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DROIT CIVIL : LE CONTRAT I. L’intérêt de la matière L’intérêt pratique : La vie quotidienne est une succession de contrats (se loger, se déplacer) Tous ces contrats, aussi différents soient-ils, sont soumis à un ensemble de règles qui constituent la théorie générale du droit des contrats. Ex. une société commerciale = contrat entre des associés qui constituent un contrat La vie sociale de notre pays repose sur des négociations et des accords entre partenaires sociaux, qui sont aussi des contrats qu’on appelle contrats collectifs. L’intérêt théorique : Un intérêt pédagogique (ou didactique) : Contrat : accord de volonté en vue de créer entre les contractants ce qu’on appelle un rapport d’obligation. Ex. la vente d’un sandwich ou d’une pomme, elle intervient s’il y a un accord de volonté entre le vendeur et l’acheteur, et donne naissance à deux rapports d’obligation : l’acheteur doit payer le prix et le vendeur doit lui délivrer la chose. La théorie générale du contrat : ensemble des règles du contrat qui permettent de définir un modèle applicable à l’ensemble des relations volontaires dans une société donnée. Le contrat est un acte juridique conclu par deux personnes. Ce qui vaut pour le contrat, vaut en principe pour la plupart des actes juridiques. Le droit des contrats sert de modèle à l’ensemble des actes juridiques. Un intérêt d’ordre politique : Dans une société civile, il y a deux types de modalités d’organisation de la société : - Selon un mode statutaire : cela signifie qu’on organise la société autoritairement par communautés, et on 1

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DROIT CIVIL   : LE CONTRAT

I. L’intérêt de la matière

L’intérêt pratique :La vie quotidienne est une succession de contrats (se loger, se déplacer)Tous ces contrats, aussi différents soient-ils, sont soumis à un ensemble de règles qui constituent la théorie générale du droit des contrats.Ex. une société commerciale = contrat entre des associés qui constituent un contrat

La vie sociale de notre pays repose sur des négociations et des accords entre partenaires sociaux, qui sont aussi des contrats qu’on appelle contrats collectifs.

L’intérêt théorique : Un intérêt pédagogique (ou didactique) :

Contrat : accord de volonté en vue de créer entre les contractants ce qu’on appelle un rapport d’obligation.Ex. la vente d’un sandwich ou d’une pomme, elle intervient s’il y a un accord de volonté entre le vendeur et l’acheteur, et donne naissance à deux rapports d’obligation : l’acheteur doit payer le prix et le vendeur doit lui délivrer la chose.

La théorie générale du contrat : ensemble des règles du contrat qui permettent de définir un modèle applicable à l’ensemble des relations volontaires dans une société donnée.Le contrat est un acte juridique conclu par deux personnes.Ce qui vaut pour le contrat, vaut en principe pour la plupart des actes juridiques.Le droit des contrats sert de modèle à l’ensemble des actes juridiques.

Un intérêt d’ordre politique :Dans une société civile, il y a deux types de modalités d’organisation de la société :

- Selon un mode statutaire : cela signifie qu’on organise la société autoritairement par communautés, et on définit quels sont les règles et devoirs applicables aux membres de ces communautés. Ex. la famille

- Selon une logique volontaire (ou libérale) : dans cette seconde configuration on ne définit plus des communautés, les rapports entre les individus sont définis volontairement par les individus concernés. L’instrument qui permet la mise en œuvre de cette logique c’est le contrat, puisqu’il s’agit d’un accord de volonté.

Donc selon la place qu’occupe le contrat on peut définir la société.

Les relations entre les individus sont - Patrimoniales : relations qui peuvent faire l’objet d’une évaluation

monétaire. Ex. les ventes, les baux, les prêts.- Extrapatrimoniales : relations qui existent abstraction faite des unités

monétaires = secteur non marchand. Ex. les relations familiales.

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Les relations patrimoniales sont par principe des relations volontaires, obéissant à une logique libérale et donc dominée par le contrat.En revanche, les relations extrapatrimoniales sont dominées par une logique statutaire et donc régies par le législateur. Donc la société française est de type libéral.

II. Les sources du droit des contrats

Sources usuelles : c’est LA source. La théorie générale du droit des contrats est exposée aux articles 1101 à 1167 du Code Civil. Le plupart de ces dispositions datent de 1804 mais ont souvent été inspirées de textes plus anciens datant du droit romain.

L’ancienneté du texte a deux conséquences : le législateur du texte est en train de le réécrire (cette réécriture est essentiellement une modernisation du texte actuel pour y intégrer les accords de la jurisprudence depuis deux siècles), et la lecture du Code Civil ne suffit pas à se faire une idée précise de ce qu’est le droit positif des contrats, le contenu exact ne peut être appréhendé que si on lit le texte et qu’on le complète avec tous les acquis de la jurisprudence. Assez naturellement la doctrine a elle aussi une influence sur le contenu du droit des contrats.

Autres sources : il y a deux types de normes qui ont tendance à avoir une influence dans tous les domaines du droit.

- Les normes constitutionnelles : Le Conseil Constitutionnel peut définir des principes qui auront une influence sur le droit des contrats. On peut considérer que la liberté contractuelle figure pratiquement au rang des libertés constitutionnelles.

- Le Droit européen : o Le Droit communautaireo La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme :

consacre le droit de propriété et le respect des biens, elle est appliquée par la Cour de Sauvegarde des Droits de l’Homme. Cette cour assimile ces droits à des biens, donc le respect issu du droit des contrats a une valeur fondamentale au regard de la cour.

Il y a maintenant depuis une dizaine d’années, une tentative d’unifier au niveau européen les différents droits nationaux en matière contractuelle.L’idée est que l’Europe constitue un grand marché unique, l’outil qui permet de faire fonctionner est le contrat, il serait donc souhaitable que nous ayons tous le même droit des contrats.

L’élaboration de références communes consiste à définir des principes sur lesquels il y a un minimum de consensus. Ces références on en fait ensuite des directives d’interprétation communes aux différents états de l’UE.L’objectif est qu’en cas de doute sur l’interprétation d’un texte national, on l’interprète au regard des références communes.

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III. La place du droit des contrats parmi les autres branches du droit

Le droit des contrats figure dans le domaine des relations patrimoniales. Les relations patrimoniales sont en droit dominées par une théorie appelée la théorie du patrimoine, elle englobe la théorie des obligations et cette dernière comprend la théorie générale du contrat.

A. La théorie du patrimoine

Le patrimoine, selon une approche courante, est l’ensemble de biens dont une personne est titulaire.Dans un sens économique, ce sont les richesses (les actifs) mais aussi les dettes (le passif).En droit c’est un peu plus compliqué, les relations patrimoniales sont dominées par un principe de liberté, en matière patrimoniale on fait ce qu’on veut. Ce principe de liberté a une contrepartie : le principe de responsabilité, il est exposé à l’article 2284 du Code Civil. Il nous dit que « tout individu répond sur ses actifs de ses dettes », ce qui signifie que si un individu n’honore pas ses dettes, ses créanciers pourront se saisir de ses biens pour se faire payer.Ce principe de responsabilité introduit un lien entre tous les éléments du patrimoine. Tous les éléments du patrimoine sont liés entre eux car en permanence les actifs répondent du passif.Le patrimoine ce n’est pas le contenu des richesses ni des dettes, mais le contenant dans lequel viennent se fondre les actifs et le passif. Pour désigner cette conception particulière, on dit que le patrimoine est une universalité de droit, c’est-à-dire un ensemble de biens et de dettes à l’intérieur duquel tous les biens présents et à venir répondent de toutes les dettes présentes et à venir.

Cette universalité présente trois caractéristiques majeures : Le patrimoine est soumis à un principe de personnalité : cela signifie que toute

personne a un patrimoine et réciproquement tout patrimoine est nécessairement supporté par une personne. Tout individu est libre de contracter des dettes et en est responsable, le patrimoine est dont l’expression d’un doit fondamental qu’on peut appeler la liberté patrimoniale ou la capacité de jouissance, c’est-à-dire une aptitude à avoir des biens. Cette conception a pour conséquence que le patrimoine ne peut exister de manière autonome. La fiducie est une particularité qui permet de réunir des biens et des dettes sans qu’il n’y ait de propriétaire du patrimoine.

Le patrimoine est intransmissible : car il est un attribut de la personne, transmettre le patrimoine c’est transmettre une partie de cette personne. En conséquence, on ne peut transmettre que des éléments de ce patrimoine, on dit que ces transferts se font à titre particulier et non pas à titre universel. Il est possible d’envisager la transmission universelle du patrimoine, mais dans une seule hypothèse, le décès ; alors le principe de personnalité ne peut plus s’appliquer puisqu’il n’y a plus personne pour soutenir le patrimoine. « La transmission universelle est possible à cause de mort ».

Le patrimoine est indivisible : on ne peut pas diviser la personne qui en est titulaire. En conséquence, un individu ne peut pas isoler au sein de son

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patrimoine une masse de biens dont il déciderait qu’elle serait à l’abri des poursuites de ses créanciers. Difficulté pour les professionnels et les commerçants qu’on peut résoudre en créant une nouvelle personne : une société qui aura son propre patrimoine. Il existe toutefois une loi du 1er août 2003 qui permet d’isoler une partie de leurs biens pour les soustraire aux poursuites de leurs créanciers.

Le patrimoine est une universalité caractérisée par le fait que tous les biens répondent de toutes les dettes.

B. La théorie des obligations

Le patrimoine est un contenant organisé en deux grandes parties : L’actif : les biens

- Corporels : les biens matériels- Incorporels : les droits réels (sur les choses) et les droits personnels (droit

d’exiger quelque chose de quelqu’un), ces derniers sont appelés créances Le passif : les dettes.

La créance figure à l’actif du patrimoine du créancier, et au passif du patrimoine du débiteur. Une obligation est une créance.Le lien entre le créancier et le débiteur est une obligation (ou lien d’obligation ou rapport d’obligation).

On peut distinguer trois grands types d’obligations : Les obligations monétaires : elles sont libellées en unité monétaire, et elles

obligent le débiteur à transférer une certaine somme d’argent au créancier. Les obligations de dare : c’est l’obligation de transférer la propriété d’un bien.

Ex. dans un contrat de vente, le vendeur a une obligation de dare à l’égard de l’acquéreur. C’est une obligation qui a uniquement pour objet le transfert du titre de propriété mais pas de délivrer matériellement la chose vendue.

Les obligations de faire (ou de praestere) : ce sont les obligations de délivrer une prestation, elles visent toutes les obligations auxquelles sont astreint tous les entrepreneurs de toute sorte. Elles concernent également les obligations de ne pas faire. Ex. dans un contrat de travail une clause de non concurrence.

Les obligations revêtent dans la théorie du patrimoine une importance considérable, car les créances reposent sur un lien : ce qui est une créance dans un patrimoine, est une dette dans un autre patrimoine. Le rapport d’obligations est ce qui permet d’établir des liens entre deux patrimoines, c’est ce qui permet la circulation des richesses.

Le rapport d’obligations prend sa source dans le contrat, mais aussi dans des sources plus « accidentelles » (délits et quasi-délits).Sont considérés comme délits et quasi-délits tous les accidents qui sont source de responsabilité.Il y a donc deux sources : le contrat et les délits et quasi-délits.

C. La théorie générale du contrat

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La théorie générale du contrat signifie que l’ensemble des règles applicables au contrat peuvent prendre appui sur un principe. Il s’agit de la théorie de l’autonomie de la volonté.

1. Le sens

La théorie de l’autonomie de la volonté est la traduction de l’adage Pacta sunt servanda.Ce qui signifie que les parties sont liées par ce sur quoi elles se sont mises d’accord.On reconnaît une triple valeur à ce principe :

La théorie de l’autonomie de la volonté a une valeur philosophique, c’est la seule théorie qui autorise une contrainte qui soit respectueuse de la liberté des individus.

C’est une justification purement morale : on juge moralement souhaitable que celui qui s’engage respecte la parole donnée.

La justification économique (ou nécessité de garantir la sécurité juridique ou nécessité de respecter les attentes du créancier) : lorsqu’il y a un contrat il y a nécessairement une créance qui repose sur une confiance. Ce qui fait la valeur économique d’une créance c’est l’assurance pour le créancier d’être payé.

2. La portée

Cette théorie met au centre de la volonté de ceux qui s’engagent. Cette place éminente a une triple conséquence :

a. La théorie de l’autonomie de la volonté donne à la volonté une force contraignante. En conséquence le contrat est défini comme un accord de créer des effets.

b. Les conditions de validité du contratL’accord de volonté suffit à garantir la validité du contrat sans qu’il soit nécessaire de soumettre le contrat à une forme particulière. En revanche il faut que cette volonté soit caractérisée, qu’elle soit libre et éclairée sinon elle est entachée de vices (du consentement) alors le contrat peut être annulé.

c. La théorie de l’autonomie de la volonté conditionne les effets du contrat. Parce que le contrat résulte d’un accord il s’impose aux parties. Art. 1134 « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »

Puisque c’est la volonté qui fonde la force obligatoire du contrat, en conséquence le contrat n’a de force obligatoire qu’à l’égard de ceux qui l’ont voulu : principe de l’effet relatif du contrat.

3. La valeur

La théorie de l’autonomie de la volonté a fait l’objet de critiques :

a. Gounot a écrit en 1912 une thèse « Le principe de l’autonomie de la volonté en droit privé : étude critique de l’individualisme juridique », dans laquelle il explique que la théorie de l’autonomie de la volonté est une superbe illusion mais

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une véritable abstraction. Elle est fondée en fonction d’une conception pure de la volonté qui n’existe nulle part dans la société. Les rapports sociaux ne sont jamais des rapports de pure volonté, et derrière il y a des rapports de force. Par reflet de cette critique on ne renoncera pas au principe de l’autonomie de la volonté mais il sera assorti d’un certain nombre de tempéraments.

b. La deuxième critique est plus récente, formalisée par Christophe Jamin qui défend la conception solidariste du contrat. Il explique qu’un contrat est sans doute un accord de volonté, mais c’est aussi un rapport d’obligations entre deux individus, la théorie de l’autonomie de la volonté ne voit que l’accord, or ce qui est important c’est moins l’accord que le lien. Ce lien social ne mérite d’être obligatoire que s’il est de qualité (donc l’expression d’une solidarité entre les contractants). En conséquence, le lien est celui qui est satisfaisant pour les intérêts des deux parties en présence, c’est le principe de bonne foi.

PARTIE I   : LA D É FINITION DU CONTRAT

Un contrat est un accord de volonté créateur d’un rapport d’obligation.

Chapitre I. Un accord de volonté

Section 1. La manifestation d’une volonté

Il faut une volonté de produire des effets de droit et de s’engager, de devenir partie à un rapport d’obligation qui sera contraignant.

1. Une volonté de produire des effets de droit

Le contrat appartient à la catégorie des actes juridiques et non pas à celle des faits juridiques. Cela permet de mettre en évidence une catégorie intermédiaire : celle des quasi contrats. Un quasi contrat se situe entre l’acte juridique et le fait juridique ; il prend naissance comme un fait juridique (c’est un fait qui donne naissance au contrat). Les effets de ce fait sont des effets identiques à ceux d’un contrat (d’où l’ambivalence). Illustration de la notion à travers la technique de la gestion d’affaires.Ex. A la campagne, deux maisons mitoyennes : une maison occupée toute l’année et une résidence secondaire. Le toit de la résidence secondaire perd quelques tuiles voire s’effondre pendant l’hiver. Le voisin fait diligenter des travaux au moins de sauvegarde pour rendre la résidence étanche. Jusque là c’est un fait. Ce dernier souhaite tout de même être indemnisé et il le sera car il a géré les affaires d’autrui et on considère que dans ce cas là on fait comme s’il y avait eu un contrat entre les deux et que celui qui a géré les affaires d’autrui a été mandaté pour le faire.

On dit qu’il y a gestion d’affaires lorsqu’une personne agit pour le compte d’autrui sans en avoir été chargée ; celui qui gère les affaires d’autrui est appelé le gérant et celui dont les affaires sont gérées s’appelle le maître de l’affaire. On considère qu’ils sont engagés comme si un mandat avait été conclu entre eux, mandat au terme duquel le gérant a accompli un certain nombre d’actes juridiques pour le compte du maître de

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l’affaire. Pour que le mécanisme fonctionne il faut que le gérant démontre l’utilité des actes de gestion.

2. Une volonté de s’engager

Il s’agit d’une volonté de devenir partie à un rapport d’obligation, et un rapport d’obligation contraignant. Cette volonté est ce qui distingue le contrat d’une multitude d’actes volontaires dans lesquels les individus s’engagent sans toutefois le faire de manière contraignante. La volonté de s’engager permet de distinguer le contrat de tout ce qu’on appelle les actes de courtoisie, c’est-à-dire les actes dans lesquels les individus n’ont pas l’intention de s’engager juridiquement. Ex. une invitation à dîner.

Dans la pratique des affaires, il y a des engagements qui semblent être à mi mesure entre l’acte de courtoisie et l’engagement juridiquement sanctionné. Ces engagements sont appelés : des engagements d’honneur ou des lettres d’intention ; pratique courante dans le commerce international. Ex. Une société qui conclut un contrat important avec une société étrangère. Ces relations contractuelles internationales reposent très largement sur la confiance entre les individus. Une manière de renforcer la confiance entre les individus est de solliciter la filiale en demandent l’intervention de sa société mère qui garantit sur l’honneur la solvabilité de sa filiale.Il faut s’en tenir à l’intention des parties et à l’intention de l’auteur de l’engagement d’honneur, plus la lettre sera précise, plus on considérera que l’engagement d’honneur est en fait un engagement juridique sanctionné ; plus les termes sont imprécis plus on le considérera comme un acte de courtoisie. Dans l’ensemble la jurisprudence est plutôt rigoureuse avec ce genre d’engagements, et a tendance à considérer que l’engagement d’honneur est juridiquement sanctionné.

Section 2. La rencontre de deux volontés

§1 Les questions théoriques

Dire que le contrat est une volonté est ce qui permet de distinguer le contrat de l’acte unilatéral de volonté. Parmi les différents actes juridiques, il y a évidemment les contrats mais également des actes juridiques unilatéraux (des actes du fait d’une personne).

L’acte juridique unilatéral pose des questions très complexes en droit, pour synthétiser son régime on peut le faire en énonçant deux propositions :

I. L’acte unilatéral ne produit pas les effets d’un contrat

Cette première proposition signifie deux choses : l’acte unilatéral ne peut en aucun cas engager autrui ; l’acte unilatéral ne permet pas à son auteur de s’engager, seul un individu ne peut pas se mettre à sa charge une obligation, il ne peut seul devenir débiteur d’autrui.L’engagement d’une personne seule est ce qu’on appelle l’engagement unilatéral de volonté, le droit français rejette cette théorie et n’accepte pas ces engagements. Mais ce principe est malgré tout contesté.

1. Quelle est la valeur de ce principe ?

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Un engagement voulu est un engagement de qualité. D’un point de vue moral, le respect de la parole donnée donne de la valeur au principe. Mais cela suppose que cette parole a été donnée à autrui, il y a normalement un rapporte entre deux personnes. Donc on peut comprendre ici qu’on écarte l’engagement unilatéral de volonté car celui-ci se fait tout seul. La justification économique suppose un rapport entre deux personnes aussi.

Quand une personne s’engage unilatéralement, elle le fait rarement dans un isolement total. L’engagement unilatéral a généralement une certaine publicité, celui qui pourrait en profiter en a connaissance. Cet engagement est connu de ceux auxquels il pourrait bénéficier. Dans cette mesure, on peut considérer qu’il crée des attentes auprès d’autrui. A proprement parlé cet engagement unilatéral de volonté ne crée pas des obligations mais eu moins des attentes.

2. Quelle est la portée de ce rejet ?

Ce principe souffre d’une exception majeure en droit du travail. Le chef de l’entreprise peut s’engager unilatéralement et cela a une valeur (Ex. prime). Dans l’entreprise le chef d’entreprise a un pouvoir unilatéral de décider un certain nombre de normes dans l’entreprise. En contrepartie de ce pouvoir, il peut s’engager unilatéralement auprès de ses employés. En dehors du droit du travail, il n’y a pas de règle générale mais il y a trois solutions qui permettent de nuancer l’absence de prises en considération de l’engagement unilatéral de volonté.

Auteur d’une jurisprudence assez sinueuse, la cour de cassation dans un arrêt de la 1ère chambre civile du 13 juin 2006, a admis que la promesse à l’occasion d’une loterie dépourvue d’équivoque engageait l’auteur de cette promesse. Cette promesse engage le promettant come si c’était un quasi contrat.

Seconde nuance, la jurisprudence sur l’offre de contracter : la plupart des contrats sont précédés d’une offre. Ex. afficher « A vendre etc. » sur une voiture qu’on veut vendre, c’est une offre. Cette offre c’est un acte unilatéral. Par application du principe de rejet unilatéral, cette offre n’engage pas son auteur. Cette offre crée une attente chez ceux qui ont vu cette offre et qui peuvent être intéressés. Parce que cette offre crée une attente, la jurisprudence considère que le retrait intempestif de l’offre est caractéristique d’une faute qui engage la responsabilité de son auteur.

Troisième nuance : la Cour de cassation s’est intéressée à ce que fait le juge anglais ; il existe en Angleterre la règle de l’Estoppel qui peut se traduire en droit français comme « nul ne peut se contredire au détriment d’autrui ». Cette règle exprime un principe de cohérence, celui qui se contredit au détriment d’autrui commet une faute qui engage sa responsabilité. Cette théorie pourrait permettre de généraliser les solutions relatives à l’offre à l’ensemble des engagements unilatéraux. Le raisonnement serait le suivant : quiconque prend un engagement unilatéral crée une attente au bénéfice de tiers, si se contredisant l’auteur de l’engagement revient sur celui-ci, il commet une faute qui engage sa responsabilité. L’engagement unilatéral de volonté ne crée pas d’obligation, en revanche l’inexécution de cet engagement est une faute.

II. L’acte unilatéral produit (malgré tout) des effets de droit

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L’acte unilatéral ne saurait obliger son auteur, simplement parmi les effets de droit il n’y a pas que la création d’un rapport d’obligation. Ex. un héritier renonce à sa succession (acte unilatéral qui produit des effets de droit).

1. A l’égard de son auteur

Acte translatif : acte dont le seul effet est d’entraîner un transfert de propriété sans créer de rapport d’obligation. Ex. le legs, il est typiquement un acte unilatéral et translatif par le testament. Il se produira au décès de son auteur et entrainera un transfert de bien légué du défunt au bénéficiaire.

Acte déclaratif : acte qui a pour seul effet de rendre certaine une situation juridique incertaine. Ex. une reconnaissance de dettes.

Acte abdicatif : acte par lequel son auteur abandonne ou renonce à un droit dont il était titulaire.

2. A l’égard des tiers

Un acte unilatéral ne peut pas commettre de nuisance à un tiers car si c’est le cas, cela produit un préjudice. Et pourtant certains actes unilatéraux créent des nuisances envers les tiers et ont tout de même une valeur juridique. Cela a lieu dans le déroulement d’un contrat de longue durée. Ex. le licenciement d’un salarié, cet acte unilatéral crée une nuisance pour le salarié.Ces actes unilatéraux sont autorisés parce qu’ils s’insèrent dans les relations contractuelles qui durent de manière indéterminée. Dans ces relations chacune des parties a le droit de mettre un terme unilatéralement au contrat.La contrepartie est que ces actes unilatéraux sont encadrés par des règles qui ne sont pas des règles de portée générale mais spécifiques à chacun de ces actes unilatéraux (règles propres au licenciement, à la rupture des contrats de fournitures etc.) mais au-delà des règles spécifiques on s’aperçoit qu’on trouve toujours au minimum pour ces actes unilatéraux une exigence de préavis, pour certains actes on peut aller plus loin, on peut exiger un préavis mais aussi une motivation, mais on peut aller encore plus loin (pour le licenciement), on peut exiger une procédure et in fine un contrôle judiciaire de la valeur du motif.

§2 Les questions théoriques

I. L’offre

A. La notion d’offre

C’est une proposition de conclure un contrat. Le terme « offre » peut être remplacé par le terme de « policitation ». L’auteur de l’offre peut être désigné comme « l’offrant », et certains parlent même de « l’offrance » (à éviter), mais on peut dire le « policitant ». Pour qu’une offre vale juridiquement il faut qu’elle présente deux caractéristiques : il faut qu’elle soit ferme et précise. Pour qu’une proposition constitue une offre il faut qu’en cas d’acceptation elle puisse constituer un contrat. Ex. si je dis j’offre ma voiture en vente, est-ce une offre au sens juridique ? Non, cette proposition est in complète, elle ne permet pas de faire un contrat. En revanche si je dis j’offre telle voiture à telle prix c’est bon.

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Pour que la proposition constitutive de l’offre constitue un contrat il faut qu’elle soit ferme et précise.

Ferme : L’offre est significative de l’intention de son auteur d’être liée en cas d’acceptation. L’offre est une simple invitation à entrer en contrat.

Il y a deux hypothèses où l’on présume que l’offre est formulée avec réserve : Dans les contrats commerciaux on considère que la réserve est toujours sous-

entendue, on considère donc que l’offre est toujours une invitation à entrer en contrat.

On dit que la réserve est toujours sous-entendue lorsque le contrat est conclu intuitu personae, c’est-à-dire en considération de la personne.

Précise : il faut que l’offre répercute les éléments essentiels du contrat qui est projeté.Si le contrat est une vente il faut que l’offre comporte l’indication du bien qu’on veut vendre et son prix.

Si l’offre est suffisamment ferme et précise, cela suffit à en faire une offre. Peu importe d’autres caractéristiques.

3 grands principes : Si l’offre est ferme et précise, peu importe qu’elle soit expresse ou tacite : elle

peut être formalisée oralement ou par écrit (expresse). Elle peut résulter de gestes ou d’une situation (tacite).

Peu importe que l’offre soit personnalisée ou adressée au public : l’offre adressée au public a exactement la même valeur que l’offre personnalisée.

Peu importe que l’offre soit ou non assortie d’un délai : dès lors qu’elle est ferme et précise elle a valeur d’offre.

B. Les effets de l’offre

Le principal effet de l’offre est qu’en cas d’acceptation elle devient un contrat. Une fois qu’elle a été acceptée, l’auteur ne peut plus revenir dessus, cette offre n’est plus un simple engagement unilatéral. Si l’auteur estime avoir changé d’avis, il ne peut plus revenir dessus car ce serait refuser d’exécuter un contrat.

Que se passe-t-il tant que l’offre n’a pas été acceptée ? L’auteur de l’offre est-il en mesure de révoquer son offre ou est-il lié par celle-ci ?Du point de vue de la théorie de l’autonomie de la volonté, une offre c’est un engagement de contracter. On peut d’un point de vue théorie admettre que cette offre soit contraignante et que l’auteur ne peut s’en détacher. D’un point de vue moral on peut dire que cette offre a créé une attente et que son retrait sera une déception. Ces considérations plaident plutôt pour que l’offre se voit reconnaître un effet contraignant.

Soit l’offre comporte un délai et dans ce cas l’auteur est tenu de maintenir son offre durant le délai indiqué. Soit l’offre n’est assortie d’aucun délai et alors c’est le principe

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de la liberté contractuelle et peut être librement révoquée, sauf à ce que l’auteur de l’offre respecte un délai raisonnable.

