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N o 02 — Mai - Juillet 2013 « Fribourg doit se réinventer » Jean-Luc MOSSIER Directeur de la Promotion économique du canton de Fribourg

Uniéco N° 2

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Uniéco a pour but de promouvoir l'information économique à travers un trimestriel distribué sur le campus de lʼUniversité de Fribourg et de la Haute Ecole de gestion de Fribourg.

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No 02 — Mai - Juillet 2013

« Fribourg doit se réinventer »

Jean-Luc MOSSIER

Directeur de la Promotion économique du canton

de Fribourg

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Milo Bozic, Corédacteur en chefPhoto: Lara Vehovar

EditorialDiversifier pour mieux régner.

Milo Bozic

Édito

Sommaire

◀ Photo de couverture : Lukas Dubs

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ProfesseursDans les coulisses de L’EEE. Philippe G. Nell

Les conséquences de l’initiative Minder. Dušan Isakov

Sur le terrain Fribourg se tourne vers le futur. Junior Entreprise Fribourg

(Jérôme Castella et Marc Vincent)

InterviewJean-Luc Mossier, directeur de lapromotion économique du canton de Fribourg.Milo Bozic et Matthieu Seydoux

EtudiantsFrance Voutaz et Laura Graafen.

Les enjeux relatifs au renforcement du label « swiss made ».Thomas Bato

AgendaUne sélection non-exhaustive des évenements à venir.Léa Ruppen

milo Bozic

Diversifier pour mieux régnerLa Suisse doit se préparer à diversifier ses marchés d’exportation. Nous ne pouvons plus dépendre de l’Europe, re-lativement instable économiquement, où sévit encore la crise de la dette de l’Euroland ; les événements récents en Italie ou à Chypre sont là pour nous le rappeler. Tout comme nous devons déjà envisager de sérieuses alternatives aux Etats-Unis, confrontés à la menace de la « falaise fiscale », c’est-à-dire à une forte hausse des impôts combinée à une réduction drastique des dépenses publiques. Enfin, nous ne pouvons plus jeter une part considérable de nos forces économiques en Chine, où cette dernière connaît actuellement un ralen-tissement du taux de croissance écono-mique après treize années de hausses perpétuelles.

Certes, il est vrai que la Suisse a bou-clé l’exercice 2012 sur un excédent re-cord de la balance commerciale (+24,4 milliards), nonobstant un franc suré-valué face à l’euro. Néanmoins, les entreprises d’exportations helvétiques

devraient, à mon avis, déjà considé-rer de nouveaux débouchés. Après les grandes puissances émergentes du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), on parle désor-mais de plus en plus du groupe des « onze prochains », amené à devenir une force substantielle sur l’échiquier économique mondial. Ce groupe, ré-unissant le Bangladesh, la Corée du Sud, l'Égypte, l'Indonésie, l'Iran, le Mexique, le Nigeria, le Pakistan, les Philippines, la Turquie et le Vietnam, a déjà réalisé 8% du PIB mondial en 2011. D’abord, ces pays (et plus spéci-fiquement la Corée du Sud, l’Indoné-sie, le Vietnam et la Turquie) offriront des opportunités de marché intéres-santes pour les firmes suisses ; ensuite, cela leur permettra de diversifier leurs risques, sachant que les « onze pro-chains » n’ont pas été autant exposés aux récentes crises que les pays déve-loppés. Finalement, ces nouveaux dé-bouchés renforceront l’image positive de la Suisse à l’étranger. Ainsi, verra-t-on peut-être bientôt des montres es-tampillées du label « swiss made » sur les marchés de Jakarta ou de Hanoï, si ce n’est déjà le cas…

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danS leS couliSSeS de l'eee Depuis 2010, l'Union Européenne a bloqué tout nouvel accès à son marché interne à la Suisse sous réserve d'un nouveau cadre institutionnel. Un regard au cœur du pouvoir révèle ce qui fut possible et ce qui ne le fut pas, il y a vingt ans, face à un partenaire fidèle à ses principes.

Dans un monde de plus en plus interdépendant, la Suisse est constamment en négociation. En janvier 2013, elle a entamé des pourparlers ex-ploratoires avec l'Union Européenne au sujet d'un nouveau régime institutionnel, en février elle a signé avec les Etats-Unis un accord sur la trans-mission par ses instituts financiers d'informations sur les avoirs détenus en Suisse par des clients US et elle négocie actuellement des accords de libre-échange avec notamment la Chine, l'Inde, la Rus-sie, le Vietnam et le Panama. Alors que présidents, parlementaires et officiels américains publient régulièrement des livres sur des phases cruciales de politique intérieure et étrangère, ceci est plutôt rare en Europe.

Dévoiler la face cachée Des granDs événements

Des archives fermées pendant 30 ans, des vies pro-fessionnelle et privée bien remplies freinent toute velléité chez nous. Il n'en demeure pas moins que, pour mieux saisir les grands tournants de l'His-toire, public, parlement et milieux académiques devraient pouvoir les revivre de l'intérieur. Bien que la presse joue un rôle essentiel à cet égard, ses sources demeurent limitées tout comme l'espace pour publier. Certes, le public peut-il s'informer par le biais de rapports gouvernementaux ou en consultant les minutes des débats parlementaires; ceci ne représente toutefois que la partie visible de l'iceberg... la partie immergée gardant les secrets du pouvoir, des luttes, des pourquoi, des com-ment, des doutes et des changements de caps.Les négociations sur l'Espace économique euro-péen (EEE)2 marquèrent un tournant historique pour la Suisse. Non seulement elle se vit offrir une adhésion partielle à l'UE, mais encore la chute du

mur de Berlin3 accéléra le processus d'intégration économique européenne. L'EEE renforcerait la compétitivité de la Suisse en l'obligeant à créer un véritable marché interne helvétique et à effec-tuer des réformes importantes. Il y aurait des ga-gnants et des perdants, la campagne de persuasion serait compliquée, mais la Suisse, hier comme aujourd'hui, ne pouvait laisser échapper pareille opportunité. Pour un pays qui gagne un franc sur deux à l'étranger, l'accès aux marchés extérieurs demeure essentiel.La reprise de l'ensemble du droit communautaire économique – sauf essentiellement les domaines de l'agriculture, de l'union douanière et de la fis-calité – ne serait pas une sinécure pour un pays

▲ Jacques delors, président de la commission euro-péenne, lors de la signature du traité sur l’eee (2 mai 1992, Porto).source: association euro-péenne de libre-échange.

