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193 Thyroïde : fonction gonadique et grossesse CHAPITRE 16 Les hormones thyroïdiennes ont un rôle crucial dans le développement, la production énergétique, les acti- vités tissulaires. L'activité ovarienne, l'état du cycle menstruel, les capacités de reproduction, le déroule- ment des grossesses sont profondément influencés par l'état du fonctionnement thyroïdien [ 1 ]. En maintes circonstances, des troubles gynécolo- giques, une situation d'infertilité, des avortements s'avèrent révélateurs de dysthyroïdie [ 2, 3]. Des recommandations internationales ont aussi fixé les circonstances qui nécessitent de dépister des anomalies de la fonction thyroïdienne, avant un projet de grossesse, ou au début des grossesses. Elles ont aussi précisé les modalités d'adaptation des traitements des dysfonctions thyroïdiennes, et les conditions de surveillance des grossesses chez les patients atteints de maladie thyroïdienne [ 4]. Thyroïde et fonction gonadique Hyperthyroïdie Les états thyrotoxiques modifient l'activité ovarienne [ 2,3 ]. Chez les adolescents, un retard pubertaire est possible. Des anomalies menstruelles sont constatées chez environ 20 % des femmes adultes ( tableau 16.1 ). Leur prévalence est liée au degré d'hyperhormoné- mie thyroïdienne et au tabagisme. L'activité ovula- toire est ordinairement préservée. Cependant, une infertilité primaire ou secondaire est possible, esti- mée à 6 % dans la série de Joshi [ 5 ]. Par contraste, les modifications hormonales sont plus nettes ( tableau 16.2 ). Elles s'expliquent d'abord par une augmentation des concentrations circulantes de sex hormone binding protein (SHBG), marqueur sensible du degré d'imprégnation hormonale, du fait de l'aug- mentation de sa synthèse hépatique. L'augmentation de la SHBG explique l'accroissement des taux d'estra- diol et la réduction de sa clairance métabolique. De même, les taux de testostérone et d'androstènedione s'accroissent, ce qui coïncide avec une augmentation discrète de leur taux de production. L'aromatisation des androgènes en estrogène s'accroît, d'où une aug- mentation du rapport estradiol/testostérone dans l'hyperthyroïdie. Ce déséquilibre estroandrogénique explique la survenue possible de gynécomasties dans l'hyperthyroïdie masculine, parfois révélatrices. Les Jean-Louis Wemeau, Pascal Vaast Prévalence % Thyrotoxicose Études anciennes Spanioménorrhée 58 Irrégularités menstruelles 68 Études récentes Anomalies menstruelles 22 Sujets contrôles 8 Hypothyroïdie Études anciennes Troubles menstruels 80 Irrégularités menstruelles 56–68 Études récentes Cycles irréguliers 23 Sujets contrôles 8 Tableau 16.1. Troubles menstruels au cours des états d'hyper- et d'hypothyroïdie [3].

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Thyroïde : fonction gonadique et grossesse

Chapitre 16Jean-Louis Wemeau, Pascal Vaast

Prévalence %

Thyrotoxicose

Études anciennes

Spanioménorrhée 58

Irrégularités menstruelles 68

Études récentes

Anomalies menstruelles 22

Sujets contrôles 8

Hypothyroïdie

Études anciennes

Troubles menstruels 80

Irrégularités menstruelles 56–68

Études récentes

Cycles irréguliers 23

Sujets contrôles 8

Tableau 16.1. Troubles menstruels au cours des états d'hyper- et d'hypothyroïdie [3].

Les hormones thyroïdiennes ont un rôle crucial dans le développement, la production énergétique, les acti-vités tissulaires. L'activité ovarienne, l'état du cycle menstruel, les capacités de reproduction, le déroule-ment des grossesses sont profondément influencés par l'état du fonctionnement thyroïdien [1].En maintes circonstances, des troubles gynécolo-giques, une situation d'infertilité, des avortements s'avèrent révélateurs de dysthyroïdie [2,3]. Des recommandations internationales ont aussi fixé les circonstances qui nécessitent de dépister des anomalies de la fonction thyroïdienne, avant un projet de grossesse, ou au début des grossesses. Elles ont aussi précisé les modalités d'adaptation des traitements des dysfonctions thyroïdiennes, et les conditions de surveillance des grossesses chez les patients atteints de maladie thyroïdienne [4].

Thyroïde et fonction gonadique

Hyperthyroïdie

Les états thyrotoxiques modifient l'activité ovarienne [2,3]. Chez les adolescents, un retard pubertaire est possible. Des anomalies menstruelles sont constatées chez environ 20 % des femmes adultes (tableau 16.1). Leur prévalence est liée au degré d'hyperhormoné-mie thyroïdienne et au tabagisme. L'activité ovula-toire est ordinairement préservée. Cependant, une infertilité primaire ou secondaire est possible, esti-mée à 6 % dans la série de Joshi [5].Par contraste, les modifications hormonales sont plus nettes (tableau 16.2). Elles s'expliquent d'abord par une augmentation des concentrations circulantes de sex

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hormone binding protein (SHBG), marqueur sensible du degré d'imprégnation hormonale, du fait de l'aug-mentation de sa synthèse hépatique. L'augmentation de la SHBG explique l'accroissement des taux d'estra-diol et la réduction de sa clairance métabolique. De même, les taux de testostérone et d'androstènedione s'accroissent, ce qui coïncide avec une augmentation discrète de leur taux de production. L'aromatisation des androgènes en estrogène s'accroît, d'où une aug-mentation du rapport estradiol/testostérone dans l'hyperthyroïdie. Ce déséquilibre estroandrogénique explique la survenue possible de gynécomasties dans l'hyperthyroïdie masculine, parfois révélatrices. Les

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Partie V. Anomalies endocriniennes et métaboliques en période préconceptionnelle

Paramètres Hyperthyroïdie Hypothyroïdie

Hommes Femmes Hommes Femmes

SHBG Augmentée Augmentée Diminuée ou normale Diminuée

Estradiol Normal ou augmenté Augmenté Normal Diminué

Estrone Augmentée Augmentée Diminuée

Testostérone Augmentée Augmentée Diminuée Diminuée

Androstènedione Augmentée Diminuée Diminuée

DHEA Augmentée Augmentée Diminuée

Progestérone Augmentée ou normale Diminuée ou normale Diminuée ou normale

LH Augmentée ou normale Augmentée ou normale

Normale Normale

FSH Augmentée ou normale Augmentée ou normale

Normale Normale

Tableau 16.2. Modifications hormonales liées aux dysfonctions thyroïdiennes [3].

taux d'activité de LH (luteinizing hormone) sont plus élevés à la phase folliculaire et lutéale, ainsi que, avec moins de certitude, ceux de FSH (follicle stimulating hormone), sans altération de leur pulsatilité.Dans le sexe masculin, d'éventuelles dysfonctions érectiles sont possibles, comme des altérations de la spermatogenèse portant surtout sur la mobilité. Les traitements par l'iode 131, surtout à doses répétitives pour cancer, peuvent accroître les taux de FSH, altérer plus sévèrement la spermatoge-nèse et déterminer des infertilités [3].

Hypothyroïdie

Dans l'hypothyroïdie franche, l'altération de la libido est évidente, comme les troubles de l'ovulation. Des ménométrorragies sont possibles, explicables par l'hyperestrogénie relative, les altérations des fonc-tions d'hémostase habituellement présentes dans les thyropathies auto-immunes. L'hypothyroïdie peut se révéler par une anémie ferriprive [2,3]. À l'inverse, chez les femmes jeunes s'observent des situations d'aménorrhée avec galactorrhée, imputables au défreinage de la prolactine lié à la carence acquise en hormones thyroïdiennes. Peuvent se constituer des hypertrophies de la glande hypophysaire par hyper-plasie du secteur thyréotrope et prolactinique, res-ponsables de pseudoprolactinomes. D'où la règle de toujours vérifier la thyroid stimulating hormone (TSH) au cours de tout hyperprolactinisme modéré [6].Les taux de SHBG se réduisent dans l'hypothyroïdie, de même que ceux de l'estradiol et de la testostérone,

194

avec une augmentation de leur fraction non liée. Les taux des gonadostimulines ne sont pas sensiblement modifiés (tableau 16.2). L'hyperprolactinémie atteint des femmes jeunes, mais n'est pas observée au-delà de la ménopause.L'infertilité est possible, certes dans les hypothyroï-dies sévères, mais aussi discrètes, qui compro-mettent l'ovulation. L'infertilité est une des situations qui justifient le dépistage et la correction des hypothyroïdies subcliniques, biologiquement caractérisées par l'augmentation isolée de la TSH (consensus de la Haute Autorité de santé [HAS] [7]). Malgré tout, il n'est pas encore clairement établi que la correction des hypothyroïdies frustes contribue significativement à la réduction des infertilités.Dans le sexe masculin sont observées des altéra-tions de la libido et une impuissance. Les troubles du spermogramme comportent surtout des alté-rations de la morphologie des spermatozoïdes [3].

Auto-immunité antithyroïdienne

Plus étonnante est la coïncidence démontrée entre les infertilités et l'accroissement isolé des titres d'anticorps antithyroïdiens circulants, sans goitre, sans dysfonction thyroïdienne [3,8,9]. Ces situations de thyroïdite auto-immune sont pré-sentes chez environ 10 % des femmes adultes. Mais cette prévalence est accrue dans la majorité des enquêtes réalisées chez des femmes consul-tant pour infertilité inexpliquée ou fausses couches spontanées répétées (encadré 16.1).

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Chapitre 16. Thyroïde : fonction gonadique et grossesse

Conséquences de l'auto-immunité antithyroïdienne.

` Infertilité (anovulation, troubles des règles) `Avortements spontanés au cours du

1er trimestre `Hypothyroïdie précoce ` Thyroïdite du post-partum ` Possible répercussion intellectuel sur le

fœtus et l'enfant `Dépression du post-partum

ENC

AD

16.1

Ces faits sont mal expliqués. Ils pourraient témoi-gner d'une prédisposition générale à l'altération à l'auto-immunité, rendant compte d'une altération de la réserve ovarienne, ou dirigée contre des structures placentaires et responsable des mala-dies abortives auto-immunes. Celles-ci peuvent être isolées ou survenir au cours des syndromes des antiphospholipides, coïncidant alors avec un anticoagulant circulant, la présence d'anticorps anticardiolipine [10]. Ils ont débouché sur des ten-tatives de thérapeutique par l'aspirine, la cortico-thérapie ou l'administration d'immunoglobulines polyvalentes. Dans certaines études, elles ont donné des résultats moins probants que l'admi-nistration de lévothyroxine [11].On a souligné qu'un facteur confondant est constitué par l'âge élevé de ces patientes. En effet, l'accroissement des titres d'anticorps antithyroï-diens comme la réduction de la réserve ovarienne s'observent au fil des années [3,8].

Stimulation ovarienne et fonction thyroïdienne

Dans le projet de fécondation in vitro, la stimulation ovarienne par analogue de LHRH (luteinizing hor-mone releasing hormone), FSH et human chorionic gonadotropin (hCG) est susceptible de majorer les taux de TSH, de thyroxin binding globulin (TBG), de T4 totale, et aussi de T4 libre. Cet accroissement est plus marqué s'il existe des titres accrus d'anticorps antithyroïdiens circulants. Il est explicable par l'hy-perestrogénie liée à la stimulation ovarienne, mais aussi par l'effet thyréostimulant direct de l'hormone chorionique placentaire [12,13].En pratique, avant stimulation ovarienne, il importe d'assurer un apport d'hormone thyroïdienne si la

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TSH excède 2,5 mU/l, surtout si elle coïncide avec une auto-immunité antithyroïdienne. Il faut aussi majorer l'apport en lévothyroxine si la patiente bénéficie d'une hormonothérapie substitutive pour hypothyroïdie.

Thyroïde et grossesse

La grossesse est une épreuve pour la thyroïde [14]. Elle doit faire face à l'accroissement de sa production hormonale, à un appauvrissement de la disponibilité en iode. Des déséquilibres hor-monaux sont possibles notamment en carence iodée, ou lorsque le parenchyme thyroïdien est fragilisé par une auto-immunité antithyroï-dienne. Ces déséquilibres ne sont pas sans consé-quence sur la situation maternelle et fœtale [4,15–19].La pathologie thyroïdienne constitue ainsi, après le diabète sucré, la deuxième cause d'endocrino-pathie en cours de grossesse.

Physiologie thyroïdienne au cours de la grossesse [14–18]

La physiologie thyroïdienne est modifiée au cours de la grossesse par plusieurs facteurs (figure 16.1).

Diminution de la disponibilité en iodeAu cours de la grossesse, les besoins en iode s'accroissent en raison de la fourniture d'iode au fœtus et de l'augmentation de la clairance rénale de l'iode qu'explique l'augmentation de la filtra-tion glomérulaire. Elle est physiologiquement de 30 ml/min. Les besoins en iode pendant la grossesse sont estimés entre 175 et 200 μg/j.

HyperestrogénieL' hyperestrogénie augmente les concentrations sanguines des protéines de transport, notamment de TBG, car la majoration de sa sialylation pro-longe sa demi-vie. L'augmentation de TBG accroît la liaison de T4 et de T3. La production hormo-nale thyroïdienne augmente d'au moins 40 % dès le 1er mois, 75 % au 3e mois. La concentration de la

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Partie V. Anomalies endocriniennes et métaboliques en période préconceptionnelle

DÉPERDITION IODÉE HCG PLACENTAIREHYPERESTROGÉNIE

Augmentation de TBG • Transfert placentaire

• Augmentation de la clairance rénale

Augmentation de la productionthyroïdienne

Augmentation de la liaison de T4 et T3

GOITRE

STIMULATION THYROÏDIENNE

Figure 16.1. Facteurs de la goitrogenèse au cours de la grossesse.

TBG double ou triple au 2e trimestre, et revient à la valeur prégestationnelle dans les 4 à 6 semaines du post-partum.

hCG placentaireL'hCG est sécrétée par les cellules trophoblastiques du placenta. Du fait de son homologie structurale avec la TSH dont la sous-unité α est commune, elle se lie au récepteur de la TSH, stimule les diffé-rentes étapes de la production hormonale et la croissance de l'épithélium thyroïdien.Ainsi, le volume thyroïdien est modifié chez 80 % des femmes enceintes : il s'accroît de 20 à 130 %, en moyenne de 30 %. Les taux d'hCG et de T4 sont corrélés positivement, tandis que la concentration de TSH évolue en miroir de celle de l'hCG.

