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1 Année 2007-2008 Choix de Portefeuille ________________ Christophe Boucher Chapitre 1. Théorie de la décision en avenir incertain Critère d’espérance d’utilité L’attitude vis-à-vis du risque Chapitre 2. Rendements et critères de choix entre actifs La mesure des rendements et leurs distributions La dominance stochastique Les mesures de risque Chapitre 3. La théorie moderne du portefeuille Fondements théoriques de l’analyse espérance-variance Portefeuilles efficients : caractéristiques et propriétés Frontières efficientes avec 2 actifs et N actifs Chapitre 4. La théorie post-moderne du portefeuille Critiques de l’espérance d’utilité Alternatives à l’espérance d’utilité Finance comportementale et choix de portefeuille Les moments d’ordre supérieurs à deux Chapitre 5. Introduction aux modèles d'évaluation des actifs MEDAF APT

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Année 2007-2008

Choix de Portefeuille ________________

Christophe Boucher Chapitre 1. Théorie de la décision en avenir incertain → Critère d’espérance d’utilité → L’attitude vis-à-vis du risque Chapitre 2. Rendements et critères de choix entre actifs → La mesure des rendements et leurs distributions → La dominance stochastique → Les mesures de risque Chapitre 3. La théorie moderne du portefeuille → Fondements théoriques de l’analyse espérance-variance → Portefeuilles efficients : caractéristiques et propriétés → Frontières efficientes avec 2 actifs et N actifs Chapitre 4. La théorie post-moderne du portefeuille → Critiques de l’espérance d’utilité → Alternatives à l’espérance d’utilité → Finance comportementale et choix de portefeuille → Les moments d’ordre supérieurs à deux Chapitre 5. Introduction aux modèles d'évaluation des actifs → MEDAF → APT

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Chapitre 1. Théorie de la décision en avenir incertain Définition : Décision risquée versus décision non-risquée 1.1 Présentation et propriétés du critère d’espérance d’utilité Le critère de Wald (maxi-min) : maximise la conséquence la plus défavorable. Le critère de Savage (minimax de regret) : regretter le moins possible sa stratégie ex-post. Le critère d’Hurwicks : maximise une moyenne pondérée des revenus maximums et minimums de chaque stratégie. Le critère de Laplace : la moyenne des gains la plus forte. ⇒ Limites de ces critères et insuffisance de celui de Laplace

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Exemple 1 Comment choisir les loteries suivantes :

A : [15, 10, 5 ; 0,2, 0,6 0,2] B : [20, 12, 4 ; 0,2, 0,6 0,2]

Le critère peut être le plus intuitif consiste à choisir la loterie qui offre l’espérance de gain la plus forte.

E(A) = 15 x 0,2 + 10 x 0,6 + 5 x 0,2 = 10 E(B) = 12

La loterie B a une espérance de gain plus élevée mais la dispersion de ses gains est aussi plus grande. Les limites du seul critère de l’espérance de gain ⇒ le « paradoxe de Saint-Petersbourg.

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Exemple 2 : le paradoxe de Saint-Pétersbourg Les agents peuvent jouer à un jeu de pile ou face répété, si face apparaît au nième coup, ils empochent 2n euros.

2 32 3

1 1 1( ) 2 2 2 ... 1 1 1 .....

2 2 2E G = + + + = + + + = +∞

ou encore

1

1( ) 2

2n

nn

E G+∞

=

= = +∞

Ce jeu a une espérance de gain infinie et les individus sont théoriquement prêts à payer une somme infinie pour y participer malgré le risque de voir « face » sortir dès le premier lancé. Pour résoudre ce paradoxe, Daniel Bernoulli propose de transformer les gains monétaires en satisfaction par une fonction croissante et concave (nommée fonction d’utilité et notée U).

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Si la fonction d’utilité est logarithmique, la satisfaction espérée (ou l’espérance d’utilité, notée EU) du joueur s’écrit :

1 1

1 1( ) ln 2 ln 2 ln(4)

2 2n

n nn n

EU G n+∞ +∞

= =

= = =

∑ ∑

La somme payée est finie (4 euros), ce qui semble plus cohérent au regard du risque pris. ⇒ construire un critère qui permet de représenter le choix d’agents à partir d’un nombre d’hypothèse réduit.

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1.1.1. le théorème central de la théorie. Les critères de rationalité servent d’axiomes à la théorie. Axiome 1 : Complétude L’agent peut toujours comparer deux loteries. Axiome 2 : Transitivité

1 2 2 3 1 3si et alors .L L L L L L≻ ≻ ≻

Axiome 3 : Continuité

Si 1 2

2 3

L L

L L

il existe une probabilité p telle que 2 1 3( , ; , (1 ))L L L p p≈ − .

Axiome 4 : Indépendance Si 1 2L L≻ , pour toute loterie 3L et une probabilité p quelconque on a :

1 3 2 3( , ; , (1 )) ( , ; , (1 ))L L p p L L p p− −≻

Axiome 5 : Monotonicité Soient les loteries A et B : A : [ ]1 2, ; , (1 )L L p p−

B : [ ]1 2, ; , (1 )L L q q−

Si 1 2L L≻ alors p ≥ q implique A B≻

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Exemple 3 : L’axiome de continuité Les loteries suivantes sont dites dégénérées car elles proposent des gains avec une probabilité égale à 1.

[ ]1 1000;1L = [ ]2 500;1L = [ ]3 0;1L =

Pour une probabilité p = 0,6, l’agent est indifférent entre recevoir 500€ ou jouer à la loterie : [1000, 0 ; 0,6, 0,4]. 500€ est appelé l’équivalent certain de la loterie. L’axiome indique que quels que soient les goûts des agents, il est toujours possible de trouver une probabilité telle que 500€ soit équivalent à une loterie de la forme [1000, 0 ; p, (1 – p)].

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Théorème de l’espérance d’utilité

Si les préférences des agents vérifient les cinq axiomes de complétude, de transitivité, de

continuité, d’indépendance et de monotonicité, alors on peut les représenter par le critère de

l’espérance d’utilité.

Selon ce critère :

- si l’agent préfère la loterie 1 à la loterie 2 alors l’espérance d’utilité de la loterie 1 est plus

forte que celle de la loterie 2.

Pour toutes loteries i et j : ( ) ( )i j i jL L E u L E u L> ⇔ ≻

- l’utilité d’une loterie (ou d’un projet risqué) est égale à l’espérance mathématique des

utilités des gains monétaires de cette loterie

⇒ reconstruire la fonction d’utilité d’un individu à partir des équivalents certains à des loteries.

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Construction de la courbe d’utilité d’un agent Fixons arbitrairement que : U(100000) = 100 et supposons que U(0) = 0 1) Nous présentons la loterie 1L à un individu et nous lui demandons de déterminer la somme

certaine qu’il lui serait indifférent de recevoir face à cette loterie.

1L : [ ]0,100000;0,5,0,5

Cet individu nous dit préférer recevoir 35000€ plutôt que de jouer à la loterie 1L .

⇒ [ ]35000;1

U(35000) = 0,5 x U(0) + 0,5 x U(100000) U(35000) = 50 2) Nous pouvons maintenant lui proposer la loterie suivante :

2L : [ ]0,35000;0,5,0,5

L’individu considère maintenant que l’équivalent certain de cette seconde loterie est de 15000€. Nous en déduisons que U(15000) = 0,5 x U(0) + 0,5 x U(35000) Et donc que U(15000) = 25 3) La troisième loterie proposée est la suivante :

3L : [ ]100000,35000;0,5,0,5

L’équivalent certain de cette loterie pour l’individu est de 60000€. On en déduite que : U(60000) = 0,5 x U(100000) + 0,5 x U(35000) soit U(60000) = 50 + 25 = 75.

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4) On peut également demander à notre individu de déterminer la probabilité p qui rend les deux loteries équivalentes :

4L : [ ]15000,15000; , (1 )p p− −

5L : [ ]0;1

L’individu estime que p est égal à 1/5. D’où [U(-15000) x1/5] + [U(15000) x4/5)] = U(0) Soit U(-15000) = -U(15000) x 4 = - 100. Nous disposons maintenant de six points de la fonction d’utilité de notre individu.

Gains monétaires Utilité -15000 -100

0 0 15000 25 35000 50 60000 75 100000 100

NB : En proposant de nouveau choix, il serait possible d’obtenir d’autres points.

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La forme de la courbe découle des réponses données par l’individu.

Fonction d'utilité de l'individu interrogé

-150

-100

-50

0

50

100

150

-20000 0 20000 40000 60000 80000 100000 120000

Gains monétaires

Util

ité

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1.2 L’aversion pour le risque 1.2.1. Fonction d’utilité et attitude vis-à-vis du risque Un agent a de l’aversion pour le risque s’il préfère recevoir une somme certaine plutôt que de jouer à une loterie qui lui rapporte en moyenne la même chose. Les agents préfèrent être riches plutôt que pauvres, la fonction d’utilité est donc croissante en la richesse (non satiété). aversion pour le risque ⇒ fonction d’utilité concave, goût pour le risque ⇒ fonction d’utilité convexe, indifférents ⇒ fonction d’utilité linéaire. Exemple Supposons un agent avec une fonction d’utilité logarithmique : ( ) ( )u W Ln W= . La loterie offre 80% de chance de gagner 50€ et 20% de chance de gagner 300€. L’espérance de gain de cette loterie est de 100€. u[E(W)] = u[100] = ln(100) = 4,605 E[u(W)] = 0,8 x u(50) + 0,2 x u(300) = 0,8 x ln(50) + 0,2 x ln(300) = 4,270 La fonction log représente donc un agent averse au risque, l’utilité de l’espérance de gain de la loterie est plus forte que son espérance d’utilité.

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Nous pouvons généraliser et considérer les attitudes face au risque suivantes :

- L’agent est averse au risque lorsque : u[E(W)] > E[u(W)] ⇔ fonction d’utilité strictement

concave

- L’agent est neutre vis-à-vis du risque lorsque : u[E(W)] = E[u(W)] ⇔ fonction d’utilité

affine

- L’agent a du goût pour le risque lorsque : u[E(W)] < E[u(W)] ⇔ fonction d’utilité

strictement convexe

Remarque : le critère de l’espérance de gain n’est valable que pour un agent neutre vis-à-vis du risque.

Goût pour le risque

Neutre vis-à-vis du risque

Aversion au risque

W

u(W)

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Calcul de la prime de risque et comportement vis à vis du risque Reconsidérons à présent la première loterie proposée à notre individu :

1L : [ ]0,100000;0,5,0,5

Cet individu nous a dit préférer recevoir 35000€ plutôt que de jouer à la loterie 1L .

⇒ aversion pour le risque (attitude générale). prime de risque = la différence entre l’espérance du gain de la loterie risquée et l’espérance de gain de la loterie certaine. Considérons à présent la courbe d’utilité d’un second individu : Monsieur Blonde.

Gains monétaires Utilité -40000 -20

0 0 40000 25 70000 50 90000 75 100000 100

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⇒ fonction d’utilité convexe. ⇒ prime de risque négative (goût pour le risque)

Attitude face au risque Forme de la fonction d’utilité Prime de risque Aversion pour le risque

Indifférence au risque

Goût pour le risque

Croissante et courbée vers le bas (concave)

Croissante et rectiligne

Croissante et courbée vers le haut

(convexe)

>0

=0

<0

Fonction d'utilité de Monsieur Blonde

-40

-20

0

20

40

60

80

100

120

-20000 0 20000 40000 60000 80000 100000 120000

Gains monétaires

Util

ité

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Aversion pour le risque, concavité et prime de risque L’observation du comportement réel des individus ⇒ restrictions aux fonctions d’utilité. ⇒ non satiété : ( / 0dU dW > ). ⇒ aversion au risque (2 2/ 0d U dW < ). Considérons une somme d’argent z petite par rapport à la richesse 0W . Un individu envisage

une loterie lui permettant de gagner 0W z+ avec une probabilité de 50% et 0W z− avec la

probabilité de 50%.