PHiliPPe G. nell1 ProfeSSeurSMinistre,Chef du secteur Amériques au SECO,Chargé de cours à l'Université de Fribourg.

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qui avait pris soin d'exclure les sujets les plus sen-sibles politiquement parlant. De plus, l'intégration quasi systématique dans le droit suisse des nou-velles règles de l'UE sans participer aux prises de décisions formelles créerait un sentiment de pro-fond malaise. Sortir des négociations n'était tou-tefois pas une option : l'UE continuerait-elle avec les autres pays de l'AELE4 ? Qu'adviendrait-il de la Suisse ? De deux maux, satellisation ou margi-nalisation, lequel était le pire ? Et, y avait-il a day after, un projet de société allant au-de-là d'un isolement ou d'une participation à l'EEE ?

Ces questions cru-ciales furent au cœur des discus-sions internes suite à la proposition du président de la Commission européenne, Jacques Delors5, d'offrir le pont de l'EEE aux pays de l'AE-LE. Comment s'orienter alors que les membres du Conseil fédéral et de la délégation de négociation divergeaient au sujet de la fi nalité de la politique d'intégration ?

la gestion D'Une négociation mammoUth

Présidente de l'AELE de juillet à décembre 1990, la Suisse devra briser le premier blocage. Ce ne sera pas simple : en l'espace de quatre jours, à la fin octobre, la Suède se tournera vers l'adhésion à l'UE et le gouvernement de coalition norvégien tombera. Dans la foulée, le secrétaire d'Etat Franz Blankart organisera une réunion secrète à son domicile dans le Château de Muri, à l'abri de la presse, au cours de laquelle les pays de l'AELE ef-fectueront une offre conditionnelle à l'UE : aban-don de quasiment toutes leurs exceptions perma-nentes contre un régime juridique et institutionnel satisfaisant. Des progrès s'enchaîneront ensuite, toutefois jamais aussi vite que la Suisse et ses par-tenaires le désiraient car toute proposition d'im-portance de la Commission devait obtenir l'aval du Conseil des ministres. Les dossiers cruciaux avanceront par bonds sous l'impulsion des ren-contres ministérielles groupant l'UE et les sept pays de l'AELE. Des périodes transitoires permettront une adap-tation progressive dans des domaines sensibles (libre circulation des personnes) et une clause de sauvegarde offrira une soupape de sécurité en cas

un livre inÉdit

Philippe G. nell* ana-lyse comment la com-munauté européenne, la Suisse et ses partenaires de l'association européenne de libre-échange (aele: au-triche, islande, liechtenstein, finlande, norvège, Suède, Suisse) ont conduit ensemble de 1989 à 1992 la plus grande et la plus complexe négociation de leur histoire. Présent partout, l'auteur entraîne le lecteur au coeur de l'action: espoirs, surprises, coups de théâtre, succès. un éclairage unique est porté sur l'art de négocier, le débat politique en Suisse et le processus ayant conduit à déposer une demande d'adhésion à l'ue en mai 1992. Paradoxalement, la Suisse retrouve aujourd'hui sur sa route la pierre d'achoppement institutionnelle qui a largement contribué au refus de l'accord sur l'eee par le souverain le 6 décembre 1992.

*Suisse-Communauté européenne: au coeur des négociations sur l'Espace économique eu-ropéen, Economica et Fondation Jean Monnet pour l'Europe, 2012. Pour des informations: www.jean-monnet.ch ou [email protected].

de sérieuses difficultés économiques ou sociales liées à la participation au grand marché. A la fin, la Suisse obtiendra comme seules exceptions per-manentes le maintien du tonnage (28 tonnes) et de l'interdiction de rouler en fin de semaine pour les camions dans le cadre d'un accord sur les trans-ports négocié en parallèle ; en contrepartie, elle s'engagera à construire deux transversales ferro-viaires sous les Alpes. S'agissant des personnes, l'autre dossier le plus critique, la période transi-

toire de cinq ans acquise de haute lutte représen-tera un strict minimum face aux craintes de divers segments de la population.

Passionné de navigation, capitaine du bateau hel-vétique, le conseiller fédéral Jean-Pascal Delamu-raz se trouvera, dans des moments décisifs, seul face à la tempête avec son collègue René Felber, les autres pays de l'AELE ne les soutenant pas dans le domaine institutionnel. Ils devront accep-ter une autorité de surveillance et une Cour AELE supranationaux ainsi qu'un régime de prise de dé-cisions peu satisfaisant.►

Le secrétaire d'Etat Franz Blankart organisera une réunion secrète à son domicile dans le Château de Muri, à l'abri de la presse, au cours de laquelle les pays de l'AELE effectue-ront une offre conditionnelle à l'UE : abandon de quasiment toutes leurs exceptions permanentes contre un régime ju-ridique et institutionnel satisfaisant.

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SUISSE – COMMUNAUTÉEUROPÉENNE

Au cœur des négociations sur l’Espace économique européen

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Comment la Communauté européenne (CE), la Suisse et ses partenairesde l’Association européenne de libre-échange (AELE) ont-ils conduit la plusgrande et la plus complexe négociation de leur histoire ? Initiée par JacquesDelors en janvier 1989, elle prendra les contours d'une adhésion partiellesimultanée à la CE pour sept pays : Autriche, Islande, Liechtenstein,Finlande, Norvège, Suède, Suisse. En plus, l'Espace économique européen(EEE) devra résoudre des questions délicates inédites.

Au fil des pages, une brochette d’acteurs prestigieux et engagés nousentraîne au cœur de l'action : espoirs, surprises, coups de théâtres, déceptionset succès, le déroulement est fascinant. Avec la chute du mur de Berlin et lanouvelle géopolitique européenne, les pays neutres se tournent l’un aprèsl’autre vers l’adhésion. Un éclairage unique est porté sur l’art de négocier, ledébat politique en Suisse et son cheminement vers une demande d’adhésion.Vingt ans après sa signature à Porto, l’accord sur l’EEE garde une éclatanteactualité pour la Suisse, amenée à définir avec l’Union européenne une struc-ture institutionnelle correspondant au haut niveau d’intégration atteint. Cetouvrage constitue une précieuse référence et une source d’inspiration pourles décideurs d’aujourd’hui. C’est aussi un hommage à tous ceux qui ontdonné le meilleur d’eux-mêmes pour, comme le disait Jean Monnet, ne pascoaliser des États mais unir des hommes.

