4
Chapitre 3 O. Vignaux, C. Meune, C. Spaulding Techniques d'imagerie cardiaque Radiographie thoracique Moins de 1 an après la découverte de Roentgen, Francis H. Williams de Boston montrait que la radiographie était la meilleure méthode pour déter- miner la taille du cœur [1]. Même si son apport reste limité pour une analyse cardiaque précise, la radiographie thoracique permet de mettre en évi- dence un élargissement de la silhouette cardiaque (fig. 3.1) en rapport avec un épanchement péricar- dique, une hypertrophie myocardique ou une dila- tation des cavités. La dilatation de l'oreillette droite entraîne une saillie de l'arc inférieur droit avec parfois déplacement (par refoulement) en bas et à gauche de la pointe du ven- tricule gauche. La dilatation de l'oreillette gauche entraîne une saillie de l'arc moyen gauche (par dilatation de l'auricule gauche) avec éventuellement un aspect de double contour du bord droit dans les formes évo- luées sans dilatation auriculaire droite associée. La dilatation du ventricule gauche entraîne une saillie (souvent globuleuse) de l'arc inférieur gau- che, avec parfois déplacement à gauche (mais pas en bas) et émoussement de la pointe du ventricule gau- che, recouvrement de la ligne de la veine cave inférieure sur un cliché strictement de profil, et éventuellement signes d'insuffisance ventriculaire avec œdème pulmonaire (syndrome interstitiel). La dilatation du ventricule droit peut aussi entraîner une saillie de l'arc inférieur gauche, avec parfois déplacement en haut de la pointe du ventricule gau- che (également visible en cas de dilatation ventricu- laire gauche) et comblement de l'espace parfois clair rétrosternal sur le cliché de profil. La radiographie thoracique permet également de mettre en évidence des calcifications (valvulaires, coronariennes, myocardiques ou péricardiques). Le tracé sur le cliché de profil d'une ligne réunis- sant la carène et l'angle costodiaphragmatique antérieur permet de distinguer les calcifications aortiques (au-dessus de la ligne) et mitrales (en des- sous). Angiographie et coronarographie La coronarographie est l'examen de référence dans la maladie coronaire, permettant de mettre en évi- dence le nombre, la topographie et la sévérité des sténoses coronaires (fig. 3.2). On parle de sténose pour une réduction de calibre de la lumière coro- naire de plus de 50 % ; la sténose est dite serrée au- delà de 70 % [2,3]. Pour définir la sévérité de la sténose, il convient de la visualiser dans deux A B C Fig. 3-1. La silhouette cardiaque sur la radiographie thoraci- que : contours avec corrélation sur une coupe coronale en IRM et méthode de mesure de l'index cardiothoracique. Il existe une cardiomégalie si (a + b)/c > 0,6 (le seuil de 0,5 n'est pas assez discriminant et peut être à l'origine de faux positifs). OD : oreillette droite ; VG : ventricule gauche. Imagerie cardiaque : scanner et IRM © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

3 s2.0-b978229471sdh2258000032-main

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: 3 s2.0-b978229471sdh2258000032-main

A

B

C

Fig. 3-1. La silhouette cardiaque sur la radiographie thoraci-que : contours avec corrélation sur une coupe coronale en IRM et méthode de mesure de l'index cardiothoracique.Il existe une cardiomégalie si (a + b)/c > 0,6 (le seuil de 0,5 n'est pas assez discriminant et peut être à l'origine de faux positifs).OD : oreillette droite ; VG : ventricule gauche.

Imagerie cardiaque : scanner et IRM© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Chapitre 3

Techniques d'imagerie cardiaque

O. Vignaux, C. Meune, C. Spaulding

Radiographie thoracique

Moins de 1 an après la découverte de Roentgen, Francis H. Williams de Boston montrait que la radiographie était la meilleure méthode pour déter-miner la taille du cœur [1]. Même si son apport reste limité pour une analyse cardiaque précise, la radiographie thoracique permet de mettre en évi-dence un élargissement de la silhouette cardiaque (fig. 3.1) en rapport avec un épanchement péricar-dique, une hypertrophie myocardique ou une dila-tation des cavités.La dilatation de l'oreillette droite entraîne une saillie de l'arc inférieur droit avec parfois déplacement (par refoulement) en bas et à gauche de la pointe du ven-tricule gauche.La dilatation de l'oreillette gauche entraîne une saillie de l'arc moyen gauche (par dilatation de

