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ILS UTILISENT LES SOCIÉTÉS OFFSHORE DU PANAMA ! LE CASSE DU SIÈCLE Jeudi 7 avril 2016 - N° 2145 - Hebdomadaire - 15, rue Furtado - 33800 BORDEAUX - Prix : 0,80 euro

Nouvelles N° 2145

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Nouvelles N° 2145 du 7 avril

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Page 1: Nouvelles N° 2145

ILS UTILISENT LES SOCIÉTÉS OFFSHORE DU PANAMA !

LE CASSE DU SIÈCLE

Jeudi 7 avril 2016 - N° 2145 - Hebdomadaire - 15, rue Furtado - 33800 BORDEAUX - Prix : 0,80 euro

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2 • Les Nouvelles 7 avril 2016

Le samedi 2 avril, Stéphane Denoyelle, maire de Saint-Pierre d’Aurillac et le conseil municipal ont inauguré le « Parvis Ambroise Croizat », un espace entre l’école municipale, récemment rénovée, et la mairie. Ce fut l’occasion de rappeler qui était ce ministre, de parler Sécurité sociale et solidarité.

En avril 2014, à l’issue d’une conférence-débat animée par l’écrivain Michel Etié-vent à St Pierre d’Aurillac sur Ambroise Croizat, Jacques Delaveau, représentant du Mouvement de sauvegarde des services publics en Sud Gironde avait suggéré au maire, Stéphane Denoyelle, de baptiser une rue du village Ambroise Croizat.

Ce souhait fut entendu et la municipalité a décidé d’en baptiser le nouveau parvis, inauguré le 2 avril. Cette inauguration fut prolongée par la projection du film : Ambroise Croizat, le bâtisseur de la Sécu.

Les discours de MM. Denoyelle et Delaveau et la projection du film furent l’occa-sion de rappeler qui était celui que l’on surnommait « le ministre des travailleurs ».

Rappel historique bien utile, quand on sait que son nom est absent des cours à l’École nationale supérieure de la Sécurité sociale, absent au Musée national de la Sécurité sociale à Lormont, absent jusqu’en 2012 des dictionnaires. Pourtant, ses obsèques en 1951 furent suivies par plus d’un million de personnes. Pourtant, Ambroise Croizat, ministre communiste du travail de 1945 à 1947, a accompli en 28 mois une véritable révolution, une œuvre considérable : la mise en place d’un plan complet de protection sociale, l’amélioration du droit du Travail avec les comités d’entreprises, la médecine du travail, la réglementation des heures supplémentaires…

La Sécurité Sociale a aujourd’hui 70 ans, et nombreux sont celles et ceux qui pensent qu’elle a toujours existé et qu’elle existera toujours, tant elle est partie intégrante du quotidien de chacun. Mais cet infatigable militant syndical et poli-tique, toujours présent auprès des luttes des travailleurs, toujours à l’écoute de leurs revendications, nous prévenait déjà en déclarant : « ne parlez pas d’acquis, le patronat ne désarme jamais ».

La création de la Sécu en 45 répondait à une grande ambition : organiser la société sur des valeurs justes et solidaires, favorisant l’émancipation de la population. N’est-on pas en pleine actualité ?

Certains se demandent de quelle manière mener des batailles communes ? Et bien notre camarade Ambroize Croizat, dans les années 1930, sur fond de crise et de montée du fascisme déclarait : « s’unir, plus que jamais s’unir, pour donner à la France d’autres espoirs  ». Alors, ringards, dépassés Ambroise Croizat et la Sécu ?

Maryse Montangon

SAINT-PIERRE D’AURILLAC

Inauguration d’un parvis Ambroise Croizat

ACTUALITÉ

INTERCOMMUNALITÉ

Redécoupage « comptable » et antidémocratique

CNL

Appel pour une sécurité sociale du logement

La copie rendue par le préfet le 29 mars confirme les craintes des élus communistes et républicains. Après une première mouture qui portait de 37 à 23 le nombre d’Epci (1), le nouveau schéma départemental de coopération intercommunale en affiche finalement 28. De 2 000 habitants, le seuil des intercom-munalités a été porté à 15 000. Le nombre de communautés de communes passe de 34 à 25. Les épineux cas de la Haute Gironde et du Sud Gironde ont donc été tran-chés malgré les nombreuses voix qui se sont élevées. Désormais, chaque commune peut de nouveau donner son avis avant le 15 juin. Le schéma pourrait ne pas être validé si plus de la majorité des communes représentant la moitié de la population vote contre. Ceci dit, la loi prévoit que le préfet puisse « passer outre » l’avis de communes. Quoi qu’il en soit, le nouveau schéma devra être mis en œuvre avant le 31 décembre 2016. Il sera ensuite révisé selon la même procédure tous les six ans.« En 3 ans, il y a eu trois réformes (Mé-tropoles, Redécoupage des régions, schéma de développement écono-mique avant fin 2016) qui vont modifier profondément la carte des territoires au profit d’un schéma intercommunalité/région/Europe », a rappelé Patrick Alvarez, président de l’Adecr 33 (2) au cours d’une conférence de presse où il avait invité quelques élus à témoigner. « 53 élus siégeant à la Cdci (3) décident pour tous. Ça se passe à couteaux tirés à peu près partout. De toute façon la loi ne pouvait pas aboutir à autre chose. Tout est remis en question. »Remise en cause de l’article 8 de la Constitution qui dit que la commune s’administre librement, regroupement pour atteindre 15 000 habitants sans aucun sens, les élus communistes ne décolèrent pas. « 15 000 en zone péri-urbaine ou dans la Creuse, ça n’a rien à voir. On va se retrouver avec des Cdc de 100 kms de long, c’est le Chili ! » « Qui mieux que les élus de proximité connaissent les territoires ? » Interroge

Stéphane Le Bot, élu à Cussac Fort Médoc. « Pourtant nous n’avons déjà plus de prise sur les décisions et là on ne nous demande carrément plus notre avis. » poursuit-il et il alerte : « Une des conséquences très concrète de l’abandon des territoires, c’est la percée du vote Front national dans les zones rurales. Ça ne risque pas de s’arranger. »L’Adecr défend l’idée de projets de territoires en lien avec les bassins de vie. Patrick Alvarez explique : « Nous voulons des intercommunalités cohé-rentes, fonctionnelles et solidaires. Ce qui se passe en réalité, c’est le regroupement de Cdc riches entre elles et de Cdc pauvres entre elles. » Il déplore : « Les citoyens sont écartés des décisions, tout se passe dans une ambiance de petits arrangements entre amis. Comme il faut une majo-rité qualifiée des deux tiers pour vali-der, il y a forcément des arrangements entre le PS et la droite même si cela ne se passe pas sans tensions. »

Mécontentement du nord au sud Gironde

Segundo Cimbron, maire de Saint Yzans de Médoc, explique que le Cœur Médoc où se trouve sa com-mune va fusionner avec le Centre Médoc et à l’horizon 2020, pour-rait encore fusionner avec la Pointe Médoc : « Les territoires n’ont pas tous les mêmes besoins, les mêmes enjeux mais il y a très peu de souplesse dans tout cela, au final ce qui prend le dessus ce sont les tractations pour conserver son pré-carré, sa baronnie. »Raymond Rodriguez, maire de Gauriac, dénonce des « alliances curieuses » lorsque 4 des Cdc « ont essayé de trouver des solutions cha-cune de leur côté ». Finalement « on se retrouve avec un redécoupage de 4 Cdc avec 2 Cdc éclatées, et Gauriac est dans la Cdc de Bourg, ce qui est très mal ressenti par la population ». Le maire explique que depuis que les Cdc existent, les communes avaient pris l’habitude de travailler ensemble avec des projets communs. « Ils ne redécoupent que sur des chiffres et jamais en rapport avec les territoires,

avec l’espace. »Pour Pierre Augey, maire de Fargues de Langon, « Gaston Deferre doit se retourner dans sa tombe parce que c’est une loi de recentralisation ». Pré-sentée comme permettant de faire des économies « le seul but est d’enlever le contrôle démocratique » alors que « les collectivités participent pour 70 % de la commande publique en France ». « Si on voulait tuer l’investissement, on ne s’y prendrait pas autrement. Les Cdc font travailler les entreprises de leur secteur, des emplois locaux vont être remis en cause. » Avec 40 ans d’expérience en col-lectivités territoriales, Pierre Augey insiste sur « la coopération volontaire, comme avec l’Agence de l’eau », qui permet « de beaux projets qui tiennent compte de l’avis de la population, des élus locaux, du département, de la région ». Alors que là « il s’agit de créer des marchés à l’échelle des grandes entre-prises, des grands groupes ». Pourtant « les régies locales, les syndicats mixtes ont permis de tirer les prix au plus bas, bien en dessous des ceux pratiqués par les grandes entreprises ». Dans le langonais, « on vient déjà d’avaler 2 autres Cdc, qu’on n’a pas fini de digérer » et il s’insurge : « Parler d’économie de personnel est un scan-dale. On a dépassé les 200 employés dans notre Cdc et pas une commune n’a pu transférer de personnel. On fait des doublons, certainement pas des économies ! »Les élus Front de gauche qui se sont opposés au moment du vote de cette loi veulent mettre les citoyens dans la boucle pour peser. Ils vont solliciter un rapprochement avec l’association des maires de communes rurales et annoncent une accélération des actions d’avril à juin.

