TMOIGNAGE JAI RETROUV LA MMOIRE GRCE MON ORDINATEUR OUGANDALA FRIPE TUE LAFRIQUE ITALIELA VALLE DES ARMES

La presse trangre juge Franois Hollande un an aprs son lection

LES TALIBANS REVIENNENTPakistan, Afghanistan : les combattants islamistes sont plus forts que jamais p. 28

Le coup de pompe

N 1174 du 2 au 9 mai 2013courrierinternational.comBelgique: 3,90

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Courrier international no 1174 du 2 au 9 mai 2013 5

DITORIALRIC CHOL

www.courrierinternational.comWEBDOC Fini de rire. Un tour du monde des tabous qui psent sur les dessinateurs de presse. A voir galement cette semaine, le documentaire dOlivier Malvoisin mardi 7 mai 22h40 sur ARTE, en partenariat avec Courrier international.ITALIE Berlusconi, grand absent, grand gagnant.ALGRIE Bouteika, plus prsident pour longtemps?

Retrouvez-nous aussi sur Facebook, Twitter, Google+et Pinterest.

SUR NOTRESITE

RaptdmocratiqueEt revoil le mythe de lunionsacre. Presque un sicle aprs la formation dungouvernement dunion nationale, en 1914, 8 Franais sur 10 verraientaujourdhui dun bon il la formationdun excutif rassemblant toutes les tendances politiques du pays. On ferme les yeux et on fait un rve.Les meilleurs de chaque camp. De vraisministres, moins proccups par leur avenir politique que par la luttecontre le chmage. Finies les bisbillesdu Palais-Bourbon et les travaux debricolage de lElyse. Lheure de latrve a sonn: place au redressementnational. Franois Hollande, nouvelarchitecte de la cohsion nationale,voit sa popularit remonter. Aux ronchons qui ne jurent que par la castagne entre la gauche et la droite,on cite lexemple du nouveaugouvernement italien, mlant lespartisans de Berlusconi et ceux duParti dmocrate. On rappelle le succsde la grande coalition allemandeentre le SPD et la CDU, qui a permis de rduire de 1million le nombre de chmeurs entre2005 et2009.Sauf que lide mme dungouvernement dunion nationale est une hrsie en France. A linversedes Italiens, les lecteurs franais sesont exprims clairement il y a un an.Ils ont choisi un prsident, un projet et une majorit. Et, contrairement lAllemagne, la Ve Rpublique accentuecette bipolarisation gauche-droite.Vouloir articiellement supprimer ceclivage reviendrait voler aux Franaisle rsultat de leur vote: a sappelle un rapt dmocratique. Ce serait aussifermer la porte lalternance classique.Ceux qui seraient exclus de cette unionsacre se sentiraient pousser des ailes.Pour tre certain dinstaller demainMarine Le Pen lElyse, ce serait sans doute la meilleure solution.

En couverture : Franois Hollande. Dessin de PeterSchrank paru dans The Economist, LondresDes combattants talibans dans la province de Kunar (Afghanistan).Photo Larry Towell/Magnum

Retrouvez Eric Chol chaque matin 6 h 55,

dans la chronique O va le monde

sur 101.1 FM

Sommaire

Un an aprs son lection, lavenir sassombrit pour le prsident franais, constate la presse trangre:dun ct, la crise conomique saggrave, de lautre, les scandales empoisonnent le climat moral et politique.

Hollande Le coup de pompe la unep.12

p.38 CONOMIE

Italie, la valle des armesCest prs de Brescia, en Lombardie, quest fabriqu le fameux Beretta 92, le pistolet de Bruce Willisdans Die Hard, ou larme fatale de Mel Gibson. Installes dans cette bande de terre industrielle longue de 50 kilomtres, 120 entreprises y assurent 60 % de la production darmes europenne.

A la recherchede ma mmoirevive Libert,

je grae ton nom

p.50

p.44Un accident crbral suivi dune amnsieCe journaliste de Forbes India racontecomment il a pu peu peu reconstituer sa mmoire partir de ses propres tracesinformatiques.

360

Un webdocumentairedOlivier Malvoisin

LES TALIBANSREVIENNENT

A la veille des lections au Pakistan et quelques mois du retrait des forcesamricaines dAfghanistan, les combattants islamistes semblent plusforts que jamais.

p.32 DOSSIERHAJO DE REIJGER

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Edit par Courrier international SA, socit anonymeavec directoire et conseil de surveillance au capital de 106 400 . Actionnaire La Socit ditrice du Monde. Directoire Antoine Laporte, prsident et directeur de la publication ; Eric Chol. Conseil de surveillance Louis Dreyfus, prsident.Dpt lgal Mai 2013. Commission paritaire n 0712c82101. ISSN n1154-516XImprim en France/Printed in France

6. Courrier international no 1174 du 2 au 9 mai 2013

Rdaction 6-8, rue Jean-Antoine-de-Baf, 75212 Paris Cedex 13Accueil 33 (0)1 46 46 16 00 Fax gnral 33 (0)1 46 46 16 01 Faxrdaction 33 (0)1 46 46 16 02 Site web www.courrierinternational.com courriel lecteurs@courrierinternational.com Directeur de lardaction Eric Chol Rdacteurs en chef Jean-Hbert Armengaud(16 57), Claire Carrard (dition, 16 58), Odile Conseil (dlgue 16 27),Rdacteurs en chef adjoints Catherine Andr (16 78), RaymondClarinard, Isabelle Lauze (hors-sries, 16 54). Assistante DalilaBounekta (16 16) Rdactrice en chef technique Nathalie Pingaud(16 25) Direction artistique Sophie-Anne Delhomme (16 31) Direc-teur de la communication et du dveloppement Alexandre Scher(16 15) Conception graphique Javier Errea Comunicacin

Europe Catherine Andr (coordination gnrale, 16 78), DanileRenon (chef de service adjointe Europe, Allemagne, Autriche, Suissealmanique, 16 22), Gerry Feehily (Royaume-Uni, Irlande, 16 95), LucieGeroy (Italie, 16 86), Nathalie Kantt (Espagne, Argentine, 16 68),Daniel Matias (Portugal, Brsil, 16 34), Iwona Ostapkowicz (Pologne,16 74), Caroline Marcelin (chef de rubrique, France,17 30), Iulia Badea-Gurite (Roumanie, Moldavie, 19 76), Wineke de Boer (Pays-Bas), Solveig Gram Jensen (Danemark, Norvge), Alexia Kefalas (Grce, Chypre), Mehmet Koksal (Belgique), Kristina Rnnqvist(Sude), Alexandre Lvy (Bulgarie, coordination Balkans), AgnsJarfas (Hongrie), Mandi Gueguen (Albanie, Kosovo), Miro Miceski(Macdoine), Martina Bulakova (Rpublique tchque, Slovaquie),Kika Curovic (Serbie, Montngro, Croatie, Bosnie-Herzgovine),Marielle Vitureau (Lituanie), Katerina Kesa (Estonie), Russie, estde lEurope Laurence Habay (chef de service, 16 36), Alda Engoian(Caucase, Asie centrale), Larissa Kotelevets (Ukraine) AmriquesBrangre Cagnat (chef de service, Amrique du Nord, 16 14), EricPape (Etats-Unis, 16 95), Anne Proenza (chef de rubrique, Amriquelatine, 16 76), Paul Jurgens (Brsil) Asie Agns Gaudu (chef de service, Chine, Singapour, Tawan, 16 39), Christine Chaumeau (Asiedu Sud-Est, 16 24), Ingrid Therwath (Asie du Sud, 16 51), YsanaTakino (Japon, 16 38), Zhang Zhulin (Chine, 17 47), Elisabeth D. Inandiak(Indonsie), Jeong Eun-jin (Cores), Kazuhiko Yatabe (Japon) Moyen-Orient Marc Saghi (chef de service, 16 69), Ghazal Golshiri (Iran),Pascal Fenaux (Isral), Philippe Mischkowsky (pays du Golfe), PierreVanrie (Turquie) Afrique Ousmane Ndiaye (chef de rubrique, 16 29),Hoda Saliby (chef de rubrique Maghreb, 16 35), Chawki Amari(Algrie), Sophie Bouillon (Afrique du Sud). Transversales PascaleBoyen (chef des informations, Economie, 16 47), Catherine Guichard(Economie, 16 04), Anh Ho Truong (chef de rubrique Sciences etInnovation, 16 40), Gerry Feehily (Mdias, 16 95), Virginie Lepetit(Signaux). Magazine 360 Marie Bloeil (chef des informations, 17 32),Viriginie Lepetit (chef de rubrique Tendances, 16 12), Claire Maupas(chef de rubrique Insolites 16 60), Raymond Clarinard (Histoire),Catherine Guichard. Ils et elles ont dit Iwona Ostapkowicz (chefde rubrique, 16 74)

Site Internet Hamdam Mostafavi (chef des informations, responsabledu web, 17 33), Carolin Lohrenz (chef ddition, 19 77), Carole Lyon(rdactrice multimdia, 17 36), Paul Grisot (rdacteur multimdia,17 48), Pierrick Van-Th (webmestre, 16 82), Patricia Fernndez Perez(marketing), Agence Cour rier Sabine Grandadam (chef de service,16 97) Traduction Raymond Clarinard (rdacteur en chef adjoint),Natalie Amargier (russe), Isabelle Boudon (anglais, allemand),Franoise Escande-Boggino (japonais, anglais), Caroline Lee (anglais, allemand, coren), Franoise Lemoine-Minaudier (chinois),Julie Marcot (anglais, espagnol, portugais), Daniel Matias (portugais),Marie-Franoise Monthiers (japonais), Mikage Nagahama (japonais),Ngoc-Dung Phan (anglais, italien, vietnamien), Olivier Ragasol(anglais,espagnol), Danile Renon (allemand), Mlanie Sinou (anglais, espagnol),Leslie Talaga (anglais, espagnol) RvisionJean-Luc Majouret (chef deservice, 16 42), Marianne Bonneau, Philippe Czerepak, Fabienne Grard, Franoise Picon, Philippe Planche, Emmanuel Tronquart (siteInternet) Photo graphies, illustrations Pascal Philippe (chef deservice, 16 41), Lidwine Kervella (16 10), Stphanie Saindon (16 53) Maquette Bernadette Dremire (chef de service), Catherine Doutey,Nathalie Le Drau, Gilles de Obaldia, Josiane Petricca, Denis Scudeller,Jonnathan Renaud-Badet, Alexandre Errichiello, Cline Merrien(colorisation) Cartographie Thierry Gauth (16 70) InfographieCatherine Doutey (16 66) Calligraphie Hlne Ho (Chine), AbdollahKiaie (Inde), Kyoko Mori (Japon) Informatique Denis Scudeller (16 84)Directeur de la production Olivier Moll Fabrication NathalieCommuneau (direc trice adjointe), Sarah Trhin (responsable defabrication). Impression, brochage Maury, 45330 Malesherbes.