l'auricule gauche) avec éventuellement un aspect de double contour du bord droit dans les formes évo-luées sans dilatation auriculaire droite associée.La dilatation du ventricule gauche entraîne une saillie (souvent globuleuse) de l'arc inférieur gau-che, avec parfois déplacement à gauche (mais pas en bas) et émoussement de la pointe du ventricule gau-che, recouvrement de la ligne de la veine cave inférieure sur un cliché strictement de profil, et éventuellement signes d'insuffisance ventriculaire avec œdème pulmonaire (syndrome interstitiel).La dilatation du ventricule droit peut aussi entraîner une saillie de l'arc inférieur gauche, avec parfois déplacement en haut de la pointe du ventricule gau-che (également visible en cas de dilatation ventricu-laire gauche) et comblement de l'espace parfois clair rétrosternal sur le cliché de profil.La radiographie thoracique permet également de mettre en évidence des calcifications (valvulaires, coronariennes, myocardiques ou péricardiques). Le tracé sur le cliché de profil d'une ligne réunis-sant la carène et l'angle costodiaphragmatique antérieur permet de distinguer les calcifications aortiques (au-dessus de la ligne) et mitrales (en des-sous).

Angiographie et coronarographie

La coronarographie est l'examen de référence dans la maladie coronaire, permettant de mettre en évi-dence le nombre, la topographie et la sévérité des sténoses coronaires (fig. 3.2). On parle de sténose pour une réduction de calibre de la lumière coro-naire de plus de 50 % ; la sténose est dite serrée au-delà de 70 % [2,3]. Pour définir la sévérité de la sténose, il convient de la visualiser dans deux

Page 2: 3 s2.0-b978229471sdh2258000032-main

28 Techniques

Par convention, l’angulation indique la position de l’amplificateur et non pas celle de l’émetteur de rayon.

FACE

OADCRÂNIALE

PROFIL

PROFIL

OAG

TC Cx

DG

DG

MG

IVA

IVA

S

S

Cx

CDII

CDI

CDIII

CDII

IVP

RVP

RVP

IVP

Cx

Cx

Cx

Cx

TC

IVA

IVA

IVA

S

IVAMG

MG

MG

DG

OAD

OAGCRÂNIALE

FACECRÂNIALE

OAD

OAGCAUDALEaraignée

FACECAUDALE

OAD : oblique antérieure droiteCrâniale : inclinaison vers la tête

IVA : interventriculaire antérieure. S : septale. DG : diagonaleCx : circonflexe. MG : marginale

CD : coronaire droite. IVP : interventriculaire postérieure.RVP : rétroventriculaire

OAG : oblique antérieure gaucheCaudale : inclinaison vers la pieds

CORONAIRE GAUCHE

CORONAIRE GAUCHE

CORONAIRE DROITEASPECT

ANGIOGRAPHIQUE

ASPECTANGIOGRAPHIQUE

SEGMENTDÉGAGÉ

EXEMPLEINCIDENCE

ASPECTANGIOGRAPHIQUE

SEGMENTDÉGAGÉ

SEGMENTDÉGAGÉ

EXEMPLE

EXEMPLE

INCIDENCE

INCIDENCE

Fig. 3-2. Les incidences en coronarographie (d'après Williams [1]).a. aspect normal. b. exemple pathologique.

incidences orthogonales. L'estimation visuelle utili-sée en pratique quotidienne a tendance à surestimer l'importance des sténoses. Il est important de pré-ciser l'aspect angiographique de la sténose, qui constitue en effet un des éléments prédictifs du ris-que d'une éventuelle angioplastie. Il convient éga-lement d'apprécier la qualité du lit d'aval de l'artère en termes de calibre, d'infiltration athéromateuse et de territoire irrigué, afin de pouvoir juger de l'in-térêt ainsi que de l'accessibilité à une éventuelle revascularisation.La ventriculographie gauche réalisée au décours a pour objectif l'étude de la contractilité globale et de la cinétique segmentaire des parois. La coronaro-graphie est une technique invasive qui ne donne que des informations « luminales » (pas d'informa-tions sur la paroi artérielle hormis les calcifications). Idéalement, elle devrait être indiquée pour confir-mer une atteinte coronarienne fortement sus pectée et la traiter par angioplastie dans le même temps.