(1)Epci : Établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre

(2) Adecr : Association départementale des élus communistes et républicains

(3) Cdci : Commission départementale de coopération intercommunale

L’appel peut être signé en ligne sur :www.lacnl.com

« En 2012, 141 000 personnes vivaient à la rue, un chiffre qui est en augmentation de 50 % depuis 10 ans. (…) Le fait que certaines personnes puissent se retrou-ver à devoir dormir dehors est une entorse fondamentale au droit au logement. Depuis longtemps, nous sommes nombreux à protester chaque année contre cette atteinte inadmissible à la dignité de milliers de personnes. Et pourtant, d’années en années, la situation ne fait qu’empirer. Il est temps de faire des propositions concrètes pour en finir avec cette réalité.

(…) Nous proposons la mise en place d’une véritable sécurité sociale du loge-ment. Cette proposition s’inspire de ceux qui, avant nous, pour appliquer les droits fondamentaux de la personne humaine, avaient imaginé la sécurité sociale dans un certain nombre de domaines : la santé, le chômage, la retraite. Ces dispositifs sont basés sur la contribution de tous à la solidarité nationale afin de garantir la dignité de la personne humaine. Nous considérons que ce principe de solidarité nationale doit être appliqué au logement. (…)

Concrètement, il s’agit d’une caisse de solidarité alimentée par les bailleurs, les locataires et l’État et qui a vocation à faire appliquer réellement le droit au logement. Cette caisse indemnise un ménage pendant une période détermi-née lorsqu’un accident dans la vie le met en situation de risque de perdre son logement. L’indemnité versée permet au ménage qui en bénéficie de continuer à payer son loyer ou le remboursement de son crédit. Cette indemnisation temporaire a vocation à éviter qu’une période d’instabilité n’entraine un ménage dans la spirale terrible qui conduit à la perte de son logement.

La cotisation à cette caisse de sécurité serait obligatoire et son bénéfice universel (locataires du parc privé, locataires du parc social et locataires des banques). Nous proposons que tous les dépôts de garantie des locataires soient placés sur un super livret A et que les intérêts versés abondent cette caisse. La caisse pourrait par ailleurs être abondée par une cotisation des bailleurs, qui pourrait d’ailleurs être différenciée selon le patrimoine que ceux-ci détiennent. Les banques, qui bénéficieraient directement de cette solidarité –puisqu’elle éviterait les défauts de paiement sur les remboursements de crédits- devraient également participer au financement à travers une cotisation sur les prêts immobiliers. Enfin, l’État, garant de la cohésion nationale, devra aussi y prendre sa part.

Ainsi, la fin des expulsions n’est pas simplement le rêve de quelques militants que l’on considère trop souvent comme égarés dans l’utopie. C’est un objectif réalisable grâce à une proposition simple, juste et crédible. »

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Les Nouvelles 7 avril 2016 • 3

EditorialACTUALITÉ

À l’écoute

C’est dans l’air du temps, il semble souffler un vent mauvais contre le gouvernement. Une gauche, un temps KO suite aux renoncements successifs du président Hollande, est en train de se lever.La tristement célèbre loi El Khomri, selon certains, devait permettre à la France de devenir enfin un pays moderne et efficace économiquement. Elle aura surtout été la goutte d’eau faisant déborder le vase de la colère déjà bien plein de la déchéance de nationalité, de l’état d’urgence et autres me-sures infâmes et étrangères aux aspirations de progrès social qui devrait être le socle commun de la gauche.

Après une pétition électronique qui aura réuni de façon exceptionnellement rapide plus d’un million 200 mille signataires, avec le mot d’ordre « on vaut mieux que ça ! », mouvements citoyen et syndical se sont rejoints pour construire depuis début mars une mobilisation puissante qui a été en capacité, le jeudi 31 mars, de mettre plus d’un million de français dans la rue.« Être debout », « relever la tête », « on vaut mieux que ça », sont autant de manières de verbaliser une aspiration à la dignité que nous pouvions sentir grandir en silence depuis longtemps.

Dans ce contexte bouillonnant, notre parti fait le choix d’entrer en discussion avec le peuple de France à travers une grande consultation populaire. À l’heure du verbe haut, de la petite phrase pour faire le buzz, à l’heure où certains voudraient ne voir qu’une seule tête derrière une seule voix, cette démarche va placer les militants communistes que nous sommes non pas comme des « parleurs » mais comme des « écouteurs ». Ne pas être des émetteurs mais des récepteurs. Pendant tout le temps de cette grande enquête, et bien sûr au-delà, nous allons devoir être le parti de ceux qui écoutent.Ceux qui écoutent pour remettre au cœur de l’action politique les préoccupations populaires.Ceux qui écoutent pour donner une voix à tous ceux qui pensent ne pas ou ne plus compter et qui ne trouvent pas encore les chemins pour recouvrir leur dignité.Ceux qui écoutent pour construire collectivement les chemins d’un rassemblement progressiste et populaire pour poser les pierres d’une autre société.

Vincent BoivinetMembre du Comité exécutif du PCF 33

TENTATIVES D’ÉVASION

L’édito de Maud Vergnoll’Humanité du 5 avril, 2016

SCANDALE DE PANAMA PAPERS

Le butin caché du grand pillage mondial

Les chiffres sont vertigineux. Le scan-dale est historique. Le choc, violent. Mais l’affaire « Panama papers », qui représente la plus grosse fuite d’informations jamais exploitée par des médias, n’est malheureusement qu’une petite partie émergée de l’ice-berg ! Elle révèle une nouvelle fois l’ampleur du vol organisé des multi-nationales et milliardaires fugitifs qui s’abritent derrière un maquis touffu de montages financiers pour finir leur course sous les cocotiers. L’évasion fiscale représenterait la bagatelle de 20 000 milliards de dollars… autant de recettes que les États ne peuvent pas mobiliser pour les services publics.Ce sont ces mêmes délinquants en

col blanc, au portefeuille bien rempli, qui chassent en meute les allocations familiales et le RSA. L’évasion fiscale n’est pas un « dysfonctionnement », mais bien le nerf de la guerre d’une classe sociale mobilisée au-dessus de tous les États pour ne pas contribuer à la solidarité nationale. À chaque scandale révélé, les cris d’orfraie le disputent aux bonnes résolutions, aussi crédibles que la déclaration triomphale de Nicolas Sarkozy en 2009 : « Les paradis fiscaux, c’est terminé. » Hier, François Hollande a promis des « procédures judiciaires ». Nous voilà rassurés ! Faut-il rappeler l’épisode lamentable et ô combien révélateur du 15 décembre dernier, où la majorité gouvernementale avait fait

sciemment capoter en pleine nuit le vote d’un amendement sur le « repor-ting », au prétexte qu’il serait « préju-diciable à la compétitivité » ? Ou ce rapport intitulé « 50 nuances d’évasion fiscale », dans lequel plusieurs ONG pointent la France du doigt pour son « immobilisme » ?« S é pa r a t i on d u Me d e f e t de l’État », peut-on lire sur les ban-deroles des manifestants contre la loi El Khomri, excédés de cet inceste permanent entre les milieux d’affaires et les politiques libérales. Ici, comme à République et sur de nombreuses places de France, des agoras ci-toyennes fleurissent, pour de plus belles tentatives d’évasion…

Au G20 de 2009, les vingt pays les plus riches avaient promis de faire de la lutte contre l’évasion fiscale une priorité. Sept ans après, les principales recettes anti-évasion restent dans les livres et ne sont pas mises en œuvre. Pire, parfois le gouvernement français rechigne à les inscrire dans la loi.

Le journal Le Monde, en partenariat avec 106 médias étrangers a eu accès à 11 millions de fichiers provenant des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore.Les données, qui constituent le plus gros « leak » de l’histoire, s’étalent de 1977 à 2015. Elles révèlent que des chefs d’État, des milliardaires, des grands patrons, des figures du sport, de la culture, de l’économie ont dis-simulé leurs avoirs… Comment ? 214 488 sociétés off-shore ont été créées avec la complicité de plus de 14 000 banques et avocats fiscalistes. Pour qui ? 12 chefs d’État ou de gouvernement dont 6 en activité, 128 responsables politiques et hauts fonctionnaires de premier plan, 29 des 500 personnalités les plus riches de la planète et des milliers de riches propriétaires du monde entier.L’une des victoires de la réunion inter-nationale de 2009 était la constitution de listes noires de paradis fiscaux. Où en est-on sept ans plus tard ? Les pays inscrits sur cette liste ne font l’objet d’aucune menace. C’est le cas du Panama. Unanimement considéré par l’Union européenne (UE) ou la France et les pays du G20 comme une « juridiction non coopérative », il n’encourt aucune sanction. Pendant la crise financière, « la Banque centrale européenne a bloqué toutes les transac-tions financières avec Chypre en une nuit. On pourrait très bien interdire les flux financiers en direction des paradis fiscaux », estime Éric Bocquet, séna-teur PCF du Nord, rapporteur d’une commission d’enquête sur l’évasion

fiscale (blogs.senat.fr/evasion-fiscale/).L’élu relève la « faiblesse de l’adminis-tration fiscale » pour suivre les dossiers qui lui sont transmis. Il pointe égale-ment un dispositif décrié tant par les ONG que la Cour des comptes : « le verrou de Bercy ». En France, un juge ne peut s’autosaisir en cas d’évasion fiscale. Seul le ministre du Budget a le pouvoir de lancer une procédure.