Ont particip ce numro Lna Bauer, Edwige Benoit, GillesBerton, Jean-Baptiste Bor, Valrie Brunissen, Isabelle Bryskier,Manon Flausch, Gabriel Hassan, Steven Jambot, Mira Kamdar,Antonin Lambert, Manon Lemoine, Jean-Baptiste Luciani, ValentineMorizot, Corentin Pennarguear, Isabelle Taudire, Blandine Tourain

Secrtaire gnral Paul Chaine (17 46). Assistantes : NatachaScheubel (16 52), Sophie Nzet (partenariats, 16 99), Sophie Jan.Gestion:BndicteMenault-Lenne(responsable,1613). Comptabilit : 01 48 88 45 02. Responsable des droitsDalila Bounekta(16 16). Ventes au numroResponsable publications :Brigitte Billiard.Direction des ventes au numro : Herv Bonnaud. Chef de produit :Jrme Pons (0 805 05 01 47, fax : 01 57 28 21 40). Diusion inter na-tionale : Franck-Olivier Torro (01 57 28 32 22). Promotion ChristianeMontillet. Marketing Sophie Gerbaud (directrice, 16 18), VroniqueLallemand (16 91), Lucie Torres (17 39), Romassa Cherbal (16 89).

GEIE COURRIER INTERNATIONAL EBLCOURRIER INTERNATIONAL pour la Belgique et le Grand Duch de Luxembourg est commercialis par le GEIE COURRIER INTERNATIONAL EBLqui est une association entre la socit anonyme de droitfranais COURRIER INTERNATIONALet la socit anonyme de droit belge IPM qui est lditeur de La Libre Belgique et de La Dernire Heure Les Sports. Co-grant Antoine LaporteCo-grant et diteur responsable Franois le HodeyDirecteur gnral IPM Denis PierrardDirection logistique IPM Christian De CosterCoordination rdactionnelle Pierre Gilissen

+ 32 2 744 44 33Ouvert les jours ouvrables de 8h 14h.Rue des Francs, 79 1040 BruxellesPublicit RGP Luc Dumoulin Luc.dumoulin@rgp.be + 32 2 211 29 54Services abonnementsabonnements@saipm.com + 32 2 744 44 33 / Fax + 32 2 744 45 55Libraires + 32 2 744 44 77Impression Sodimco SADirecteur Eric Bouko + 32 2 793 36 70

Les journalistes de Courrier international slectionnent et traduisent plus de 1 500 sourcesdu monde entier : journaux, sites, blogs. Ils alimentent lhebdomadaire et son site courrierinternational.com. Voici la liste exhaustive des sources que nous avons utilises cette semaine :Aftonbladet Stockholm, quotidien. The Atlantic Washington, mensuel. Bloomberg World View(bloomberg.com/view/world-view) New York, en ligne. The Christian Science Monitor (csmonitor.com) Boston, en ligne. CNN (edition.cnn.com) Atlanta,chane dinformation. The Daily Telegraph Londres, quotidien. Dawn Karachi, quotidien. Ebtekar Thran, quotidien. TheEconomist Londres, hebdomadaire. The Express Tribune Karachi, quotidien. The Friday Times Lahore, hebdomadaire.Georgia Times (georgiatimes.info) Gorgie, en ligne. The Guardian Londres, quotidien. Al-Hayat Arabie Saoudite (sige Londres), quotidien. LInformateur Bamako, hebdomadaire. Kompas Jakarta, quotidien. Left Rome, hebdomadaire. Mint NewDelhi, quotidien. La Nacin Buenos Aires, quotidien. The New York Times Etats-Unis, quotidien. LObservateur PaalgaOuagadougou, quotidien. Open New Delhi, hebdomadaire. LOrient-Le Jour Beyrouth, quotidien. El Pas Madrid, quotidien.The Phnom Penh Post Cambodge, quotidien. Sakartvelo da Msoplio Tbilissi, hebdomadaire. Shunpo Hong Kong, quotidien.Sddeutsche Zeitung Munich, quotidien. The Times of India New Delhi, quotidien. The Washington Institute for NearEast Policy (washingtoninstitute.org) Etats-Unis, en ligne. Your Middle East (yourmiddleeast.com) Stockholm, en ligne.

Sommaire

Toutes nos sources Chaque fois que vous rencontrez cette vignette, scannez-la et accdez un contenu multimdia sur notre site courrierinternational.com (ici, la rubrique Nos sources).

7 jours dans le monde7. France-Allemagne.Le spectre de lisolement10. Portrait. Dewi et Tonton,crateurs de richesse sociale11. Controverse.LArabie Saoudite a-t-elle raison dexpulser ses travailleurs immigrs ?

A la une12. Hollande : le coup de pompe

Dun continent lautreEUROPE16. Gorgie. Le champ demines laiss par Saakachvili18. Espagne. Les centresdappels rentrent au pays18. Kosovo. Un Nobel de la paix bien mritAMRIQUES19. Etats-Unis. George W. Bush archiv et restaur

Transversales38. Economie. La valle desarmes ne connat pas la crise40. Ecologie.Que ta volont soit verte !42. Mdias. Facebook larescousse des languesindignes43. Signaux.Des ovins et des hommes

36044. Tmoignage. A larecherche de ma mmoire vive49. Plein cran.Vivre avec 1 dollar par jour50. Culture.Libert, je graffe ton nom52. Tendances. Lagence qui roule54. Histoire. Une brvehistoire de lapplaudissement

20. Etats-Unis. Non, le rvecalifornien nest pas mort !21. Argentine.Les orphelins de la politique

ASIE22. Hong Kong.Sisme : donner, oui, mais qui ?23. Inde. Ecouter battre le cur des villes

MOYEN-ORIENT24. Syrie-Turquie.Ces mdecins qui torturent25. Egypte. Au secours, notreprsident sent la crasse !

AFRIQUE26. Ouganda.La fripe occidentale tue le textile africain27. Mali. Les rebellestouaregs matres de Kidal

BELGIQUE28. La vraie n de lreStevaert

Dossier23. Le retour des talibans

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1 dcembre 2013.

Srebrenica : une vibrante repentance

SERBIE Jemagenouille etje demande quela Serbie soit par-donne pour lescrimes commis Srebrenica. Cesmots que lequo tidien bos-

niaque Oslobodjenje ache laune ont t prononcs et rpts plusieurs reprises par le prsi-dent de la Serbie, Tomislav Niko-lic, dans un entretien dius latlvision le 25avril. Mme si lesexcuses pour ce massacre 8000 Musulmans bosniaquesont t tus par les forces serbesen 1995 dans cette enclave placesous la protection de lONU nesont pas une nouveaut en Serbiedepuis la chute du rgime natio-naliste, en lan 2000 (le parle-ment de Belgrade a mme adopt

une rsolution condamnant cecrime en 2010), jamais un chefdEtat de la Serbie ntait allaussi loin. Et cette gnuexionest dautant plus symboliquequelle vient dun ancien natio-naliste compagnon de routede Slobodan Milosevic , quela presse ex-yougoslave quali-e souvent de repenti.

7 JOURS.Courrier international no 1174 du 2 au 9 mai 2013

FRANCE-ALLEMAGNE

Le spectre de lisolementLa fronde des socialistes franais renforce lhostilit des Europens du Sud contre le diktat de laustrit impos par Berlin. Elle rduitconsidrablement la marge de manuvre du gouvernement Merkel.

7 jours dansle monde. Donner un grand

coup de pdaleROYAUME-UNI Une commis-sion parlementaire compose dedputs et de membres de laChambre des lords vient de rendreses conclusions: elle presse legouvernement dentamer unervolution cycliste, comme lcritThe Times, fer de lance depuis plu-sieurs mois dune campagnenomme Adapter les villes auvlo. Le Royaume-Uni est lundes pays dEurope o lon pdalele moins. La commission souhaitetout la fois populariser large-ment ce mode de dplacement,essentiellement pour des raisonsde sant publique, et rendre sapratique plus sre, en multipliantnotamment les pistes cyclables eten limitant la circulation 30km/hdans les quartiers rsidentiels.

Larme contre les tribussunnitesIRAK Les manifestants se pr-parent lventualit dun affron-tement avec larme, titre lequotidien irakien Az-Zaman. Lesrgions autour de Tikrit souffrent cause dun blocus de produitsalimentaires et dessence, affirmele chef de la tribu Al-Bouajil envoquant le fief des popula-tions sunnites opposes auPremier ministre chiite NouriAl-Maliki. Depuis le dbutdu mois davril, plus de400personnes ont ttues dans des affron-tements inter con-fessionnels en Irak.Nous nous attendons tout instant un assautde larme contre les lieuxdes manifestations,ajoute le chef tribalsunnite.

850850

SOURCE : C.E. 2010 (EUROBAROMETER : FUTURE OF TRANSPORT - ANALYTICAL REPORT)

PAYS-BAS

DANEMARK

ALLEMAGNE

FRANCE

ROYAUME-UNI

ESPAGNE

Part de la population utilisant le vlo comme principal moyen de transport (2010, en %)

MoyenneUE 277,4 %

31,2

19

13,1

2,6

2,2

1,6

FrankfurterAllgemeine ZeitungFrancfort

Lopinion publique alle-mande est fortement ton-ne et dconcerte dedcouvrir quAngela Merkel, lorsde ses visites dans certains Etatsmembres, est dsor-mais accueillie par desfoules de contestatairesbrandissant des aches o lonpeut voir la chancelire aubledune moustache la Hitler, ouencore barde dinsignes SS. Onpeut toujours se consoler en sedisant quen rgle gnrale cesmanifestations sont orchestrespar des groupes dextrmistes, degauche ou de droite, et quellesne sont donc pas reprsentativesde lattitude de la population.

Or ce nest vrai quen partie.Dans le sud de lEurope, en par-ticulier, la colre des gens, sus-cite par les mesures daustritdestines surmonter la crisede la dette publique, na pas seu-lement pour objet lchec et lamauvaise gestion de leurs propreslites, mais aussi le diktat alle-mand de lpargne, cens frei-ner la croissance et propulser lechmage des niveaux astro-nomiques. Pour parler claire-ment, le gouvernement fdral

se retrouve presque seul avec sastratgie de rsolution de la crise.Mme la Commission euro-penne prend ses distances etpenche de plus en plus ouver-tement pour que lon laisse aumoins aux pays du Sud fragili-ss un peu plus de temps pourrsoudre leurs problmes. Tant

que le deuxime poidslourd de la zone euro, laFrance, adoptait avec

plus ou moins de abilit le capx par Berlin, la situation res-tait viable. Mais chez notre voisinaussi, la rsistance ne cesse dese durcir face aux dicults queconnat le pays, et depuis llec-tion du socialiste Franois Hol-lande la prsidence, lirritationcrot entre Paris et Berlin.

Le Parti socialiste franaisvient de lancer pour la premirefois un assaut frontal contre lapolitique europenne de lAlle-magne. Bien sr, il sagit avanttout dune lutte de pouvoir entrela gauche du parti et son ailesociale-dmocrate, incarne parle prsident, et non dun viragedu gouvernement. Mais Hol-lande, qui ne cesse de louvoyersans grand succs, risque main-tenant de voir ses troupes lAs-semble lui faire faux bond, alorsquil aurait besoin delles pourgouverner. En dautres termes,

la marge de manuvre prsi-dentielle se rduit de jour enjour. Et comme lide que lAl-lemagne ne doit pas sisoler enEurope continue de prvaloir,la marge de manuvre du gou-vernement fdral rtrcit elleaussi. Berlin saperoit aujour-dhui que lon ne peut ni refu-ser ni ignorer le rle de puissancedirigeante, avec toutes les cons-quences que cela implique, quandce rle est conrm par les faits.

