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Comment Israël se prépare à la troisième guerre ? par Aliph Sabbagh. Des questions ouvertes s’imposent : Quand ? Comment sera-t- elle déclenchée ? Quelle serait son étendue ? Comment garantir à l’avance ses résultats ? Commentateurs militaires, chercheurs des centres d’études stratégiques, une grande partie des personnalités politiques au pouvoir en Israël sont presque unanimes sur le fait que la troisième guerre est inévitable et qu’elle sera plus dévastatrice que n’importe quelle guerre précédente. Ils prévoient aussi qu’Israël paiera un prix très élevé. Serait-elle limitée au Hezbollah au Liban ou à la résistance palestinienne dans la bande de Gaza, chaque front à part ? Ou alors les fronts seraient-ils unis ? La guerre pourrait-elle être déclenchée à la frontière nord et se transformer en une guerre régionale sur plusieurs fronts ? Les États-Unis seront- ils du côté d’Israël en lui donnant le feu vert et une couverture politique et militaire tout au long de la durée de cette guerre, ou vont-ils, comme d’habitude, limiter cela à quelques jours, après quoi ils chercheront à l’arrêter sans qu’Israël n’atteigne ses objectifs, ou œuvreront-ils pour éviter son expansion ? Toutes ces questions et d’autres sont soulevées au menu du cabinet politique de sécurité à Tel-Aviv, et sont discutées par tous les centres de recherche stratégique en Israël et aux USA, remplis d’anciens généraux des armées américaine et israélienne, d’agents de renseignement vétérans et d’experts stratégiques de différentes nationalités, y compris des nationalités arabes. Tous cherchent à assurer la suprématie et l’hégémonie israéliennes au Moyen-Orient, ce qui nécessite la

Comment Israël se prépare à la troisième guerre

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Comment Israël se prépare àla troisième guerre ?par Aliph Sabbagh.

Des questions ouvertes s’imposent : Quand ? Comment sera-t-elle déclenchée ? Quelle serait son étendue ? Comment garantirà l’avance ses résultats ?

Commentateurs militaires, chercheurs des centres d’étudesstratégiques, une grande partie des personnalités politiquesau pouvoir en Israël sont presque unanimes sur le fait que latroisième guerre est inévitable et qu’elle sera plusdévastatrice que n’importe quelle guerre précédente. Ilsprévoient aussi qu’Israël paiera un prix très élevé.

Serait-elle limitée au Hezbollah au Liban ou à la résistancepalestinienne dans la bande de Gaza, chaque front à part ? Oualors les fronts seraient-ils unis ? La guerre pourrait-elleêtre déclenchée à la frontière nord et se transformer en uneguerre régionale sur plusieurs fronts ? Les États-Unis seront-ils du côté d’Israël en lui donnant le feu vert et unecouverture politique et militaire tout au long de la durée decette guerre, ou vont-ils, comme d’habitude, limiter cela àquelques jours, après quoi ils chercheront à l’arrêter sansqu’Israël n’atteigne ses objectifs, ou œuvreront-ils pouréviter son expansion ?

Toutes ces questions et d’autres sont soulevées au menu ducabinet politique de sécurité à Tel-Aviv, et sont discutéespar tous les centres de recherche stratégique en Israël et auxUSA, remplis d’anciens généraux des armées américaine etisraélienne, d’agents de renseignement vétérans et d’expertsstratégiques de différentes nationalités, y compris desnationalités arabes. Tous cherchent à assurer la suprématie etl’hégémonie israéliennes au Moyen-Orient, ce qui nécessite la

destruction de toute puissance montante, qu’elle soitéconomique, scientifique ou militaire.

Ils parlent de la « troisième guerre », et cela peut êtrecompris comme la « troisième guerre du Liban », étant donnéque l’agression de 1982 était la première guerre, etl’offensive de 2006 était la deuxième contre le Liban, selonles étiquettes israéliennes.

En parlant d’une « troisième guerre », ils sont convaincus quela prochaine sera régionale, et ne restera pas à l’intérieurdes frontières du Liban. Ils parlent de la troisième« guerre », et non d’une « opération » ou d’une « campagnemilitaire » supplémentaire.

Quelle est la différence entre « guerre » et « campagnemilitaire » ?Selon les définitions admises par Israël, une « campagnemilitaire » est une décision de mener une campagne avec desoutils militaires pour atteindre des objectifs prédéterminés.

Quant à la guerre, elle se déroule généralement entre deuxpays ou deux parties, dans le but de résoudre le conflit avecdes outils militaires, après l’échec des moyens diplomatiques.