Manque de volonté politique

Dans le cadre du débat autour du projet de loi sur la lutte contre le crime organisé et le terrorisme, le 30 mars au Sénat, Éric Bocquet a déposé un amendement permettant à un juge de se saisir en cas de fraude fiscale liée au financement d’activités criminelles. « Il a été adopté par le Sénat contre l’avis du gouvernement », constate-t-il. Il faudra voir quel sort lui sera réservé à l’Assemblée nationale. Il faut dire qu’un épisode parlementaire, mi-décembre dernier, en dit long sur la politique gouvernementale. En pleine nuit, des députés socialistes avaient fait voter un amendement obligeant les entreprises françaises à se soumettre au « reporting par pays ». À 1h30 du matin, le gouvernement avait exigé une interruption de séance. Le temps de faire revenir ses chiens de garde, qui ont par un nouveau vote renvoyé l’amendement aux oubliettes.Le fond du problème est ailleurs : la soumission à la finance et à la libre circulation des capitaux inscrite dans les traités européens. « À Bruxelles, le lobby financier compte 1 700 personnes employées à influencer les décisions », accuse l’élu. De plus, si beaucoup est dit sur la lutte contre l’évasion fiscale, parfois avec un ton moraliste, la remise en cause du dumping fiscal entre pays européens reste au point mort.

Stopper l’évasion fiscale et re-prendre le pouvoir aux banques

Les énormes pouvoirs privés dont jouissent les banques et les marchés

financiers sont contraires à la démo-cratie. Ils placent notre société et le monde en permanence sous la menace des crises financières et des politiques d’austérité. Bloquer la spéculation et la financiarisation de toute l’économie nécessite de placer l’utilisation des cré-dits des banques sous contrôle social avec des critères précis d’efficacité économique et sociale. Pour ce faire trois propositions :1. Bloquer des échanges de capitaux avec les paradis fiscaux.2. Adopter une loi portant création d’un pôle public financier par la nationalisation et la démocratisation des grandes banques pour créer une nouvelle mission de service public du crédit et de l’épargne, au service de l’emploi, de la formation, de la croissance réelle et de la préservation de l’environnement afin de sortir de la crise et de l’emprise des marchés financiers.3. Placer sous contrôle social les banques privées qui ne respecteraient pas la nouvelle réglementation en ma-tière de lutte contre la spéculation et la financiarisation de notre économie.

Avec l’Humanité du 5 avril 2016 et le blog d’Igor Zamichiei

Total de l’argent cachédans les comptes opaques en 2012 :

entre

17 000et

26 000milliards d’euros

50 % entreprises

50 % particuliers

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4 • Les Nouvelles 7 avril 2016

TRAVAIL

LOI TRAVAIL

La tentative de diversion de Valls ne désarme pas le mouvementTandis que le premier ministre proposait aux organisations de jeu-nesse de rouvrir les discussions sans revenir sur la réforme El Khomri, les initiatives et les prises de posi-tion se multipliaient en faveur du mouvement social.

Difficile de mobiliser… en faveur de la loi travail. La semaine dernière, alors que toutes les sources concordaient pour estimer que les manifestants du 31 mars contre la loi étaient deux fois plus nombreux que le 9 mars, le gouvernement a reçu le renfort de la Commission européenne, par la voix de son vice-président, Val-dis Dombrovskis. Le très libéral commissaire letton s’est félicité d’un projet « qui devrait relancer l’emploi », en ajoutant : « Nous surveillons avec attention le débat politique. » Pas sûr que cette « surveillance » de Bruxelles aide le gouvernement dans son travail d’« explication » de sa réforme.Deux nouvelles journées d’action contre le projet de loi El Khomri marquent encore cette semaine, mardi 5 et samedi 9 avril, mais le pouvoir ne semble toujours pas prendre la mesure du rejet qu’il suscite dans le pays. Manuel Valls en a donné l’illustration, la semaine dernière, en proposant aux organisations de jeunesse de rou-vrir les discussions pour « améliorer

l’ensemble des politiques publiques vers la jeunesse »… sans revenir sur la loi travail. À Orléans, le premier ministre s’est notamment dit « prêt à regarder » les propositions de l’Unef qu’il avait balayées le 12 mars, preuve que la pression sur le gouvernement a monté de plusieurs crans depuis. Les organisations de jeunesse vont-elles tomber dans le panneau ? Du côté du syndicat étudiant, on jure que non. « L’Unef s’ investira dans ces discussions en restant ferme sur ses reven-dications » et « réclamera à nouveau le retrait du projet de loi travail », assure sa direction.

Le succès du 31 mars enhardit les opposants

Il faut dire que, dans les facs, les entreprises, la détermination est intacte et le succès du 31 mars pousse les opposants au texte à s’enhardir, comme on le voit avec l’occupation de places publiques sous le mot d’ordre « Nuit debout ».

Plus de 760 amendements dépo-sés sur le texte

Dans un autre registre, la sénatrice socialiste Marie-Noëlle Lienemann et l’économiste proche du PS, Thomas Piketty ont chacun étrillé le gou-vernement ce week-end, la première appelant à « supprimer cette loi »,

l’autre montrant que, si le chômage a progressé depuis la crise financière de 2008, « ce n’est pas parce que subi-tement, en 2008, 2009 ou 2010, les contrats de travail sont devenus plus rigides ».De leur côté, les parlementaires com-munistes, emmenés par le député André Chassaigne et la sénatrice Éliane Assassi, invitent demain soir, avec la commission économique du PCF, à débattre d’une proposition de loi alternative au projet El Khomri, en vue de « créer une sécurité d’emploi et de formation » (voir l’annonce en page 2). Jeudi, pendant la mobilisation, les sénateurs communistes avaient déjà donné du verbe et du geste en bran-dissant une pancarte exigeant le retrait de la loi travail dans l’hémicycle du palais du Luxembourg, pendant que leur présidente interpellait le gouver-nement. « Pourquoi persistez-vous dans cette impasse libérale ? » interrogeait Éliane Assassi. Tandis que l’examen du texte commençait devant la Com-mission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, l’intersyndicale CGT, FO, Solidaires, FSU, Unef, UNL et Fidl a écrit aux députés pour leur demander de « rejeter ce projet ». En attendant, plus de 800 amen-dements sont déposés, promettant une bataille parlementaire longue et éreintante.

LOI TRAVAIL EL KHOMRI

Un 32 mars, place de la République

« Rester debout » : c’est le mot d’ordre qui a conduit des milliers de personnes à rejoindre la place de la République à l’issue de la manifestation du 31 mars contre la loi travail. Délogés par la police à 5h du matin, ils sont revenus en nombre le vendredi soir pour jeter les bases d’un mouvement ci-toyen profond et durable de résistance aux attaques contre les droits de salariés. Une nuit datée du « 32 mars ».

À l’appel du mouvement « Conver-gence des luttes », qui a mobilisé via les réseaux sociaux, ils étaient au départ plusieurs centaines à affluer vers la place de la République, le vendredi 1er avril. Au programme, une assemblée générale où chacun prend la parole à tour de rôle pour proposer des idées d’actions, tenter de structurer ce mouvement spon-tané de citoyens, indépendants de toute organisation politique, ou syndicale mais qui partagent un intense besoin de s’exprimer et de s’inscrire ensemble dans un mouvement de résistance à la casse des droits sociaux et de la solidarité nationale.Depuis plusieurs jours, des milliers de personnes s’y rassemblent et des « Nuits debouts » fleurissent un peu partout en France.À Bordeaux, rendez-vous est donné samedi 9 avril, après la manifestation.

Mobilisation à Bordeaux

Le 31 mars, mobilisation plus importante encore que le 9 mars malgré un temps épouvantable avec 30 000 manifestants

TOUS DANS LA RUE POUR LE RETRAIT DE LA LOI TRAVAIL

9 AVRIL 2016 // 14Hplace de la République // Bordeaux

Le 5 avril, place de la Victoire, concert revendicatif par l'Affaire Barthab, casse-croûte prévu par le syndicat Cgt de l'énergie, préparation de l'appel à la manifestation et à la grève du samedi 9 avril.

