification a posteriori de la domi-nation des vainqueurs, qui sontbien entendu les plus aptes,puisqu’ils l’ont emporté. Un telraisonnement tautologique s’estrévélé d’une redoutable effica-cité à l’appui des thèses racistes.À vrai dire, il serait profondé-ment injuste de faire porter àCharles Darwin, un des plusgrands scientifiques qui aitjamais existé, la responsabilitépersonnelle des dérives idéo-logiques dont ses travaux ontfait l’objet et ont été victimes,car il a toujours récusé l’inter-prétation eugéniste et socialedes mécanismes de l’évolutionqu’il avait mis au jour.Les lois de la génétique, c’est-à-dire les règles gouvernant latransmission des caractèreshéréditaires, énoncées initiale-

ment par le moine GregorMendel en 1865, redécouvertesau début du XXe siècle par desbotanistes européens et déve-loppées par l’États-Unien

Thomas H. Morgan, auront alorsune influence considérable surla biologie et, plus générale-ment, sur l’évolution sociale etpolitique des pays. On assisteen effet à la tragique synthèseentre le racisme, théorie de l’iné-galité des races ; le détermi-nisme génétique, qui considèreque les gènes gouvernent toutesles qualités des êtres, notam-ment les qualités morales et lescapacités mentales des hommes;et l’eugénisme, qui se fixe pourbut l’amélioration des lignageshumains. Sous l’influence de lagénétique, le dessein eugéniquedevient l’amélioration géné-tique de l’homme, la sélectiondes bons gènes et l’éliminationdes mauvais gènes qui gouver-nent l’essence des personneset des races. L’Allemagne naziepoussera cette logique jusqu’àl’élimination des races « infé-rieures », censées porter et dis-séminer de mauvais gènes.

LES RACISTES ET LE QUOTIENT INTELLECTUELLes préjugés racistes sont loind’avoir disparu après le trau-matisme de la Seconde Guerremondiale. La conviction que le

quotient intellectuel moyen estdifférent selon les ethnies étaitalors partagée par une grandemajorité des élites scientifiques,du Français Paul Broca aux

anthropologues états-uniensconsultés pour l’élaboration del’Immigration Restriction Actde 1924, qui limitait sévèrementl’entrée aux États-Unis des res-sortissants issus de pays où,selon les psychométriciensconsultés, sévissait la débilité.Plus près de nous, les socio-logues Charles Murray et RichardJ. Herrenstein en 1994, puisencore Bruce Lahn et ses col-lègues en 2005, enfourchent lamême monture idéologique. Enfait, un examen soigneux detous ces travaux, même les plusrécents, en démontre la faiblesseet les erreurs, parfois grossières,à l’évidence motivés par desprésupposés idéologiques.

GÉNOMES ET RACISMEC’est en 2001 que fut publiée lapremière séquence presquecomplète du génome humain,très affinée depuis. Les humainspossèdent environ 22000 gènesqui ne différent que très peud’une personne à l’autre.L’alphabet génétique est com-posé de quatre lettres : A, C, Get T, disposées en un long enchaî-nement de 3,2 milliards de signeshérités de chacun de nos parents.

Or cet enchaînement ne variequ’une fois sur dix mille entredes hommes ou des femmesissus d’Afrique, d’Asie oud’Europe.La très grande ressemblanceentre les génomes de personnesissues d’ethnies différentes, ori-ginaires de régions éloignéesles unes des autres de plusieursmilliers de kilomètres, a sem-blé rassurante : c’est là la preuve,a-t-on affirmé alors, que lesraces n’existent pas et que leracisme n’a donc plus aucunejustification possible, qu’il estappelé, espère-t-on, à disparaî-tre bientôt. Hélas, je crains qu’onne soit allé bien vite en besogne,par ignorance ou sous l’influencede présupposés idéologiques.En fait, il faut revenir au moded’action des gènes, c’est-à-direau mécanisme par lequel ilsinfluencent les propriétés desêtres vivants, qui est combina-toire, à la manière dont c’est lacombinaison des mots qui donnesens à la phrase ou au texte. Orce n’est pas le nombre de motsutilisés qui fait la qualité litté-raire d’un texte, de même quece n’est pas le nombre de gènesqui explique l’étendue des poten-tialités humaines. C’est à des-sein que j’utilise ici le terme de« potentialité », car la combi-naison des gènes ne gouverneque la possibilité pour une per-sonne d’être éduquée au contactd’une communauté de sembla-bles. Isolé, élevé par des ani-maux, le petit d’homme évo-luera vers ces enfants sauvagesdont de nombreux exemplesont été décrits dans l’histoire,incapables d’atteindre les capa-cités mentales caractéristiquesde l’espèce humaine.L’effet combinatoire des gènesexplique que de petites diffé-rences génétiques puissent avoirde considérables conséquencessur les êtres, comme en témoi-gnent les aspects et capacitésbien distincts des hommes etdes chimpanzés, dont les gènessont pourtant à 98,4 % iden-tiques. C’est pourquoi aussi lagrande homogénéité génétiquedes hommes du monde entier,

Au début du XXe siècle, on assiste en effet à la tragiquesynthèse entre le racisme, théorie de l’inégalité des races ; le déterminisme génétique, qui considèreque les gènes gouvernent toutes les qualités des êtres,notamment les qualités morales et les capacitésmentales des hommes ; et l’eugénisme, qui se fixepour but l’amélioration des lignages humains.

ADN humain. Les humains possèdent environ 22000 gènes qui ne différent que très peu d’une personne à l’autre.

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confirmée par l’étude dugénome, n’est pas suffisantepour conjurer la menace d’undévoiement raciste de la biolo-gie, pour deux ordres de rai-sons : les maladies avec retardmental témoignent que la muta-tion d’une seule des plus de troismilliards de lettres de l’alpha-bet génétique suffit à altérer lesfonctions cognitives ; de trèslégères différences dans legénome des personnes pour-raient de la sorte avoir chez ellesd’importantes conséquences.D’autre part, l’affirmation quele racisme est illégitime parceque, sur le plan biologique, eten particulier génétique, lesraces n’existent pas revient àadmettre que si les séquencesgénétiques différaient statisti-quement entre les ethnies leracisme serait peut-être rece-vable. Or, bien sûr, puisqu’onpeut distinguer les gens en fonc-tion de leurs caractéristiquesphysiques – couleur de la peau,aspect de la chevelure, etc. –,on le peut aussi à partir de l’ADNqui code toutes ces caractéris-tiques. Là ne réside, en fait, nil’origine du racisme ni la justi-fication de l’antiracisme.

LE RACISME PEUT SE PASSER DES RACESLorsque l’on aura expliqué àdes gens habités par des préju-gés racistes que les raceshumaines n’existent pas au sensoù l’on parle de races animalesdistinctes, peut-être seront-ils

impressionnés et convaincus.Pourtant, cette démonstrationrisque bien d’être insuffisante,car déconnectée du vécu desgens ordinaires qui, eux, n’ontpas de difficulté à reconnaître,dans la rue, des Jaunes, desBlancs, des Noirs, des Méditer -ranéens bruns et des Scandinavesblonds. Par ailleurs, la réfuta-tion scientifique de la réalitédes races ne prend pas en compteles très fréquentes racines socio-économiques d’un racisme quiest souvent le reflet du mal-êtreet du mal vivre, par exemple ausein des populations défavori-sées de grandes villes. Paradoxalement, il n’y a que peude rapports entre la réalité desraces et celle du racisme.Chacun peut en effet observerque les pires excès racistes s’ac-commodent fort bien de la non-existence des races humaines.En ex-Yougoslavie, les pluseffroyables comportements detype raciste ont opposé les Slavesdu Sud, les uns convertis aucatholicisme (les Croates), lesautres à l’islam (les Bosniaques),et les derniers à la religion ortho-doxe (les Serbes).Dans le discours des racistesmodernes, ce ne sont souventplus les races qui sont décla-rées incompatibles ou inégales,ce sont les coutumes, lescroyances et les civilisations.C’est un choc des cultures. Cequi est rejeté, ce n’est plus tel-lement l’homme noir, blanc oujaune, ce sont ses préparations

culinaires, ses odeurs, ses cultes,ses sonorités, ses habitudes.Souvent, la montée en puis-sance de l’uniformisation culturelle et l’imposition desstandards occidentaux accom-pagnant la mondialisation éco-nomique entraînent, en réac-tion, une tendance au replicommunautaire. Il s’agit là d’unréflexe de protection contre unecivilisation opulente et domi-natrice dont on ressent la dou-ble menace, celle de l’exclusionet de la dépossession de sesracines.Or il y a dans cette forme decommunautarisme exclusif unetendance qui m’apparaît nonhumaine. Ce qui caractérise, en effet, les civilisations et leurévolution, ce sont les échangesculturels et les emprunts qui, àl’opposé de l’uniformisationimposée par une culture domi-nante, créent de la diversité etouvrent de nouveaux espacesau développement de l’esprithumain. Les Phéniciens subis-sent l’influence des Hittites, desAssyriens, des Babyloniens, quiéchangent avec l’Égypte, avecla Grèce. Les Étrusques, nour-ris des arts et techniques grecset phéniciens, sont à l’originede la culture romaine. Plus prèsde nous, la musique des esclavesnoirs des États-Unis sera à l’ori-

gine du jazz et d’autres courantsmajeurs de la musique moderne,l’« art nègre » fécondera la pein-ture et les arts plastiques occi-dentaux, et les conduira en particulier au cubisme. Le pro-grès des sociétés humaines esttoujours passé par le métissageculturelÀ l’inverse, les races animalesn’échangent guère leurs habi-tudes, elles conservent leursparticularités éthologiques quin’évoluent, pour l’essentiel, quesous l’effet de variations géné-tiques et écologiques. La diver-sité humaine n’est donc facteurd’enrichissement mutuel quesi elle est associée à l’échange.L’uniformité a le même effetque le repli sur soi : dans lesdeux cas, le dialogue est stéri-lisé et la civilisation dépérit.