Gnther Nonnenmacher

FRANKFURTERALLGEMEINE ZEITUNGFrancfort-sur-le-Main, AllemagneQuotidien, 361000 ex.www.faz.netFonde en 1949, la FAZ,comme on lappelle, est le grand quotidien gnralistede centre droit. Journal de rfrence pour les milieuxdaaires autant que pour lespolitiques et les intellectuelsallemands, la FAZ a aussi su simposer comme une voix de lAllemagne dansle monde. Depuis 2001, elle parat tous les jours grce son dition du dimanche(Sonntagszeitung), la FAS.

SOURCE

DITO

Dessin de Chappatte paru dans Le Temps, Genve.

AZH

AR S

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LAL/

AFP

MILLIONS dhumains sourent de la faim, un nombre qui na pas diminu depuisquarante ans, relve FIANSuisse, la seule ONG dans le monde strespcialise dans la protection de ce droit fondamental quest laccs durable lalimentation, explique le quotidien suisse Le Temps.70% de ces individus sont des femmes ou des lles.

7 JOURS

Berlusconibouge encore

ITALIE Noussommes che -val, titre Il Ma -nifesto sur leregard en grosplan du Cava-liere. Le nouveaugouvernementdunion natio-

nale, intronis le 29avril, a exclutous les gros poissons de la vieillepolitique, fait remarquer le quo-tidien communiste. Eective-ment, principal protagoniste dela politique italienne depuis vingtans, Silvio Berlusconi ny gurepas. Mais il va tout faire pour pesersur le nouvel excutif, notam-ment travers son dauphin,Angelino Alfano, nomm vice-prsident du Conseil et ministrede lIntrieur. Combien de tempsdurera le gouvernement? Cest Ber-lusconi qui le dcidera, soutient IlManifesto. Silvio Berlusconi estbel et bien revenu sur le devantde la scne politique. Il y a sixmois, tout le monde pensait quiltait ni, crit de son ct IlvoDiamanti dans La Repubblica,mais il a survcu au berlusconisme.Il a gagn laprs-lection et le centregauche la perdu.

Loppositionconteste lauditdes votes

VENEZUELA Les reprsentantsde lopposition nassisteront pas linstallation de la commission tech-nique convoque ce 29avril par leConseil national lectoral (CNE),annonce le quotidien El Nacional.Cette commission doit marquerle dbut de laudit des rsultatsde llection prsidentielle du14avril, La victoire de NicolsMaduro avec moins de 2% desvoix davance est toujours contes-te par son opposant, HenriqueCapriles. Lopposition dnonce lavance les conditions de lauditpropos par le CNE, 46% des bul-letins nayant pas t vris etdevant ltre dici au 4juin.

Bouteflika,dernier mandat ?ALGRIE Lannonce de lhospi-talisation du prsident algrienAbdelaziz Bouteika, samedi27avril, a suscit lmoi dans lepays. Le nouvel ennui de sant duchef de lEtat oblige sinterrogersur ses capacits continuer diri-ger le pays, estime Le QuotidiendOran. Ag de 76ans, le prsi-dent Bouteika vient dentamerla dernire anne de son troisimemandat. Beaucoup qui, peu avantce nouvel accident, le voyaient apte briguer un quatrime mandat []en sont douter maintenant quilpuisse aller au bout de son actuelmandat, ajoute le journal.

Une boue la mer!BELGIQUE Un prototype de bouehoulomotrice a t mis leau dansle port dOstende le 23avril, relatele quotidien De Morgen. Le projet,port par le consortium amandFlanSea, qui runit plusieurs entre-prises autour de luniversit de Gand,

pourrait, sil parvient au stade de lacommercialisation, alimenter ennergie des les isoles, qui ont sou-vent besoin de sources dnergie durableset modestes au lieu des gnrateurspolluants quelles utilisent aujour-dhui, prcise le quotidien. Pourlheure, il sagit de vrier la rsis-tance de la boue, qui sera pro-chainement emporte en pleinemer, dans des conditions clima-tiques peu clmentes. Plusieurs paystestent le concept de boue houlo-motrice, mais la capacit de ces dis-positifs rsister aux assauts de lamer reste ce jour un problme.

A Dacca, un coupableidalBANGLADESH Le propritairede limmeuble qui sest eondrle 26avril Dacca en faisant aumoins 381 morts a t arrt le 29,selon The Daily Star. Sohel Rana,qui est accus de ngligence, a trepr prs de la frontire aveclInde, o il tentait de senfuir. Lesoprations de sauvetage devaientse poursuivre le 30, aprs la ma-trise dun incendie qui stait

dclar dans les dcombres le 29.Au moins 3000 personnes se trou-vaient dans limmeuble au momentde la catastrophe, et lon comptepour lheure 2430 survivants. Lesateliers de textile quabritait lebtiment de neuf tages avaientt maintenus en activit bien queles autorits aient ordonn leurfermeture quelques jours avant lacatastrophe. Ds que la nouvellede larrestation du propritaire at connue, les personnes attrou-pes prs du site se sont mises scander Pendez Rana! rapportele journal.

Courrier international no 1174 du 2 au 9 mai 2013

La libert de la presse, vous ny couperez pas !

DE LA SEMAINELE DESSIN

La Journe mondiale de la libert de la presse, clbre le 3mai, fte cette anne ses vingt ans dexistence, avec pour thme Parler sans crainte, un vu pieux dans les paysqui forment lindboulonnable queue du classement annuel de la libert de la presse tabli par Reporters sans frontires Syrie, Turkmnistan, Core du Nord et Erythre. Dessiner sans crainte, cest par ailleurs ce que lon souhaite aux dessinateurs de presse. Cest aussi le sujet de Fini de rire, un documentaire dOlivier Malvoisin qui interroge les cartoonistes sur les tabous auxquels ils sont confronts. A voir sur Arte le 7mai 22h35. Dessin de Haddad paru dans Al-Hayat, Londres.

LLUS URA, correspondant de La Vanguardia (Barcelone)

Chmage :un cycleinfernalQue vous inspirent les chiresdu chmage en France(3,2millions)? Dicile de les comparer avecceux de lEspagne, o nous comp-tons 6,2millions de personnes sanstravail! En France, il sagitdun chire certes levmais pas catastro-phique. Le problmevient du fait que cettetendance a peu dechances de sinverser.FranoisHollande sembleconant, il assure que des me -sures ont t prisesavec sa fameusebote outils. Mais les gens ont lesentiment que ce nest pas su-sant. Ce nest pas seulement la fautedu prsident : laustrit svit par-tout en Europe.Comment jugez-vous le moral des Franais? Je suis arriv en 2005 et il y avaitdj un malaise, mais llection de2007 a apport un air de renou-veau. La crise est pourtant arriveet a tout emport avec elle. Le moraldes Franais est aujourdhui auplus bas: ils sont angoisss, maisil y a aussi chez eux de lirritation,de la colre et de la dception.La situation peut-ellesamliorer? Il est trs probable que dici lan de lanne, le chmage va encoreaugmenter, cest pourquoi je ne suispas optimiste. Les hommes poli-tiques donnent limpression dtreincapables de rsoudre les pro-blmes. On dirait que Franois Hol-lande se contente dattendre quela situation se redresse, comme silse fondait sur des cycles cono-miques ou historiques.

DE NOUSILS PARLENT

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7 JOURS

AUTORITAIREVous devez travailler,travailler, parce que, mes chers compatriotes, cest comme a. Une fois la retraite, nous tombonsmalades et vieillissons encoreplus vite. Serik Abdenov,ministre du Travail kazakh, expliqueaux femmes sidrurgistes de la villede Temirtau pourquoi lge de la retraite a t port 63 ans.(Fergananews, Moscou)

EXPERTELes Bush, on en a vu assez. Barbara

Bush, pouse de lex-prsident George Bush

et mre de lex-prsident GeorgeW.Bush, propos de lventuellecandidature de son ls Jeb la prsidentielle de 2016.(The Washington Post, Etats-Unis)

FLATTEURLArabie Saoudite est le curbattant du monde arabe,a dclar Jack Lang, ancienministre franais de la Culture et nouveau directeur de lInstitut du monde arabe, lors de sa visite de quatre jours Riyad.Traditionnellement, lexpressioncur battant du monde arabe tait jusquici rserve lEgypte et la Syrie.(Al-Hayat, Londres)

PROCCUPQui sait ce qui va se passerdans dix ans ? Comment les Espagnols se comporteront lgard des Allemands ?Lors dune confrence lUniversitcatholique de Louvain, en Belgique,le philosophe allemand JrgenHabermas a appel les payseuropens refonder une solidaritbranle au niveau de lEtat nationpar la globalisation de lconomie.(La Libre Belgique, Bruxelles)

SOLIDAIREIl faut comprendre lesAllemands. Ce sont eux quiversent lessentiel des aideseuropennes. Je ne peux pasimaginer que le chef degouvernement dun pays quipaie quelque chose ne posepas certaines conditions. Il est lgitime que Berlinmontre la voie, arme la prsidente de la Lituanie, Dalia

Grybauskaite. Un quartdu budget lituanien

est constitu par lesaides europennes.(Der Spiegel,Hambourg)

ILS/ELLESONT DIT

Dewi et Tonton, crateurs de richesse sociale

Ce couple indonsien misreux a mont une cooprative qui recycle les dchets plastiques. Et il vient douvrir une colequi apprend aux femmes prendre leur destin en main.ILS FONT

LACTUALIT

Kompas Jakarta

Le monde sest croullorsque, en2003, Dewi etTonton ont t licencis delusine de confection o ils tra-vaillaient. Dautant plus qu cettepoque ils devaient dpenser beau-coup dargent pour faire soignerleurs trois enfants. Lan tait dia-btique, le second autiste et le troi-sime sourait dune mningite.Ma femme sest mise mendier auxfeux rouges. De mon ct, je narri-vais pas dcrocher un emploi. Jenavais mme plus les moyens de payernotre loyer. Nous dormions souventdans la rue, raconte Tonton.

Or voil quun jour une personneinconnue paie les frais dhospita-lisation de lun des enfants du jeunecouple. Le bienfaiteur anonymelaisse juste un message disant quelentraide est un devoir de toutesles cratures de Dieu. Jai tout desuite pens que, jusqu prsent, jenavais fait que qumander et quunjour je devrais mon tour donner.Je ne savais pas encore que les orduresseraient la voie que me rservait Dieupour pouvoir partager et venir enaide aux autres. Peu de temps aprs,Dewi a t embauche comme femmede mnage dans une ONG environ-nementaliste, et moi jai trouv unemploi de ramasseur dordures dansle quartier de Cibangkong, Bandung, poursuit Tonton.