Plus nombreux qu’ils ne pensaient l’être, le gros des troupes part finalement en manifestation

Nuit Debout Bordeauxet sur www.nuitdebout.fr

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Les Nouvelles 7 avril 2016 • 5

TRAVAIL

DÉBAT TRAVAIL À CENON

Emanciper le travail, vite !GÉRARD, 49 ANS

Toute une vie professionnelle de précarité

Un économiste, une syndicaliste, un politique réunis le 5 avril à Cenon pour échanger leurs pro-positions visant à construire un « contenu émancipateur au tra-vail ». Plus de 80 militants-es ont répondu présent pour ce troisième débat départementale organisé par le PCF, riche et qui appelle une implication renforcée, dans les débats et dans les luttes.

Il y a 15 jours, le débat sur la Répu-blique s’était tenu au Grand Parc au lendemain des attentats de Bruxelles. Mardi 5 avril, celui sur le Travail se te-nait quelques heures à peine après une nouvelle mobilisation réussie contre la loi Travail et en pleine préparation du rendez-vous revendicatif du 9 avril. S’ils ont été initiés pour « ouvrir le débat » du 37e congrès sur « les grands enjeux de notre époque » au-delà de cadres habituels, « avec toutes celles et ceux qui ne renoncent pas à l’ idée de progrès social et démocratique », ces débats ont à chaque fois rencontré une actualité résonante.« Dans le cadre des mobilisations sociales, il y a partout en France, des syndicats, des collectifs qui réfléchissent aux contenus de ce que pourrait être un code du travail du XXIe siècle, a ainsi introduit Frédéric Mellier, animateur départemental de la campagne “Zéro chômage” (1) ». « Ce qui se passe est en effet une chance dont, en tant que militants communistes, il faut savoir se saisir, confirmait Nicolas Marchand, responsable national du PCF membre du secteur Entreprises. À condition d’aller au-delà de la seule défense de l’existant. » Ce que l’ensemble des intervenants s’est empressé de faire. Secrétaire départementale de la CGT, Corinne Versigny détaillait ainsi les contours d’un « nouveau statut du travailleur salarié ». « Ce sont des propositions que la CGT a mises sur la table du premier ministre et qui visent véritablement à casser le lien de

subordination entre employeur et salarié et à sécuriser les parcours de formation. » À sa suite, l’économiste bordelais Matthieu Montalban passait en revue les idées émergeantes en ayant pris soin de prévenir : « avec l’automatisation et la numérisation, ce sont près de 50 % des emplois qui sont menacés d’ici 20 ans. Il faut donc urgemment réfléchir sur la notion de salariat et sa pertinence au 21e siècle. » Des données confirmées par tous les intervenants et qui imposent, selon ce membre du collectif des Economistes atterrés « d’en passer, forcément, par la réduction du temps de travail ; sans quoi, on continuera à créer du chômage ».« Réduction du temps de travail, bien sûr. Mais aussi retour au droit effectif à la retraite à 60 ans », a renchéri Nicolas Marchand. Et le communiste de détailler les propositions du PCF visant à une sécurité d’emploi et de formation qui offre aux travailleurs une « alternance choisie et ascensionnelle entre emploi et formation ». « C’est en fait l’ éradication du chômage et de la précarité que nous visons. Ce qui nécessite de revoir le contrat de travail vers plus de sécurité, de changer les règles d’octroi du crédit bancaire pour favoriser les projets générateurs d’emplois et/ou de formation. Et donc de donner plus de pouvoirs aux salariés. »Dans la salle, cette notion de pouvoir faisait réagir Vincent, salarié d’une petite entreprise du bâtiment : « mon patron prend toujours seul les décisions d’achat de telle ou telle machine alors que ce sont nous, les travailleurs, qui

l’utiliserons et donc c’est nous qui savons ce qui est nécessaire. » Et la croissance, est-elle nécessaire ? « Surtout, est-ce que c’est une idée conciliable avec le respect de l’environnement ? », interrogeait une dame. « Il faudrait, répond un autre intervenant, utiliser un vocabulaire dif-férent, parler de modernisation positive. Parce que la croissance, c’est l’outil du patronat. » Riche débat auquel les trois invités ont répondu par la nécessaire réponse aux besoins non pourvus, dans le respect de l’environnement et des humains. « Ce qui est sûr, a quand même dit Matthieu Montalban, c’est qu’on ne peut pas parler de décroissance alors que la population elle, croît. »Enfin, le débat se faisait plus vif sur une question sur toutes les lèvres : comment mettre en avant nos pro-positions d’émancipation dans une Europe verrouillée par les marchés financiers ? « C’est impossible, lance Bernard, puisque nous lui avons aban-donné notre souveraineté. » Pour Mat-thieu Montalban, « l’Europe actuelle est de fait un obstacle ». Il faut donc « réfléchir à son périmètre et à d’autres formes de coopération ; mais entre pays comparables ». Une intervention qui fit beaucoup réagir et à la suite de laquelle Nicolas Marchand dit son désaccord : « il nous faut des luttes pour une transformation radicale de l’Europe. Transformer les missions de la banque centrale européenne (BCE), transformer l’Euro. Mais surtout ne pas s’engager sur la voie du repli dans un moment où certaines forces n’attendent que cela. » Point de vue que partageait Corinne Versigny qui rappelait que « notre objectif quotidien et permanent, c’est de gagner de nouveaux droits pour tous pour viser le mieux vivre à l’échelle mondiale ». Et c’est bien de cela que parlent des milliers de citoyens-nes réunis debout la Nuit sur les places des grandes villes ou en marchant dans les cortèges syndicaux.(1) www.pcf.fr/84577

Vincent Bordas

Reconnu travailleur handicapé depuis 2012, Gérard (le prénom a été modifié), délégué syndical dans une grande enseigne du travail intérimaire, peine aujourd’hui à trouver des missions, bien qu’il les ait enchaînées, depuis son retour de service national il y a 30 ans, dans le bâtiment, la démolition, l’aéronautique, le libre service…

Peu qualifié à la base, Gérard n’a jamais pu décrocher un Cdi mais il était rarement resté sans emploi, jusqu’à ce que son corps dise « stop ». « Avec de tels parcours professionnels, on devrait avoir la retraite à 57 ans, ça mériterait plus de reconnaissance de la pénibilité car même si je n’ai pas de handicap visible, il m’est impossible d’assurer la rentabilité exigée sur les chantiers ».Il a bien tenté une reconversion comme soudeur-ajusteur mais ça ne s’est pas bien passé dans le centre de formation. « Je crois qu’ils n’ont pas apprécié mon engagement syndical. Je n’ai pas obtenu le diplôme. Bien que la formation ait coûté environ 9 000 euros, c’est retour à la case départ »À l’agence d’interim, ils n’aiment pas trop non plus son côté syndicaliste. « J’ai toujours défendu mes droits et ceux de mes collègues sur les chantiers, comme les primes de marteaux-pi-queurs, la disponibilité de sanitaires et de bungalows pour se changer sur les chantiers. Il faut toujours se battre ».

Alors Gérard, pendant toutes ces années, a essayé d’évoluer mais toutes les formations qu’il a faites, toutes les compétences acquises sont restées lettre morte, parce que toute une vie professionnelle d’intérimaire, c’est zéro avancement, zéro augmentation de salaire, zéro montée en qualifica-tion. « J’ai fait un stage professionnel en peinture au pistolet, j’ai aussi une licence en soudures, mais à chaque fois que je suis rentré de formation, l’agence me proposait les mêmes mis-sions qu’avant. »Pour lui, la loi Travail ne va rien arranger. « Sous prétexte de simplifier, ils veulent changer le droit du travail mais pourquoi ils ne simplifient pas le droit du commerce, de l’assurance ou le code électoral ? »« Ce qu’ il faudrait, c’est se pencher sur le parcours professionnel, par le biais de la validation d’acquis, par la formation mais ce n’est pas du tout d’actualité. Les salariés veulent s’ épanouir, vivre dignement avec les possibilités qu’offre notre société, sans être obligés de faire appel au crédit ou être constamment en situation de précarité. Ils ont raison de s’ inquiéter pour leur avenir les jeunes. Qu’est-ce qu’ils vont faire de leurs bagages ? C’est maintenant qu’ils doivent prendre leur avenir en main ».

Propos recueillis par Christelle Danglot

PROPOSITIONS DU PCF

Zéro chômage pour une société du partageLe pays a besoin d’une mobilisation nationale pour la création d’emplois stables et correctement rémunérés faisant reculer le chômage et la précarité. Le PCF lance une campagne pour obtenir la mise en œuvre de ces propositions. Il ouvre le débat avec les salariés et les citoyens pour préparer une proposition de loi qui sera déposée à l'automne. « Éradiquer le chômage, c'est possible si nos mobilisations imposent une volonté poli-tique de ne plus livrer nos emplois aux aléas du marché du travail, et de ne plus laisser patrons et marchés financiers décider où va l'argent ».