Les examens d'imagerie non invasifs ont pour objectif d'augmenter la suspicion diagnostique de lésion coronarienne (ou l'infirmer) avant tout exa-men invasif, d'apporter des arguments décisionnels thérapeutiques, tant sur l'indication (territoire d'aval non ischémique, ischémique et viable, ou nécrosé) que sur la méthode (endoluminale ou chi-rurgicale), et de permettre une surveillance post-thérapeutique.

Échocardiographie

L'échocardiographie est l'examen de base et de pre-mière intention pour l'imagerie cardiaque. Non invasive, non irradiante, facilement accessible, elle permet une analyse précise de la morphologie et de la fonction cardiaques. L'association à une épreuve de stress (pharmacologique, le plus souvent par dobutamine) permet d'étudier la viabilité myocardi-

Page 3: 3 s2.0-b978229471sdh2258000032-main

Chapitre 3. Techniques d'imagerie cardiaque 29

que. Des travaux ont montré que l'échocardiogra-phie sous dobutamine est une technique précise, bien tolérée, dont les performances diagnostiques se comparent favorablement à celles de la médecine nucléaire [4]. L'association à des agents de contraste (microbulles injectées par voie veineuse et franchis-sant la barrière pulmonaire) permet par ailleurs d'évaluer la microcirculation coronaire et de recher-cher une perfusion résiduelle dans un territoire aki-nétique [5]. Le doppler tissulaire (doppler tissular imaging [DTI]) est une méthode prometteuse autorisant une analyse très précise de la contractilité myocardique [6].La principale limite de l'échocardiographie est l'échogénicité, variable d'un patient à l'autre. On estime classiquement que 10 à 15 % des patients présentent une échogénicité médiocre, mais ce pourcentage est probablement moindre avec les échographes récents, plus performants, incluant l'échocardiographie 3D. De plus, les modèles mathématiques utilisés pour les calculs de volume ventriculaire exposent à des erreurs de mesures chez les sujets au cœur pathologique (anévrisme, par exemple). C'est pourquoi, même si l'échocar-diographie reste l'examen de première intention, l'imagerie par résonance magnétique (IRM) est devenue la technique de référence pour la fonction cardiaque (notamment dans les études pharmaco-logiques). Enfin, en ce qui concerne le myocarde lui-même, l'échocardiographie fournit essentielle-ment des renseignements globaux ou fonctionnels (épaisseur, épaississement, contractilité) et l'étude de l'échogénicité ne permet pas une caractérisation tissulaire précise dans la plupart des cas.

Médecine nucléaire

Les explorations isotopiques ont trouvé depuis de nombreuses années leur place dans la stratégie d'ex-ploration des patients atteints de pathologie cardia-que, en particulier dans la maladie coronaire [7]. Elles permettent une étude de la fonction ventricu-laire gauche, la recherche d'ischémie myocardique, l'appréciation de la viabilité ainsi que l'évaluation pronostique.La fraction d'éjection isotopique (technétium 99m et sestamibi) est longtemps restée la méthode de

référence pour l'étude de la fonction ventriculaire gauche.La tomoscintigraphie myocardique (thallium 201, ou surtout sestamibi, moins irradiant) permet une étude de la perfusion myocardique souvent sensi-bilisée par une épreuve de stress (physique ou pharmacologique) pour dépister l'ischémie. Elle a également un intérêt pronostique démontré, notam-ment après revascularisation. La possibilité de corri-ger efficacement les coupes scintigraphiques de l'atténuation grâce à de nouveaux logiciels diminue le risque de faux positifs, notamment sur la paroi inférieure, de même que le développement de nouvelles gamma-caméras à semi-conducteurs. L'acquisition synchronisée à l'électrocardiogramme d'une tomographie myocardique ( gated-SPECT [single-photon emission computed tomography]) per-met d'obtenir des paramètres de fonction ventricu-laire gauche globale et régionale en même temps que la perfusion. La tomographie par émissions de positons (PET-scan) permet l'évaluation du métabo-lisme myocardique et est considérée comme l'exa-men de référence pour la viabilité myocardique (18-FDG) et la quantification de la perfusion myo-cardique (O2). Les performances théoriques du PET-scan au rubidium sont très prometteuses, mais ce traceur n'est actuellement pas commercialisé en Europe. La diffusion de ces caméras PET-scan ainsi que la possibilité de couplage avec un examen tomo-densitométrique ou plus récemment IRM (PET-IRM) devrait assurer le développement de cette technique.Les limites de ces explorations isotopiques sont essentiellement liées à l'irradiation (par rapport à l'échocardiographie et à l'IRM), et surtout à la rela-tivement faible résolution spatiale comparée aux autres techniques tomographiques, comme le scan-ner ou l'IRM.

