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DROIT ADMINISTRATIF Pr. SORBORARA 2010 - 2011

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DROIT ADMINISTRATIF

Pr. SORBORARA

2010 - 2011

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SOMMAIRE

Introduction Générale 5

Partie 1 - Les Sources du Droit Administratif 16

Titre 1 : Les Pouvoirs de Contrainte 18Chapitre 1 : Le Pouvoir Judiciaire 18Chapitre 2 : L’autorité du Pouvoir Constituant 32Chapitre 3 : L’Autorité des Engagements Internationaux et du Droit Européen 38Chapitre 4 : L’Autorité de la Loi et du Règlement 43

Titre 2 : Le Contenu des Contraintes Normatives 44Chapitre 1 : Le Contenu Matériel de la Source Constitutionnelle 44Chapitre 2 : Les Sources Internationales et Européennes 47Chapitre 3 : Les Normes Législatives et Règlementaires 47Chapitre 4 : Les Sources Jurisprudentielles du Droit Administratif 53

Partie 2 - Les Institutions Administratives 56

Introduction 56

Titre 1 : L’indivisibilité de la République 64Chapitre 1 : Le Fondement Constitutionnel du Principe d’Indivisibilité 64Chapitre 2 : Unité et Indivisibilité 65Chapitre 3 : La Nécessaire Conciliation entre l’Unité et la Diversité 66

Titre 2 : L’Administration de l’Etat 68Chapitre 1 : L’Administration Centrale de l’Etat 70Chapitre 2 : L’Administration Déconcentrée de l’Etat 79Chapitre 3 : L’Organisation Décentralisée de l’Etat 82

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Introduction Générale

Le Droit Administratif est le droit de l’administration. Il y a une limite et une nuance : c’est le droit spécial exorbitant du droit commun et applicable à l’administration. Le droit commun est le Droit Civil. Les règles du Droit Civil ne sont pas applicables à l’action administrative. Il a fallu élaborer des règles spéciales, mais les principes fondateurs du Droit Administratif proviennent de la jurisprudence. Le juge administratif est un juge spécial qui, peu à peu, en a façonné les principes et les règles fondamentaux grâce à ses décisions.

Par exemple, une autorité administrative (ex : police) va prendre un acte administratif unilatéral qui nous est applicable et imposée sans notre accord (ex : contrôle de police). Dans l’actualité récente, l’occupation par les gens du voyage de parcelles publiques provoque leur expulsion par l’autorité administrative locale par un acte unilatéral. Autre exemple : la FFF sanctionne des joueurs parce qu’ils se sont mal comportés lors de la dernière Coupe du Monde ; il y a une association entre la FFF (personne privée) et la compétence d’une autorité administrative, et est alors reconnue comme tel et ainsi leur permet de sanctionner comme tel (ex : rétrogradation d’un club, interdiction de jouer…).

Ex3 : La commune de Toulouse est en train de construire une nouvelle ligne de tramway. Le gestionnaire de ce tramway ne sera pas directement la ville de Toulouse, mais une société avec qui la ville aura passé un contrat pour s’occuper de la construction, de la gérance et du transport des voyageurs. Mais la ville ne laisse pas la société diriger sans limites : quand l’autorité administrative veut faire gérer un service par une société privée, elle va passer un contrat avec des règles contraignantes spécifiques. Ex4 : l’Etat décide de construire une ligne de TGV, ce qui suppose de passer dans des endroits favorables (suppose expropriations), passer un contrat pour la construction et l’exploitation ; ceci est contrôlé par le Droit Administratif.

Les autorités administratives sont nombreuses et diverses.

I-Identification de l’Autorité Administrative

Il y a un procédé de qualification, avec des critères applicables se recoupant en général.

A-Le Critère Organique

Utiliser ce critère c’est essayer de déterminer si on va devoir appliquer les règles spécifiques du Droit Administratif en prenant en compte l’organe, c'est-à-dire la personne (physique ou morale).

1-Les Principes

Le premier principe permet une identification positive de l’autorité administrative. Cette autorité relève du pouvoir exécutif selon les règles constitutionnelles. C’est l’autorité hiérarchique. Si l’administration fait partie du pouvoir exécutive, l’administration peut aussi être définie en opposition au pouvoir législatif, au pouvoir judiciaire mais aussi par l’opposition aux personnes privées.