UN ENGAGEMENT ANTIRACISTEAu total, la biologie et la géné-tique modernes ne confirmenten rien les préjugés racistes, etil est certainement de la respon-sabilité des scientifiques de réfu-ter les thèses biologisantes encoretrop souvent appelées à leur res-cousse. Cela est relativementaisé, mais à l’évidence insuffi-sant, tant il apparaît que le racismen’a pas besoin de la réalité bio-logique des races pour sévir.À l’inverse, ce serait un contre-sens de vouloir fonder l’enga-gement antiraciste sur la science.Il n’existe en effet pas de défi-nition scientifique de la dignitéhumaine, il s’agit là d’un conceptphilosophique. Aussi le com-bat antiraciste, en faveur de lareconnaissance de l’égale dignitéde tous les hommes, au-delà deleur diversité, est-il avant toutde nature morale, reflet d’uneconviction profonde qui n’estévidemment en rien l’apanageexclusif du scientifique. n

*AXEL KAHN est médecin, directeurde recherche à l’INSERM, membre duComité consultatif national d’éthique.

ÉCRIVEZ-NOUS À [email protected]

La réfutationscientifique de la réalitédes races ne prend pasen compte les trèsfréquentes racinessocio-économiques d’unracisme qui est souventle reflet du mal-être et du mal vivre, par exemple au sein des populationsdéfavorisées de grandesvilles. Paradoxalement,il n’y a que peu derapports entre la réalitédes races et celle du racisme.

Reconnaître des différences physiques entre individus, voire entregroupes humains, et des potentialités plus ou moins développées,comme dans le sport, ne préjuge en rien de ce qui est purementhumain : la créativité, le droit à la dignité.

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TRAVAIL ENTREPRISE & INDUSTRIE44

Progressistes JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015

PAR SOPHIE BINET*,

a révolution numériqueest d’une portée équi-valente à celle de l’im-

primerie. La première et laseconde révolution industriellese sont accompagnées d’unmouvement de paupérisationextrêmement important de ceuxqui n’étaient pas encore sala-riés à l’époque et constituaientle prolétariat, mouvement inter-rompu grâce aux luttes et à laconstruction de l’État social.L’issue de la révolution numé-rique, beaucoup plus rapideque les précédentes, dépend durapport de force : si les salariés

ne se font pas entendre sur cettemutation profonde, elle peut setraduire par la suppression demillions d’emplois et des garan-ties collectives issues de centcinquante ans de luttes. À l’in-verse, conduite au service dumonde du travail et de l’intérêtgénéral, la révolution numé-rique peut permettre l’émer-gence d’un nouveau modèlecollaboratif et d’une économiede partage, décarbonée, per-

mettant d’ouvrir un nouveaucycle de progrès social, écono-mique et environnemental.L’UGICT a lancé, depuis soncongrès de mai 2014, la cam-pagne « pour un droit à la décon-nexion et une réduction effec-tive du temps de travail ». Pourpermettre au monde du travailde s’approprier les enjeux liésau numérique, l’UGICT mènele débat autour de quatre thèmes.

I. LA GARANTIE DE L’EMPLOIPour garantir l’emploi, la révo-lution numérique exige uneréduction massive du temps detravailLes analyses prospectives1

démontrent que d’ici vingt ansplus de 42 % des métiers serontimpactés par le numérique, l’au-tomatisation et la robotisation.Après la casse de l’outil indus-triel et la suppression de mil-liers d’emplois d’ouvriers depuisle premier choc pétrolier, cesont maintenant les emploisintermédiaires qui sont concer-nés : en France, 3 millions peu-vent être détruits d’ici à 2025.La numérisation de l’entreprisepermet de générer de la valeursans recourir directement auxsalariés ni aux investissementsmatériels, en se contentant d’uneoffre de services ; ainsi, travail etinvestissement sont largementassurés par les clients, utilisa-teurs ou consommateurs. En1990, General Motors, Ford etChrysler ont enregistré un revenude 36 milliards de dollars pour1 million de salariés embauchés;aujourd’hui, les principaux géantsdu numérique, Apple, Facebooket Google, enregistrent un revenude plus de 1 000 milliards de

dollars et n’emploient que140 000 salariés environ. Airbnbet Accer, pour une capitalisationboursière comparable, emploientl’un 600 et l’autre 20 000 salariés !Le numérique permet donc unecroissance sans emploi, avecdes gains de productivité pro-fitant exclusivement à la finance.Il faut donc réformer la fisca-lité pour taxer les nouveauxmodes de création de valeur, etau-delà ouvrir une réflexion surle mode de croissance et derépartition des richesses.À court terme, le seul moyen derenouer avec les créations d’em-ploi est de lier la révolutionnumérique à une réduction mas-sive du temps de travail, heb-domadaire et sur la vie toutentière.Les études prospectives mon-trent que l’emploi sera polariséentre des emplois d’exécutionnon automatisables et desemplois très qualifiés, exigeantautonomie, créativité… Cetteévolution exige donc un effortde formation massif, initialecomme continue, une réellegestion prévisionnelle desemplois et des compétences –qui sorte du simple accompa-gnement des restructurationset de la gestion des départs – auniveau des territoires et desfilières d’emploi, et une rému-nération des qualifications ainsiacquises.

II. UN NOUVEAU STATUT DU TRAVAIL SALARIÉ ET UNE DÉFINITION ÉTENDUEDE L’ENTREPRISELe patronat utilise le numériquepour contourner la protectionsociale des salariés, et multiplie

les nouvelles formes d’emploi,à l’image des chauffeurs d’Uber :le nombre d’auto-entrepreneurs,notamment chez les jeunes etles salariés qualifiés, qui a atteint1 million en 2014, ne cesse d’aug-menter.Le lien de subordination est néavec le contrat de travail, aumoment de la seconde révolu-tion industrielle et de la nais-sance de l’entreprise moderne.L’invention de l’entreprise estliée à l’émergence d’une com-munauté de travail, à la créa-tion collective d’une produc-tion, en rupture avec l’artisanpayé à la tâche, qui, avec sesoutils de travail, répond à unecommande ponctuelle.Aujourd’hui, avec les outils numé-riques, on revient à une formed’artisanat et d’auto-entrepre-nariat. Un nouveau statut dutravail salarié doit être mis enplace, pour assurer au niveauinterprofessionnel à la fois lesdroits et la protection sociale,et reconnaître et protéger l’au-tonomie des salariés. L’enjeu estde passer de l’auto-entrepre-neur au salarié coopérateur. Lesactions de groupes lancées auxÉtats-Unis par les travailleursd’Uber et de Homejoy2 démon-trent que, malgré l’autonomiesupplémentaire, le lien de subor-dination existe bel et bien. Demême, le numérique, parce qu’ilsupprime les limites spatio-tem-porelles, est utilisé pour frac-tionner l’entreprise en multi-pliant les sous-traitants et lesfiliales. D’où exigence d’adop-ter une nouvelle définition del’entreprise étendue, créant dessolidarités avec l’ensemble deses prestataires et sous-traitants.

n RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

Une course de vitesse inédite est engagée. Les nouvelles formes de création devaleur et la robotisation se déploient dans un cortège d’illusions régressives. De nouvelles régulations sont urgentes, pour tous.

Numérique : ouvrir le débat en grandavec le monde du travail

Si les salariés ne se font pas entendresur cette mutationprofonde, elle peut se traduire par lasuppression de millionsd’emplois et desgaranties collectivesissues de centcinquante ans de luttes.

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III. DE NOUVELLESGARANTIES SUR LE TEMPS DE TRAVAIL ET LA SANTÉ DES SALARIÉSUn tour d’horizon de la situa-tion créée par l’appropriationde la révolution numérique parles employeurs fait apparaîtrela nécessité impérieuse de nou-velles garanties sur le temps detravail et la santé des salariés.Les technologies qui devraientêtre un outil de libération dutravail pour aller vers des tâchesde réflexion se traduisent pour-tant sur le terrain par une aug-mentation du rythme, de l’in-tensité et de la charge de travail3.Les outils connectés permet-tent d’effacer les frontières spa-tio-temporelles qui séparaientle travail du hors-travail. Untiers des cadres disent aujour -d’hui se déconnecter rarement,voire jamais de leur travail, soirs,week-ends et vacances com-pris. Cette situation touche biensûr les 13,5 % de salariés quisont au « forfait jours », maisaussi, bien au-delà, des salariésqui sont dans un régime d’ho-raires collectifs. C’est ce qui aconduit l’UGICT à parler d’uneexplosion du travail dissimulédes ingénieurs, cadres et tech-niciens (ICT) et à exiger duComité national de lutte contrela fraude qu’il se dote des outilspermettant de mesurer et delutter contre le travail au noir.L’explosion du travail connectéconcerne d’abord les femmes,qui, du fait de l’inégale répar-tition des tâches ménagères,sont davantage sous pressionque les hommes. Elles ont deshoraires plus contraints et quit-tent plus tôt le travail pour pou-voir assumer les charges fami-liales et domestiques, mais ontla même charge de travail que

les hommes. Cela entraîne uneintensité du travail plus impor-tante pour les femmes, davan-tage de travail rapporté à la mai-son et un recours accru à laconnexion une fois les enfantscouchés ou les tâches ména-gères accomplies.63 % des cadres disent que lapossibilité de connexion per-turbe leur vie familiale et per-sonnelle. Dans le même temps,60 % estiment que cela leur

donne davantage de souplessedans l’organisation de leur tra-vail. Le rapport ambivalent descadres à la connexion nous inciteà être particulièrement vigilantspour les associer à la construc-tion des revendications. La cam-pagne de l’UGICT repose doncsur une enquête permettant defaire un état des lieux des usageset du temps de travail et deconsulter les ICT sur les reven-dications. L’enjeu est de redon-ner aux ICT la maîtrise de leurtemps de travail et de rappelerla responsabilité de l’employeursur ses obligations de résultaten matière de santé, en obte-nant la mise en place de « trêves »de courriels.Sur l’autonomie des salariés, lebilan est très contradictoire. Au-delà des promesses, l’usage desoutils numériques va souventvers plus de contrôles, moinsd’innovation et de créativité. Letravail est standardisé, la traça-bilité permettant la vérificationa posteriori. Ainsi, le numériqueconduit à l’informatisation de