Activité de la désiodase placentaire de type 3Elle dégrade la T4 et conduit à la production de T3 inverse, dénuée d'activité biologique. Tout est conçu pour assurer au fœtus une disponibilité suffisante en hormone, mais pour le préserver d'un catabolisme hormonal excessif dans une situation où l'anabolisme est requis.

196

Modifications biologiques au cours de la grossesse

Hormones thyroïdiennesEn liaison avec la TBG accrue, les concentrations des formes totales d'hormones thyroïdiennes (T4 et T3) augmentent très précocement en début de grossesse et se stabilisent à un plateau proche de 1,5 fois la normale. En revanche, les concentra-tions des formes libres (FT4 ou FT3) ne sont guère modifiées. Néanmoins, les résultats des dosages des formes libres des hormones thyroïdiennes sont à interpréter avec prudence au cours de la grossesse. Les modifications des concentrations protéiques rendent compte de difficultés métho-dologiques pour les dosages par méthode à l'ana-logue : une baisse isolée de T4 libre sans augmentation de TSH n'a pas nécessairement la signification d'une hypothyroïdie [20,21].

TSHLa TSH s'abaisse au 1er trimestre du fait de son homologie structurale avec l'hCG qui développe un effet thyréostimulant. En pratique, une diminu-tion de la TSH s'observe en début de grossesse chez 10 à 20 % des femmes enceintes euthyroïdiennes.

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Chapitre 16. Thyroïde : fonction gonadique et grossesse

PLACENTA

T4

T3

FT4

FT3

TSH

Iode

ATS

MÈRE

Ac anti-TPO

Ac anti-RTSH

b-bloquants

FŒTUS

Figure 16.2. État du passage transplacentaire des hormones, des anticorps et des médicaments.

Il ne faut alors pas méconnaître une hyperthyroï-die que caractériserait l'accroissement de FT4 et de FT3. Les valeurs de la TSH se normalisent au cours de la deuxième partie de la grossesse. La TSH ne passe pas la barrière placentaire (figure 16.2).

ThyroglobulineLes modifications de la physiologie thyroïdienne sont responsables d'une augmentation de la concentration de la thyroglobuline. Son taux est en effet le reflet du volume et de la stimulation thyroïdiens.

Anticorps antithyroïdiensLa gestation qui permet à la mère de tolérer son fœtus modifie profondément les équilibres immunitaires.

Anticorps antithyroperoxydase (anti-TPO) et antithyroglobuline (anti-Tg)

Dix à 20 % des femmes en âge de procréer ont des titres accrus d'anticorps antithyroïdiens circu-lants. Cette fréquence peut atteindre 30 % lorsqu'une autre maladie auto-immune est asso-ciée. En l'absence de goitre et de dysfonction thyroïdienne, la présence d'anticorps antithy-roïdiens a la signification d'une thyroïdite auto-immune asymptomatique, correspondant à une infiltration lymphoplasmocytaire du paren-chyme thyroïdien.Au cours de la grossesse, l'auto-immunité s'atté-nue progressivement, mais s'exacerbe dans la période du post-partum. Les taux d'anticorps anti-TPO et anti-Tg se réduisent et peuvent même

19

devenir indécelables à l'approche du terme chez 50 % de ces patientes enceintes. Cette variété d'an-ticorps est le témoin de l'auto-immunisation. Mais ils ne présentent en eux-mêmes aucun dan-ger pour la situation thyroïdienne de la mère ou du fœtus, même si leur transmission de la mère à l'enfant est démontrée.En revanche, la présence d'une auto-immunité antithyroïdienne maternelle s'associe à diverses morbidités (encadré 16.1). La prévalence des fausses couches est accrue [9]. Cela ne semble pas s'expliquer simplement par l'hypothyroïdie sub-clinique se démasquant en début de grossesse, en cas de thyroïdite auto-immune asymptomatique préconceptionnelle.La présence de titres accrus d'anticorps anti-TPO pendant le 1er trimestre coïncide avec une préva-lence accrue de thyroïdite dans la période du post-partum (TPP). Cette constatation pourrait justifier la recherche des anticorps anti-TPO en début de grossesse, d'autant plus que des épisodes récidi-vants de TPP ont été décrits à l'issue des grossesses suivantes. Cependant, il n'existe pas de consensus actuel pour recommander une substitution systé-matique chez les patientes euthyroïdiennes ayant des anticorps anti-TPO avant la conception ou en cours de grossesse. En revanche, en présence d'anti-TPO s'impose la surveillance attentive du taux de la TSH : particulièrement avant la conception, en tout début de grossesse, au milieu du 1er et du 3e trimestre, et dans la période du post-partum [4].

Anticorps antirécepteur de la TSH (anti-RTSH)

Leur présence s'observe au cours des maladies de Basedow évolutives, mais aussi chez d'anciennes basedowiennes qui ont fait l'objet d'une thyroï-dectomie ou d'un traitement radio-isotopique. Ordinairement, les titres d'anticorps anti-RTSH à effet stimulant diminuent tout au long de la gros-sesse. Ils franchissent le placenta (figure  16.2), sont susceptibles de déterminer des dysthyroïdies fœtales transplacentaires et néonatales. Le titre des anticorps anti-RTSH chez la mère est prédictif du risque d'hyperthyroïdie fœtale ou néonatale. Ce risque n'apparaît en pratique évident que pour des taux supérieurs à 6–7 MU/l par l'utilisation des trousses commerciales (TRAK [anticorps anti-récepteurs de la TSH] humains) [4,22].

7

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Partie V. Anomalies endocriniennes et métaboliques en période préconceptionnelle

Conséquences maternelles de l'hypothyroïdie.

`Hypertension artérielle ` Prééclampsie `Avortements prématurés ` Fausses couches `Anémie `Hémorragie du post-partum

ENC

AD

16.2

IodurieLes besoins en iode augmentent au cours de la gros-sesse, pour faire face aux productions d'hormones thyroïdiennes maternelles et fœtales. Lors des enquêtes épidémiologiques, l'iodurie reflète l'apport quotidien en iode des populations étudiées. En revanche, du fait de sa fluctuation, sa détermination ponctuelle est sans intérêt au plan individuel pour la reconnaissance d'une éventuelle carence iodée.Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), il y a carence lorsque, dans une population donnée, l'iodurie médiane est inférieure à 100 μg/ jour. L'apport en iode doit dépasser 175 à 200 μg par jour pour assurer une fonction thyroïdienne maternelle et fœtale satisfaisant. La France, comme l'ensemble de l'Europe occidentale, est un pays de carence iodée relative. Cette situation défavorable au cours de la grossesse contribue à la goitrogenèse et à la nodulogenèse au sein de la thyroïde maternelle ainsi qu'à la révélation des hypothyroïdies mater-nelles, de même que, potentiellement, à des réper-cussions sur le neurodéveloppement du fœtus.Dans ce contexte, une supplémentation systéma-tique des femmes enceintes, de l'ordre de 150 μg d'iodure de sodium ou de potassium, est à envisa-ger dès le début de la grossesse et au cours de l'al-laitement [23].