Philippe G. Nell, privat docent, docteur en études internationales, économiste, ministre diplomatique chargé des relations bilatérales entre laSuisse et les Amériques au Secrétariat d’État suisse à l’économie, a participéà un poste clef aux négociations sur l’EEE, publié de nombreux articles depolitique d’intégration et commerciale et enseigne notamment dans les uni-versités de Bâle et de Fribourg.

ISBN 978-2-7178-6425-033 €-:HSMHLH=][YWZU:

FONDATION JEAN MONNET POUR L’EUROPE

Philippe G. NellFON

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ePilogUe

Lorsque l'Histoire s'accélère, il est primordial, pour un petit pays comme la Suisse, de fi xer une ligne claire, d'obtenir le soutien des milieux politiques et économiques internes et de sceller des alliances solides. Tracer son chemin hors des sentiers battus ne peut que conduire à l'isole-ment. Les positions doivent être analysées avec réalisme et la marge de manœuvre établie avec objectivité. L'acharnement de la Suisse pour un régime commun de décision lui coûtera la soli-darité de ses partenaires, l'incompréhension de l'UE et une presse toujours plus critique jetant un grand doute dans la population au sujet de l'en-semble de l'Accord. Prisonnière de ses principes et de son système gouvernemental, la Suisse tar-dera à mettre le cap sur l'adhésion à l'UE bien que sa position très engagée sur les questions institutionnelles ne lui laissait aucune autre voie d'avenir crédible. Lorsqu'elle le fi t enfi n, le lieu – Luxembourg – et le moment – trois heures du matin – ne purent que surprendre et soulever des interrogations. L'Histoire l'avait prise de vitesse. Mon ouvrage montre comment elle en arriva là. Les leçons à tirer sont simples et toujours va-lables aujourd'hui : comprendre la position et la fl exibilité éventuelle de l'autre est tout aussi im-portant que connaître ses propres limites ; dis-poser d'une option crédible est indispensable. Ceci s'applique aux futures négociations avec l'UE sur l'établissement d'un cadre institution-nel chapeautant les principaux accords secto-riels bilatéraux : fondé sur le principe fonda-mental de l'homogénéité du grand marché, le nouveau régime devra refl éter le haut niveau

d'intégration atteint avec une reprise systéma-tique des règles de l'UE ainsi qu'avec des méca-nismes de surveillance et de contrôle judiciaire internationaux comparables à ceux de l'EEE.■

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1 Les vues exprimées dans cet article n'engagent que leur auteur.2 Les discussions préliminaires et les négociations se dérou-lèrent de 1989 à 1992.3 9 novembre 1989.4 Créée en 1960, l’Association européenne de libre-échange (AELE) regroupe actuellement l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse. 5 Discours au Parlement européen, 17 janvier 1989.

▲ Signature de l'accord sur l'eee (Porto, 2 mai 1992). au premier plan, Jean-Pascal delamuraz, chef du département fédéral de l'economie Publique avec à sa gauche adolf ogi, chef du département fédéral des transports, des communications et de l'energie.source: association européenne de libre-échange.

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L'initiative votée le 3 mars 2013 engendrera dans un premier temps une modification de la consti-tution helvétique et sera suivie d'une adaptation du code des obligations. Le Conseil fédéral a une année pour édicter les dispositions d'exécution de l'initiative qui ne devrait donc pas déployer ses ef-fets avant 2014 voire 2015. Cette initiative, qui ne concerne que les sociétés cotées en bourse, vise essentiellement à limiter les rémunérations consi-dérées comme excessives en donnant, d'une part, plus de pouvoir aux actionnaires et, d'autre part, en interdisant certaines formes de rémunération. Le texte introduit cinq grands changements par rapport à la situation actuelle. Ainsi, l'assemblée générale des actionnaires devra approuver chaque année la somme globale des rémunérations ver-sées à la direction et au conseil d'administration. Ce vote sera contraignant alors qu'à l'heure ac-tuelle un tel vote n'est que consultatif. Les ac-tionnaires éliront chaque année individuellement les membres du conseil d'administration : son président et les membres du comité de rémuné-ration. Certaines rémunérations seront interdites comme les primes de départ, plus communément appelées « parachutes dorés ». Les sociétés de-vront également permettre aux actionnaires de voter par voie électronique. Enfin, les caisses de pension seront tenues de voter lors des assem-blées générales et de communiquer le contenu de leurs votes à leurs assurés.

Quels seront les effets réels de cette initiative ? Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'initia-tive a sans doute déjà produit des résultats car, depuis la date de son dépôt en février 2008, elle a donné lieu à de nombreux débats au Parlement et dans les médias. Suite à ces discussions, bon

nombre d'entreprises cotées se sont résolues à organiser un vote consultatif sur les rémunéra-tions des dirigeants auprès de leurs actionnaires. Ainsi, non seulement les entreprises sont plus responsables en matière de rémunération mais les actionnaires sont également devenus plus cri-tiques à ce sujet. On a même assisté à un rejet du rapport de rémunération par les actionnaires de la banque Julius Bär en avril dernier. Mais au-delà de ces premiers effets induits, la question centrale est de savoir si l'initiative atteindra son objec-tif principal, à savoir limiter les rémunérations considérées comme abusives ? Malgré les pro-grès importants en matière de démocratie action-nariale, il est très probable que les rémunérations très élevées et parfois excessives continueront à exister en Suisse.►

▼ la mise en œuvre de l’initiative minder au Par-lement fédéral promet encore quelques rebon-dissements, le texte final de la future loi demeurant très indécis. source: haslo sur flickr.com.

dušan iSakovProfeSSeurSProfesseur ordinaire à l’Université de Fribourg.Titulaire de la Chaire de Gestion financière.

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leS conSÉquenceS de l'initiative minder

Le 3 mars dernier, après plusieurs mois de débats nourris sur le niveau des rémunérations des dirigeants de sociétés cotées, le peuple a accepté l'initiative Minder sur les salaires abusifs. Que faut-il attendre de cette règlementation unique au monde? Cet article fait le point.