Que se passe-t-il en cas de non respect du délai ? Jusqu’à présent la jurisprudence est assez incertaine mais la solution qui ne fait quasiment aucun doute en doctrine est que la révocation intempestive de l’offre constitue une faute qui engage la responsabilité de l’auteur de l’offre ; en revanche, l’auteur ne sera jamais tenu de conclure le contrat.La victime de la révocation intempestive de l’offre ne peut pas à titre de dommages et intérêts obtenir une indemnisation qui sera égale aux gains espérés du contrat projeté. Si on indemnisait la victime de la révocation du montant des gains attendus du contrat, cela reviendrait à faire comme si le contrat avait été conclu.

II. L’acceptation

L’acceptation est caractérisée dès lors qu’elle est pure et simple. Elle n’entraîne la formation du contrat que si elle est formulée sans aucune réserve à l’égard des termes de l’offre, s’il y a la moindre réserve ce n’est pas une acceptation. Si l’acceptation est pure et simple, peu importe les formes qu’elle peut prendre (expresse ou tacite).

Le silence peut-il valoir acceptation ? Le silence n’a pas valeur juridique, il ne peut valoir acceptation.Nuances à l’absence d’effet du silence :

Le silence est pris en considération s’il est d’usage qu’il le soit dans les relations entre les parties. Ex. tous les contrats de fourniture reposent sur une acceptation qui est silencieuse (boulanger livré tous les matins sans conclure un contrat chaque jours).

Si l’offre est faite dans l’intérêt exclusif de son destinataire. Cette formulation est exprimée en termes généraux. Ex. La convention d’assistance des personnes bénévoles s’apparente à un quasi-contrat.

Les effets de l’acceptation : il est fréquent qu’une offre de contracter présente des conditions particulières et des conditions générales.L’acceptation de l’offre porte-t-elle aussi bien sur les conditions particulières que sur les conditions générales ? L’acceptation de l’offre vaut acceptation des conditions particulières et générales, à la condition que l’auteur de l’offre soit en mesure d’établir que l’auteur de l’acceptation a eu connaissance des conditions générales. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------(cours du 12 /10/10)

III. La rencontre

La rencontre des volontés pose un problème lorsque le contrat est conclu à distance, l’offre et l’acceptation ne sont pas données au même moment ni au même lieu. Quand considérera-t-on que les volontés se sont rencontrées et que l’offre a rencontré l’acceptation.

Le système de la réception est le système selon lequel on considère que le contrat est formé lorsque l’auteur de l’offre a reçu l’acceptation. Ce système a un inconvénient : il y a un laps de temps qui peut être long. Ce système permet à

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l’auteur de l’offre de revenir sur celle-ci alors même que l’offre a été acceptée. L’auteur de l’offre peut ici déjouer les attentes de celui qui a accepté l’offre.

Le système de l’expédition est le système selon lequel le contrat est réputé conclu à compter du jour où l’auteur de l’acceptation expédie celle-ci à l’auteur de l’offre. C’est le système le moins risqué du point de vue du respect des prévisions des parties.

La jurisprudence renvoie aux volontés des parties, et aux systèmes qu’ils choisissent.Arrêt de la Chambre commerciale du 7 janvier 1981 bulletin n°14 : la chancellerie a adopté le système de la réception.

IV. Les facteurs de complication

A. Les facteurs liés à la pratique

En pratique, il est assez fréquent que la conclusion d’un contrat suive un schéma infiniment plus complexe que la simple rencontre d’une offre et d’une acceptation.Plus le contrat est complexe, plus les parties vont négocier. Le processus de conclusion du contrat consistera dans une longue négociation au cours de laquelle il sera impossible de distinguer une offre d’une acceptation. Et à la fin de ce processus il y a deux parties qui adhèrent à un contrat.

Que se passe-t-il durant cette phase de négociation ? (2 possibilités) Les parties décident de rationnaliser ce processus de négociation : dans ce

cas les parties vont conclure un contrat dont l’unique offre sera de décrire et d’organiser le processus de négociation. Pendant cette période il y a des contraintes qui ont valeur contractuelle.

Il n’y pas de rationalisation : dans ce cas les parties restent libres tout au long de la négociation de ne pas conclure le contrat, à tout moment elles peuvent décider de rompre la négociation. Cette période doit être dominée par un principe de loyauté (ou principe de bonne foi). Faire preuve de loyauté oblige à deux choses :

o Les parties ne doivent pas prendre prétexte de la négociation pour causer une nuisance d’ordre économique à la partie avec laquelle la négociation est entreprise. Ex. prendre prétexte de la période de négociation pour capter des secrets de fabrication, des informations confidentielles par exemple deux entreprises envisagent de développer un procédé technologique commun qui requiert la technologie de l’une et de l’autre entreprise, il faut que les parties négocient et examinent chacune la technologie de l’autre mais ce sont des informations confidentielles, celui qui romprait les négociations et profiterait de ces infos serait coupable.

o Les parties doivent adopter un comportement cohérent, et on considère que commet une faute la partie à une négociation qui a engagé cette négociation ou l’a poursuivie alors qu’elle n’avait aucune intention de conclure un contrat. Ex. deux entreprises concourent pour obtenir un marché, mais l’un des deux pendant qu’ils négocient va directement essayer d’obtenir le marché et on négocie avec lui pour l’empêcher d’obtenir le marché.

Lorsque les parties commettent une faute au cours de la période de négociation elles engagent leur responsabilité (c’est une responsabilité

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délictuelle car elle a pour origine une faute civile car le fait qui est constitutif de la faute est un fait juridique qui intervient dans une période précontractuelle). De quels préjudices la victime d’une rupture abusive de pourparler peut-elle demander l’indemnisation ? Il existe sur cette question une jurisprudence Manoukian du 28 juin 2006 : la jurisprudence avant cet arrêt disait que s’il y a une rupture abusive de pourparler la conséquence en est que le contrat espéré au moins par l’une des parties ne sera pas conclu, le préjudice ce sont donc les gains qu’on pouvait espérer du contrat et au minimum la perte de chance d’obtenir ces gains. La jurisprudence Manoukian nous dit « désormais le préjudice ne peut être égal à la perte de chance des gains espérés du contrat ». La cour de cassation nous donne deux raisons :

o Entre la rupture abusive des pourparlers et le préjudice constitué de la perte de chance des gains espérés du contrat, il n’y a pas de lien de causalité. Quelle est la cause du préjudice constitué par la perte des gains espérés du contrat ? C’est la rupture des pourparlers ; mais la rupture en elle-même n’a rien de fautive, ce qui est fautif ce sont les circonstances qui ont accompagné cette rupture. Ex. le fait d’avoir négocié sans intention de conclure.

o Le principe de la liberté contractuelle : les pourparlers peuvent être rompus librement, si on indemnisait la perte des gains attendus du contrat, cela voudrait dire qu’on considérerait implicitement qu’il y a eu une atteinte au droit de contracter et que cette atteinte justifie une indemnisation réparatrice et dont le montant est égal à la valeur du droit de contracter, c’est-à-dire les gains qu’on peut espérer de la conclusion du contrat ; indemniser les gains espérés reviendrait à reconnaître l’existence d’un droit de contracter et ce droit n’existe pas.

B. Les facteurs liés à la loi

Ces facteurs de complication liés à la loi répondent tous à une aspiration commune : en principe le processus de rencontre entre l’offre et l’acceptation doit permettre aux deux parties d’exprimer une volonté libre et réfléchie. Il n’en reste pas moins qu’il y a un certain nombre de circonstances dans lesquelles la rencontre de l’offre et de l’acceptation peut se faire dans des conditions telles qu’une incertitude demeure sur la volonté des parties. On peut craindre dans certains cas que le processus de rencontre de l’offre et de l’acceptation ne soit qu’un moyen pour l’auteur de l’offre de contraindre l’une des parties (deux exemples ci-dessous)

1. Les contrats électroniques

Le législateur a assez vite pris conscience du caractère potentiellement déresponsabilisant du processus contractuel, il n’est pas sûr que les individus qui s’engagent sur Internet aient toujours conscience de la portée contractuelle et du caractère contraignant. Le législateur a réagi par une loin du 21 juin 2004 dont les dispositions apparaissent des articles 1369-1 à 1369-11 du Code civil, elles ont pour objet de renforcer le processus pour être sûr que l’acceptation sera donnée de manière réfléchie. Ces dispositions sont essentiellement au nombre de deux :

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Les opérateurs du commerce sur internet ne peuvent se contenter de formuler une offre ferme et précise. Il faut que l’offre contienne en plus toute une série d’informations sur les conditions contractuelles mais aussi sur le processus de formation du contrat.

L’acceptation n’est valable que si elle est confirmée (système du double-clic)

2. Les contrats déséquilibrés

C’est un contrat dans lequel le rapport de force économique entre les parties est déséquilibré. Ex. le contrat de consommation qui met en présence un professionnel et un consommateur, on peut craindre que le consommateur se laisse emballer rapidement par les offres qui lui sont faites et donc que les volontés sont peu réfléchies.Pour ce type de contrat :

Il n’y a aucune disposition générale qui vienne perturber le schéma traditionnel de rencontre de l’offre et de l’acceptation, simplement on constate qu’il existe un grand nombre de règles spéciales qui pour tel ou tel type de contrat, imposent un dispositif contraignant de rencontre de l’offre et de l’acceptation. Ex. le démarchage à domicile, le crédit à la consommation et le crédit immobilier. Ils ont deux traits communs :

o Le professionnel doit formaliser son offre par écrit et indiquer dans cette offre un certain nombre de mentions obligatoires qui vont bien au-delà d’une simple description du contrat.

o On introduit dans ces contrats un délai de réflexion (ou de rétractation) pour permettre au consommateur de se décider de manière réfléchie. C’est un délai durant lequel le consommateur qui a reçu l’offre ne peut en aucun cas accepter celle-ci. Le délai de rétractation (environ 7 jours) est un délai durant lequel le consommateur qui a accepté l’offre peut revenir sur son acceptation, il a une faculté de dénonciation du contrat qu’il a conclu.

(§2 Les questions techniques)

Chapitre II. Un acte créateur d’obligations

Dire que le contrat est un acte créateur d’obligations est ce qui permet de distinguer le contrat d’autres accords de volonté. Dans la grande catégorie des accords de volonté, seuls certains sont des contrats. Les accords qui ne sont pas créateur d’un rapport d’obligations ont pour nom « les conventions ».En pratique il est très fréquent qu’on utilise les termes « contrat » et « convention » comme des synonymes.

Il y a trois types de conventions qui ne sont pas des contrats : Des conventions abdicatives dont l’objet est d’entraîner les deux parties à

renoncer à des droits. Des conventions déclaratives. Ex. le partage, une personne décède et laisse trois

héritiers, tant que les biens ne sont pas partagés entre les héritiers, on sait que chacun des héritiers a vocation à avoir des droits sur les biens de la succession, le partage va permettre de donner de la certitude aux droits des héritier sur ces biens.

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Des conventions normatives : ce sont des accords qui créent une règle de droit applicable pour toute une catégorie d’individus qui va au-delà des seuls signataires de cette convention.

Dire que le contrat est un acte créateur d’obligations permet également de procéder à des classifications parmi les contrats.Section 1. Les classifications traditionnelles

§1 Le critère de la réglementation

A. distinction entre les contrats nommés et innommés

Les contrats nommés : C’est celui qui est spécifiquement désigné et réglementé dans un texte de loi. Ex. le contrat de vente, de prêt, de dépôt.

Les contrats innommés : C’est un contrat qui résulte de la pratique et n’est spécifiquement désigné par aucun texte.

La classification était essentielle car seuls les contrats nommés se voyaient reconnaître une force contraignante, la méconnaissance des contrats innommés justifiaient une demande indemnitaire, ils n’ont pas de force contraignante.

L’intérêt de la théorie générale : Tout acte qui procédera d’une rencontre d’une offre et d’une volonté sera considéré comme un contrat et il se verra reconnaître le bénéfice de la force obligatoire.

B. Distinction entre les contrats internes et internationaux

Le contrat interne est un contrat exclusivement régi par des dispositions de droit français

Le contrat international est un contrat qui présente un élément d’extranéité, c’est-à-dire un élément qui pourrait rattacher ce contrat à un autre système juridique.

§2 Le critère de la formation du contrat

A. Les contrats consensuels

Ce sont les contrats de droit commun, par principe tout contrat est un contrat consensuel. Cela veut dire que la validité de ce contrat ne résulte d’aucune forme, la seule rencontre des volontés suffit à faire le contrat.

B. Les contrats solennels

Par exception il existe certains contrats dont la formation suppose l’accomplissement de formalités, ce sont les contrats solennels. Ex. la donation dont la forme est notariée.

C. Les contrats réels

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Enfin certains contrats ne se forment que par la remise d’une chose, ces contrats sont les contrats réels, ce sont le plus souvent des contrats de restitution. Les deux principaux sont le contrat de dépôt et le contrat de prêt, ils ne se forment que par la remise de la chose.

§3 Le critère des effets du contrat

A. La distinction entre les contrats synallagmatiques et les contrats unilatéraux (article 1102 du Code civil)

Le contrat synallagmatique (ou bilatéral) est un contrat qui crée des obligations réciproques à la charge des deux parties.

Le contrat unilatéral est un contrat qui ne fait naître d’obligations qu’à la charge d’une des parties. Ex. la donation, seul le donateur s’engage à transférer la propriété d’un bien à un donataire. Il ne faut pas le confondre avec l’engagement unilatéral qui est un acte unilatéral.

B. La distinction entre les contrats à titre onéreux et les contrats de bienfaisance (articles 1105 et 1006)

Le contrat à titre onéreux est un contrat qui assujettit chacune des parties à donner ou à faire quelque chose ; le plus souvent les contrats synallagmatiques sont des contrats onéreux, il y a pourtant une différence : dans le contrat à titre onéreux il y a une intention marchande, les parties ont l’une et l’autre l’intention de réaliser un échange à l’avantage de l’une et l’autre. On peut trouver des contrats synallagmatiques qui ne sont pas pour autant à titre onéreux. Ex. la donation à charge, une personne fait donation de ses biens à un tiers, mais à cette donation on ajoute une charge, le donataire à une obligation comme par exemple pourvoir à l’entretien du donateur.

Le contrat de bienfaisance est le contrat dans lequel l’une des parties procure à l’autre un avantage purement gratuit, le plus souvent une seules des parties s’oblige et l’autre bénéfice de cette obligation, cette obligation étant sans contrepartie l’avantage est gratuit. On distingue généralement entre :

o Le contrat de bienfaisance stricte, la prestation qui est gratuite est une prestation simple

o Le contrat à titre gratuit, c’est un contrat qui emporte un transfert de propriété, c’est ce transfert qui revêt un caractère gratuit

On constate que la définition du contrat de bienfaisance le rapproche considérablement du contrat unilatéral puisque les deux font apparaître que seulement une des parties s’engage.La différence se marque dans l’intention : dans le contrat de bienfaisance il n’y a pas d’intention marchande, il n’est pas un acte de la vie commerciale, ce qui fait qu’on peut avoir des contrats unilatéraux qui ne sont pas des contrats de bienfaisance parce que dans ces contrats il n’y aura qu’une seule partie qui s’engage mais cet engagement s’inscrit dans une intention non marchande. Ex. le contrat de cautionnement que donne une banque au soutien d’un prêt.

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C. La distinction entre les contrats commutatifs et les contrats aléatoires (article 1104)

Cette distinction ne concerne que les contrats synallagmatiques :

Le contrat commutatif est un contrat dans lequel l’équilibre économique dépend de ce que les parties ont voulu au moment de la conclusion du contrat. Ex. la plupart des contrats comme une vente portant sur un bien immobilier.

Le contrat aléatoire est un contrat dont l’équilibre économique dépend de la survenance ou non d’un événement incertain. Ex. un contrat d’assurance destiné à prémunir des conséquences de la survenance d’un risque. Selon que le risque se produit ou non, le contrat sera en faveur de l’assuré ou de l’assureur.

D. La distinction entre les contrats instantanés et les contrats à exécution successive

Le contrat instantané est un contrat qui s’exécute en un seul instant ou dans un laps de temps assez cours.

Le contrat à exécution successive dans lequel son exécution s’échelonne dans le temps.

Section 2. Les classifications modernes

§1 La prise en considération de données sociales

Cette prise en considération a conduit les auteurs (comme Saleilles) au début du XXème siècle à faire une distinction :

Le contrat de gré à gré est un contrat dont l’ensemble des clauses on été négociées.

Le contrat d’adhésion est un contrat dans lequel l’intégralité des clauses à été rédigée par l’une des parties, l’autre partie n’ayant d’autre possibilité que d’accepter ou de refuse le contrat. Il se conclut au détriment d’une partie faible (un non professionnel) et au profil d’une partie forte (un professionnel)

Cette distinction peu paraître datée, c’est une distinction dont le législateur ne tirera que des conséquences limitées, la seule conséquence est que dans les contrats d’adhésion l’interprétation des clauses ambigües se fait au détriment de la partie forte. Mais le déséquilibre entre les parties à un contrat ne se traduit pas systématiquement par un contrat d’adhésion et au contraire il y a des contrats de gré à gré qui sont des contrats particulièrement déséquilibrés.Donc cette distinction paraît inadaptée par rapport au regard du légitime souci de rééquilibrer le rapport de force dans les lois. Actuellement, la prise en considération du déséquilibre entre les parties a donné lieu à l’émergence de trois grandes catégories de contrat qui précisément permettent de remédier aux conséquences de ce déséquilibre :

Le contrat de consommation est un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur. Le professionnel est celui qui offre une prestation rémunérée, le consommateur est celui qui contracte pour satisfaire des besoins personnels. Ce contrat met en présence une partie forte et une partie faible ; ce qui fait la faiblesse du consommateur ce n’est pas nécessairement le rapport de force entre les parties, ce qui protège le consommateur c’est la concurrence, en revanche ce

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que la concurrence n’apporte pas au consommateur c’est une symétrie de l’information, le professionnel en sait toujours plus que le consommateur, il sait mieux que lui où est le juste équilibre dans le contrat (où est la bonne affaire).

Le contrat de travail est significatif d’un déséquilibre lourd entre les parties parce qu’il institue une subordination entre l’employeur et le salarié, il institue par lui-même un rapport de pouvoir qui est au déséquilibre du salarié.

Le contrat de dépendance est un contrat dont la pérennité conditionne l’activité économique de l’une des parties. Ex. contrat entre un fournisseur et un distributeur.

§2 La prise en considération de données économiques

A. La distinction entre les contrats simples et les ensembles contractuels (les contrats complexes)

Le contrat simple est le contrat qui permet à lui seul de réaliser une et une seule opération économique.

L’ensemble contractuel se définit par une pluralité de contrats qui partagent tous en commun de réaliser une même opération économique. Ex. la construction d’une usine.

B. La distinction entre les contrats échange et les contrats organisation

Le contrat échange a uniquement pour objet de réaliser un échange de valeur, dans ce type de contrat l’ensemble des obligations des parties sont définitivement fixées par le contrat.

Le contrat organisation est un contrat qui a pour objet d’établir une coopération entre les parties et qui institue des organes aux fins de définir au fil de la relation les obligations des parties.

PARTIE II   : LA VALIDIT É DU CONTRAT

Article 1134 : les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ce qui les ont faites. Il ne suffit pas qu’il y ait une offre et une acceptation pour qu’il y ait un contrat, il faut que la rencontre de volontés se fasse légalement.Cet article conditionne la force obligatoire du contrat au respect par les parties à la formation du contrat.

En pratique lorsque les parties ont conclu un contrat, en principe elles s’efforcent de l’exécuter, on ne s’interroge donc pas sur la validité du contrat, il n’y a pas de contrôle préalable de la validité du contrat. La validité du contrat n’est examinée qu’en cas de contestation de la validité du contrat. L’accord de volonté suffit à garantir la force obligatoire du contrat. De cette théorie on déduit deux conséquences : il n’y a pas de contrôle à priori de la validité des contrats ; et en cas de contrôle à posteriori suscité par une contestation, on présume la validité du contrat ce qui signifie que la charge de la

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preuve de la nullité du contrat pèse sur celui qui l’invoque et si ce dernier laisse subsister un doute à cet égard, le doute profite à la validité et jamais à la nullité.

Lorsque fait défaut l’une des conditions de validité, on dit que le contrat est entaché de nullité. Pour faire constater la nullité il faut exercer une action en justice, une action en nullité. On distingue parmi les actions en nullité :

Les actions en nullité relatives, elles tendent à protéger les intérêts d’une des parties au contrat

Les actions en nullités absolues, elles sont destinées à protéger des intérêts d’ordre général.

Chapitre I. Les conditions de validité

L’article 1108 du Code indique qu’il y a quatre conditions de validité: La capacité et/ou le pouvoir Un consentement Un objet Une cause Une cinquième condition ? La forme

Section 1. Capacité et pouvoir

Le contrat crée des obligations à la charge de ceux qui les contractent, il a donc une incidence sur la composition des patrimoines de ceux qui contractent.En principe, comme tout individu a un patrimoine, alors tout individu a une capacité à contracter. Ce principe de capacité est inscrit à l’article 1123 du Code Civil.

Sauf que si le principe est la capacité, il y a un certain nombre de situations où on peut s’interroger sur la valeur de ce principe, deux exemples :

Un mineur âgé de 7 ans hérite de biens conséquents, peut-il seul disposer des biens immobiliers qu’il reçoit en héritage ? Non, il va falloir le protéger, c’est donc ici une situation d’incapacité.

Un couple propriétaire d’un bien immobilier, l’un seulement des deux époux peut seul vendre le bien immobilier sans recueillir l’accord de l’autre ? Il faut que les deux agissent de concert. Il manque à l’époux seul le pouvoir d’engager un bien qui est la propriété des deux.

La capacité se définit comme l’aptitude de contracter pour soi-même.Le pouvoir c’est l’aptitude à contracter dans un intérêt partiellement ou totalement distinct du sien.

§1 Règles de capacité

La capacité est le principe, il y a des exceptions à cette capacité, quand on étudie la capacité cela revient à étudier les exceptions de ce principes et donc à étudier les incapacités.On distingue dans les incapacités de jouissance des incapacités d’exercice.

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I. Les incapacités de jouissance

C’est l’interdiction absolue faite à un individu de contracter. Elle est toujours une incapacité spéciale, c’est-à-dire une interdiction qui porte exclusivement sur certains contrats. Trois catégories :

Les interdictions professionnelles liées à l’existence d’un monopole : quiconque ne fait pas partie du monopole se voit interdire les actes autorisés pour les seuls bénéficiaires de la situation du monopole. Le monopole ne peut exister qu’en vertu d’une loi et il est justifié par des conditions de compétence requises pour exercer telle ou telle profession.

Les incapacités de jouissance propres aux personnes morales : les personnes morales sont soumises à ce qu’on appelle un principe de spécialité, cela veut dire que les personnes morales définissent dans leur statut leur raison d’être, ce qu’on appelle leur objet social. En principe en dehors de l’objet social, la personne morale est frappée d’une incapacité de jouissance. En réalité la seule limite du principe de spécialité est l’interdiction de réaliser des actes qui seraient contraires à l’intérêt de la société. Dans ce cas l’incapacité de jouissance est pénalement sanctionnée.

Les incapacités de jouissance propres aux personnes physiques : elles sont relativement rares, on relève que dans certains types de relations il y a un risque majeur que le contrat qui pourrait être conclu soit entaché d’un vice rédhibitoire d’une cause flagrante de nullité. Pour qu’une telle incapacité existe il faut un texte spécial et le plus connu est celui du cas mourant/médecin.

II. Les incapacités d’exercice

C’est une interdiction de contracter seul. Ex. le mineur peut faire des actes mais il ne peut pas le faire seul. Ces incapacités obéissent à un droit commun mais également à des règles spéciales.

A. Le droit commun

Pour conclure un contrat il faut un consentement libre (non contraint) et éclairé (en connaissance de cause, donné par quelqu’un qui a compris ce à quoi il s’engage). En principe tout individu, sauf accident, est capable de donner un consentement libre et éclairé. On parle du « standard de bon père de famille » pour parler de cette personne moyenne.

Mais certains individus présentent un état qui fait qu’on peut douter de leur capacité à avoir un consentement libre et éclairé. Ils présentent soit une déficience intellectuelle (inaptitude à avoir un consentement éclairé) ou mentale (incapacité à résister à la contrainte et donc à avoir un consentement libre). Ces individus sont les « incapables », ils bénéficient de règles protectrices qui ont une incidence sur la validité des contrats. Ce régime protecteur est défini dans le Code Civil dans des articles qui ont été intégralement réécrits par une loi du 5 mars 2007 entrée en vigueur en 2009. Ce régime de protection comprend une règle générale posée à l’article 414-1 qui dispose que peuvent être annulés tous les contrats qui ont été conclus sous l’empire d’un trouble mental ou d’une insanité d’esprit.

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A cette règle générale s’ajoute des régimes de protection qui sont préventifs pour éviter que l’incapable ne conclue des contrats qui soient déséquilibrés et à son désavantage. Ces régimes de protection reposent sur un arbitrage entre la nécessité de protéger l’incapable et la nécessité de préserver sa liberté. Cet arbitrage est réalisé en premier lieu par le juge des tutelles qui décidera oui ou non de la nécessité de placer un individu sous un régime de protection. Ce juge se décidera aux vues d’un rapport d’expertise médical qui portera un diagnostic sur l’état de l’incapable. En fonction de l’état, le juge décidera d’adopter tel ou tel régime de protection (plus ou moins contraignant). Plus l’état est grave plus le régime de protection est contraignant. Et plus l’acte est grave, plus la mise en œuvre du régime est contraignante pour l’incapable.

Il y a trois régimes de protection : Légère déficience mentale ou intellectuelle (personne dépressive par

exemple), ce premier état donne lieu à une mesure de sauvegarde de justice. La conséquence est que la personne est capable de conclure n’importe quel type de contrat. L’avantage est que cette personne se voit reconnaître le droit exorbitant de dénoncer les contrats lésionnaires (contrats déséquilibrés comme une vente à un mauvais prix). En principe la lésion n’est pas une source de nullité du contrat.

« Débile léger » : dans cette hypothèse on placera le majeur dans un régime de curatelle qui fait que par la décision du juge des tutelles, l’individu se verra reconnaître l’assistance d’un curateur. Il y a une échelle des actes :

o Les actes conservatoires : ce sont des actes nécessaires à la sauvegarde du patrimoine, en principe le majeur peut les signer seul.

o Les actes d’administration : ce sont des actes de gestion du patrimoine. Ex. on met en location un bien immobilier, le majeur sous curatelle peut en principe également les faire seul.

o Les actes de disposition : ce sont des actes qui entrainent une modification importante dans la composition du patrimoine. Ex. la vente immobilière. Dans ce cas et dans ce cas seulement, l’individu sous curatelle ne peut agir qu’avec l’assistance de son curateur. Et c’est ici une condition de validité du contrat.