Modifications morphologiques de la thyroïde au cours de la grossesse

L'accroissement du volume thyroïdien au cours de la grossesse a été authentifié et quantifié par l'écho-graphie. L'augmentation est plus importante en cas de carence iodée. L'hyperestrogénie, l'hyperinsuli-nisme, l'accroissement de l'hormone de croissance qui s'observent du fait de la grossesse contribuent aussi à l'augmentation du volume thyroïdien.De plus, les grossesses favorisent le remaniement nodulaire du parenchyme thyroïdien.

Hypothyroïdie maternelle et grossesse

On estime à environ 2,5 % la proportion des femmes enceintes atteintes d'hypothyroïdie. La majorité d'entre elles sont infracliniques, se

19

marquant par une augmentation isolée de TSH qu'il faut définir au cours de la grossesse comme une valeur de TSH excédant 2 mU/l ; seules 0,4 % d'entre elles sont plus franches d'expression cli-nique, avec baisse de T4 libre. La fréquence des hypothyroïdies traitées préalables à la grossesse avoisinerait 0,3 %. Celles-ci sont susceptibles de s'aggraver, car en cours de grossesse s'accroissent les besoins en hormones thyroïdiennes [1,4,14–18].Cette haute prévalence des hypothyroïdies liées à la grossesse a longtemps été méconnue et négli-gée. Elles coïncident pourtant avec une prévalence accrue de fausses couches et d'accouchements prématurés (encadré 16.2).Il existe aussi une interrogation sur le développe-ment intellectuel du fœtus. L'ontogenèse de la thy-roïde fœtale débute entre la 10e et la 12e semaine de grossesse, et s'achève après la naissance. La T4 n'est pas sécrétée par le fœtus avant la 18e ou la 20e semaine. Les hormones thyroïdiennes sont précocement indispensables au développement cérébral, sont impliquées dans la neurogenèse, la migration neuronale, la myélinisation, la synap-togenèse, la formation des axones, la régulation de la neurotransmission [19]. Au cours du 1er et du début du 2e trimestre de grossesse, les besoins en hormones thyroïdiennes du fœtus sont essentiel-lement assurés par la mère et dépendent du pas-sage transplacentaire des hormones (figure 16.3). Il a été montré qu'un accroissement du taux de la TSH chez la mère en début de grossesse favorise à terme une amputation du quotient intellectuel des enfants de 6 à 10 points [24].Ceci justifie la reconnaissance et la prise en charge thérapeutique précoces, des mesures préventives, sinon prochainement un dépistage. La reconnais-sance clinique de la carence en hormone thyroï-dienne apparaît en effet difficile pendant la grossesse, la plupart des signes étant souvent attribués à la grossesse elle-même, telles la fatigue,

8

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Chapitre 16. Thyroïde : fonction gonadique et grossesse

0 1 2 3 4 5 6 7 8 Naissance

Cochlée

YeuxFace

Cortex cérébral

Striatum

Cervelet

Myélinisation

Hippocampe

VSA

Corps calleux

Âge gestationnel (mois)

Chronologie des principaux évènements du développement du SNC

Disponibilité de la T4

T4

T4 maternelleT4 infantile

Figure 16.3. Ontogenèse du système nerveux central durant la vie fœtale et postnatale [19].Relations avec la disponibilité en hormones thyroïdiennes d'origine maternelle et fœtale.

la constipation, les crampes musculaires, la réten-tion hydrique, la prise pondérale. Néanmoins, une bradycardie doit attirer l'attention. Mais, le plus souvent, l'hypothyroïdie est complètement asymptomatique, biologiquement découverte.Différents facteurs contribuent à la constitution de l'hypothyroïdie : l'auto-immunité préalable à la grossesse, dont témoigne la présence d'anticorps anti-TPO (ou anti-Tg), la carence iodée modérée ou plus sévère. Il ne faut pas négliger non plus les situations d'hypofonctionnements thyroïdiens spontanés ou iatrogènes, préalables à la grossesse, si l'on n'a pas pris la précaution de majorer l'ap-port hormonal substitutif. L'accroissement des besoins en hormones est en effet précoce, évident dès le début de la conception, de l'ordre de 20 à 80 %, en moyenne de 50 % [25,26]. D'où la recom-mandation de majorer l'apport en hormone thy-roïdienne d'environ 30 % dès le retard de règles et la confirmation biologique de la grossesse obte-nue, en procédant à une réévaluation du taux de la TSH après 6 semaines et alors à un éventuel réa-justement de l'apport hormonal [1].Le traitement substitutif adapté assure un dérou-lement normal de la grossesse et contribue au bon développement psychomoteur de l'enfant.En cas d'hypothyroïdie maternelle, il faut débuter immédiatement un traitement supplétif. Il fait

19

appel à la lévothyroxine à une posologie de 1,8 à 2,5 μg/kg/j, soit une dose supérieure à celle utili-sée en l'absence de grossesse. La posologie est ajustée en fonction des évaluations de TSH après 6 semaines. La surveillance sera maintenue tout le temps de la grossesse et durant la période du post-partum. Sans la moindre restriction, le traitement substitutif maternel par hormones thyroïdiennes autorise pleinement l'allaitement.

Hypothyroïdies fœtales et néonatales

L'hypothyroïdie néonatale a une incidence de 1 pour 4000 naissances. Des anomalies de l'orga-nogenèse thyroïdienne (agénésie, hypoplasie ou ectopie) ou des erreurs innées de la biosynthèse hormonale en constituent les causes les plus habituelles.Les causes d'hypothyroïdie fœtale et/ou néona-tale secondaires à une cause maternelle sont plus rares : 1 sur 100 000 naissances. Peuvent en être responsables un déficit iodé modéré ou sévère, ou le transfert transplacentaire en provenance de  la mère d'anticorps antirécepteur de la TSH à  activité bloquante, de médicaments iodés, de  lithium, de médications antithyroïdiennes, toutes causes responsables d'une hypothyroïdie

9

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Partie V. Anomalies endocriniennes et métaboliques en période préconceptionnelle

transitoire. Un traitement par iode radioactif délivré au cours du 2e ou du 3e trimestre induirait une hypothyroïdie fœtale définitive, et bien sûr ce traitement est formellement contre-indiqué chez la femme enceinte.Le déficit en hormones thyroïdiennes chez le fœtus durant le 1er trimestre peut aussi engendrer un petit poids de naissance et un déficit intellectuel modéré à sévère (quotient intellectuel plus bas que la moyenne développement plus lent du langage, per-formances scolaires inférieures) ainsi qu'un déficit moteur spastique plus ou moins prononcé [24,27].La carence iodée sévère pendant la grossesse est la cause la plus fréquente de dysfonctions thyroï-diennes fœtales, entraînant goitre et retards men-taux. La carence iodée endémique est responsable d'une hypothyroïdie maternofœtale, avec un risque chez les enfants de retard mental sévère, de diplégie spastique et de surdité congénitale.Le traitement rapide doit permettre une matura-tion cérébrale et un développement normaux du fœtus. Dans des circonstances exceptionnelles et documentées d'hypothyroïdies graves in utero, une injection intra-amniotique de thyroxine peut alors s'envisager dès 28 semaines de gestation [28].