[ ] 0 0

1 1( ) ( ) ( )

2 2E U W U W z U W z= + + −

Si l’individu est averse au risque :

[ ] 0 0 0

1 1( ) ( ) ( ) ( )

2 2E U W U W z U W z U W= + + − <

soit :

0 0 0 0( ) ( ) ( ) ( )U W z U W U W U W z+ − < − −

On peut donc voir que ( )U W∆ diminue lorsque W augmente, autrement dit :

2

20

d U

dW<

La courbe représentative de la fonction d’utilité est donc concave.

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Pour un individu averse au risque : ⇒ ( )cW E W< ,

⇒ la différence ( ) cE W W− étant appelée prime de risque.

Avec cW , l’équivalent certain

( )E WcW

[ ]( )E U W

0( )U W z+

0( )U W z−

0W z+0W z− W

u(W)

Prime de

risque

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Prime de risque et demande d’assurance Soit la richesse initiale de l’agent :W0 = 100 Reconsidérons la loterie précédente : L = [50, 300; 0,8 ; 0,2] Nous savons que l’espérance d’utilité de la loterie est égale à 4,270. Ce niveau d’utilité correspond à l’utilité procurée par une somme de 71,55 €. L’équivalent certain de cette loterie qui est de 71,55 € va nous permettre de calculer la prime de risque associée à cette loterie. Prime de risque = espérance du gain de la loterie – équivalent certain de la loterie Prime de risque = 100 - 71,55 = 28,45. L’agent est donc prêt à payer 28,45 € pour éviter de subir la loterie Si une compagnie d’assurance lui propose une police qui lui permet d’éviter cette loterie il sera prêt à la payer jusqu’à 28,45 €.

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Attitude vis-à-vis du risque et demande d’actifs risqués Soit un actif risqué de rendement : r et un actif sans risque rf. La richesse initiale d’un agent est égale à W0. Le montant de cette richesse placée dans l’actif risqué est égal à I. L’agent choisit ce montant I de façon à maximiser l’espérance d’utilité de sa richesse finale Max { } { }[ (1 ) ( )(1 )] [ ( ) (1 )]f f fE U I r W I r E U I r r W r+ + − + = − + +

La condition de premier ordre s’écrit :

{ }'[ ( ) (1 )]( ) 0f f fE U I r r W r r r− + + − =

Pour que l’agent choisisse de ne pas investir en actifs risqués, il est nécessaire que la condition de premier ordre évaluée en ce point (I = 0) soit négative :

{ }'[ (1 )]( ) 0f fE U W r r r+ − ≤

soit encore :

'[ (1 )] ( ) 0f fU W r E r r + − ≤

Par hypothèse, la fonction d’utilité est croissante avec la richesse ('( ) 0U ⋅ > ), la condition précédente est donc équivalente à :

0I ≤ si ( ) 0fE r r− ≤

Un agent avec une fonction d’utilité concave n’achètera des actifs risqués que s’ils offrent une prime de risque [ ( )fE r r− ] strictement positive.

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Espérance d’utilité, courbes d’indifférence et plan espérance - écart type La carte d’indifférence d’un individu regroupe l’ensemble de ses courbes d’indifférence. Sur une même courbe d’indifférence, figurent toutes les loteries (ou tous les projets) qui procurent le même niveau d’utilité à l’individu. La forme de ces courbes dépend de l’attitude de l’individu vis-à-vis du risque.