Mais Dewi est soucieuse la vuede son mari qui ploie sous la massedes ordures quil ramasse seul. Luivient alors lide de trier les plas-tiques et den faire des objets dar-tisanat. En plus dallger le fardeaude mon mari, cela pouvait nous appor-ter un revenu supplmentaire,explique-t-elle. Nous sommes enavril2005. A cette poque, lesordures de la dcharge forment unemontagne de 4mtres de haut. Ellesproviennent des 9000foyers duquartier et sentassent depuis1996.

Dewi et Tonton ne se conten-tent pas de trier les plastiquesde la dcharge: ils les achtentaussi directement aux habi-tants. En un mois, Dewi arrive fabriquer une trentaine de porte-monnaie ou de petits sacs mainquelle tresse partir des plas-tiques recycls et quelle vendde 5000 10000roupies [40

80centimes]. Une douzaine defemmes du quartier commencent sintresser cette activit.En2009, elles se regroupent et for-ment avec Dewi une cooprativequelles nomment MyDarling. Celle-ci remporte peu aprs un prix delenvironnement de la ville deBandung et reoit une aide de 15mil-lions de roupies que Dewi et Tonton,par manque dexprience, utilisentpour transporter les ordures de ladcharge jusqu leur local. Commeils ne possdent pas de vhicule,ils dpensent 450000roupies

DR

[38euros] par transport. Les ordurescontinuent sentasser dans ladcharge et en six mois largent delaide est envol. Jai beaucoupappris, raconte Dewi. Beaucoup dar-gent sans programme clair napporteaucun rsultat.

Une deuxime occasion se pr-sente, mais cette fois-ci les femmesde MyDarling refusent de rece-voir de largent: elles demandentune aide sous forme de transfertde technologie et doutillage. Notreattitude a t trs apprcie par legouvernement et par les ONG. Onnous a appris faire de lengrais, transformer les ordures en nergierenouvelable et rduire les rsidus,raconte Dewi.

Dewi ne sarrte pas au succsque remporte MyDarling. Elle estpersuade que les femmes du quar-tier peuvent faire plus. En2011, ellefonde une cole qui forme lesfemmes lesprit dentreprise, la

gestion de largent et de leur envi-ronnement. Les professeurs sont

des militants de lenvironnement,des mdecins et mme des co-nomistes. Ils acceptent de venirgratuitement pour partager leursavoir avec les douze lves denotre cole des femmes,explique Dewi. Certainesfemmes ont dj ouvert despetits commerces de bakso[soupe aux boulettes deviande] et de vtements.

La sueur et les larmes de Dewiet Tonton sont lentement deve-

nues un modle pour quatre autresquartiers de Bandung, qui ont dve-

lopp leur tour une banque dor-dures. Elles ont aussi inspir desdizaines de thses dtudiants dediverses disciplines. Les tudiants

considrent MyDarling et lcoledes femmes comme une initiativecitoyenne qui sauve Bandung deson ocan dordures. Mais nous nesavons pas si nous serons encore llanne prochaine, soupire Dewi.Notre propritaire nous demande depayer 40 millions de roupies[3500euros] ou de partir, parce quilveut vendre. Nous ne possdons pas ce jour une telle somme, mais, sinous persvrons dans ce que nousfaisons, la Providence viendra notresecours.

Cornelius HelmyHerlambang

Dewi et Tonton.Dessin de Schot(Pays-Bas)pour Courrierinternational.

Courrier international no 1174 du 2 au 9 mai 2013

DR

7 JOURS.

Une ncessitpour refonderlconomiesaoudienneAl-Hayat Riyad

Alors que dautres pays arabes doi-vent entirement reconstruire leurEtat aprs avoir connu des rvolu-tions, lArabie Saoudite rforme son Etatdans le calme. Le gouvernement a rcem-ment pris une dcision qui rarme lau-torit de lEtat lgard des hommes daairesdevant lesquels il stait inclin depuis vingtans. Ce laxisme avait permis le dveloppe-ment dun commerce de visas de travail.Des kal [garants, souvent des hommesdaaires qui font venir des trangers placssous leur houlette] ont pu senrichir enjetant parfois des centaines de travailleursimmigrs sur le march du travail, pour entirer des bnces. Ils les prtaient eneet dautres personnes, qui navaient pasla possibilit de faire venir de la main-duvre en leur propre nom et qui taientprts payer un surplus de salaire.

Si linterdiction faite aux travailleursimmigrs de travailler ailleurs que chezleur kal devait vritablement tre appli-que, cette reprise en main gouverne-mentale pourrait entraner une refonte dela socit saoudienne. Elle a eu pour eetimmdiat dannuler des centaines de mil-liers, voire des millions de visas de travailqui apportaient des revenus quelquesheureux privilgis ayant inond le marchdu travail, perverti lconomie, dtruit laculture du travail et rduit au chmage descentaines de milliers de Saoudiens.

Ds que la mesure sest bruite, des tra-vailleurs immigrs ont [de crainte dtrearrts et expulss] cess daller au travailet ont disparu des rues o ils avaient lha-bitude dattendre une embauche pour lajourne, la semaine ou le mois. Des chan-tiers se sont arrts, des coles ont dfermer et certains secteurs ont t per-turbs. Daucuns se sont plaints dunemesure aussi radicale, dautres ont demandlabrogation du systme du kal, an decontourner le problme. Or cela renfor-cerait notre dpendance lgard de lamain-duvre bon march et aggraveraitle problme du chmage des jeunesSaoudiens. Ce chmage constitue une vri-table bombe retardement et pse sur laclasse moyenne, qui narrive pas rsister lalliance entre des hommes daairesinuents et des forces productives tran-gres bon march.

Le gouvernement doit appliquer cettemesure, quitte heurter certains intrtsparticuliers. Cest une mesure stratgiquencessaire pour refonder lconomie saou-dienne et la socit saoudienne lpoquede grands bouleversements arabes. LArabieSaoudite doit tre la patrie de Saoudiens quiy vivent de manire permanente, et non pasun lieu de passage o les uns sont condam-ns se contenter de peu en esprant trercompenss dans lau-del, tandis quedautres la considrent uniquement commeun moyen de faire des bnces pour ensuitepartir dans une patrie au choix, Londres etParis pour les plus fortuns, Duba, Beyrouthou Le Caire pour les autres.

La dcision stratgique de limiter la pro-portion de travailleurs immigrs 20% dela population date dil y a des annes sansjamais avoir t applique. Un tel pour-centage ramnerait leur nombre 4mil-lions, alors quils sont 7,5millions au moins.En ralit, ils constituent peut-tre jusqu40% de la population du pays. Les hsita-tions dans lapplication de cette mesure parladministration envoient un mauvais signalau peuple saoudien. Celui-ci veut bn-cier dune main-duvre trangre bonmarch, tout en rclamant des emploisbien pays en plus pour lui-mme. LesSaoudiens doivent comprendre que ce sontdeux choses incompatibles.

Jamal Khashoggi

Il va laisser des milliersdIndienssur le sableMint (extraits) New Delhi

En Inde, ce sont les politiques dim-migration amricaines qui domi-nent lactualit et sont scrutes avecla plus grande attention. Pourtant, pourdes milliers dIndiens et dautres travailleursmigrants trangers, cest la nouvelle lgis-lation sur le travail en Arabie Saoudite, bap-tise Nitaqat, qui a de quoi les erayer etles faire douter de leur avenir. Face unchmage croissant et dans le but de rser-ver les emplois aux Saoudiens de souche,qui seront mieux rmunrs que les migrantspour le mme travail, la nouvelle loi saou-dienne sera strictement applique.

Dans le cadre de la nouvelle rglemen-tation, un ouvrier migrant ne pourra tra-vailler que pour lemployeur [le garant]qui la fait venir en Arabie Saoudite, et seu-lement aux postes mentionns sur sa carte

Riyad a-t-il raison dexpulser ses travailleurs immigrs?CONTROVERSE

OUI

LArabie Saoudite mne depuis le dbut de lanne une politique draconienne dexpulsion an de limiter la part de rsidents trangers 20 % de la population. Ce sont les travailleurs immigrs indiens qui font principalement les frais de cette politique.

de sjour, tandis que son conjoint ne serapas autoris travailler.

Un sursis de trois mois a t accord parle gouvernement saoudien pour que lestravailleurs mettent leurs papiers en ordre,mme sils sont dores et dj rassemblspar wagons entiers pour tre expulss. Legouvernement indien promet de son ctdaider ses concitoyens rentrer chez euxet soutient la loi en estimant quelle serafavorable aux travailleurs de bonne foi.Cependant, certains problmes doiventtre traits en Inde, comme la malhonn-tet des passeurs qui font miroiter emploisdans le Golfe et salaires mirobolants touten exigeant des sommes leves, alors quilsconduisent les plus crdules vers lescla-vage et des conditions de vie sordides pourune bouche de pain. Mais videmment,aucun de ceux qui rentrent ne souhaiteparler des dicults: limage et lizzat(lhonneur) avant tout. Et ainsi va la vie.

Nouvelle lgislation trangre ou non,comme pour beaucoup dautres choses,lInde doit sinterroger et travailler lacration demplois pour ses citoyens, prts

Courrier international no 1174 du 2 au 9 mai 2013

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endurer les pires tourments sur des terrestrangres pour quelques dollars. Si uneminorit dentre eux senrichit considra-blement, la majorit des prs de 6,5mil-lions de travailleurs migrants de la rgiondu Golfe travaille sous le soleil brlant dudsert dans la construction ou dautresemplois subalternes. Beaucoup dentre euxne voudront probablement pas faire lamme chose chez eux. Mme si ces emploissont disponibles, la ert en retiendra beau-coup de les accepter.

LInde est une nation de migrants, lin-trieur du pays et ltranger, et les Indiensont russi sinstaller dans les lieux lesplus reculs de la plante. Les annes1970et1980 ont ainsi vu un grand nombredentre eux saventurer dans le Golfe pourgagner de largent et faire tourner la chanceen leur faveur. A cette poque, les aro-ports taient au cur des villes et lesretours de Duba taient une fte pourles yeux. Les boombox [ghetto blasters] etautres produits lectroniques dbordaientsouvent des valises. De nombreuses famillessont presque instantanment sorties deleur pauvret virtuelle et ont bncidun nouveau mode de vie, rempli de biensmatriels qui auraient t inaccessiblessans le travail acharn dun de leurs prochesdans le Golfe.

Aujourdhui, les aroports sont sortisdes villes et des milliers de ces travailleursmigrants vont rentrer chez eux. Certainsont peut-tre emprunt beaucoup dar-gent pour payer leur passage et revien-dront sans rien, sans aucun moyen derembourser leurs dettes. Leurs problmesne font que commencer.

Farah Rahman

Dessin de Krauze, paru dans The Guardian,

Londres.

Sddeutsche Zeitung Munich

n Allemagne ce sont les annes 1920,en France les annes 1930, mais dansles deux pays ces poques sont consi-dres de la mme faon: annoncia-trices de troubles venir. La criseconomique mondiale avait frapp la

France plus tard que dautres pays, mais ellenen avait t que plus brutale. La situationsocio-conomique avait t aggrave par unecrise politique et morale. Les rformes staientenlises, et les gens, curs par les aaireset les scandales, staient tourns vers lesextrmes, gauche comme droite. Le peupleavait sombr dans le dsespoir.