Hyperthyroïdie maternelle et grossesse

Cette situation concerne 1 à 3 % des grossesses. La  prévalence de l'hyperthyroïdie cliniquement exprimée est estimée à 0,2 %.Les différentes causes d'hyperthyroïdie peuvent être constatées. Mais en pratique, il faut recon-naître l'hyperthyroïdie gravidique ou gestationnelle

20

Hyperthyroïdie gr

Signes antérieurs à la grossesse Non

Intensité des signes thyrotoxiques Discrets à modérés

Nausées, vomissements Habituels

Goitre Absent ou discret

Signes oculaires Non

Anticorps anti-RTSH Non

Tableau 16.3. Comparaison des hyperthyroïdies geà la maladie de Basedow.

transitoire, dont l'hyperemesis gravidarum consti-tue la variante la plus sévère. Elle est à distinguer de la maladie de Basedow (tableau 16.3) dont la prise en charge en cours de grossesse a d'importantes spécificités au plan du pronostic maternel et fœtal. Les tumeurs placentaires responsables d'hyperthy-roïdie sont rares. Après l'accouchement, on constate une fréquence particulière des poussées thyréo-toxiques liées aux TPP, et plus tardivement l'émer-gence de maladie de Basedow.

Hyperthyroïdie gestationnelle transitoireC'est la première cause d'hyperthyroïdie pendant la grossesse ; sa prévalence avoisine 2 %.Elle résulte de la stimulation de la thyroïde mater-nelle par l'hCG placentaire. Sa sévérité est fonc-tion de l'amplitude du taux de l'hCG placentaire, notamment à la fin du 1er trimestre. Ceci explique l'importance de sa fréquence en cas de grossesse gémellaire.La reconnaissance de l'hyperthyroïdie n'est pas simple, du fait des signes sympathiques de gros-sesse qui miment la thyréotoxicose. La perte de poids peut manquer en raison de la grossesse. La présence d'un goitre, d'une tachycardie supé-rieure à 100 battements par minute et persistante, la médiocrité de la prise pondérale ou l'amaigris-sement, l'onycholyse doivent évoquer le diagnostic.La TSH est très basse ou indétectable, coïncidant avec une augmentation modérée de l'hormonémie thyroïdienne prédominant sur la T3 libre (FT3). Il n'est pas constaté d'accroissement du titre des anticorps anti-RTSH (tableau 16.3).

0

avidique Maladie de Basedow

Habituels

Discrets, modérés, intenses

Rares

Habituel

Possibles

Habituels

stationnelles et des hyperthyroïdies liées

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Chapitre 16. Thyroïde : fonction gonadique et grossesse

La prescription d'un antithyroïdien serait efficace. Mais elle est ordinairement inutile du fait de la dis-crétion des signes cliniques et de la régression spontanée au-delà du 3e–4e mois de la grossesse. Elle est même non souhaitable en raison du trans-fert transplacentaire de la médication, et du risque d'inhibition du fonctionnement thyroïdien fœtal. On s'aide d'une prescription de β-bloquants (exemple : propranolol ou bisoprolol), si les signes sont invalidants. Les patientes bénéficient grande-ment du repos et de la réhydratation.

Hyperemesis gravidarumL' hyperthyroïdie s'associe alors à des vomisse-ments incoercibles avec déshydratation, perte de poids supérieure à 5 %. On évalue l'importance des troubles hydroélectrolytiques : hyponatrémie, hypokaliémie, alcalose hypochlorémique, cétoné-mie et cétonurie. Des altérations fonctionnelles hépatiques (cytolytiques et rétentionnelles) sont présentes dans 20 % des cas. Il n'y a pas d'anticorps anti-RTSH. Les taux de hCG sont franchement élevés, généralement supérieurs à 200 000 U/l. Le degré de l'hyperthyroïdie est apprécié par l'aug-mentation des concentrations de FT3 (free tri-iodo-thyroxine) et de FT4 (free thyroxine).La sévérité de la situation justifie l'hospitalisation pour réhydratation parentérale, correction hydroé-lectrolytique, supplément vitaminique (apport de thiamine), prescription d'antiémétique. Un accom-pagnement psychologique est utile. Si les mesures symptomatiques s'avèrent peu efficaces, la prescrip-tion d'un antithyroïdien (dérivé du thio-uracile) est possible, à posologie modeste, et réduite dès que possible car elle n'est pas sans conséquence pour la fonction thyroïdienne fœtale. Ordinairement, l'amélioration clinique et biologique est parallèle à la baisse du taux de l'hCG. Le retour à l'euthyroïdie est obtenu après 16–20 semaines de gestation.

Hyperthyroïdie par mutation du récepteur de la TSH hyperaffine pour l'hCG (maladie de Rodien)Cette situation familiale, génétiquement trans-mise, est exceptionnelle. Elle est responsable d'hyperthyroïdie et de vomissements tout au long de la grossesse [29].

201

Hyperthyroïdie liée aux tumeurs placentairesL'hyperthyroïdie s'observe dans la moitié des môles hydatiformes, dont la prévalence est esti-mée à 1/1500 à 1/2000 grossesses en Europe et aux États-Unis, 1/100 à 1/500 grossesses en Asie. Les choriocarcinomes placentaires sont beaucoup plus rares. Ces tumeurs produisent des quantités très élevées (> 300 U/ml) ou considérables d'hCG dont les modifications moléculaires (diminution de la teneur en acide sialique) expliquent une forte affinité pour le récepteur de la TSH [30].L'hyperthyroïdie est parfois modérée, se résumant à une tachycardie, ou plus sévère. La môle hydati-forme prend le masque d'une grossesse à volume utérin excessif pour l'âge de la grossesse, avec vomissements, métrorragies dans un tiers des cas. Les choriocarcinomes avec hyperthyroïdie s'ob-servent souvent à un stade avancé de diffusion métastatique.L'hyperthyroïdie est contrôlée par le traitement de la tumeur primitive : exérèse chirurgicale de la môle. Les choriocarcinomes sont sensibles à la chimiothérapie antimitotique.

Hyperthyroïdie par maladie de BasedowChez les femmes en âge de procréer, c'est l'étiolo-gie la plus fréquente. Au cours de la grossesse, la prévalence de la maladie de Basedow est estimée à près de 2 %. Dans cette situation doivent être considérés à parts égales l'état maternel et fœtal, le statut hormonal et immunitaire, les bénéfices et les risques des thérapeutiques. Il faut tenir compte en effet du passage transplacentaire des anticorps thyréostimulants responsables de la maladie et des médications antithyroïdiennes, alors que la fourniture hormonale de la mère au fœtus est de faible importance. La coopération entre équipes endocrinologiques, obstétricales et pédiatriques spécialisées constitue un gage de succès.L' hyperthyroïdie est ordinairement modérée et peu sévère. Certes, elle peut s'exacerber lors du 1er trimestre du fait de l'action thyréostimulante de l'hCG. Cependant, l'immunotolérance habituelle de la grossesse explique l'atténuation des titres d'anticorps antirécepteur de TSH qui permet habi-tuellement la réduction des doses d'antithyroïdiens

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Partie V. Anomalies endocriniennes et métaboliques en période préconceptionnelle

après 2 ou 3 mois, et l'interruption du traitement antithyroïdien dans un tiers des cas au 3e trimestre. Rarement ou exceptionnellement sont constatées des poussées sévères d'hyperthyroïdie avec troubles du rythme, défaillance cardiaque notam-ment. Les risques maternels et fœtaux sont résu-més dans les tableaux 16.6 et 16.7. On a souligné que les risques de fausse couche, de malforma-tions, de petit poids de naissance étaient favorisés par le contrôle imparfait de l'hyperthyroïdie.