Déficience mentale ou intellectuelle suffisamment grave pour exclure l’hypothèse d’un consentement libre et éclairé. Dans ce cas l’individu est placé sous le régime de la tutelle, qui amène le juge à assisté l’incapable d’un tuteur qui va également le représenter, il va agir à sa place. Ce tuteur sera lui-même contrôlé soit par le juge soit par le Conseil de famille. On applique à la tutelle l’échelle de gravité des contrats :

o Les actes conservatoires et d’administration : le principe est qu’ils sont faits par le tuteur agissant seul pour le compte de l’incapable.

o Les actes de disposition : Le tuteur est encore le représentant de l’incapable mais comme l’acte est plus grave il est mis sous contrôle, et il ne pourra réaliser ces contrats pour le compte de l’incapable qu’avec l’autorisation soit du Conseil de famille soit s’il n’y en a pas du juge des tutelles.

o Les actes à titre gratuit : ils sont purement et simplement interdits. Il s’agit donc d’une incapacité de jouissance.

B. Les règles spéciales

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Le droit commun répond à un souci de protection. Les règles spéciales d’incapacité répondent à une inspiration inverse. Il y a des individus dont on doit se méfier. On peut craindre que certains individus si on les laisse seuls ne concluent des contrats en fraude de certains droits. Il y a essentiellement un cas : le débiteur en redressement judiciaire, c’est un débiteur qui ne fait plus face à ses engagements. On peut craindre que ce débiteur en situation d’insolvabilité ne réalise des contrats soit pour privilégier certains créanciers au détriment d’autres ou pour préserver ses propres intérêts au détriment de ceux de ses créanciers. Le débiteur en redressement judiciaire est soumis à un régime qui s’apparente à celui d’une incapacité. Le débiteur en redressement judiciaire peut être placé dans une situation telle qu’il n’est plus en mesure de conclure seul des contrats, il sera alors assisté ou même représenté par un mandataire de justice ou un liquidateur.

§2 Le pouvoir

Le pouvoir ne se pose pas systématiquement dans tous les contrats, c’est l’aptitude à contracter pour autrui. Cela veut dire que la question du pouvoir se pose uniquement dans l’hypothèse où une personne prétend agir pour le compte d’une autre.

Pour désigner le mot pouvoir on peut parler de procuration ou de représentation (celui qui a le pouvoir a l’aptitude à représenter celui au nom de qui il agit). Lorsqu’il y a représentation, celui qui agit pour le compte de l’autre s’appelle le représentant et celui pour qui on agit est le représenté. Lorsqu’il y a représentation, l’effet le plus marquant est que le contrat conclu par le représentant produit ses effets dans le patrimoine du représenté.

Les mécanismes de représentation présentent des avantages : Le mécanisme de la représentation répond à une absolue nécessité, il y a des

contrats que l’on ne peut pas conclure s’il n’y a pas de représentation. Si le contrat fait intervenir un incapable placé sous le régime de tutelle alors il ne peut agir seul, il doit être représenté par un tuteur et donc lorsqu’il y a incapacité pour qu’il y ait contrat il faut nécessairement qu’il y ait représentation. D’autre part, les personnes morales ne peuvent rien faire si elles ne sont pas représentées.

La représentation est une opportunité, elle facilite la conclusion d’un certain nombre de contrats. La représentation dans une économie développée est un outil sans lequel il ne peut y avoir d’activité économique, un des traits caractéristiques de l’économie est l’éloignement entre l’offre et la demande. Cet éloignement ne peut être comblé que par la présence d’une multitude d’intermédiaires et donc sans représentation.

Mais également des dangers : Le pouvoir est une institution potentiellement dangereuse pour le représenté, le

représentant peut excéder ce pouvoir ou alors le détourner. La représentation n’est pas sans danger non plus pour celui qui contracte avec le

représentant, le danger est une insuffisance de transparence, lorsqu’il y a représentation il y a toujours le risque pour celui qui contracte avec le représentant de ne pas connaître suffisamment bien l’identité du représenté et donc l’identité de celui avec qui il contracte vraiment.

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I. Les principes

Pour que la représentation fonctionne, c’est-à-dire pour que les effets du contrat conclu avec le représentant produisent ses effets dans le patrimoine du représentant, il faut que trois conditions soient respectées :

Il faut qu’il y ait un pouvoir, il faut qu’une personne (le représentant) ait reçu pouvoir pour représenter une autre personne (le représenté). Le pouvoir pour exister doit faire l’objet d’une habilitation qui a une triple origine :

o Légale : c’est la loi qui désigne qui est habilité à représenter les incapableso Judiciaire : c’est un juge qui habilite une personne à représenter une autre.

Il intervient dans des hypothèses conflictuelles. Ex. un différend empêche des associés à gérer une société, le juge peut habiliter un administrateur ad hoc qui viendra représenter la société.

o Conventionnelle : c’est l’hypothèse la plus fréquente, par un contrat une partie peut habiliter une autre à la représenter pour conclure d’autres contrats. C’est le contrat de mandat, le représenté est le mandant et le représentant est le mandataire.

Il faut que le représentant agisse dans la limite des pouvoirs octroyés par le représenté. Si le représentant excède ses pouvoirs, le principe est que le représenté peut demander l’annulation du contrat conclu par le représentant. Si le représenté peut demander l’annulation, les risques de l’excès de pouvoir sont supportés par le cocontractant parce qu’il a la possibilité de supprimer ces risques, de vérifier les pouvoirs du représentant car le représenté n’a pas ce pouvoir.

Il faut que le représentant indique qu’il agit « es qualitae » (en qualité de représentant) et il doit indiquer l’identité du représenté. A cette condition le cocontractant sait que son véritable partenaire est le représenté dont il connaît l’identité. S’il n’y a pas de transparence on considère que le représenté n’est pas lié et que seul le représentant l’est à l’égard du cocontractant.

II. Les situations dérogatoires

L’absence de transparence : elle n’est pas forcément illégale, elle peut être tout à fait courante, il y a deux types de contrats dans lesquels il y a une représentation sans transparence :

o Le contrat de commission dans lequel le quasi mandataire s’appelle un commissionnaire agit pour le compte d’autrui sans révéler le nom de celui pour le compte de qui il agit.

o Convention de « prête nom » : celui qui agit pour le compte d’autrui ne dit pas qu’il agit « es qualitae » et ne révèle pas l’identité de celui pour qui il agit.

Seuls le commissionnaire et le « prête nom », sont engagés à l’égard du contrat. En revanche par ce qu’ils agissent pour le compte d’autrui ont un recours à l’égard du donneur d’ordre comme à l’égard de celui qui a donné instruction de « prête nom ».

L’excès de pouvoir : le contractant a la possibilité de prévenir l’excès de pouvoir. Il arrive cependant que le cocontractant ne soit pas en mesure de prévenir le

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risque d’excès de pouvoir, il se peut que l’apparence soit telle que le cocontractant pouvait légitimement croire que le représentant avait les pouvoirs pour conclure le contrat, c’est ce qu’on appelle la théorie du mandat apparent. Selon cette théorie, si le mandant a laissé se créer une apparence, le cocontractant peut légitimement croire que le représentant avait reçu pouvoir de représentation et donc dans ce cas par application de la théorie de l’apparence on considérera que le contrat a été valablement conclu entre le cocontractant et le mandant. L’hypothèse la plus fréquente est celle où le représenté a donné pouvoir au représentant, a fait savoir au contractant que le représentant avait les pouvoirs pour conclure le contrat et par la suite sans informer les éventuels contractants il a révoqué les pouvoirs donnés au représentant. Cette révocation qui n’est pas rendue publique fait que le contrat conserve son apparence et on considère que le cocontractant pouvait se fier à l’apparence.

Section 2. Le consentement

Article 1109 : consentement libre et éclairé.Même si les individus sont capables, il arrive que le consentement soit vicié. Les vices du consentement donnent lieu à une théorie générale qui gouverne ces vices.

§1 La théorie des vices du consentement

Il y a de bonnes raisons d’admettre largement cette théorie comme il y a de bonnes raisons de la restreindre car elle est à la croisée de considérations contradictoires.

Philosophique : La théorie s’accommode d’une sanction large des vices du consentement.Moral : c’est le respect de la parole donnée, sauf que si on admet trop facilement l’erreur on construit de toutes pièces un prétexte pour se soustraire à ses engagements.Economique : ce qui compte c’est que le créancier puisse se fier à la force contraignante du contrat et qu’il ait l’assurance d’être payé. Ce créancier admettra fort mal de ne pas être payé au prétexte que son débiteur se soit trompé. On peut éventuellement admettre l’annulation pour erreur si la remise en cause du contrat était prévisible.

Il y a trois vices du consentement : L’erreur Le dol La violence

I. L’erreur

C’est une cause de nullité visée par l’article 1110 du Code Civil, c’est typiquement le genre de texte dont la compréhension n’est possible qu’à la lumière de la jurisprudence.

Qu’est-ce qu’une erreur ? Elle consiste à croire vrai ce qui est faux. En pratique il peut être extrêmement délicat de déceler une erreur.

Les époux Saint-Arroman décident de vider les greniers de leurs ancêtres et y découvrent un tableau de Poussin, ils décident de le vendre. Les époux font expertiser

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le tableau, l’expert dit que c’est une œuvre de l’Ecole des Carrache. Ils décident toutefois de le vendre aux enchères, il s’adjuge à 5000 francs, il est acheté par les Musées Nationaux. Le lendemain ils l’affichent au Louvre, les époux se disent victimes d’une erreur. L’action est rejetée car entre temps les Musées Nationaux ont effectué une contrexpertise, ils disent qu’ils l’ont attribué à Poussin mais qu’ils n’en sont pas sûrs. La Cour d’appel dit qu’il n’y a pas d’erreur car la vérité est incertaine et on ne saura jamais si c’est un Poussin ou non. Donc dans un arrêt du 22 février 1978 la Cour de cassation vient dire que si il y a une erreur car les époux ont cru avec certitude que ce n’était pas un Poussin et que c’était un tableau d’une école mineure et la réalité est qu’il y a une incertitude sur l’authenticité, donc si on compare ce à quoi les époux ont cru à la réalité, on voit bien que les époux ont cru à une copie, et la réalité est que ce tableau est probablement un tableau de l’école ou de Poussin et la réalité est incertaine.Moralité : l’erreur consiste à croire vrai ce qui est faux, mais il faut être méticuleux sur le contenu de ce à quoi les parties ont cru, le contenu de la croyance erronée ce peut être une proposition toute simple (Ex. ce tableau est de Poussin), ce peut être également une proposition « affectée d’une modalité » (Ex. le tableau est certainement un tableau de l’Ecole des Carrache). Si la proposition est affectée d’une modalité, la croyance erronée n’est pas dans le contenu de la proposition, mais la croyance est dans la modalité. Là où est la croyance erronée c’est sur la certitude.

A. Les différents types d’erreur

1. L’erreur obstacle

Il s’agit d’une erreur d’une gravité telle qu’elle empêche même la rencontre des consentements. Il y a deux hypothèses :

Une erreur sur l’objet du contrat : elle s’illustre notamment dans les ventes d’immeuble qui portent sur les lots à construire, on pensait à avoir acquis telle parcelle mais on en a acquis une autre par exemple.

Une erreur sur la nature du contrat : on croit avoir contracté une vente alors que ce n’est qu’un contrat de location.

Lorsqu’il y a erreur obstacle, l’erreur entraine l’annulation du contrat sans autres conditions.

2. L’erreur sur les qualités substantielles

C’est une erreur que la jurisprudence a progressivement mis en forme en partant de la définition donnée à l’article 1110 du Code Civil : « l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet ». C’est une définition restrictive.

a. La définition de cette erreur sur les qualités substantielles

Il y a deux conceptions possibles de la qualité substantielle : Abstraite ou objective : cette conception consiste à définir préalablement par

catégories d’objets quelles sont les qualités de cet objet qui mérite l’adjectif

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substantiel. Ex. pour les tableaux l’authenticité est la qualité substantielle, la puissance du moteur pour une voiture.L’intérêt de cette conception abstraite est d’éviter qu’on étende trop largement la notion de qualité substantielle et donc elle évite qu’on obtienne trop facilement l’annulation du contrat.L’inconvénient de ce dispositif est qu’il est incroyablement laborieux, pour chaque type d’objets il faudrait s’arrêter sur ses qualités substantielles, c’est irréalisable.

Concrète ou subjective : dans ce cas on dit que la qualité substantielle n’est pas objectivement définie, c’est celle qui est substantielle aux yeux de l’une ou l’autres des parties. Ex. la couleur de la carrosserie pour une voiture.L’avantage de cette conception est qu’elle est la plus respectueuse de la volonté des parties.L’inconvénient est qu’elle est beaucoup trop large, il devient très facile de dénoncer.

La base objective est une base contractuelle, c’est-à-dire que sera considérée comme qualité substantielle celle qui est substantielle aux yeux de l’une des parties mais à la condition que le caractère substantiel de cette qualité ait été porté à la connaissance de l’autre partie.Pour traduire cette exigence d’objectivité on dit que la qualité substantielle doit être une qualité convenue, cela veut dire que les deux parties se sont mises d’accord pour reconnaître que telle qualité avait un caractère substantiel.

Si l’erreur porte sur une qualité substantielle, peu importe qu’elle porte sur la prestation d’autrui ou sur sa propre prestation. Ex. dans l’affaire Poussin l’erreur des vendeurs porte sur une qualité substantielle du tableau.Peu importe également que l’erreur soit une erreur de fait ou une erreur de droit, ce qui veut dire que peu importe que la qualité substantielle résulte d’une caractéristique juridique de l’objet du contrat. Ex. le caractère constructible d’un terrain.

b. Les conséquences de cette erreur sur les qualités substantielles

L’erreur sur les mobiles. Ex. une partie contracte un bail dans une ville donnée pensant qu’il va suivre une formation dans cette ville là, mais il s’est trompé de ville. Il y a bien erreur, mais elle ne porte pas sur une qualité substantielle de la chose, elle porte sur le mobile du locataire et donc elle n’est pas une cause d’annulation du contrat. De plus il s’est trompé sur le métrage exact du studio, cette erreur sera considérée comme une erreur portant sur une qualité substantielle de la chose et donc le locataire pourrait obtenir l’annulation du contrat de bail au titre d’une erreur dans le métrage alors qu’il ne pourra l’obtenir au titre d’une erreur mobile. L’erreur la plus importante est l’erreur sur les mobiles, donc la plus lourde de conséquences est celle-ci. Donc cette jurisprudence présente pour la victime de l’erreur des conséquences majeures. La jurisprudence a tenu compte de cet inconvénient majeur pour tempérer la situation :

La jurisprudence accepte de prendre en considération l’erreur sur les mobiles à la condition que le mobile ait fait l’objet d’une stipulation expresse, dans ce cas le mobile a été contractualisé, l’autre partie saura que ce mobile a été un élément déterminant du consentement de l’autre partie. Dans ce

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cas l’erreur sur le mobile n’aura pas pour effet de le surprendre, le cocontractant saura que ce mobile est important.

Il y a quelques contrats dans lesquels les mobiles des parties sont a peu près toujours les mêmes : ce sont les contrats à titre gratuit et essentiellement la donation. Dans les donations le plus souvent le mobile tient à l’existence d’un lien de parenté.

c. L’erreur sur la valeur des choses

C’est une erreur sur l’évaluation de l’objet du contrat. Ex. un contrat de vente dont le prix est excessif ou dérisoire.On pourrait soutenir que la valeur d’une chose est une qualité substantielle de celle-ci.Le droit positif depuis toujours refuse la prise en considération de l’erreur sur la valeur.Pourquoi ? Parce que si on le faisait, il faudrait procéder pour apprécier l’erreur à une évaluation de l’erreur. De tradition le droit positif refuse qu’il y ait un contrôle de la valeur judiciaire des choses car dans une économie libérale on considère que la valeur des choses doit être déterminée par le marché. Il y a donc une réserve du juge qui s’interdit de se livrer à un contrôle du juste prix.Cette proposition est à nuancer en ce sens que toute erreur sur une qualité substantielle de la chose entraine conséquemment une erreur sur sa valeur. L’erreur substantielle prévaut. Du moment que l’erreur sur la valeur a pour origine une erreur sur une qualité substantielle alors le contrat peut être annulé

3. L’erreur sur la personne

Elle est visée par l’article 1110 alinéa 2 du Code Civil. Le principe est que l’erreur sur la personne n’est pas une cause de nullité de la convention. Mais l’article 1110 réserve une hypothèse des contrats « intuitu personae » conclus en considération de la personne.Concernant les contrats à titre onéreux, on peut considérer que les contrats qui donnent naissance à une obligation de faire sont conclus en considération de la personne. Il y a une limite : la limite de la non discrimination.En pratique, les qualités d’une personne au regard desquelles ont peu se déterminer sont les qualités qui mettent en évidence l’aptitude du débiteur à accomplir la prestation qui est l’objet du contrat. Donc dans un contrat de travail, on peut envisager une annulation du contrat pour erreur si on s’est trompé sur les compétences du salarié.

B. Les sanctions

La sanction c’est la nullité du contrat. C’est ici une nullité relative parce que la nullité est destinée à protéger les intérêts de la victime de l’erreur.Cette nullité relative se prescrit par cinq ans, le point de départ du délai de prescription se situe au jour de la découverte de l’erreur.

Il y a malgré tout deux obstacles à l’annulation du contrat pour erreur : L’erreur a été acceptée : dans ce cas là la victime de l’erreur qui a accepté celle-

ci ne peut plus demander l’annulation du contrat. Que veut dire accepter une erreur ? C’est plus précisément l’acceptation du risque de l’erreur. Les parties au moment de la conclusion du contrat ont accepté le principe d’une incertitude sur l’exactitude de l’un des éléments. Si les parties acceptent le principe d’une

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incertitude, il s’en suit que le contrat est un contrat aléatoire. Dans ce type de contrat où les parties ont accepté une incertitude, l’équilibre économique de la convention dépendra de la capacité ou non des parties à lever l’incertitude, comme le contrat est aléatoire on dit que l’aléa chasse l’erreur.

L’erreur est inexcusable : c’est l’erreur qui est exclusivement imputable à une insuffisance de la victime de l’erreur. Elle s’apprécie par rapport aux compétences professionnelles de la victime de l’erreur. Celui qui a une compétence professionnelle avérée et qui se trompe sur une élément qui entre dans le champ de sa compétence professionnelle commet une erreur inexcusable et ne peut donc s’en plaindre.

08/11/2010

II. Le dol

Il est défini à l’article 1116 du Code Civil « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que sans ces manœuvres l’autre partie n’aurait pas contracté ». Ex. pour vendre un fond de commerce le vendeur présente une comptabilité fausse pour le vendre plus cher que ce qu’il vaut.Le dol est le diminutif d’une infraction pénale qui est l’escroquerie. Le dol est un vice du consentement complexe à cerner. En réalité il n’est pas à proprement parler un vice du consentement. C’est un comportement répréhensible des manœuvres qui a pour conséquence un vice consentement qui est l’erreur. Autrement dit le dol c’est une erreur provoquée par un comportement répréhensible et ce qu’on appelle le dol n’est pas l’erreur mais le comportement.

Lorsqu’une erreur est provoquée par un dol le régime de la sanction est assez différent. L’intérêt de montrer qu’une erreur est la conséquence d’un dol se manifeste de trois façons :

Si l’erreur est la conséquence d’un dol, elle peut être sanctionnée quand bien même elle porte sur les mobiles, sur la valeur, ou elle serait inexcusable. Autrement dit l’intérêt majeur d’invoquer l’existence d’un dol est d’étendre le champ des erreurs causes d’annulation du contrat.

Le second avantage à invoquer l’existence d’un dol est qu’elle facilite le plus souvent la preuve de l’erreur. Pourquoi ? Si on prouve que le cocontractant a accompli des manœuvres pour tromper l‘autre partie on peut présumer que du fait de ces manœuvres il y a bien eu la volonté de provoquer une erreur.

Lorsque l’erreur est provoquée par un dol, la victime peut obtenir l’annulation du contrat et des dommages.

A. Les éléments constitutifs du dol

1. L’élément matériel Cet élément, la jurisprudence l’a au fil du temps considérablement diminué, à l’origine l’élément matériel ce sont des manœuvres en vue de tromper le cocontractant.

La cour de cassation a admis ce qu’on appelle la réticence dolosive, c’est-à-dire le silence d’une partie permettant de dissimuler l’existence d’un élément qui s’il avait été connu de

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l’autre partie l’aurait empêché de contracter. Le premier arrêt qui admet la réticence dolosive est un arrêt du 2 octobre 1974.Cette évolution a été assez discutée en doctrine et on s’est demandé si la jurisprudence n’allait pas trop loin.

La réticence dolosive suppose que quand on contracte on doit donc tout révéler, il pèse sur les parties une obligation précontractuelle d’informations.

Le dol facilite la dénonciation de l’erreur car il est essentiellement une faute morale. Lorsqu’il y a mensonge, il y a assurément une faute morale. En revanche s’il y a simple manquement à une obligation de révélation, ce peut être un manque de diligence, une faute professionnelle mais ça n’est pas nécessairement une faute morale, c’est-à-dire une faute caractérisée par l’intention de tromper. Il faut donc nuance r la conception de la réticence dolosive et au moins introduire des distinctions.Depuis une dizaine d’années on constate un mouvement de recul quant à cette réticence, au travers de deux arrêts : arrêt de la 1ère chambre civile du 3 mai 2000 publié au JCP 2001 2ème partie 10510 avec une note critique de Christophe Jamin, cet arrêt est connu sous le nom Baldus. Le vendeur dans cette affaire fait valoir qu’il n’est pas professionnel et que l’acquéreur des photos en est un et qu’il avait une obligation précontractuelle d’information qu’il ne respecte pas, il commet donc une réticence dolosive. Le vendeur peut donc se prévaloir d’une erreur sur la valeur car elle a été provoquée sur un dol. Dans cet arrêt la cour de cassation considère qu’il n’y a pas d’obligation précontractuelle sur la valeur et qu’il n’y a donc pas de réticence dolosive à ne pas révéler la véritable valeur de la chose qu’on vend ou qu’on achète. Donc la réticence dolosive s’arrête sur la valeur des choses.Second recul qui résulte d’un arrêt du 28 mai 2008 qui considère que pour qu’il y ait réticence dolosive justifiant l’annulation du contrat il faut un élément intentionnel. Ex. le vendeur qui ne dit rien sur la construction d’une porcherie. Le manquement à l’obligation précontractuelle d’information peut justifier des dommages et intérêts mais certainement pas l’annulation du contrat.

2. L’élément intentionnel

C’est l’intention de tromper le cocontractant. Elle se déduit lorsqu’il y a un mensonge. En revanche lorsqu’il n’y a qu’une réticence dolosive, la preuve de l’élément intentionnel ne se présume pas et l’effort de preuve est difficile à réaliser.

B. Sanctions du dol

1. La nullité

Il faut prouver que l’erreur a été déterminante du consentement : l’erreur est déterminante si on parvient à établir que sans cette erreur on n’aurait pas contracté. Ce qui amène certains auteurs et parfois certains arrêts à faire une distinction entre le dol principal et le dol incident :

o Le dol principal : L’erreur est telle que si la victime de celle-ci ne l’avait pas commise elle n’aurait pas contracté.

o Le dol incident : L’erreur est telle que si la victime de celle-ci ne l’avait pas commise elle aurait contracté maisà des conditions différentes.

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Cette proposition doctrinale mérite d'être nuancée, lorsque le dol procède d'une réticence il ne justifie l'annulation du contrat que s'il constitue un dol principal.

Il faut que le dol émane du cocontractant : si le dol est le fait d’un tiers, la victime du dol peut agir en responsabilité contre le tiers, en revanche elle ne peut demander l’annulation du contrat.

Cette solution est contestée, lorsque le dol émane d'un tiers il arrive souvent deux choses:

Que l'une des parties profite de ce dol Que cette même partie a eu connaissance de ce dol

Celui qui profite du dol d'un tiers est en partie coupable. La cour de cassation suggère que la partie qui tire partie du dol d'un tiers et qui en a connaissance peut subir l'annulation du contrat.

2. Les dommages et intérêts

III. La violence

Elle est prévue à l’article 1111 du Code. Elle peut se définir de manière floue « comportement illégitime souvent une menace, de manière à contraindre le consentement ».La violence n’est pas comme le dol un vice du consentement, c’est d’abord un comportement fautif qui a pour conséquence un vice du consentement. Et le vice du consentement qui est la conséquence de la violence est avant tout une contrainte, c’est-à-dire une atteinte à la liberté du consentement.La violence cumule un certain nombre d’éléments qui justifient qu’on la sanctionne par l’annulation du contrat qui se double éventuellement d’une condamnation à dommages et intérêts de l’auteur.Ces éléments sont d’abord une atteinte à la liberté du consentement, et une faute morale.

Malgré tout, toute violence ne justifie pas l’annulation du contrat. Tout individu n’est jamais parfaitement libre. Tout individu est soumis à une certaine contrainte, on est obligé de consommer pour vivre. Il faut donc faire le tri entre les contraintes illégitimes qui doivent être sanctionnées et celles avec lesquelles on doit composer.Dans le Code Civil il y a une contrainte dont on admet qu’elle n’est pas une cause d’annulation du contrat, c’est la crainte révérencielle : il s’agit de la crainte que les parents éprouvent à l’égard de leurs parents. Cette crainte concerne des majeurs qui ne sont plus sous l’autorité des parents, le Code Civil dit qu’il assumer un certain nombre de contraintes et qu’elle ne justifieront pas l’annulation du contrat.

La première violence à la quelle on pense c’est la menace : violence physique et morale. La menace de l’exercice d’une voie de droit c’est « si vous ne faites pas telle ou telle chose je vous fais un procès ». Constitue-t-elle un comportement illégitime ou une violence ? En principe non, ce n’est ni plus ni moins que l’annonce de l’exercice d’une action en justice. Or, l’exercice d’une action en justice c’est un droit, lorsqu’on annonce que l’on va agir en justice on ne fait qu’exercer un droit fondamental donc cela ne constitue pas une menace.La menace de l’exercice d’une voie de droit ne dégénère en menace que si soit la voie de droit est fantaisiste, soit elle n’est pas fantaisiste mais en agitant l’exercice d’une voie de

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droit on obtient un avantage disproportionné par rapport à ce qu’on pourrait obtenir dans l’exercice d’une voie de droit.

La seconde forme qui est la plus fréquente est l’abus de puissance (économique). Dans cette hypothèse nous sommes en présence d’une personne vulnérable qui en raison de sa situation est soumise à une contrainte extérieure.L’abus consiste à exploiter cette situation de vulnérabilité pour obtenir un contrat lésionnaire, c’est-à-dire un contrat déséquilibré.Cette seconde forme n’a pas été immédiatement reconnue comme valant par elle-même l’annulation du contrat.Ex. article L442-6 du Code de Commerce qui a été introduit dans ce texte par une loi NRE du 15 mai 2001. Cet abus que sanctionne le Code de commerce c’est le fait pour un producteur d’abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire pour lui imposer des conditions commerciales injustifiées. Contrat de dépendance : l’une des parties au contrat est dans une situation telle que la pérennité de ce contrat conditionne la viabilité de son activité.Le droit de la consommation à l’article L122-8 sanctionne l’abus de faiblesse qui consiste à abuser de la faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour lui faire souscrire par le moyen de visites à domicile des engagements au comptant ou à crédit. La jurisprudence est allée au-delà pour considérer que constitue une violence quel que soit le contrat, l’exploitation abusive de la contrainte économique. Ceci a été décidé dans un arrêt du 30 mai 2000.