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les rémUnérations actUelles

Avant d'analyser l'impact de l'initiative sur les rémunérations, il faut se pencher sur le niveau actuel des salaires. Différentes recherches me-nées au sein de la chaire de gestion fi nancière de l'Université de Fribourg ont analysé les pratiques de rémunérations des sociétés cotées en Suisse. Ces travaux ont nécessité la collection manuelle des informations qui doivent obligatoirement être fournies par les entreprises dans leur rapport annuel de-puis 2007. Une des informations four-nie est la rémunéra-tion du dirigeant le mieux payé dans une fi rme et, dans la plupart des cas, cela correspond à celle du CEO1. L'analyse des derniers chiffres dis-ponibles, à savoir ceux des rémunérations versées pour 2011, révèle que sur les 200 sociétés cotées trois-quarts des dirigeants perçoivent un montant inférieur ou égal à deux millions de francs et que la moitié des dirigeants reçoit moins d'un million. Sachant qu'un récent sondage indiquait qu'une ré-munération de l'ordre de un à deux millions est considérée comme acceptable par le grand public, on s'aperçoit qu'une majorité de sociétés ne verse pas de salaire excessif à ses dirigeants.

Des salaires élevés mais Pas toUJoUrs eXcessifs

Toutefois, il s'avère qu'une cinquantaine de so-ciétés ont versé des salaires compris entre deux

et dix millions de francs en 2011. Peut-on parler de salaires excessifs dans ce cas ? Les sociétés qui paient ces montants sont en majorité les plus grandes entreprises suisses. Pour de telles entre-prises, ces salaires sont acceptables voire indis-pensables. En effet, les travaux académiques qui analysent les rémunérations des dirigeants dans le monde montrent de façon unanime que le princi-pal (voire le seul) déterminant du niveau de rému-nération est la taille de l'entreprise. L'explication est que la gestion de très grandes entreprises est

complexe et requiert des compétences et une ex-périence particulière. Ainsi, pour attirer et garder de tels dirigeants, les entreprises se doivent de rémunérer les cadres de façon compétitive. Tant que l'économie suisse sera le siège de ces très grandes entreprises, on observera toujours de très hauts salaires pour ces dirigeants. Parmi les socié-tés qui versent des montants très élevés, il y a mal-

la rÉmunÉration deS diriGeantS

la rémunération d'un dirigeant est composée de plusieurs éléments : le salaire de base et le bo-nus qui sont des montants versés en argent liquide et qui rémunèrent la performance à court terme. on ajoute à ce montant la valeur des actions de l'entreprise et des options sur les actions de l'en-treprise. ces titres sont donnés au dirigeant dans le but de l'inciter à faire augmenter la valeur de l'ac-tion à long terme. Enfi n, il y a d'autres types de ré-munérations, comme les avantages en nature ou la contribution à la caisse de pension du dirigeant. La rémunération est fi xée par un sous-ensemble du conseil d'administration, appelé le comité de rémunération. ce dernier est généralement com-posé de trois personnes qui ont des compétences particulières dans le domaine de la rémunération. elles s’efforcent de mettre en place des plans de rémunération qui doivent inciter les dirigeants à œuvrer dans l’intérêt de l’entreprise.

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Malgré les progrès importants en matière de démocratie actionnariale, il est très probable que les rémunérations très élevées et parfois excessives continueront à exister en Suisse.

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gré tout des sociétés de taille plus modeste. C'est sans doute pour ces quelques sociétés que l'on peut parler de rémunération problématique car leur taille ne justifie pas vraiment une telle rému-nération. Ces entreprises partagent souvent une caractéristique com-mune en matière de structure de l'ac-tionnariat : elles sont dominées par un actionnaire ma-joritaire qui dispose d'une proportion im-portante de votes voire de la majorité absolue. Par conséquent, cet actionnaire a une influence importante sur le conseil d'administration qui dé-termine le montant des rémunérations.Dans ce deuxième cas de figure, bien que l'ini-tiative Minder donne plus de droits aux action-naires en matière de rémunération, il semble peu probable que cela change quoi que ce soit car l'actionnaire majoritaire a sans doute approuvé la rémunération, même si cette dernière est pro-blématique. Pour les sociétés de grande taille, il est aussi probable que l'initiative Minder ne change pas le niveau de rémunération puisque les

actionnaires sont conscients que leurs dirigeants doivent percevoir des rémunérations élevées pour diriger de telles sociétés. On peut donc af-firmer que l'initiative ne diminuera pas le niveau des rémunérations les plus élevées observées en

Suisse pour les très grandes entreprises et celles dominées par un actionnaire majoritaire.

Une ParticiPation accrUe BénéfiQUe

En revanche, on peut s’attendre à une modéra-tion des rémunérations pour certaines sociétés car les nouvelles dispositions légales améliore-ront la gouvernance d’entreprise au travers d'une participation accrue aux assemblées générales. En effet, les petits actionnaires pourront plus facilement se prononcer par vote électronique. A l'heure actuelle, les assemblées générales se déroulent en des lieux et à des dates qui sont parfois difficiles d'accès pour les petits porteurs. Or, comme une présence physique est néces-saire pour l'exercice des droits de vote, beau-coup s'abstiennent. De plus, l'obligation faite aux caisses de pension d'exercer leur droit de vote augmentera substantiellement le taux de participation. Couplée au fait que les action-naires sont devenus plus critiques à l’égard des rémunérations, cette participation accrue aura certainement un effet puisqu'on a observé que les votes consultatifs avec une forte proportion de voix défavorables menaient à des révisions des politiques salariales, même en n’obtenant pas la majorité des votes. En conclusion, on peut affirmer que la principale conséquence de l’ini-tiative Minder, à savoir la généralisation du vote sur les rémunérations va sensiblement améliorer la gouvernance de toutes les sociétés cotées. ■

◀ les dirigeants des sociétés cotées en bourse devront dé-sormais soumettre leur salaire au vote contraignant des ac-tionnaires.source: nestlé sur flickr.com.

Les travaux académiques qui analysent les rémunérations des dirigeants dans le monde montrent de façon unanime que le principal (voire le seul) déterminant du niveau de rémunération est la taille de l'entreprise.