procédures dans les relationsavec les usagers ou les clients,d’où un gain de temps, maisneutralise la possibilité d’adap-tation et de personnalisationofferte par les formulaires papier,nuisant donc à l’expertise deterrain.Les collectifs de travail sont éga-lement directement percutéspar les technologies de l’infor-mation et de la communica-tion. Pour les ITC, un modèleindividualiste se développe,avec beaucoup d’autonomiemais peu de régulation collec-tive, reposant sur de nouvellesformes d’emploi – l’auto-entre-preneur, le télétravailleur… –et un management dans lequel

les obligations de moyens setransforment en obligation derésultat, avec une structurationen réseau, un engagement fortdes participants, mais une dis-tance vis-à-vis de l’entrepriseet du collectif de travail. Unmodèle où l’autonomie accruedu salarié signifie plus d’insé-curité et d’instabilité.Pour les ouvriers, les employéset une part des techniciens, lesoutils numériques se traduisentpar un néotaylorisme, avec uneperte d’autonomie et uneabsence de collectif de travail.Le voice picking pour les pré-parateurs de commande, où lepréparateur obéit aux com-mandes de l’ordinateur et perdtoute capacité d’organisationde son travail, en offre un bonexemple. De même, le dévelop-pement des outils de géoloca-lisation renforce la surveillanceet les impératifs de producti-vité imposés à des salariés aupa-ravant autonomes. Pourtant,avec les outils collaboratifs, lenumérique offre la possibilité

de développer des collectifs éga-litaires, de permettre à des pro-fessionnels ou à des experts dese retrouver pour collaborer surdes projets. L’enjeu du mana-gement est donc déterminant,sachant qu’aujourd’hui la numé-risation de l’entreprise a lieudans un contexte où le mana-gement par les coûts sévit. Plusque jamais il est nécessaire d’ou-vrir la boîte noire du manage-ment et de créer des lieux dedébats collectifs dans l’entre-prise, pour les managés commepour les managers.

IV. DES GARANTIES SUR LES LIBERTÉSLa révolution numérique néces-site des garanties sur les liber-tés, de manière à protéger tousdes pratiques qui ont été por-tées à la connaissance publique.En effet, à l’origine outil d’em-powerment, le numérique estutilisé comme outil de surveil-lance de masse par les États(écoutes de la NSA révélées parEdward Snowden et JulianAssange) comme par les entre-prises. L’utilisation des data parles entreprises doit être enca-drée, le droit à l’oubli doit êtreeffectif pour garantir notam-ment la non-discrimination àl’embauche, comme l’a souli-gné le récent rapport du Conseilnational du numérique4.n

*SOPHIE BINET est secrétaire générale adjointe de l’UGICT-CGT.

1. Roland Berger, « Les classesmoyennes face à la transformationdigitale »,http://www.rolandberger.fr/media/pdf/Roland_Berger_TAB_Transformation_Digitale-20141030.pdf2. http://siliconvalley.blog.lemonde.fr/2015/07/30/homejoy-premier-echec-majeur-de-luber-economie/3. Une enquête de l’APEC de 2014nous apprend que 72 % des cadresestiment que la connexion augmenteleur charge de travail.4. http://www.cnnumerique.fr/wp-content/uploads/2015/04/2306_Rapport-CNNum-Ambition-numerique_sircom_print.pdf

À court terme, le seul moyen de renouer avec lescréations d’emploi est de lier la révolution numériqueà une réduction massive du temps de travail,hebdomadaire et sur la vie tout entière.

Aujourd’hui, avec les outils numériques, on revient à une formed’artisanat et d’auto-entreprenariat. Mais malgré l’autonomiesupplémentaire, le lien de subordination existe bel et bien.

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TRAVAIL ENTREPRISE & INDUSTRIE46

Progressistes JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015

PAR GHISLAINE COINAUD*,

ujourd’hui, le réseautéléphonique fixe encuivre, âgé de plus de

quarante ans, installé et financépar l’administration des PTTavec son propre budget sur l’en-semble du territoire, ne suffitplus à absorber le trafic inter-net, qui a littéralement explosédu fait de nouveaux usages –vidéo, télé, e-éducation, e-santé,cloud computing, télépaiement,réseaux sociaux… – en perpé-tuelle expansion. Le dévelop-pement des smartphones,tablettes, montres et objetsconnectés crée de nouveauxbesoins, si bien que pour lapopulation, et encore plus pourles entreprises, la réception ounon du haut débit (fixe et mobile)est un déterminant du choixd’implantation.

En 2015, certaines zones ruralesou montagneuses cumulent lesdésagréments d’un réseau télé-phonique cuivre défectueux et

de zones « blanches », des zonesoù le réseau mobile est quasiinexistant. Or le droit à la com-munication figure déjà dans laDéclaration des droits del’homme et du citoyen de 1789 ;et, plus près dans le temps,l’ONU a reconnu dans l’accèsà Internet un droit fondamen-tal, comme pour l’eau, le gaz etl’électricité ; le Conseil consti-tutionnel en a fait autant.Pourtant, le patronat des télé-coms (FFT) s’oppose à la timidemesure proposée par AxelleLemaire de maintenir l’accès àInternet aux personnes en dif-ficultés financières.Depuis 1997, l’Union européenneet les gouvernements françaisUMP et PS ont décidé de cas-ser le monopole public et d’ou-vrir ce secteur très rentable –40 % de taux de marge ! – à laconcurrence.

DIX-HUIT ANS PLUS TARD,QUEL BILAN DE L’OUVERTUREÀ LA CONCURRENCE ?1. Pour la population, la mul-titude des opérateurs et la pro-fusion des offres n’aident pasau choix. Forfaits, services, prixvariant sans cesse, politiqueagressive, voire mensongère desopérateurs : difficile de s’y retrou-ver ! L’ARCEP (Autorité de régu-lation des communications élec-troniques et postes) a recensé1 700 opérateurs en France : lesopérateurs de réseau fixe etmobile (Orange, NC-SFR, Free,Bouygues Telecom), les opéra-teurs virtuels (ne possédant pasde réseaux en propre, La PosteMobile, M6 Mobile…), des opé-

rateurs ne s’adressant qu’à unsegment de marché (par exem-ple les entreprises, le cloud…).Avec le plan « très haut débit »du gouvernement, l’ensembledes collectivités, au travers desschémas directeurs d’aména-gement numérique (SDAN) duterritoire, deviennent à leur tourdes opérateurs de réseau,puisque les quatre opérateursprivés se sont désengagés deszones peu denses et rurales, quireprésentent 83 % du territoireet 60 % de la population.À l’évidence, la fracture numé-rique s’aggrave entre la popu-lation des grandes villes qui ontet auront le choix entre quatreréseaux haut et très haut débitfixe et mobile (4G fibre optique)et les zones peu denses et ruralesqui auront ou non, selon larichesse et les décisions des col-lectivités, différentes offres :satellites, Wimax, cuivre, un peude fibre mais pas partout, de la3G dans le centre du bourg, siles quatre opérateurs ne se dédi-sent pas, car ils veulent se ven-ger de la mise en place d’unenouvelle taxe vidéo et parlentde ne plus résorber les zonesblanches.

2. Pour les salariés du secteur,hécatombes et précarités. Chezl’opérateur historique, c’est l’hé-catombe en termes d’emplois.De 1997 à 2014, France Télécom,maison mère et filiales en France(Orange aujourd’hui), a perdu63 000 emplois ; pour tous lesopérateurs alternatifs (Free,Bouygues, Numéricâble [NC]-SFR) réunis, on compte envi-

ron 30 000 emplois détruits. Cesecteur en pleine expansion adonc perdu 93 000 emplois. Cen’est pas fini : 30 000 salariésd’Orange doivent partir à laretraite ; la direction ne prévoitque 1 remplacement sur 3, alorsqu’Orange a reçu 180 M€ deCICE. Les autres salariés du secteur,de Free, Bouygues et NC-SFR,ne sont pas non plus à la fête,car la doxa libérale européenne(soutenue en France par les gou-vernements successifs), en impo-sant quatre opérateurs télécomspar pays, a accéléré la baisse du« coût du travail » pour com-penser la baisse des prix. Autotal, des plans (anti)sociauxont vu le jour : chez Bouygues,2 000 emplois, à SFR, 1 200. Lasous-traitance s’est généralisée(centres d’appels offshore, etde l’intervention client), ainsique la précarisation de l’em-ploi. À Orange, les réorganisa-tions permanentes avec mobi-lités forcées ont abouti à unetrès grave crise sociale, dont ona surtout retenu les cas de sui-cides (2009-2010), car fortementmédiatisés.

3. Pour les directions et les action-naires, le choix d’une stratégiefinancière au détriment de l’in-vestissement.Orange, côté en Bourse à Pariset à New York, avec plus de 70 %d’actionnaires institutionnels(banque et fonds de pensions),a distribué de 1997 à 2014 desdividendes pour un montantde 36 Md€, soit 6 Md€ de plusque le coût du déploiement de

n INDUSTRIE

Ce secteur en pleineexpansion a donc perdu 93000 emplois. Ce n’est pas fini :30000 salariésd’Orange doivent partirà la retraite ; ladirection ne prévoit que1 remplacement sur 3,alors qu’Orange a reçu180 M€ de CICE.

Le secteur des télécommunications est incapable de réaliser les investissementsnécessaires pour garantir un droit à la communication à l’échelle du territoire.Pourtant, les besoins liés à son développement se multiplient, pour les entreprisescomme pour les particuliers.