1. Augmenter les salaires et baisser le temps de travail à 32 heures par semaine pour permettre la création de centaines de milliers d’emplois.

2. Créer une sécurité d’emploi et de formation garantissant à tout salarié la possibilité d’alterner périodes d’emploi et de for-mation sans passer par la case chômage.

3. Écrire un code du travail du 21e siècle qui permette de contester la mainmise des actionnaires et de la rentabilité financière sur les entreprises.

4. Prendre le contrôle du crédit bancaire, de l’argent public donné aux entreprises pour financer non pas des actionnaires sans contrepartie mais des programmes de création d’emplois et de formations qualifiantes, de recherche et d’innovation.

5. Donner aux salariés des droits et pouvoirs nouveaux d’intervention dans les choix des entreprises et aux citoyens et élus dans les choix de la cité.

6. Réformer le financement de la protection sociale pour inci-ter les entreprises à créer des emplois, financer le développement de la formation professionnelle, mutualiser les dépenses et mieux répartir les prélèvements entre les grands groupes et les PME.

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DÉBAT

NATHALIE SIMON, CGT COMMERCE

Faire vivre les valeurs de la République dans l’entrepriseNathalie Simon, syndicaliste du com-merce, interroge les valeurs de la Répu-blique à travers la vie en entreprise. Sur la question de la liberté, elle constate que « Le salarié est lié à son employeur par un contrat de travail, il est dans une relation de subordination. En principe l’esclavage est aboli. Mais finalement la liberté d’expression n’est pas si évidente que ça. Si vous dites du mal de votre Pdg, vous pouvez être convoqué et si vous le publiez sur les réseaux sociaux, ça peut aller en Justice. Ce n’est donc pas si simple de parler dans l’entreprise. Sans compter que de plus en plus de voix s’ élèvent contre le droit de grève qui serait une entrave à la liberté de travailler. » Elle évoque aussi l’ubérisation du travail où les auto-entrepreneurs aspirent à une certaine liberté mais se retrouvent finalement totalement dépendant d’un seul client/employeur.L’égalité, dans l’entreprise, ça n’existe pas, à commencer par l’égalité homme/femme, que ce soit en terme de salaires, de responsabilités, etc.

« Pour l’ensemble, même lorsque seuls les salariés connaissent les procédés de fabri-cation, par exemple, ils sont exclus des décisions. Au mieux, ils sont cantonnés à un rôle consultatif alors qu’ils possèdent l’expertise. Ils devraient aussi avoir accès à un rôle délibératif. » Heureusement, d’autres modèles se mettent en place avec des relations plus collaboratives mais des employeurs qui parlent de « flux » pour les nouveaux salariés arri-vant et de « stock » pour ceux déjà là. Alors la fraternité dans tout ça ? « C’est un mot plus attaché au monde associa-tif ou à la famille qu’à l’entreprise », constate la responsable syndicale. « Même s’il y a encore des moments de convivialité, des solidarités, le travail c’est surtout l’ individualisme, la com-pétition… On ne vous dit plus jamais que vous faites du bon boulot. Avant on disait “on ne gagne pas grand chose mais qu’est-ce qu’on rigole”, aujourd’hui le rire a disparu des entreprises. La fraternité devrait pourtant y avoir toute sa place. »

ÉLIANE ASSASSI, SÉNATRICE COMMUNISTE

Une 6e République, ça se construitLa sénatrice rappelle que le PC ouvre largement le débat parce que « contrairement à Valls, nous pensons qu’il faut bien comprendre pour mieux agir ». Dans le contexte dramatique des attentats en Belgique, elle adresse ses pensées aux victimes et à leurs familles et rappelle comme nous sommes bien placés pour connaître les moments difficiles que traversent les Belges.« Il faut éradiquer Daesh, affirme la sénatrice. Mais les mesures proposées ne sont pas de nature à le combattre ». Sur ce sujet sensible, dans un contexte où certains vont jusqu’à réclamer le retour de la peine de mort, le Premier ministre a « tout fait pour qu’il n’y ait pas de débat parce que ça amène des questions sur l’ échec des politiques d’ intégration mais aussi d’emploi. On nous impose donc des solutions simplistes, clivantes qui déplacent le débat vers la droite. »Éliane Assassi rappelle que depuis 1986, 30 lois ont en commun « le tout répressif et le sécuritaire ». « À la loi sur la procédure pénale est ajoutée “pour

lutter contre le terrorisme”, à la loi sur la sécurité dans les transports, on ajoute “pour lutter contre le terrorisme”. Avec cette dernière, si vous indiquez à des fraudeurs la présence de contrôleurs, vous pouvez écoper de 3 500 euros d’amende. » On a vu que la volonté d’inscrire l’état d’urgence dans la Constitution posait beaucoup de questions sur le plan des libertés, en témoigne les arrestations, assignations à résidence de militants écologistes au moment de la COP 21. Éliane Assassi, sou-ligne que c’est, en plus, inefficace pour combattre le terrorisme, pour nous protéger des attentats et sur-tout, « cela ne s’accompagne jamais de réflexions sur les responsabilités, on n’étudie jamais d’autres solutions ». « Vous savez, les élus communistes vivent de grands moments de solitude, à part quelques élus frondeurs ou écologistes… Nous essayons d’ élever le débat, heureusement qu’il y a des syndicats et des associations pour nous accompagner dans la résistance et la riposte ». « Dans cette situation tendue,

personne ne pose jamais la question des relations internationales. Le gouverne-ment porte une responsabilité dans la montée de Daesh dans le monde. Per-sonne ne veut parler de la situation au Proche et Moyen Orient et notamment en Palestine alors que s’y trouvent les raisons de certains embrigadements. L’accord que vient de passer l’Union européenne avec la Turquie est scan-daleux mais trop peu de voix s’ élèvent. Il n’y a aucune analyse, non plus, sur les causes internes comme le recul de la puissance de l’État dans nos villes. »Enfin, la sénatrice explique à quel point d’avoir voulu inscrire la déchéance de nationalité dans la Constitution était dangereux et inu-tile car on n’inscrit ni une sanction ni un symbole dans la Constitution. « Mais ça occupe le débat politique et ça fait passer toutes ces lois sans que les citoyens ne puissent intervenir. » « Ils sont en train de détruire la République mais face à tout cela, les communistes ont des propositions. Une 6e République, ça se construit », a-t-elle conclu.

DANS LE DÉBAT

Inquiétudes et besoins de perspectivesLes échanges qui suivent sont riches. On parle des Goodyear, des Air France, des expulsions locatives, des sans papiers… Pilar se rappelle que l’Espagne a connu le renversement de la charge de la preuve sous le franquisme. « Si on veut faire taire la contestation, on fait peur et on dit que les terroristes sont parmi nous, ce à quoi s’applique un certain nombre de médias ». Elle aussi se soucie de la mémoire, de l’identité érigée en mur. Josette s’inquiète du rapport des jeunes à la République. « Finalement, on nous imprime plus le pouvoir de l’argent, de l’oligarchie que la République et ses valeurs », dit-elle. Un constat approuvé par Renaud qui considère qu’on donne aux citoyens la possibilité d’ignorer la République.

Albert se méfie des raccourcis qui expliquent les attentats par notre pré-sence dans le conflit Syrien : « Ce n’est pas une raison ». « Quand on nous dit qu’on est en guerre, ça voudrait dire que Daesh est un état, les terroristes seraient donc des soldats, les conventions de Ge-nève devraient s’appliquer et on ne peut pas changer la Constitution ». Plusieurs interventions relèvent l’autoritarisme du pouvoir, font le lien avec le projet de loi El Khomri, beaucoup d’inquié-tudes s’expriment. Les intervenants reprendront la parole pour inviter à poursuivre le débat le plus largement possible, travailler la mémoire, valo-riser les luttes qui gagnent, construire ensemble une alternative, s’engager pour construire de « l’en-commun ».