Pour qu’il y ait violence il faut qu’il y ait un comportement illégitime et une atteinte à la liberté du consentement. L’atteinte à la liberté s’apprécie in abstracto ou in concreto. Doit-on raisonner au regard du « standard du bon père de famille » ?On peut raisonner in concreto et on se dit en l’espèce est-ce que telle personne a bien subi une altération de son consentement ?Le choix de la jurisprudence a été de permettre un contrôle in concreto.

La sanction de la violence c’est la nullité, comme la violence est une faute elle justifie l’octroie de dommages et intérêts à la victime de la violence et comme elle est une faute particulièrement grave, la nullité peut être prononcée quand bien même la violence est le fait d’un tiers contrairement au dol.

§2 La prévention des vices du consentement

Ce dispositif a une fonction préventive, les individus eux-mêmes compte tenu des sanctions adopteront un comportement de manière à éviter les vices du consentement.Dans des hypothèses de mauvaise foi ou de malhonnêteté la théorie des vices du consentement est limitée.La théorie des vices a donc une efficacité limitée dans son cadre de prévention, le risque lié à un vice du consentement est un risque assez limité, d’autant plus si le contrat porte sur un bien d’une valeur faible, parce qu’alors la mise en œuvre des vices du consentement aura un coût supérieur à la valeur même du contrat. Le coût de cette mise en œuvre est le coût d’une procédure. Le coût de cette théorie en affaiblit les risques.

Deux stratégies sont possibles au regard de cette considération :

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La première consiste à diminuer les coûts de mise en œuvre de la théorie des vices du consentement, il s’agira donc de mettre en place des procédures d’un coût faible ou nul pour faire sanctionner les vices du consentement. Cette stratégie est en partie admise en droit français, tout individu peut saisir le TI via une déclaration au greffe pour tout litige dont la valeur est inférieure à 4000€.

La seconde est de développer les actions de groupes ou « class action » qui permettent à une association d’agir pour le compte d’une multitude de consommateurs et dont la seule démarche procédurale sera d’écrire une petite lettre donnant pouvoir à l’association. Elle consiste à faire peser des contraintes aux professionnels pour prévenir les vices.

2 types de contraintes : La prévention par l’information : en informant les cocontractants des

professionnels, les consommateurs. On espère que les destinataires seront suffisamment éclairés pour ne pas se tromper. Cette information résulte d’une multitude de textes commerciaux, il y a une disposition de portée générale : l’article L113-3 du Code de consommation.Au-delà de la seule réticence dolosive pèse une obligation précontractuelle d’information.La sanction consiste en des dommages et intérêts.

La prévention par la réflexion : il faut consolider la liberté du consentement. Elle passe par l’octroi de délais de réflexion ou de rétractation.

Section 3. L’objet du contrat

Il peut être appréhendé par le terme « contenu » du contrat. La notion d’objet est un peu plus précise. Ce qu’on appelle l’objet du contrat au sens stricte c’est l’objet des obligations issues du contrat. On doit se poser un certain nombre de questions sur les raisons pour lesquelles le Code Civil, aux article 1128 et suivants, contrôle l’objet du contrat.La théorie de l’autonomie de la volonté justifie qu’on contrôle le consentement des parties, en revanche elle explique mal que l’on contrôle le contenu du contrat. Il y a trois raisons de contrôler l’objet du contrat :

Eviter une perversion de l’autonomie de la volonté. On ne peut pas tout autoriser au prétexte que les deux parties ont voulu le contrat. Le contrat fait naître une contrainte sur les individus. Il est nécessaire que cette contrainte ait une limite et s’arrête sur un objet déterminé. Sinon le contrat serait une forme d’esclavage au terme duquel une partie pourrait dire à l’autre « tu fais ce que je veux ». Donc si l’on veut respecter le principe de liberté il est nécessaire d’identifier un objet dans le contrat et de vérifier que cet objet est déterminer.

Quand bien même ferait-on confiance aux parties, la seule chose qu’on peut en attendre est que le contrat qu’elles concluent soit satisfaisant pour leurs intérêts respectifs. Mais rien ne nous garantit que ce contrat soit satisfaisant sous l’angle de l’intérêt général. Ex. dans un contrat de corruption. Il faut donc organiser un contrôle de licéité de l’objet du contrat.

L’inégalité entre les parties contractantes peut conduire à des déséquilibres.

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L’objet du contrat est soumis à une triple exigence : détermination, licéité et équilibre.

§1 L’exigence de détermination

Elle est posée par l’article 1129 du Code Civil, il faut que l’objet du contrat soit déterminé. Sinon cela veut dire que cet objet varie à la volonté d’une des parties et que l’autre est donc entièrement soumise à sa volonté discrétionnaire.

L’exigence de détermination ne requiert pas en revanche que l’objet soit déterminé dès la conclusion du contrat. On dit qu’au regard de l’exigence de détermination, il suffit que l’objet soit déterminable, cela veut dire que pour que soit rempli l’exigence de détermination il suffit qu’on puisse au moment de l’exécution du contrat déterminer son objet en considération des données qui auront été arrêtés dès la conclusion du contrat.Ex. une vente portant sur un immeuble à construire. La chose au moment de la conclusion du contrat n’est pas parfaitement déterminée. Si la détermination remplit la condition de déterminabilité alors les dispositions de l’article 1129 sont respectées.

Malgré tout, la cour de cassation a décidé dans une série d’arrêts du 1er décembre 1995 que l’exigence de détermination ne s’applique pas au prix.Cette jurisprudence n’a pas une portée infinie, la règle générale prévaut sauf disposition particulière en sens contraire, or il y a malgré tout un certain nombre de dispositions particulières qui montrent l’exigence de détermination du prix.

3 raisons : diplomatique, pratique et théorique. La raison diplomatique tient à ce que la France restait le dernier pays d’Europe

à maintenir l’exigence de détermination au prix dans les contrats. Pour une raison pratique la France s’est alignée sur ses voisins. Dans ces

contrats le seul moyen d’en maintenir l’équilibre économique est de permettre que le prix évolue en considération des évolutions du marché. Donc économiquement la viabilité suppose une détermination du prix.

D’un point de vue théorique, il est admissible de maintenir dans un état d’indétermination le prix et spécialement dans les contrats de distribution. Puisque le prix n’a pas à être déterminé c’est en cours du contrat de distribution que le fournisseur viendra unilatéralement fixer le prix à chacune des commandes. Cette fixation unilatérale du prix est admise à la condition que le fournisseur agisse de bonne foi, avec loyauté. Concrètement on considère que le devoir d’exécuter le contrat de bonne foi oblige celui qui fixe unilatéralement le prix à le fixer dans des conditions telles que le distributeur puisse continuer à exercer son activité dans des conditions rentables.

§2 L’exigence de licéité

Un texte de portée générale qui est l’article 6 du Code Civil dit qu’on ne peut déroger par voie de convention aux règles impératives.L’article 1128 du Code dit qu’il n’y a que les choses dans le commerce qui peuvent faire l’objet d’obligations, d’un contrat.

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Ces deux dispositions sont porteuses de deux exigences qui sont une variante de l’exigence de licéité.L’article 1128 permet d’introduire la notion de disponibilité et son contraire. La notion d’indisponibilité met en évidence qu’il y a une certain nombre d’objets à propos desquels il est interdit de contracter. Il ne faut pas confondre l’indisponibilité avec l’exigence de licéité. Lorsque l’article 6 dit que le contrat doit respecter les dispositions impératives, il n’interdit pas de contracter.

I. L’exigence de disponibilité de l’objet

Cette exigence est ce qui marque la place du contrat et la place des activités marchandes dans une société donnée. C’est la notion de disponibilité qui marque le périmètre du contrat et de ce qui au contraire doit rester en dehors du contrat.Cette notion de disponibilité est traitée à travers la distinction fondamentale entre les personnes et les choses.La conséquence de l’exigence de disponibilité est que les personnes ne peuvent faire l’objet d’un contrat.

Une personne c’est un corps et un esprit. Le corps ne peut faire l’objet d’un contrat en ce sens qu’il ne peut faire l’objet

d’aucune aliénation, il ne s’achète ni ne se vend. Ce corps on ne peut l’aliéner, on ne peut pas plus le louer. Se déduit depuis un arrêt du 31 mai 1991 l’interdiction de la pratique des mères porteuses puisque la convention de mère porteuse est une location du corps.

On peut malgré tout contracter le corps dans le cadre d’une exception thérapeutique, s’il faut soigner le corps (article 16 du Code).Il y a une nuance : si on ne peut pas contracter sur le corps on peut malgré tout introduire l’usage du corps dans l’exécution d’un contrat. Ex. un sportif, un mannequin. Le contrat de travail est un contrat qui requiert de l’ouvrier ses capacités physiques. L’esprit c’est la personne sans le corps, il a deux conceptions :

o Conception traditionnelle : l’esprit c’est la personne incarnée dans une chose. Ex. les lieux de mémoire, les cimetières, les monuments aux morts.

o Conception moderne : l’esprit des personnes c’est ce qu’on appelle leur dignité, c’est la personne qui s’incarne dans des attributs qui en font sa dignité, elle est protégée à l’article 16 du Code civil. La dignité c’est ce qui fait l’humanité de l’homme, ce qui fait qu’il est irréductible à tout autre chose, cette exigence de dignité se traduit par l’allocation à tout individu de droits fondamentaux, ces droits sont reconnus par des déclarations de droit et des jurisprudence qui ont une valeur supra législative, en principe ces droits fondamentaux ne sont pas négociables, on ne peut pas par voie de convention renier sur ces droits fondamentaux.

II. L’exigence de conformité aux règles impératives

Dans un certain nombre de matières les parties sont libres de contracter mais le contrat est soumis à des dispositions impératives.

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Ces dispositions dans l’article 6 du Code sont désignées comme les lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs.

A. Les bonnes mœurs

C’est un ensemble de dispositions impératives qui ont généralement une nature extra patrimoniale et qui sont d’origine prétorienne (d’origine jurisprudentielle). Les bonnes mœurs c’est l’expression juridique d’une morale officielle, on suppose une morale consensuelle. Cette morale officielle est très largement une morale d’ordre sexuelle. Et au nom des bonnes mœurs on a longtemps interdit toutes les relations contractuelles qu’on appelle le « commerce des charmes » (relation de prostitution etc.).Ces bonnes mœurs sont très largement sur le déclin et au nom de la morale le juge d’aujourd’hui est un juge prudent. L’arrêt emblématique est un arrêt d’assemblée plénière du 29 octobre 2004, jusqu’à cet arrêt au nom des bonnes mœurs on interdisait les donations et plus largement les testaments dont la finalité était de perpétuer une relation adultère. Dans l’arrêt du 29 octobre 2004 nous avions un monsieur de 92 ans qui par voix de testament lègue toute sa fortune au bénéfice de sa maîtresse qui a à l’époque 28 ans. La Cour d’appel s’en tient à la jurisprudence traditionnelle et annule le legs en raison de son illicéité et écrit que ce legs n’a vocation qu’à rémunérer les faveurs de la maîtresse. La cour de cassation dans l’arrêt de 2004 vient dire que la convention, qui est consentie à l’occasion d’une relation adultère alors même qu’elle n’a d’autre but que de maintenir les faveur prodiguée par cette relation, n’est pas contraire aux bonnes mœurs.Après cette jurisprudence la barrière des bonnes mœurs est désormais pratiquement tombée et la référence aux bonnes mœurs n’empêche quasiment plus de reconnaître la licéité d’un contrat.

Les bonnes mœurs aujourd’hui ne demeurent plus qu’à travers le prisme de l’indisponibilité. Ex. le contrat de prostitution ne sera plus considérée comme contraire aux bonnes mœurs. Ce contrat sera vraisemblablement jugé illicite parce qu’il porte sur une chose indisponible : le corps humain.Autrement dit la question des bonnes mœurs est réglée sous l’angle de l’indisponibilité et particulièrement sous cet angle.

B. La conformité à l’ordre public

L’ordre public est une autre manifestation des règles impératives, par ordre public on désigne un ensemble de règles impératives mais qui s’appliquent plutôt en matière patrimoniale et qui sont plutôt d’origine légale. Ces règles sont en expansion depuis l’après-guerre, le législateur multiplie les lois, et il faut que ces dispositions soient impératives pour être efficaces.Ces règles impératives peuvent être classées au moyen d’une distinction faite par Ripert. Cet auteur explique que parmi les dispositions d’ordre public, la plupart relève de l’ordre public économique et parmi ces règles d’ordre public économique il faut distinguer entre ce qu’on peut appeler :

L’ordre public de direction : ordre contenant des règles répondant à des finalités d’intérêt général. Ex. La plupart des règles de droit de la concurrence, toutes ces règles répondent à des finalités d’intérêt général, de l’organisation économique.

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L’ordre public de protection : il répond à des finalités protectrices, il s’agit de protéger certaines catégories d’individus. Ex. toutes les règles impératives qu’on rencontre en droit de la consommation.

Cette distinction est intéressante parce que la sanction ne sera pas la même si on méconnaît l’ordre public de direction : nullité absolue et pour l’ordre public de protection : nullité relative.

§3 L’exigence d’équilibre

Cette exigence d’équilibre peut s’appliquer aussi bien aux obligations principales issues du contrat (la lésion) qu’à des clauses accessoires (théorie des clauses abusives)

I. La lésion

C’est un déséquilibre économique entre les obligations d’un contrat. C’est une notion qui a du sens appliquée à un contrat synallagmatique. Elle est caractérisée lorsque dans un contrat synallagmatique les obligations réciproques n’ont pas la même valeur.

Elle fait l’objet d’une règle de principe qui est assortie d’exceptions qui sont elles-mêmes assorties d’une exception aux exceptions.

A. Le principe

Il est posé à l’article 1118 du Code Civil : la lésion n’est pas une source de rescision des conventions sauf texte spécial. En principe l’exigence d’équilibre ne conditionne pas la validité du contrat. A peu près toutes les considérations de la TAV plaident la lésion comme cause d’annulation du contrat.

On peut dire que dans un contrat la valeur des choses est éminemment subjective, dans un contrat de vente la chose vendue n’a pas pour le vendeur la valeur qu’elle a pour l’acheteur, donc si la valeur est subjective, le meilleur moyen de l’apprécier est de faire confiance aux volontés des parties.

D’un point de vue morale les choses sont à priori plus nuancées parce qu’il existe une tradition intellectuelle séculaire qui est la théorie du juste prix qui consiste à reconnaître que dans un contrat un prix peut être juste ou un juste et il est légitime qu’un juge extérieur puisse contrôler la justesse du prix.Le droit français tourne le dos à la théorie du juste prix, il craint l’arbitraire, il répond que le juste prix est déterminé par la loi de l’offre et de la demande, ce qui suppose un droit de la concurrence qui fonctionne. La seule chose que sanctionnera le droit français c’est le mensonge, le dol sur la vraie valeur de la chose au regard du marché.

D’un point de vue économique on considère qu’il y a trop d’incertitude à contrôler le prix.Le risque d’insécurité juridique tient au fait qu’il est rare qu’une chose soit payée exactement à son juste prix selon les lois du marché, dans le secteur financier qui est le

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plus soumis aux lois du marché et qui est le plus mondialisé les mêmes actifs ne se négocient pas au même prix selon le lieu où ils sont.

B. Les exceptions

La lésion est systématiquement sanctionnée dans les contrats conclus par les incapables. Mais cela concerne également ceux qui sont placés sous curatelle et tutelle, avec une nuance, dans l’hypothèse où le majeur protégé bénéficie de l’assistance d’un curateur ou encore est représenté par un tuteur, on peut supposer que le régime de protection permet d’éviter les contrats lésionnaires.

La lésion est admise par exception dans certains contrats qui sont très importants pour le Code Civil.Il y a deux actes qui peuvent être annulés ou rescindés pour cause de lésion :

La vente d’immeuble : le vendeur mais seulement lui peut demander la rescision du contrat si la lésion est de plus des 7/12ème. Ex. article 1674 du Code, si je vends un bien immobilier qui vaut 12 la lésion est caractérisée si ce bien est vendu à moins de 5 car la valeur estimée est supérieure à 5.

Le partage des successions : lorsqu’une personne décède (de cujus) et laisse plusieurs héritiers, la masse successorale a vocation à être partagée entre les héritiers, ce partage obéit au principe d’égalité, et alors on calcule la part de chacun en fonction de ce principe. Dans cet acte de partage, la lésion est sanctionnée, c’est-à-dire que le partage peut être rescindé si l’un des copartageants reçoit moins que ce à quoi il avait droit. Il faut que la lésion soit de plus de ¼.

S’il y a lésion, la sanction est alternative, la victime de la lésion peut demander l’annulation du contrat, c’est une nullité relative.L’autre terme de l’alternative est le rachat de la lésion, pour éviter l’annulation du contrat lésionnaire, le bénéficiaire de la lésion peut proposer de verser une somme d’argent qui permettra de rétablir l’équilibre de la convention.

C. L’exception aux exceptions

Lorsqu’on est dans l’une ou l’autre des exceptions au principe de non sanction de la lésion, pour certains contrats la lésion ne sera pas sanctionnée. La lésion est un déséquilibre économique entre les prestations issues d’un contrat synallagmatique. Il y a des contrats pour lesquels précisément l’équilibre économique entre les obligations réciproques, est incertain, ce sont les contrats aléatoires. Si les parties prennent volontairement le risque d’un contrat déséquilibré elles sont censées assumer ce risque et donc elles ne peuvent se plaindre ultérieurement d’une lésion. Ex. la rente viagère, l’équilibre économique dépend de la date à laquelle mourra le vendeur, il y a donc une incertitude, un aléa, on ne peut demander l’annulation du contrat, l’aléa chasse la lésion.

II. La théorie des clauses abusives

Dans la première critique (Gounot) il est mis en évidence que la TAV est une abstraction, d’où un droit de la consommation qui tente de rétablir l’équilibre entre les parties et

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spécialement entre les professionnels et les consommateurs puisqu’on peut supposer que le rapport de force entre le professionnel et le consommateur est un rapport déséquilibré.Au regard de cette situation de déséquilibre, le législateur aurait pu faire le choix d’introduire la théorie du juste prix, dans les contrats de consommation. Le législateur français n’a pas fait ce choix, le consommateur n’est pas un incapable.On considère qu’en droit français le consommateur est protégé par les règles de la concurrence, c’est le libre jeu de la concurrence qui permet au consommateur d’obtenir le meilleur prix.

En revanche le marché n’offre pas toutes les protections dont le consommateur peut avoir besoin, il y a dans chaque contrat un certain nombre de clauses accessoires qui échappent au contrôle du marché, ce sont toutes les clauses qui ne se voient pas, ces clauses peuvent être telles qu’elles menacent l’équilibre du contrat tel qu’il a été voulu par les parties. Autant il n’y a pas de contrôle direct de l’équilibre des contrats de consommation, autant il y a un contrôle des clauses qui sont susceptibles de menacer l’équilibre voulu par les parties.En revanche le juge peut débusquer une clause qui va venir détruire cet équilibre, cette clause peut être « le professionnel décline toute responsabilité dans l’hypothèse où le service promis ne serait pas rendu ». Ce type de clause est considéré comme clause abusive.

Cette théorie des clauses abusives a été consacrée par le législateur dans une loi Scrivener du 10 janvier 1978 : elle a été intégrée à l’article L132-1 du Code de la consommation. Un contrat de consommation suppose un professionnel (toute personne qui propose des services rémunérés) et un consommateur ou non professionnel (celui qui contracte pour ses besoins personnels) à cette conception stricte on a opposé une conception extensive qui part de l’idée que pour certains contrats sont aussi incompétents certains professionnels que ne le serait un consommateur.Le parti de la jurisprudence a été médiant : sont considérés comme des consommateurs ceux qui concluent un contrat dont l’objet n’a pas de rapport direct avec une activité professionnelle. Cette définition englobe à l’évidence tous les consommateurs au sens strict, elle englobe marginalement certains professionnels dès lors que le contrat qu’ils concluent n’a aucun rapport avec leur activité professionnelle.

Une clause abusive : sa définition est donnée par l’article L132-1 du Code de la consommation « est abusive la clause qui a pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Cette application de la théorie des clauses abusives a donné lieu à une jurisprudence extrêmement fournie : le juge conserve le pouvoir de vérifier au cas par cas si telle ou telle type de clause introduit un déséquilibre dans le contrat, mais le juge dispose depuis la loi du 4 août 2008 de dispositions réglementaires qui lui permettent de mieux identifier les clauses abusives. Deux article R132-1 et R132-2 du Code de la consommation comportent l’un et l’autre une liste de clauses qui peuvent être présumées abusives, le premier va même jusqu’à dire que la liste qu’il indique comporte des clauses qui sont irréfragablement présumées abusives et le second indique que ces

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clauses sont normalement abusives. La liste révèle des clauses qui déséquilibrent la convention, ce sont des clauses qui donnent aux professionnels la faculté unilatérale de modifier l’équilibre de la convention.

La sanction des clauses abusives : lorsque le juge repère dans un contrat de consommation une clause abusive il ne prononce pas la nullité du contrat, il procède à la suppression de la clause tout en maintenant le contrat. Il s’agit de contraindre le professionnel de maintenir l’équilibre du contrat tel qu’il a été négocié.

Section 4. La théorie de la cause

C’est une notion qui normalement a vocation à disparaître dans le projet de la chancellerie et sera remplacée par la notion d’utilité ou d’intérêt.Cette théorie est compliquée car elle remplit trois fonctions, elle n’a donc pas d’homogénéité. Comme celle-ci n’a pas d’homogénéité on arrive toujours à des définitions bancales. Elle sert à trois choses donc :

Le respect des attentes C’est un moyen d’étendre la théorie des clauses abusives Le contrôle de la licéité du contrat

§1 Le respect des attentes

Trois termes peuvent être utilisés : Ce peut être le respect de l’utilité du contrat, le respect de l’intérêt du contrat ou encore le respect de l’économie de la convention.Dans le projet de la chancellerie, si la cause disparaît on parlera du respect de l’intérêt du contrat.

La cause du contrat c’est ce qui permet de répondre à la question « Pourquoi le contrat ?». La cause c’est la raison d’être du contrat.

Les motifs peuvent être pris en considération à certaines conditions. Ex. le contrat de bail à Nice où le locataire va suivre une formation. Il découvre deux choses, le local ne fait pas la surface annoncée et il ne suivra pas de formation à Nice, la location est donc inutile, le contrat n’a donc pas d’intérêt pour lui. La plus importante de ces deux déceptions et celle relative à l’absence de formation, donc ce qui est le plus important pour le cocontractant c’est à priori ce que le droit ne prend pas en considération.

Ce que permet la théorie de la cause c’est une certaine prise en considération des motifs qu’on rebaptisera en « attentes » ou comme l’utilité du contrat, son intérêt ou l’économie de la convention.

On ne peut pas pour des raisons de sécurité juridique prendre en considération toutes les attentes des parties car si tel était le cas chacune des parties pourrait bien trop facilement dénoncer la validité du contrat en disant être déçue. Pour donner de l’objectivité aux attentes les auteurs et le Droit a traditionnellement développé une conception abstraite de la cause, cette conception a été également désignée comme conception objective de la cause. Et plus récemment la jurisprudence a pris conscience qu’on pouvait sécuriser la prise en considération des attentes en s’éloignant d’une conception abstraite et en s’approchant de la conception concrète.

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I. La conception abstraite ou objective des attentes

Selon cette conception la cause est toujours la même selon les différentes catégories de contrats.Elle est définie par catégories de contrats :

Contrats synallagmatiques : chacune des obligations réciproques est considérée comme constituant la cause de l’autre. Ex. dans un contrat de vente la cause de l’obligation du vendeur c’est de délivrer la chose, l’obligation de l’acheteur c’est le prix.

Contrats réels : lorsque le contrat se forme avec la remise de la chose, on dit que la cause du contrat réel consiste uniquement dans la remise de la chose.

Actes à titre gratuit : en principe il n’y a pas de contrepartie dans ces actes, on donne pour donner. Les anciens auteurs ont dit que ce qui tenait lieu de cause c’est l’intention libérale, c’est l’intention de réaliser un acte à titre gratuit. Lorsqu’il y a un acte à titre gratuit le choix du donataire est rarement un hasard, si le donateur choisit tel donataire c’est parce qu’entre eux il y a un lien privilégié qui généralement assez souvent est un lien de parenté. Sans porter une atteinte irrémédiable à la sécurité juridique on peut pour ces actes prendre en considération non pas seulement l’intention libérale mais ce qu’on appelle les motifs déterminants qui ont guidé l’intention libérale, dans la plupart des actes à titre gratuit ces motifs sont à peu près toujours les mêmes. Lorsqu’on prend en considération le motif déterminant de lien de parenté on demeure dans la conception abstraite parce que la cause qu’on identifie comme un motif déterminant est invariante quelque soit le type de donation.

A côté de cette conception abstraite s’est développée une conception concrète de la chose qui permet beaucoup plus de prendre en compte les attentes des parties.Si on apprécie concrètement la cause il faut des gardes fous, elle n’est admise qu’à la condition que les attentes ou encore l’intérêt aient été contractualisées par les parties. Autrement dit il faut que du contrat ressortent les élément qui ont déterminés les parties à s’engager.La contractualisation de l’intérêt du contrat peut être une contractualisation expresse. On peut admettre également que ce qui fait l’utilité du contrat soit implicitement contractualisé, il ressort de la convention que tel ou tel élément conditionnait l’utilité du contrat. Ex. Un contrat porte sur la cession d’un fond de commerce, en plus intervient une cession du bail commercial portant sur le local dans lequel le commerce était exercé. Si la cession du fond de commerce ne se fait pas pour une raison ou pour une autre, la cession du bail n’a plus aucun intérêt, on considérera que le bail commercial n’a plus aucune utilité, on considérera que l’activité de boucherie et donc la cession du fond de commerce constituait l’utilité du bail et qu’à défaut d’une telle cession le bail n’a plus de cause. Autre exemple : un contrat de location porte sur des vidéocassettes en très grand nombre, il est évident que dans ce contrat le locataire n’a pas loué les cassettes pour son usage personnel donc si on applique la conception abstraite de la cause on va dire qu’on a un contrat synallagmatique avec la mise à disposition des cassettes d’un côté et le paiement du loyer de l’autre.

II. La conception concrète

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On passe à la conception concrète, en analysant l’économie de la convention ce contrat de location est l’expression d’un commerce de gros qui doit permettre au détaillant d’exercer un commerce de détail. L’utilité du contrat réside dans la possibilité de développer un commerce de détail, si cela est impossible alors le contrat n’a pas d’intérêt, il n’a pas de cause et il est nul.

III. Sanctions

Si le contrat est nul pour défaut de cause, cette nullité est une nullité relative parce que la conception de la cause est destinée à protéger les attentes de l’une des parties.

§2 L’extension de la théorie des clauses abusives

Ici la théorie de la cause à laquelle il est fait référence est utilisée non pas comme condition de validité du contrat mais pour sanctionner des clauses du contrat. Si on juge que ces clauses sont dépourvues de cause, elles seront purement et simplement supprimées du contrat, en revanche le contrat demeurera dans toutes ces autres clauses, il conservera sa validité. Les clauses abusives sont des clauses qui menacent l’équilibre de la convention tel qu’il a été voulu par les parties.