Les télécommunications : un enjeuindustriel et démocratique majeur

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la fibre optique pour toute lapopulation sur tout l’Hexagone.Les autres opérateurs ont aussireversé plus de 10 Md€, sanscompter le reversement de 3,5 Md€ de la vente de SFR parVivendi à ses actionnaires.La perte de parts de marché del’opérateur historique en France,via une réglementation asymé-trique introduisant la concur-rence, conçue pour favoriserl’essor des opérateurs alterna-tifs, a conduit Orange à se tour-ner vers l’international, avecdes achats externes coûteux,avant l’éclatement de la bulleInternet, et hasardeux en Europeet en Afrique. Ainsi, l’achatd’Orange UK a couté 41 Md€ en 2000 et sa revente une foisdevenue EE (co-entreprise avecDeutsche Telekom) a rapporté15,78 Md€. De 1997 à 2014, nouscomptabilisons 40 Md€ de dé -préciations d’actifs et 25 Md€de frais financiers pour le finan-cement des acquisitions.Ces sommes colossales ont servila spéculation et alimenté lacrise économique, alors qu’ellesauraient été bien utiles à l’in-vestissement : modernisationdu réseau cuivre et installationdu réseau d’avenir en fibreoptique. Ainsi, le budget de larecherche à Orange a été divisépar 6 et 2 000 emplois ont étésupprimés malgré le versementpar l’État de 33 M€/an de crédit d’impôt recherche.Aujourd’hui, les entreprises nejurent que par les start-up (baséestrès souvent aux États-Unis eten Israël) et une forme d’inno-vation restreinte à des produitsrentables à court terme, alorsque la fibre optique est opéra-tionnelle depuis trente ans.Le démantèlement du mono-pole public a permis l’enrichis-sement personnel de trois indi-vidus : Patrick Drahi, Xavier Nielet Martin Bouygues.

LES TROIS MAGNATSPatrick Drahi (Altice,Numéricâble-SFR étant l’unede ses filiales) achète FT Câbleà France Télécom, qui fusionneavec Numéricâble (fait de bouts

de réseau câblé racheté aux col-lectivités). Formé par BenBernanke et Janet Yellen (quiont exercé des responsabilitésau sein de la Réserve fédérale),il a bâti sa fortune personnelleavec l’argent des fonds de pen-sions à la recherche de taux derendements élevés, et de cetteaubaine de 40 % dans les télé-coms. En moins de deux ans, ils’est constitué un empire dansles télécoms et les médias, sehissant au 57e rang des fortunesmondiales. Avec le soutien defonds d’investissement commeCarlyle ou Cinven, usant deleviers financiers des plus ris-qués (les LBO ) et du marchédes junks bonds (« obligationspourries »), il a emprunté plusde 40 Md€. Une bonne ving-taine des sociétés de cet adaptede l’« optimisation fiscale » sontbasées au Luxembourg ; et ilvient même de remporter legros lot en transférant Altice duLuxembourg aux Pays-Bas : parun habile montage financier, ilcontrôle désormais 92% de droitde vote d’Altice, contre 58,5%auparavant1.Xavier Niel (Free) a lui aussi del’appétit. Parti du Minitel rose,il se lance dans la téléphoniemobile. Sans réseau mobile,sans réseau de distribution phy-sique, il lance le modèle low cost« tout sur Internet » en cassantles prix, et s’intéresse aux médias :il est coactionnaire du Monde.Il vient de racheter la filiale suissede l’opérateur Orange, via saholding personnelle NJJ Capital,à Apax Partners pour 2,3 Md€.En 2014, il passe au 9e rang dutop 10 des plus grosses fortunesen France.Martin Bouygues, lui, hérite del’empire de son père dans leBTP. Il se lance en1990 dans lacommunication autour de TF1etLCI ; en 1996, il crée BouyguesTélécom.Il est clair que la préoccupationpremière de ces quatre opéra-teurs privés, dont Orange, n’estpas le développement du droità la communication ni d’undroit à l’information suscepti-ble de les contrecarrer.

POUR UNE APPROPRIATIONPUBLIQUE DE LA FILIÈREEn 2000, l’industrie télépho-nique et électronique françaiseavait de véritables fleurons :Alcatel-Thomson, Philips,SAGEM, mais ils n’ont pas résistéà la concurrence chinoise. Lesfabricants et concepteurs deréseau télécom et de décodeurssont à la peine. La démonstra-tion est faite que le secteur privé,vampirisé par la Bourse et lesmarchés financiers, est incapa-ble de remporter le défi du numé-rique pour tous. La France abesoin d’une filière françaisedes télécoms forte (réseaux, ser-vices, contenus, industrie…).Les pouvoirs publics doiventmettre en place une réglemen-tation et des normes favorisantle développement d’une acti-vité productive et des emploisdans tous nos territoires. Lepatronat des fabricants de lafibre optique chiffre à plus de40 000 le nombre d’emplois àcréer.Le développement de ces entre-prises passe par une vision stra-tégique et industrielle de longterme, en rupture avec les cri-tères exclusifs de rentabilitéfinancière et de dépendanceenvers les marchés financiers.Il faut donner la priorité à l’in-vestissement et à la rechercheet développement, pour desproduits socialement utiles etécologiquement viables. Et sur-tout sortir du dogme de laconcurrence, destructrice d’em-plois dans l’ensemble du sec-teur. La communication ne doit

plus être considérée commeune marchandise. Le droit à lacommunication doit être consi-déré comme un droit fonda-mental pour l’ensemble descitoyens, au même titre que ledroit à l’eau, à l’énergie, au logement, à la santé, à l’éduca-tion ou aux transports. Il est un facteur important d’échange de connaissances et de démo-cratie. La satisfaction des besoins en la matière est doncprimordiale. L’exercice effectif du droit à lacommunication s’appuie sur lamise en œuvre des principescommuns à tous les servicespublics : satisfaction de l’inté-rêt général, solidarité, égalité,accessibilité à tous les usagers,péréquation tarifaire, complé-mentarité des activités, conti-nuité, adaptabilité. Il faudra ins-taurer, outre la nationalisationdu secteur, la démocratisationdes entreprises, afin que lescitoyens, les élus, les salariés etleurs organisations syndicalessoient réellement associés auxorientations et décisions. C’esten quelques mots ma défini-tion du concept d’appropria-tion publique du secteur.

*GHISLAINE COINAUD est élueCGT au conseil d’administration du groupe Orange.

1. Données publiées par Médiapartle 12 août 2015.

NDLR : La Bolivie a renationalisé ses télé-coms et a pu financer une baisse de 80 %des tarifs internet pour tous et d’autresinvestissements (satellites).

Déploiement de réseaux fibre optique en cours au niveau national : uneinégalité flagrante entre les zones.

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48 ENVIRONNEMENT & SOCIÉTÉn ÉCOLOGIE

PAR ALAIN PAGANO*.

DE LA THÉORIE À LA PRATIQUEÉcologie… Que ne dit-on pasen son nom ! Pour beaucoup, ils’agit surtout d’un mouvementpolitique, et de militance pourdéfendre des causes environ-nementalistes… Et pourtant,au départ c’est une disciplinescientifique, avec de multiplesdéclinaisons, théoriques ou trèspratiques, et de nombreuxmétiers, car, oui, on peut êtreun professionnel de l’écologie !Moi-même, je suis un profes-sionnel de l’écologie, à mamanière, ayant passé un doc-torat d’écologie et ayantembrassé la carrière de maîtrede conférences. À l’universitéd’Angers, je fais de la recherchescientifique et j’enseigne de lapremière année de licencejusqu’au bac + 5, et encadre defuturs docteurs. Je forme desjeunes à devenir des profession-nels dans ce domaine.Mes premiers travaux de rechercheportaient sur des thèmes trèsthéoriques. Ainsi, je me suis inté-ressé aux exigences écologiquesde certaines espèces de grenouilles(quel type d’habitat utilisent-elles?) pour mieux comprendreleur évolution. Par la suite, j’aiévolué vers des thématiques pluspratiques, autour de la conser-vation de la biodiversité: com-ment rénover l’habitat des amphi-biens pour mieux assurer leurprotection, comment restaurerles effectifs pour les sortir de lalogique de déclin et d’extinctiondes espèces (mondialement, prèsd’une espèce sur deux est mena-cée d’extinction).

C’est donc ce parcours qui m’aamené à faire mes armes dansce que l’on appelle la « restau-ration écologique ». La restau-

ration écologique c’est à la foisla réparation et la préventionpour préserver les milieux desespèces de la faune et de la flore.Prenons un exemple: une auto-

route est construite ; son tracédétruit des milieux naturels etles espèces qui lui sont inféo-dées. La loi prévoit des « mesures

compensatoires », c’est-à-direque l’on doit recréer des éco-systèmes équivalents pour per-mettre aux espèces de retrou-ver un nouveau milieu d’accueil.

Pour reprendre le cas des amphi-biens, ils vivent et se reprodui-sent dans des zones humidesou, pour être plus parlant, desmares. Et bien, si l’autoroutedétruit des mares, elles sontreconstruites à côté de l’auto-route selon un cahier des chargesétabli par des professionnels del’écologie afin que ces maressoient les plus appropriablespar les amphibiens (et/ou autresplantes et animaux).

UN EXEMPLE: LA RESTAURATION D’UNE ZONE HUMIDECe travail de restauration éco-logique, j’ai eu l’occasion de le

Peu connus et peu sollicités par les médias, les écologues sont pourtant des profes-sionnels de l’écologie qui, par leur expérience et leurs connaissances, sont précieux.Témoignage de l’un d’entre eux.

L’écologie : une discipline scientifique et un métier

Ce travail de recherche un peu pionnier en Franceavait aussi pour but d’évaluer ce qui fonctionne ou paspour restaurer une zone humide, et ce de façon àtravailler à des améliorations pour que les futuresrestaurations soient encore plus efficaces…

Un exemple d’ingénierie écologique : Alain Pagano et un de ses collègues travaillant à la restauration d’une mare pour la protection des amphibiens sur un chantier d’élargissement d’une route départementale.