ESTELLIA ARAEZ, PORTE-PAROLE DU SAF* DE BORDEAUX

L’état de droit est déjà presque derrière nousLa représentante du Syndicat des Avocats de France (SAF) a d’abord souligné l’importance d’organiser ce type de débat « car la parole est confisquée par les politiques ». Comme Éliane Assassi, elle considère qu’on ne peut pas combattre sans comprendre et explique que le SAF essaie de donner un avis sur les projets de loi en cours mais qu’il ne trouve pas d’écoute à part auprès des élus com-munistes et écologistes, à l’Assemblée nationale et au Sénat. « Nous essayons d’avancer ensemble mais nous sommes minoritaires. »Estellia Araez explique la place de la Justice dans la République, le fonctionnement de l’état de droit, le respect nécessaire de séparation des pouvoirs, comment le Parquet qui applique la politique judiciaire de l’État a de plus en plus de pouvoirs et tout un tas de possibilités d’intenter

à nos libertés. « Il faut revenir sur la nécessité d’indépendance du Parquet », insiste l’avocate.Elle décrit ensuite les dangers d’ins-crire l’état d’urgence dans la durée. « Dans le fonctionnement normal, la police judiciaire constate une infraction et recherche le coupable. Dans l’ état d’urgence, la police administrative peut chercher des preuves sans infraction, sur simple supposition. Sur une simple rumeur, elle peut perquisitionner un logement en pleine nuit, devant la famille, les enfants. La CGT Police nous a confié que l’ état d’urgence était surtout un moyen de faire faire des heures supplémentaires non payées. Les personnes assignées à résidence doivent se présenter 3 fois au commissariat entre 8h et 20h, imaginez ce que ça donne si vous êtes en zone rurale ou n’avez pas de véhicule, si vous avez un travail, des enfants à aller chercher à l’ école… De

20h à 8h, aucune sortie n’est autorisée, autant dire que vous êtes privés de toute vie sociale, culturelle, sportive… Cet état de mise en assignation ne repose que sur des “notes blanches” des services de renseignements qui ne sont ni signées, ni datées. Quand on est visé par une mesure administrative, on ne peut pas s’y opposer et on doit prouver son innocence sans savoir sur quoi repose l’accusation. C’est ce qu’on appelle le renversement de la charge de la preuve. »Pour le SAF, tous ces projets de loi ont pour objectif de faire entrer des mesures exceptionnelles, arbitraires, dans le droit commun, avec un gouvernement qui ne procède que par procédures accélérées pour éviter tout débat public. « L’état de droit est déjà presque derrière nous », affirme Estellia.

KARFA DIALLO, MILITANT BORDELAIS DE LA MÉMOIRE DE L’ESCLAVAGE

La République est un rêve, elle est constamment menacéePour Karfa Diallo, un principe n’existe que s’il est reconnu comme tel, or les grands principes de la République ne sont plus reconnus. « Nous sommes confrontés à un monde complètement différent de celui qui a mis en place les valeurs de la République », dit-il. « La République est un rêve, elle est constam-ment menacée. Il y a une crise du rêve, de la conscience, de la culture. »Comme beaucoup, vivant en France depuis 20 ans, avec des enfants nés en France et un père qui a combattu pour la France, ce militant de la mémoire a été très blessé par le débat sur la déchéance de la nationalité.« La rhétorique guerrière habite l’ in-conscient français, poursuit-il. On ne

l’ interroge pas. Est-ce que la France est vraiment en guerre ? Non. C’est la rhétorique du gouvernement. Ce n’est pas amoindrir ce que nous vivons que de donner aux mots leur véritable sens ». « Les mêmes menaces pèsent chez nous, chez nos voisins, en Afrique, au Moyen Orient. On ne peut plus penser ces menaces dans l’espace étriqué de nos frontières, de nos couleurs de peau. » Pour Karfa Diallo, la mémoire est essentielle. « Il a fallu que les esclaves d’Haïti se soulèvent pour que les droits de l’Homme deviennent universels », rappelle-t-il. « La mémoire doit parti-ciper à déterminer ces en-communs que certains veulent transformer en murs. Il faut sortir de la culpabilité, de l’émotion pour avoir des réponses rationnelles. »

RÉPUBLIQUE

État d’urgence pour la liberté, l’égalité, la fraternité

L’ordre contre la démocratie, la police contre la justice, l’état d’urgence contre la liberté, le rejet de l’autre contre la frater-nité. Malgré les renoncements présidentiels, les discriminations,

la précarité, l’affaiblissement des services publics, la République reste notre bien commun. Comment défendre et faire vivre aujourd’hui les valeurs de la République ? Pour en débattre, le PCF avait invité, le

23 mars, Éliane Assassi, sénatrice communiste, Nathalie Simon de la CGT commerce, Estellia Araez, porte-parole du SAF de Bordeaux et Karfa Diallo, militant bordelais de la mémoire de l’esclavage. Vincent Bordas qui animait le débat a d’abord évoqué les terribles atten-tats qui venaient de se produire en Belgique, l’émotion et les sentiments de solidarité qu’ils ont provoqué chez nous, la nécessité de poursuivre le combat pour la défense des valeurs de la République, pour la paix, en France en Europe et dans le monde.

Compte rendu par Christelle Danglot

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Les Nouvelles 7 avril 2016 • 7

PCF

ADRESSE AUX COMMUNISTES

2017 : Le mouvement populaire doit prendre la main

Le 31 mars, dans tout le pays, une mobilisation sociale d’ampleur, la première de cette importance depuis le début du quinquennat, verra converger jeunes et salariés pour exiger le retrait du projet de loi El Khomri. L’issue de la bataille engagée est essentielle. François Hollande et son gouvernement peuvent et doivent être battus. Ce combat appelle l’engagement total des communistes car, comme le disent autour de nous de très nom-breux salariés, « trop c’est trop ». La loi proposée, parfaitement décryptée dans le numéro spécial de l’Humanité qui mérite la plus large diffusion, ne fera pas reculer le chômage, qui continue de progresser de manière alarmante, mais amplifiera la généra-lisation de la précarité. Notre époque appelle à l’inverse un nouvel âge de la Sécurité sociale et de la réduction du temps de travail. Loin de la modernité frelatée que nous vend le pouvoir, le projet du gouvernement, écrit sous la dictée du Medef, prépare une société d’insécurité, fragilisée. Nous pensons qu’une autre vision, celle d’une société de partage, est possible en combinant un changement profond du travail et une sécurité d’emploi et de formation qui remette à l’ordre du jour l’objectif d’une société débarrassée du fléau du chômage.

Battre la loi El Khomri

Les communistes, au premier rang desquels les jeunes et les étudiants communistes, nos parlementaires et tous nos élus, sont totalement impli-qués. Cet engagement doit conforter l’élargissement, l’unité et la durée du mouvement engagé. La clé de la vic-toire est l’ampleur de la mobilisation populaire et la pression qu’elle doit mettre sans tarder sur le Parlement : pas une voix de gauche ne doit voter ce projet, et il sera mis en échec. Utile pour l’avenir du pays, de la jeunesse et des salariés, cette bataille et la victoire possible peuvent également l’être pour la reconstruction d’une alternative de progrès au pouvoir de François Hol-lande. En effet, les forces populaires indispensables à cette reconstruction sont précisément celles qui se mobi-lisent en ce moment. Comment et par quel chemin ? C’est l’objet de nos discussions préparatoires au congrès de juin. Les médias m’interrogent: « mais avec qui voulez-vous préparer 2017 ? », je réponds clairement : « le

périmètre des forces à rassembler, c’est toutes celles qui s’opposent à la loi El Khomri ». Mais soyons lucides : au-delà de leur opposition à cette loi, leur unité politique pour constituer une réponse politique alternative au piège de 2017 ne va pas de soi. La construire demande des initiatives politiques.

Un débat sain et enrichissant des communistes

Quelles initiatives politiques ? La dis-cussion des communistes préparatoire à notre prochain congrès bat déjà son plein sur ce point autour de la base commune adoptée à une très large majorité par le Conseil national. C’est en effet la partie du texte qui suscite le plus de questionnements, de positions différentes, voire tranchées. D’ores et déjà, les échanges montrent que ce texte devra être enrichi et amélioré à partir de ces questions. Cela ne doit ni nous étonner, ni nous effrayer, car chacun d’entre nous a en tête que nous sommes dans une situation paradoxale et difficile, où cohabitent sans cesse potentiels de rassemblement et dangereuses impasses politiques. Le Conseil national du 15 avril, que nous avons décidé début mars, devra commencer à prendre compte les évolutions de la situation et tous ces débats. C’est ensemble, par des décisions démocratiques issues d’un libre débat, que nous trouverons les réponses les mieux adaptées. Cette procédure démocratique permet l’uni-té de notre parti à laquelle, comme secrétaire national, je veille avec le plus grand soin. D’ores et déjà, et parce que je souhaite un débat clair et loyal, je sens nécessaire de préciser ce que nous cherchons ensemble dans ce débat. J’entends dire parfois que nous souhaiterions « une primaire de toute la gauche de Macron à Mélenchon », voire que nous serions déjà presque prêts à nous rallier, devant le danger de droite ou pour sauver quelques sièges de députés, à « mener la campagne derrière Hollande ». Écartons ces caricatures, qui n’ont rien à voir avec nos objectifs, pour parler des problèmes que nous devons résoudre.