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1 Cela signifi e « chief executive offi cer » en anglais, ou chef de la direction en français.

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« Le Fribourgeois est une créature bien définie dans l'imagerie populaire helvétique ! Faites vous-même l'exercice en demandant à un quel-conque résident du canton romand voisin, de vous en décrire un. Vous constaterez que des traits de caractères se retrouveront dans toutes les versions que vous obtiendrez. Campagnard, rustre, fêtard, conservateur, rural, arriéré : les-dits voisins romands ne manqueront certaine-ment pas de qualificatifs élogieux pour décrire le Fribourgeois. Force est d'avouer que la plupart de ces observations sont fondées. Le Fribour-geois ne s'en cache d'ailleurs pas, tant il aime dé-montrer ces aspects de sa personnalité dans des festivités autant raffinées que culturelles comme le Carnaval des Bolzes bien entendu tradition-nellement arrosé du breuvage local Cardinal ».1 Alors que ce paragraphe se défendait il y a encore deux ans, il n'en est pas tout à fait de même aujourd'hui. Oui, le Fribourgeois est tou-jours fêtard et rustique et oui, le Carnaval des Bolzes est toujours l'occasion de consommer quelques hectolitres de Cardinal, mais de lé-gers changements sont tout de même observés :

• La brasserie Cardinal a fermé, emportée par les lois du marché, non sans laisser à sa ville un héritage culturel riche d'une histoire de près de deux siècles ;

• Fribourg, ville considérée jusqu'alors comme ancrée dans une tradition campagnarde et plus renfermée sur elle-même que ses voisines Lau-sanne et Genève, se tourne désormais vers le futur.

friBourG Se tourne verS le futur

La fermeture du site Cardinal aura fait couler beaucoup d'encre et hausser bien des voix. Mais le coup est désormais encaissé pour la communauté fribourgeoise et il faut désormais se tourner vers le futur. Futur qui se nomme blueFACTORY et qui prendra la forme d'un parc technologique.

Junior entrePriSe friBourGSur le terrain 10

▼ une projection en 3d du futur parc techno-logique bluefactorY.source : firma.

En effet, bien décidé à profiter de l'espace et de l'infrastructure laissés à la propriété conjointe de la commune et du canton, un groupe de pro-jet a rapidement été monté pour transformer le coup dur en opportunité : le site sera un parc technologique ! On ne dira plus « Brasserie Car-dinale » mais « blueFACTORY », on ne dira plus « l'entreprise » mais « les entreprises » et on n'y produira plus de la bière, mais des startups. Car qu'est-ce qu'un parc technologique ?

Grosso modo, il s'agit d'un lieu où sont mises en place des conditions cadres idéales pour permettre la maturation d'entreprises qui dé-velopperont à leur tour de nouvelles technolo-gies, que ce soit en termes d'infrastructures, de main-d'œuvres ou encore de proximité des par-tenaires. Pour ce qui est de l'infrastructure, le

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moins que l'on puisse dire est que le projet blue-FACTORY bénéfi cie d'un emplacement défi ant toute concurrence. Au centre-ville, à 5 minutes à pied de la gare, les 53000 m2 laissés à dispo-sition sont uniques en leur genre et devraient permettre une activité optimale sur le parc. Par ailleurs, le canton ne demeure pas en reste en ce qui concerne la main d'œuvre à disposition. Alors que Laure Schönenberger, responsable de la gestion opérationnelle du projet, confi rme l'intérêt international que suscite le parc, elle n'en oublie pas non plus le campus universi-taire fribourgeois, véritable réserve de jeunes cerveaux qui se verront offrir nombre d'opportu-nités. Dans les faits, le parc accueillera principalement des startups et des plateformes technologiques dont le point commun sera l’in-novation, la créativité et l’excellence. Quatre domaines d'activité seront présents, à savoir la santé et le biomédical, les matériaux, la plastur-gie, et les nanotechnologies, l'énergie, et enfi n l'IT security et l'E-governance, sans pour au-tant fermer la porte à un développement futur. Se voulant premier parc technologique « zéro carbone », le site sera entièrement aménagé de façon à modérer au maximum son impact écolo-gique. Chaque entreprise qui souhaitera s'y éta-blir devra d'ailleurs, en plus de réunir d'autres conditions clés, aller dans ce sens dans son mode de fonctionnement. Un regard donc tour-né vers le développement durable, parfaitement en accord avec la vision avant-gardiste du parc.

Reste à savoir si la formule prendra et si elle permettra effectivement de créer un réel pôle de développement technologique à Fribourg. Au regard des exemples à disposition dans l'économie mondiale en tout cas, les résultats de tels rassemblements d'entreprises d'activités similaires sont plus qu'encourageants. Qui n'a pas entendu parler de la Silicon Valley, le désor-mais légendaire Technopôle californien qui a notamment accouché des beaux bébés que sont Apple, Google et Facebook, pesant chacun plu-sieurs milliards de dollars en chiffre d'affaires ? Plus proche de nous, l'exemple de Novartis, en-treprise dont le succès n'est plus à prouver et qui tire pleinement profi t des clusters2 pharma-ceutiques de Bâle et de Boston, est également très parlant. Bien sûr, pour un parc naissant, se comparer ainsi déjà à ces géants tient du rêve

d'enfant, mais sachant que le HC Fribourg Got-téron a eu la carrure nécessaire pour se hisser en fi nal des playoffs, rien ne semble désormais impossible pour un Fribourgeois.