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faire lors d’une recherche dansle cadre de la réalisation de l’au-toroute A87 entre Angers etCholet (Maine-et-Loire) ou lorsde l’élargissement d’une routedépartementale en Loire-Atlantique. Ces travaux derecherche impliquent au moinstrois étapes :– un inventaire de la biodiver-sité présente dans les milieuxnaturels impactés ou détruits,– des propositions de « répara-tion » ou de restauration desécosystèmes,– un suivi des milieux restau-rés ou créés pour voir si lesamphibiens (ou les autresespèces) sont en capacité d’oc-cuper ces nouveaux milieux.Dans le cas des travaux que j’aimenés, le résultat est largementpositif, puisqu’on retrouve desniveaux de biodiversité équi-valents, voire supérieurs, à cequi préexistait. Mais tout n’estpas résolu par ces mesures, etles espèces les plus fragiles

le demeurent. Ce travail derecherche un peu pionnier enFrance avait aussi pour but d’éva-luer ce qui fonctionne ou paspour restaurer une zone humide,et ce de façon à travailler à desaméliorations pour que lesfutures restaurations soientencore plus efficaces, et in fineà élaborer un guide des bonnespratiques pour la restaurationd’écosystèmes… afin que les(autres) professionnels de l’éco-logie s’en emparent !

LES ACTEURS EN JEUEn effet, les métiers de l’éco -logie ne se limitent pas à cela.Ce domaine professionnel, queje connais bien pour avoir dirigépendant quelques années unmaster professionnel (bac + 5)formant des jeunes à l’ingénie-

rie écologique, se structureautour de quatre grands typesde recruteurs et de missions.

1. Les bureaux d’études. C’estsouvent eux qui réalisent lesinventaires de biodiversité, réa-lisent les études de l’impactenvironnemental (négatif) desaménagements humains, pro-posent des mesures compen-satoires pour faire passer l’im-pact environnemental de négatifà nul ou à positif et qui assu-rent (quand c’est prévu dans lesmarchés publics) le suivi desmesures compensatoires pourévaluer leur efficacité. On est làplus souvent sur du diagnosticenvironnemental et des solu-tions d’ingénierie pour réparerles impacts négatifs.

2. Les parcs naturels régionaux(PNR) et autres réserves natu-relles. Ils gèrent plus des milieuxnaturels pour préserver leur bonétat écologique, s’assurent d’une

utilisation raisonnée parl’Homme, ont des missions d’ani-mation environnementale pourfaire connaître au plus grandnombre les enjeux écologiquesd’aujourd’hui et de demain.

3. Les collectivités territoriales.Elles interviennent sur desespaces naturels sensibles, etpeuvent avoir des métiersproches de ceux que l’on trouvedans les PNR, mais recrutentaussi de nombreux chargés demissions aux tâches plus « admi-nistratives », qui sont chargésde travailler les politiquespubliques en matière d’écolo-gie en conformité avec la loi,qui prévoit beaucoup de choses.

4. Les associations environne-mentales. Quand elles sont

importantes, elles disposentparfois de salariés qui peuventintervenir sur tel ou tel desdomaines mentionnés.Ces quatre grands types d’em-ployeurs recrutent des techni-ciens (bac + 2, bac + 3, issusprincipalement des BTS, licen -ces professionnelles) et descadres (bac + 5, issus des mas-ters de l’université ou des écoles d’ingénieurs).

DIFFICULTÉS ET INCOMPRÉHENSIONSLes champs d’action des pro-fessionnels de l’écologie sontdonc vastes. Néanmoins, dansce court article, j’ai plus insistésur le côté milieux naturels etbiodiversité, impact environ-nemental en lien avec les « grandsprojets » pour deux raisons.La première est que j’ai été cho-qué par l’agression de profes-sionnels de l’écologie par desmilitants anti-Notre-Dame-des-Landes. Rien ne justifie la vio-lence, et encore moins quanddes soi-disant défenseurs del’écologie agressent des profes-sionnels de l’écologie dont lestravaux et les conclusions peu-vent être dérangeants pour lacause qu’ils défendent.La seconde est que je pense qu’ilest important de montrer qu’ac-tivité humaine n’est pas forcé-ment synonyme de destructionde la planète, qu’on peut tra-vailler de nouveaux modes dedéveloppement humain dura-ble, compatibles avec elle etque, très concrètement, un amé-nagement n’est pas nécessai-rement synonyme de désagré-ment écologique, qu’il s’agissed’une autoroute, d’un aéroport,de construction de logements…

Les professionnels de l’écolo-gie travaillent pour que l’im-pact environnemental soit neu-tre ou positif. Donc, les projets,grands ou petits, ne sont pasnécessairement inutiles (niimposés). Dans tous les cas, ilfaut lutter pour imposer le res-pect des mesures environne-mentales (qui ont un coût finan-cier, mais sont créatricesd’emplois et de qualité de vie).Et les solutions pour préserverla planète ne sont pas aussi sim-plistes et univoques que cer-tains le prétendent. C’est d’ail-leurs ce que je constatefréquemment dans la profes-sion où beaucoup de profes-sionnels ont envie de « parlersolutions » pour concilierHomme et Nature, sont prag-matiques et réalistes ; alors quecertains « militants de l’écolo-gie » sont sur des solutions radi-cales, et à mon sens souventnon écologiques, où l’on opposel’Homme et la Nature (alors quetout bon écologiste sait quel’Homme fait partie de l’éco-système) et où tout aménage-ment est vécu comme une agres-sion contre la planète.

LES AUTRES MÉTIERSPour conclure mon propos, jereviendrai sur les métiers del’écologie sur lesquels j’ai peuinsisté. Au-delà de cette vastegamme de métiers dont j’ai parlé,il existe également tous les pro-fessionnels de l’écologie quitraitent des problématiquesenvironnementales liées à lagestion des déchets, aux pollu-tions, à l’épuration des eaux…,une gamme de métiers égale-ment importante dans notre viequotidienne et qui contribuentlà également à la conciliationnécessaire entre activité humaineet respect de la planète, surlequel il y aurait encore beau-coup à écrire. n

*ALAIN PAGANO est maître de conférences en écologie.

Il est important de montrer qu’activité humaine n’est pasforcément synonyme de destruction de la planète, qu’onpeut travailler de nouveaux modes de développementhumains durables, compatibles avec elle...

Les parcs naturels régionaux(PNR), à travers leurs missions,sollicitent beaucoup les métiersliés à l’écologie.

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LIVRES

Éloge desmathématiquesALAIN BADIOU, Flammarion, coll. « Café Voltaire », Paris,2015, 128 p.Voici une bouffée d’oxygène dans la jungleutilitariste de l’édition !Un petit livre qui parle des mathématiques,

non pas pour nous apprendre tel ou tel théorème ou méthodemais pour nous raconter le bonheur de la manipulation des mathé-matiques, de la précision des énoncés, de la déduction, et surtoutdes nouvelles perspectives que tout résultat suscite. Mais le carac-tère convaincant et même séduisant de ce texte vient surtout dece qu’il n’est pas écrit par un mathématicien, mais par un philo-sophe, qui connaît certes pas mal les mathématiques, mais quiest surtout connu pour ses appels à la recherche du bonheur.Pour Alain Badiou, les mathématiques sont la science non pasdes nombres mais des structures. Oui, il a parfaitement compris,et il nous régale d’incursions culturelles et philosophiques trèspertinentes, convaincantes et bien étayées, ouvrant des horizonsou des perspectives enrichissantes.Voici par exemple que, après une incursion effective dans unedémonstration mathématique, l’auteur nous gratifie avec un com-mentaire salutaire et inattendu : « Eh bien là, quand vous avezbien compris ça, vous êtes heureux ! En prime, vous avez un schémapolitique : le fait qu’il y ait plus de parties que d’éléments dans unensemble quelconque signifie que la richesse, la ressource profonde,de ce qui est collectif (les parties) l’emporte sur celle des individus.Le théorème de Cantor réfute, à un niveau abstrait, le règne contem-porain de l’individualisme. »Alain Badiou met en parallèle les mathématiques, la philosophie,l’art et la politique. On regrette seulement que les autres sciencesn’y soient pas associées, avec leur haut contenu culturel et for-mateur, mais c’est vrai que la mathématique, souvent qualifiéede « reine des sciences », en constitue la forme paradigmatique.n

EVARISTE SANCHEZ-PALENCIA

Il faut sauver le droit du travail ! PASCAL LOKIEC,Odile Jacob, 2015,162 p.Une propagande persévérante rendle droit du travail et le modèle socialfrançais responsables de tous les mauxde l’économie et des difficultés desPME : 35 heures, SMIC, seuils soci-aux seraient cause du chômage. Dèslors, inverser la hiérarchie des normesjuridiques par affaiblissement de laloi au profit des accords d’entreprises est

présenté comme la solution, dans une fabrication par chacun deses propres règles en un simulacre de liberté. On voit bien oùmènent les dérives moins-disantes de l’économie low cost.Sans relâche, des stratégies d’évitement offensives visent à fairedu contrat de travail un contrat ordinaire, que l’on pourrait rompreà volonté, sans motif, ou même supprimer par le biais d’un statutd’auto-entrepreneur généralisé, sans égard pour les conditionset supports de la production d’un travail de qualité, reconnu etjustement rémunéré.Le silence actuel sur cette poussée régressive et ses causes (cf. lestraités européens) est de mise parmi les juristes. Aussi le livre de

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Progressistes JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015

Pascal Lokiec, agrégé des facultés de droit, est-il le bienvenu pourrappeler que les pays dépourvus de règles protectrices des tra-vailleurs sont aussi les moins développés : la mise en concurrenceplanétaire de pays aux développements inégaux, et de tous avectous, une « loi du marché » substituée à la rationalité et à la pen-sée, des prédations d’autant moins débattues qu’elles sont plusénormes contournent, par des violations délibérées et calculées,comme autant d’entraves, non seulement le droit du travail, maisaussi le droit fiscal, le droit international, le droit commercial, lesdroits fondamentaux de la personne, dans une ingénierie inven-tive de tricheries multiples et de dominations léonines ! Ce livrerappelle aussi utilement que la protection et le respect des per-sonnes, de leur santé, de leur dignité ne peut faire l’économied’un État régulateur, garant et protecteur de l’intérêt général. n

ANNE RIVIÈRE

30 ans d’Humanité.Ce que je n’ai pas eule temps de vous direJOSÉ FORT, Arcane 17, 2015,162 p.