Il y a ceux qui disent que la guerre, contrairement à lacampagne militaire, doit se terminer par une victoire, tandisque la campagne militaire peut se terminer par la réalisationde ses objectifs spécifiques.

Quant à la notion de victoire, c’est la reconnaissance de ladéfaite par l’autre partie, et sa conviction qu’elle estincapable de se battre à nouveau. Ainsi Israël prévoit-il une« guerre » ou une « campagne militaire » supplémentaire ? Etcomment ça ?

Dans le cadre de ces discussions, le National SecurityResearch Center a publié un livre du colonel Amit Saar(officier supérieur du renseignement) en mars 2019, intitulé« Comment déclencher une guerre dont personne ne veut ? ».

L’auteur a traité de deux modèles de guerres qui n’étaient pasplanifiées auparavant, comme il le prétend, à savoir la guerrede juillet 2006 et l’offensive « Bordure protectrice » de2014. Le cœur de la recherche porte sur la dynamique del’escalade et l’impact du comportement des parties, notammentisraélienne, dans cette dynamique.

Toujours sous ce titre, le Centre « Dado » pour la penséemilitaire multidisciplinaire a publié une longue étudepréparée par le Dr. Udi (Ehud) Golan, en janvier 2020, etpublié par le Centre en mars 2020, dans laquelle il évoque lesscénarios de « la bataille entre les guerres » et de« l’escalade imprévue des deux côtés, se transformant enguerre régionale ».

Mais celui qui suit avec persévérance le discours officiel ousemi-officiel en Israël, et ce qui se passe sur le terrain,est bien conscient que nous sommes face à un titre trompeurd’un scénario bien étudié, dont le but est d’impliquer les USAdans un guerre régionale « involontaire ». Comme si la guerreavait été imposée à « un Israël pauvre et pacifique », qui necherche pas les guerres, mais lui sont imposées malgré lui !

La preuve de la validité de cette analyse est que le chercheursusmentionné présente toutes les guerres qu’Israël a menéescomme des exemples de guerres qui n’ont pas été planifiées,mais plutôt imposées, y compris la guerre de juin 1967.

L’un des objectifs de ce discours « défensif » est depermettre au gouvernement de justifier plus facilement touteperte humaine envers la population israélienne, car lediscours défensif donne une légitimité publique à la guerre,car il s’agit d’une guerre « défensive » qui doit êtrecombattue. De plus, ce discours donne à l’Occident unelégitimité et un soutien auxquels Israël ne renonce nullementdans ses agressions contre ses voisins.

À la fin de son étude, Golan dit que l’une des leçons quel’armée israélienne a tirées des guerres après la guerre de

juillet 2006, et qui a été plus tard pratiquée, est lanécessité de commencer la bataille « par une attaque militairemajeure, afin d’assurer que la durée de la guerre sera courte,qu’elle sera résolue rapidement ou qu’elle sera arrêtée aumoment où Israël le voudra, avec l’aide de forces politiquesétrangères capables d’influencer l’autre camp ».

Scénarios de la 3ème guerreConcernant les scénarios de la troisième guerre, lechroniqueur militaire Ron Ben Yishai (‘Ynet’, 1er février2020) a évoqué une réunion de chefs militaires israéliens,européens et américains dont les détails n’ont pas étépubliés, et dont il a transmis le contenu :

« La première nuit de l’escalade, tous les principaux acteurssur le front nord-est s’échangent des frappes, dontl’intensité et le degré de létalité s’intensifient par desactes de représailles ou de vengeance. Israël qui bombarderale Liban par voie aérienne pour la première fois depuis laseconde guerre du Liban, bombardera 80 cibles, dont 3 usinesde fabrication de roquettes. Des civils libanais et desmembres du Hezbollah seront tués. Le Hezbollah qui ne resterapas silencieux intensifiera ses frappes. L’on peut comprendre,d’après tous les scénarios discutés lors de cette réunion,qu’Israël agira sur la base de renseignements précis, et quetoute attaque devra d’abord être dirigée contre des missilesde précision, sachant que toute opération militaire ou guerreà l’avenir posera un sérieux dilemme. Devrions-nous passer àune troisième guerre, qui sera régionale, et a pour but d’êtrerapidement tranchée ou continuer dans les batailles entre lesguerres ? Tout peut changer ».