Le choix du traitement antithyroïdien fait débat. Les imidazolines (carbimazole : Néo-Mercazole® ; thiamazole : Thyrozol®) et les dérivés du thio- uracile (propylthio-uracile : Proracyle® ; benzyl-thio-uracile : Basdène®) ont une pharmacodyna-mie similaire. Mais leur puissance antithyroïdienne est différente (grossièrement, 1 comprimé de Néo-Mercazole® 5 mg = 1 comprimé de Proracyl® 50 mg = 2 comprimés de Basdène® 25 mg, tandis que l'activité du Thyrozol® 5 mg excède d'un tiers celle de 1 comprimé de Néo-Mercazole®). De plus, les dérivés du thio-uracile sont réputés respon-sables d'un moindre passage transplacentaire, du fait de leur liaison aux protéines plasmatiques (figure  16.2). Un rôle tératogène des antithyroï-diens de synthèse est évoqué, même si leur impu-tabilité directe n'a pas été démontrée. On a fait état d'aplasies du cuir chevelu (aplasia cutis), de malformations (atrésie choanale, atrésie œsopha-gienne, fistule œsotrachéale, hernie diaphragma-tique, anomalies du septum interventriculaire, dysmorphie faciale, omphalocèle). Ces embryopa-thies sont non spécifiques. Mais toutes ont été constatées sous méthimazole, jamais sous PTU (propylthio-uracile) [31]. À l'inverse, des effets hépatotoxiques, parfois sévères et mortels, ont été décrits avec le PTU, notamment chez les sujets jeunes, au point que la médication est désormais contre-indiquée chez l'enfant.

Pour ces raisons, si le diagnostic est posé avant 7–8 semaines d'aménorrhée (SA), on recom-mande l'initiation du traitement sous forme d'un dérivé du thio-uracile à posologie modérée adap-tée à l'intensité de l'hyperthyroïdie (exemple : Proracyl®, 2–5cp/j). Durant cette période, si la mère reçoit du carbimazole ou du thiamazole, celui-ci sera remplacé par le PTU. Si la grossesse est diagnostiquée après 7–8 SA et que la patiente reçoit déjà du carbimazole ou du thiamazole, celui-ci peut être poursuivi [32].

20

Durant la deuxième partie de la grossesse, sans négliger les évaluations et surveillances échogra-phiques et si le traitement reste nécessaire, on suggère maintenant le remplacement des dérivés du thio-uracile par le thiamazole ou le méthima-zole. Mais l'interruption de tout traitement anti-thyroïdien est possible dans un tiers des cas, pour autant qu'ait été obtenue la disparition des titres accrus d'anticorps anti-RTSH, et qu'un bon équi-libre hormonal maternel soit constaté avec une faible dose d'antithyroïdien (de l'ordre de 5 mg de thiamazole ou de carbimazole).Dans toute la conduite du traitement, il faut recourir à la dose minimale d'antithyroïdien, en veillant à ne pas associer la L-thyroxine qui tra-verse peu la barrière placentaire. Les contrôles biologiques sont recommandés toutes les 3 à 5 semaines. L'euthyroïdie est généralement obte-nue entre la 2e et la 6e semaine de traitement. La recommandation habituelle est de maintenir un taux de T4 libre dans le tiers supérieur de la norme. L'utilisation de β-bloquants est possible, mais ordinairement sans intérêt si le traitement est bien conduit, ce d'autant qu'ils ne sont pas sans consé-quences pour le nouveau-né, obligeant à une sur-veillance néonatale accrue en raison des risques d'hypoglycémie induite. La chirurgie ne serait recommandée qu'au 2e trimestre, indiquée en cas d'intolérance au traitement antithyroïdien, de mauvaise compliance, de titres considérablement accrus d'anticorps anti-RTSH, de particularités morphologiques du goitre maternel.L'allaitement est autorisé, puisque en définitive les traitements par les dérivés du thio-uracile, mais aussi les imidazolines à doses modérées se sont révélés sans incidence sur la fonction thyroï-dienne de l'enfant nouveau-né [33].Dans le post-partum immédiat et jusqu'à 12 mois, la surveillance hormonale doit être particulière-ment attentive. En effet, les rebonds d'auto-immu-nité peuvent être à l'origine de thyroïdite du post-partum dans les semaines qui suivent l'ac-couchement, et plus tardivement de rechutes de la maladie de Basedow.En définitive, les conséquences maternelles de l'hyperthyroïdie, précisées dans l'encadré 16.3, sont dominées par les avortements spontanés et les accouchements prématurés. L'encadré 16.4 résume les conséquences fœtales de l'hyperthyroïdie. Les  risques de retard de croissance intra-utérin, de

2

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Chapitre 16. Thyroïde : fonction gonadique et grossesse

Conséquences de l'hyperthyroïdie sur l'état maternel.

` Prééclampsie ` Fausses couches spontanées et accouche-

ments prématurés `Ruptures placentaires `Anémie ` Infections `Décompensations cardiaques de cardiopa-

thies congestives ` État de thyréotoxicose sévère

ENC

AD

16.3

Conséquences de l'hyperthyroïdie maternelle chez le fœtus.

`Retard de croissance intra-utérin `Hydrops `Défaillance cardiaque `Crâniosynostose `Accélération de la motilité fœtale et de la

maturation osseuse `Goitre fœtal avec dystocie mécanique par

déflexion de la tête et sténose trachéale ` Prématurité (1 fois sur 2) `Hyperthyroïdie fœtale et néonatale (0,1 à

0,2 % à l'accouchement) `Mort néonatale (un quart des cas) `Malformations congénitales (anencépha-

lie, fente palatine, imperforation anale…)

ENC

AD

16.4

Indications du dosage des anticorps antirécepteur de TSH.

`Maladie de Basedow traitée lors du diagnostic de grossesse (déterminations à réaliser au cours des 1er et 3e trimestres de gestation) `Antécédent de maladie de Basedow pré-

gestationnelle antérieurement traitée par iode radioactif ou chirurgie (pas d'indication en cas d'antécédent de maladie de Basedow guérie par les antithyroïdiens de synthèse) `Hyperthyroïdie apparue au cours de la

grossesse `Hyperthyroïdie apparue dans le post-

partum `Antécédent de maladie d'Hashimoto

ENC

AD

16.5

crâniosténose, de petit poids de naissance augmen-tent si l'obtention de l'euthyroïdie est tardive. L'hyperthyroïdie fœtale s'explique par le passage transplacentaire des anticorps anti-RTSH, présents dans les maladies de Basedow évolutives, mais aussi dans d'autres circonstances (encadré 16.5). Le titre des anticorps anti-RTSH maternels est pré-dictif du risque d'hyperthyroïdie fœtale (ou