L’intérêt de cette utilisation : Ici la notion de cause présente ici peu d’intérêt car elle se confond dans la théorie

des clauses abusives Si la notion de cause est ici très diffuse elle est pratiquement très utile parce

qu’elle permet d’étendre la théorie des clauses abusives à des contrats qui ne sont pas forcément des contrats de consommation.

Comme la théorie de la cause a ici pour principal intérêt d’étendre la théorie des clauses, la jurisprudence procède avec modération, elle n’applique pas purement et simplement la théorie des clauses abusives à l’ensemble des contrats de droit commun. Lorsque la jurisprudence utilise la théorie de la cause pour sanctionner des clauses elle le fait uniquement pour sanctionner des clauses qui portent substantiellement atteinte à l’équilibre de la convention ; plus précisément la jurisprudence va sanctionner dans des contrats synallagmatiques des clauses qui ont pour effet de vider de sa substance une des obligations essentielles du contrat. La clause la plus évidemment dépourvue de cause dans cette perspective c’est la clause exonératoire de responsabilité, clause selon laquelle l’une des parties se décharge de toute responsabilité dans l’hypothèse d’une défaillance d’exécution. Il y a une jurisprudence très fournie sur ces clauses dépourvues de cause (jurisprudence Chronopost). Ex. dans les contrats d’assurance il était prévu que « l’assureur garantit les conséquence dommageables qui se produiront pendant la période du contrat », il arrive très souvent que les conséquences dommageables se manifestent bien après le terme du contrat, par exemple un médecin qui souscrit une assurance, car la clause stipule que l’assureur se charge d’assurer les conséquences à la condition que l’indemnisation de ces sinistres soit réclamée dans un certain délai à la suite de la fin du contrat d’assurance. La clause de la réclamation de la victime vient vider de sa substance la couverture que l’assureur proposait, la cour de cassation décide que c’est une clause sans cause.

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§3 Le contrôle de la licéité du contrat

La théorie de la cause sert à combler les insuffisances de la théorie de l’objet aux fins de contrôler la conformité du contrat aux règles impératives et dans cette perspective la cause se définit alors comme un motif. Lorsque des contractants décident de déroger aux règles impératives, il est rare qu’ils le fassent ouvertement, en principe on dissimule les illicéités dont on se rend coupable. Si donc on ne contrôle que la licéité de l’objet, on ne contrôlera que les illicéités apparentes, on ne sanctionnera pas les illicéités les plus fréquentes qui sont des illicéités dissimulées. Le seule moyen de sanctionner effectivement les illicéités c’est de rechercher au-delà du contenu du contrat quelles ont été les intentions effectives des parties à travers la conclusion du contrat. Et pour permettre de sanctionner effectivement les illicéités il faut traquer les motifs illicites, on dit alors qu’on recherche la licéité de la cause. Pour sanctionner cette intention illicite la jurisprudence prend appui sur la théorie de la cause.Pendant longtemps la jurisprudence exigeait pour qu’il soit sanctionné, que le motif illicite soit connu des deux parties, ceci pour ne pas sanctionner la partie la plus honnête. Cette solution avait pour inconvénient que l’exigence d’un motif commun empêchait la partie honnête de dénoncer le contrat. Donc la jurisprudence dans un arrêt du 7 octobre 1998 (Conclusions de l’avocat général Sainte Rose) a reviré pour considérer que il suffit que le motif soit illicite pour l’une des parties pour que l’annulation soit obtenue et ce pour inciter la partie honnête à dénoncer le contrat. La partie honnête peut trouver quelque avantage au moment des restitutions.

Section 5. La forme du contrat ?

§1 Position du problème

D’un point de vue théorique la TAV commande plutôt la liberté de la forme, ce qui importe dans la TAV c’est la volonté elle-même, son contenu, peu importe sous quelle forme cette volonté s’explique. Petite nuance : la TAV a essentiellement une portée patrimoniale, autant les relations patrimoniales sont d’ordre volontaire et d’ordre contractuel, autant les relations extrapatrimoniales sont d’ordre obligatoire et d’ordre statutaire. L’autonomie de la volonté vaut dans les relations patrimoniales et beaucoup moins dans les relations extrapatrimoniales, or il y a certains contrats qui bien que ne produisant que des effets patrimoniaux ont malgré tout une portée extrapatrimoniale, par exemple une donation est un contrat qui a des effets patrimoniaux, mais la donation n’est pas tout à fait un contrat comme les autres, c’est un acte à titre gratuit, très fortement inspiré par des liens privilégiés et personnels entre le donateur et le donataire, s’il n’y a pas de liens personnels il est certain que la donation si elle est importante créera entre les parties un lien privilégié. Pour des actes qui ont des effets patrimoniaux mais une portée extrapatrimoniale il peut être utile de donner une forme à cet acte, cette forme est destinée à marquer l’aspect statutaire de la relation, cette forme a une fonction sacramentelle.

Sous un angle moral la position est là aussi nuancée, le formalisme a plutôt mauvaise presse. S’il y a des exigences de forme cela veut dire qu’en conséquence

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s’il y a une irrégularité de forme, cette irrégularité pourra justifier l’annulation du contrat. Autrement dit poser des exigences de forme pourra donner à l’une des parties un moyen de dénoncer la validité du contrat prétexte pris d’une simple irrégularité de forme. Mais la forme permet de clarifier les engagements et elle permet de protéger le consentement des parties.

Sous un angle économique, l’absence de forme favorise la souplesse des échanges, donc la rapidité. A priori la liberté de la forme est économiquement plus favorable que la contrainte formelle. A nuancer : la forme permet de clarifier les engagements et de lever les ambiguïtés, elle est donc un gage de sécurité juridique.

§2 Les solutions du droit positif

En droit positif le principe est celui du consensualisme (article 1138) qui signifie qu’il n’y a aucune forme imposée conditionnant la validité des conventions.Le principe du consensualisme ne veut pas dire qu’il n’y a pas de forme, mais que les parties sont totalement libres dans le choix de la forme qu’elles utiliseront pour conclure leur contrat.

I. Des formes qui conditionnent la validité du contrat (formes solennelles)

Par exception certains contrats sont soumis à une règle de forme qui conditionne leur validité, généralement cette condition c’est un écrit. Ce n’est pas nécessairement un écrit notarié, ce peut être un écrit sous seing privé. On peut distinguer les formes sacramentelles des formes protectrices :

Formes sacramentelles : formes qui s’appliquent à des actes particulièrement graves et qui ont une portée extrapatrimoniale. Ici la forme permet de sacraliser l’acte et de faire comprendre aux parties l’importance de ce qu’elles décident. L’exemple type c’est l’acte notarié exigé pour les donations.

Formes protectrices : elles répondent pragmatiquement à une volonté de protéger en informant l’une des deux parties au contrat. L’exemple type c’est l’exigence de forme qui s’applique à la stipulation d’intérêts dans les prêts d’argent (article 1907). Elle permet à l’emprunteur de connaître le taux qui sera pratiqué et donc de faire jouer la concurrence et l’autre intérêt c’est qu’en obligeant le prêteur à révéler le taux qu’il pratique on établit de fait un contrôle social sur la pratique de la stipulation d’intérêts, on rend cette stipulation publique et donc tout le monde peut la critiquer et on attend de cette publicité une certaine mesure du prêteur.

II. Des formes qui sont une condition d’efficacité du contrat

Lorsqu’elle est une condition d’efficacité la forme se manifeste de deux façons différentes.

A. A l’égard des parties

Les formes qui conditionnent l’efficacité du contrat ce sont les formes probatoires : La forme conditionne la preuve du contrat mais pas sa validité. La conséquence

pratique est que le défaut de preuve n’est pas irrécupérable.

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La forme comme condition de preuve est pratiquement sans incidence dans le domaine des relations commerciales. Entre commerçants la preuve est libre de telle sorte qu’il n’y a aucune formalité qui conditionne la preuve.

Les principales formalités probatoires qui s’imposent aux parties ne concernent que les relations entre personnes privées ou entre professionnel et personne privée.

La règle de principe est posée par l’article 1341 du Code Civil : pour les engagements qui sont supérieurs à 1500€ la preuve du contrat doit être rapportée par écrit et cet écrit doit en principe être signé des deux parties. En dessous de 1500€ la preuve est libre.

Ce texte de principe connaît deux exceptions (articles 1347 et 1348) : On peut se passer de la preuve par écrit s’il existe un commencement de preuve

par écrit, c’est un document qui émane de celui à qui on l’oppose et qui rend vraisemblable le fait à l’écrit (article 1347).

L’article 1348 dispense d’une preuve écrite en cas d’une impossibilité matérielle et morale. L’impossibilité morale résulte de liens privilégiés entre les parties (liens de parenté). En revanche l’impossibilité morale est rarement caractérisée dans le cadre des relations amicales.

B. A l’égard des tiers

De nombreux contrats pour être parfaitement efficaces doivent être respectés par les tiers. Ex. pour qu’une vente immobilière soit parfaitement efficace il faut être sûr que le vendeur soit honnête et donc qu’il ne vende pas deux fois le même bien. Si le vendeur est malhonnête, on peut pour conforter malgré tout l’efficacité du contrat faire en sorte que le deuxième acquéreur soit honnête et qu’il refuse de se porter acquéreur d’un bien déjà vendu et non encore livré.La meilleure façon de procéder c’est de faire en sorte que les tiers aient connaissance du contrat qui a été conclu, on compte alors sur l’honnêteté des tiers informés.Il existe donc des formalités destinées à porter le contrat à la connaissance des tiers, elles sont désignées comme des formes qui conditionnent l’opposabilité du contrat.Il y a une institution qui agrège ces formes : la publicité foncière et auprès de laquelle sont enregistrés toutes les conventions, tous les actes susceptibles d’avoir une incidence sur la propriété immobilière.

Chapitre II. Les sanctions des conditions de validité

Si une condition n’est pas respectée la sanction en principe c’est la nullité. La nullité n’est jamais de plein droit, elle n‘est jamais automatique, elle ne peut exister que si elle est demandée à un juge qui constate la nullité, la nullité est judiciaire. Tant que la nullité n’a pas été prononcée par un juge les parties sont tenues d’exécuter le contrat. La nullité prend la forme d’une action en justice, étudier la nullité c’est étudier le régime de l’action en nullité.

Section 1. Les conditions d’exercice de l’action

Les conditions de l’exercice de l’action supposent examiner trois questions :

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Qui peut demander la nullité ? Peut-on renoncer à demander la nullité ? Dans quel délai ?

Pour répondre à ces trois questions il faut distinguer entre la nullité relative et la nullité absolue.La nullité est relative lorsque la règle méconnue était destinée à protéger les intérêts de l’une des parties au contrat. En revanche la nullité est absolue lorsque la règle méconnue était destinée à protéger soit l’intérêt des deux parties au contrat, soit plus largement encore l’intérêt général.

Capacité et pouvoir : nullité relative Consentement : nullité relative L’objet :

o Exigence de détermination : nullité relativeo Exigence de licéité : nullité absolueo Exigence de disponibilité : nullité absolueo Exigence d’équilibre : nullité relative

§1 Qui peut demander la nullité ?

Si la nullité est relative c’est en principe exclusivement la partie protégée qui peut demander la nullité, pour deux raisons :

Les parties protégées sont censées se défendre elles-mêmes, il n’y a pas à apprécier les intérêts d’une partie protégée en ces lieux et places.

Lorsque les intérêts d’une des parties sont lésés généralement la cause de nullité est imputable à un agissement de l’autre partie. Ex. en cas de dol la lésion des intérêts de la victime du dol est imputable à l’autre partie. Il serait moralement choquant que celui qui est à l’origine de la cause de nullité puisse se prévaloir de cette cause de nullité qui ne le satisfait plus.

Si la nullité est absolue, au contraire toute partie intéressée peut demander l’annulation du contrat, cela veut dire essentiellement les deux parties au contrat.Cette solution peut être immorale parce que même dans ce cas la cause de nullité sera le plus souvent imputable à l’une seulement des parties.On fait prévaloir les considérations d’intérêt général sur les considérations d’intérêt moral. La solution est moralement choquante mais il est souhaitable de faciliter la dénonciation d’un contrat contraire à l’intérêt général, et donc il est souhaitable que même celui à l’origine de la nullité puisse le faire

§2 Peut-on renoncer à l’action en nullité ?

Si la nullité est absolue, la renonciation est impossible parce que la protection de l’intérêt général ne peut dépendre de la volonté de l’une ou l’autre des parties.

Si la nullité est relative, rien n’empêche la protégée titulaire de l’action en nullité de renoncer à cette action en nullité et dans ce cas la renonciation prend la forme d’un acte juridique unilatéral qu’on appelle la confirmation.Observations sur la confirmation :

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La confirmation pour être efficace doit intervenir en connaissance de cause et manifester la volonté délibérée de renoncer à la nullité. Le simple fait d’exécuter un contrat qui est entaché de nullité ne vaut pas confirmation.

La confirmation doit être distinguée d’autres procédés : il y a en marge de la confirmation d’autres moyens de consolider un acte entaché d’une cause de nullité. Il y a en dehors de la confirmation deux moyens de consolider un acte entaché d’une cause de nullité :

o La régularisation, c’est une technique qui permet de supprimer la cause de nullité d’un contrat. Ex. le rachat de la lésion, l’excès de pouvoir dans un contrat avec représentation et le représenté ratifie finalement. Lorsqu’il y a régularisation il y a effacement de la cause de nullité, en conséquence la régularisation est possible même en cas de nullité absolue.

o La réflexion consiste en l’état d’un contrat irrégulier à conclure un nouveau contrat identique en tout point au précédent contrat mais désormais sans cause d’irrégularité. La réflexion ressemble à la régularisation, mais la réflexion passe par la conclusion d’un nouveau contrat tandis que la régularisation consiste à consolider le contrat existant et produit effet au jour de la conclusion du contrat régularisé.

§3 Le délai de l’action en nullité

I. Le délai

Pendant longtemps, jusqu’à une loi du 17 juin 2008, il y avait une opposition radicale entre nullité relative (pouvait être dénoncée pendant 5 ans) et nullité absolue (pendant 30 ans).La loi du 17 juin 2008 a modifié le droit commun de la prescription et a désormais posé que la prescription de droit commun est de 5 ans, ce sans modifier l’article de la nullité relative.Donc aujourd’hui il n’y a plus de distinction entre nullité relative et absolue sous l’angle du délai.

II. Le point de départ

Le point de départ du délai se situe au jour de la conclusion du contrat. Ce délai est reporté en cas de « clandestinité du vice », c’est-à-dire dans l’hypothèse où la cause de nullité n’est pas décelable au moment de la conclusion du contrat.

Il y a dans la loi du 17 juin 2008 un délai butoir de 20 ans : il intervient en tout état de cause de dénoncer la nullité du contrat plus de 20 ans après la conclusion du contrat.

III. Les effets de la prescription

A. Le sens de la règle

Cette règle se laisse exprimer à travers un adage latin « quae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum » qui signifie « l’action est temporaire,

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l’exception est perpétuelle ». Cela signifie que l’écoulement du délai de prescription interdit l’exercice d’une action en nullité. La nullité peut être sollicitée non pas par voie d’action mais par voie d’exception. Cela signifie que la nullité est invoquée en défense à une action en paiement, à une action en exécution d’un contrat. L’action se prescrit par 5 ans, en revanche l’exception est perpétuelle, ce qui signifie que l’exception de nullité échappe au jeu de la prescription.

B. La justification de la règle

Les règles de prescription répondent de manière générale à un impératif de paix civile.L’objectif est d’éviter, passé un certain temps, la remise en cause de situations qui pendant tout ce temps n’ont pas été contestées. La prescription permet de préserver le statu quo. La prescription de l’action permet exactement comme la survie de l’exception de maintenir le statu quo. L’explication est parfaitement logique, les deux règles produisent le même effet parce qu’elles s’appliquent à deux situations différentes et contradictoires.

La prescription de l’action en nullité est une règle qui s’applique dans une situation où par hypothèse le contrat a été exécuté. La prescription de l’action empêche au bout de 5 ans de remettre en cause un contrat qui a été exécuté.

En revanche, lorsqu’on invoque la nullité par voie d’exception, l’hypothèse est rigoureusement inverse. La partie qui invoque l’exception est défendeur à une action qui tend à obtenir l’exécution du contrat. Donc dans l’hypothèse où une partie invoque l’exception de nullité, par définition le contrat n’a pas encore été exécuté.Ce que permet la perpétuité de l’exception c’est d’empêcher indéfiniment qu’un contrat qui n’a pas été exécuté pendant le délai de prescription puisse désormais être exécuté. Donc l’exception de nullité permet de garantir le statu quo à ceci près qu’ici le statu quo est un contrat qui n’a jamais été exécuté.

C. La portée pratique de cette règle

La cour de cassation est venue nuancer le principe de perpétuité de l’exception dans un arrêt du 1er décembre 1998. Cette jurisprudence vient dire que l’exception de nullité est perpétuelle à la condition que le contrat soit totalement inexécuté. En revanche, si le contrat est partiellement exécuté, l’exception perd le bénéfice de la perpétuité.

L’exception de nullité empêche d’obtenir l’exécution d’un contrat. Si le contrat a été partiellement exécuté, l’exception de nullité empêchera seulement l’exécution totale du contrat. Autrement dit l’exception d’inexécution permettra de stabiliser une situation d’exécution partielle. Cette situation crée un déséquilibre qui n’est pas acceptable. Ex. un contrat de prêt qui engendre le paiement d’intérêts. Le prêteur a exécuté sa prestation et a débloqué des fonds au profit de l’emprunteur (exécution partielle). L’emprunteur a commencé à rembourser et là il arrête, il décèle une cause de nullité dans le contrat de prêt. Le prêteur vient demander le tout, l’exécution totale. Le défendeur lui oppose alors l’exception de nullité qui devrait normalement entrainer le blocage de l’exécution. Si la nullité est avérée on dira que la demande du prêteur doit être rejetée. La situation ici

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n’est pas acceptable, ou bien le contrat est valable et il faut rembourser, ou bien le contrat et nul et il n’y avait pas à débloquer les fonds et les prêter. Dans cette situation d’exécution partielle, une partie a bénéficié de toutes les utilités du contrat (ici l’emprunteur) et l’autre partie est privée de toute répartie.En cas d’exécution partielle, l’exception de nullité entraine un déséquilibre injustifié entre les obligations des parties. Arrêt du 16 juillet 1998 : dans lequel la cour de cassation vient dire que l’exception de nullité produit les mêmes effets qu’une action en nullité ; cela veut dire qu’en cas d’exécution partielle et dans l’hypothèse où le défendeur invoque à juste titre l’exception de nullité, il y a lieu de remettre en cause intégralement ce qui a été partiellement exécuté. La seule solution donnée par cet arrêt est de faire en sorte que l’exception de nullité ne soit plus simplement un mécanisme de blocage mais qu’elle entraine une remise en cause de ce qui a déjà été exécuté.

Donc pour éviter le déséquilibre on fait produire à l’exception de nullité les effets d’une action en nullité. L’exception de nullité en cas d’exécution partielle justifie une remise en cause de ce qui a été partiellement exécuté ; donc l’exception de nullité fonctionne exactement comme une action en nullité et donc elle est soumise au même régime de prescription que l’action, cette exception n’est donc plus perpétuelle et se prescrit alors par 5 ans.

Arrêt de la 1ère chambre civile du 20 mai 2009 : la cour de cassation a introduit une ultime nuance, elle indique que la mise à l’écart du principe de perpétuité de l’exception en cas d’exécution partielle ne vaut que pour les nullités relatives. En revanche en cas de nullité absolue, l’exception reste toujours perpétuelle.Dans cette jurisprudence on peut voir un souci de faciliter la dénonciation du contrat lorsque la nullité est absolue, (correspond à un vice particulièrement lourd, une irrégularité caractérisée).

Section 2. Les effets de l’action en nullité

La nullité c’est essentiellement un contrat à l’envers. L’objectif est de faire disparaître un contrat irrégulier, entaché de nullité. L’objectif est de faire comme si le contrat n’avait jamais existé. En termes plus techniques, la nullité engendre nécessairement des restitutions, plus précisément en cas de nullité il y aura lieu de restituer les choses qui ont été exécutées en vertu des obligations issues du contrat annulé. On dit que la nullité opère de manière rétroactive.

§1 Le principe des restitutions

Pour aborder ce principe il faut distinguer selon le type d’obligations que le contrat fait naître : obligation monétaire, obligation de donner, obligation de faire.

I. Les obligations monétaires

La restitution se fait à l’identique. Celui qui a reçu en vertu d’un contrat des unités monétaires doit restituer exactement la même quantité d’unités monétaires qu’il a reçu ; quand bien même il y aurait entre le moment de l’exécution du contrat et le moment de la restitution un délai extrêmement long.

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II. Les obligations de donner

Celui qui a reçu une chose doit en principe la restituer à l’identique. Dans un contrat de vente, si la vente est annulée, l’acquéreur doit restituer la chose qu’il a reçue.La difficulté vient du fait qu’il peut s’écouler un certain temps entre l’exécution et la restitution, pendant ce temps la chose peut être transformer : elle peut s’améliorer, se dégrader ou avoir disparu :

Amélioration : la question qui se pose est celle de savoir si le débiteur de la restitution doit restituer la chose améliorée ou telle qu’elle était au moment de l’exécution du contrat. Qui profite des améliorations ?Ou bien l’amélioration est le fait de l’acquéreur et dans ce cas, ce dernier a droit à une indemnisation destinée à compenser les améliorations qu’il a réalisées.La règle consiste à retenir la plus faible des deux sommes entre d’une part les frais engagés pour réaliser les améliorations et la plus-value qu’ont crée les améliorations réalisées.Pourquoi n’a-t-il pas le bénéfice de la plus-value ? Si les améliorations ne sont pas du fait de l’acquéreur, dans cette hypothèse les améliorations profitent au bénéficiaire de la restitution, donc au vendeur. Parce que la nullité a pour objectif de faire comme si le contrat n’avait jamais existé, il faut donc considérer que le bien n’est jamais sorti du patrimoine du vendeur, et si c’était le cas personne ne verrait d’objection à ce que ce soit lui qui profite de la plus-value.

Dégradation : l’acquéreur est tenu d’indemniser le vendeur du coût de la remise en état du bien. En revanche il n’y a pas d’indemnisation pour l’usage de la chose.

Disparition : elle a disparu parce qu’elle n’est plus dans le patrimoine de celui qui doit restituer, dans ce cas la restitution se fait en équivalent ; on évalue la valeur de la chose au jour de la restitution dans l’état où elle se trouvait au jour de l’exécution du contrat. La nullité doit permettre de remettre le vendeur en état, il faut faire comme si le contrat n’avait jamais eu lieu. Mais alors il faut donner au vendeur les moyens de racheter quelque chose d’identique, de même valeur que ce qu’il avait initialement vendu. Il faut donc que ces moyens soient évalués au jour de la restitution.

III. Les obligations de faire (les prestations)

Le contrat typiquement concerné par ce genre de restitutions c’est le contrat d’entreprise.Ce contrat est annulé, il faudra donc procéder à des restitutions, il faudra restituer à propos de l’obligation de payer le prix, mais il faudra également procéder à des restitutions à propos de l’obligation de faire exécutée par l’entrepreneur. La cour de cassation considère que malgré tout il peut y avoir une restitution des prestations, elle se fera nécessairement en équivalent. Donc le juge procèdera à une évaluation de la prestation accomplie et décidera que le bénéficiaire de cette prestation devra restituer l’équivalent monétaire de la prestation. La cour de cassation autorise les juges du fond à évaluer la prestation au prix auquel elle a été payée, ceci a été admis dans un arrêt de la 1ère chambre civile du 16 mars 1999. Il y aura deux créances de restitution réciproques d’un montant identique.

§2 Les tempéraments

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Il n’y a pas de sanction économiquement plus toxique que la nullité, car elle entraine la remise en cause du passé, or l’activité économique est tournée vers l’avenir. C’est la raison pour laquelle en doctrine il est régulièrement demandé que au moins pour les contrats à exécution successive, la nullité ne produise d’effets que pour l’avenir et pas pour le passé. Cette solution a les faveurs du législateur, si le projet de la chancellerie devait être adopté ce principe devrait être adopté également.En revanche, sont de droit positif les considérations morales qui pèsent sur le jeu des restitutions.

Il y a une immoralité, celui qui est à l’origine de la cause de nullité peut se prévaloir de son propre vice. Les considérations morales n’ont pas d’incidence sur la possibilité d’agir en nullité, en revanche ces considérations ont une incidence sur le jeu des restitutions. Dans l’hypothèse où une partie est à l’origine de la cause de la nullité se décline en un adage « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » « nul ne peut se prévaloir de sa propre turbitude ». Cet adage latin a une variante plus juste « in pari causa turpitudinis cessat repetitio » « à égalité de turpitude le droit à répétition cesse ». La partie qui est la plus coupable au regard de la cause de nullité est privée du droit à répétition. En cas d’annulation du contrat, celui qui est privé du droit à répétition ne peut obtenir restitution.La privation du droit à répétition n’opère que pour des causes de nullité qui résultent de comportements pénalement répréhensibles (trafic d’armes, corruption, fraude fiscale). Cette solution reste malgré tout mystérieuse à justifier, l’explication traditionnelle de l’adage est que cette règle permet de punir la partie la plus coupable des deux dans la survenance de la cause de nullité, on donne à la règle une fonction punitive qui illustre les considérations morales. La solution en réalité aboutit à un résultat parfaitement immoral. Cette règle a essentiellement pour fonction de dissuader les individus de conclure un contrat entaché d’une grave illicéité et la fonction préventive est très efficace. L’effet concret de cet adage est que par application les parties sont de fait privées de toute garantie si elles s’engagent dans l’exécution d’un tel contrat.

PARTIE III   : LES EFFETS DU CONTRAT

L’exécution du contrat découle de l’article 1134 qui énonce le caractère obligatoire du contrat.

Chapitre I. La force obligatoire du contrat

L’étude de la force obligatoire pose trois questions :L’identification du contenuQuelles sont les parties obligées par le contrat ?Jusqu’à quand le contrat a-t-il force obligatoire ?

Section 1. Le contenu des obligations

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Conformément à la TAV le contenu des obligations est déterminé par la volonté des parties, ce qui fait que le contenu des obligations correspond aux obligations qui ont été voulues. Il faut intégrer que le TAV c’est aussi un certain nombre de considérations morales et économiques. Cette théorie a fait l’objet de contestations, la première critique de la TAV a eu une incidence sur l’examen de la validité du contrat, il y a également une seconde critique, dite solidariste inspirée du solidarisme contractuel, permet de comprendre un certain nombre de règles qui permettent de définir le contenu des obligations, le solidarisme met l’accent sur le lien créé par le contrat. Selon la doctrine solidariste ce qui fonde la force obligatoire du contrat c’est la qualité intrinsèque du lien créé par le contrat, et le contrat ne mérite de force obligatoire que si le lien créé présente une utilité sociale ; le lien contractuel est contraignant parce qu’il est créateur d’un lien social.Le droit positif n’a jamais été jusque là mais on trouve toutefois des traces qui se manifestent : au-delà des obligations qui ont été voulues par les parties la jurisprudence a imposé des obligations aux fins de consolider la qualité.

§1 Les obligations voulues

Ce sont celles sur lesquelles les parties se sont accordées, il s’agit de l’objet du contrat. Le contrat est généralement formalisé par un écrit de sorte que l’identification du contenu des obligations requiert un effort d’interprétation des clauses du contrat. Concernant l’interprétation du contrat, le principe d’interprétation du contrat repose sur une distinction entre deux types de clauses :

Les stipulations qui sont dites claires et précises (est claire et précise la stipulation que l’on comprend à première lecture et à la condition qu’elle ne soit pas contredite par d’autres stipulations du contrat). Le juge est tenu de respecter les termes de cette clause et d’en faire application en l’état. Si le juge donne à la clause un sens différent de celui qui ressort de sa première lecture, il se rend coupable d’une dénaturation.

Si les stipulations ne sont pas claires et précises, le juge dispose alors d’un pouvoir d’interprétation, les articles 1156 à 1162 donnent quelques directives d’interprétation des contrats, ces articles n’ont dans l’ensemble aucune force contraignante, le juge est souverain dans l’interprétation du contrat (sa souveraineté ne s’arrête qu’en cas de clause claire et précise). La seule et unique directive qui s’impose au juge est d’interpréter le contrat conformément aux intentions des parties. En pratique le travail du praticien sera de mettre en évidence les attentes des parties, considérations en vertu desquelles on arrive à faire apparaître la bonne interprétation du contrat.

Ces principes comportent deux nuances : La première tient au fait que la plupart des contrats sont incomplet, cela veut dire

qu’on n’y trouvera pas toutes les réponses aux difficultés que soulève le contrat. Dans ce cas il est bien souvent divinatoire de rechercher les intentions des parties. On prend appui sur les dispositions supplétives de volonté qu’on trouve dans le Code Civil, généralement exposées à l’occasion de chaque contrat spécial.

La seconde nuance pourrait concerner les contrats d’adhésion, c’est un contrat intégralement rédigé par une partie de telle sorte que l’autre partie n’a d’autre possibilité que d’en accepter les termes ou de refuser le contrat. La doctrine a suggéré que dans les contrats d’adhésion la jurisprudence procède à une

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interprétation uniforme de ces contrats et que cette interprétation intervienne dans un sens favorable à la partie qui n’a pas été en mesure de négocier les termes du contrat, c’est le principe de l’interprétation in favorem. Cette idée n’a jamais été admise en jurisprudence mais on en trouve malgré tout deux illustrations : dans l’article L133-2 du Code de la consommation, dans l’ensemble les contrats de consommation sont des contrats d’adhésion, cet article pose le principe que en cas de doute ces contrats s’interprètent dans le sens le plus favorable au consommateur. Le législateur voudrait aller plus loin, dans le projet de la chancellerie il est question d’introduire la notion de contrat d’adhésion.

§2 Les obligations imposées

Le lien contractuel ce sont les obligations voulues par les parties mais également celles ajoutées au contrat par la jurisprudence.Le forçage du contrat : c’est le fait d’intégrer dans le contrat des obligations qui n’ont pas été voulues par les parties, pour cela la jurisprudence s’est appuyée sur les articles 1134 alinéa 3 et 1135.

I. L’article 1134 alinéa 3 du Code Civil

L’alinéa 3 indique que les parties sont tenues d’exécuter le contrat de bonne foi. La bonne foi est une notion relativement floue. Cette référence à la bonne foi signifie qu’on peut respecter les termes du contrat mai malgré tout en méconnaître l’esprit.

Beaucoup de contrats comportent une clause résolutoire, c’est une clause qui autorise l’une ou l’autre des parties à considérer que le contrat prend fin si l’autre partie n’exécute pas ses obligations, on en trouve quasiment dans tous les contrats de bail. La jurisprudence au nom du devoir d’exécution de bonne foi a contenu l’application de ces clauses résolutoires. Ex. un locataire qui paye le 5 et non pas le 3, on prend prétexte du non respect de la lettre pour imposer une sanction disproportionnée.

Si on généralise, ce devoir d’exécution de bonne foi connaît deux traductions : Un devoir de loyauté : il consiste dans l’exécution du contrat à adopter un

comportement qui n’ait pas pour objet ou pour effet de nuire à l’autre partie. Ce devoir de loyauté permet de sanctionner les comportements qui sont dictés par une intention de nuire. Dans ce cas, le juge refusera d’appliquer la lettre du contrat s’il apparaît que le créancier en invoquant cette lettre n’a d’autre intention que de provoquer une nuisance à l’encontre de son débiteur. Au-delà de l’intention de nuire le devoir d’exécution de bonne foi peut dans certains cas contraindre les parties à ne pas adopter un comportement susceptible de nuire à l’autre, le devoir d’exécution de bonne foi conduit à prévenir les comportements susceptibles de nuire à l’autre partie. Ex. un banquier qui a une créance sur l’un de ses clients, il est assuré que le banquier peut exiger paiement de cette créance, mais ce banquier tarde à réclamer ce paiement de telle sorte que la dette s’accroît du montant des intérêts, dans ce cas l’inaction du banquier cause une nuisance à l’emprunteur car elle aura eu pour effet d’accroître considérablement la dette de l’emprunteur. Dans certains cas il a été admis que le banquier qui agit de la sorte n’exécute pas le contrat de bonne foi car il ne prévient pas une situation qui nuit à son cocontractant.

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Un devoir de coopération entre les parties : c’est l’obligation de favoriser une exécution utile du contrat, il faut faire en sorte que le contrat présente un intérêt pour les deux parties au contrat. Ce devoir suppose un contrat à exécution successive. Il existe deux illustrations :

o Dans les contrats de dépendance, au premier rang desquels on trouve le contrat de distribution. Dans ce type de contrat la pérennité de l’activité du distributeur dépend de la pérennité du lien contractuel mais également du fait que les prix pratiqués par le fournisseur soient tels qu’ils permettent au distributeur d’avoir une activité rentable. Le devoir d’exécution de bonne foi se traduit ici par un devoir de garantir l’utilité du contrat pour le distributeur, c’est lui permettre grâce à ce contrat d’exécuter une activité rentable.

o Seconde illustration en Droit du travail : l’employeur a le devoir d’adapter le salarié aux évolutions de son emploi. L’employeur a l’obligation de faire en sorte que le contrat de travail conserve son utilité pour le salarié, ce qui veut dire que l’employeur a le devoir de faire en sorte que le salarié par l’adaptation de ses compétences soit en mesure de conserver son emploi.

II. L’article 1135 du Code Civil

L’équité est ici ce qu’on appelle une équité objective, c’est-à-dire une équité qui sera la même quelles que soient les parties, quels que soient les contrats. L’équité subjective est le sentiment personnel du juge à propos d’une affaire déterminée, elle est à bannir, le juge n’est pas là pour dire ce qui lui paraît juste selon son sentiment d’équité.

Au nom de cette équité objective, la jurisprudence a introduit dans notre droit positif, deux types d’obligations imposées :

La première résulte d’un arrêt du 21 novembre 1911 : il introduit dans les contrats de transport une obligation de sécurité, dans un contrat de transport, le transporteur s’engage à déplacer une personne ou une chose en contrepartie d’un prix. En 1911 la cour de cassation vient dire que dans un tel contrat il faut ajouter une obligation de sécurité, le transporteur doit garantir l’intégrité des biens et personnes qu’il transporte.

La cour de cassation dans un arrêt du 2 avril 1872 : cet arrêt fait peser sur le notaire une obligation d’information et de conseil, on lui demande essentiellement d’authentifier l’acte. La jurisprudence dit que si les parties vont devant un notaire c’est pour obtenir le maximum de sécurité juridique, elles sont en attente d’un conseil d’une information pour garantir l’efficacité de l’acte conclu devant le notaire. La jurisprudence se montre soucieuse de cette attente et considère que la relation entre le notaire et son client doit contenir une obligation d’information et de conseil.

Ces deux obligations, depuis ses deux arrêts, vont peut à peu s’imposer dans tous les contrats.

A. L’obligation de sécurité

C’est une obligation de garantir l’intégrité physique ou matérielle des personnes ou des choses qui sont concernées par le contrat.

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A l’origine cette obligation de sécurité est conçue comme un moyen de conforter l’utilité du contrat, c’est un prolongement du devoir de coopération et de bonne foi. Ex. dans un contrat de transport il est naturel que le transporteur qui s’engage à réaliser un déplacement, s’engage au moins implicitement à garantir l’intégrité des personnes ou des choses qu’il déplace. Mais par la suite, la jurisprudence va généraliser l’obligation de sécurité à tous les contrats dès lors que ce contrat fait intervenir un professionnel, peu importe que le cocontractant de ce professionnel soit un consommateur ou un professionnel. Autrement dit cette obligation de sécurité pèse sur le professionnel mais bien au-delà du champ des contrats de consommation. On peut donc penser que l’obligation de sécurité a quelque peu changé de justification au fil du temps, elle remplit un impératif d’utilité sociale qui dépasse le cercle des parties contractantes et les enjeux du Droit des contrats. On peut considérer que la sécurité des individus est un droit, pour garantir l’efficacité de ce droit on ne peut pas uniquement compter sur l’Etat, un moyen de le garantir est de prendre appui sur les liens sociaux, les liens juridiques, qui existent d’ores et déjà entre les individus et de faire peser sur celui qui en est capable une obligation de sécurité à l’égard de l’autre, c’est exactement ce qu’on fait en matière contractuelle, les contrats sont des liens entre les individus dans lesquels il arrive souvent qu’il y ait un professionnel qui puisse garantir les conséquences dommageables en cas d’atteinte à l’intégrité d’une personne. On voit ici que le contrat est considéré comme un facteur de lien social sur lequel on prend appui pour conforter les droits élémentaires des individus.

B. L’obligation d’information et de conseil

Les obligations d’information et de conseil ont été traditionnellement conçues comme un moyen de garantir l’utilité du contrat et donc un prolongement du devoir d’exécution de bonne foi.L’intérêt de cette obligation est de permettre aux parties de conclure un contrat qui soit parfaitement satisfaisant, qui réponde parfaitement à leurs attentes. Ceci explique que pratiquement tous les professionnels soient soumis à une obligation d’information et de conseil, les professionnels du droit (notaire, avocat), les professionnels du chiffre (comptable) mais également les banquier, les médecins ; dans tous les métiers où le professionnel est dépositaire d’une compétence et d’une expertise, pèse une obligation d’information et de conseil pour faire en sorte que la clientèle soit pleinement satisfaite de la relation contractuelle qu’elle a eu avec ce professionnel.

Mais on voit apparaître une évolution proche de celle de l’obligation de sécurité. L’obligation d’information et de conseil peut aussi être un moyen de répondre à des impératifs d’intérêt général.L’obligation d’information et de conseil qui permet d’illustrer au mieux cette idée est l’obligation du banquier lorsqu’il consent un prix. Le banquier français a une obligation d’information et de conseil qui le contraint à mettre en garde son client sur sa capacité à contracter un prêt. S’il apparaît que l’emprunteur n’a pas les ressources suffisantes, le devoir d’information et de conseil est tel qu’il doit aller jusqu’à refuser le prêt.

A travers cette obligation d’information et de conseil, il y a évidemment le souci de protéger les intérêts de l’emprunteur, il s’agit de faire en sorte que le contrat de prêt soit satisfaisant pour l’emprunteur. Au-delà de la satisfaction du client il y a un objectif

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d’intérêt général qui est d’éviter les situations de surendettement et destiné à garantir l’équilibre général de l’économie et d’une société.

Section 2. Les parties obligées

Le principe est que sont liées par le contrat les parties qui l’ont conclu. Ce principe est désigné comme le principe de l’effet relatif des contrats.Ce principe de l’effet relatif a un fondement textuel et un fondement théorique. Le fondement textuel on le trouve à l’article 1165 du Code Civil : les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes et elles ne nuisent point aux tiers.Le fondement théorique : c’est la théorie de l’autonomie de la volonté, puisque c’est la volonté qui fonde la force obligatoire du contrat alors conséquemment ne sont liées par cette force obligatoire que les parties qui ont voulu le contrat.

§1 Portée du principe

Le principe de l’effet relatif nous conduit à opposer les parties et les tiers, mais il ne faut pas exagérer cette distinction et retenir l’idée trop simple que les parties sont liées et es tiers sont indifférents au contrat.La vérité est que si seules les parties sont liées, le contrat a des incidences à l’égard des tiers mais elles ne sont pas celles propres au contrat, elles sont d’une nature différente que les obligations issues du contrat. Cette distinction est présentée habituellement à travers deux propositions : seules les parties sont liées mais le contrat est opposable aux tiers.

I. Seules les parties sont liées

Cela signifie que le contrat crée des obligations exclusivement à la charge ou au bénéfice des parties contractantes. Seules les parties contractantes peuvent donc demander à leur profit l’exécution des créances issues du contrat. Ex. dans un contrat de vente il n’y a que le vendeur qui puisse demander le paiement du prix. Inversement, seules les parties au contrat sont tenues d’exécuter les obligations issues du contrat. Ex. une société, personne morale, est endettée auprès d’une banque, en vertu du principe de l’effet relatif, la banque peut exclusivement demander à la société l’exécution de ses engagements c’est-à-dire rembourser les prêts consentis, la banque ne peut pas demander à qui, par exemple au dirigeant de la société parce que le dirigeant est une personne physique distincte de la personne morale qu’est la société. Elle lui demandera de souscrire un contrat de cautionnement aux termes duquel il remboursera le prêt, ici il n’y a donc pas d’atteinte au principe de l’effet relatif puisqu’un nouveau contrat est conclu. Autre exemple, si un débiteur est engagé il est le seul, ses proches ne le sont pas.

Il existe un facteur de complications. Seules les parties sont créancières ou débitrices en vertu du contrat mais certaines personnes sont assimilées aux parties. Autrement dit certaines personnes qui n’ont pas contracté seront cependant assimilées aux parties et pourront donc être créancières ou débitrices au contrat.Il y a deux catégories de personnes qui ont vocation à être assimilées à des parties :

La première catégorie se compose des parties représentées. Lorsqu’il y a représentation, le contrat est conclu entre un contractant et le représentant, celui

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qui a reçu pouvoir de contracter au nom d’un autre. Dans cette hypothèse le représenté, qui n’a pas contracté, est assimilé à une partie contractante.

La seconde catégorie est celle des ayant cause : c’est une personne qui a acquis un droit ou recueilli une obligation d’une autre personne qu’on appelle auteur. Ex. dans un contrat de vente, l’acquéreur du bien est l’ayant cause du vendeur.

o Les ayant cause universels ou à titre universel : ce sont ceux qui acquièrent une universalité de droit ou une fraction de cette universalité. Quand l’ayant cause requiert toute l’universalité on l’appelle ayant cause universel, quand il requiert une fraction de l’universalité ou l’appelle ayant cause à titre universel. Ce sont les héritiers qui recueillent le patrimoine de la personne défunte, de leur auteur, et s’ils sont plusieurs ils recueillent une fraction.L’universalité c’est un patrimoine, et une fraction d’universalité est une fraction de patrimoine. Le patrimoine est indissociable donc en principe les universalités ne sont pas transmissibles. Il n’y a qu’une possibilité de transmission d’une universalité d’un patrimoine, cette possibilité tient à la disparition de la personne attachée à ce patrimoine. En conséquence, l’ayant cause universel ou à titre universel ne peut recueillir le patrimoine de son auteur que si celui-ci disparaît et que si en conséquence l’ayant cause prend la place de l’auteur. Autrement dit, l’ayant cause universel ou à titre universel par définition se substitue à la personne de son auteur. Donc l’ayant cause universel ou à titre universel est assimilé à la personne de son auteur dans tous les contrats conclus par ce dernier. Concrètement, à l’occasion d’un héritage, celui qui accepte la succession devient partie à l’intégralité des engagements qu’avait pris le défunt.Pour les personnes morales on retrouve le même dispositif. Lorsqu’une société recueille par l’effet d’une fusion le patrimoine d’une autre société, elle devient ayant cause universel de la société absorbée, la société absorbante est donc assimilée à la société absorbée dans tous les contrats conclus par cette dernière.

o Les ayant cause à titre particulier : ce sont ceux qui acquièrent un ou plusieurs biens déterminés. L’ayant cause à titre particulier peut-il être assimilé à une partie au contrat ? Cette question se pose à propos d’un contrat ayant pour objet un bien transmis à un ayant cause. Ex. Un contrat de bail qui porte sur un bien immobilier, le bien est vendu, l’acheteur du bien est l’ayant cause à titre particulier du vendeur ; la question qu’on se pose est de savoir si l’acheteur du bien est lié à l’égard du locataire exactement comme l’était le vendeur. A cette question, la répons de principe est que l’ayant cause à titre particulier n’est pas assimilé à une partie contractante, l’ayant cause n’est donc pas lié par les contrats conclus par son auteur y compris les contrats qui ont pour objet le bien qu’il a recueilli dans son patrimoine. Ceci a été jugé dans un arrêt de la cour de cassation, commerciale, 19 décembre 1995, bulletin 4ème partie n°303.

II. Le contrat est opposable aux tiers

C’est une formule qui ne donne qu’une idée imprécise de ce que sont les effets du contrat à l’égard des tiers.

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Le contrat entraine des droits et des obligations pour les tiers mais ces droits et obligations qui s’imposent aux tiers sont distincts des droits, des créances, des dettes, issues du contrat. Ex. une vente portant sur un bien, elle fait naître une créance pour le vendeur et une dette pour l’acquéreur, mais les tiers sont obligés de respecter les termes de ce contrat, il sont obligés de ne rien faire pour entraver la bonne exécution de ce contrat. Le contrat oblige donc les tiers au moins à ne rien faire.

Cette opposabilité du contrat aux tiers se décline en plusieurs propositions : Les tiers ne peuvent nuire au contrat : pèse sur les tiers une obligation

générale d’abstention. Ex. un contrat de travail qui comporte une clause de non concurrence, cette clause lie le salarié et conformément aux termes de cette clause le salarié ne peut pas exercer une activité qui fasse concurrence à son employeur. Un autre employeur souhaite s’attacher les compétences de ce salarié, et se porte garant des conséquences que pourraient porter le salarié : comportement qui vient entraver la bonne exécution du contrat car ils contribuent à la violation de la clause.Cette obligation ne pèse sur les tiers qu’à la condition qu’ils aient connaissance du contrat. La sanction de cette obligation c’est la responsabilité du tiers et c’est une responsabilité délictuelle fondée sur l’article 1382, parce que le tiers qui entrave la bonne exécution n’est pas lié à une partie au contrat. Comme il n’y a pas de contrat entre le tiers et les contractants la faute n’engage pas une responsabilité contractuelle.

Le contrat ne peut nuire aux tiers : cela ne concerne pas tous les tiers, mais une catégorie de tiers, ce sont les créanciers des parties aux contrats. Les créanciers disposent du droit de gage général. Les créanciers disposent d’un droit pour éviter que le contrat ne porte atteinte à leur droit de gage général, ce droit prend la forme d’une action en justice qui est l’action paulienne (article 1167). Cette action permet au créancier de faire déclarer en justice inopposable les contrats conclus en fraude de leur droit de gage général. Pour que cette action soit mise en œuvre, il faut établir que le contrat entraine un appauvrissement du débiteur, il faut que cet appauvrissement soit frauduleux c’est-à-dire que la partie contractante a conscience de nuire à ses créanciers. En résultat, le contrat conclu en fraude des droits du créancier sera déclaré inopposable, cela veut dire que le contrat demeure entre les parties contractantes, mais le créancier pourra considérer à son égard que le contrat n’a aucune existence. Donc si l’action paulienne aboutit, le créancier peut considérer que le bien immobilier est resté dans le patrimoine de son débiteur, il peut donc se saisir du bien immobilier. Si le bien est saisi, le contrat sera inexécuté, la partie qui a vendu le bien immobilier s’expose à l’égard de l’autre aux sanctions de l’inexécution.

Les tiers peuvent invoquer l’inexécution du contrat : o Les créanciers : dans cette hypothèse, le créancier peut se prévaloir de

l’inexécution du contrat conclu par son débiteur de son débiteur, pour demander au débiteur de son débiteur qu’il exécute ses propres obligations. Autrement dit le créancier peut vaincre la paresse de son débiteur en demandant au lieu et place de ce dernier que le débiteur de son débiteur exécute ses obligations. Ex. dans un contrat de bail la banque qui a prêté de l’argent à un propriétaire pour l’achat d’un appartement,

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peut se prévaloir de l’inexécution du paiement d’un locataire en lui demandant de payer ses loyers.L’intérêt de cette opération est que le créancier reconstitue le patrimoine de son débiteur et en conséquence reconstitue son droit de gage général. Cette possibilité offerte au créancier de demander pour le compte de son débiteur l’exécution d’un contrat conclu par ce dernier, est l’action oblique dont le fondement textuel est à l’article 1166 du Code Civil. Cette action oblique est soumise à des conditions : il faut être créancier et établir l’inaction de son débiteur. Est-ce une exception à l’article 1165 ? Car le créancier intervient dans un contrat auquel il n’est pas partie. Ce n’est pas une exception au principe de l’effet relatif parce que l’exécution de ce contrat intervient au bénéfice du débiteur, elle n’intervient pas au bénéfice du créancier qui agit au lieu et place du débiteur. Autrement dit, le créancier ne demande pas l’exécution d’un contrat à son profit mais il demande l’exécution du contrat au bénéfice de son débiteur. Le créancier ne devient pas créancier au titre du contrat conclu par son débiteur, il a seulement le droit de réclamer au bénéfice de son débiteur l’exécution d’un contrat conclu par ce dernier. L’action oblique présente une faiblesse évidente, le résultat de cette action peut profiter à l’ensemble des créanciers du débiteur et non pas exclusivement à celui qui a exercé l’action oblique.

o Les penitus extranei : ce sont ceux qui n’ont aucun lien particulier avec l’une des parties au contrat. Peuvent-ils invoquer l’inexécution d’un contrat ? Cette question a donné lieu à un arrêt d’assemblée plénière du 6 octobre 2006 qui est venu dire que l’inexécution d’un contrat constitue non seulement une faute contractuelle mais également à l’égard des tiers une faute délictuelle. Donc l’inexécution du contrat peut engager la responsabilité délictuelle des partie à l‘égard des tiers et dans cette hypothèse les tiers ne peuvent pas demander l’exécution du contrat mais peuvent se plaindre de l’inexécution du contrat et solliciter l’indemnisation du préjudice qui résulterait de cette inexécution. Ex. un fabriquant qui fabrique des télés. Ce fabriquant est tenu à une obligation de sécurité. La télévision est vendue à un redistributeur, qui la revend à un consommateur qui organise une soirée foot, l’écran explose et certains invités sont blessés. Les invités n’ont aucun lien avec le vendeur ni le fabriquant, étant tiers au contrat ils vont pouvoir engager la responsabilité délictuelle du vendeur et du fabriquant pour manquement à leur obligation de sécurité.

§2 Les exceptions au principe

Il y a exception au principe de l’effet relatif à partir du moment où un tiers devient partie au contrat, plus précisément l’exception est caractérisée dès lors qu’un tiers devient créancier ou débiteur en vertu du contrat. Ex. un contrat de vente sur un bien immobilier en cours de construction, il est prévu dans le contrat la possibilité pour l’acquéreur de se substituer à un autre acquéreur. Il y a alors atteinte au principe de l’effet relatif.

Ces atteintes au principe de l’effet relatif pose d’abord un problème :

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A l’égard des tiers qui vont devenir partie à un contrat qu’ils n’ont pas conclu, cette situation ne pose pas de difficultés particulière si le tiers devient créancier. En revanche la situation est plus problématique s’il devient débiteur d’un contrat qu’il n’a pas conclu, dans ce cas est que sans avoir donné son accord il se retrouve engagé comme une partie. Dans cette configuration, l’exception au principe de l’effet relatif supposera que le tiers donne son accord.

A l’égard des parties initiales au contrat : lorsqu’un tiers se substitue à l’une des parties au contrat, une autre partie reste dans le contrat et cette partie supporte un nouveau contractant. Il n’est pas sûr que le nouveau contractant offre les mêmes garanties que le contractant initial.

I. La stipulation pour autrui

C’est un contrat qui est prévu par l’article 1121 du Code Civil et dont l’objet est d’octroyé un droit à un tiers. Ce contrat met en présence deux personnes (le stipulant et le promettant) qui contractent au profit d’une troisième (le bénéficiaire). Le promettant s’engage à l’égard du stipulant à conférer un droit au profit du bénéficiaire. Ex. le contrat d’assurance décès en vertu duquel l’assuré (stipulant) paye des primes d’assurances à un assureur (promettant), cet assureur s’engage en cas de décès de l’assuré à verser un capital au bénéficiaire.

Le mécanisme de la stipulation pour autrui a évolué de sorte qu’on admette aujourd’hui que le bénéficiaire a vocation à devenir créancier du promettant mais qu’également le bénéficiaire peut aussi devenir débiteur de l’une ou l’autre des parties à la stipulation pour autrui.

Première difficulté : Puisque le bénéficiaire peut devenir créancier et débiteur, comment la stipulation pour autrui peut-elle opérer, est-il nécessaire que le tiers bénéficiaire donne son accord ?Oui, car pour que la stipulation pour autrui confère un droit au bénéficiaire, il est nécessaire que celui-ci accepte la stipulation pour autrui.

Seconde difficulté : comme le bénéficiaire peut devenir créancier et débiteur, cette situation peut contraindre le stipulant à avoir désormais un autre débiteur que le promettant.Dans la stipulation pour autrui, cette difficulté à priori est résolue dès le départ car dans ce cas l’introduction d’un tiers dans le rapport contractuel est prévue dès le départ. Donc à priori le stipulant connaît l’identité du bénéficiaire et sait donc quelles garanties il peut lui offrir.Sauf que pour que la stipulation soit parfaitement efficace il faut que le bénéficiaire l’accepte, or entre le moment où la stipulation pour autrui est conclue et le moment où le bénéficiaire accepte la stipulation pour autrui, il peut s’écouler un certain temps et au cours de cette période entre la conclusion de la stipulation pour autrui et l’acceptation de cette stipulation, il se peut que la situation du bénéficiaire se dégrade, il se peut donc qu’au moment de l’acceptation par le bénéficiaire, celui)ci ne présente plus les mêmes garanties qu’au moment où la stipulation pour autrui a été conclue.C’est la raison pour laquelle, aussi longtemps que la stipulation pour autrui n’a pas été acceptée par le bénéficiaire, le stipulant a la faculté de la révoquer ; le consentement du

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stipulant est donnée de manière négative, dès le départ de la stipulation, ce consentement est implicitement réitéré sauf à ce qu’il soit retiré par le stipulant.

II. L’action directe

C’est une action qui donne le droit à un tiers au contrat d’exiger pour son propre compte l’exécution de ce contrat.Cette action directe fait penser à l’action oblique, mais cette dernière est d’une efficacité limitée tandis que l’action directe est d’une efficacité redoutable.

Cette action directe fait exception au principe de l’effet relatif car elle rend un tiers bénéficiaire d’une créance issue d’un contrat qu’il n’a pas conclu. Cette exception, du point de vue du principe de l’effet relatif, est peu problématique car notre tiers en vertu de l’action directe devient exclusivement créancier, en conséquence l’action directe est exclusivement à l‘avantage du tiers auquel elle profite.

