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universitaire universitaire l’Action LE JOURNAL DE L’UNION NATIONALE INTER-UNIVERSITAIRE N°258 avril 2006 2 Euros l’Action L’action universitaire - page 1 UNI - LA DROITE UNIVERSITAIRE - 8, rue de Musset - 75016 Paris - 01.45.25.34.65 - fax. : 01.45.25.51.33 Directeur de la publication : J. Rougeot - CPPAP 0507 G 79428 - dépôt légal deuxième trimestre 2006 - Mensuel C P E : U N E O C CA S I O N P E R D U E a crise du CPE restera comme l’un de ces épisodes dont la vie politique française a le triste secret et qui entraînent des conséquen-ces sans com- mune mesure avec le prétexte qui les a déclenchées. Cet épisode est terminé mais encore frais. C’est le moment de faire le point sur la situation et de tirer quelques le-çons. LA DEFAITE Dans cette bataille, nous avons subi une défaite qu’il serait vain d’essayer de mini- miser. Cette défaite frappe le gouverne- ment et toute la majorité. Elle nous atteint aussi très directe-ment parce que nous nous sommes engagés sans réserve. Nous sommes donc dans le camp des vaincus, mais, pour autant, en reve-nant sur notre action avec un regard critique et objectif, nous ne pensons pas avoir contribué en quoi que ce soit à cette défaite. Nous as- sumons pleinement les positions que nous avons prises. Nous n’avons rien à renier, rien à regretter. Nous avons soute- nu le CPE parce que nous estimions qu’il était excellent dans son principe et dans ses dispositions pratiques, et nous n’a- vons pas changé d’avis. Il était de nature à débloquer le marché du travail et à in- citer les patrons à embaucher en créant de nombreux emplois réels, c’est-à-dire répondant à des besoins, et non pas des emplois artifi-ciels résultant de subven- tions ruineuses pour la collectivité et déversées dans un tonneau sans fond. Le CPE n’aurait pas eu pour effet de détrui- re la sécurité de l’emploi et d’instaurer la précarité, mais de donner une chance de trouver un travail à ceux qui, autrement, se-raient condamnés au chômage. Le suc- cès in-contestable du CNE, organisé sur les mêmes bases, apporte une preuve par les faits de l’efficacité du dispositif. Nous avons donc mené le bon combat. Nous nous garderons bien, également, de jeter après coup la pierre au gouverne- ment. Les médias aboyeurs, censeurs impitoyables après l’événement, étaient bien silencieux lors du lancement de l’o- pération. D’ailleurs, par quels arguments rationnels peut-on expliquer que le CNE soit passé sans coup férir et que le CPE ait connu le sort que l’on connaît ? A y re-garder de près, ce que les commenta- teurs re-prochent au gouvernement après la bataille se réduit essentiellement à une question de forme : on n’aurait pas assez discuté avec les syndicats. Mais, dans la pratique, on sait bien que de telles discus- sions n’ont généralement pas d’autre effet que de faire perdre du temps, car les syn- dicats français sont trop irresponsa-bles pour apporter leur concours à des réfor- mes sérieuses et trop faibles pour faire res-pecter les timides accords qu’ils auraient pu conclure. LA GAUCHE : UN POUVOIR DE NUISANCE On peut assurément comprendre que, dans la situation permanente d’affronte- ment droite-gauche qui prévaut dans notre pays, il soit de bonne guerre que chaque camp s’efforce de porter des coups à l’autre. Mais cette fois-ci, la gau- che a fait paraître avec éclat qu’elle n’hé- sitait pas à sacrifier cyniquement l’intérêt national à son propre intérêt. Au fond d’eux-mêmes, en effet, tous ceux qui réfléchis-sent savent bien que le CPE aurait été bénéfi-que pour l’emploi et que, au pire, il n’aurait pu créer aucun dom- mage. De toute façon, l’enjeu était objec- tivement assez limité. Pourtant, c’est sur ce point que la gauche a fait porter un ef- fort de mobilisation intense, d’une part en dé-formant grossièrement et en diaboli- sant le CPE, et d’autre part en utilisant toutes les res-sources de sa logistique pour rameuter toutes les troupes dont elle pouvait disposer, des ga-mins aux ancêt- res, sans aucune relation avec l’objet même du CPE. Rappelons en effet que le CPE était destiné à faciliter l’embauche de ceux qu’on appelle les «jeunes en difficul- té». Les cortèges de manifestants étaient donc composés en majorité de gens qui n’étaient en rien concernés par le CPE, que ce soit les sa-lariés pourvus d’un emploi, les étudiants di-plômés ou, à plus forte raison, les fonctionnai-res, voire les retraités. Pourquoi donc avoir or-ganisé sur ce terrain un déploiement de forces exceptionnel, totalement disproportionné au prétexte choisi ? La réponse est évidente : c’est que la gau- che, dans toutes ses composantes, se ca- ractérise aujourd’hui par un vide sidéral en matière d’idées, de projets ou de pro- grammes. Malgré tous les tours de passe- passe imagina-bles, ce vide commençait, si l’on peut dire, à devenir aveuglant. Il fallait donc détourner l’attention de l’es- sentiel en mobilisant dans un affronte- ment physique les troupes potentielles qui risquaient de se décourager. Il n’était dès lors plus question d’échanger des arguments. Il fallait remplacer le débat par le combat en or-ganisant des grandes manœuvres dans la rue, exercice dans lequel la droite est traditionnel-lement mal à l’aise. Ajoutons un élément sur lequel nous re- viendrons. Depuis quelques années, l’ex- trême gauche, déçue par la mollesse de la gauche institutionnelle, a recommencé à L par Jacques ROUGEOT, professeur à la Sorbonne