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Du PDV strictement organique, l’administration serait strictement une personne publique (Etat, collectivités territoriales, établissement publics…), et non pas selon le critère fonctionnel. C’est vrai pour le pouvoir exécutif de l’Etat. Ainsi, le premier Ministre peut agir en tant qu’autorité administrative, tout comme les ministres, ou comme les recteurs dans les départements. Sont des autorités administratives les autorités publiques des collectivités territoriales. Mais même du PDV organique, il faut fortement nuancer ce propos, et que ce critère organique ne fonctionne pas.

2-Les Nuances apportées au Critère Organique

a-Les Autorités Administratives au Sein du Pouvoir Législatif

Il existe des autorités administratives au sein du Parlement. La principale mission du Parlement est d’ordre législative (voter la loi), puis il a pour mission de contrôler le Gouvernement, voter des résolutions ou engager une commission d’enquête. Le Parlement est donc une autorité législative distincte d’une autorité administrative ; il n’administre pas.

On sépare l’autorité administrative de l’autorité législative pour assurer le principe de séparation des pouvoirs. En 1999, le PDAN voulait qu’on retransmette via la TV certaines sessions du Parlement. Pour faire venir la TV, il a fallu rénover le système audiovisuel de l’AN, et pour cela le PDAN a passé un contrat avec spécialistes de l’audiovisuel. Dans un arrêt d’assemblée (CE.Ass. 5 mars 1999, Président de l’AN. Rec p42, concl Bergeal. AJDA99-409, chron Raynaudet Fombeur. GAJA n°103), le CE considère qu’au sein d’une autorité parlementaire, pour assurer son fonctionnement quotidien, il est nécessaire qu’une autorité administrative soit présente, pour gérer les biens de l’institution, pour nommer des agents. Il y a un cumul sur ces personnes d’une autorité administrative et législative. Relève de l’autorité législative tous les actes qui sont relatifs aux débats, au vote de la loi et au contrôle du Gouvernement, mais aussi l’édiction des règlements du Sénat et de l’AN, parce l’on considère que ces règlements sont très importants et qu’ils sont l’accessoire du vote de la loi, ce qui donnerait un pouvoir de pression de l’exécutif qui possède l’administration sur le législatif.

Relève de la fonction administrative l’ensemble des actes qui sont relatifs à la situation individuelle des agents du Parlement (nomination des agents, les sanctions disciplinaires, les contrats…). Quand l’un des PD des chambres veut prendre une décision, cela relève de l’autorité administrative, et donc dans ces cas le PD de la chambre agit en tant que tel. Le Droit Administratif n’est pas applicable aux actes de la fonction législatives, et donc ne sont pas dépendants de la compétence administrative des juridictions administratives.

b-L’Administration et le Pouvoir Judiciaire

Le raisonnement est identique que pour celui du pouvoir législatif. Il y a un principe de séparation de pouvoirs qui interdit la confusion de l’autorité administrative (partie de l’autorité exécutive) avec l’autorité judiciaire. C’est le principe de séparations des autorités administratives et judiciaires, édicté par la loi du 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III. Cela interdit à l’autorité administrative de s’immiscer dans l’autorité de la justice.

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En 1952, en Guyane, les candidats pour gérer les tribunaux sont peu nombreux. Les tribunaux ne fonctionnant pas, les avocats, les notaires, vont saisir le juge civil pour engager la responsabilité de l’Etat parce qu’il n’assure pas le fonctionnement des tribunaux, ce qui porte donc préjudice aux plaignants qui ne peuvent travailler. Le préfet de la Guyane refuse cette assignation parce que c’est la compétence du juge administratif ; le préfet a élevé le conflit. Le Tribunal qui statue sur les conflits est un tribunal paritaire appelé Tribunal des Conflits, et ne statue que sur la compétence. Le tribunal des Conflits (TC.27/11/1952, Préfet de la Guyane) considère que le litige en question relève de la compétence du juge administratif parce qu’il considère qu’il s’agit d’une question d’organisation du service de la justice, qui relève du Garde des Sceaux. En revanche, tous les actes relatifs à la décision de justice ou à l’exécution de la décision de justice relève du pouvoir judiciaire.

Les actes qui relèvent de l’administration sont les actes relatifs à la carrière des agents et relatifs à l’organisation des structures judiciaires.

c-Le Pouvoir Exécutif Non Administratif

Il existe une scission au sein du pouvoir exécutif au sein d’une fonction strictement administrative et au sein d’une fonction gouvernementale ou fonction politique. Cette dernière ne relève pas du Droit Administratif et n’est pas prise par une autorité administrative.