Sous le titre « La troisième guerre du Liban, son caractèregénéral et les moyens de la résoudre », Ofer Yisraeli, expertgéostratégique international et chercheur au Centreinterdisciplinaire d’Herzliya (Makor Rishon 31/12/2019), aécrit : « Pour reporter ou éviter la guerre, et en même tempsla résoudre si elle éclate, le gouvernement d’Israël est tenude mener une série d’opérations politiques et militaires àl’intérieur du Liban et également sur le plan régional, avant,pendant et même après la guerre.

Ce sera un plan global. Israël opère avec une vision large quicomprend de multiples moyens non militaires, tels qu’unecampagne diplomatique, économique et psychologique, jusqu’audéclenchement de la guerre et après celle-ci, selon ladoctrine de Sun Tzu » (Sun Tzu croit que le but de touteguerre est de réaliser une solution militaire rapide etdéfinitive).

Le meilleur des cas, dit S.Tzu, est de vaincre votre ennemisans guerre. Et si cela ne se produit pas, contrecarrez lastratégie de votre ennemi. Si cela n’arrive pas, forgez des

alliances contre lui. La dernière solution est un affrontementsur le terrain avec l’ennemi, et la pire solution en temps deguerre est d’imposer un siège à l’ennemi.

En revanche, l’utilisation de moyens militaires étendus, avecdes capacités élevées, avec le déclenchement de la guerre etpendant celle-ci, repose sur la doctrine de Carl vonClausewitz, qui adopte l’équation de l’unité de l’État, del’armée et du peuple.

D’un point de vue politique, Yisraeli a déclaré : « Israëldoit acquérir une légitimité pour mener une future frappecontre le Hezbollah, afin d’éliminer sa puissance militaire auLiban. L’opération nécessite une ‘attaque’ médiatiqueinternationale qui accuse sévèrement le Hezbollah de tout cequi se passe au Liban, et le tient pour responsable Enparallèle, Israël doit travailler par des canaux politiquesouverts et secrets contre les acteurs internationaux les plusimportants dans l’arène politique libanaise, et les inciter àpousser le Hezbollah hors de la sphère d’influence de l’État.Parmi ces acteurs, les Etats-Unis qui financent l’arméelibanaise avec des dizaines de millions de dollars par an. Etla France, ancien État colonial au Liban, et profondémentinfluent dans la politique libanaise, et l’organisationdéfaillante des Nations unies qui est censée affaiblirl’influence du Hezbollah, et le Royaume d’Arabie saoudite, quiest un tuteur arabe du Liban ».

Quant à « l’aspect militaire », il dit :

« C’est l’aspect le plus important, et il devrait être basésur les principes de base de la guerre et l’essence de lameilleure stratégie pour parvenir à une victoire militaire.

1/ l’armée israélienne devrait s’abstenir de combattre surdeux fronts ou plus. Par conséquent, avant la guerre, il devratravailler pour réduire les frictions avec le Hamas à Gaza etles forces iraniennes en Syrie ;

2/ il est nécessaire de définir des objectifs clairs pour laguerre, en premier la destruction du Hezbollah et de sescapacités militaires, en plus d’assurer la stabilité de l’Étatlibanais à la fin de la guerre ;

3/ Tsahal doit se préparer à détruire les centres de gravitédu Hezbollah – le vaste arsenal de roquettes quel’organisation peut distribuer et planter dans tout le pays,mais aussi son chef, Hassan Nasrallah, dont la neutralisationsaperait la capacité et le désir des militants de continuer lecombat, et qui devrait aussi nuire aux capacités del’organisation de se reconstruire à la fin de la guerre ;

4/ recourir à la surprise est un élément essentiel de toute

stratégie réussie ».

L’offensive diplomatique d’abordDans le cadre de « l’offensive diplomatique » qu’Israël doitmener avec la communauté internationale jusqu’au déclenchementde la guerre, il doit convaincre les éminents dirigeants de lascène régionale et internationale que la « troisième guerre duLiban », si elle éclate va changer radicalement les règles dujeu, et qu’Israël ne permettra pas un retour à la situationinitiale ou à la situation qui prévalait avant ledéclenchement de la guerre. Car la guerre visera à créer unenouvelle réalité future, et cela doit être dans l’intérêtd’Israël. Ce qui serait compatible, d’une manière soudaine ounon, avec les intérêts des citoyens libanais, c’est-à-dire ladestruction du Hezbollah en tant qu’organisation militaire etla levée de l’obstacle qu’il pose à la stabilité et à laprospérité de la société libanaise.

Lors de l’examen de ce discours, nous devons tenir compte dela date de sa publication, et il est naturel que la rédactionet la discussion de la recherche aient eu lieu avant cela,c’est-à-dire avant la soi-disant « révolution » du 17 octobre2019 en Liban.