Action universitaire - avril 2006

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universitaireuniversitairel’Action

❚ LE JOURNAL DE L’UNION NATIONALE INTER-UNIVERSITAIRE ❚ N°258 ❚ avril 2006 ❚ 2 Euros ❚

l’Action

L’action universitaire - page 1

UNI - LA DROITE UNIVERSITAIRE - 8, rue de Musset - 75016 Paris - ✆ 01.45.25.34.65 - fax. : 01.45.25.51.33Directeur de la publication : J. Rougeot - CPPAP 0507 G 79428 - dépôt légal deuxième trimestre 2006 - Mensuel

❚ CPE : UNE OCCASION PERDUE

a crise du CPE restera commel’un de ces épisodes dont la vie

politique française a le triste secret et quientraînent des conséquen-ces sans com-mune mesure avec le prétexte qui les adéclenchées. Cet épisode est terminé maisencore frais. C’est le moment de faire lepoint sur la situation et de tirer quelquesle-çons.

LA DEFAITE

Dans cette bataille, nous avons subi unedéfaite qu’il serait vain d’essayer de mini-miser. Cette défaite frappe le gouverne-ment et toute la majorité. Elle nous atteintaussi très directe-ment parce que nousnous sommes engagés sans réserve. Noussommes donc dans le camp des vaincus,mais, pour autant, en reve-nant sur notreaction avec un regard critique et objectif,nous ne pensons pas avoir contribué enquoi que ce soit à cette défaite. Nous as-sumons pleinement les positions quenous avons prises. Nous n’avons rien àrenier, rien à regretter. Nous avons soute-nu le CPE parce que nous estimions qu’ilétait excellent dans son principe et dansses dispositions pratiques, et nous n’a-vons pas changé d’avis. Il était de natureà débloquer le marché du travail et à in-citer les patrons à embaucher en créantde nombreux emplois réels, c’est-à-direrépondant à des besoins, et non pas desemplois artifi-ciels résultant de subven-tions ruineuses pour la collectivité etdéversées dans un tonneau sans fond. LeCPE n’aurait pas eu pour effet de détrui-re la sécurité de l’emploi et d’instaurer laprécarité, mais de donner une chance detrouver un travail à ceux qui, autrement,se-raient condamnés au chômage. Le suc-cès in-contestable du CNE, organisé sur

