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LE PHENOMENE DISPENSATOIRE EN EPS PAR Y.-M. RAUT LA DISPENSE Alors que de nouveaux textes rela- tifs à la dispense en EPS viennent de paraître, les deux articles qui suivent traitent d'aspects diffé- rents mais complémentaires de ce phénomène. Le premier aborde les problèmes posés par la dispense en EPS en s'appuyant sur une réflexion théo- rique illustrée par une analyse sta- tistique de cette réalité. Le second relate l'expérience de deux enseignants d'EPS et montre comment concrètement on peut lutter contre l'exclusion des dis- pensés du cours d'EPS. Face aux efforts de réflexion didacti- que et aux recherches d'expérimenta- tions pédagogiques valides, dans un souci d'identification et de formulation des contenus d'enseignement en EPS et de leur mise en oeuvre, appréhender le mode d'existence de la discipline dans le système scolaire peut apparaître comme un regrettable retour sur l'his- toire de l'institutionnalisation de l'EPS à l'école. Pourtant, le souci nécessaire de scienti- ficité et d'efficacité pédagogique ne doit pas occulter une instabilité institu- tionnelle sous-jacente de l'EPS. Si dans l'ensemble des cursus de for- mation de l'enseignement secondaire, l'obligation de pratique de l'EPS est, fort heureusement, depuis longtemps officialisée, celle-ci demeure néan- moins l'unique discipline scolaire per- mettant à l'élève de se soustraire légi- timement à une séance d'enseigne- ment, et ce par l'intermédiaire de la dispense. Situation d'exclusivité qui doit inévitablement interpeller l'en- semble des enseignants concernés par le devenir de l'EPS à l'école. L'EPS SOUS INFLUENCES Pédagogues et médecins : à la conquête de l'EPS (1) Si aujourd'hui, la responsabilité de l'EPS demeure affaire d'enseignants dans une struc- ture déterminée, l'institution scolaire, ce monopole ne résulte en fait que d'une lutte d'appropriation du corps de l'élève entre médecins et pédagogues. Lutte de compé- tence qui n'a cessé de jalonner l'évolution de l'EPS : les uns répondant à des visées hygié- niques, « ... leurs connaissances scientifiques les rendant seuls capables d'apprécier les effets de l'activité physique sur l'orga- nisme » (2), les autres jugeant cette emprise étrangère et illégitime, et argumentant l'ur- gence absolue et impérieuse d'en référer à la pratique pédagogique, l'EPS ne pouvant seu- lement se réduire à des discours d'ordre médical, relatifs aux notions de santé. Rapports ambigus qui devront une clarifica- tion à l'importance progressivement accordée à l'EPS dans le système scolaire. Les deux modes d'approche se distinguant dès lors, suite à la mise en place de formations d'ensei- gnants et le recours à des champs scientifiques autres que strictement médical. Le certificat médical : intermédiaire obligé Pourtant, malgré une responsabilité désormais précisée, le médecin demeure une nécessité, voire même un passage obligé. L'EPS inter- venant sur l'élève, spécifiquement par son corps, celui-ci doit répondre à des critères d'aptitude et doit être enmesurede justifier, par le certificat médical, de l'autorisation ou de l'interdiction formelle du médecin de pratiquer. C'est cette évaluation médicale interdisant à l'élève une pratique de l'EPS qui fait ici l'objet d'une étude critique. La dispense, « faveur qui désignerait l'acte autorisé qui permet de se soustraire à une règle établie » (3) reste pour l'enseignant d'EPS une exclusivité dont nulle autre disci- pline ne peut se féliciter. Signe tangible d'une instabilité institution- nelle, conséquence d'une histoire marquée par une lutte symbolique de pouvoir, ou prise de conscience d'une soumission hiérarchique, il faut admettre que l'enseignant manifeste une certaine méfiance face à la dispense ; d'autant que le recours au médecin, d'emblée, la légitime. Affirmer que les dispenses sont toutes valides et ne demandent aucune étude critique serait, nous semble-t-il, entretenir un leurre collectif et offrir une excellente occasion de passer sous silence un ensemble de réalités discuta- bles. Nulle intention, pour notre part, de formuler d'éventuels reproches à rencontre du monde médical quant au mode de délivrance des dispenses, tendant à vouloir renforcer l'image de marque de l'EPS et de la corporation enseignante. Mais bien au contraire la volonté demettreà jour quelques éléments permettant d'accorder à la dispense médicale une pleine crédibilité et donc une valeur éducative, notamment par son adaptation aux contextes de délivrance. La dispense devenant dès lors utile à l'enseignant et en définitive à l'élève. LES DISPENSES MÉDICALES : QUELLES RÉALITÉS ? Pour mieux cerner la réalité du phénomène dispensatoire en EPS, nous avons réalisé une étude statistique dont les résultats principaux sont présentés ici. 22 Revue EP.S n°231 Septembre-Octobre 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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LE PHENOMENE DISPENSATOIRE EN EPS