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- cas d’un individu averse au risque Les trois projets A, B et C procurent le même niveau d’utilité à l’individu. Les courbes d’indifférence sont croissantes lorsque l’individu est averse au risque.

σ

E

G

U

B

C

A

σB σC

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- cas d’un individu indifférent au risque Les courbes d’indifférence sont des droites horizontales. Lorsque le risque augmente, aucune compensation en terme d’espérance de gain n’est exigé par l’individu indifférent au risque pour maintenir son niveau d’utilité constant.

σ

E

G

U

A B C

σB σC

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- cas d’un individu avec du goût pour le risque Dans le cas d’un individu avec du goût pour le risque, les courbes d’indifférence sont décroissantes. D se trouve sur une courbe d’indifférence plus élevée que B car il est plus risqué.

σ

E

G

U

A B

C

σB σC

D

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1.2.2. Les mesures d’aversion pour le risque Le théorème de Pratt (1964) démontre que plusieurs façons de mesurer l’aversion pour le risque sont équivalentes. Théorème de Pratt Soient deux agents A et B. Lorsque que A est plus averse au risque que B, cela signifie que :

1) Pour tous les niveaux de richesse, la prime de risque demandée par A est supérieure à celle demandée par B.

2) L’indice d’aversion absolue pour le risque (indice d’Arrow Pratt) de A est supérieur à celui de B.

3) La fonction d’utilité de B est une transformation concave de la fonction d’utilité de A :

( ) ' 0, '' 0B Au k u k k= > <

L’indice d’aversion absolue pour le risque se définit comme le rapport de la dérivée seconde sur la dérivée première :

AAR = ''

'

u

u−

L’indice d’aversion absolue pour le risque indique la façon dont la demande d’actif risqué évolue avec la richesse de l’agent. Si l’indice décroît avec la richesse, cela signifie que le montant investi en actifs risqués croît avec la richesse. L’indice d’aversion relative pour le risque décrit la façon dont la proportion investie en actifs risqués évolue avec la richesse. Un indice décroissant décrit un agent qui investit une proportion croissante de sa richesse en actifs risqués quand sa richesse augmente. ARR = W x AAR

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1.2.3. Applications aux fonctions d’utilité usuelles a) La fonction quadratique

2( )u W W aW= −

'( ) 1 2 0u W aW= − >

''( ) 2u W a= −

Fonctionne pour un domaine de richesse limité : 1

2W

a< .

AAR = 2

1 2

a

aW− (croissante)

ARR = 2

1 2

aW

aW− (croissante)

b) la fonction exponentielle négative

( ) e aWu W −= − avec 0a ≥

'( ) e 0aWu W a −= >

2''( ) e 0aWu W a −= − < AAR = a (constante) ARR = aW (croissante)

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c) la fonction d’utilité logarithmique

( ) lnu W W=

1'( )u W W −= et 2''( )u W W −= − AAR = 1W − (décroissante) ARR = 1 (croissante) d) la fonction puissance

( ) bu W W= ,0 1b< <

1'( ) bu W bW −= et 2''( ) ( 1) bu W b bW −= −

AAR = 2

1

( 1) 1b

b

b bW b

bW W

− −− = (décroissante)

ARR = 1 b− (constante)

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1.2.4. Prudence, tempérance et anxiété Considérons deux loteries LA et LB définies comme suit : Ces deux loteries ont même espérance (5) et même variance (11) Tous les riscophobes avec une utilité quadratique sont indifférents entre LA et LB. Dans le groupe des riscophobes qui ne sont pas caractérisés par une utilité quadratique, certains riscophobes préféreront à LA à LB tandis que d’autres exprimeront la préférence inverse. En fait, c’est le signe de la dérivée troisième de u qui permet de départager le groupe des riscophobes quant à la préférence relative vis-à-vis de LA et de LB . On peut montrer que :

''' 0 B Au L L> ⇒ ≻

''' 0 B Au L L< ⇒ ≺

''' 0 B Au L L= ⇒ ≈

La dérivée troisième de la fonction d’utilité est en fait reliée à l’aversion pour le downside risk.