203

Hypothyroïdie fœtale

État maternel

Dose d'ATS Élevée

Anticorps anti-RTSH Absents ou bas

État fœtal

Volume thyroïdien Goitre

Doppler thyroïdien Hypervascularisation périphériqu

Pouls Normal

Maturation osseuse Retardée

Autres signes Hydramnios

Tableau 16.4. Critères diagnostiques des dysthyro

néonatale). Celui-ci n'apparaît que pour des taux d'anti-RTSH 3 à 5 fois supérieurs à la norme (TRAK humain > 5–7 mU/l). À l'inverse, le passage transplacentaire des antithyroïdiens de synthèse, et très exceptionnellement le caractère bloquant des anti-RTSH, peuvent rendre compte de situations d'hypothyroïdie in utero. Dans toutes ces circons-tances se justifie une surveillance échographique de la grossesse, attentive et ciblée, complétée par l'évaluation échographique du volume thyroïdien fœtal et l'étude de sa vascularisation (tableau 16.4).La visibilité échographique de la thyroïde fœtale est possible dès le 2e trimestre, d'échostructure homo-gène, finement échogène ; son étude est paradoxale-ment souvent plus difficile à proximité du terme, quand la présentation est céphalique fléchie avec souvent un dos fœtal antérieur. L'appréciation de son volume est usuellement effectuée par la mesure de sa circonférence reportée sur les courbes de Ranzini

Hyperthyroïdie fœtale

Absente ou modérée

Présents ou très élevés

Goitre

e Hypervascularisation diffuse

> 160/min

Avancée

Hypotrophie

ïdies transplacentaires.

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Partie V. Anomalies endocriniennes et métaboliques en période préconceptionnelle

(figures 16.4 et 16.5), fonction de l'âge gestationnel ou du diamètre bipariétal ; une mesure supérieure au 95e percentile définit un goitre fœtal [34].La recherche d'un goitre fœtal n'est pas justifiée en échographie de dépistage. Elle doit en revanche être systématique en cas de découverte d'une déflexion permanente du pôle céphalique, ou d'un hydram-nios avec estomac peu rempli faisant craindre une gêne à la déglutition. Elle sera également de règle, répétée au 6e mois sur indication maternelle, en cas de traitement susceptible d'interférer sur la thyroïde

20

16171819202122232425262728293031323334353637

1.31.41.51.71.81.92.12.22.32.52.62.72.93.03.13.33.43.53.73.83.94.1

1.71.81.81.81.92.02.12.22.32.42.52.72.83.03.13.33.53.73.94.14.34.6

2.32.32.42.52.52.62.82.93.03.13.33.43.63.84.04.24.44.64.85.05.35.5

2.82.93.03.13.23.33.43.63.73.94.04.24.44.64.85.05.25.55.76.06.26.5

3.03.13.23.33.43.53.63.83.94.14.34.44.64.85.05.25.55.76.06.26.56.8

5

Nombre dePatientes 5th

Circomférence de la thyroide fœtaleen cm par percentile (5e, 10e, etc.)

10th 50th 90th 95th

Âgegestationnelen semaines

514102513114

1111157

109659

111774

Figure 16.4. Normes de la circonférence de la thyroïde fœtale exprimée en percentile en fonction de l'âge gestationnel [34].

Figure 16.5. Goitre fœtal.Mesure de la circonférence thyroïdienne selon la technique de Ranzini [34].

fœtale par voie transplacentaire, ou en cas (rare) de trouble génétique de l'hormonogenèse thyroïdienne connu dans les antécédents [28]. Le plus souvent, c'est dans le cadre de la prise en charge d'une femme présentant une maladie de Basedow que cette sur-veillance sera instaurée, compte tenu des risques fœtaux proches de 20 % dans ce contexte, encore supérieurs en cas de TRAK augmentés et/ou de traitement antithyroïdien en cours. La surveillance sera alors mensuelle à partir de 22 SA [35,36].Dès lors que le diagnostic de goitre fœtal a été posé, la patiente doit être orientée vers un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN) pour l'évaluation du statut thyroïdien et l'adapta-tion thérapeutique.L'évaluation échographique du statut thyroïdien fœtal est difficile. Elle reposera essentiellement sur la vascularisation thyroïdienne mise en évidence en codage doppler couleur ; limitée en périphérie, elle orientera plutôt vers une hypothyroïdie ; centrale et diffuse, vers une hyperthyroïdie (figure 16.6) [37]. L'étude du point d'ossification fémoral inférieur témoigne de la maturation osseuse, en retard en cas d'hypothyroïdie, avancée dans la situation contraire. Enfin, le rythme cardiaque de base est plutôt lent en cas d'hypothyroïdie et tachycarde en cas d'hyper-thyroïdie [38], mais ce paramètre reste peu spéci-fique. À partir de ces critères échographiques, certains auteurs proposent des scores d'évaluation

4

Figure 16.6. Goitre fœtal hyperthyroïdien avec vascularisation centrale diffuse objectivé en doppler codage couleur.

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Chapitre 16. Thyroïde : fonction gonadique et grossesse

permettant d'orienter d'emblée la conduite à tenir, ne recourant aux techniques invasives qu'en cas d'échec [39].De manière conventionnelle, le statut thyroïdien fœtal est au mieux précisé par la réalisation d'un dosage des hormones thyroïdiennes et de TSH sur sang fœtal prélevé par cordocentèse entre 25 et 30 SA. Toutefois, les cordocentèses ne sont pas dénuées de risques, responsables en particulier d'environ 2 % de pertes fœtales imputables au geste, ou de césariennes en urgence pour anoma-lies du rythme cardiaque, et de 5 % de prématurités induites. Compte tenu de la balance bénéfices/risques, le prélèvement ne se justifie qu'en cas de goitre avéré, persistant malgré l'adaptation des thé-rapeutiques maternelles, et en cas d'incertitude étiologique [40]. Les dosages de TSH et T4 sont éga-lement possibles sur liquide amniotique prélevé par amniocentèse, technique moins dangereuse (0,5 % de pertes fœtales induites) ; toutefois, leurs concen-trations étant faibles et leur fiabilité médiocre dans le liquide amniotique, cette technique sera réservée aux conditions de cordocentèse difficiles [40,41].La conduite à tenir obstétricale sera adaptée à l'issue de cette évaluation, mais l'équilibre opti-mal des thérapeutiques maternelles devra tou-jours en être la base, nécessitant une coopération étroite entre les équipes d'endocrinologie et de médecine fœtale.En cas de goitre hypothyroïdien persistant, des injections intra-amniotiques de lévothyroxine à la dose de 200 à 600 μg selon le poids fœtal pourront être proposées à partir de 26 SA, renouvelées tous les 10 jours en raison de la pharmacodynamie de la FT4 dans le liquide amniotique [41]. Ce traite-ment, dont l'efficacité sera surveillée en échogra-phie [40], expose toutefois à la réalisation d'amniocentèses itératives et donc, à ce terme, aux risques de prématurité induite.De manière exceptionnelle, certains goitres volu-mineux peuvent être à l'origine d'une déflexion céphalique persistante, voire d'une compression des voies aériennes supérieures. Ceci conduit à la césarienne pour éviter la dystocie, avec EXIT-procédure permettant de maintenir le nouveau-né sur sa circulation fœtale dans l'attente d'une ven-tilation efficace.En cas d'hyperthyroïdie fœtale, une surveillance rapprochée du rythme cardiaque s'impose au