José Fort aurait voulu écrire son livreavec son grand ami Georges Wolinski,pour l’illustrer, mais la cruauté de l’Histoireen a décidé autrement en ce 7 janvier2015. Il a donc écrit son livre seul, mal-gré lui.

C’est un militant communiste, il y en a d’autres. Un journalistede l’Humanité, dont il fut chef du service international et édito-rialiste, un fils de républicain espagnol, il y en a eu d’autres. Unretraité aujourd’hui très actif, il y en a d’autres. Qu’a-t-il doncd’original notre ami José ?Il est fort, « trop fort » ! Fort de continuer à écrire avec son armepréférée, l’expression écrite, celle qui va direct au but et ne s’en-combre pas d’un « excusez-moi de vous déranger », pour évo-quer avec le recul du temps des moments marquants de sa viede grand reporter.Bien sûr, il a cette tendresse profonde pour la République espa-gnole et ses représentants, telle la Pasionaria, pour Cuba etl’Amérique latine, mais il a plus généralement ce penchant natu-rel pour ceux qui, du bon côté de l’Histoire, savent avoir le « culot »qu’il faut pour empêcher les rivières de l’espoir de s’assécher dansles mauvais chemins, y compris dans les pays de l’ex-pacte deVarsovie. Dans cette chronique délibérément désordonnée deses rencontres, l’humour, le goût de la farce et la force de l’émo-tion sont omniprésents, des toilettes d’un hôtel à une rencontreavec Fidel Castro en passant par une expérience de chauffeur defoule à la Fête de l’Humanité.L’introduction de Roland Leroy, ancien directeur de l’Humanité,est remarquable. L’évocation de René Andrieu, d’Henri Alleg ainsique de nombreux autres communistes et progressistes méritel’intérêt de toutes les générations.Aragon, Ben Bella, Yves Moreau, Henri Alleg, Georges Fournial,Georges Marchais, Yasser Arafat, Ernesto Guevara, Fidel Castro,Hugo Chávez, Bernard Guetta, Lise London, Dolores Ibarruri,Santiago Carrillo, Marcelino Camacho, María Teresa et MadeleineRiffaud, pour ne citer qu’eux, dessinent les contours de ce des-sin que Wolinski aurait certainement créé, à l’image de l’espé-rance d’un monde meilleur qui ne tiendra jamais de la généra-tion spontanée.n

YVON HUET

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JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015 Progressistes

Les Dessous de la cacophonieclimatiqueSYLVESTRE HUETLa Ville Brûle, 2015, 144 p.

L’auteur réussit dans cet opus unedouble gageure : d’une part, il rendaccessibles simplement et rigoureuse-

ment les enjeux scientifiques du réchauffement et, de l’autre, ilfait clairement le distinguo entre connaissance des lois naturelleset enjeux politiques relevant du débat citoyen. À l’instar de seschroniques dans Libération, l’auteur signe un livre sans conces-sion avec le greenwashing des entreprises, le double langage decertains dirigeants et l’instrumentalisation tordant la réalité sci-entifique selon des présupposés idéologiques. Aux antipodesd’une quelconque négation du réchauffement, Sylvestre Huetsouligne dans sa thèse « Pourquoi l’urgence climatique n’existepas… et pourquoi c’est un problème majeur » que les solutions àlong terme pour le climat ne peuvent être apportées qu’aprèsavoir répondu aux urgences de court terme liées à la satisfactiondes besoins élémentaires. On appréciera aussi le chapitre « Quefaire ? » questionnant l’organisation des sociétés, la productiond’énergie, le système de production et d’échange, les transports,l’habitat et l’urbanisme. Une excellente stimulation pour qui veutcomprendre pour agir vraiment. n

JEAN-NOËL AQUA

L’écologie peutencore sauverl’économieGÉRARD LE PUILL,Pascal Galodé Editions, 2015,313 p.

Gérard Le Puill est tout à la fois paysan,ouvrier et journaliste. Il est aussi mili-tant communiste et syndicaliste. Il esttout cela à la fois. Pour lui, le tempsd’échanger, de convaincre et d’appren-

dre des autres ne s’arrête jamais.Ce livre, écrit dans le cadre de la préparation de la conférence surle climat prévue pour fin 2015, nous invite, à partir d’une analyseglobale de l’existant, à réfléchir à notre avenir commun.Les derniers « sommets » sur le climat n’ont pas enrayé la pers-pective d’une catastrophe écologique majeure dans les prochainesdécennies si on ne réduit pas drastiquement les émissions de gazà effet de serre. Gérard nous démontre en quoi les théories ultra-libérales qui prévalent dans l’organisation mondiale de l’écono-mie ne font qu’aggraver la situation. La richesse des uns main-tenant l’extrême pauvreté des autres sert de carburant à unemachine infernale à la fois productiviste et malthusienne. Il fautdonc réorienter l’activité humaine en changeant les règles. Gérardnous y invite à partir de l’analyse des grandes tendances du mar-ché mondial, en référence, très souvent, à la démarche de NicolasHulot, qu’il apprécie beaucoup, et en prenant toujours le soin des’appuyer sur des exemples précis qu’il a lui-même expertisés.Son objectif ? favoriser l’émergence du citoyen consom’acteurque nous devons tous devenir, que nous vivions à la ville ou à lacampagne.

Dans la seconde partie de son livre, consacrée à la réflexion surles solutions possibles pour arrêter l’asphyxie qui nous guette, ilimagine une reconquête populaire, au sens noble du terme, del’espace rural, à l’aide d’une économie circulaire productrice d’ac-tivités agricoles et industrielles complémentaires vertueuses. Ilpart du réel pour tracer les sillons d’une économie tant solidairequ’écologique.Ce livre vous donnera l’appétit de vous battre en prenant la mesured’une urgence à changer l’ordre existant, pour éclairer le mondeavec un bouquet énergétique que les citoyens doivent se réap-proprier, sur un chemin transparent, du comportement de cha-cun jusqu’aux sphères multiples des décisions à prendre, à faireappliquer et appliquer soi-même. C’est une révolution que GérardLe Puill nous propose, dont la mise en musique est une urgence.n

Y. H.

Climat : y voirclair pour agirSÉBASTIEN BALIBARLe Pommier, 2015, 200 p.Sébastien Balibar signe avec Climat :y voir clair pour agir un ouvrage clairet synthétique donnant à voir lesgrands enjeux du réchauffement cli-matique et des politiques énergé-tiques. Connu pour son œuvre devulgarisation des sciences, l'auteurdonne l'essentiel des connaissances

et des scénarios d’avenir des climatologues. Par ailleurs directeurdu Comité de prospective en énergie de l’Académie des sciences,Sébastien Balibar nous fait partager son analyse de la situationet des politiques énergétiques des Etats. On appréciera en parti-culier sa proposition d'instaurer une restriction universelle d'émis-sion limitée à 1,5 t de CO2 par habitant et par an, visant pourl'ensemble de l'humanité à un développement respectueux del'environnement. L'auteur nous livre un regard critique sur leschoix énergétiques des différents pays industrialisés tout en pro-posant une série de recommandations pour adapter la transitionénergétique de chaque pays à ses spécificités. Un livre incon-tournable pour parler politique en toute connaissance de causescientifique. n

J.-N. A.

Laissez-nous bien travailler !

MARIE-JOSÉ KOTLICKI, JEAN-FRANÇOIS BOLZINGERÉditions de l’Atelier

Nous avons le choix !

LOUISE GAXIE, ALAIN OBADIA, http://www.gabrielperi.fr

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UN BILAN LOURDÉtrange dissymétrie dans lesréactions concernant les acci-dents industriels. Ainsi, pour leterrible accident chimique deTianjin, en Chine, survenu le12 août 2015, on fait état de plusde cent morts, de près de milleblessés et d’une centaine detonnes de cyanure et autres pol-luants déversés, poisons violentsqui persisteront pour des cen-taines d’années dans les terres

et cours d’eau de la région à desdoses dangereuses pour la santé.Ils provoqueront sans nul douteune surmortalité par cancers etmaladies neuro-cérébrales pourdes générations, et le bilan estpeut-être même plus lourd quecelui de l’accident de Fukushimade 2011, qui constitue pourtantune référence dans l’échelle descatastrophes industrielles duXXIe siècle. Dans le cas de Tianjin,si on s’en tient à la durée de viedes éléments chimiques, lesmétaux lourds inaltérables parexemple, ce sont alors des pol-luants avec des millions d’an-nées de persistance qui ont étérejetés dans la biosphère. Quantau traumatisme que constituel’évacuation de milliers de per-sonnes, il est tout aussi réel.Cela met à mal l’idée fortementancrée selon laquelle il n’y auraitque dans le cas des accidentsnucléaires que l’impact de lapollution, dans la durée et dansl’espace, dépasserait l’échellehumaine. Idée souvent utiliséecomme ultime argument pourbannir ce secteur des activitéshumaines, le considérer commele « mal absolu » et ainsi tuer

tout débat constructif concer-nant les nécessaires mesuresde sûreté. C’est une erreur : lesaccidents industriels chimiquessont tout aussi graves, mais n’ontpas du tout le même traitementmédiatique ni le même effetpsychologique, c’est moins « sen-sationnel », moins « vendeur »que la pollution radioactive. Ily a ici une dimension psycho-logique évidente qui nous faitréagir à certaines catastrophes

plus que d’autres, même si l’im-pact écologique est compara-ble, voire plus grave, ce quiconduit à des conclusions etdes attitudes politiques absurdes.Ainsi, personne ne remet encause l’existence du secteur del’industrie chimique, industrie,il faut le dire, essentielle et incon-tournable pour de multiplesaspects de nos vies. Pour le sec-teur de la chimie, on pose leproblème en d’autres termes,de façon plus rationnelle etconstructive, et en ne jetant pasaux orties les retours d’expé-riences que peuvent nous appor-ter les accidents passés.