les mêmes bases, apporte une preuve parles faits de l’efficacité du dispositif. Nousavons donc mené le bon combat.Nous nous garderons bien, également, dejeter après coup la pierre au gouverne-ment. Les médias aboyeurs, censeursimpitoyables après l’événement, étaientbien silencieux lors du lancement de l’o-pération. D’ailleurs, par quels argumentsrationnels peut-on expliquer que le CNEsoit passé sans coup férir et que le CPEait connu le sort que l’on connaît ? A yre-garder de près, ce que les commenta-teurs re-prochent au gouvernement aprèsla bataille se réduit essentiellement à unequestion de forme : on n’aurait pas assezdiscuté avec les syndicats. Mais, dans lapratique, on sait bien que de telles discus-sions n’ont généralement pas d’autre effetque de faire perdre du temps, car les syn-dicats français sont trop irresponsa-blespour apporter leur concours à des réfor-mes sérieuses et trop faibles pour faireres-pecter les timides accords qu’ilsauraient pu conclure.

LA GAUCHE : UN POUVOIRDE NUISANCE

On peut assurément comprendre que,dans la situation permanente d’affronte-ment droite-gauche qui prévaut dansnotre pays, il soit de bonne guerre quechaque camp s’efforce de porter descoups à l’autre. Mais cette fois-ci, la gau-che a fait paraître avec éclat qu’elle n’hé-sitait pas à sacrifier cyniquement l’intérêtnational à son propre intérêt. Au fondd’eux-mêmes, en effet, tous ceux quiréfléchis-sent savent bien que le CPEaurait été bénéfi-que pour l’emploi et que,au pire, il n’aurait pu créer aucun dom-mage. De toute façon, l’enjeu était objec-

tivement assez limité. Pourtant, c’est surce point que la gauche a fait porter un ef-fort de mobilisation intense, d’une part endé-formant grossièrement et en diaboli-sant le CPE, et d’autre part en utilisanttoutes les res-sources de sa logistiquepour rameuter toutes les troupes dont ellepouvait disposer, des ga-mins aux ancêt-res, sans aucune relation avec l’objetmême du CPE. Rappelons en effet que leCPE était destiné à faciliter l’embauche deceux qu’on appelle les «jeunes en difficul-té». Les cortèges de manifestants étaientdonc composés en majorité de gens quin’étaient en rien concernés par le CPE,que ce soit les sa-lariés pourvus d’unemploi, les étudiants di-plômés ou, à plusforte raison, les fonctionnai-res, voire lesretraités. Pourquoi donc avoir or-ganisésur ce terrain un déploiement de forcesexceptionnel, totalement disproportionnéau prétexte choisi ? La réponse est évidente : c’est que la gau-che, dans toutes ses composantes, se ca-ractérise aujourd’hui par un vide sidéralen matière d’idées, de projets ou de pro-grammes. Malgré tous les tours de passe-passe imagina-bles, ce vide commençait,si l’on peut dire, à devenir aveuglant. Ilfallait donc détourner l’attention de l’es-sentiel en mobilisant dans un affronte-ment physique les troupes potentiellesqui risquaient de se décourager. Il n’étaitdès lors plus question d’échanger desarguments. Il fallait remplacer le débat parle combat en or-ganisant des grandesmanœuvres dans la rue, exercice danslequel la droite est traditionnel-lementmal à l’aise.Ajoutons un élément sur lequel nous re-viendrons. Depuis quelques années, l’ex-trême gauche, déçue par la mollesse de lagauche institutionnelle, a recommencé à