20

3e trimestre en raison des risques majeurs de tachycardie [38], voire de mort fœtale in utero, des taux proches de 20 % étant rapportés dans la litté-rature. De rares cas ont été rapportés d'insuffi-sance cardiaque compliquée d'anasarque fœtale sur hypervascularisation diffuse [42].L'hyperthyroïdie néonatale est rare (incidence entre 1/4000 et 1/40 000 naissances). Elle se mani-feste par une tachycardie supérieure à 170 batte-ments par minute, l'absence de prise de poids, une érythrose, une insuffisance cardiaque. Elle est transitoire, résolutive en 3 à 12 semaines, parallè-lement à la disparition dans la circulation des anticorps anti-RTSH d'origine maternelle. Elle pourra bénéficier d'un traitement antithyroïdien oral (thiamazole ou carbimazole).En définitive, les influences multiples des mala-dies de Basedow traitées sur la grossesse conduisent à recommander aux femmes jeunes d'éviter d'initier une procréation tant que la mala-die est imparfaitement stabilisée. Cependant, la découverte d'une maladie de Basedow lors d'une grossesse comme la survenue d'une grossesse chez une basedowienne traitée ne doivent pas conduire à une interruption médicale de gros-sesse. Un bon équilibre maternel et fœtal peut être ordinairement obtenu au prix d'une parfaite coopé ration pluridisciplinaire spécialisée.

Autres maladies thyroïdiennes en cours de grossesse

Goitres multinodulaires toxiques et adénomes thyroïdiens toxiquesQu'ils soient découverts pendant la grossesse ou déjà pris en charge avant la conception, ils peuvent bénéficier du traitement antithyroïdien à petites doses, et de la chirurgie au 2e trimestre.

Goitre simple et grossesseLes hypertrophies thyroïdiennes normofonction-nelles que favorisent le tabagisme, une prédisposi-tion génétique ou une carence iodée peuvent se majorer pendant la grossesse. Il n'y a pas de gêne à introduire ou à poursuivre un traitement par lévothyroxine à doses modérées, évitant tout sur-dosage thérapeutique, amenant la TSH à une valeur proche de la limite inférieure des normes.

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Partie V. Anomalies endocriniennes et métaboliques en période préconceptionnelle

Nodule et grossesse [43,44]

Un à 2 % des femmes en âge de procréer sont por-teuses d'un nodule thyroïdien palpable. La pro-portion de cancers avoisine 5 %, ordinairement de type papillaire et de très bon pronostic. Les éva-luations échographiques et cytologiques en per-mettent l'éventuelle reconnaissance. La chirurgie en est envisageable au 2e trimestre.

Thyroïdites du post-partum [45,46]

Elles sont favorisées par l'auto-immunité préa-lable à la grossesse, s'exacerbant au décours de l'accouchement. Elles sont d'une très grande fré-quence, constatées au décours de 5 à 10 % des accouchements, mais méconnues du fait de leur habituelle latence ou discrétion (thyroïdites silencieuses).Malgré tout, l'intensité de l'altération lésionnelle thyroïdienne peut être responsable d'un goitre et de désordres fonctionnels d'évolution typique-ment diphasique. La phase thyréotoxique est pré-coce, constatée vers le 2e ou 3e mois après l'accouchement : asthénie, palpitations, perte de poids facilement négligée dans cette période de post-partum. Une phase hypothyroïdienne lui succède vers le 4e–6e mois, également d'expression discrète : fatigabilité, fragilité, troubles menstruels, hypercholestérolémie… La régression spontanée est habituelle, mais un hypofonctionnement défi-nitif, discret ou plus sévère, est présent dans plus de 10 % des cas, coïncidant ordinairement avec une hypotrophie de la glande.Les mesures hormonales évaluent l'état de la fonc-tion thyroïdienne. Les anticorps anti-TPO sont présents à des titres très élevés. En échographie, le parenchyme thyroïdien est hypoéchogène, seule-ment discrètement vasculaire. En l'absence de dysfonction thyroïdienne, les thyroïdites du post-partum sont à distinguer du goitre simple. En phase thyréotoxique, il ne faudrait pas mécon-naître la maladie de Basedow, de survenue un peu plus tardive, dont le goitre est hypervasculaire et coïncide avec la présence d'anticorps anti-RTSH.En phase thyrotoxique liée à la libération hor-monale, il n'y pas place pour les antithyroïdiens, inefficaces et à risque secondairement d'hypo-thyroïdie plus sévère. Seule peut se justifier

20

transitoirement une médication β-bloquante. L'apport de lévothyroxine est utile dans les hypothyroïdies symptomatiques.L'affection peut récidiver au décours de grossesses suivantes, ou s'observer au décours d'avortements.

Conclusion

Les interrelations entre fonction gonadique et thyroïde sont présentes à tous les âges de la vie génitale, et à tout moment de la reproduction. Même si des incompréhensions persistent notam-ment sur les mécanismes des infertilités, ou des avortements spontanés au cours des thyropathies auto-immunes, il est bon de prendre en compte l'état du statut hormonal et immunitaire lors de toute interrogation sur un désordre du développe-ment pubertaire, de troubles menstruels, des capacités de reproduction.Dans la grossesse, à l'heure actuelle, le dépistage des dysfonctions thyroïdiennes n'a pas été généra-lisé. Mais il est recommandé dès qu'existe un goitre, un antécédent personnel ou familial de thyropathie ou de prédisposition à une maladie auto-immune. La généralisation de la prévention des carences iodées, qui s'aggravent en cours de grossesse, fait aussi l'objet de réflexions.

Thyroïde et grossesse : recommandations pratiques

� L'apport en iode chez les femmes enceintes doit être favorisé. Peuvent y contribuer la consommation de produits de la mer, le choix du mode de cuisson (en papillote, au four à micro-ondes), l'utilisation de sel marin enrichi en iode (sel La Baleine®, sel Cérébos® iodé). Cependant, la diététique est insuffisante. Il faut favoriser la généralisation d'une supplé-mentation iodée médicamenteuse chez toutes les femmes enceintes.

� La surveillance de la TSH est hautement sou-haitable avant la conception, et au moins au 1er trimestre de la grossesse en cas de goitre, d'an-técédent personnel ou familial de thyropathie.

� Il faut explorer par cytoponction les nodules cliniquement ou échographiquement suspects découverts lors de la grossesse.

6

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Chapitre 16. Thyroïde : fonction gonadique et grossesse

� L'augmentation de la posologie du traite-ment hormonal d'au moins 30 % est à recom-mander dès le début de la conception chez les hypothyroïdiennes soumises à l'hormonothéra-pie thyroïdienne substitutive.

� Autant que possible, il est bon de ne pas retarder excessivement l'âge des grossesses des  femmes exposées aux thyropathies auto-immunes.

� La grossesse est possible chez les base-dowiennes (et les anciennes basedowiennes) au prix d'une étroite coopération entre endocrino-logue, généraliste, obstétricien et pédiatre, si persistent chez la mère des titres significative-ment accrus d'anticorps antirécepteur de la TSH.

� Ni le traitement par l'hormone thyroïdienne, ni même les antithyroïdiens de synthèse ne consti-tuent des contre-indications à l'allaitement.

Références [1] Wémeau JL. Les maladies de la thyroïde. Paris :

Elsevier Masson ; 2010. [2] Krassas GE. Thyroid disease and female reproduc-

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