Ex : le PDR décide une intervention militaire en Afghanistan, ou de la dissolution de l’AN, de la reprise des essais nucléaires, ou le Gouvernement pose des projets de lois ; tout cela ne relève pas de la fonction administrative. Lorsque le pouvoir exécutif prend un acte de Gouvernement, il n’est pas une autorité administrative.

L’arrêt de principe (CE.Ass. 12 février 1875, arrêt Prince Napoléon. Rec p155). En 1853, le prince Napoléon Joseph Bonaparte est nommé général. A la fin du IInd Empire, est publié un almanach des généraux où il a été radié. Il exerce un recours contre cela et les tribunaux vont lui donner raison puisqu’il considère que cet acte n’est pas acte de Gouvernement. Il a été radié pour un motif politique. Le CE a admis le recours bien que l’acte ait été pris sur un motif politique. Avant, l’acte de Gouvernement était pris pour un acte politique. On va ainsi élaborer ainsi un nouveau mécanisme permettant d’identifier la fonction gouvernementale : c’est empirique. On peut y retrouver les actes qui vont mettre en cause les rapports du gouvernement avec un Etat étranger ou un organisme international et les actes concernant les rapports de l’exécutif avec le Parlement.

Les Actes concernant les Rapports de l’Exécutif avec le Parlement. Ne relèvent pas de l’autorité administrative les actes exercés par le pouvoir exécutif

lorsqu’il participe à la fonction législative (dépôt ou retrait de projet de loi). En deuxième lieu, sont des actes de gouvernement les décisions prises par le PDR lorsque ces décisions ont un effet sur le fonctionnement des pouvoirs publics (CE.Ass, 2 mars 1992, Rubin de Servens).

Les Actes mettant en Cause les Relations de la France avec un Etat EtrangerIls relèvent de l’autorité gouvernementale. C’est le cas de la décision d’engagement des

forces armées, de reprendre les essais nucléaires (CE.Ass, 29 septembre 1995, Association Green Peace France. Rdp 96 p256, concl Sanson. Cas de Chirac qui veut reprendre les essais nucléaires), de signer un traité international.

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d-Autorité Administrative et Personnes Privées

En principe, le qualificatif d’autorité administrative est réservé aux personnes publiques. En théorie, les personnes privées ne sont pas des autorités administratives parce qu’elles ne sont pas forcément tournées vers une finalité d’intérêt général, parce que pour certaines ont pour but le seul profit économique, parce que les personnes privées sont soumises par principe au droit commun. Mais cette présentation a vite posé problème lors des premières années de formation du Droit Administratif contemporain (début XIXe) : de multiples personnes privées avaient en charge de véritables activités d’intérêt général, activités essentielles au fonctionnement de l’Etat (ex : sociétés de secours mutuel, apparues fin XIXe, régies par une loi du 1er avril 1898. ancêtres des caisses d’assurance maladie). L’Etat a décidé de régir leurs activités, de les encadrer par des textes en leur imposant des obligations et en leur conférant des droits et des prérogatives. Ces sociétés privées ont pour parti un statut qui relève classiquement des autorités administratif : elles ont un but d’utilité publique, et elles peuvent utiliser les prérogatives de la puissance publique.

Constatant le régime juridique spécifique auxquelles étaient soumises ces sociétés privées, dans un arrêt (CE.Ass, 13 mai 1938, Caisse Primaire aide et Protection Rec p417, Rdp1938 p830 concl La Tournerie), le CE a considéré que ces personnes privées étaient en charge en dehors même de tout contrat passé avec l’administration, d’un service public. Ce sont organiquement des personnes privées, mais elles exercent une fonction de service public en utilisant des prérogatives de puissance publique. Par exemple, les fédérations sportives ont des prérogatives publiques et un but d’intérêt général.

Un arrêt du CE, (CE, 22 février 2007, Association du Personnel relevant des établissements pour inadaptés, Rec p92 concl Bérot) il a énoncé trois critère permettant d’identifier les personnes privées qui ont la charge d’un service public et donc ont le pouvoir d’une autorité administratif :

-le législateur a lui-même confié une mission de service publique à ces autorités, donc ce sont des autorités administratives.