Lpar Jacques ROUGEOT, professeur à la Sorbonne

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mobiliser les énergies révolutionnairesinemployées et dési-reuses d’en découd-re. Ces gens-là ont active-ment travaillé leterrain et ont joué un rôle de déclen-cheurs et d’agitateurs qui s’est révélé trèsefficace.A gauche, partis politiques et syndicatsavaient le même besoin de réaffirmer leurexistence et leur identité dans une actionspectaculaire. Ils ont joué leur jeu à fond,et il faut bien constater que ceux qu’onappelle gé-néralement les modérés ont étéune fois de plus égaux à eux-mêmes,c’est-à-dire inexis-tants et finalementcomplices. Sur le plan poli-tique, ne par-lons même pas de l’UDF, pour qui l’habi-tude de trahir est devenue une secondenature, à moins que, plus probablement,ce ne soit la première. Sur le terrain syn-dical, il ne s’est trouvé personne poursauver l’honneur. Le pauvre FrançoisChérèque, écrasé par l’héritage laissé parl’homme à poigne qu’était Nicole Notat,peut-être vexé de n’avoir pas été traitéavec une considération suffisante, en toutcas tétanisé à l’idée d’être traité de«jaune» par les camarades plus musclés,s’est tout naturellement conduit commeun mouton en-ragé en étant plus acharnéque personne. Quant aux autres forcesd’appoint, elles s’apercevront que leursoumission, signe de leur faiblesse, feraressortir plus cruellement leur inutilité.Décidément, la bonne vieille for-mule deLénine sur les «idiots utiles» semble avoirencore de beaux jours devant elle.Il est de bon ton, dans tous les discourspolitiques, de souhaiter l’émergence desyndi-cats forts. On pense que, dès lors,ils pour-raient acquérir le sens desresponsabilités et se montrer plus coopé-ratifs, plus pragmati-ques, plus soucieuxdu bien commun à long terme. Il est àcraindre qu’on ne prenne ainsi le problè-me à l’envers. Il ne servirait à rien degonfler artificiellement des syndicats quide-vraient d’abord se remettre en causefonda-mentalement. La mésaventure duCPE, et maintenant l’offensive contre laloi tout entière et contre le CNE, ne sontpas de nature à faire naître l’espoir. Toutce qu’on pourrait attendre, c’est que lesbénéfi-ciaires mordent la main qui lesaurait nourris.Bien entendu, dans cette affaire, la jeu-nesse a été brandie comme une bannièreet a servi en fait de paravent. Le cynismea été poussé très loin, puisque ce sontprécisément les jeunes qui paieront plustard le prix des blocages imposés égoïste-ment par les syndi-cats et par la gaucheen général.

LA MALFAISANCE DESMEDIAS

Depuis le début de l’année plus particu-lièrement, les grands médias françaissemblent s’être surpassés pour donnerd’eux-mêmes une image caricaturale.Rappelons-nous com-ment ils ont présen-té l’actualité dans ses pha-ses successives.Pendant des semaines, nous avons ététenus en haleine, sous pression, par leterrible péril que faisait peser sur nous lagrippe aviaire. Tout volatile défunt avaitles honneurs d’une rubrique nécrologiqueà la une des journaux écrits, radiopho-niques et télévi-sés, jusqu’à huit fois parheure, pourvu qu’il eût succombé au qua-druple signe fatal : H5N1. Certes, aucunevictime humaine n’était encore à déplorer(comme pour la vache folle), mais nousne perdions rien pour attendre. Bientôt,les victimes se compteraient par centainesde milliers (comme annoncé pour lavache folle) ou même par millions(comme pour la grippe espagnole dudébut du XXe siècle, record de la vachefolle pulvérisé). Et puis tout d’un coup, lagrippe aviaire et son cortège de cadavresont complètement disparu, comme tom-bés dans une trappe. A quoi attribuer cemiracle ? Aux oiseaux eux-mêmes, quiauraient désormais la bonne grâce demourir loin des caméras ? Au pouvoirthaumaturgique des médias qui, commeles rois de France guérissant les mala-desde la peau en touchant les écrouelles, au-raient exorcisé la funeste grippe par lesimple pouvoir de leur verbe ? Resteraitune troisième hypothèse, qu’on ose àpeine formuler tant elle est sacrilège :c’est que les grands médias fas-sent preu-ve d’une telle futilité et d’un tel espritmoutonnier qu’ils aient tout simplementrem-placé, avec une coïncidence parfaite,l’obsession de la grippe aviaire par lepilon-nage sur le CPE. Cette focalisationsur un sujet et cette dramatisation force-née ont certaine-ment été utilisées pourjouer en permanence sur l’émotion destéléspectateurs.Mais, dans le cas du CPE, il s’y est ajou-té des circonstances aggravantes. A l’occa-sion de la grippe aviaire, les médias ontproduit ce qu’on appelle aujourd’hui des«dé-gâts collatéraux» : psychose entraî-nant une baisse de la consommation despoulets, au détriment des éleveurs ;risque d’accou-tumance de la populationqui, à force d’entendre crier au loup defaçon abusive, aura un petit sourireentendu lorsqu’un véritable loup viendracroquer les brebis. Dans la ba-taille duCPE, les médias n’ont pas seulement été