P A R Y . - M . R A U T

LA DISPENSE Alors que de nouveaux textes rela­tifs à la dispense en EPS viennent d e paraître, les deux articles qui suivent traitent d 'aspects diffé­rents mais complémentaires de ce phénomène. Le premier aborde les problèmes posés par la dispense en EPS en s'appuyant sur une réflexion théo­rique illustrée par une analyse sta­t istique d e cet te réalité. Le second relate l'expérience de deux enseignants d 'EPS et montre c o m m e n t concrètement on peut lutter contre l'exclusion des dis­pensés du cours d'EPS.

Face aux efforts de réflexion didacti­que et aux recherches d'expérimenta­tions pédagogiques valides, dans un souci d'identification et de formulation des contenus d'enseignement en EPS et de leur mise en œuvre, appréhender le mode d'existence de la discipline dans le système scolaire peut apparaître comme un regrettable retour sur l'his­toire de l'institutionnalisation de l'EPS à l'école. Pourtant, le souci nécessaire de scienti-ficité et d'efficacité pédagogique ne doit pas occulter une instabilité institu­tionnelle sous-jacente de l'EPS. Si dans l'ensemble des cursus de for­mation de l'enseignement secondaire, l'obligation de pratique de l'EPS est, fort heureusement, depuis longtemps officialisée, celle-ci demeure néan­moins l'unique discipline scolaire per­mettant à l'élève de se soustraire légi­timement à une séance d'enseigne­ment, et ce par l'intermédiaire de la dispense. Situation d'exclusivité qui doit inévitablement interpeller l'en­semble des enseignants concernés par le devenir de l'EPS à l'école.

L'EPS SOUS INFLUENCES

Pédagogues et médecins : à la conquête de l'EPS (1)

Si aujourd'hui, la responsabilité de l'EPS demeure affaire d'enseignants dans une struc­ture déterminée, l'institution scolaire, ce monopole ne résulte en fait que d'une lutte d'appropriation du corps de l'élève entre médecins et pédagogues. Lutte de compé­tence qui n'a cessé de jalonner l'évolution de l'EPS : les uns répondant à des visées hygié­niques, « ... leurs connaissances scientifiques les rendant seuls capables d'apprécier les effets de l'activité physique sur l'orga­nisme » (2), les autres jugeant cette emprise étrangère et illégitime, et argumentant l'ur­gence absolue et impérieuse d'en référer à la pratique pédagogique, l'EPS ne pouvant seu­lement se réduire à des discours d'ordre médical, relatifs aux notions de santé. Rapports ambigus qui devront une clarifica­tion à l'importance progressivement accordée à l'EPS dans le système scolaire. Les deux modes d'approche se distinguant dès lors, suite à la mise en place de formations d'ensei­gnants et le recours à des champs scientifiques autres que strictement médical.