UN RÉSEAU «SORTIR DE LA CHIMIE» ?Revenons à l’exemple de l’ac-cident de Tianjin, dont le bilanest encore provisoire.Deux semaines après la cata -strophe, que constate-t-on ?Pas l’ombre d’un rassemble-ment avec des pancartes récla-mant la « sortie de la chimie »ou avec des autocollants« Chimie? Non merci ! », commeon en a vu deux jours après letsunami de 2011, place du

Trocadéro à Paris, lorsque lemonde entier apprenait qu’unecatastrophe nucléaire était encours à Fukushima. Notons parailleurs que ce soir-là uneambiance indécente de fêterégnait au rassemblement, alorsque deux jours auparavant lavague du tsunami avait tué plusde 10000 personnes en une seulefois, balayé des dizaines d’usinescontenant des produits toxiques,lesquels furent déversés dansl’océan sans que personne nedescende dans la rue.Pas de grandes déclarationsjouant sur le catastrophisme etpointant les centaines de sitesclassés Seveso qui existent belet bien en France, avec le mêmetype de risques.Point de lancement d’un impro-bable réseau « Sortir de la chimie ».

Point de grands débats télévi-sés sur le thème « A-t-on tropde chimie en France ? ».De même à la suite de l’acci-dent dans une mine de char-bon en mai 2014, à Soma, enTurquie (plus de 300 morts) :pas le début d’un slogan récla-mant la « sortie du charbon ».On imagine aisément qu’il enaurait été tout autrement si untel accident avait eu lieu dansune mine d’uranium.Non, dans le cas de Tianjin,comme pour le terrible acci-dent de Bhopal (1984, plus de

10 000 morts et des générationscondamnées), on pose le pro-blème autrement, on chercheplutôt à comprendre, à établirles causes : contrôles non effec-tués ou inexistants sur les sites,corruption, mauvaise organi-sation du travail, laisser-faire etdésinvolture face aux intérêtséconomiques, etc. On a une atti-tude plus rationnelle en toutcas qu’un slogan facile du type« Il faut sortir de la chimie » (slo-gan qu’on ne voit nulle part, etpour cause : ce serait absurde).À quand une attitude équiva-lente face au secteur nucléairepour enfin avancer ensemble ?construire ensemble les rap-ports de forces nécessaires par-tout dans le monde afin d’im-poser des conditions de sûreté,comme dans le secteur de lachimie, des barrages hydrau-

liques et bien d’autres domainesencore ? et dénoncer ensembleles logiques de fric plutôt qu’unetechnologie en soi, technolo-gie, le nucléaire civil, qui peutjouer un rôle majeur dans laréduction de nos émissions degaz à effet de serre et ainsi sau-ver le climat et l’humanité(comme le GIEC lui-même lereconnaît, et on peut difficile-ment l’accuser de faire partiedu « lobby du nucléaire ») ?

SAMIRA ERKAOUI est ingénieure.

Après l’accident de Tianjin :faut-il «sortir de la chimie»?

n Par SAMIRA ERKAOUI

Raisonnement par l’absurde

Le bilan est peut-être même plus lourd que celui de l’accident de Fukushima de 2011, qui constituepourtant une référence dans l’échelle des catastrophesindustrielles du XXIe siècle.

Deux semaines après la catastrophe, que constate-t-on?Pas l’ombre d’un rassemblement avec des pancartesréclamant la « sortie de la chimie » ou avec desautocollants « Chimie ? Non merci ! »

Des milliers de voitures en feu suite àl’explosion de Tianjin le 15 août 2015.

CONTROVERSES52

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Matérialiste assumé, dialecticien de pra-tique savante et humaniste, lecteurassidu ces dernières années de Marx etde Spinoza, et ami du genre humain, tel était François Dagognet. C’est uncompagnon de route très proche et trèsprécieux que nous venons de perdre.

PAR JEAN-MICHEL GALANO*,

est avec une immensetristesse que j’ap-prends la mort de ce

grand penseur et très cher ami.Nos relations n’avaient pour-tant pas commencé sous lesmeilleurs auspices : présidentdu jury d’agrégation, il désar-çonnait les candidats admissi-bles par son attitude espiègle,échangeant avec ses pairs despetits mots manifestementmoqueurs à notre endroit. Jelui en avais fait le reproche :«C’est condamnable, mais toléré»,m’avait-il répondu. Un éclairde son regard bleu, et mon irri-tation s’était envolée. Tel étaitFrançois Dagognet : jamais enretard d’une réplique, toujours« dans le coup » de tout ce quise discutait, et toujours atten-tif à l’autre.Son parcours avait de quoiimpressionner : né à Langres –comme Diderot, philosopheavec lequel il a toujours entre-tenu un lien particulier –, issud’un milieu très défavorisé, sco-larisé avec plusieurs années deretard, il aimait à dire que laphilosophie s’était imposée àlui comme la seule disciplineoù il était parti du même piedque ses camarades. Reçu pre-mier simultanément au CAPESet à l’agrégation, il décide, comme

l’avait fait Georges Canguilhemavant lui, de mener conjointe-ment à son activité d’enseignantdes études de médecine. Il lesconduira jusqu’à leur terme,avec au bout une double spé-cialisation, en psychiatrie et enmédecine légale.

On n’en finirait pas d’énumé-rer les centres intérêt et les tra-vaux si variés de ce passionnéd’histoire des sciences et destechniques. Mais il convientde souligner la grande origi-nalité de son positionnementphilosophique.D’abord, contre toute une tradi-tion spiritualiste, Dagognet sou-haitait mettre la philosophie réso-lument à l’écoute de son «dehors»:les pratiques, le travail, l’expéri-mentation. Dans un livre commela Raison et les remèdes (1964),il présentait une véritable épis-témologie de la médecine et dela chirurgie, et montrait avec uneinformation très ample que lesremèdes comme les thérapiessont des faits de culture, toujoursliés à des stratégies, que leur usagene saurait qu’être dialectique,qu’il faut parfois ruser, amplifierle mal pour l’éradiquer vraiment.Il montrait que la notion de« remède naturel » relève du purfantasme, voire de la mystifica-tion. Il avait donné toute sa por-tée aux intuitions d’un de ses

maîtres, Gaston Bachelard, surla puissance de l’imaginationmatérielle, et comment elle valo-rise à l’excès certaines « sub -stances», naturelles comme arti-ficielles: le sang, le vin, le lait, ettout ce qui nous semble conte-nir une «essence», un «esprit»…

D’ailleurs, et c’est l’un des grandstraits de sa philosophie : « Jen’aime pas beaucoup la nature. »Il a montré dans de nombreuxlivres, de sa thèse sur l’œuvrede Pasteur à la Peau découverte(1993), en passant par Philo -sophie de l’image (1984), com-bien la surabondante natura-lité, qui ne s’inquiète nullementde l’homme, se doit d’être en permanence réagencée etcorrigée.

Sa confiance sans cesse réaffir-mée dans la connaissance scien-tifique, conçue par lui d’abordcomme un savoir et non commeun pouvoir, l’a durablement misà contre-courant des penseursplus renommés, tels que Derrida,Foucault ou Deleuze. Il leurreprochait, sans aigreur, leurmanque de rigueur, leur espritétroitement systématique, leurdocilité à l’égard de la mode…Lui qui aimait à se définir comme« un athée chrétien » refusaitles mises à l’écart unilatérales,la réduction de l’hôpital à une

structure asilaire ou de la phi-losophie à la rhétorique, parexemple…Il y aurait tant à dire! On ne peutpas ne pas parler de ses choixde citoyen, qui l’ont amené àse prononcer pour le mariagegay et la PMA à une époque oùil y avait quelque courage à lefaire. Mais j’évoquerai pour finirune ultime anecdote : en 2009,mes camarades de la section deSuresnes du PCF avaient orga-nisé un débat sur la santé, enliaison avec les luttes qui sedéroulaient alors pour la sau-vegarde de l’hôpital Foch. Il avaitaccepté d’y intervenir. Ce qu’ilfit de brillante façon: « Le conci-liabule avec le médecin, c’estindispensable, mais passé uncertain point, la médecine nepeut pas ne pas être hospita-lière. » Et, le débat étant venudans un second temps sur lesquestions des financements, ilavait pris la parole de nouveauet avait à notre surprise démon-tré, en prenant l’exemple alorspas encore très connu de Total,ce qu’était une logique de pro-fit. Tel était François Dagognet. n

*JEAN-MICHEL GALANO estprofesseur de philosophie.

C’

François Dagognet :en souvenir

n HOMMAGE

53ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE

Tous les n° sont téléchargeables sur Le blog ! revue-progressistes.org et sur revueprogressistes

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Progressistes JUIN-JUILLET-AOÛT 2013

POLITIQUE54

Progressistes JUILLET-AOÛT-SEPTEMBRE 2015

Science2

Le blog que vousrecommandevotre revueScience2 est le blog de SylvestreHuet, journaliste scientifique àLibération. Destiné au grand public,

mais sans céder à la facilité, c’est la référence du Web fran-cophone pour l’actualité scientifique. On y trouve les der-nières nouvelles des laboratoires, des mathématiques auxsciences humaines, en passant par l’archéologie, les défis cli-matiques ou la découverte du boson de Higgs. Les publica-tions régulières offrent un panorama des grands enjeux scien-tifiques de l’heure. Rien n’échappe à la plume (au clavier !)de Sylvestre Huet, surtout pas les tentatives de fraudes scien-tifiques qui ont marqué l’actualité de ces dernières années. Science2 ouvre aussi ces colonnes au monde des chercheurset à leurs revendications, puisqu’on y retrouve notammentles déclarations du collectif Science en marche.

http://sciences.blogs.liberation.fr

Du côté du PCF et des progressistes...

Planète HumanitéLa revue de la commission Écologie du PCF fait le point sur l’ac-tualité écologique et donne à voir les propositions des commu-nistes pour répondre au défi climatique.Le dernier numéro, une édition spéciale, est sorti en septembreà l’occasion de la Fête de l’Humanité. À l’approche de la COP21,les débats sur les alternatives à construire pour lutter efficace-ment contre le réchauffement climatique s’intensifient. Dans cenuméro, on fait le point sur ses propositions concrètes pour contrernon seulement le dérèglement climatique, mais aussi le systèmequi en est la cause.Face à l’urgence climatique, agir veut dire réduire de façon impor-tante les émissions de gaz à effet de serre. C’est dans ce sens quevont les principales propositions du PCF qui y sont présentées.