un mi-roir déformant, ils ont été unacteur essentiel. La plupart des stations deradio et des chaînes de télévision ont sansdoute battu leurs records de désinforma-tion. Tous les pro-cédés ont été utilisés.Une étude faite sur le sujet a montré que,parmi les informations consacrées auCPE, 92 % étaient réservées aux oppo-sants. Les médias audiovisuels ont large-ment contri-bué à organiser les manifes-ta-tions en les an-nonçant de façon lanci-nante et en préjugeant de leur succès. Ilsont accrédité les chiffres donnés par lessyndicats pour évaluer l’importance descortèges, alors que, de toute évidence, ceschiffres étaient considé-rable-ment gonfléset relevaient dans certains cas de la fan-tasmagorie. Au moment où plus de 360députés UMP avaient apporté leur sou-tien au CPE, la parole était presque exclu-sive-ment donnée aux trois seuls qui,alors, avaient ex-primé leur opposition :Hervé de Charrette, qui veut donner l’im-pression que lui-même et son commandi-taire à la retraite existent en-core, Ni-colas Dupont-Aignan, qui essaie de sedistin-guer pour faire croire qu’il a undestin na-tional, et Christine Boutin qui,apparemment traumati-sée à l’idée d’êtreclassée à droite à la suite de sa lutte cont-re le Pacs, ne perd pas une occa-siond’exposer en public son cœur sensible etsa fibre sociale.La résultante de tout cela est que lesgrands médias audiovisuels ont effective-ment créé une dynamique anti-CPE enfaisant croire que toute la nation étaitmobilisée dans un im-mense mouvementde rejet, alors que le gou-vernement étaitcrispé dans un incompréhen-sible refus.

QUESTIONS DE FOND

A travers les présentations médiatiques,c’est en fait toute l’interprétation de laquestion du CPE qui est en cause, ainsique les consé-quences qui peuvent endécouler. L’inter-prétation générale, plusou moins expli-cite, peut à peu près serésumer sous forme de syllogisme : lajeunesse a rejeté le CPE ; or la jeunesse araison par nature et parce qu’elle détientl’avenir ; donc le CPE était mauvais, legouvernement a eu tort et il faut trouverune solution qui satisfasse les aspirationsde la jeunesse telles qu’elles ont été expri-mées au cours des semaines névralgiques.En fait, si l’on s’en tient à ce syllogisme,on s’engage dans une impasse et on s’en-fonce dans le dé-clin. Il convient doncd’en remettre en cause tous les termes.La première affirmation repose sur unamalgame et sur une généralisation inac-

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cep-tables. Quand on fait la part des chif-fres déme-surément gonflés, de la compo-sition très dispa-rate des cortèges, desscrutins truqués et des cas où les locauxétaient bloqués par quelques dizaines ouau maximum quelques centaines d’indivi-dus, on voit bien que la paralysie de l’ac-tivité universitaire n’était pas due à laprotestation massive des étudiants. Mêmed’après les chiffres revendiqués, en faitlarge-ment exagérés, on peut estimer àmoins de 5 % la proportion des étudiantset des lycéens qui ont participé aux mani-festations. Bien mieux, on a assisté àmaintes opérations anti-blocage, le plussouvent à l’instigation de l’UNI, et c’est cemouvement-là qui, les derniers temps,prenait de plus en plus d’ampleur. Mais c’est la deuxième affirmation quipose la véritable question de fond. C’estun fait que les manifestants, censés repré-senter l’ensemble de la jeunesse, sontpresque tou-jours présentés sous un jourfavorable : ce sont de bons jeunes gensqui ont raison de se révolter parce qu’ilssont malheureux et an-goissés. Le CPE,attentatoire à leur dignité, constituait unesorte d’agression à leur égard. Il faut doncchercher une solution radicalement diffé-rente, toute en douceur, qui passe dubaume sur les meurtrissures de ces pau-vres victimes.Eh bien, il faut dire avec netteté que cetteimage est grossièrement déformée.A propos de l’innocence quasi angéliquede ces jeunes gens, il faut rappeler que leslo-caux qu’ils ont occupés ont été souilléset dé-gradés de façon ignoble, et pas parles cas-seurs de fins de manifestations, cequi en dit long sur l’idée qu’ils se font dela culture et de la dignité humaine engénéral. Mais l’essentiel n’est même paslà. Ce qu’il faut affirmer, à contre-courantde l’opinion qu’on veut officiali-ser, c’estque même ceux qui ont manifesté pacifi-quement contre le CPE ont tort. Ils onttort intellectuellement, parce qu’ils ne sesont pas donné la peine de comprendreque le CPE leur apportait des chancessupplémentaires de trouver du travail. Ilsont tort moralement parce que, quoiqu’on puisse dire, leur refus était un refusdes incertitudes inévitables (et, dans cecas, peu écrasantes) de la vie. Ils ont tortglo-balement parce qu’ils s’imaginentqu’on peut échapper aux contraintes de laréalité, en refu-sant l’effort, en défilantdans les rues et en di-sant non. Tout lemonde ne vit pas en France dans les déli-ces de Capoue, mais combien de jeunesdans le monde, et pas seulement dans letiers monde, seraient très heureux debéné-ficier des conditions offertes par leCPE !

Ce qui est encore plus affligeant, pour nepas dire répugnant, c’est que les démago-gues de gauche, et peut-être aussiquelques bonnes âmes, veuillent fairecroire aux mani-festants qu’ils sont leshéros d’une sorte d’épopée sociale et que,grâce à leur courage, ils ont sauvé leurdignité et remporté la victoire contre lesexploiteurs. On s’attendrit sur l’esprit derévolte qui est l’un des beaux apanages dela jeunesse, mais lorsque la révolte se faitau nom d’un idéal qui pourrait être sym-bolisé par une paire de charentaises, elleperd quelque peu de son prestige.Cela dit, si l’on voulait bien revenir àquelques idées simples, on éviterait peut-être de commettre certaines sottises quirisquent de nous coûter cher. Tout ce quenous avons dit de plus sévère sur l’attitu-de d’une partie de la jeunesse (une partieseulement, répétons-le) n’implique pasune condamnation définitive. Après tout,que de jeunes garçons et filles se trouvantà un âge de leur vie trouble et mal as-suré, n’ayant aucune expérience des aléasde l’existence, déboussolés par l’influencedélé-tère de l’enseignement et des médias,attirés de surcroît par des sollicitationsprintanières, aillent défiler dans les ruesen criant des slo-gans irréalistes et télé-guidés, voilà qui n’est pas incompréhen-sible. Ce qui est stupide, et même coupa-ble, c’est qu’on les prenne quasi-mentpour des maîtres à penser, des guidesaptes à nous indiquer les bons cheminsvers l’avenir. En vérité, c’est une forme dedémis-sion : il est bien connu que lesadultes qui ont démissionné croients’exonérer lâchement des responsabilitésqu’ils n’ont pas assumées en flattant lesenfants qu’ils n’ont pas su ou pas vouluéduquer.

QUELQUES LEÇONS

Les leçons les plus utiles que nous de-vions chercher à tirer des derniers événe-ments sont celles qui nous permettraientd’éviter le retour de mésaventures aussidommageables pour l’intérêt de notrepays.Dans le déclenchement et le dévelop-pement des manifestations du mois d’a-vril, il est un aspect qui a été peu mis envaleur, c’est le rôle joué par la mobilisa-tion militante à gau-che. En fait, commenous l’avons déjà signalé, ce militantismes’est fortement durci depuis quelquesannées et est aujourd’hui carrément passéà l’extrême gauche, que ce soit au sein dusyndicat Sud ou dans d’autres structuresmoins organisées. Pendant la campagneanti-CPE, on a donc vu fonctionner cet

engrenage : les militants résolus et aguer-ris d’extrême gau-che ont allumé desfoyers de revendication ici et là, puis ontentraîné les organisations syndi-cales degauche, lesquelles ont entraîné les syndi-cats dits réformateurs et modérés, qui setrouvent ainsi, de fait, les exécutantsd’une stratégie gauchiste. L’extrême gau-che, qui est aujourd’hui l’élément essen-tiel de la gauche, est appelée à jouer unrôle décisif en 2007 et plus tard.En face, le militantisme politique en estpresque arrivé au degré zéro. On peutdire sans exagération que, sur le terrainuniversi-taire, il n’existe que l’UNI, etailleurs le MIL. Dans l’affaire du CPE, lesjeunes de l’UNI ont déployé une activitéremarquable. Là où des actions anti-blo-cage ont eu lieu, elles ont été montéespresque partout à leur initiative. Mais ilest évident que, lorsque la mobilisationde gauche devient une mobilisation demasse, l’UNI ne peut pas, à elle seule,faire contre-poids, ne serait-ce que parcequ’elle ne trouve aucune force de relais.Toutefois le mouve-ment, seul défenseurdu CPE, a gagné en no-toriété, les mili-tants ont acquis de l’expérience et ils ontattiré à eux les étudiants les plus luci-deset les plus courageux. A ce militantismetraditionnel sur le terrain, qui est etdemeure toujours essentiel et indispensa-ble, s’est ajou-tée une utilisation ingénieu-se et inventive de l’Internet, qui s’estrévélée d’une remarquable efficacité et quia permis, en particulier, de tou-cher beau-coup de gens qui se sentaient isolés,presque abandonnés, et qui se sont sentiscompris et soutenus, qui ont aussi priscons-cience de leur nombre et de leurforce poten-tielle. Le renforcement del’UNI et du MIL est donc la conditionnécessaire du renforcement du militantis-me de droite, lequel est une condi-tionnécessaire pour que la rue ne soit pasabandonnée en permanence aux grandesmanœuvres de la gauche.Condition nécessaire mais non suffi-sante. On voit bien, en effet, qu’on nepeut plus faire l’économie d’un effort depédagogie per-manent. Cela supposequelques conditions simples mais impé-ratives. D’abord, des affir-mations nettes,massives, sans ambiguïté. Par exemple : leCPE est bon, les manifestants anti-CPEont totalement tort. Ensuite, un ar-gumentaire ciblé simple : le CPE est créa-teur d’emplois et n’apporte que des avan-tages sup-plémentaires par rapport à lasituation pré-sente. Troisièmement, etc’est essentiel, des argumentaires dévelop-pés sur toutes sortes de sujets et quiaboutissent toujours à la même démons-tration pratique : l’illusion conduit tou-

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jours à la catastrophe, alors que l’accepta-tion de la réalité, bien loin de reposer surla rési-gnation à une fatalité étouffante,offre au contraire de multiples chances àceux qui font les efforts nécessaires pourles saisir. Qua-trièmement enfin : répéter,marteler, rabâcher les quelques recettessimples. La droite, au contraire, estpresque toujours portée à finas-ser, à lais-ser entendre que, sans être parfaite, ellen’est pas aussi méchante qu’on la dépeint,que ses adversaires n’ont pas foncière-ment tort, mais qu’ils prennent de mau-vais moyens pour atteindre leurs si loua-bles fins. Résultat : les slogans grossiers,souvent malhonnêtes, de la gauche écra-sent sans peine les tergiver-sations défen-sives de la droite. Aujourd’hui, lesFrançais de droite, surtout dans lesmilieux po-pulaires, sont désorientés eten viennent à se demander si le combatqu’ils avaient d’abord mené de bon cœuravait été engagé pour une juste cause.Le refus de la réalité, inhérent à la gau-che, est toujours présent. Malgré les trèsgran-des différences entre les deuxépoques, il est un point commun entremai 68 et avril 2006, mis en forme etclaironné en 68, rétréci et sous-jacent en2006. Cet état d’esprit est pré-sent enpermanence à doses plus ou moins fortes.Nos efforts pour le combattre ne doiventpas se relâcher.

ET MAINTENANT ?

Il n’y a rien de plus difficile que de fairedes prévisions, surtout, ajoutait un humo-riste, si elles portent sur l’avenir.Pour commencer, nous pouvons déjà fairele bilan présent. Il est désolant. On sem-ble toujours considérer, en France, que lecoût des dégâts matériels provoqués parces petits divertissements est négligeable.En fait, il n’en est rien. Il se chiffrera aumoins en dizaines et probablement encentaines de millions d’euros. Si encoreles pollueurs et les casseurs étaient lespayeurs, on pourrait espérer que le

dégon-flement brutal de leur portefeuilleles conduirait sur les voies de la sagesse.Malheureusement, il y a tout lieu de pen-ser que ces messieurs et dames regagne-ront leurs foyers dans l’impunité, doncavec une propension accrue à l’irrespon-sabilité.Un autre acquis de ces semaines carna-valesques, c’est que l’image de la Franceen sort gravement écornée. «L’exceptionfran-çaise» a certes acquis un degré sup-plémen-taire de notoriété. Ce qui estfâcheux, c’est que ce ne soit pas à la gloi-re du «modèle fran-çais» que le mondeentier est censé nous en-vier, mais pourfaire de notre pays le symbole de la futi-lité et de l’irresponsabilité.Quant aux conséquences politiques quipeuvent s’ensuivre, elles ne semblent pas,à première vue, incliner à l’optimisme. Lavictoire de la rue contre la légalité porteatteinte aux principes qui doivent régir lavie en société. L’avortement d’une réfor-me salutaire risque d’insinuer, et d’aborddans l’esprit du gouver-nement, l’idée quela France est impossible à réformer et quela voie de la sagesse est celle d’une mornerésignation. Toutes ces conditions sem-blant ouvrir un boulevard débouchant di-rectement sur le pouvoir de la gauche.En réalité, la France est aujourd’hui enétat d’instabilité et de perturbationpsychologi-que et politique. Nous enavons vu les effets funestes à propos de lacrise du CPE. Il n’est pas impossible quela situation se retourne dans les mois quiviennent. Ces quelques se-maines ontplongé la France dans un état irra-tionnel,proche de la folie, dont nous semblonsavoir le triste privilège. Mais ces périodesde lévitation mentale n’ont qu’un temps.Un jour viendra le dégrisement et leretour à la réalité. Alors on s’apercevraque les faits sont têtus, que le chômagedes jeunes est toujours là et que le CPE,sous un nom ou sous un autre, apporteune solution pratique et efficace, sur-toutsi le CNE continue à donner de bons ré-sultats.

Cette évolution des esprits est une ques-tion de temps, mais il ne faut pas comp-ter sur une simple évolution mécaniquepour que la situation s’améliore. Il fautforcer le destin, ou au moins l’orienter.Pour trouver une ligne d’action efficace, ladroite au pouvoir ne doit pas sous-esti-mer la désorientation, voire le dé-sarroide la France de droite, que nous avonssignalé plus haut. Si la défaite de la droi-te s’était produite «à la régulière», parexemple à l’occasion d’un scrutin natio-nal, la déception serait forte, mais la més-aventure ferait partie du jeu politique nor-mal. Ce qui, dans la situa-tion présente,laisse un fort goût d’amertume, c’estqu’on a l’impression que, implicitement,il est plus ou moins admis dans la cons-cience commune que le CPE était unemesure mora-lement douteuse que legouvernement aurait voulu faire passerpresque clandestinement. Tout se passecomme si les manifestants étaient lesreprésentants du bon parti qui se-raientparvenus à faire prévaloir un principe demoralité politique, les Français de droitese trouvant rejetés, une fois de plus, dansle mau-vais camp. Il est grand temps quetoute la droite consciente de ses respon-sabilités, dé-tenteurs du pouvoir po-litique et simples ci-toyens, rétablisse lavérité et revendique ses principes. Malgréles appa-rences et les dis-cours convenus,le redresse-ment nécessaire relève plus del’électrochoc que des gémisse-ments com-passionnels. Les esprits y sont plus prêtsque beaucoup ne le croient. Encore faut-il qu’ils soient réveillés par une paroleforte.Pour notre part, nous persévérerons dansnotre être en nous en tenant sans fai-bles-se aux vérités de fond, fermementconvaincus qu’elles seront de nouveaurecon-nues comme telles. Le tournant estpeut-être plus proche qu’on ne le croit.C’est pour ce moment-là que nousdevons être prêts. En tout cas, le renon-cement ne passera pas par nous.