Le certificat médical : intermédiaire obligé

Pourtant, malgré une responsabilité désormais précisée, le médecin demeure une nécessité, voire même un passage obligé. L'EPS inter­venant sur l'élève, spécifiquement par son corps, celui-ci doit répondre à des critères d'aptitude et doit être en mesure de justifier, par le certificat médical, de l'autorisation ou de l'interdiction formelle du médecin de pratiquer. C'est cette évaluation médicale

interdisant à l'élève une pratique de l'EPS qui fait ici l'objet d'une étude critique. La dispense, « faveur qui désignerait l'acte autorisé qui permet de se soustraire à une règle établie » (3) reste pour l'enseignant d'EPS une exclusivité dont nulle autre disci­pline ne peut se féliciter. Signe tangible d'une instabilité institution­nelle, conséquence d'une histoire marquée par une lutte symbolique de pouvoir, ou prise de conscience d'une soumission hiérarchique, il faut admettre que l'enseignant manifeste une certaine méfiance face à la dispense ; d'autant que le recours au médecin, d'emblée, la légitime. Affirmer que les dispenses sont toutes valides et ne demandent aucune étude critique serait, nous semble-t-il, entretenir un leurre collectif et offrir une excellente occasion de passer sous silence un ensemble de réalités discuta­bles. Nulle intention, pour notre part, de formuler d'éventuels reproches à rencontre du monde médical quant au mode de délivrance des dispenses, tendant à vouloir renforcer l'image de marque de l'EPS et de la corporation enseignante. Mais bien au contraire la volonté de mettre à jour quelques éléments permettant d'accorder à la dispense médicale une pleine crédibilité et donc une valeur éducative, notamment par son adaptation aux contextes de délivrance. La dispense devenant dès lors utile à l'enseignant et en définitive à l'élève.

LES DISPENSES MÉDICALES : QUELLES RÉALITÉS ? Pour mieux cerner la réalité du phénomène dispensatoire en EPS, nous avons réalisé une étude statistique dont les résultats principaux sont présentés ici.

22 Revue EP.S n°231 Septembre-Octobre 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

Page 2: LE PHENOMENE DISPENSATOIRE EN EPS - …uv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70231-22.pdf · l'obligation de pratique l'EP de S est, ... sous silence un ensemble de réalités

Problématique

L'objectif était de déterminer certains aspects des dispenses médicales : - leur importance, leurs effets, - les caractéristiques des élèves dispensés, - l'utilité des dispenses médicales, pour tenter de savoir si, en définitive, elles ne seraient pas un analyseur de l'EPS et de ses rapports avec le monde médical. Remarque : la nécessaire délimitation de l'ob­jet d'étude nous a conduits à l'abandon des certificats médicaux d'un effet supérieur à un mois.

Procédure expérimentale

L'étude a porté sur une population de 5 048 élèves d'établissements du second degré choi­sis dans des zones géographiques variées. Le temps d'exercice ayant été arrêté à une année scolaire. Le recueil des données a consisté en une collecte trimestrielle des dispenses médi­cales relevées par l'enseignant.

Analyse des données

D'évidence la dispense d'une valeur d'une à quatre semaines est dans la plupart des cas, l'objet d'une dispense parentale, préférée au certificat médical, et ceci quel que soit le cycle d'enseignement. A cela, la raison est simple : la facilité l'emportant bien souvent chez les parents, d'autant que plus la dispense est brève, moins il semble nécessaire et donc opportun de la légitimer par le recours au médecin. Ceci se confirmant par l'analyse de leurs effets puisque 100 % des dispenses parentales n'excèdent pas une semaine. Remarquons d'ailleurs également que c'est en lycée que la durée de validité des certificats médicaux est la plus longue.

Pourtant, cette tendance à se suffire de la dispense parentale s'infléchit dès lors que l'on s'adresse au lycée. Si en collège 85 % des dispenses sont parentales, seulement 73,5 % le sont en lycée. Il semblerait ainsi qu'en second cycle, l'élève ressente davantage la nécessité d'officialiser son incapacité de pra­tique (tableau 1). D'autre part, dans chaque cycle d'enseigne­ment, cette tendance à recourir plus rarement au médecin varie selon le sexe de l'élève. Si en collège c'est l'élève fille qui sollicite davantage la voie médicale (17,3 % contre 12,7 % ) , en lycée se produit une inversion des rôles (20 % contre 30,7 % pour le garçon) (tableau 2).