Aujourdhui, nombreux sont les Franaisqui prouvent une sensation de dj-vu. Ilest frappant de constater quel point lesobservateurs ont recours ces temps-ci desanalogies avec les annes 1930 pour fairepeur la nation. Une fois de plus, la criseconomique et nancire semble aller depair avec la dchance politique et morale.Une fois de plus, beaucoup de gens, cu-rs, se dtournent des forces politiques tra-ditionnelles au prot des extrmes. Et unefois de plus la France sombre dans un pes-simisme inniment plus dangereux que lab-sence de croissance et le chmage 10%.Les derniers scandales en date, en particu-lier les mensonges honts de lancien ministredu Budget JrmeCahuzac, nont fait quem-poisonner un peu plus latmosphre. Au pes-simisme sajoute dsormais la rancur. Unmlange explosif. Cest maintenant que lonaurait besoin du prsident. Ce serait lui demontrer la voie aux Franais. Or que faitFranois Hollande? Il hoche la tte et attend

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la une

des jours meilleurs. Cest ce que beaucouppensent, tant en France qu ltranger. Cenest pas tout fait juste, car Hollande, safaon prudente et mesure, a accompli biendes choses. Son programme cette annecomprend la rforme du march du travail,du systme de retraite et de la politique fami-liale, autant de dossiers pineux. Mais il neparvient pas donner une orientation den-semble sa politique. On voit mal quelleFrance il souhaite vraiment, et dans quelleEurope. Il faudrait pourtant que les citoyenssachent au nom de quoi ils doivent accep-ter de faire des sacrices.

On reconnat les grands politiciens, pourne pas dire les grands hommes dEtat, aurcit quils brossent de leurs propresagissements, et qui leur donne du sens.Charles de Gaulle promettait la gran-deur aux Franais. Helmut Kohl tait lechancelier de lunit. John F. Kennedystait mis en scne comme le jeune rno-vateur de lAmrique. Dautres, quoique demoindre envergure, ont su le faire gale-ment : Nicolas Sarkozy garantissait unerupture avec la Rpublique poussireusede Chirac; Angela Merkel se bat comme unemnagre souabe pour un budget solide ausein de la zone euro. Mais que nous raconteHollande? Rien? Ce seraitencore quelquechose. Certes,le prsidentest dans une si-tuation dici-le. La Consti-tution et le peuplelui attribuent un rle crasant,conu autrefois par de Gaulle. Le chef delEtat doit non seulement incarner la na-

tion, mais aussi la guider, la sauver, etlui servir dinspiration. Ce qui, de nosjours, est trop demander, car depuislpoque du Gnral la souverainet na-tionale sest recroqueville. Les fron-tires ont disparu, lconomie et les -nances se dveloppent lchelle pla-ntaire. La monnaie est battue non Pa-ris, mais en Europe. Consquences :lhomme de lElyse ne peut plus que ra-rement prendre en main le destin de sonpeuple, et ne peut donc que dcevoir;Sarkozy aussi en a fait lexprience.

Sauvons le prsident. A long terme,la Rpublique va devoir envisager derpartir le pouvoir quil lui reste surdiverses paules, pour quun individune se retrouve pas incarner seul de tropgrands espoirs. En revanche, moyenterme, il va falloir quelle sen sorte avecce prsident-l. Cela vaut galementpour lAllemagne et lEurope, lesquellesont intrt ce quHollande russisse.LUnion europenne et son euro peuventencore nancer une banqueroute chy-priote, voire une Italie coince. Mais uneFrance paralyse qui se complairait danssa morosit nirait la longue par ladtruire. Par consquent, un seul motdordre: sauvons Hollande!

Il pourrait tre utile de remettre enbranle le tandem franco-allemand. Ex-trieurement du moins, depuis llectiondHollande, il donne limpression dtreg au dtriment des deux pays. Seule,la France est trop faible pour dirigerlEurope. Paradoxalement, lAllemagne,elle, est trop forte pour prendre seule latte de lUE. Une Allemagne dominante

entrane lhostilit des autrespeuples. La dplorable colreque suscite Berlin en Grce eten Italie montre que lAlle-magne doit au plus vite setrouver un partenaire anque les responsabilitssoient partages. Et il ny aque la France qui soit ca-pable de jouer ce rle.

Lhistoire du sicle dernier nest pas en trainde se rpter. Les EtatsdEurope ne vont pas denouveau sentre-dchirerdans une guerre fratrici-de. Mais, si lon ne tientpas compte de ces signesavant-coureurs, ce sontdautres catastrophes quiguettent les Franais, les

Allemands, et tous les Europens.

Stefan Ulrich

Lavenir sassombrit pour le prsident franais: la crise conomique saggrave, les scandales empoisonnent leclimat et le foss avec lAllemagne slargit. Une situationqui rappelle les annes 1930? Sans raction, Franois Hollande semble vouloir laisser passer lorage.

Hollande :le coup de pompe

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Franois Hollande. Dessin de Hajo de Reijger (Pays-Bas) pour Courrier international.

The Daily Telegraph Londres

maginez que vous soyez chez une vieilleamie qui tient vous inviter djeuneralors mme que vous savez quelle naplus un sou. Puis que vous soyez obligde rester l, les bras ballants, alors quelleapprend avec stupeur que son mari la

trompe depuis des annes et que le toit desa maison est sur le point de seondrer. Ehbien, cest ce que lon ressent quand on estanglais en France en avril2013. On ne saitplus trop o se mettre.

Certes, le resserrement du crdit, ou lacrise*, comme disent les Franais, duredepuis des annes, et rares sont les paysqui sen sortent bien. La Grande-Bretagnea t dcrite comme une conomie en crisepar le futur gouverneur de la BanquedAngleterre [Mark Carney entrera en fonc-tions le 1er juillet prochain], lequel est pour-tant cens tre dans notre camp. Mais jaile sentiment que le moral, en France, a bru-talement dgringol il y a quelques semaines,contrairement aux chires impitoyables delconomie, qui, eux, sont alarmants depuisun moment dj, avec un chmage 10%et peine 0,1% de croissance pour le pre-mier trimestre2013.

Les gens sont moroses, commente Jean-Franois Augrit, charg de la scurit borddesTGV au dpart de Paris. On le voit surleurs visages. Ils ne croient plus en rien; la droiteet la gauche sont aussi nulles lune que lautre.Il explique que les Franais commencent redouter que les jeunes naient une vie plusdicile que leurs parents. Ce serait la pre-mire fois que a arriverait, assure-t-il avecfermet. Mme en remontant au XIXe sicle.

qui se soucient vraiment de leurs intrts.Nous avons dj eu des scandales politiques

auparavant, droite comme gauche, dclareFabrice Nivard, g de 58ans, maire respectde Darnac, un village blotti au cur de laFrance profonde*. Mais celui-l ma franche-ment stup, parce que voir un ministre duBudget dire aux gens de se serrer la ceinture etde mettre encore plus la main au portefeuille,tout en dissimulant sa propre fortune, cest pirequun mensonge. Cest prendre les Franais pourune bande de Eh bien, vous pouvez complterla phrase vous-mme.

Soins intensifs. Malheureusement, le pr-sident Hollande semble surtout dou pouraggraver les choses. Il a donc eu une ide degnie pour rpondre laaire Cahuzac: aunom de la transparence, il a ordonn sesministres de dvoiler leur patrimoine. Etvoil!* En fait, ils ne valent pas mieux lesuns que les autres. Mme ceux qui ne sontpas des millionnaires se sont fait triller parla presse pour avoir plac leur magot sur descomptes peu performants. Quel espoir reste-t-il lconomie nationale quand les char-lots aux commandes ne sont mme pas chusde grer leur propre argent?

O va la France? demand-je Jean-Claude, un de mes vieux camarades avec les-quels je sue sang et eau lors des vires duclub de vlo du Limousin. Je vais te dire, moi,o elle va, lance-t-il par-dessus son paule.Elle va droit dans le mur. Cest sans espoir? Si, il y a de lespoir, reconnat-il. Il fautesprer que tout a va crever. Tu sais, le ventreen lair. Et, l, on pourra repartir de zro.

Quand jappelle mon ami Clment Bresard-Billet, jeune consultant en management quitravaille Paris, il me surprend en man-nonant quil compte sinstaller en Australielan prochain. Notre modle a vcu, mex-plique-t-il. Jai du mal imaginer que jai unavenir ici. La France est comme un patient ensoins intensifs. La famille rve quil y a encoreun peu de vie dans ce corps us, mais, secrte-ment, ils savent tous que cest la n. Beaucoupde ses amis parisiens envisagent eux ausside partir, ajoute-t-il.

Au dernier recensement, 300000Franaisvivaient en Grande-Bretagne. Et, au bout dequelques annes passes en France, o laplupart des enfants veulent devenir fonc-tionnaires quand ils seront grands et o

jai rencontr un nombre impressionnantde gens tout fait brillants coincs despostes incroyablement banals, on com-prend facilement pourquoi. En Grande-Bretagne, vous avez la possibilit de changer,dit Bresard-Billet. En France, une fois que vousavez choisi une paire de chaussures, vous devezles porter toute votre vie.

Le modle franais nen a pas moins encoredes partisans, mme dans les rgions les plusdurement touches par la crise*. Je suis contentde payer des charges sociales leves, armeJean-Luc Terrade, notre quincaillier. La soli-darit, cest un mot important pour moi, et laFrance a toujours t un pays social. Nous nedevons pas nous engager sur la voie des Anglais;a marche trs bien pour certains, mais je nesuis pas sr que les plus pauvres de la socit endiraient autant.

Dans ce cas, que suggre-t-il pour sauverla patiente qui se meurt en soins intensifs?Jattends la rvolution, assure-t-il. Mais, pourrassembler les masses, il nous faut des dirigeantsayant du charisme. Et, mme si jai vot Hollande,ce nest pas le premier terme qui me vient les-prit quand je pense lui. Il y a Nelson Mandela,bien sr, mais je crois que nous nous y prenonsun peu tard si nous voulons le rcuprer.

Lhumour et loptimisme de Terrade sontl pour nous rappeler que tout nest pas sisombre en France. Cet esprit de solidarit*,cet instinct qui pousse les gens aider leurprochain, y est merveilleusement et pro-fondment ancr. Le soleil continue de brilleret les trains de partir lheure. Des villagesentiers organisent des banquets auxquelstous sont convis, comme ils lont toujoursfait, et, si par hasard votre enfant de 6anssarrache un ongle en chevauchant un auto-mate tte de chat dans un restaurant chi-nois de Limoges, pas moins de cinq inrmireset mdecins se mettront aussitt luvrepour soigner le doigt en question, aprs unebrve attente du bless aux urgences.

Pourquoi vous nous prenez en photo?demande linrmire qui se charge de lanes-thsie. Dsol, balbuti-je en rougissant.Cest juste que, si je ne le fais pas, en Angleterre,personne ne me croira.

Au train o vont les choses, bientt pluspersonne ne me croira en France non plus.

Michael Wright

* En franais dans le texte.