Laure Schönenberger est d'ailleurs très confi ante quant à l'engouement que suscite déjà le parc envers les entreprises ciblées, étant d'ores et déjà contrainte de refuser temporairement des startups pour manque de place. Au fi nal, c'est une création de 1000 à 2000 emplois qui est envisagée. Si tous ces objectifs arrivent à être

atteints, Fribourg aura donc gagné dans l'opé-ration une jolie carte de visite pour se démar-quer de son image traditionnelle, et il est fort à parier que ses habitants pourront alors trinquer à cette réussite lors du Carnaval 2014 (l'année d'ouverture annoncée du parc) avec une bonne bière Cardinal ! ■

Jérôme Castella et Marc Vincent

la Junior entrePriSe friBourG

active depuis près de 25 ans dans les domaines éco-nomiques, informatiques, des relations publiques et de la traduction, la Junior entreprise fribourg (Jef, prononcé "djef") est une association universitaire qui fonctionne comme une vraie petite entreprise de conseil.

le but de la manœuvre ? donner aux étu-diants, qui en sont membres, l'opportunité de vivre leurs premières expériences professionnelles en appliquant les théories académiques à des problé-matiques bien réelles d'entreprises de la région. Par ses prestations offertes à des prix défi ant toute concurrence – et à l'heure où l'expérience est une composante clé d'un bon cv – elle est ainsi l'occasion pour les économistes en herbe de se confronter au monde du travail en situa-tion réelle tout en fournissant des prestations de qualité à leurs clients. Bénéfi ciant d'une structure solide soutenue par l'université et les professeurs, la Jef est l'association idéale pour les étudiants qui souhaitent lier les théories acquises durant les cours, à la pratique.

infos complémentaires sur www.jef.ch

Se voulant premier parc technologique « zéro carbone », le site sera entièrement aménagé de façon à modérer au maximum son impact écologique.

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1 Une note subjective de l'auteur.2 Une concentration élevée d'entreprises du même secteur dans une zone géographique.

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Jean-lucmoSSier

milo Bozic et mattHieu SeYdouxinterview

Bio raPide

1983ingénieur chimistediplômé de l’ePfl

1984-1998doctorat en biotechnologie à l’ePflassistant au laboratoire de biotechnologie

1988-1991ciba-Geigy Saadjoint du chef de produc-tion

1991-1999degrémont Sa (groupe Suez-lyonnaise)chef du département Projet

1997-1999Hec lausannemaster en Business adminis-tration (mBa)

1999-2000directeur du parc scienti-fique de l’ePfl

2001-2011Silentsoft Saco-fondateur, directeur opérationnel, directeur technique,directeur du développement de l’activité

depuis 2011directeur de la Promotion économique du canton de fribourg

Avant le début de l’interview, on devine Jean-Luc Mossier, directeur de la Promotion économique du canton de Fribourg (PromFR), plutôt pressé : « Je dirais qu’on a une demi-heure pour les ques-tions et cinq minutes pour les photos, ça joue pour vous ? ». En effet, depuis sa nomination à ce poste en avril 2011, le Veveysan a l’importante tâche de stimuler l’économie du canton de Fribourg. Mais surtout, Jean-Luc Mossier s’affaire à la réalisa-tion du projet blueFACTORY (lire le dossier aux pages 10 et 11), futur parc technologique qui sera le premier, en Suisse, à disposer d’une emprunte écologique « zéro carbone ». Homme d’expé-rience, Jean-Luc Mossier, nous retrace son par-

cours professionnel : celui d’ingénieur chimiste, de directeur du Parc Scientifique de l’EPFL ou encore d’entrepreneur. Le directeur très engagé a désormais l’intention de faire de Fribourg une économie plus florissante et nous distille, durant cette interview printanière, quelques-unes de ses recettes pour y arriver.

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Directeur de la Promotion économiquedu canton de Fribourg

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Commençons par vos débuts. Pourquoi avez-vous choisi un doctorat en bio-technologie après une formation d’in-génieur chimiste ?

Plus concrètement, comment défi ni-riez-vous la biotechnologie ?

C’est le fait d’utiliser les réactions chimiques du monde vivant pour transformer la matière et créer de nouveaux produits. En biotechnologie, on utilise les réactions biologiques à l’intérieur des cellules, d’organismes ou de micro-organismes, que l’on modifi e pour arriver à des résultats aty-piques. On agit notamment sur la température, la pression, la réactivité naturelle d’un corps, etc. En résumé, on reprogramme la nature pour l’amener à produire un résultat autre que ce qui était prévu originellement.

▼Jean-luc mossier est l'un des premiers docto-rants en biotechnologie de Suisse. Photos de l'interview: lukas dubs.

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Dans les années 1980, le bioengineering était l’un des domaines nouveaux que l’on enseignait aux ingénieurs chimistes de l’EPFL. C’était tout à fait dans le trend de cette époque. Il était assez naturel de regar-der ce qui se passait du côté des réactions biologiques. Le domaine de la biotechnologie en était encore à ses premiers balbutiements.

Durant votre carrière, vous êtes passé progressivement d’un métier de scienti-fi que à celui d’entrepreneur, notamment en co-fondant l’entreprise Silentsoft SA en 2001, pour laquelle vous avez même reçu le prix d’ « Entrepreneur suisse de l’année » en 2005. Pouvez-vous nous parler de cette aventure entrepreneuriale?

Dans les faits, j’ai d’abord été ingénieur dans l’industrie chimique durant une dizaine d’an-nées. Ensuite, j’ai travaillé pour la société De-grémont, active dans le domaine de l’environ-nement, qui m’a notamment payé mon MBA (Master en Business Adminsitration). Après ce diplôme, j’ai quitté Degrémont pour prendre la direction du parc scientifi que à l’EPFL, qui était encore à un stade embryonnaire à cette époque. C’était extrêmement stimulent, avec toutes ces startups high-techs et internet qui montaient, ce qu’on appelait « la nouvelle économie » était en marche, et je voulais en faire partie. Après quelques temps, Fabio Cesa, un ami du MBA, m’a appelé pour que nous lancions aussi notre jeune pousse : Silentsoft était créée. Nous étions

Quelles sont les principales missions de la Promotion économique du canton de Fribourg ?

Au-dessus de la PomFR, on trouve d’abord la Direction de l’Economie et de l’Emploi (DEE) dirigée par le Conseiller d’État Beat Vonlanthen. La DEE s’emploie à défi nir les conditions cadres optimales pour le développement de l’économie et de l’industrie; elle s’appuie sur la formation, le terrain disponible ou encore les conditions fi scales. Dans sa mission, la DEE doit rester « neutre », c’est-à-dire ne pas intervenir dans le libre marché en favorisant telle ou telle entreprise, car elle serait accusée de faire de la distorsion de concurrence en privilégiant par exemple telle bou-langerie ou telle carrosserie au détriment d’une

l’une des premières plateformes à proposer des solutions télémétriques pour la gestion des éner-gies, ainsi que la gestion à distance des stocks. Notre modèle d’affaires était principalement basé sur un service de contrôle des réserves de chauffage à mazout pour des régies immo-bilières. Aujourd’hui, bien que j’aie quitté ma fonction de direction chez Silentsoft pour en

rejoindre une autre à la PromFR, la fi rme est toujours active et présente dans une douzaine de pays.