Toujours est-il que la dispense qui choisit d'emprunter la voie médicale est bien sou­vent, déjà par sa présentation par l'élève à l'enseignant, en mesure de justifier la non-pratique. Présentation qui parfois fait oublier

une lecture critique de son contenu manifeste puisque revêtant valeur d'autorité. Etonnons-nous néanmoins que sur l'ensemble du secondaire, 28 % des dispenses ne soient pas explicitement motivées. Ceci étant parti­culièrement caractéristique des certificats médicaux : 51,6 % d'entre eux ne renseignent aucunement l'enseignant sur la nature du handicap. Cet état de fait prend plus d'impor­tance en lycée : 53,3 % (tableau 3). D'autre part, dans chacun des cycles d'enseignement, c'est prioritairement aux élèves filles que sont délivrés ces certificats médicaux non motivés. Dans un souci de synthèse, il importe de répertorier nos conclusions comme autant d'informations indiciaires à disposition des enseignants et médecins. Rappelons donc que les dispenses médicales sont plus nombreuses en lycée qu'en collège, qu'elles y interdisent plus longtemps la pratique, et qu'elles y sont moins motivées, notamment quand elles s'adressent au public féminin.

POUR UNE COMPLÉMENTARITÉ AU SERVICE DE L'ÉLÈVE

Au regard de ces analyses et de par notre confrontation quotidienne au phénomène dis-pensatoire, il nous importait de susciter une certaine réflexion sur d'éventuels éléments de remédiation possibles face à cette utilisation trop souvent inopportune de la dispense médicale. Jugement de valeur qui ne se fonde aucunement sur un doute de leur validité mais sur un sentiment d'inadaptation, voire d'ina­déquation de la dispense avec la réalité de l'EPS.

Connaissance et application des textes officiels Il semble que ce phénomène dispensatoire ait alerté l'institution scolaire, puisque s'est des­sinée la volonté de le contrôler plus efficace­ment (4) et apparaît le souhait d'y associer l'ensemble des responsables éducatifs (5). Préoccupations se soldant par l'arrêté du 13 septembre 1989 relatif au «contrôle médical des inaptitudes à la pratique de l'édu­cation physique et sportive dans les établis­sements d'enseignement » (6). Le respect de celui-ci, sous réserve d'être porté à la connaissance des médecins et des ensei­gnants, devrait être en mesure de limiter cette pratique et de pallier certains manques relevés dans notre enquête. Il a pour effets principaux d'adresser des consignes précises : - d'une part, aux médecins : quant au mode de délivrance des certificats médicaux d'inapti­tude. Il y est rappelé l'entière compatibilité entre le secret médical et l'opportunité d'y faire figurer « toutes indications utiles permet­tant d'adapter la pratique de l'EPS aux possi­bilités de l'élève » (article premier). - d'autre part, à l'institution scolaire et aux responsables éducatifs : la dispense médicale ne doit pas illustrer une simple relation bipo­laire entre médecins et enseignants médiée par l'élève, mais devenir le point central de préoccupations convergentes. Enfin, l'ensei­gnant d'EPS, auparavant conçu implicitement comme destinataire de la dispense, se voit octroyer la possibilité d'intervenir sur celle-ci (article 3).

Tableau 1

Tableau 3 I 1 Certificats médicaux ou dispenses parentales non motivés I Certificats médicaux ou dispenses parentales motivés

Tableau 2

CM. : Certificai médical D.P. : Dispense parentale

EPS N° 231 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1991 23 Revue EP.S n°231 Septembre-Octobre 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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LA DISPENSE Approche critique de la réalité de l'EPS et de son objet Il est urgent que l'EPS affiche ses intentions formatrices et sa profonde mutation face à des méthodes ancestrales que beaucoup croient encore en vigueur. Soucieuse d'une diversifi­cation des activités pratiquées (activités à dominantes bioénergétiques, bioinformation­nelles, expressives...), et poursuivant des in­tentions psycho-socio-affectives, motrices, cognitives, elle ne peut désormais tolérer aveuglément des dispenses totales ou partiel­les. Le discours médical qui pouvait interdire une pratique physique ou sportive, ne peut plus suffire à évincer un élève d'un contexte de formation. La condition « sine qua non » d'une dispense adaptée, résidera dans sa capacité à s'insérer et se situer dans un programme de formation. Chaque dispense marquant son unicité à un moment donné, pour une activité donnée, pour un élève en particulier. Paramètres d'une dispense qui, même si d'aucuns les prétendent utopiques, nécessitent une triple connaissance de la vie de l'EPS, au plan local ; connais­sance qui passe par :