Courrier international no 1174 du 2 au 9 mai 2013 13

Et pourtant le soleilcontinue brillerLeur moral a brutalement chut, mais les Franais gardent toujours espoir et ont conance en la solidarit.

du lundi au vendredi 16h15 et 21h50

franceinfo.fr

LACTUALITINTERNATIONALEUN MONDE DINFO

Le mois dernier, un sondage [CSA pourBFM TV] ralis auprs de plus de3000adultes a rvl que 68% dentre euxtaient pessimistes quant lavenir du pays.Or ctait avant que nclate le scandaleCahuzac: un ministre du Budget charg dedbusquer les rpugnants personnages quiplanquent leur fortune sur des comptessecrets en Suisse a ni par avouer que, euh,il tait le premier en dtenir un non sansavoir dabord regard la France droit dansles yeux pour lui mentir et lui mentir encore,bien avant que le coq nait chant pour latroisime fois.

Le coq, on lentend chanter maintenant,clairement. Pour reprendre les termes duMonde, le scandale a dclench un tsunamipolitique. Personnellement, cest son impactsur les gens que je trouve la fois rvlateur

et profondment touchant. En Grande-Bretagne, nous avons lhabitude que nospolitiques nous mentent. Cest une desdouillettes certitudes de notre quotidien:les cailloux sont durs, les trains en retard,les politiciens incapables de dire la vrit.Et tout va bien, car, au moins, ils font preuvede constance, et leurs mensonges nous per-mettent doublier avec quelle facilit nousnous mentons nous-mmes. Alors quebeaucoup de Franais sont apparemmentconvaincus que lEtat est dirig par des gens

I

En France, une fois que vousavez choisi une pairede chaussures, vous devezles porter toute votre vie.

Dessin dAlix, Suisse.

Aftonbladet Stockholm

on TGV traversait la Bourgogne pleine vitesse, sans la moindresecousse, lorsque mon voisinma dit: tout a parce quuncoureur de jupons na pas t foutude garder sa braguette ferme!

Nous devisions politique. Politique fran-aise. Il ny avait rien sauver. Le voisin enquestion, un marchand dart de Montpellier,a poursuivi [en rfrence Victor Hugo]:Avec Hollande, on est tous des misrables.Pour lui, si le candidat favori des socialistes,le brillant DominiqueStrauss-Kahn, navaitpas agress sexuellement une femme demnage dorigine trangre dans unechambre dhtel new-yorkaise, le gouver-nement socialiste aurait t moins strileet moins maladroit que sous FranoisHollande. Hollande est le plus grand ratagepolitique de lEurope daprs-guerre. Tout cequil touche part en quenouille, devait meconer plus tard un diplomate parisien.Moins dun Franais sur trois lui faitconance. Les Franais ne sont pas en colre.Ils sont juste tristes.

Le peuple a du vague lme, mme si celane change pas limage en surface. La Francereste un pays prdominance agricole, uneterre de paysans. Elle doit son salut au faitque ses fromages sont aussi nombreux quilslont toujours t (448), que la vigne poussebien et que les escargots nissent toujours la casserole. Mais les Franais daujourdhuiingurgitent plus dantidpresseurs que nim-porte quel autre peuple de la plante. Le tauxde suicide est lev chez les jeunes. Unmariage sur deux ne fait pas long feu.

Les Franais trouvent pathtique ce pr-sident la mine boue. La situation co-nomique du pays est telle que la France serabientt mise en parallle avec lEspagne. Letaux de chmage dpasse les 10%. En dixans,la part de lindustrie dans le PIB est tombede 18 12%. Le prsident sobstine trou-ver judicieuse lide de taxer les riches 75%(au moment mme o lon dcouvre queson ministre du Budget possde un comptesecret en Suisse). Les Franais qui ont delargent et de linstruction, en particulier lesjeunes, sexilent Londres. Le secteur publicengloutit 56% du PIB; seul le Danemark faitpire, tandis que la Sude est descendue 49%. La France est un pays industrialis quinest ni comptitif ni moderne. Son ministredu Travail, Michel Sapin, le rsume ainsi:LEtat est totalement en faillite.

Quand la France nest pas mise en paral-lle avec lEspagne, elle est compare lAllemagne. Le tableau nen est que plussombre. Le cot de production unitaire,pour parler le jargon, a bondi de 28%

en France depuis 2000, contre 8% enAllemagne. Les chmeurs de lHexagonetouchent deux fois plus dallocations queleurs homologues allemands. LAllemagnefabrique des Audi, des BMW et des Mercedes,la France des Renault, des Peugeot et desCitron plutt risibles. Daprs vous, chezqui les ventes se portent-elles bien? chezqui sont-elles en berne? A lheure o lesconstructeurs franais se retrouvent dansla mme situation que [le sudois] Saab,FranoisHollande, ivre dconomie plani-e, les empche de dgraisser; le Franaisqui achte une nouvelle voiture aujourdhuijettera son dvolu sur une Kia, une Toyotaou une Dacia la Renault has been du pauvre,fabrique en Roumanie.

Et alors? Cest leur problme, pas lentre. Dautant que nos amis franais sontrods. Rappelons-le,les cinqannes de sar-kozysme qui ont prcd la prise de fonc-tions de FranoisHollande, en mai de lannedernire, nont pas fait les beaux jours dela France. Beaucoup de parlote et peu dactes.Et pourtant si :les problmes de la Francesont aussi les ntres, car une France faiblefragilise et dstabilise lUnion europenne.

En 1951, lanne o tout a commenc,lide fondatrice tait que les deux plusgrands pays dEurope, la France et lAllemagneencore en ruine lpoque se retrouventsur un pied dgalit. Lunion devait per-mettre de temprer le redoutable nationa-lisme allemand. Churchill lui a donn sabndiction. Les conditions de la paix et de

la prosprit taient ainsi runies. Lors desvnements solennels, le chancelier alle-mand et le prsident franais formaient untandem parfait. De Gaulle et KonradAdenauerallaient bien ensemble, FranoisMitterrandet HelmutKohl taient sur la mme lon-gueur donde, mme si lun tait de gaucheet lautre de droite.

Quen est-il aujourdhui? Ct allemand,la droite a impos une cure daustrit cou-ronne de succs pendant que, ct fran-ais, les socialistes pratiquent une politiquequi consiste taxer et dilapider ensuite.Rsultat: les deux grandes puissances euro-pennes ne sont plus sur un pied dgalit.Et le fait que beaucoup de gens traitentHollande de nain lorsquils le voient enphoto aux cts de Merkel nest pas bonpour la stabilit de lUnion.

Staan Heimerson

et charg de suivre les prvisions et lebudget a soulign que les prvisions fran-aises taient systmatiquement aectespar une tendance loptimisme.

Lconomie est mine par le tour de visbudgtaire, qui a tari la demande intrieure,moteur traditionnel de la croissance enFrance, ainsi que par le moral en berne desconsommateurs et la faiblesse des expor-tations. La consommation des mnages achut en janvier et en fvrier. En mars, lin-dice de conance des entreprises a reculde prs de 2points par rapport lannedernire. Aux prises avec les plus faiblesmarges bnciaires de la zone euro, nombredentreprises glent leurs investissements.

Il ne se passe pratiquement pas de semainesans quune usine mette la cl sous la porteou quun plan social soit annonc. Le tri-bunal de commerce de Rouen a ainsi rcem-ment rejet les deux seules ores de reprisede la ranerie de ptrole Petroplus, enNormandie, avec pour consquence la fer-meture imminente du site et la disparitionde 470emplois. Le gouvernement a beaupromettre le contraire, deux usines, lunefabriquant des automobiles Aulnay-sous-Bois et lautre des pneus Amiens, sont entrain de subir le mme sort et dfraient lachronique. Le chmage na jamais t aussilev depuis quatorzeans. Tout cela expliquepourquoi le gouvernement franais ademand Bruxelles de le librer de sonengagement ramener le dcit 3% duPIB dici la n 2013. Moscovici parle main-tenant de 3,7% cette anne et de 2,9% en2014. Lennui est que mme ces objectifsmoins ambitieux semblent hors de porte.

14. LA UNE Courrier international no 1174 du 2 au 9 mai 2013

UN PAYS DE MISRABLESLe dcalage entre la France, terre de paysans,et lAllemagne inquite les Europens.

The Economist (extraits) Londres

n voit mal comment FranoisHollande pourrait tirer un bn-ce quelconque du scandale delvasion scale qui la oblig sesparer en mars de son ministredu Budget, Jrme Cahuzac. Les

membres du gouvernement sont dsor-mais tenus une rigoureuse transparencesur leur patrimoine. Mais, au moins, laairea pour eet secondaire de dtourner lat-tention de ltat calamiteux de lconomie.

Le 16avril, le Fonds montaire interna-tional (FMI) a ramen lattention sur laquestion en prdisant que la France rejoin-drait lEspagne, lItalie, la Grce et le Portugaldans la rcession en 2013. Lorganisationprvoit maintenant une baisse du PIB fran-ais de 0,1%. Ces sombres perspectivesfont que non seulement le gouvernementne sera pas en mesure de respecter sonengagement en matire de rduction desdcits, mais galement quil devra aron-ter une rbellion politique interne causede sa gestion des nances publiques.

Malgr le signal dalarme tir par le FMI,le ministre des Finances Pierre Moscovicisen tient sa propre prvision de crois-sance de 0,1% en 2013 et de 1,2% en 2014.Il la conrm le 17avril dans le programmede stabilit budgtaire de la France [2013-2017] quil devrait prsenter devant laCommission europenne n avril. Mais leFMI nest pas la seule organisation semontrer plus pessimiste. Dans son pre-mier avis, le Haut Conseil des nancespubliques cr par le prsident Hollande

Dans le pige de la rigueurRsoudre le casse-tte budgtaire de la Franceest une mission ardue, voire impossible,pour un prsident aussi impopulaire.

M

O

tout a parce quuncoureur de jupons na pas t foutu de gardersa braguette ferme!

Dessin de Daryl Cage,Etats-Unis.

LObservateur PaalgaOuagadougou

tou par latmosphre dltre quex-hale actuellement la politique int-rieure, cest de lAfrique que FranoisHollande reoit de revigorantes bouf-fes doxygne. Une embellie tropi-cale sous un ciel lysen en proie

la grisaille. Rarement, en eet, un gouver-nement franais a suscit autant de danceet dopprobre que celui du prsident normal.

Dans les rues, les protestations contre laloi sur le mariage pour tous, soumis auvote du Parlement, renforcent un climatquasi insurrectionnel. Et comme si toutcela ne susait pas, laaire Cahuzac, dunom de lex-ministre du Budget poursuivipour blanchiment de fraude scale, est venuejeter le discrdit sur un rgime dont le chefdclarait nagure dtester les as des nances.Celui qui se voulait le prfacier dune rpu-blique exemplaire dnait (sans le savoir?) la mme table quun fraudeur scalrompu au mensonge.

Il nen fallait pas plus pour que des adver-saires politiques appellent au coup de balaisalvateur au sein de lElyse, crient lin-comptence du chef et exigent lavnementde la VIe Rpublique.

Sil y a un lot daccalmie au milieu de cettetempte politique qui fait trembler de toutesparts le Parti socialiste franais, cest bienle dossier malien.