Le piège de 2017…

Périlleuse, la situation l’est indiscu-tablement. Après dix ans de droite et un quinquennat de Hollande où les pouvoirs successifs se sont employés à détricoter systématiquement notre

modèle social et républicain, les appétits prédateurs du patronat se sont aiguisés. Le mouvement social et populaire, l’électorat de gauche sont profondément marqués par ces expériences et singulièrement la trahison du quinquennat Hol-lande, qui semblant fermer la porte à toute alternative, ont installé une défiance profondément ancrée, prin-cipal terrain de manœuvre du FN. La conscience de classe, la conscience politique de gauche se sont affaiblies et les forces politiques et sociales de progrès sont profondément divisées. Cette déstabilisation est particu-lièrement ressentie par les millions d’électeurs de François Hollande au premier tour de 2012, largement les plus nombreux à gauche. Quelles conclusions vont-ils tirer de cette période ? Le renoncement définitif, le désarroi ou le ressaisissement ? L’issue de leurs choix individuels et collectifs pèsera très lourd dans la balance, lors des deux élections, présidentielle et législatives. Cette situation engendre deux difficultés conjointes. La pre-mière est évidente : si rien ne bouge d’ici 2017, tout conduit à un second tour de l’élection présidentielle où les électrices et électeurs devront faire leur choix entre le candidat de la droite et Marine Le Pen. On imagine les consé-quences durables d’un tel choc, le désarroi du mouvement progressiste, surtout si aucun parti, aucune force, n’a tenté ou n’est parvenu à conjurer un danger mortel pourtant largement annoncé.

… est-il bien mesuré ?

La seconde question suit : est-il pos-sible de construire une candidature de gauche, porteuse d’un projet de gauche, autrement dit en rupture avec la politique Hollande-Valls, capable de rassembler suffisamment pour être susceptible de mettre en échec ce danger prévisible ? À l’heure qu’il est, la dispersion maximum reste le scéna-rio le plus probable. Nous sommes à plus d’un an de la présidentielle, déjà le NPA, le MRC et LO ont annoncé leurs candidats. Jean-Luc Mélenchon, lui, a « proposé sa candidature », hors cadre collectif, en déclarant dépassé le Front de Gauche et « hors cadre des partis ». Pour être décidée où ? Quand ? Par qui ? Tout se passe donc comme si chacun avait intégré la prévision d’un deuxième tour droite radicalisée-FN comme une fatalité. Chacun se défend en estimant que l’opposition à Hollande justifie sa candidature. Certes, pour échapper au duel droite-FN, une candidature de gauche en rupture avec les choix du quinquennat est nécessaire. Mais cette condition nécessaire n’est pas suffisante. Elle doit aussi chercher à s’appuyer sur le socle populaire et politique le plus large possible. Si nous n’acceptons pas que les échéances de 2017 conduisent ainsi notre pays dans une régression sociale et politique durable, je suis convaincu que le Parti communiste ne serait pas à la hauteur de son histoire s’il ne faisait pas tout

ce qu’il peut, tout ce qu’il doit pour bousculer la donne. Le moment est venu d’initiatives politiques nouvelles. C’est ce que propose la base commune adoptée par le Conseil national.

Des initiatives majeures et inno-vantes du Parti communiste

Ces initiatives politiques, nous leur donnons l’objectif de construire un nouveau front populaire et citoyen, un large front social et politique qui fasse converger les forces de la gauche et de l’écologie politique, les forces syndicales, le mouvement social, le monde du travail et de la création, pour ouvrir un chemin neuf pour la France, pour écarter le danger de la droite et de l’extrême droite, pour construire une nouvelle majorité. Comment ? D’abord par la politi-sation dans les mobilisations, celle contre la loi El Khomri, celle qui est en train d’aboutir à la mise en échec de la déchéance de nationalité, celles dans les luttes pour l’emploi industriel ou pour la défense de l’avenir du monde paysan, afin de faire émerger la conscience de nouveaux objectifs politiques partagés. La jeunesse prendra-t-elle par exemple une part active de ces constructions ? Voilà une question d’importance pour la suite des événements.

Hollande n’est pas « le candidat naturel » et ne sera pas notre candidat

Ces initiatives politiques, elles consistent aussi à revaloriser l’enjeu des élections législatives, pour impulser dans la durée une autre conception du pouvoir et de la démocratie, non assu-jettie au présidentialisme. Les élec-tions législatives peuvent être un che-min précieux de reconquête politique populaire sur le terrain. Ces initiatives politiques, c’est aussi évidemment une autre construction présidentielle à partir de l’investissement citoyen. Le pouvoir Hollande-Valls est affaibli. Même si le Président sortant prépare sa candidature, l’idée grandit qu’il est la candidature de l’échec. Les appels à des primaires à gauche ont rouvert le débat, en contestant à Hollande le statut de « candidat naturel ». C’est pourquoi nous n’avons pas fermé cette porte. C’est pour éliminer Hollande que nous proposons de construire une primaire résolument citoyenne, bâtie sur un socle d’abord discuté au grand jour dans tout le pays. Est-ce possible ? Je le crois, mais j’entends le scepticisme. Débattons-en sans caricatures inutiles.

Ceux qui s’opposent à la loi El Khomri garderont-ils la main ?

Comment construire une primaire citoyenne qui s’adresse aux 1,4 mil-lion de signataires, aux grévistes et

manifestants contre la loi travail, aux millions de déçus de Hollande, à ceux qui refusent les dérives sécuritaires et liberticides des réformes constitu-tionnelles et du droit pénal. À ceux qui refusent l’austérité pour la France et pour l’Europe. Ces citoyens, ces salariés, ces jeunes qui aujourd’hui se battent de front contre la politique de Hollande garderont-ils la main en vue des échéances de 2017, ou la lâcheront-ils quand il s’agira de passer aux urnes ? Dans les conditions à bien des égards inédites de cette échéance, la primaire que nous investirions peut-elle leur permettre de choisir, de dire voilà quelle France nous voulons, voilà comment doivent se passer les élections déterminantes de 2017, voilà quel candidat, quelle candidate nous choisissons pour cela.

Une consultation populaire sans précédent

C’est pourquoi tout doit démarrer à nos yeux par une discussion politique géante avec notre peuple. C’est le sens de la « grande consultation citoyenne » que nous proposons. Nous savons le rejet de la politique, la rupture démo-cratique qu’ont entraîné les pratiques politiques de la droite, les reniements de François Hollande et plus généra-lement les dérives de nos institutions. Nous voulons y répondre en produi-sant et en proposant une consultation populaire permettant d’aller à la rencontre de 500 000 personnes. C’est une initiative exigeante, elle demande de se tourner avec confiance vers notre peuple et nécessitera de grands efforts militants. La décision appartient aux communistes. En se tournant vers celles et ceux qui se dressent contre la politique Hollande, en ouvrant avec eux le débat politique, en les invitant à prendre la main sur les échéances de 2017, nous sommes fidèles aux orientations qui nous ont conduits à créer le Front de gauche. C’est le mouvement populaire qui a en main les clés du changement. Beaucoup dépend des efforts politiques que nous allons consentir. Nous proposons des initiatives en faisant le pari de l’intelligence collective et populaire, dans une situation mouvante et incertaine. Les communistes devront se prononcer sur toutes les questions. Sur nos orientations à l’occasion du choix de la base commune début mai puis au congrès en juin. Sur la candidature et le choix du candidat ou de la candidate que nous soutiendrons ou présenterons le moment venu. Aucune de ces décisions n’échappera aux communistes, à leur vote. Encore une fois, c’est la garantie, à laquelle je veillerai, de l’efficacité et de l’unité de notre parti.

Pierre Laurent, le 30/03/16

CELLULE DU LIBOURNAIS - SECTION LES RIVES DE DORDOGNE

LOTODimanche 10 avril 2015 à 14h30

Salle du Verdet, à Libourne 12 rue de Toussaint

Pierre Laurent et Anne Sabourin (une des initiatrices de la pétition « Loi Travail : non merci ! ») à la « Nuit debout », place de la République à Paris.

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CULTURES & SOLIDARITÉS

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CHRONIQUENOUVELLES IDÉES REÇUESpar Gérard Loustalet Sens