• Une délimitation du corps visé en EPS Même si enseignants et médecins affichent un même souci, l'élève, leurs objectifs ne sont cependant pas similaires. Si le médecin s'em­ploie, par son approche ponctuelle, à entrete­nir des notions de santé et donc de normalité, l'enseignant pour sa part, s'attache à la maîtrise corporelle par l'optimisation des possibilités d'adaptation de l'élève. Sans doute cette différence, ne facilite-t-elle pas une complémentarité. Néanmoins, le dispensateur doit s'efforcer de transmettre un document informant l'enseignant et l'élève de la nature du handicap par l'énoncé de motifs clairs. Ce document peut être alors double­ment utile. • à court terme : - il permet à l'enseignant d'apprécier le dia­gnostic au regard des objectifs pédagogiques fixés et de la démarche choisie. • à moyen terme : - il donne l'occasion à l'enseignant d'indivi­dualiser une reprise de la pratique de l'EPS. - il offre parfois des réponses à des difficultés ultérieures de réalisation rencontrées par l'élève. • Une clarification des contenus de forma­tion proposés Une programmation (7) et une planifica­tion (8) rigoureuses de ces contenus par l'en­seignant seraient en mesure d'informer utile­ment les partenaires concernés : élèves, mé­decins, parents. Rigueur passant par des ef­forts de cohérence et qui donnerait la possibi­lité de rompre avec le nombre important de dispenses non motivées. • L'identification et l'analyse de la logique interne des « APS vecteurs » utilisées en EPS (9) Une succincte familiarisation avec les res­sources ou les principaux types d'habiletés prioritairement sollicités dans chaque activité particulière semble nécessaire à toute pres­cription. Rares sont à notre sens, les handicaps

qui peuvent interdire toute pratique. Preuve en est l'aménagement d'épreuves d'EPS à l'in­tention des candidats handicapés (5). En toute logique, on peut supposer que cette nécessaire attitude critique des dispensateurs sera de plus en plus fréquente, par une sensibilisation accrue : mission qui pourrait être entre autre, assignée aux cursus spécialisés en médecine du sport.

• L'information de l'élève Il y a lieu de lui faire prendre conscience que la responsabilité de sa santé et de son corps lui appartient. A ces quelques remèdes, il importe pourtant d'ajouter la nécessité de rigueur quant à la pratique pédagogique, dans le souci de faire de l'EPS une discipline attrayante et utile. Car, faut-il le masquer, enseignants et métho­des déterminent souvent à eux seuls l'attitude de l'élève et de ses manifestations d'approba­tion ou de refus de l'EPS.

CONCLUSION

Le concept de corps déficient, alibi pour l'émergence d'une éducation physique obliga­toire au début du siècle, est devenu aujour­d'hui alibi pour une non-pratique. Aussi, il importe que chacun veille à ce que l'occasion privilégiée que représente la séance d'EPS pour une sollicitation motrice ne devienne pas trop facilement, un temps scolaire dont l'élève disposerait à sa guise. L'application des textes officiels soucieux d'imprimer un mouvement de sensibilisation autour de la dispense, associée à une mobilisa­tion constructive des partenaires éducatifs devrait permettre un contrôle accru de sa validité. Mais plus qu'un simple contrôle, la dispense doit s'efforcer d'être utile. Evidence qui passe d'une part par le souhait de ne plus la limiter à une simple interdiction ponctuelle, mais de l'inscrire dans une perspective forma­trice au service de l'élève, et d'autre part, par un effort de rigueur chez les praticiens véhicu­lant une image attrayante de l'EPS. Si la tolérance de la dispense reste entretenue, ne devrait-elle pas dès lors s'accompagner dans ce cas, de contre-indications à l'immobi­lisme corporel imposé par les autres discipli­nes scolaires, au moment même où le respect des rythmes biologiques fait l'objet de dis­cours officiels ?