En eet, sans distinction dappartenan-ce politique, le Parlement a vot le 22avril

2013, la loi portant prolongation delopration Serval. Lunion sacre quisest cre le 11janvier 2013, jour de la d-cision du prsident denvoyer des soldatscontre les djihadistes du nord du Mali, oui,cette union sacre na jusque-l pas fait d-faut. Voil donc le gnral Hollande d-sormais arm de lonction parlementaire

pour mener sa guerre. Cet acte de rgu-larisation de la prsence du coq gau-

lois dans les sables mouvants duseptentrion malien survientau moment o lon assiste unretrait progressif des [4000]soldats franais. Une centai-

ne de combattants ont dj re-gagn lHexagone. Il survientgalement au moment o laMission intgre des Nationsunies pour la stabilisation auMali (Minusma) est appele prendre la relve [le 1er juillet

prochain] de la Mission in-ternationale de soutien au

Mali (Misma, forcepanafricaine).

Cependant,

Courrier international no 1174 du 2 au 9 mai 2013 LE COUP DE POMPE. 15

LA CONSOLATIONMALIENNELopration Serval est peu prs le seul motif de satisfaction du prsident Hollande.

Gilberto GIL

Khalil JOREIGE et Joana HADJITHOMAS

Sur le plan scal, on est arriv saturation,et Hollande a promis quil ny aurait pasdimpts nouveaux en 2014, hormis, encoreune fois, un relvement de la TVA. Le tauxde prlvements obligatoires, qui est djle plus lev de la zoneeuro, devrait salour-dir un peu plus, pour tourner autour de46,5% du PIB en 2014.

Lessentiel de leort en 2014 portera surune rduction des dpenses publiques.Moscovici a voqu une prochaine rformedes retraites, ainsi quune diminution dela bureaucratie pour crer ce que le prsi-dent appelle un choc de simplication. LePremier ministre, Jean-Marc Ayrault, aannonc une baisse des allocations fami-liales pour 15% des mnages, les plus aiss.Mais aucune prcision na t donne quantaux autres conomies raliser.

Rsistance. Rsoudre le casse-tte dudcit aurait dj t dicile pour un pr-sident populaire, porteur dun mandat sansquivoque pour engager des rformes. OrFranois Hollande bat des records dim-popularit. Au cours de la campagne lec-torale, il a pli devant la gauche anticapitalisteet fait croire aux lecteurs que la rductiondes dcits se ferait essentiellement entaxant les riches et le monde de la nance.Maintenant, certains ministres de son gou-vernement, quoique minoritaires, obser-vent avec earement ce qui leur apparatcomme une conversion laustrit untabou pour les socialistes. Le ministre du Redressement productif, ArnaudMontebourg, qui se situe gauche de lagauche et avait un temps menac de natio-naliser Arcelor-Mittal, a rcemment criti-qu la politique de son propre gouvernement,en soutenant que le srieux budgtaire, siltuait la croissance, [ntait] plus srieux.

Au niveau europen, Montebourg na pastort. Mais en France, o les dpensespubliques reprsentent actuellement 57%du PIB un record dans la zone euro, eto la dette publique devrait atteindre 94%du PIB en 2014, il faut tailler sanstarder dans les dpenses.

Hollande est pris dans unpige smantique, promettantune rigueur sans austritune distinction que per-sonne ne comprend. Lerisque est que, sil reprendtrop ouvertement soncompte le credo antiaustri-t quon entend partout enEurope, il ne fera querenforcer au seinde son propreparti la rsis-tance aux me-sures, mmeles plus mo-destes, n-c e s s a i r e spour assainirles nancespubliques.

faut-il le prciser, cette force onusiennenaura pas pour mission la lutte antiterro-riste. Elle devra juste contribuer stabili-ser les centres urbains, particulirementdans le nord du Mali, et empcher un re-tour dlments arms dans la zone. Avecla possibilit de faire appel, en cas de dan-ger grave, la France, qui sera toujours pr-sente sur le thtre des oprations avec uneectif rduit un millier de combat-tants n 2013, comme le prvoit le calen-drier de retrait.

Confront aux mauvais vents des aairesdomestiques, Franois Hollande peut se fli-citer de ratisser large au Palais-Bourbon poursa guerre au Mali. Maigre consolation, maisconsolation tout de mme, qui vaut sonpesant de rconfort un prsident dont lemoral est aujourdhui plus bas que terre.

Alain Saint Robespierre

A la une

Franois Hollande a fait dj coulerbeaucoup dencre ltranger, depuisson lection, il y a un an (en haut, gauche). Ds le mois daot, la presse allemande sest tonne de son immobilisme sur le frontconomique ( droite). Puis, en janvier (en bas, gauche)lintervention au Mali a contribu redorer son image ( droite).Ctait avant son coup de pompe...

E

Franois Hollande. Dessin de Hajo de Reijger (Pays-Bas) pour Courrier international.

Sakartvelo da Msoplio Tbilissi

Il y a trente ans, les Gorgiens parti-cipaient, au sein de larme sovi-tique, la guerre en Afghanistan. Lessoldats qui sont revenus se souviennent dela technique mortelle utilise par les mou -djahidin afghans: le soldat qui eeurait lel mtallique camou reli une mineexplosait, pulvris. Depuis les lections du1er octobre 2012, le nouveau gouvernement[prsid par le milliardaire Bidzina Ivanichvili]doit se frayer un chemin travers le champde mines laiss par le douchmane* Saakach -vili et son Mouvement national uni (MNU).

La mine la plus dangereuse se trouvedans les tribunaux: les magistrats ont t[et demeurent] des excutants zls desinjonctions du rgime de Saakachvili. Leslecteurs qui attendent impatiemment lertablissement de la justice [promessephare dIvanichvili] sont quasi quotidien-nement tmoins de cas o les juges, deve-nus soudainement humains, relchent

des huiles du Mouvement national uni[arrtes par le nouveau pouvoir].

Lautre mine, ce sont les universits. Aprsla rvolution des roses de novembre2003,le MNU a plac tous les tablissementsdenseignement suprieur sous son contrlele plus troit. En neuf ans, le MNU a russi forger une arme de nobolcheviques etde commissaires politiques. Luniversit at transforme en un laboratoire idolo-gique du rgime, et le MNU nest pas prsde lcher ce ef. La tlvision reste gale-ment aux mains de lancien pouvoir. Leschanes de lancienne opposition nont nilenvergure, ni les moyens de concurren-cer les chanes contrles par le MNU. Cestpourquoi les crans gorgiens continuentdacher longueur de journe les visagesbien connus des nationaux [membres duMNU] qui dnoncent les erreurs et lescrimes du nouveau gouvernement.

Le business est aussi une mine. Un ami,expropri de son entreprise lpoque deSaakachvili, a dpos une plainte au minis-

tre de la Justice Elle porte le numro11200! Les mines du MNU jonchent lesadministrations rgionales et locales, lesmarchs publics Le monopole du pouvoir,qui a dur neuf ans, a pris des formes si per-nicieuses que le nouveau gouvernement naque trs peu de marge de manuvre face ces [milliers] de cordelettes invisibles.

Des mines sont caches dans les rso-lutions adoptes par lancien Parlement:parmi celles-ci, la reconnaissance [en 2011]par la Gorgie du gnocide du peupletcherkesse**. Si quelquun croit que cetacte nous venge de la reconnaissance parMoscou, en 2008, de lindpendance delOsstie du Sud et de lAbkhazie [rgionsscessionnistes de Gorgie], il se montetout seul le bourrichon.

Que nous est-il pass par la tte lorsquenous avons voulu disputer aux Tcherkessesleur droit de traiter de leurs problmes direc-tement avec la Russie? Le seul domaine ole douchmane en chef ne peut poser de mines,cest le champ de nos relations avec la Russie.Car depuis plusieurs annes il sest rduit un sentier fort troit pour lancien pou-voir. Do le dchanement hystrique contrela tourne moscovite de lensemble de dansefolklorique gorgienne Erissioni [accus detrahison par certains mdias].

La Gorgie a beaucoup appris, sesdpens, ces dernires annes. Dsormais,elle naccordera plus aussi incondition-nellement ni son amiti, ni son animosit.Lide de construire un nouveau totalita-risme sous lgide de la dmocratie nestpas ne dans la tte de Mikhel Saakachvili,mais les Gorgiens en ont plus quassezdes donneurs de leons, des copains occi-dentaux et de leur pratique du deux poidsdeux mesures. Ce dont notre pays a besoincomme de lair, cest de succs. Et passeulement dans les domaines conomiqueet social. Pour analyser tous ces problmes,les rgler, prendre des dcisions rchies,le chemin sera long et complexe.

Nana Devdariani

* Mot dorigine persane utilis par les soldatssovitiques pour dsigner les moudjahidin.** Peuple du Caucase qui a pay un lourd tributaux guerres expansionnistes de lEmpire russe au XIXe sicle.

SAKARTVELO DA MSOPLIOTbilissi, GorgieHebdomadaire, 3000 ex.www.geworld.ge Cr en 2009, lhebdomadaire gnralistetrilingue russe, gorgien et anglais La Gorgie et le monde sest x pourobjectif decrer une brche dans le blocusmdiatique orchestr par le gouvernementde Mikhel Saakachvili aprs la guerrerusso-gorgienne daot 2008.

SOURCE

Europe ..........16Amriques .......19Asie ............22Moyen-Orient ....24Afrique .........26

Gorgie. Le champde mines laiss par Saakachvili

Dans une diatribe contre le prsident gorgien, ce quotidien de Tbilissi numre les secteurs que le nouveau gouvernement doit encore dminer pour reprendre la main sur la vie publique.

duncontinent lautre.europe

16. Courrier international no 1174 du 2 au 9 mai 2013

Mikhel Saakachvili.Sur le dossier : fauteuil

prsidentiel. Dessin de Iolkine, Moscou.

FOCUS

EUROPE.Courrier international no 1174 du 2 au 9 mai 2013 17

Georgia Times Moscou

Si lon demande un tranger quiconnat un peu la Gorgie ce qui acaractris les quipes du prsidentMikhelSaakachvili, il y a de grandes chancespour quil rponde: lge des responsables.Et en eet ses mandats ont t marqus parlarrive de jeunes bleus, qui semblaienttre passs tout droit des amphis des meilleurstablissements occidentaux aux fauteuilsdes cabinets ministriels gorgiens. Le pr-sident estimait que la vie publique avaitbesoin de sang neuf. La suite a t plusclassique, puisque les nouveaux arrivantsont fait embaucher des proches, souventdailleurs membres de leur famille. Cestainsi que sest bti un systme scind entreles ntres et les autres.

La Gorgie est depuis longtemps un paysde rseaux et de piston. La nomination deproches parents, de neveux et damis y atoujours t la norme. On y recrutait lespersonnes que lon connaissait, malgr leurventuel manque dexprience ou leurincomptence. Cette rgle sest tendue la haute administration, o presque toutle monde, ministre compris, a d son posteau fait dtre un jeune de lentourage.MikhelSaakachvili avait dclar avec forceque les plus de 35ans en tout tat de causeles plus de 40ans ntaient plus bons rien.Jets aux oubliettes de lHistoire, ils navaientpas leur place dans le nouveau gouvernement,pas plus que dans la vie publique. Cela avaitprovoqu de nombreuses dpressions. Desgens qui, des annes durant, avaient acquisdes connaissances, accumul de lexprience,qui taient devenus dexcellents profession-nels, taient soudain dcrts inutiles pourleur pays.Et pour cause : ils avaient grandi lpoque sovitique et le prsident, format loccidentale, caressait le rve de mettre sonpays sur des rails europens, abandonnantles voies rouilles de lURSS.