Scanner et IRM

L'intérêt et la place du scanner et de l'IRM par rapport aux différentes modalités d'imagerie pour l'étude de l'anatomie et de la fonction car-diaque sont représentés dans le tableau 3.1, et pour l'étude plus précise du myocarde dans la figure 3.3 [8].

Page 4: 3 s2.0-b978229471sdh2258000032-main

30 Techniques

ÉPICARDE

ENDOCARDE

Artère coronaire épicardique

Coronarographie Doppler endovasculaire Coro-TDM Coro-IRM

Artériole – capillaire

Microsphères Écho de contraste Scintigraphie IRM de perfusion

Myocyte

Scintigraphie IRM (gadolinium tardif, spectroscopie)

Fig. 3-3. Schéma représentant la place des différentes métho-des d'imagerie cardiaque dans l'exploration du myocarde.

Tableau 3-1 Principales modalités d'imagerie cardiaque et leur intérêt respectif pour l'étude de l'anatomie et de la fonction cardiaque.

Techniques* Angio. Écho. Scinti. TEP TDM IRM

Anatomie

Cavités +++ +++ ++ ++ ++++ ++++

Valves ++ ++++ 0 0 +++ +++

Tumeurs +++ ++++ 0 0 ++++ ++++

Péricarde ++ +++ 0 0 ++++ ++++

Coronaires ++++ + 0 0 +++ ++

Fonction

Systolique** +++ +++ ++ ++ ++++ ++++

Diastolique** ++++ +++ ++ 0 ++ ++

Valvulaire ++++ +++ 0 0 ++ +++

Shunt ++++ +++ 0 0 +++ +++

Perfusion ++ ++ +++ ++++ + +++

Caractérisation tissulaire

0 ++ 0 +++ + ++++

Métabolisme 0 0 + ++++ 0 +++

* Angio. : angiographie avec prise de pressions ; Écho. : échographie ; Scinti. : scintigraphie incluant la ventriculographie isotopique et la tomoscintigraphie myocardique ; TEP : tomographie à émissions de positons au 18-FDG ; TDM : scanner multicoupe ; IRM : incluant la spectroscopie.** Ventriculaire.

Références

[1] Williams FH. Notes on X-rays in medicine. Trans Assoc Am Physicians 1896 ; 11 : 375.

[2] Williams FH. A method for more fully determining the outline of the heart by means of a fluoroscope together

with other uses of this instrument in medicine. Boston Med Surg J 1896 ; 135 : 335.

[3] Belaouchi F, Richard P, Spaulding C. Coronarographie : indications et techniques. Maladie coronaire. Encyclo-pédie pratique du cœur 2000 ; 1 : 93–108.

[4] Pepine CJ, Allen HD, Bashore TM, Brinker JA, Cohn LH, Dillon JC, et al. ACC/AHA guidelines for cardiac catheterization and cardiac catheterization laboratories. American College of Cardiology/American Heart Asso-ciation Ad Hoc Task Force on Cardiac Catheterization. Circulation 1991 ; 84 : 2213.

[5] Bax JJ, Cornel JH, Visser FC, Fioretti PM, van Lingen A, Reijs AE, et al. Prediction of recovery of regional ven-tricular dysfunction following revascularization. Compa-rison of F18-fluorodesoxyglucose, SPECT thallium 201 stress-reinjection and dobutamine echocardiography. J Am Coll Cardiol 1996 ; 28 : 558–64.

[6] Kaul S. Myocardial contrast echocardiography : 15 years of research and development. Circulation 1997 ; 96 : 3745–60.

[7] Le Guludec Farragi, M. Principes, indications et résultats des explorations isotopiques du coronarien. Maladie coro-naire. Encyclopédie pratique du cœur 2000 ; 1 : 83–94.

[8] Higgins CB. Newer cardiac imaging techniques : magnetic resonance imaging and computed tomogra-phy. In : Braunwald E, editor. 5th ed Heart disease, 1. Philadelphie : Saunders ; 1997. p. 317–48.