Nous devons revoir tout ce qui s’est passé sur le frontlibanais, y compris le retrait des fonds saoudiens des banqueslibanaises, le bombardement du port de Beyrouth et laperturbation de la formation d’un gouvernement libanais, àmoins que ce ne soit conforme aux normes que l’ArabieSaoudite, les États-Unis, la France et Israël.

Il faudrait revoir ce qui s’est passé et ce qui se passe surle front iranien comme déformation de la position iranienne etlui imposer des sanctions maximales, et attaquer les naviresde commerce iraniens en mer Rouge ou en Méditerranée, lors dela rédaction de ce document jusqu’à aujourd’hui, plusprécisément au cours du dernier mois.

Je veux parler des tentatives d’Israël d’inciter les USA, laGrande-Bretagne et la Roumanie contre l’Iran, sous prétexte dela frappe du navire israélien en la mer d’Oman. Ainsi que lacampagne de haine menée par l’Arabie Saoudite, les USA et laFrance contre le Hezbollah au Liban, et la campagne médiatiqueinternationale qui lui impute toutes les tragédies quiarrivent aux Libanais…

Aucune campagne, aucune guerreMalgré toutes ces campagnes et préparatifs militaires,politiques et médiatiques, Israël n’a pas osé lancer une« guerre » ou même une « campagne militaire » contre leHezbollah. Pourquoi ?

L’essentiel de la réponse à cette question réside dans le faitque personne en Israël ou aux USA ne peut garantir lesrésultats de la guerre qu’ils s’apprêtent à mener.

Dans les détails :

1/ si Trump n’a pas donné le feu vert à Netanyahu pour partiren guerre, pourquoi Biden donnerait-il le feu vert à NaftaliBennett ? D’autant plus que le secrétaire d’État américainAnthony Blinken ne fait pas confiance aux informationsretenues par les renseignements militaires israéliens, et quele défi le plus important pour les USA est la Chine et non pasl’Iran ;

2/ la récente tentative militaire israélienne de bombarder dessites libanais et la réponse du Hezbollah ont prouvé qu’Israëlne dispose pas de renseignements nécessaires pour la guerre,ni d’estimations correctes de la capacité et de la volonté duHezbollah de répondre à toute agression israélienne. À celas’ajoute la récente agression contre la résistancepalestinienne à Gaza, assiégée depuis 14 ans ;

3/ la faiblesse du gouvernement Bennett-Lapid et lapossibilité de sa chute immédiate lors du déclenchement d’uneguerre contre le Liban, sachant que leur adversaire,Netanyahou, ne les aidera pas dans la guerre ;

4/ il semble que le public israélien ne soit pas convaincu dela nécessité de faire la guerre, d’autant qu’il souffre dufléau du Coronavirus qui ne lui a pas laissé assez de tempsjusqu’à ce qu’il redevienne plus meurtrier qu’avant. De plus,le public israélien n’est pas convaincu de la nécessitéd’aller en guerre car toutes les évaluations militaires et derenseignement israéliens disent que le Hezbollah nes’intéresse pas à la guerre, et le danger des missiles deprécision n’a pas augmenté dans la prise de conscience dugrand public. Par conséquent, le public n’est pas prêt à fairedes sacrifices dans une guerre qui n’est pas nécessaire.

À partir de là, un certain nombre de professionnels des médiaset de chercheurs s’efforcent de surmonter cette barrière, dontla chercheuse dans le domaine de la sécurité nationale, FeninaShuker, qui a écrit dans le journal Israel Hayom le 20/7/2021,un article sous le titre : « N’ayez pas peur de la bataille ausol ».

Elle y exhorte les dirigeants politiques et militaires à fairela guerre et à ne pas avoir peur d’une bataille au sol, etdéclare : « Il est temps de se débarrasser de la peur et quele front intérieur ne peut supporter de sacrifices. Il esttemps de prouver que le public est prêt à se sacrifier quandil est convaincu que la guerre est inévitable et qu’elle estsincère. N’ayez pas peur de la boue libanaise ».

Ainsi, après le récent échec militaire et du renseignement, legouvernement Bennett-Lapid n’a d’autre choix que de s’en teniraux scénarios élaborés par Ofer Yisraeli ci-dessus depuis2019. Celui qui observe les événements est sûr que legouvernement d’Israël dirigé par Bennett-Lapid procède selonce scénario en pleine coordination avec l’administrationBiden, Macron et Mohammed ben Salmane, récemment rejoints parla Grande-Bretagne.

source : http://mcpalestine.canalblog.com