La revue se trouve sur le site internet de la commission : http://ecologie.pcf.fr

Dossier « Les mots glissants»La Revue du projet no 48

« On ne se méfie jamais assez des mots »,écrivait Céline à la fin du Voyage au bout dela nuit. Dans ce dossier est abordé le pro-

blème du glissement de sens des termes, qui se fait presque tou-jours sans que les intéressés s’en aperçoivent. Certains mots ouexpressions sont détournés au service des dominants, du capita-lisme donc ; et ce en cachant les enjeux, de sorte que l’attentioncritique de ceux qui reçoivent le message est endormie. Ce dos-sier contribue à la vigilance nécessaire face à la déferlante de motsfourre-tout habituels dans certains médias. On y trouve en par-ticulier un lexique, non exhaustif mais très complet, de ces motspièges et expressions glissantes.

29 septembre 2015 : rencon-tre consacrée à « La place dela science face au défi duréchauffement climatique ».Une centaine de personnes,chercheurs, militants associa-tifs ou simples citoyens ontrépondu présent. Organisée par le PCF, en partenariat avec larevue Progressistes, l’invitation a réuni Pierre Laurent, secrétairenational du PCF et sénateur et trois climatologues de renom :Hervé Le Treut du Groupe d’experts intergouvernemental surl’évolution du climat (Giec), directeur de l’Institut Pierre-Simon-Laplace et membre de l’Académie des sciences, Alban Lazar, océa-nographe à l’IRD, et Alain Mazaud du Laboratoire des sciencesdu climat et de L’environnement (CEA-CNRS-UVSQ).

Les enjeux cachés de l’« interdisciplinarité»Dans le cadre de ses séminaires réguliers Quels contenusl’école doit-elle transmettre ?, la Fondation Gabriel Péri pro-pose une rencontre avec Jean-Pierre Terrail, chercheur enéducation dans le Groupe de recherches sur la démocratisa-tion scolaire.L’occasion de faire le point sur les enseignements pratiquesinterdisciplinaires (EPI), censés entrer en vigueur à la rentrée2016 avec l’actuelle réforme du collège. Au-delà de la réformeet de l’organisation des EPI, on peut s’interroger sur l’objec-tif visé, et plus largement sur le rôle de l’école.Cette exigence de clarification des enjeux pédagogiques inciteà revenir sur le terrain du politique : la nécessité pour tousd’une éducation de haut niveau pour former la capacité d’ana-lyse et de réflexion des citoyennes et des citoyens de demain.Jeudi 12 novembre 2015 à 18 h 30, salle 25, espace Oscar-Niemeyer, Paris 19e.

http://www.gabrielperi.fr/quels-contenus-lécole-doit-elle-transmettre.htmlhttp://www.gabrielperi.fr/ - [email protected]

Rencontre sciences et climat au siège du PCF

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UN MANQUE À GAGNER DE 641 MILLIONS D’EUROSQue les étudiants se rassurent :le gouvernement prend leschoses en main. En effet, à coupsde communiqués de presse, lesdifférentes instances ministé-rielles se sont empressées d’an-noncer une augmentation de168 millions d’euros du budgetde l’enseignement supérieur.Tout va bien dans le meilleurdes mondes, puisque le gou-vernement fait de la réussiteétudiante une priorité. Vraiment?Personne n’est dupe: cette aug-mentation est prise en fonctionde la comparaison en valeurnominale que l’on fait du bud-get de l’État d’une année surl’autre. Et dans le contexte oùl’on prévoit une hausse des prixde 1 % et une croissance envolume de la production derichesses de 1,5 % 1, il faut méca-niquement augmenter le bud-get de l’ESR de 2,5 % en 2016par rapport à 2015 pour qu’ilreste stable. La tromperie estlà : ces chiffres pris en compte,le manque à gagner pour l’ESRest donc de 641 millions d’eu-ros. Dans le même temps, lebudget de la défense connaîtun surplus de 400 millions.Ajoutons à cela que la Conférencedes présidents d’universités sti-pule que, pour accueillir conve-nablement les étudiants sup-

plémentaires, les établissementsvont avoir besoin d’une rallongebudgétaire de 300 millions d’eu-ros. C’est donc au total unmanque à gagner de près de1 milliard d’euros que connaî-tra l’ESR cette année.

UN GÂCHISNous voilà prévenus: les chosesne vont pas changer, elles vontmême empirer. Et c’est uneimmense frustration qui per-dure, celle que connaît tout étu-diant qui entre en premièreannée et qui s’accompagne des mêmes interrogations :Comment des étudiants en chi-mie peuvent-ils apprendre cor-rectement quand ils sont 50 entravaux pratiques ? Commentles futurs enseignants peuvent-ils réussir leur concours quandleur préparation a commencécette année avec un mois deretard ? Comment réussir sonparcours alors que, comme 70 %des étudiants, on n’a pas accèsaux bourses? Les conséquencesdes baisses budgétaires sontdonc là: à chaque filière fermée,une vocation est bafouée ; àchaque TD non assuré, ce sontdes compétences qui ne sontpas transmises, c’est un métierqui n’est pas maîtrisé.Et contrairement au discoursdominant, les étudiants sontprêts à travailler dur pour appren-

dre et exercer le métier qu’ilsont choisi. Ils sont d’ailleurs80 % à déclarer aimer le travailet les valeurs qu’il implique.Quel gâchis! Surtout si on consi-dère que, en France, 40 % desjeunes diplômés sont sansemploi un an après le diplôme,qu’il manque 10000 ingénieurs,19000 animateurs sportifs qua-lifiés, et qu’en 2020 il manquera23 000 enseignants et des dizaines de milliers de techni-ciens industriels.

LIBÉRER DES FORCES POUR LE PROGRÈS SOCIALIl est donc indispensable d’in-vestir dans l’enseignement supé-rieur. Il ne s’agit pas d’un sim-ple « corporatisme » étudiant,car notre réussite libérerait desforces immenses, capables depermettre le progrès social,scientifique et économique dontle pays a besoin. Même d’un point de vue comp-table – puisque c’est tout ce quiintéresse le gouvernement –,les réductions budgétaires sontincompréhensibles: une étude2

a d’ailleurs démontré que 1 €investi dans l’enseignementsupérieur est démultiplié par 4et que 1 emploi créé par uneuniversité française induit prèsde 3,2 emplois dans l’économienationale. Plus concrètement,le succès d’un organisme commele CERN (Organisation euro-péenne pour la recherchenucléaire) démontre qu’un inves-tissement dans un organismede recherche non soumis à desexigences de profits immédiatsest indispensable au dévelop-pement du progrès des connais-sances dont la société a besoin.Il faut donc en finir avec lesvieilles recettes inopérantes, telle crédit d’impôt recherche (CIR)

dont tout prouve qu’il est unoutil de fraude fiscal, à hauteurde 5 milliards d’euros par an.En effet, seulement 6 % desentreprises qui en bénéficientont créé de l’emploi en rechercheet développement. Une première réorientation duCIR en direction de l’ESR, à hau-teur de 1,5 milliard d’euros,paraît indispensable. D’abordpour réinvestir afin que les éta-blissements soient en capacitéd’accueillir l’ensemble des étu-diants (notamment les nou-veaux inscrits) dans des condi-tions dignes d’un service publicde qualité. Ensuite pour don-ner un nouveau souffle auxœuvres universitaires en finan-çant de nouvelles bourses, voiepour aller vers une véritableprotection sociale des étudiantsvia un salaire étudiant pourtous. Enfin pour revitaliser cescentaines de laboratoires quin’ont plus les moyens de conti-nuer leurs travaux de recherche.Des centaines de milliers dejeunes n’attendent qu’une chose:qu’on leur permette de s’expri-mer, de créer, d’innover, derépondre aux enjeux de demain.Ils veulent plus de libertés pro-fessionnelles et apporter leurcontribution au progrès social,technique et scientifique dupays. Nous voulons donner unsens nouveau à ces notions,pour sortir des tabous et gagnerle combat des idées. Nous endébattrons donc sur tous lescampus de France en mars 2016pour la Semaine de la penséemarxiste, dont le thème cetteannée est justement le progrès.

1. http://www.alterecoplus.fr/infographies/les-vraies-baisses-des-depenses-du-budget-2016-201510131159-00002301.html2. Biggar Economics, sept. 2015.

Investir dans l’enseignement supérieur et la recherche,c’est libérer des forces immenses

n Par MATTHIEU BAUHAINSecrétaire national de l’UEC (Union des étudiants communistes)

55ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE

Budget de l’État pour 2016 : faut-il plus de moyens pour l’ESR? Le débat est d’autant plus légitime que lesmédias ont fait leurs gros titres, lors de la rentrée 2015, de l’augmentation continue du nombre d’inscrits dansles établissements (+ 68000 par rapport à 2014).

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PROCHAIN DOSSIER SANTÉ

Hommage à ces femmes scientifiques privées de prix Nobel

Chien-Shiung Wu

(MAI 1912 - FÉVRIER 1997)Chien-Shiung Wu est une physicienne sino-américaine. Spécialiste de physique nucléaire, elle participe au projet Manhattan. Reconnue pour son travail, elle collabore avec Tsung-Dao Lee et Chen Ning Yang, à qui elle propose une expérience décisive pour tester leur théorie relative à la désintégration β. Malgré les résultats qui en découlent, la nature fait la différence entre la gauche et la droite : ce sont ses deux collègues qui recevront le prix Nobel de physique en 1957, Chien-Shiung Wu n’a pas été associée aux lauréats. À défaut de prix Nobel, la physicienne a étérécompensée par de nombreux autres prix prestigieux, dont la Medal of Science, la plus haute distinction scientifique décernée aux États-Unis.

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