Y a-t-il un désavantage pour les parties au contrat ? Il n’y a aucun désavantage puisqu’il importe peu pour ce contractant qu’il exécute ce contrat au bénéfice du contractant initial ou au bénéfice d’un tiers, parce qu’il exécute rigoureusement la même chose ;Pour le contractant, l’incursion d’un tiers dans le contrat n’est problématique que si le contractant devient créancier du tiers, parce que ce qui l’importe alors ce sont les garanties de solvabilité du tiers.

L’action directe est certes une exception, mais assez peu douloureuse car elle est sans inconvénient pour le tiers ni pour les parties.L’action directe n’est ouverte qu’au créancier, qui en vertu d’un texte spécial est habilité à l’exercer.

L’action directe du bailleur contre le sous-locataire : ce bailleur loue un local, et le locataire sous ce local à un sous-locataire.

L’action directe du sous-traitant à l’égard du maître de l’ouvrage : entre les deux il y a un entrepreneur. Dans un contrat d’entreprise le cocontractant de l’entrepreneur s’appelle le maitre de l’ouvrage. Pour éviter que le sous-traitant ne subisse l’insolvabilité du maître de l’ouvrage peut demander au maître de l’ouvrage qu’il règle entre ses mains ce qu’il doit à l’entrepreneur.

L’action directe nuit à celui qui est dépossédé de sa créance et également à l’ensemble des créanciers de ce contractant, parce que le produit de l’action directe arrive directement dans le ptraimoine du bénéficiaire de l’action directe. Autrement dit, la créance dont est privé le contractant par l’effet de l’action directe sort du patrimoineL’action directe permet au bénéficiaire d’échapper au concours des autres créanciers sur la créance dont il obtient le paiement.

III. La cession de contrat

C’est un contrat qui a pour objet la cession d’un autre contrat. Dans une cession de contrat nous avons un tiers qui va devenir partie à un contrat qu’il n’a pas initialement conclu c’est le cessionnaire, celui qui est à l’origine de la cession de contrat est le cédant et celui qui subit la cession de contrat est le cédé.

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Dans une cession de contrat nous avons un contrat initialement conclu entre le cédant et le cédé. Le cessionnaire va prendre la place du cédant, de sorte que l’intégralité des droits et obligations qui existaient entre le cédant et le cédé sont désormais transférés au cessionnaire.

La cession de contrat ressemble à la stipulation pour autrui, mais il y a deux différences majeures :

La stipulation pour autrui est un mécanisme ponctuel, la cession de contrat au contraire est un mécanisme global, l’ensemble des droits et obligations des parties sont transférés au cessionnaire et généralement le cédant sort du contrat.

Dans la stipulation pour autrui, l’incursion du bénéficiaire dans le rapport contractuel est d’ores et déjà prévue par les parties, en revanche dans la cession il se peut parfaitement que cette cession n’ait pas été prévue.

La cession de contrat présente un intérêt vital pour au moins deux raisons : Ce qui fait la richesse d’une entreprise ce sont les contrats auxquels elle est

partie. Cette richesse a un besoin continuel de circuler parce que ces éléments de richesse passent d’une entreprise à une autre.

La cession de contrat fait qu’un tiers va devenir partie à un contrat qu’il n’a pas conclu et ce cessionnaire devient à la fois créancier et débiteur en vertu de ce contrat, cette situation nécessite l’autorisation du bénéficiaire. La cession de contrat a également pour conséquence que le cédé se voit désormais imposer un nouveau cocontractant qui est le cessionnaire, à l’égard de ce nouveau contractant le cédé sera à la fois débiteur et créancier. Le principe est que la cession de contrat suppose aussi l’autorisation du cédé. Il a été soutenu compte tenu de l’importance économique de la cession de contrat qu’on pourrait se passer de l’autorisation du cédé.

Certains textes spéciaux imposent dans certaines configurations la cession de contrat. Et dans ce cas elle est imposée à toutes les parties, au cessionnaire comme au cédé dans un souci de protection du cédé.La cession de contrat est imposée d’abord dans l’hypothèse de la cession d’un bien faisant l’objet d’un contrat de bail, il est normalement prévu que le contrat de bail est cédé en même temps que l’on cède le bien (vendeur=cédant ; acquéreur=cessionnaire ; locataire=cédé).

Section 3. La permanence des obligations

La force obligatoire du contrat c’est la permanence contractuelle, c’est-à-dire que le contenue du contrat ne varie pas. Aussi longtemps que le contrat demeure les parties sont tenues de l’exécuter tel qu’il avait été initialement négocié.Cette intangibilité est un principe qui présente des inconvénients, de telle sorte qu’il existe des « remèdes ».

§1 L’intangibilité du lien contractuel

I. Position du problème

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D’un point de vue théorique le bilan est nuancé. On peut soutenir que l’autonomie de la volonté sert à justifier la contrainte issue du contrat ; sous l’angle de cette théorie il serait incohérent qu’on autorise les parties à se soustraire à leurs volontés initiales pour obtenir au moins un aménagement du contrat. En même temps, on peut aussi soutenir que les parties se sont engagées en considération d’un certain contexte de telle sorte que si le contexte du contrat a changé on peut considérer que les parties se seraient mises d’accord sur d’autres termes, on parle de la clause res sic stantibus.

D’un point de vue moral, les choses sont également nuancées. Si le contexte a été bouleversé, il se peut que le respect de la parole donnée parvienne à un résultat proprement inique, il y a un adage qui dit « summum jus summa injuria » qui veut dire « droit extrême, injustice extrême ».

D’un point de vue économique on peut dire qu’il est économiquement souhaitable que les attentes des parties ne soient pas modifiées par l’écoulement du temps. Mais cette analyse repose très largement sur une confusion entre deux aspects de la force obligatoire du contrat ; ce qui fait la valeur économique d’une créance contractuelle, c’est le fait que cette créance sera un jour ou l’autre exécutée. La force obligatoire en ce sens doit se comprendre comme sa force exécutoire, ce n’est pas en revanche la nécessité que le contenu du contrat ne varie jamais dans le temps.D’un point de vue économique, si on veut que le contrat soit respectueux des attentes des parties il est nécessaire de prévoir au fil du temps des adaptations du contenu du contrat aux circonstances.

II. Le droit positif

Arrêt du 16 mars 2004 :

Contrats à propos desquels on reconnaît à une partie la possibilité de fixer unilatéralement le prix.Le pouvoir unilatéral de faire varier le prix s’exerce dans le contrat du devoir d’exécution de bonne foi qui a pour conséquence que le prix doit normalement être fixé de telle sorte que le distributeur soit encore en mesure d’exercer une activité rentable.Le pouvoir de fixation unilatéral permet à son auteur d’adapter le prix en considération des circonstances de marché qui entourent le contrat mais aussi la prise en considération doit également bénéficier à celui qui subit ce pouvoir.

Dans le projet de la chancellerie il est suggéré d’introduire une possibilité pour chacune des parties de solliciter une adaptation du contrat en cas de changement significatif dans les circonstances qui entourent le contrat.

Si le juge constate qu’il y a lieu à adaptation du contrat, soit on reconnaît au juge la possibilité d’adapter lui-même le contenu du contrat, soit on considère qu’il revient aux parties de procéder elles-mêmes à cette adaptation, à défaut le juge constatera la résiliation du contrat.

§2 Les remèdes

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Le principe de l’intangibilité manque de réalisme, les parties à un contrat ne peuvent pas indéfiniment s’engager sur un contenu invariant, pour qu’un contrat conserve son utilité économique il faut prévoir des adaptations à l’évolution économique.

Mais il y a des remèdes, deux essentiellement : Jouer sur la durée du contrat : plus la durée est courte moins il y a de risques sous

l’angle de l’imprévision. Prévoir le contenu du contrat (clauses)

I. La durée

A. Le contrat à durée déterminée

Le contrat comporte un terme extinctif, parce qu’au terme du contrat on considère qu’il prend fin, qu’il est définitivement résilié.Lorsque le contrat comprend un terme on le définit comme un événement certain qui se produira nécessairement.Que le terme soit certain ou incertain il constitue toujours un événement certain. La différence entre le terme certain et le terme incertain tient au fait que dans le premier cas la date de survenance du terme est elle aussi certaine, le terme incertain est le terme dont la survenance est certaine mais à une date incertaine. Celui qui conclut une assurance décès conclut un contrat qui comporte un terme incertain.Quand la date est survenue on dit que le terme est échu.

Il arrive qu’à l’échéance du terme les parties trouvent un intérêt à reconduire le contrat.Il existe plusieurs techniques qui permettent de prolonger le contrat au-delà du terme :

La prorogation du terme : elle consiste pour les parties à reculer la date du terme. Lorsqu’on proroge c’est exactement le même contrat qui demeure, le contrat reste donc en principe soumis aux règles qui lui étaient applicables au moment de sa conclusion.

Le renouvellement : on conclut de nouveau le même contrat pour une nouvelle durée, dans ce cas le contenu du contrat nouveau est identique au contenu du contrat renouvelé mais malgré l’identité de contenu c’est un nouveau contrat et donc si une législation est intervenue avant l’échéance du terme alors le nouveau contrat sera soumis à cette nouvelle législation.

La tacite reconduction : elle résulte de l’exécution matérielle du contrat au-delà de son terme, mais si cette possibilité n’est pas encadrée il y a des risques. On considère dans ce cas que le contrat reconduit est un nouveau contrat, mais on considère aussi que le contrat tacitement reconduit n’a désormais plus de terme.

B. Le contrat à durée indéterminée

Le contrat à durée indéterminée est à priori très dangereux car les parties sont indéfiniment liées, c’est donc un contrat dans lequel les parties ne sont pas protégées à l’égard du risque de l’imprévision.Dans les contrats à durée indéterminée il est de principe que chacune des parties peut rompre unilatéralement le contrat, chacune des parties disposent d’un droit de résiliation unilatéral. Ce principe a aujourd’hui une valeur constitutionnelle (décision du

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Conseil Constitutionnel du 9 novembre 1999). Le contrat est créateur d’une contrainte, donc d’une atteinte à la liberté qui a une valeur constitutionnelle.L’atteinte à la liberté est tolérable dans une certaine mesure, la contrainte volontaire est acceptable à condition qu’elle ne dure pas toute l’existence de l’une ou l’autre des parties au contrat.

Ce droit connaît malgré tout des limites, il n’y a aucune règle générale qui vienne borner l’exercice du droit de résiliation unilatéral, mais il y a une multitude de règles spéciales qui viennent limiter l’exercice du droit de résiliation unilatéral.Ces limites s’étalonnent sur une échelle qui va de la plus petite contrainte à la plus grande :

Un préavis : dans un contrat de dépendance (contrat de distribution) Un préavis et une motivation : dans un contrat de bail à usage d’habitation Un préavis, une motivation et un contrôle a posteriori de la légitimité de la

motivation invoquée : dans un contrat de travail (licenciement)

II. Le contenu

Pour prendre en considération l’évolution des circonstances on peut dès l’origine insérer des clauses prévoyant une évolution du contenu du contrat.Il y a deux types de clauses qui permettent de faire varier le contenu :

Les clauses d’indexation : les modalités de variation du contrat sont d’ores et déjà prévues lors de la conclusion de ce contrat. Les obligations monétaires que comporte le contrat varieront en fonction d’un indice qui aura été préalablement indiqué par les parties lors de la conclusion du contrat, on ne peut pas en principe retenir un indice de portée générale on doit trouver un indice qui ait un lien soit avec l’objet du contrat soit avec l’activité d’une des parties.

On introduit une clause prévoyant une éventuelle adaptation du contrat sans toutefois déterminer les modalités de variation du contenu du contrat, on parle de clause de prévision, de clause de renégociation ou encore de clause de « hardship ». Si le seuil de renégociation est atteint et que les parties n’arrivent pas à s’entendre sur le contenu, généralement la clause de renégociation est assortie d’une clause de conciliation, c’est-à-dire qu’un tiers tentera une médiation pour les mettre d’accord, mais si la médiation échoue il est prévu une clause compromissoire qui prévoit de soumettre le différend entre les parties à des juges privés qui seront désignés par les parties

Chapitre II. Les sanctions de l’inexécution du contrat

Section 1. L’inexécution

Pour faire sanctionner l’inexécution il y a deux préalables, il faut la constater et cela suppose de définir la consistance même de l’inexécution, mais il faut pour la sanctionner prendre partie sur l’imputabilité de l’inexécution.

§1 La consistance de l’inexécution

L’inexécution c’est le fait de ne pas exécuter les obligations stipulées au contrat. Mais avant de dire que l’obligation est inexécutée, il faut s’assurer qu’il était temps au

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moment de l’inexécution de procéder à cette exécution. Il faut s’assurer que l’obligation était certaine, liquide et exigible.

I. La certitude

Elle peut s’apprécier de deux manières : Dans son contenu : c’est la certitude de la fixation du contenu, une fois que l’on

est d’accord sur l’interprétation du contrat l’obligation est certaine. Dans force contraignante : même si le contenu est certain il peut y a voir une

incertitude sur la force contraignante de l’obligation. Une obligation est incertaine quant à sa force contraignante si elle est subordonnée à ce qu’on appelle une condition, une condition est un événement incertain qui affecte l’existence même d’une obligation ; c’est parce que la condition est un événement incertain que justement elle affecte l’existence même de l’obligation, il se peut que l’événement ne se produise jamais. La condition peut être

o Suspensive : lorsque l’accomplissement de la condition empêche le contrat de produire sa force obligatoire. Ex. le contrat de vente subordonné à l’obtention d’un prêt, si la condition s’accomplit alors on fera comme si le contrat n’avait jamais existé.

o Résolutoire : Ex. le prêt qui a été consenti pour financer une vente immobilière. Tant que la condition n’est pas accomplie le contrat a déjà une force contraignante. Il est rare dans ce cas que les parties exécutent le contrat avant l’accomplissement de la condition.

II. La liquidité

Une obligation liquide c’est une obligation dont le montant est connu. Cette condition de liquidité s’applique essentiellement à des obligations monétaires. Il se peut que l’obligation soit liquidée à la seule lecture du contrat. Il se peut que l’obligation monétaire qu’il faut liquider soit simplement déterminable et non déterminée. Ex. le prix qui est affecté d’un indice avec une clause d’indexation.Pour liquider l’obligation il faudra procéder à un calcul à partir des données du contrat. Il se peut qu’une partie ait un pouvoir de fixation unilatérale du prix, la liquidation suppose alors que cette partie en cours d’exécution détermine le montant exact de l’obligation.La question de la liquidité se pose alors même que le contrat a été partiellement exécuté et dans cette hypothèse pour identifier le solde il est nécessaire de faire des comptes, cette opération de comptes nécessite un travail intellectuel qui s’ajoute à la seule lecture du contrat pour identifier une obligation liquide.

III. L’exigibilité

Une obligation exigible est une obligation dont on peut demander le paiement. On peut introduire une technique contractuelle qui retardera le moment où l’on pourra exiger paiement.

Terme suspensif et non extinctif : objet de suspendre le paiement jusqu’à échéance. C’est une technique contractuelle à usage constant, soit pour raison matérielle soit pour raison économique :

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Raison matérielle : une des parties lorsqu’elle conclut le contrat est dans l’incapacité d’exécuter immédiatement le contrat. Ex. rupture de stock dans un magasin. La seule solution pour le professionnel est de stipuler un terme et aussi longtemps que le terme de ne sera pas échu le professionnel ne sera pas en situation d’inexécution.

Raison économique : Ex. dans le prêt d’argent, par définition c’est un contrat qui est stipulé avec une succession de termes ; l’emprunteur reçoit une somme d’argent, il est tenu de la rembourser selon un échéancier qui l’oblige à rembourser une petite partie de l’argent emprunté à chaque terme fixé par l’échéancier.

Une fois cette vérification faite on peut commencer à sanctionner l’inexécution, mais il faut encore s’assurer que l’inexécution constatée est imputable à l’autre partie au contrat.

§2 L’imputabilité de l’inexécution

Lorsqu’un débiteur n’exécute pas une obligation il est injuste de le sanctionner si ce n’est pas sa faute. Ex. une entreprise de spectacles qui s’engage mais que le chanteur est malade alors il ne peut assurer la représentation. 

Il faut poser deux questions : Identifier dans quelles conditions il y a réellement une impossibilité d’exécuter Le sort du contrat inexécuté

I. L’impossibilité d’exécuter

Pour qu’un débiteur puisse dire qu’il y a eu impossibilité d’exécuter il faut dire qu’il y a eu un événement de force majeure (ou cas fortuit) défini par l’article 1148 du Code Civil comme un évènement extérieur, irrésistible et imprévisible.

A. L’extériorité

L’événement extérieur c’est celui qui est étranger au débiteur. L’extériorité établit que l’événement n’est pas imputable au débiteur.Mais il existe des événements qui ne sont pas étrangers à la personne même du débiteur et qui pourtant ne lui sont pas imputable. Ex. la maladie.Donc cette condition d’extériorité renvoie à tous les évènements qu’on ne peut imputer au débiteur, donc cette condition n’ajoute pas grand chose à la définition de l’événement de force majeure.

B. L’irrésistibilité

L’évènement irrésistible est un événement dont les conditions sont telles qu’il est impossible de les surmonter pour parvenir à l’exécution du contrat. Ex. civile 1ère 6 novembre 2002 Bulletin 1ère partie n° 258, une entreprise de voyage propose un voyage qui consiste en une croisière en Egypte en présence d’une égyptologue connue, malheureusement elle tombe malade.En principe le débiteur est tenu d’exécuter quelque soit les difficultés qu’il rencontre.

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C. L’imprévisibilité

Pour qu’il y ait force majeure, faut-il que l ‘événement soit en plus imprévisible ? L’événement imprévisible est un événement qu’on ne peut anticiper, on ne peut prévenir sa survenance. Il est nécessaire de caractériser l’imprévisibilité pour démontrer l’existence d’un événement de force majeure.L’imprévisibilité est mentionnée à l’article 1148 du Code Civil, mais au-delà c’est l’événement qui excuse le débiteur de ne pas exécuter ses obligations. Mais si l’événement est prévisible c’est un événement qu’on peut anticiper et donc s’il se produit c’est que le débiteur a été imprévoyant et son erreur d’anticipation ne lui permet pas de fuir ses responsabilités en cas d’inexécution.

Sauf que dans cet arrêt du 6 novembre 2002 la 1ère chambre civile de la cour de cassation a jugé que malgré tout l’événement en question constituait un cas de force majeure.La cour de cassation raisonne de la sorte car il y a une différence entre la condition d’irrésistibilité et la condition d’imprévisibilité, la première ne concerne que le débiteur et elle seule le place dans une position d’inexécution, en revanche la condition d’imprévisibilité n’a aucune incidence sur l’impossibilité d’exécuter, ce qui rend l’exécution impossible c’est que l’événement est irrésistible. L’impossibilité pour l’égyptologue de se rendre à la croisière constituait un événement prévisible aussi bien pour l’organisateur du voyage que pour ses clients.La conséquence de cette impossibilité ne pèse pas plus sur l’organisateur que sur les touristes, les deux pouvaient se douter qu’un événement de ce type se produirait. Il suffit pour le débiteur d’apporter la preuve de l’irrésistibilité pour échapper à sa responsabilité. La question est de savoir qui a pris ce risque, si l’organisateur ne dit rien sur ce risque qui comporte une incertitude sur la prestation promise il assume donc le risque et c’est à lui d’en subir les conséquences.Arrêt d’assemblée plénière du 14 avril 2006 la cour de cassation est revenue à la définition traditionnelle du cas de force majeure, l’événement de force majeure est désormais un événement extérieur, irrésistible et imprévisible et imputable au débiteur.

II. Le sort du contrat

Faut-il considérer que cette dispense s’accompagne malgré tout du maintien du contrat ou au contraire faut-il considérer que le contrat a vocation à disparaître.Ex. Si on considère que le contrat demeure, les spectateurs sont tenus de payer le prix du spectacle, seconde solution on considère que le contrat et donc le spectacle disparaît, l’entreprise doit rembourser les billets.

La question de la répartition des risques de la force majeure : débiteur ou créancier ?La théorie des risques repose sur une distinction selon le type de contrat affecté par un événement de force majeure :

Le contrat n’est pas translatif de propriété, alors les risques sont pour le débiteur « res perit debitori », cela signifie que le débiteur ne commet pas de faute à ne pas exécuter une obligation mais il ne peut pas demander au cocontractant l’exécution de ses propres obligations. On peut y voir une application de la théorie de la cause dans l’exécution du contrat, en pratique la cause lorsqu’elle est utilisée comme condition de validité du

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contrat s’analyse au jour de la conclusion du contrat mais derrière la théorie de la cause il y a l’idée de contrepartie, dans un contrat synallagmatique si une partie exécute ses obligations c’est qu’elle attend au minimum que l’autre partie exécute ses propres obligations, cette idée de contrepartie peut réapparaître au moment de l’exécution du contrat et de fait si une partie ne peut pas exécuter ses obligations tout se passe comme si le contrat avait pour l’autre partie perdu sa cause.On peut procéder à une sorte d’anéantissement temporaire, une suspension de l’exécution du contrat. Si l’événement de force majeure frappe une partie d’une impossibilité d’exécuter temporaire alors le contrat sera simplement suspendu et non pas anéanti, 24 février 1981 civile 1ère Ex. contrat de bail portant sur un bien immobilier, la foudre s’abat sur le bien, le propriétaire ne peut plus fournir la prestation promise au locataire ; en situation d’inexécution, il peut mettre en avant un évènement de force majeure (ici événement irrésistible et imprévisible) ; dans cette configuration le propriétaire peut quand même faire quelque chose à terme et donc il peut être excessif de mettre un terme au contrat, et dans la mesure où dans un certain délai le locataire peut surmonter les conséquences de l’événement.

Le contrat est translatif de propriété, la règle n’est pas que les risques sont pour le débiteur mais pour le propriétaire on dit « res perit domino », le propriétaire a un droit absolu sur la chose dont il est propriétaire il est donc normal qu’il supporte les risques qui peuvent affecter cette chose. En pratique cette théorie est plus discutable, car lorsque le contrat est translatif de propriété par application du principe du consensualisme le transfert de propriété s’opère de plein droit, autrement dit à partir du moment où les parties se sont mises d’accord sur la chose et sur le prix à ce moment là le bien est passé du patrimoine du vendeur au patrimoine de l’acquéreur, et donc l’acquéreur est dans la situation selon laquelle il est propriétaire de la chose mais il n’a pas la possession de cette chose il n’a donc aucune maîtrise de cette chose. 

Théorie des risques : ce sont des règles supplétives, on peut donc parfaitement introduire dans le contrat une clause sur la garantie des risques (sur la délivrance de la chose).

L’acquéreur peut transférer les risques par un acte unilatéral, il lui suffit de faire une « mise en demeure », si le vendeur tarde à exécuter l’acquéreur peut le mettre en demeure et cette mise en demeure a pour conséquence une inversion de la théorie des risques.

Section 2. Les mesures d’attente

Ces solutions d’attente reposent sur considérations de bon sens, avant de prendre des mesures radicales il peut être opportun d’adresser au moins un avertissement au débiteur, cet avertissement prend la forme d’un acte juridique unilatéral qu’on appelle une mise en demeure prévue à l’article 1146 du Code civil.Elle n’est pas sans risque puisque si on avertit le débiteur on se donne un temps d’attente et on peut craindre que ce temps ne joue au détriment du créancier, la mise en demeure s’accompagne pour la créancier de mesures de sauvegarde.

§1 La mise en demeure

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C’est un acte unilatéral qui a pour objet d’une part de constater le retard du débiteur et d’autre part de le sommer d’exécuter ses obligations.

I. Les conditions

A. Les conditions de fond

Le principe est que la mise en demeure est nécessaire pour caractériser une inexécution (article 1146). Ce principe est largement tempéré par une nuance et deux exceptions :

Il est depuis toujours admis que l’assignation en justice vaut mise en demeure, c’est le premier acte du procès par lequel on introduit une demande en justice devant un juge, on considère que cette demande a la même valeur qu’une mise en demeure. L’assignation a pour seul effet de saisir le juge, entre le moment de l’assignation et le moment de la décision il s’écoule une durée au cours de laquelle le débiteur peut régulariser la situation et donc exécuter ses obligations. En pratique ce n’est pas toujours aussi simple car l’assignation a un coût bien plus élevé qu’une mise en demeure et parce que le créancier veut maintenir une relation convenable avec se débiteur, si le créancier adresse une assignation l’acte est plus vigoureux et perçu différemment par le débiteur.

Les parties sont libres de prévoir dans le contrat une dispense conventionnelle de mise en demeure, dans ce cas il n’y aura pas besoin d’une mise en demeure pour constater l’inexécution, sitôt la date prévue pour l’exécution du contrat passée, sitôt le débiteur sera considéré comme auteur d’une inexécution.

Dans un arrêt de chambre mixte du 6 juin 2007 la cour de cassation a confirmé une jurisprudence selon laquelle il n’y a pas lieu à mise en demeure lorsque l’inexécution est définitivement acquise. La mise en demeure est un avertissement, l’utilité est donc conditionnée par la possibilité qui demeure d’exécuter l’obligation. Ex. lorsqu’une partie s’est engagée à fournir une prestation déterminée à une date fixée.

B. Les conditions de forme

Comment fait-on une mise en demeure ? Elle se fait très librement, elle suppose essentiellement deux choses : un écrit (une lettre recommandée) et cet écrit doit simplement comporter une interpellation suffisante du débiteur ; de manière négative cette interpellation signifie que dans la mise en demeure il n’y a aucune formule sacramentelle, de manière positive l’interpellation suffisante doit comporter le constat d’une inexécution et la sommation que l’exécution intervienne après le délai.

II. Les effets

La mise en demeure alerte le débiteur. Elle produit des effets de droit qui répondent tous à la même idée, à travers la mise en demeure il s’agit de transférer les effets du retard dans l’exécution sur la personne du débiteur : lorsque le créancier se heurte à une inexécution dans le court terme ce retard lui cause un préjudice au moins, la mise en demeure permet de faire supporter cette gêne non plus au créancier mais au débiteur ;il faut distinguer entre :

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Les créances de somme d’argent : la mise en demeure fait courir les intérêts moratoires à l’encontre du débiteur, ce sont des intérêts qui sont calculés selon un taux légal fixé régulièrement par voie réglementaire.

Les obligations portant sur la délivrance d’une chose : la mise en demeure d’avoir à délivrer cette chose entraine transfert des risques du créancier vers le débiteur.

La mise en demeure permet de préserver en partie la situation du créancier mais en partie seulement, il faut éventuellement prévoir des mesures de sauvegarde.

§2 Les mesures de sauvegarde

Le principal problème du créancier qui se heurte à une inexécution est qu’il bute sur un principe fondamental du droit qui est un principe de procédure : nul ne peut se faire justice à soi-même. Le créancier ne peut donc obtenir par quelque moyen que ce soit l’exécution du contrat. S’il veut obtenir l’exécution ou faire sanctionner cette exécution, il doit passer par un juge, et une fois qu’il aura obtenu une décision judiciaire il faudra encore qu’il sollicite la force publique (les huissiers en l’occurrence). Tout ceci peut prendre beaucoup de temps et l’attente crée un risque pour le créancier qui est que le débiteur de mauvaise foi profite du temps de la procédure pour se mettre dans une situation où l’inexécution sera impossible alors il faut prévoir des moyens pour préserver les droits du créancier et plus précisément ses chances de parvenir à l’exécution du contrat. Ces moyens sont différents selon les obligations, certains moyens sont plus adaptés aux obligations monétaires d’autres aux obligations de faire.