LA

0

4

8

1/4

1/4

1/2

LB

2

6

10

1/2

1/4

1/4

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⇒ On a opéré sur les deux plus mauvais résultats de LA une contraction à moyenne constante (CMC) pour obtenir le moins bon résultat de LB.

⇒ On a opéré sur le meilleur résultat de LA un étalement à moyenne constante (EMC). Puisque la CMC et l’EMC ont la même amplitude, la variance reste constante. ⇒ LB a moins de risque « vers le bas » que LA et plus de risque « vers le haut ». Si un individu souhaite réduire le risque qui grève les moins bons résultats d’une loterie au prix d’un accroissement du risque vis-à-vis des meilleurs résultats, il sera qualifié de averse au downside risk (ou encore il présentera du goût pour la skewness) et la dérivée troisième de sa fonction d’utilité sera positive. Kimball (1990) définit le coefficient de prudence absolue suivant :

P = '''

''

u

u−

Un agent est prudent lorsque ce coefficient est positif. Il présente alors une aversion au downside risk. Kimball (1992) raffinera l’analyse en définissant un indice de tempérance :

T = ''''

'''

u

u−

L’indice de tempérance va refléter le comportement d’un agent lorsque celui-ci fait face à un risque non-assurable. Un agent qui présente de « la tempérance » et qui fait face à un risque de revenu non-assurable réduira sa part d’actifs risqués dans son portefeuille (son exposition à d’autres risques) même si les deux risques sont statistiquement indépendants. D’autres auteurs raffineront l’analyse en proposant l’indice d’anxiété :

A = '''''

''''

u

u−

L’indice d’anxiété va refléter la réaction d’un agent face à des risques multiples.

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29

Exemple : la fonction d’utilité logarithmique

2

3

4

5

( ) ln

1'( ) 0

1''( ) 0

2'''( )

6''''( )

24'''''( )

u W W

u WW

u WW

u WW

u WW

u WW

=

= >

= − <

=

−=

=

1

1

1

1

''( )AAR

'( )

'''( )P 2

''( )

''''( )T 3

'''( )

'''''( )A 4

''''( )

u WW

u W

u WW

u W

u WW

u W

u WW

u W

= − =

= − =

= − =

= − =

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30

Pour résumer et conclure : Le critère de l’espérance d’utilité Considérons les deux loteries suivantes :

6L : [ ]15000,35000,60000;0,1,0,6,0,3

7L : [ ]15000,35000,100000;1 3,1 3,1 3−

Notre individu choisira la loterie qui lui procurera l’utilité la plus grande.

6( ) [0,1 (15000)] [0,6 (35000)] [0,3 (60000)]

(0,1 25) (0,6 50) (0,3 75) 55

U L U U U= × + × + ×= × + × + × =

7( ) [1 3 ( 15000)] [1 3 (35000)] [1 3 (100000)]

(1 3 100) (1 3 50) (1 3 100) 16,67

U L U U U= × − + × + ×= × − + × + × =

L’individu choisira donc la loterie6L à partir du critère de l’espérance d’utilité.

Notons que : 1) l’espérance des gains des loteries est très proche : 40500€ pour la loterie 6L et 40000€ pour la loterie 7L .

2) Le risque de la loterie 7L est en revanche beaucoup plus élevé que celui de la loterie 6L .

L’écart type (ou la variance) est une mesure courante de la dispersion d’une distribution de probabilité. On peut démontrer que l’écart type (ou la variance) est une bonne mesure de risque lorsque :

- les distributions de probabilité des loteries sont normales ; - lorsque les fonctions d’utilité des individus sont quadratiques (U = aG2+ bG + c)

Dans le cadre de la gestion de portefeuille moyenne-variance, l’agent essaie d’obtenir un rendement maximum pour un risque minimum.