C’était extrêmement stimulent, avec toutes ces startups high-techs et internet qui montaient, ce qu’on appelait « la nouvelle économie » était en marche, et je voulais en faire partie.

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Comment aidez-vous concrètement les entreprises fribourgeoises ?

Pourquoi une startup devrait s’implanter dans le canton de Fribourg, plutôt qu’ail-leurs, comme dans l’Arc lémanique ou la grande zone industrielle de Zurich ?

Les entreprises fribourgeoises exportent dans 173 pays. Comment expliquez-vous ce succès ?

La Loi sur la promotion économique (LPEc) nous met à disposition divers instruments de soutien aux entreprises, l’idée de base étant de soutenir l’implantation d’activités industrielles étant donné que ce sont elles, principalement, qui permettent d’amener de la haute valeur ajoutée dans le canton. Récemment, la PromFR a ainsi par exemple pu accompagner l’implantation de la troisième usine de Nespresso à Romont où des centaines d’em-plois seront créés à terme. Concrètement, les sou-tiens envisageables peuvent être d’ordre financier (versement d’une aide directe), fiscal (allégement fiscal de durée déterminée) ou logistique (coordi-nation du projet). La décision finale de soutien à une entreprise revient, en fonction des montants en jeux, au Conseil d’Etat ou à la Commission d’at-tribution des mesures d’aides en matière de pro-motion économique, qui est formée de politiciens et d’industriels. Enfin, il faut savoir que nous tra-vaillons d’un point de vue conceptuel : nous n’ai-dons pas une entreprise qui investit 20 millions de francs parce qu’elle est sympathique, mais nous l’aidons parce que cela fait du sens.

La Suisse est tellement petite, qu’on peut presque la comparer à la distance nord-sud d’une ville comme Los Angeles. Nous avons une telle densi-té d’étudiants, de savoir-faire et de compétences qu’il ne faudrait pas que cela reste l’apanage de Lausanne ou de Zurich. Etant donné que le mé-canisme de startup se concentre dans les autres régions de la Suisse, nous voulons amener cela à Fribourg de manière plus active. Une autre bonne raison peut provenir d’un choix de cœur. Vous êtes attaché à cette région, et vous avez envie d’y faire du business. De plus, avec le haut niveau de for-mation dispensé à Fribourg, il y a statistiquement

une forte proportion d’étudiants ou de personnes qui veulent créer une boîte à un moment donné sur le sol fribourgeois.

Ce n’est pas seulement typique du canton de Fri-bourg, mais plutôt représentatif de la Suisse. Da-niel Küng, directeur de l’Office suisse d’expansion commerciale (OSEC), a récemment avancé une théorie pour expliquer les raisons du succès des exportations helvétiques. Parmi les nombreuses raisons invoquées, il y a notamment la structure des PME. En effet, beaucoup d’entre elles, parti-culièrement celles créant des produits à fort conte-nu technologique, ne trouvent pas dans le marché suisse assez d’acheteurs potentiels pour leurs pro-duits, si bien qu’elles sont obligées de se tourner presque exclusivement vers l’exportation. À l’in-verse, en Allemagne ou en France par exemple, ces types de PME sont surtout orientées vers le marché domestique, car celui-ci est assez grand pour absorber l’ensemble de l’offre.

autre. La PromFR, quant à elle, a une mission bien plus précise : faire de « l’intrusion » dans le marché afin de soutenir certaines entreprises. Avec nos interventions ponctuelles et actives, nous essayons d’obtenir des résultats rapides. Il faut savoir que le canton de Fribourg a l’un des plus faibles PIB par habitant en Suisse ! Nous cherchons donc, par notre action, à augmenter le niveau moyen des revenus dans le canton.

▲ la structure des expor-tations fribourgeoises, par continent (en %).source : Swiss federal customs administration (fca), Bern, 2013.

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Quels sont les prochains défis écono-miques pour le canton de Fribourg ?

Dans les grands projets de la PromFR, il y a notamment blueFACTORY, futur parc technologique qui sera créé à Fribourg en 2014. De quoi s’agit-il précisément ?

BlueFACTORY permettra de dynamiser le can-ton. Ce sera le premier parc « zéro carbone » de Suisse. On y trouvera un quartier d’innovation avec des entreprises high-tech, actives notam-ment dans l’énergie, le biomédical ou encore la plasturgie. Il se situera sur l’ancien site de Car-dinal et donc en plein centre-ville, ce qui est ra-rement le cas des parcs technologiques – en tout cas en Suisse. À Fribourg, nous avons en plus la chance de disposer d’une gare Intercity et, encore une fois, d’une forte population d’étudiants. Je pense donc que de très bonnes choses vont y être réalisées.

Fribourg occupe actuellement une position délicate, particulièrement sur le plan fiscal.

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Depuis deux ans, nous ne pouvons plus par exemple bénéficier de l’arrêté Bonny, qui était une mesure d’allègement fiscal prise au niveau fédéral pour aider les cantons qui avaient le plus de retard dans leur développement écono-mique. Désormais, le canton doit se réinventer et trouver une position claire au centre de la Suisse. Plus concrètement, Fribourg doit se construire son propre USP (unique selling pro-position ou promesse de vente unique) – pour utiliser une notion de marketing. D’ailleurs les autres villes en ont déjà un : Genève avec son aéroport, Lausanne avec son parc techno-logique de l’EPFL ou encore Neuchâtel avec ses compétences microtechniques. Quel serait alors l’USP de Fribourg ? Je pense que cela pourrait être l’économie du carbone, le déve-loppement durable ou la proximité avec la na-ture. Car dans un avenir proche, les entreprises entreront dans une période de transition éner-gétique de sorte que Fribourg pourrait jouer un rôle de pionnier dans le domaine du « zéro carbone » en Suisse. ■

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Si l’on réfléchit uniquement sur le principe, l’ap-pellation « swiss made » devrait être attribuée à un produit 100% fabriqué en suisse. Cette pro-position fait suite au constat que des composants fabriqués à l’étranger et utilisés dans la fabrica-tion sont de qualité moins élevée que les produits suisses et par conséquent qu’ils ont un impact négatif pour le label « swiss made ». Je pense, pour ma part, que cette modification entraînerait une diminution des marges des en-treprises horlogères, étant donné les coûts de production élevés en Suisse. De surcroît, cette initiative doit être positive pour l’ensemble de l’industrie et pas pour une partie de celle-ci. En effet, une hausse des coûts serait plus pénalisante pour les produits de milieu de gamme que pour les produits de luxe.Il est donc important de trouver un équilibre entre la pérennité des entreprises et cette volonté de pré-server le label « swiss made », qui est indispen-sable si nous souhaitons continuer à exporter des produits avec des coûts de production plus élevés que dans les autres pays. ■

tHomaS BatoÉtudiantS

France Voutaz

Bachelor of Arts in Management.