D’un point de vue anthropologique, l’islamophobie n’est qu’un triste avatar d’une pulsion archaïque qui considère tout autre comme une menace qu’il faut conjurer, on lui donne le nom d’altérophobie (ou encore hétérophobie). C’était peut-être l’instinct de survie dans la horde primitive mais toute la civilisation des mœurs depuis qu’a commencé l’hominisation a justement consisté à dépasser ce stade. On sait de mieux en mieux que les sociétés humaines se sont bâties sur la solidarité et la coopération et non sur la concurrence et les haines de clans. Toute résurgence de querelles de tribus au nom de revendications « identitaires » complè-tement artificielles est une profonde régression sociale et humaine. L’islamophobie, comme tout racisme, est bien une construction sociale visant à établir une forme de domination sur un groupe humain stigmatisé.D’un point de vue historique, l’islamophobie figure, je l’ai dit, un racisme post-colonial dont la cible est la même que le racisme colonial mais elle ne peut évidemment pas fonctionner sur les mêmes bases. On ignore encore trop l’ampleur et les attendus du racisme colonial, refou-lement caractéristique d’une République refusant d’as-sumer la honte et les scandales de pratiques foulant aux pieds les principes affichés de liberté-égalité-fraternité dont il était convenu qu’on ne saurait les appliquer à des populations cataloguées sauvages, arriérées et proches de l’animalité. « Pas de repentance », clament les des-cendants et les émules des bourreaux coloniaux, prêts à utiliser contre les indigènes de banlieue les mêmes méthodes que contre les indigènes du bled. Il faut pourtant rappeler cette sidérante bonne conscience coloniale des élites républicaines. Je peux y apporter une contribution inédite. Je travaille sur l’histoire d’une publication fondée en 1905, La Revue du mois, excel-lente revue, de haut niveau intellectuel et scientifique, attentive au développement de toutes les sciences, d’inspiration clairement républicaine et progressiste, animée par d’éminents savants d’esprit moderne et éclairé principalement issus de la prestigieuse Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm. De grands noms de la science y ont contribué : Henri Poincaré et Emile Borel, Alfred Binet et Célestin Bouglé, Jean Perrin, Aimé Cotton, Albert Mathiez et Paul Langevin… Et puis j’y ai trouvé cet article d’un certain Jacques Bernard intitulé « La mentalité malgache et la mentalité annamite ». On y apprend que « alors que l’enfant européen perd, en grandissant, son cerveau d’enfant, l’homme inférieur est incapable par les lois de l’hérédité de dépasser un certain niveau » ! Ainsi, « le Malgache a l’esprit “enfant” et se laisse facilement séduire par les apparences (…). Avec lui, il suffit d’être juste, calme - car il s’effarouche facilement - bon et de lui faire comprendre tout ce qu’il a à gagner à être sous notre protection lui qui était presque à l’état sauvage avant notre occupation ». Plus loin : « le peuple malgache n’a pas d’histoire… aucune industrie sérieuse… ont-ils même une religion  ? »… On dirait du Sarkozy ! Les Annamites semblent un peu mieux lotis, mais attention, « le Jaune nous hait, c’est certain » (La Revue du mois, août 1906).Le sentencieux crétin qui proférait ces âneries se pre-nait, n’en doutons pas, pour une intelligence supérieure. Et c’était bien l’état d’esprit des élites républicaines. Ce type de racisme ne peut plus être ainsi affirmé même s’il en reste probablement des traces dans l’incons-cient collectif… Il a fallu évoluer et l’islamophobie est l’exemple même du passage d’un racisme biologique in-tenable aujourd’hui à un racisme culturaliste qui permet de rabaisser et d’exclure les mêmes groupes humains. L’astuce est simple : il s’agit de bannir de l’explication des faits sociaux toutes causes économiques, sociales et politiques et de remplacer celles-ci par les pratiques et dispositions culturelles et/ou religieuses attribuées au groupe discriminé. Pour être plus efficace, on va même réduire le groupe à une seule de ces dimensions, immuable et défnitive, en l’occurence la religion pour le groupe dit des « Musulmans ». Même si tous ne s’y reconnaissent pas, ils se trouveront arbitrairement confinés dans cette essence qui aujourd’hui, en France, fonctionne comme un authentique stigmate. Ainsi, comme on dit au Café du coin, décidément ces gens « ne sont pas comme nous » et le refus de manger du porc et de boire de l’alcool est, à l’évidence, une into-lérable offense à l’universalisme républicain comme à nos séculaires traditions gastronomiques.

Du racisme biologique au racisme culturaliste

PRINTEMPS 2016

Uzestival9 - 10 et 15 -16 -17 avril 2016 au Théâtre Amusicien, l’Estaminet à Uzeste22 - 23 avril 2016 au Chapiteau du parti Collectif, à Pompéjac

Programme :

Samedi 9 avril 21h : Manifestif (gratuit)Dans la dynamique des ateliers d’art de l’improvisation musicale que Ber-nard Lubat donne au conservatoire de Bordeaux, la rencontre (l’art en contre) s’opère autour du rythme de l’imaginaire, du jazz et de la musique contemporaine improvisée. On ne s’improvise pas improvisateur. Contrairement aux apparences, ça s’apprend. C’est comme la liberté, une profonde et personnelle respon-sabilité. Quand les jeunes étudiants/pratiquants s’y confrontent ainsi à eux-mêmes, ils s’y conscientisent d’autant sur la présence, l’existence et le jeu de l’autre.

22h30 : Concert Jazz augmenté*Charles Kely (Madagascar), guitare-chant, Marc Chemillier, ordinateur, Bernard Lubat, piano pour une musique selfs’pliquée. Guitare et chant interagissent rythmiquement avec la machine pour des chansons malgaches revisitée par l’imaginaire jazz.(*) Jazz augmenté est un processus enrichi dans lequel des musiciens de jazz interagissent avec un agent informatique qui improvise en écoutant ses partenaires.

23h : Bodega – jam sessionAutour du rythme, du jazz, du groove, du free et de la danse.

Dimanche 10 avril 17h : Concert Soli-solos d’ici d’enLes artistes œuvriers créateurs du « parti Collectif », Louis Lubat, Tho-mas Boudé, Jules Rousseau, Jaime Chao, Brice Matha.

Vendredi 15 avril 21h : One jazz man show L’amu-sicien d’UzHumour humeur humanité humi-dité, Bernard Lubat dans tous ses tiers états… de dire… de rire… d’écrire… d’improviser… de se moquer… de lui… et du monde ! Lubat, « artistisant » œuvrier créateur, vivifiant, critique joyeusement et « radicalmement » le sort que la socié-té actuelle (industrialisation oblige !) inflige à la musique vitale vivante c’est à dire celle qui se considère ini-tialement et écologiquement… libre !

Samedi 16 avril 21h : Spectacle Qui verra VieiraPour Fabrice Vieira, le solo est une autobiographie, thèse et antithèse de soi, le « rêve éveillé d’un amusicien, entremêlimélomêlé d’ impertinence en imperformance où la parole le dispute au chant et l’ humour à la musique ». À partir d’un vivier d’une cinquantaine de chansons de toutes les origines, pimentées de paroles prononcées par des hommes et des femmes de toutes les disciplines ou indisciplines, le guitariste pioche allègrement, en fonction du besoin, du désir, de quoi alimenter un trafic sonore à la fois loufoque, ludique et poétique. La musique s’y love avec délice(s), comme une interrogation et un bonheur.

22h : Concert TricepsBrice Matha (saxophone) Jules Rousseau (guitare basse) Louis Lubat (batterie)

Dimanche 17 avril17h : One woman show Fautes de Frappe de et par Juliette KaplaToujours aussi frappée, la menteuse professionnelle créée par Juliette Kapla va probablement perdre le contrôle de son ridicule, une fois de plus.Dans l’attente du grugement der-nier, sera-t-elle « douchée » par la grâce ? Sans compter sur le tracteur chance, elle jouera avec foin, pleine de fourrage, seulement accompagnée d’un pied de micro et d’une chaise. Comme disait Alphonse de La Tar-tine : « Une seule lettre vous manque

et tout est démeublé… »

18h : Spectacle Deux corps, un ImpromptuAnna Legrand (contorsions) Jules Rousseau (guitare basse). On y fait son cirque, en piste vers l’inconnu de la rencontre. Deux unis vers un processus improvisé, en chemin vers de nouveaux lents demains… En route, encore !

Renseignements / Réservations Uzeste Musical : 05 56 25 38 46www.uzeste.org - www.facebook.com/cie.lubat/Tarifs : 12€ / réduit 8€ (adhérents, étudiants, demandeurs d’emploi), gratuit moins de 16 ansRestauration (sur réservation) : assiette de garbure 8€

Ven. 22 & Sam. 23 avril 21h : spectacle* Les InconsolésDans son livre Le Temps de la consola-tion, Michaël Fœssel soutient que la philosophie est un effort de lucidité, une réflexion sur nos chagrins, nos tristesses, qui vise moins à guérir qu’à éclairer ce que nous avons perdu.Contrairement au « réconcilié », l’inconsolé refuse de sortir indemne de sa perte. Les Inconsolés est l’his-toire d’un groupe de jeunes gens qui cherchent à dire et à agir au-delà du coup de gueule et de l’indignation.

* tarif unique 5€ gratuit pour les enfants

Un printemps qui vient de loinPousse profond sous tous les tons D’ici d’en long dans tous les sons

Jeunesse qui ira loin À l’ invention de nouveaux horizons

Imagination sans soumission Musiciens mosiciens musicans mosicans

Comédiens coméviens clowns du spectacle Poètes d’ici d’en créateurs de neuf

Éleveurs de rêves Mutants permutants Joueurs de vies à vivre

Vivants vivifiants D’ici d’en bas

Pour l’avenir déjà là

Bernard Lubat

Le Cabaret des « Amis de L’Or-mée » des 8 et 9 avril prochains aura lieu à guichet fermé. Seront accueillies les personnes en pos-session d’un billet d’entrée ou ayant déjà réservé leurs places par courriel ou téléphone.

LES AMIS DE L’ORMEE

Cabaret8 et 9 avril 2016

CANÉJAN

9 avril, salle du lac vert à Canéjan. 1ère édition, entrée gratuite. Vide-Greniers -

Débats - Buvette - Concerts à 20h

MYTHIA KALPANAominous mane

tim et les utopistes debouts

DJ WHITE STORM