Yves-Marie Raut Professeur d'EPS

Saint-Laurent-sur-Sèvre DESSIN : PHILIPPE OUTIN

(1) EPS : Education physique et sportive (2) M. Métoudi, G. Vigarello : « La Nature et l'air du temps » in travaux et recherches en EPS, INSEP 1980. (3) Définition dictionnaire Larousse. (4) Arrêté du 7 juillet 1983 relatif à l'organisation de l'épreuve obligatoire d'EPS aux examens des baccalauréats et des brevets de technicien. (5) Circulaire n° 80 444 du 20 octobre 1980 (BOEN n°38 du 10.10.80) appelant l'attention des chefs d'établissement sur la nécessité d'assurer un contrôle régulier de l'assiduité en EPS. (6) BOEN 26 octobre 1989 (n° 38) (7) Choix des contenus de formation à aborder. (8) Organisation logique des contenus dans le temps. (9) M. Delaunay : Rapport intermédiaire du Groupe Aca­démique d'Innovation Pédagogique (Académie de Nantes) (1988).

Face à l'élargissement actuel du concept de santé et la place qui lui est accordée dans les textes officiels depuis 1985, l'enseignant d'EPS doit non plus satisfaire aux procédures d'exclusion concernant les dispensés d'EPS mais au contraire chercher à intégrer à son cours ces adolescents jugés inaptes. Les procédures envisageables sont multi­ples, et adaptables au cas de chacun comme en témoigne la démarche sui­vante réalisée en collège par deux enseignants d'EPS.

Le cadre de notre démarche

Notre attitude générale vis-à-vis des dispenses en E.P.S. répond à une double volonté : d'une part, intégrer à notre enseignement la notion de Prévention Personnelle Active appelée, dès 1986, concept de « Santé active appartenant à la culture » . Le concept de santé a évolué depuis quelques années pour tendre vers la notion d'« avoir les moyens de tracer un cheminement personnel et original vers le bien-être physique, psychique et moral » (De-jours - 1985), et constitue une des grandes problématiques du traitement social de la santé. D'autre part, prendre en compte de multiples éléments tels que : - les objectifs de formation globale de l'ado­lescent attribués à l'EPS, en particulier la formation d'un être dans son entité (I.O. 1985). - les possibilités de valorisation et d'intégra­tion de tous les adolescents par et grâce à notre discipline, - l'évolution de la conception du chemin de l'apprentissage et de l'association des adoles­cents aux tâches d'observation et d'évaluation et également, - l'intégration d'un objectif santé au titre des Instructions Officielles de 1985 et des circu­laires de 1986, 1987, 1988, relatives aux thèmes transversaux dont l'un est intitulé « santé-vie » . Dans ce contexte, il nous a paru intéressant d'étendre les démarches de restauration de l'image du corps entreprises dans notre col­lège depuis 1985 dans le cadre de Projets d'Actions Educatives (1). Nous avons donc décidé de ne plus exclure les dispensés du cours d'EPS mais de les y

UN CAS SINGULIER « Il apparaît que le type de démarche que nous avons mis en place permettrait de redonner aux élèves « handica­pés », par un problème physique ou physiologique, une image positive de leur corps. Un élève de troisième, en attente d'une greffe de rein, entre pleinement dans cette optique. Dans son cas, c'est une entorse due à un surcroît de fatigue qui nous a permis de prendre connaissance de ses problèmes rénaux, de la bouche de son professeur principal nous apprenant, sous forme de reproche, qu'il fallait ménager cet élève qui, cependant, refusait de l'être. Enfin donc, notre démarche permettrait-elle à ce type d'élève de reprendre confiance en son corps face aux camarades et aux enseignants qu'elle n'en serait que plus positive... ».

24 Revue EP.S n°231 Septembre-Octobre 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé