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À propos de la thèse de Denis Loizon A N A L Y S E DES PRATIQUES D'ENSEIGNEMENT DU JUDO : IDENTIFICATION DU SAVOIR TRANSMIS À TRAVERS LES VARIABLES DIDACTIQUES UTILISÉES PAR LES ENSEIGNANTS EN CLUB ET EN EPS PAR J . F GRÉHAIGNE D enis Loizon a construit sa thèse à partir de son expérience pro- fessionnelle et trouve le fonde- ment de ses interrogations dans ses rôles de professeur d'EPS et de profes- seur de judo. Cette recherche s'appuie fortement sur l'appareil conceptuel des recherches en didactique, portant sur les processus d'enseignement-appren- tissage, envisagées du côté des élèves. Mais, en utilisant cet appareil au niveau des enseignants, ce travail contribue de façon très significative au développement des recherches qui croisent aujourd'hui les perspectives sociologiques et didactiques. En ce sens, ce travail appartient pleinement au champ des sciences de l'éducation. Ce qui a fait dire à Guy Brousseau, un des prérapporteurs : « ce n'est pas le moindre des mérites de Denis Loizon que d'avoir pénétré comme il l'a fait les détails d'une théorie étrangère à l'origine à son domaine ». Cette recherche en didactique a pour objet de mettre en évidence les diffé- rents savoirs qu'enseignent les profes- seurs de judo en club et en EPS à partir de l'enregistrement vidéo de plusieurs séances d'enseignants chevronnés. L 'analyse des variables didac- tiques a été utilisée comme outil d'analyse et a permis de montrer que les savoirs techniques et straté- giques étaient au coeur des situations d'apprentissage et qu'ils étaient indis- sociables. La transmission d'autres savoirs dans les communications didactiques est également mise en évi- dence : réglementaire et sécuritaire, ainsi que culturel et éthique. La spéci- ficité de l'EPS apparaît avec l'ensei- gnement d'un savoir s'échauffer, arbi- trer ainsi que dans la transmission de savoirs méthodologiques (observer, évaluer, conseiller). Les entretiens post-séances ainsi que ceux ayant lieu plus tard ont révélé l'importance de quatre niveaux de « déjà-là » qui parti- cipent à la détermination des savoirs transmis par les enseignants. Ces « déjà-là » qualifiés de « filtres » ne constituent pas bien sûr les seuls déter- minants du processus décisionnel, mais il faut mieux les distinguer et mieux les comprendre afin d'envisager leur effet sur les décisions didactiques. C'est à partir de l'histoire personnelle en tant que judoka de chacun des ensei- gnants et avec la mise à jour du rapport singulier que chacun entretient avec l'activité judo, que le poids de l'expé- rience dans les décisions didactiques a pu être affirmé. C ette étude très rigoureuse sur le plan méthodologique, prend le risque, à mon sens réussi, de tra- vailler sur les pratiques enseignantes. Le travail d'analyse documentaire et de traitement des données déclaratives est complété ici d'un recueil de données portant sur des pratiques observées. Ce dernier aspect, encore trop rare dans les recherches portant sur les ensei- gnants, s'inscrit dans une démarche très actuelle sur le plan de la recherche en France comme à l'étranger. Le tra- vail théorique, très rigoureux et ambi- tieux, croise avec profit des références issues de l'ensemble des didactiques, mais aussi de la psychologie et de la sociologie. La maîtrise conceptuelle dont fait preuve Denis Loizon donne à son travail une assise remarquable et lui permet de proposer des concepts (tels que les « filtres ») qui entraînent des avancées scientifiques dans le domaine du rapport au savoir des enseignants. N éanmoins, le jury a regretté souvent que l'auteur s'en tienne à une analyse strictement des- criptive concernant la valorisation excessive du savoir technique qui méri- terait d'être davantage interprété dans une démarche à la fois compréhensive et explicative. La question du postulat de départ, sur l'homologie fondamen- tale entre les enseignants et les profes- seurs de clubs a suscité des discussions. Une certaine confusion, jamais vrai- ment traitée, entre un judo « activité de production de forme » et un judo « sport de combat » où il y a un vain- queur et un vaincu, a constitué une autre source de débat. Dans le même ordre d'idée, ce que pourrait être une autre conception de l'enseignement judo à l'école ou en club a été soulevée. Jean-Francis Gréhaigne Cette thèse de doctorat a été soutenue le 28 janvier 2004 à l'université de Tou- louse III Paul Sabatier. La mention très honorable avec les félicitations étant supprimée, elle a obtenu la mention très honorable à l'unanimité du jury composé de : Chantai Amade-Escot, professeure des universités, université Paul Sabatier, Toulouse III. Gilles Baillat, professeur des universités, IUFM de Reims (président et rappor- teur). Jean-Francis Gréhaigne, profes- seur des universités, IUFM de Besançon (rapporteur). André Terrisse, professeur des universités, IUFM Midi-Pyrénées, Toulouse III (directeur de thèse), Francis Trilles, maître de conférences, UFRSTAPS, université de Poitiers. EP.S № 317 - JANVIER-FÉVRIER 2006 71 Revue EP.S n°317 Janvier-Février 2006 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

Lséances d'enseignants chevronnés.uv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70317-71.pdf · LES VARIABLES DIDACTIQUES UTILISÉES PAR LES ENSEIGNANTS EN CLUB ET EN EPS

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À propos de la thèse de

Denis Loizon

A N A L Y S E

D E S P R A T I Q U E S

D ' E N S E I G N E M E N T

D U J U D O :

I D E N T I F I C A T I O N

D U S A V O I R

T R A N S M I S

À T R A V E R S

L E S V A R I A B L E S

D I D A C T I Q U E S

U T I L I S É E S P A R

L E S E N S E I G N A N T S

E N C L U B

E T E N E P S

PAR J . F G R É H A I G N E

Denis Loizon a construit sa thèse à partir de son expérience pro­fessionnelle et trouve le fonde­

ment de ses interrogations dans ses rôles de professeur d'EPS et de profes­seur de judo. Cette recherche s'appuie fortement sur l'appareil conceptuel des recherches en didactique, portant sur les processus d'enseignement-appren­tissage, envisagées du côté des élèves.

Mais, en util isant cet appareil au niveau des enseignants, ce travail contribue de façon très significative au développement des recherches qui croisent aujourd'hui les perspectives sociologiques et didactiques. En ce sens, ce travail appartient pleinement au champ des sciences de l'éducation. Ce qui a fait dire à Guy Brousseau, un des prérapporteurs : « ce n'est pas le moindre des mérites de Denis Loizon que d'avoir pénétré comme il l'a fait les détails d'une théorie étrangère à l'origine à son domaine ». Cette recherche en didactique a pour objet de mettre en évidence les diffé­rents savoirs qu'enseignent les profes­seurs de judo en club et en EPS à partir de l'enregistrement vidéo de plusieurs séances d'enseignants chevronnés.

L'analyse des variables didac­tiques a été utilisée comme outil d'analyse et a permis de montrer

que les savoirs techniques et straté­giques étaient au cœur des situations d'apprentissage et qu'ils étaient indis­sociables. La transmission d'autres savoirs dans les communicat ions didactiques est également mise en évi­dence : réglementaire et sécuritaire, ainsi que culturel et éthique. La spéci­ficité de l'EPS apparaît avec l'ensei­gnement d'un savoir s'échauffer, arbi­trer ainsi que dans la transmission de savoirs méthodologiques (observer, évaluer, conseiller). Les entretiens post-séances ainsi que ceux ayant lieu plus tard ont révélé l'importance de quatre niveaux de « déjà-là » qui parti­cipent à la détermination des savoirs transmis par les enseignants . Ces « déjà-là » qualifiés de « filtres » ne constituent pas bien sûr les seuls déter­minants du processus décisionnel, mais il faut mieux les distinguer et mieux les comprendre afin d'envisager leur effet sur les décisions didactiques. C'est à partir de l'histoire personnelle en tant que judoka de chacun des ensei­gnants et avec la mise à jour du rapport singulier que chacun entretient avec l'activité judo, que le poids de l'expé­rience dans les décisions didactiques a pu être affirmé.

Cette étude très rigoureuse sur le plan méthodologique, prend le risque, à mon sens réussi, de tra­

vailler sur les pratiques enseignantes. Le travail d'analyse documentaire et de

traitement des données déclaratives est complété ici d'un recueil de données portant sur des pratiques observées. Ce dernier aspect, encore trop rare dans les recherches portant sur les ensei­gnants, s'inscrit dans une démarche très actuelle sur le plan de la recherche en France comme à l'étranger. Le tra­vail théorique, très rigoureux et ambi­tieux, croise avec profit des références issues de l'ensemble des didactiques, mais aussi de la psychologie et de la sociologie. La maîtrise conceptuelle dont fait preuve Denis Loizon donne à son travail une assise remarquable et lui permet de proposer des concepts (tels que les « filtres ») qui entraînent des avancées scientifiques dans le domaine du rapport au savoir des enseignants.

Néanmoins, le jury a regretté souvent que l'auteur s'en tienne à une analyse strictement des­

criptive concernant la valorisation excessive du savoir technique qui méri­terait d'être davantage interprété dans une démarche à la fois compréhensive et explicative. La question du postulat de départ, sur l'homologie fondamen­tale entre les enseignants et les profes­seurs de clubs a suscité des discussions. Une certaine confusion, jamais vrai­ment traitée, entre un judo « activité de production de forme » et un judo « sport de combat » où il y a un vain­queur et un vaincu, a constitué une autre source de débat. Dans le même ordre d'idée, ce que pourrait être une autre conception de l'enseignement judo à l'école ou en club a été soulevée.

Jean-Francis Gréhaigne

Cette thèse de doctorat a été soutenue le 28 janvier 2004 à l'université de Tou­louse III Paul Sabatier. La mention très honorable avec les félicitations étant supprimée, elle a obtenu la mention très honorable à l'unanimité du jury composé de : Chantai Amade-Escot, professeure des universités, université Paul Sabatier, Toulouse III. Gilles Baillat, professeur des universités, IUFM de Reims (président et rappor­teur). Jean-Francis Gréhaigne, profes­seur des universités, IUFM de Besançon (rapporteur). André Terrisse, professeur des universités, IUFM Midi-Pyrénées, Toulouse III (directeur de thèse), Francis Trilles, maître de conférences, UFRSTAPS, université de Poitiers.

EP.S № 317 - JANVIER-FÉVRIER 2006 71 Revue EP.S n°317 Janvier-Février 2006 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé