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La rétinopathie diabétique La rétinopathie diabétique reste de façon illégitime la première cause médicale de cécité avant 50 ans. Un examen du fond d’œil systématique tous les ans devrait permettre d’arrêter ce « scandale humain » avant qu’il ne devienne un « scandale judiciaire » ! Ce n’est que chez les patients diabétiques de type 2, n’ayant pas de rétinopathie, parfaitement équilibrés avec une HbA1c inférieure à 6,5 %, que l’on peut demander un examen du fond d’œil tous les 2 ans au lieu de tous les ans. Le traitement par le laser permet en effet dans la majorité des cas de sauvegarder l’acuité visuelle maculaire. Dans les pays développés, la rétinopathie diabétique reste la première cause de cécité chez les sujets de 20 à 60 ans. Pourtant, son traitement a été radicalement transformé par la photocoagulation au laser dont les indications sont aujourd’hui précisées. 19 La consultation annuelle d’ophtalmologie Quels renseignements doit fournir le médecin qui adresse un diabétique à l’ophtalmologiste ? l la date de début du diabète ; l la qualité de l’équilibre glycémique (très bon HbA1c 6,5, bon HbA1c 7, moyen HbA1c 8, médiocre HbA1c 9, mauvais HA1c 9) ; l la pression artérielle et éventuellement son traitement) ; l l’existence ou non d’une néphropathie ; l éventuellement la programmation d’une grossesse, ou la contraception (à préciser). Que doit exiger le médecin de l’ophtalmologiste ? l le fond d’œil doit avoir été examiné après dilatation pupillaire ; l le compte rendu doit être détaillé et, dans tous les cas, doit préciser l’état de la macula ; l l’indication ou non d’une OCT ou d’une angiographie rétinienne doit être mentionnée ; l la tension oculaire doit être mesurée.

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La rétinopathie diabétique

� La rétinopathie diabétique reste de façon illégitime la première cause médicale de cécité avant 50 ans. Un examen du fond d’œil systématique tous les ans devrait permettre d’arrêter ce « scandale humain » avant qu’il ne devienne un « scandale judiciaire » !

� Ce n’est que chez les patients diabétiques de type 2, n’ayant pas de rétinopathie, parfaitement équilibrés avec une HbA1c inférieure à 6,5 %, que l’on peut demander un examen du fond d’œil tous les 2 ans au lieu de tous les ans.

� Le traitement par le laser permet en effet dans la majorité des cas de sauvegarder l’acuité visuelle maculaire.

Dans les pays développés, la rétinopathie diabétique reste la première cause de cécité chez les sujets de 20 à 60 ans. Pourtant, son traitement a été radicalement transformé par la photocoagulation au laser dont les indications sont aujourd’hui précisées.

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La consultation annuelle d’ophtalmologieQuels renseignements doit fournir le médecin qui adresse un diabétique à l’ophtalmologiste ?l la date de début du diabète ;l la qualité de l’équilibre glycémique (très bon HbA1c 6,5, bon HbA1c 7, moyen HbA1c 8, médiocre HbA1c 9, mauvais HA1c 9) ;l la pression artérielle et éventuellement son traitement) ;l l’existence ou non d’une néphropathie ;l éventuellement la programmation d’une grossesse, ou la contraception (à préciser).Que doit exiger le médecin de l’ophtalmologiste ?l le fond d’œil doit avoir été examiné après dilatation pupillaire ;l le compte rendu doit être détaillé et, dans tous les cas, doit préciser l’état de la macula ;l l’indication ou non d’une OCT ou d’une angiographie rétinienne doit être mentionnée ;l la tension oculaire doit être mesurée.

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19. La rétinopathie diabétique 165

Pourquoi l’échec ?Ce décalage, dû au retard de la mise en œuvre du traitement, s’explique par trois raisons essentielles :n Le diagnostic de diabète de type 2 est fréquemment fait avec plusieurs années de retard, si bien que dans 10 à 20 % des cas, il existe déjà une rétino-pathie diabétique lorsque l’on porte le diagnostic de diabète. Cependant, on considère aujourd’hui qu’il n’y a pas lieu de demander d’angiographie réti-nienne si l’examen soigneux du fond d’œil est strictement normal ou montre une rétinopathie minime stable.

L’examen du fond d’œil doit être demandé systématiquement par le médecin traitant. L’indication de l’angiographie rétinienne revient à l’ophtalmologiste. Elle n’est indiquée que si l’examen du fond d’œil est anormal (ANAES).

n La rétinopathie diabétique se développe à bas bruit, alors que le malade ne perçoit pendant longtemps aucun symptôme. La baisse de l’acuité visuelle témoigne de lésions très avancées qu’il ne saurait être question d’attendre. Il est donc essentiel que tout patient diabétique reçoive une éducation sur le dépistage des lésions rétiniennes par un examen systématique annuel du fond d’œil. Cette information doit être fournie oralement et par écrit au malade et, cha-que fois que possible, à son entourage. Cinquante pour cent des diabétiques envi-ron pensent qu’on peut être rassuré si la « vue est bonne » !

La rétinographie non mydriatiqueUne alternative à l’examen du fond d’œil par ophtalmoscopie est la photographie du fond d’œil. Des photographies du fond d’œil sont prises par des techniciens non médecins à l’aide de rétinographes non mydriatiques et sont lus de façon dif-férée par un lecteur entraîné. Ce système permet de sélectionner les patients dia-bétiques avec une rétinopathie diabétique ayant atteint un certain stade de gravité pour être adressés à l’ophtalmologiste. Cette méthode a une sensibilité pour dépister la rétinopathie diabétique au moins égale, voire supérieure à celle de l’examen ophtalmoscopique.

Conseils au diabétique qui va en consultation d’ophtalmologiel Se rendre en consultation par les transports en commun, ou en taxi ou accom-pagné, car pupilles dilatées, il est difficile de conduire.l Se munir de lunettes de soleil pour atténuer l’éblouissement.l L’angiographie rétinienne peut provoquer des nausées, ne pas hésiter à le signa-ler, il est possible de les atténuer. Elle peut être responsable d’une coloration jaune cutanée et urinaire fugace.

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166 Guide pratique du diabèteètete

n Un certain nombre de malades, pour des raisons sociales et/ou psychologi-ques, échappent à une prise en charge régulière (adolescents, malades refu-sant leur maladie, malades ayant des problèmes psychiatriques ou sociaux majeurs…). Ces malades sont souvent perdus de vue des consultations médicales. Rien n’est prévu dans notre système de santé pour recontacter systémati-quement ces malades. Au moins les médecins traitants (diabétologues ou géné-ralistes) devraient leur écrire systématiquement en leur rappelant dans ce courrier la nécessité impérative d’un examen du fond d’œil tous les ans. Les pharmaciens auraient également sûrement un rôle d’information à jouer.

La cécité est 25 fois plus fréquente chez le diabétique que chez le non-diabétique ; 2 % des diabétiques de type 2 deviennent aveugles !

Physiopathologie et cliniqueLa rétinopathie diabétique se développe sur deux modes évolutifs, d’ailleurs fré-quemment associés, secondaires d’une part à l’ischémie et d’autre part à l’œdème.

Classification simplifiée de la rétinopathie diabétiquel Pas de rétinopathie.l Rétinopathie diabétique non proliférante

l minime ;l modérée ;l sévère.

l Rétinopathie préproliférante.l Rétinopathie proliférante

l débutante ;l modérée ;l sévère.

l Maculopathiel ischémique ;l œdémateuse focale ;l œdémateuse diffuse cystoïde ;l œdémateuse diffuse non cystoïde.

Témoins de l’ischémieLes témoins de l’ischémie sont :n les hémorragies intrarétiniennes surtout lorsqu’elles sont nombreuses et

étendues ;n les territoires non perfusés vus à l’angiographie ;n les nodules cotonneux témoignant d’une obstruction artériolaire ;n les anomalies de calibre veineux (veines tortueuses et boucles veineuses) ;

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19. La rétinopathie diabétique 167

n les néovaisseaux intrarétiniens (AMIR, anomalies microvasculaires intraréti-niennes), puis prérétiniens et notamment prépapillaires responsables d’hé-morragies intravitréennes provoquant le développement d’une fibrose gliale tirant sur la rétine et finissant par la décoller.

La rétinopathie proliféranteElle touche environ 50 à 60 % des diabétiques insulinodépendants et 25 à 30 % des diabétiques non insulinodépendants après 20 ans d’évolution du diabète.

L’œdèmeLa tomographie en cohérence optique (OCT : Optical Cohence Tomography) permet une mesure quantitative de l’épaississement rétinien. C’est une techni-que d’imagerie non invasive qui permet d’obtenir in vivo des images en coupe optique de la rétine avec une résolution de 10 à 15 µ. L’OCT a totalement révo-lutionné l’approche de l’œdème maculaire. C’est un outil indispensable pour son suivi clinique sous l’effet des différentes thérapeutiques.

L’œdème peut être responsable d’exsudats durs, prédominant au pôle posté-rieur. La maculopathie œdémateuse est une des causes de perte de l’acuité visuelle du diabétique. Son développement est corrélé à l’équilibre glycémique jugé sur l’HbA1c et à la pression artérielle diastolique.

Il peut s’agir d’une maculopathie œdémateuse focale ou diffuse, cystoïde organisée en logettes ou non cystoïde. Cet œdème maculaire peut s’associer à une ischémie maculaire définie par un doublement de la surface de la zone avas-culaire centrale (fig.19.1).

150 µm

300 µm

1 mm

1 2

34

5

6

1 - Foveola2 - Aire avasculaire centrale3 - Fovea4 - Papille5 - Artère temporale supérieure6 - Artère temporale inférieure

Figure 19.1La région maculaire.

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168 Guide pratique du diabèteètete

L’œdème maculaire affecte environ 30 % des diabétiques insulinodépendants et des diabétiques non insulinodépendants après 20 ans d’évolution de la mala-die. Sa prévalence dépend en fait de la sévérité de la rétinopathie diabétique, l’œdème maculaire étant beaucoup plus fréquent au cours des rétinopathies proliférantes. Au cours du diabète de type 2, l’œdème maculaire est souvent plus étendu et plus mal toléré, avec une baisse importante de l’acuité visuelle.

TraitementLe traitement par laser a deux indications :n Une photocoagulation panrétinienne est indiquée en cas de rétinopathie proliférante débutante. Ceci se produit avant la survenue d’une prolifération prérétinienne responsable d’hémorragies. Le stade préprolifératif comporte un risque d’évolution vers la rétinopathie proliférante d’environ 33 à 50 % en un an. La plupart des équipes françaises considèrent que la panphotocoagulation au laser doit être commencée à ce stade en traitant un œil et en surveillant l’autre. En effet, la panphotocoagulation rétinienne n’est pas dénuée d’inconvé-nients : diminution du champ visuel, altération de la vision nocturne, mais sur-tout œdème maculaire responsable d’une baisse de l’acuité visuelle parfois irréversible. Il faut donc prévenir le malade que le traitement par photocoagula-tion au laser a pour but de sauvegarder la vision menacée mais qu’il ne constitue pas une guérison de la rétine malade. Pour diminuer le risque d’œdème macu-laire, on conseille à chaque fois que cela est possible, d’espacer les séances de 8 à 21 jours en réalisant quatre à six séances comportant chacune 400 à 600 impacts. Seulement 10 % des rétinopathies proliférantes résistent à la panpho-tocoagulation. Il s’agit souvent de rétinopathies évolutives fibro-vasculaires com-pliquant un diabète de type 1. Elles peuvent alors bénéficier d’un traitement par vitrectomie avec endophotocoagulation.n La seconde indication de la photocoagulation au laser est la maculopathie œdémateuse. Il peut s’agir d’une photocoagulation des exsudats en couronne siégeant au pôle postérieur. Le traitement est alors peu dangereux dans la mesure où il se situe à distance de la région fovéolaire. Par contre, l’œdème maculaire cystoïde nécessite un traitement de la macula en respectant la zone avasculaire. Il s’agit donc d’un traitement difficile, nécessitant une coopération parfaite du malade, n’effectuant aucun mouvement oculaire. Il n’est donc entrepris que lors-que la maculopathie est responsable d’une baisse de l’acuité visuelle inférieure à 5/10. Quant à l’ischémie maculaire, il n’existe pas de traitement efficace.n Reste que l’équilibration du diabète et le traitement de l’hypertension artérielle avec pour objectif une pression artérielle inférieure à 130/80 mmHg sont les meilleurs traitements préventifs de la rétinopathie diabétique. Ils sont indiqués en complément du traitement ophtalmologique lorsqu’il existe une rétinopathie évo-lutive. Leur bénéfice apparaît après plusieurs années, parfois à la suite d’une aggra-vation initiale justifiant une surveillance rapprochée du fond d’œil. Les traitements médicamenteux antiagrégants plaquettaires (aspirine) semblent d’efficacité minime au stade de rétinopathie non proliférante. Quant aux différents protec-teurs vasculaires, ils n’ont jamais démontré une quelconque efficacité.

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n Alternatives thérapeutiques. Le traitement de l’œdème maculaire par un antagoniste du VEGF injecté en intra-vitréen et par l’injection intra-vitréenne de corticoïdes en cas d’œdème maculaire diabétique réfractaire a apporté un réel progrès. Plusieurs études sont en cours avec un inhibiteur de l’isoforme b de la protéine kinase C. Une grande étude multicentrique européenne a évalué l’effet du candésartan sur l’incidence et la progression de la rétinopathie diabétique. Les résultats confirment surtout l’intérêt d’une pression artérielle basse pour éviter l’apparition ou l’aggravation de la rétinopathie. Le bénéfice spécifique des inhibiteurs du système rétine-angiotensine semble modeste s’il existe.

Pour en savoir plusGuyot-Argenton C. Comment je traite et prends en charge une rétinopathie diabétique. Le

point par l’ophtalmologiste. La photocoagulation, pourquoi, quand, comment ? In : Journées annuelles de Diabétologie de l’Hôtel-Dieu, Flammarion Médecine Sciences, Paris 1994 ; 179-91.

Massin P. Œil et diabète, p. 536, in A. Grimaldi, Traité de diabétologie, Flammarion, Paris 2005.

Symposium « Œil et diabète ». Diabète Métab 1993 ; 19 : 395-467.