I. Les mesures de sauvegarde relatives aux obligations monétaires

La principale garantie pour le créancier d’une somme d’argent c’est le droit de gage général, c’est la possibilité pour le créancier de se payer sur les actifs de son débiteur. Cette garantie est assez fragile pour deux raisons :

Sur les actifs du débiteur l’ensemble de ses créanciers concourent à égalité, cela veut dire que si les actifs sont insuffisants, nécessairement les créanciers subiront une perte et ne pourront obtenir le recouvrement de leur créance.

Le droit de gage général est un droit global sur les actifs du débiteur mais le débiteur reste une personne capable, il conserve la possibilité de disposer des actifs qui composent son patrimoine et donc il peut vider le patrimoine de son contenu et dans ce cas le droit de gage général devient très théorique puisqu’il ne pourra plus s’exercer qu’à l’égard d’actifs qui n’existeront plus.

Pour vaincre ces fragilités du gage général qui permettent au débiteur de profiter de ces procédures, il y a deux types de mesures de sauvegarde :

La saisie conservatoire qui permet d’obtenir avec l’autorisation du juge, le droit de faire constater l’indisponibilité d’une partie de certains biens du débiteur. L’indisponibilité ce n’est pas l’impossibilité d’utiliser le bien, c’est l’impossibilité de disposer du bien qui appartient au débiteur, cela veut dire que le bien ne pourra désormais plus sortir du patrimoine du débiteur ; à travers cette mesure le créancier se protège contre le risque de dissipation du bien.

La sûreté judiciaire, c’est une mesure qui s’obtient comme la saisie conservatoire, et qui permet d’allouer au créancier un droit de préférence et un droit de suite sur l’un des biens du débiteur. Le droit de préférence donne le droit

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d’être payé par priorité aux autres créanciers sur le produit de la vente de ce bien, le droit de suite c’est la possibilité d’exercer ce droit de préférence en quelques mains et en quelque patrimoine que se trouve le bien objet de la sûreté judiciaire. Ex. l’hypothèque provisoire que l’on prend sur un bien immobilier du débiteur. Cette sûreté judiciaire permet de se prémunir contre les deux insuffisances du droit de gage, elle permet de rompre l’égalité entre les créanciers, et elle peut être exercée où que se trouve le bien.

II. Les mesures de sauvegarde relatives aux obligations de faire

Les mesures de sauvegarde doivent constituer des mesures incitatives pour que le débiteur finisse par exécuter ses obligations. Il y a deux types de mesures incitatives :

A. L’exception d’inexécution

C’est un mécanisme propre aux contrats synallagmatiques, l’exception d’inexécution est désignée comme l’exceptio non adimpleti contractus, l’exception d’inexécution est une mesure qui permet au créancier de suspendre l’exécution de ses propres obligations dans l’hypothèse où il se heurte à une inexécution. Ex. dans un contrat synallagmatique il y a des obligations réciproques donc le créancier est lui-même débiteur à l’égard de son débiteur, donc l’exception d’inexécution permet au créancier ne pas exécuter ses propres obligations en qualité de débiteur s’il se heurte à l’inexécution de son débiteur.Ce mécanisme spontané permet de préserver la situation du créancier, d’éviter qu’il prenne le risque de l’exécution de ses propres obligations sans recevoir la contrepartie attendue.

La jurisprudence depuis toujours autorise l’utilisation de l’exception de l’inexécution à trois conditions :

L’exception d’inexécution ne peut fonctionner qu’entre des obligations réciproques. Cela veut dire que l’exception d’inexécution n’est admissible qu’à la condition qu’elle joue entre des obligations qui sont respectivement la cause l’une de l’autre. Ex. dans un contrat de vente, les obligations réciproques qui sont assurément la cause l’une de l’autre c’est l’obligation de délivrer la chose et le paiement du prix ; il se peut que la vente comporte de part et d’autre des obligations annexes.

Les obligations réciproques doivent être simultanées, cela veut dire que les obligations réciproques sont affectées du même terme, elles doivent s’exécuter au même instant. Ex. dans une vente au comptant il y a réciprocité entre la délivrance et le paiement du prix et s’exécutent dans le même temps. En revanche dans un contrat d’entreprise on ne paie pas l’entrepreneur dans le même temps, dans ce cas celui qui doit le prix des travaux ne peut pas refuser de payer au motif que ça n’a pas assez avancé car le paiement et la délivrance ne se font pas simultanément.

L’exception d’inexécution requiert d’être proportionnée, c’est une riposte à une situation d’inexécution, il doit y avoir une proportionnalité entre l’inexécution que subit le créancier et celle dont il se décide à être l’auteur. En pratique, cette proportionnalité sera caractérisée lorsque l’inexécution affecte gravement l’exécution de l’une des obligations essentielles du contrat.

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B. L’astreinte

L’astreinte se définit comme une condamnation accessoire à une somme d’argent fixée à tant par jour de retard dans l’exécution d’une obligation principale. Un créancier qui se heurte à l’inexécution d’une obligation de faire, s’adresse au juge et lui demande qu’il condamne le débiteur sous astreinte à exécuter ses obligations, autrement dit il lui demande qu’il condamne le débiteur au paiement d’une somme d’argent calculée par jour de retard dans l’exécution du contrat. Le but du créancier n’est pas d’obtenir le paiement d’une somme d’argent mais de faire en sorte que la crainte pour le débiteur d’avoir à payer cette somme d’argent l’incite à exécuter son obligation de faire. On dit que l’astreinte remplit une fonction comminatoire. L’astreinte est quelque part une violence légitime parce que son but est de renforcer une contrainte qui a été voulue.

L’obtention d’une astreinte se fait toujours en deux temps : Le premier temps consiste à demander au juge de prononcer une astreinte et

dans ce cas le juge fixe le montant de l’astreinte et lorsque le juge fixe le montant de cette pénalité il veille à ce que ce montant soit largement déconnecté du préjudice réel subi par le créancier.

Une fois que l’exécution est intervenue ou définitivement acquise de sorte que l’astreinte ne sert plus à rien le juge procèdera à la liquidation de l’astreinte c’est-à-dire qu’il fixera le montant définitif de la somme due en considération du nombre de jours de retard constatés. Lorsque le juge liquide l’astreinte, il ne se contente pas de multiplier le montant de l’astreinte par le nombre de jours de retard ; le juge a un pouvoir de modération du montant de l’astreinte et il use de ce pouvoir pour rapprocher le montant de l’astreinte du montant du préjudice réellement subi.

Section 3. Les mesures définitives

Quand le créancier se heurte à l’inexécution il peut se tourner vers des solutions définitives. Elles sont inventoriées à l’article 1184 du Code Civil qui ouvre une alternative au créancier et dit que le créancier peut soit demander l’exécution forcée soit demander la résolution du contrat assortie de dommages et intérêts, c’est une alternative dont les termes sont largement exclusifs, c’est l’anéantissement rétroactif du contrat en conséquence de l’inexécution de celui-ci. Les dommages et intérêts peuvent être sollicités par le créancier victime de l’inexécution soit qu’il demande l’exécution forcée soit qu’il demande la résolution. Cependant selon que le créancier demande l’exécution ou la résolution, les dommages et intérêts ne sont pas calculés et ne s’apprécient pas de la même manière.

§1 Exécution forcée

I. Le droit à l’exécution forcée

L’exécution forcée est un droit en vertu de l’article 1134 du code Civil, si l’on veut que la force obligatoire du contrat soit effective il faut qu’on reconnaisse aux parties au contrat le droit d’obtenir l’exécution forcée ; et pour exercer ce droit il n’est aucunement besoin

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de rapporter la preuve d’un préjudice lié à l’exécution le simple fait d’être partie à un contrat donne le droit d’obtenir cette exécution forcée.Ce droit à l’exécution forcée connaît malgré tout des limites naturelle et juridique :

La limite naturelle tient simplement au fait que dans un certain nombre de cas lorsque l’inexécution est constatée l’exécution forcée devient matériellement impossible.

La limite juridique a vocation à disparaître dans le projet de la chancellerie, elle tient à l’article 1142 du Code Civil qui dit que les obligations de faire se résolvent en dommages et intérêts, cela veut dire qu’en cas d’inexécution d’une obligation de faire la victime de l’inexécution ne peut pas demander l’exécution forcée de cette obligation mais simplement une exécution en équivalent c’est-à-dire des dommages et intérêts et elle peut simplement mettre en jeu la responsabilité contractuelle du débiteur de l’obligation inexécutée. Ce qui interdit l’exécution forcée c’est le respect de la liberté du débiteur car pour parvenir à l’exécution forcée d’une obligation de faire il faudrait nécessairement contraindre physiquement pour obtenir cette exécution forcée, il faudrait donc attenter à la liberté du débiteur en prenant une mesure privative de liberté, or en droit français le droit pénal ne se met pas au service des créances contractuelles. La portée de l’article 1142 est réduite car il est possible de parvenir à l’exécution forcée d’une obligation de faire sans le détour d’une mesure privative de liberté. Ex. dans un contrat translatif de propriété le vendeur a deux obligations, transférer la propriété et délivrer matériellement la chose vendue. L’obligation de délivrance peut faire l’objet d’une mesure d’exécution forcée sans attenter à la liberté de son débiteur, il suffit pour cela de se saisir du bien qui doit être délivré. Dans la catégorie des obligations de faire il faut également ranger les obligations de ne pas faire comme les obligations de non concurrence, on constate pour ces obligations que là encore on peut obtenir l’exécution forcée sans pour autant attenter à la liberté de la personne du débiteur car lorsqu’il y a une obligation de ne pas faire, pour obtenir son exécution forcée il suffira le plus souvent de détruire ou d’effacer ce qui aura été accompli en violation de l’obligation de ne pas faire. Ex. une obligation de non concurrence dont le débiteur crée un fond de commerce en violation de cette obligation alors il suffira d’ordonner la fermeture du fond de commerce. On peut enfin admettre dan une certaine mesure l’exécution forcée de l’obligation de faire qui porte sur l’exécution d’une prestation par une solution prévue à l’article 1144 du Code Civil qui introduit dans le droit positif la faculté de remplacement : le créancier qui se heurte à l’inexécution peut solliciter d’un juge l’autorisation de s’adresser à un tiers pour accomplir la prestation promise, cette autorisation donnée le créancier de l’obligation de faire pourra demander au débiteur initial de régler le montant des prestations facturées par le remplaçant. Cette faculté de remplacement aboutit à une exécution forcée simplement la liberté du débiteur est respectée dès lors que l’exécution forcée est assurée par un tiers et par un tiers qui consent à le faire.

II. Les conditions de mise en œuvre de l’exécution forcée

Pour exercer le droit à exécution forcée il faut un titre exécutoire, c’est un acte sur lequel est apposée la formule exécutoire qui permet d’obtenir le concours de la force publique, cette formule exécutoire est apposée sur les jugements qui condamnent le débiteur. Ce

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titre exécutoire ne peut être délivré que par un officier publique, en l’espèce les juges et les notaires.Ou bien le créancier est titulaire d’un contrat constaté dans un acte sous seing privé et alors pour obtenir l’exécution forcée il faudra que le créancier en vertu de ce contrat s’adresse à un juge pour obtenir une décision de condamnation.Ou alors les parties au contrat entendent éviter le processus judiciaire qui permettra d’obtenir un titre exécutoire et les parties font alors le choix d’insérer directement leur contrat dans un acte qui comporte la formule exécutoire et qui est en lui-même constitutif d’un titre exécutoire, et alors les parties décident de rédiger leur contrat devant notaire dans la forme notariée.Le créancier muni du titre exécutoire doit prendre les mesures qui permettront d’aboutir concrètement à l’exécution forcée, là encore le créancier ne peut pas se faire justice à soi-même, même s’il a un titre exécutoire il ne peut pas de lui-même par des moyens privés, parvenir à l’exécution forcée en vertu du titre exécutoire. L’exécution concrète du titre exécutoire se fera à l’aide de mesures qu’on appelle voies d’exécution, qui prennent le plus souvent la forme de saisies, qui sont diligentées par des officiers publics ayant un monopole pour conduire ce type de mesures, ces officiers publics ce sont les huissiers.

Il y a essentiellement trois types de saisies : La saisie attribution, c’est une mesure d’exécution qui permet au créance de

s’approprier les propres créances de son débiteur. La saisie vente, elle permet au créancier de se servir des biens mobiliers

corporels de son débiteur, de les faire vendre et de se payer sur le produit de la vente.

La saisie immobilière, elle permet au créancier de se saisir d’un ou plusieurs immeubles de son débiteur, de le faire vendre et de se payer sur le produit de la vente.

§2 Résolution

Le créancier peut demande l’exécution forcée mais il peut préférer l’anéantissement pour au moins deux bonnes raisons : l’exécution forcée est devenue impossible ou alors parce que lorsqu’on demande l’exécution forcée du contrat on espère ne as être conduit jusqu’aux mesures de saisie, on espère qu’à un moment le débiteur procèdera spontanément à l’exécution, lorsqu’un créancier fait le choix de l’exécution forcée c’est que demeure une certaine confiance dans l’action du débiteur ; si l’inexécution est particulièrement grave il se peut que le lien de confiance minimum soit rompu de telle sorte que le créancier préférera demander la résolution plutôt que l’exécution.

I. Les conditions de la résolution

A. Le principe

Le principe est que la résolution est judiciaire, ce principe découle d’une compréhension assez rigide de l’adage selon lequel nul ne peut se faire justice à soi-même, en vertu de ce principe on considère que la victime de l’inexécution doit nécessairement s’adresser à un juge pour obtenir la sanction de l’inexécution.

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La conséquence est donc que la résolution ne peut être prononcée que par un juge et donc on dit qu’elle est judiciaire.

Les conséquences pour le créancier sont lourdes : En principe les parties sont tenues d’exécuter le contrat tant qu’il n’a pas été

résolu. Puisque la résolution est judiciaire, le juge a le pouvoir de contrôler la gravité de

l’inexécution pour décider si oui ou non cette inexécution justifie la résolution du contrat.

B. Les tempéraments

Légaux : une multitude de textes légaux autorisent le créancier victime de l’inexécution à décider unilatéralement la résolution du contrat sans attendre l’intervention d’un juge. L’article L114-1 donne le droit au consommateur de résilier unilatéralement le contrat en cas de non respect par le professionnel du délai d’exécution.

Jurisprudentiels : dans un arrêt du 13 octobre 1998 la cour de cassation a admis qu’un créancier qui se heurte à une inexécution particulièrement grave peut à ses risques et périls décider unilatéralement que le contrat est résolu, cette solution est reprise dans le projet de la chancellerie.

Conventionnels : il résulte d’une clause résolutoire qui autorise l’une ou les deux parties au contrat à prononcer automatiquement la résolution du contrat en cas de manquement de l’autre à ses obligations. L’intérêt pratique de cette clause résolutoire est que non seulement elle dispense d’un contrôle a priori du juge (pas besoin d’une résolution judiciaire) mais encore cette clause exclut normalement un contrôle a posteriori du juge, s’il y a une clause résolutoire, si le manquement contractuel est visé par cette clause alors le juge n’aura aucun pouvoir d’appréciation en cas de contestation de la résolution. C’est à propos de cette clause résolutoire s’est montrée la plus imaginative s’agissant du devoir de bonne foi, au nom de ce devoir la jurisprudence a encadré le régime de la clause résolutoire ; pour être parfaitement efficace la clause résolutoire est soumise à une triple exigence, de forme, de procédure et de fond :

o L’exigence de forme : elle concerne la rédaction de la clause, la clause doit être dépourvue d’équivoque et indiquer les manquements contractuels qui justifieront sa mise en œuvre. La clause résolutoire doit justifier clairement qu’elle joue de plein droit, qu’elle efface le pouvoir d’appréciation du juge.

o L’exigence de procédure : pour pouvoir mettre en œuvre la clause résolutoire il faut une mise en demeure circonstanciée qui identifie le manquement qui justifie la mise en œuvre de la clause et qui porte indication du délai accordé au débiteur pour régulariser sa situation.

o L’exigence de fond : le juge veille à ce que la clause résolutoire soit mise en œuvre de bonne foi, cela ne veut pas dire qu’au nom du contrôle de la bonne foi le juge vient vérifier les conditions pour lesquelles la résolution est prononcée, mais le juge considère malgré tout les conditions dans lesquelles la clause résolutoire est invoquée, il retiendra la mauvaise foi du créancier dans des hypothèses caractéristiques d’un abus de droit.

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II. Les effets de la résolution

Il faut distinguer selon le type de contrat : Le contrat résolu est à exécution instantanée, dans ce cas la résolution entraine

l’anéantissement rétroactif du contrat, ce qui veut dire que la résolution produit des effets quasi identiques à ceux d’une nullité

Les contrats à exécution successive, on enseigne habituellement que la résolution ne produirait d’effets que pour l’avenir, lorsque le contrat est à exécution successive il est soutenu que la résolution produit les effets d’une résiliation. Cette opinion doctrinale pourrait être de droit positif si le projet e la chancellerie devenait droit positif. Pourquoi considérer que c’est en fait une résiliation, car la raison tient aux difficultés des restitutions dans les contrats à exécution successive ; cela entraine une remise en cause du passé et cette remontée dans le temps rendra aléatoire l’évaluation des restitutions. Cette difficulté d’évaluation des restitutions se pose pour la résolution exactement comme elle se pose pour la nullité, or quelles que soient les difficultés la jurisprudence a toujours admis qu’en cas de nullité il doit y avoir rétroactivité et donc restitution de prestations déjà exécutées. Si les juges parviennent à surmonter les difficultés d’évaluation dans l’hypothèse d’une nullité on ne voit pas pourquoi ils ne les surmonteraient pas dans une résolution. En conséquence aujourd’hui en droit positif il reste de principe que dans un contrat à exécution successive la résolution continue de produire un effet rétroactif, avec une nuance qui a été énoncée dans un arrêt du 30 avril 2003 dans lequel la cour de cassation confirme le caractère rétroactif de la résolution dans un contrat à exécution successive, en l’espèce il s’agissait d’un contrat de bail, mais c’est une rétroactivité de portée limitée, la cour de cassation ne fait pas remonter la rétroactivité au jour de la conclusion du contrat, mais au jour de l’inexécution de l’obligation à l’origine de la résolution. Conséquence pratique : le contrat de bail a été conclu en 1995 et régulièrement exécuté jusqu’en 1998, la résolution est demandée en 2002 et prononcée avec effet à compter de 1998 ; la résolution sanctionne l’inexécution d’un contrat. A quoi servirait-il d’anéantir rétroactivement un contrat pour une période au cours de laquelle il a été régulièrement exécuté ? Pour sanctionner l’inexécution il suffit d’anéantir le contrat pour la période au cours de laquelle l’inexécution a été constatée.

§3 La responsabilité contractuelle

L’inexécution du contrat est considérée comme une faute, si cette faute cause un préjudice alors il revient à l’auteur de cette faute de le réparer. Cette idée constitue le fondement du droit de la responsabilité, elle s’applique dans le droit des contrats et la responsabilité contractuelle est la technique qui met en œuvre cette idée.C’est une technique dont le but est de permettre l’indemnisation de la victime de l’inexécution.

I. Les principes

Pour mettre en jeu la responsabilité contractuelle de l’auteur de l’inexécution il faut établir trois choses : une faute, un dommage et un lien de causalité.

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A. Une faute

La faute c’est l’inexécution du contrat, elle est difficile à établir lorsqu’il y a une incertitude sur le contenu ou encore sur l’intensité des obligations contractuelles.Exemples :

Le contrat médical, l’obligation du médecin est de soigner le malade, quelle est l’intensité ?

Le transporteur doit-il absolument garantir la sécurité ou faire tous les efforts nécessaires à garantir la sécurité des passagers ?

1. La solution théorique

Elle résulte d’une distinction faite à partir des articles 1137 et 1147 du Code Civil entre ce qu’on appelle les obligations de moyens et les obligations de résultat.

L’obligation de moyens est l’obligation par laquelle le débiteur s’engage à apporter toutes les diligences attendues en vue d’obtenir un résultat espéré.

L’obligation de résultat, le débiteur garantit l’obtention du résultat.

Si l’obligation est une obligation de moyens, le créancier de cette obligation ne pourra mettre en jeu la responsabilité de son débiteur que s’il établit une faute, c’est-à-dire un manquement à la diligence attendue du débiteur. Ex. dans le contrat médical il faudra montrer une erreur médicale comme quoi le médecin n’a pas respecté les règles.

En revanche s’il s’agit d’une obligation de résultat il suffira pour établir l’inexécution de montrer que le résultat n’a pas été obtenu.

A partir de cette distinction on peut introduire des variantes : on pourra y ajouter des obligations de moyens renforcés ou obligations de résultat atténué. Ce sont des obligations à propos desquelles la responsabilité du débiteur est engagé si le résultat n’est pas obtenu mais le débiteur peut s’exonérer de sa responsabilité s’il parvient à prouver que l’absence d’obtention du résultat n’est pas liée à sa faute. Ex. le garagiste a une obligation de moyen renforcé et de résultat atténué, il doit donner la réparation de la voiture mais il peut s’exonérer en prouvant qu’il n’a commis aucune faute.Le débiteur conserve la possibilité de s’exonérer de sa responsabilité en prouvant un cas de force majeure. Et enfin on peut prévoir des obligations de cas renforcés et dans ce cas le débiteur couvre toutes les inexécutions même celles imputables à la force majeure. Ex. la vente.

Le critère traditionnel de la distinction est celui de l’aléa : ou bien le résultat espéré est aléatoire et dans ce cas l’obligation ne peut être qu’une obligation de moyens. Ex. le médecin, sur la guérison pèse un aléa. Mais le résultat au contraire peut être certain en ce sens qu’il y a très peu d’aléas dans l’obtention du résultat. Ex. un contrat de vente, la délivrance de la chose ne souffre pas d’un aléa considérable et peut constituer un résultat certain.En fonction de ce schéma les obligations, ce modèle devrait permettre de classifier toutes les obligations issues des contrats et il en résulterait tel ou tel régime de responsabilité contractuelle ; l’identification d’une faute source de responsabilité

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contractuelle dépendrait de la classification dans la catégorie obligation de moyens ou de résultat.

2. Les solutions pratiques

En pratique la solution la plus simple consiste à distinguer entre les obligations principales et les obligations accessoires.

Les obligations principales : tout dépend des stipulations du contrat et de l’économie de la convention, autrement dit tout dépend de ce que les parties ont voulu, il y a un certain arbitraire à vouloir plaquer la distinction résultat/moyens ; il est vrai que dans certains contrats les parties s’engagent sur un résultat (contrat de vente), dans les obligations de faire les parties s’engagent sur un résultat (contrat d’entreprise, construction, travaux). Lorsque l’aléa est évident les parties décident de s’engager sur l’accomplissement de toute diligence (le médecin qui ne peut promettre un résultat).

Les obligations accessoires : à priori la distinction moyens/résultat présente plus de pertinence car ces obligations accessoires sont greffées sur le contrat, elles procèdent d’un forçage du contrat, elles n’ont pas été voulues, on ne peut pas en définir l’intensité au regard de la volonté de l’intention des parties.

Obligations de sécurité : cette obligation est devenue le vecteur d’un droit à la sécurité, elle a tendance à devenir quel que soit l’aléa une obligation de résultat. Aujourd’hui la plupart des obligations de sécurité sont des obligations de résultat. Elle reste une obligation de moyens dès lors qu’il y a une participation active de la victime dans la survenance du préjudice ou dans l’hypothèse où il y a une prise de risques partagée, notamment dans la pratique des sports dangereux.

Obligations d’information et de conseil : la distinction entre moyens/résultat manque ici de pertinence car cette obligation est destinée à faire en sorte que le créancier de cette obligation soit pleinement satisfait par le contrat qu’il conclut, en réalité cette obligation n’a de sens que si on définit précisément quelles informations sont dues au bénéficiaire, il faut donc raisonner profession par profession voire contrat par contrat. Ex. le notaire est tenu d’une obligation d’information et de conseil et doit garantir l’authenticité des contrats ; le banquier doit mettre en garde le profane à l’égard des risques financiers qu’il contracte.

B. Un préjudice

Pour identifier le préjudice il faut distinguer entre deux situations :

1. L’action en responsabilité contractuelle à titre principal

Il s’agit d’une victime qui ne demande ni la résolution ni l’exécution forcée mais qui se contente de demander une indemnisation du préjudice subi en raison de l’inexécution du contrat. Dans cette hypothèse la victime de l’inexécution peut réclamer l’indemnisation de deux chefs de préjudice ; l’exécution en équivalent de la prestation inexécutée et également l’indemnisation des conséquences dommageables de l’inexécution. Ex. une entreprise a acquis un logiciel informatique destiné à reconfigurer sa comptabilité, le système ne fonctionne pas, si la société agit en responsabilité

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contractuelle à titre principal elle peut demander l’exécution en équivalent (une somme d’argent correspondant au prix d‘une prestation informatique qui fonctionne) et en plus elle pourra obtenir l’indemnisation des conséquences dommageables de l’inexécution c’est-à-dire le préjudice économique subi du fait du dysfonctionnement du logiciel.

2. L’action en responsabilité contractuelle est exercée à titre accessoire

Dans cette hypothèse la victime a exercé une action en exécution forcée ou encore une action en résolution. En plus de l’une ou de l’autre de ces actions elle a demandé des dommages et intérêts au titre de la responsabilité contractuelle de l’auteur de l’inexécution. Dans cette hypothèse la victime de l’inexécution ne peut réclamer l’indemnisation que d’un seul chef de préjudice, elle peut demander l’indemnisation des conséquences dommageables de l’inexécution, elle ne peut pas demander l’équivalent monétaire de la prestation inexécutée.

Si la victime de l’inexécution demande l’exécution forcée + des dommages et intérêts, alors elle ne peut pas en plus de l’exécution forcée réclamer une exécution en équivalent, ce serait demander deux fois la même chose.

Si la victime a agi en résolution et demande des dommages et intérêts, dans cette hypothèse si la victime demande la résolution elle peut obtenir au titre de la résolution la restitution du prix versé, également l’indemnisation des conséquences dommageables de l’inexécution ; en revanche au titre des dommages et intérêts la victime de l’inexécution ne peut pas obtenir l’exécution en équivalent car ce serait demander à la fois la résolution et l’exécution forcée en équivalent du contrat et l’article 1184 s’oppose à ce cumul « la victime de l’inexécution peut demander ou bien l’exécution ou bien la résolution ».

C. Le lien de causalité

Pour que le préjudice soit indemnisable il faut qu’il ait été causé par l’inexécution du contrat, article 1151.

On peut considérer que le préjudice est directement causé par l’inexécution si celle-ci est exclusivement à l’origine de ce préjudice, il n’y a pas de préjudice direct à partir du moment où d’autres causes concourent à la survenance du préjudice.

Cours à jour 04/01/10

II. Les facteurs de complication

Chapitre II. Les sanctions de l’inexécution du contrat

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