Cest ainsi que les ministres se sont peu-pls de jeunes ministres, arrivs l par rela-tions familiales ou amicales. Les personnesges (le seuil de la vieillesse ayant donc tx 40ans) ont littralement disparu dusecteur priv comme du secteur public. DanslAzerbadjan voisin, en2006 et2007, on taitociellement class dans la catgorie jeunejusqu 40ans inclus, mais ctait l un autre

extrme. Le nouveau gouvernement [issusdes lgislatives doctobre2012, remportespar le parti dopposition Rve gorgien] alaiss esprer la n de ces pratiques, maispour linstant rien ne semble avoir chang.Cela suscite la colre des militants du Rvegorgien, qui attendent du travail et notentchaque jour que les emplois vacants sontattribus des proches de responsables enplace. Toutefois, les jeunes ne sont plus lesseuls tre admis diriger dsormais, ceserait mme plutt linverse. Voici ce quarpliqu le gamgebeli [chef de ladministra-tion locale] de Mestia, KakhaJorjoliani, lors-quil a t accus de npotisme pour avoirrecrut son neveu: Mon neveu aurait-il inter-diction de travailler? Quaurais-je d faire, votre avis? Il a pass des annes au chmage.

Ostracisme. Certes, cest dans le mondeentier que recommandations et rseaux per-sonnels sont dun grand secours. La Gorgiene fait pas exception. Mais le npotisme estun problme dun autre ordre, qui demande tre analys plus en dtail. En Gorgie,tout service public est tenu de publier la listede lensemble des postes pourvoir sur unsite Internet ddi. Cependant, comme ledplore Mariam Oragvelidze, une habitantede Tbilissi, si lon ne connat aucun respon-sable, on na pas la moindre chance dtre recrut.Cest pour cela que les jeunes partent chercherdu travail ltranger.

Les jeunes ne sont pas les seuls tredus, la gnration prcdente lest toutautant. Ces neuf dernires annes, ceux quine souscrivaient pas lidologie domi-nante navaient aucune chance de trouverun travail. Lostracisme touchait jusquauxmembres des familles de ceux qui avaient,ne serait-ce quune fois, particip aux mani-festations de lopposition. En outre, pourobtenir un emploi, il fallait imprativementconnatre langlais et avoir au moins deux troisans dexprience.

IngaImnadze, au chmage, tmoigne: Jai47ans. Jai toujours t fonctionnaire, sauf ceshuit dernires annes, au cours desquelles mesopinions politiques mont prive de poste. A pr-sent, je me sens inutile. Toute notre gnrationest anantie par cette politique publique. Malgrtout, je tche de garder espoir. Je trouverai peut-tre quelque chose dans le secteur priv.

Nato Velia

Y a-t-il une vie aprs quarante ans?Toute une gnration dans la force de lge a t mise sur le carreaupar le jeunisme forcen de lre Saakachvili et le npotisme. Ce dernier semble toujours de mise sous le nouveau gouvernement.

ABKHAZIE*

Bases militaires russes

Etat membrede lOtan

* Rpubliques autoproclames, indpendantes de facto,et reconnues seulement par six Etats.

G r a n d C a u c a s e

OSSTIEDU SUD*

MERNOIRE

MERCASPIENNE

100 km

GORGIE

ARMNIETURQUIE

FDRATION DE RUSSIE

AZERBADJAN

Tbilissi

Bakou

Soukhoumi

Sotchi

TCHTCHNIE

OSSTIEDU NORD

TskhinvaliTskhinvaliTskhinvali

COUR

RIER

INTE

RNAT

ION

AL

UNE DMOCRATIE CHAOTIQUE1991 La Gorgie, rpubliquesovitique, proclame son indpendance.1992 Le prsident nationaliste ZviadGamsakhourdia est renvers par uncoup dEtat. Edouard Chevardnadze,ex-ministre des Aaires trangresdURSS, prend les rnes du pouvoir.1992-1994 Guerre civile en Abkhazie, rgion sparatiste.1995 Chevardnadze est luprsident, puis rlu en 2000.2003 Rvolution des roses: la contestation massive des rsultatsdes lections lgislatives porte au pouvoir Mikhel Saakachvili, ancien ministre de la Justice, ferventdmocrate form en Occident.2004 Elu avec 96% des voix,Saakachvili devient, 35ans, le plus jeune prsident dEurope.2008 Llection prsidentielleanticipe, organise la suite de violentes manifestationsantigouvernementales n 2007,renouvelle le mandat prsidentiel de Saakachvili avec 53% des voix. Une attaque lance par Tbilissi pour rtablir lordre constitutionnelen Osstie du Sud, autre rgionsparatiste, provoque lintervention de la Russie et la reconnaissance par Moscou de lindpendance de lOsstie du Sud et de lAbkhazie.2012 Victoire de la coalitiondopposition Rve gorgien aux lgislatives doctobre. Son prsident, le milliardaire BidzinaIvanichvili, devient Premier ministre.2013 Corruption, npotisme,mensonges concernant la guerre de 2008: Mikhel Saakachvili fait face de graves accusations de la part du Parlement et voit ses prrogativesprsidentielles rognesprogressivement.

Contexte

Situation

ChronologieGNRAL DOPRETTECest un grand jour pour lavenir de la Gorgie. Nous devons revenir dansle sein de lEurope dmocratique aprsavoir consqu Saakachvili la botedallumettes avec laquelle il voulaitmettre le feu notre pays. Cest ainsique le dput Levan Berdzenichvili, un des tnors de la coalition Rvegorgien, gagnante des lgislatives de 2012, a ragi ladoption par leParlement, le 21mars, damendementsconstitutionnels rduisantconsidrablement les pouvoirs duprsident, notamment sa prrogativede limoger le gouvernement. Une vritable dpossession desouverainet pour Saakachvili [],rduit dnitivement au statut degnral doprette, fait observerlexpert gorgien Malkhaz Tchatchava dans le quotidien russe Kommersant.Mikhel Saakachvili a bti sa rputationsur son programme de lutte sans mercicontre la corruption. Le voiciaujourdhui pris la main dans le sac. Le Parlement a rendu publics des documents sur son train de vie et ses dpenses personnelles: cure damaigrissement en Europe 70000dollars, rveillon du nouvelan Duba 140000dollars, bijouxoerts ses conqutes fminines le tout nanc sur le budget du pays.La manifestation des partisans du MNUde Mikhel Saakachvili na rassembl, le 19avril, que 10000personnes. Le hraut de la rvolution des rosessaura-t-il rebondir ? Ou llectionprsidentielle doctobre2013 mettra-t-elle un terme dnitif sa carrire politique?

EUROPE

El Pas (extraits) Madrid

Loshoring technologique,qui a connu son heure degloire il y a quelques anneset consistait dlocaliser les cen -tres dassistance tlphonique etde dveloppement de logiciels ltranger, fait dsormais partie delHistoire. La tendance sest inver-se et cest maintenant linshoringqui domine, avec le retour des acti-vits dans le pays dorigine. Elle seconrme aux Etats-Unis, en Europe,notamment en Espagne, o, depuisun an, les oprateurs de tlcom-munications et les socits dex-ternalisation rapatrient des activitsparties en Amrique latine.

Accents trangers. Telefnica[loprateur historique espagnol]a t pionnire au dbut de lan-ne dernire en annonant que lesservices dassistance destins saclientle espagnole seraient dsor-mais traits exclusivement par descentres dappels locaux. Avec cetteinitiative, elle espre amliorer sarelation client et enrayer lhmor-ragie vers la concurrence. Pourlheure, elle a relocalis 50% deses services de tlassistance. Noussouhaitons parvenir 100% dici la n de lanne, souligne un porte-parole de la socit.

Pour atteindre son objectif,Telefnica, qui dispose de 26cen -tres dappels pour un eectif de20000salaris, agrandit ses pla-teformes existantes et en ouvrede nouvelles. En dcembre der-nier, elle a ainsi inaugur LasPalmas [aux les Canaries] uncentre qui emploiera 1000per-sonnes, et elle a augment sonpersonnel La Corogne [en Galice,nord-ouest du pays]. Dautres op-rateurs lui ont embot le pas. Fin2012, Jazztel, qui sous-traite sesappels au Chili et en Colombie, aouvert Guadalajara [centre delEspagne] son premier serviceclient espagnol, fort de 335sala-ris. En misant sur le site deGuadalajara, nous voulons montrerque nous sommes sensibles la situa-tion du march du travail, sou-ligne son PDG, Jos Miguel Garca.

Vodafone, qui a entrepris unedmarche similaire, avance le mmeargument: Nous relocalisons noscentres du Chili et de Panam an desoutenir lemploi en Espagne, et noustraitons actuellement 55% des appelsde service client depuis lEspagne.

La guerre que se livrent les op-rateurs face la stagnation de laclientle et la complexit crois-sante des produits quils commer-cialisent ou dont ils assurent le suivi(Internet, tlphones intelligents,

tablettes, tlviseurs,etc.) les oblige renforcer leurs services dassis-tance, cl de vote de la dlisa-tion. Le problme ne tient pas tantaux accents trangers, qui ne dran-gent pas vraiment le client, qu ladistance culturelle et gographique,qui complique singulirement larsolution des problmes, expliqueJorge Hurtado, de la socit Inter -active Intelligence. Ce qui, en soi,engendre un surcot puisque, fautedavoir pu donner satisfaction lutilisateur ds le premier appel,il faut le rappeler.

Question de rputation. Uneautre raison tient au resserrementdes carts salariaux entre lEspagneet lAmrique latine. Il y a dix ans,la dirence tait assez signica-tive pour justier les dlocalisa-tions, mais depuis que les salairesont grimp en che en Amriquelatine alors quils baissent enEspagne, elle sest estompe.

La mme chose vaut pour lessocits dexternalisation techno -logique, qui trouvent de moins enmoins davantages sous-traiterleurs services en Amrique latine.Dans le secteur de loutsourcinginformatique, qui emploie quelque130000personnes (dont 73% dediplms), les salaires moyensont commenc diminuer en 2010et sont aujourdhui au plus bas.

Il y a quelques annes, un jeuneingnieur dbutait sa carrireprofessionnelle 25000eurospar an. Il est aujourdhui embau-ch 15000euros, cone MartiConcustell, directeur des appli-cations chez Tecnocom. Tout celaexplique qu mesure que le cotdu travail diminue en Espagne, lesentreprises du secteur sont moinsnombreuses et donnent davantagede travail aux centres espagnols,souligne Ricardo Penalva, delAssociation espagnole des cabi-nets-conseils (AEC). On ne sau-rait par ailleurs sous-estimer lesquestions dimage, dcisives ences temps de crise. Tout commeles oprateurs vendent leur capa-cit pour