Première année.

Laura Graafen

Master of Arts in Bu-siness Communication.

Première année.

Que pensez-vous du durcissement de l'attribution du label « swiss made » proposé par la Fédération horlogère, consis-tant à passer d’un minimum de 50 % de composants produits en Suisse à 60 % ?

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Je pense qu’un durcissement de la règlementa-tion peut être positif pour le marché du travail en Suisse si les fabriquants accepteraient de produire davantage dans notre pays. Dès lors, notre économie bénéficierait certainement de la création de nouveaux emplois. D’un autre côté, le rapatriement de la production fabriquée à l’étranger nécessiterait des investissements que certaines entreprises ne pourraient pas assumer.Cependant, il est important que le consomma-teur conserve sa confiance dans le produit label-lisé « swiss made ». Une montre suisse doit rester un produit de grande qualité sous peine de voir le consommateur se détourner vers des produits moins chers.En conclusion, je pense que la demande de la fédération horlogère est justifiée. La désignation « swiss made » est une référence de grande qua-lité reconnue dans le monde entier et il est donc vital de la protéger, mais pas au détriment d’une partie de l’industrie. ■

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mai – Juillet

lÉa ruPPenaGenda

06.05tHe relevance of tHe SwiSS-eu Bilateral relationS for SwiSS comPanieS - StatuS quo and future PerSPec-tiveSPÉrolleS 90 - G230 9 :30

dr. Jan atteslander, responsable relations économiques extérieures chez economiesuisse.organisé par la HeG fribourg.

17.05

05.06

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07.05concePtS marketinG neS-PreSSo, l’exPÉrience du marcHÉ SuiSSePÉrolleS 90 - a14013 :15 À 15 :00

nicolas Brandle, area manager nespresso Suisse.

08.05leS trucS et aStuceS Pour dÉcrocHer Son Premier JoBPÉrolleS 80 – auditorium e. Gremaud09 :30 À 12 :00

organisé par l’association management Student opportunities (mSo). inscriptions par e-mail à [email protected].

17.05aPProcHeS d’une criSe danS leS relationS PuBliqueSPÉrolleS 90 - c12013 :15 À 15 :00

laurent Paoliello, Secrétaire général adjoint du département genevois de la solidarité et de l’emploi.

24-25.05feteS de PÉrolleSBoulevard de PÉrolleSve : 16 :00 À 02 :00Sa : 10 :00 À 02 :00

Gratuit.

31.05camPuS fever 2013Plateau de PÉrolleS16 :00 À 03 :00

festival des Hautes ecoles de fribourg. Prix d’entrée : 8.- pour les étudiants avec une carte d'étudiant valable ; tous les autres payent 10.-.

03.06winninG toGetHer - How collaBoration acroSS differenceS driveS ProJect SucceSSPÉrolleS 90 - B13017 :00 À 18 :00

international institute of manage-ment in technology masterclass, suivi d’un apéritif.

06-07.06 6Ème JournÉe SuiSSe du droit de la Protection deS donnÉeSPÉrolleS 90

inscriptions ouvertes jusqu’au 17 mai 2013.

08-12.07cYBercamP’13PÉrolleS 90

l'université de fribourg organise un camp d'été sur le thème de l'in-formatique. le camp prendra place dans les locaux du département d'informatique.inscriptions ouvertes jusqu'au 19 mai 2013.

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la caricature

Pour conclure

Impasse du Nouveau Marché 3 - 1723 Marly Tel. 026 436 50 60 www.hotel-grandpre.ch

Impasse du Nouveau-Marché 1 - 1723 Marly Tel. 026 430 03 30 - www.lacena.ch

Anciennement restaurant "Le Petit Marly"

Simon Beuret 18

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Notre président d’honneur est Jean-Marc Syl-vestre, journaliste français de la presse écono-mique et également écrivain. Il a été de nom-breuses années le spécialiste de l’économie pour les chaînes de télévision TF1, LCI (filiale du groupe TF1) et iTélé (filiale du groupe Ca-nal+). En 2004, il a été décoré de l’ordre natio-nal de la Légion d’honneur.

Pour l’anecdote, le journaliste avait officiel-lement interviewé Nicolas Sarkozy, alors Pré-sident de la République française.

Aujourd’hui, Jean-Marc Sylvestre gère un blog économique influent (Jean-Marc-Sylvestre.com) qui est visité par plus de 100'000 inter-nautes par mois. ■

corédacteurs en chef rédacteurs conception graphiquedirecteur artistiquelayout woman ont participé à ce numéro

Photographiecaricaturecorrectionsconseiller en marketinget communicationcaricaturePrésident d'honneurremerciements

PrÉSident d'Honneur

imPreSSum

Jean-Marc Sylvestre.Journaliste français.

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milo Bozic et matthieu Seydouxthomas Bato, léa ruppenromain collaud aurélie monnierfiona endresthomas Bato, milo Bozic, Jérôme castella, laura Graafen, dušan isakov, Philippe nell, léa ruppen, matthieu Seydoux, marc vincent, france voutazlukas dubs, lara vehovarSimon Beuretmila Boziccrausaz & Partenaires Sa

Simon BeuretJean-marc Sylvestrealumni SaeS

créée en juin 2012 par milo Bozic et matthieu Seydoux (res-pectivement étudiants en management et étudiant en droit), l’association uniéco a pour but de promouvoir l’information économique à travers un magazine trimestriel du même nom. uniéco est distribué gratuitement sur le campus de l’univer-sité de fribourg et à la Haute école de gestion de fribourg.

sour

ce:

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Jean-marc SYlveStre

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