-l’existence de prérogatives de puissance publique (droits donnés qu’aux autorités administratives) pour réaliser une mission d’intérêt général (ex : décision unilatérale, sanction…)

-l’existence d’un contrôle très étroit de l’activité de la personne privé par la personne publique, notamment quand la personne privée est composée de ressources provenant de la personne publique. Ex : FFF sanctionne les joueurs qui ne respectent pas les règles (prérogatives de puissance publique). Autre exemple : (CE.Sect, 6 avril 2007, Commun d’Aix en Provence, Rec p155 concl Serels), festival de musique classique, dont la commission est composée de personnes publiques et qui subventionnent le festival ; but public et ressources publiques donc autorité administrative.

Les personnes publiques, lorsqu’il n’y a pas de décisions législatives, judiciaires, sont des autorités administratives ainsi que les personnes privées en charge de choses publiques.

B-Identification Matérielle

Cela implique les régimes juridiques auquel ces autorités sont soumises. Définir l’autorité administrative d’un PDV matériel, c’est s’attacher à identifier la substance même de l’activité,

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des fonctions de ces autorités, mais aussi de dégager les moyens spécifiques qui sont mis en œuvres par ces autorités pour accomplir leur mission.

Le critère matériel juxtapose le but de la fonction administrative et les moyens pour l’accomplir. Donc la dialectique de ce droit est une dialectique classique du droit français, qui oppose le but, la fin de la fonction administrative et les moyens de l’atteindre ; les services publics opposé à la Puissance publique.

1-La mission du Service Public

Au début du XIXe, l’une des écoles fondatrices du droit administrative français, l’école de Bordeaux ou école du Service Public, a fait de la mission de service publique l’un des critères d’identification, à la fois de l’autorité administrative et du droit administratif. L’autorité est administrative car elle exerce une mission de service public, et à toutes ces missions s’appliquerait le droit administratif. Cette école a été créée d’un côté par Léon Duguit et de l’autre Jeze, qui sont deux auteurs. L’œuvre phare de Duguit est un traité de Droit Constitutionnel en 5 volumes aux éditions Poccard (de 1924 à 1928). Jeze a écrit les Principes Généraux du Droit Administratif en 6 volumes.

Pour ces auteurs, l’autorité administrative et le droit qui lui est applicables sont marqués par la nature spécifique de leur mission : mission d’utilité publique qu’ils qualifient de mission de service public. Ils appliquent ainsi l’équation suivante : une personne publique + une fonction d’intérêt général + un droit spécifique = activité de service public (ex : santé, transports, justice, éducation, sport, culture…).

Les conséquences de la théorie : elles sont doubles. La première est l’établissement d’un monopole de la personne public pour exercer la mission qui sera de service public ; parce que l’activité est d’intérêt public qu’elle doit être prise en charge par une personne publique. Le développement de cette théorie a abouti au service public à la française (monopoles de l’Etat qui a vu le jour après la 2GM et au début des années 80). La personne privée est donc, par principe, écartée de la gestion des services publics. Toutefois, les personnes privées ne sont pas totalement absences de ce schéma. La personne publique, l’autorité administrative, peut confier à ces personnes privées la gestion d’une part de service public, mais sous le contrôle étroit de la personne publique.

Exemple 1 : Au milieu du XIXe, le baron Haussmann veut réorganiser la ville de Paris. Il détruit le Paris ancien pour reconstruire les grandes avenues. Ces travaux sont gigantesques et pour les mener à bien, il décide d’en faire supporter la charge à la personne privée, qui va donc construire, entretenir les nouveaux bâtiments et voies, et va se rémunérer sur les usagers en demandant une redevance. C’est le même système que celui mis en œuvre aujourd’hui pour la construction à Toulouse du Tramway.

Exemple 2 : Le passage du gaz à l’électricité a été un grand problème du XIXe-XXe. Il faut passer de l’éclairage au gaz à celui à l’électricité, plus moderne et moins coûteux. La personne publique va opérer par la concession de ce service public de l’électricité à des sociétés privées qui vont se rémunérer avec des redevances auprès des usagers.

Dans chacune de ces hypothèses, les personnes privées sont soumises par contrats à des obligations de services publics préalablement définies. Pour l’école de Service Public, il faut protéger l’exercice de ces activités de service public ; il est impossible de leur appliquer le droit commun parce que la mission de service public impose des contraintes fortes à la personne publique, qui ne sont pas des contraintes commerciales classiques. Le service public

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doit être égal pour tous ; tous les administrés ont droit à ce service. Il doit être de qualité, doit évoluer sans cesse, en fonction des nouveaux besoins du public et des dernières technologies en vigueur. Le service public doit être assuré continuellement (principe de continuité). Ces contraintes imposent l’application de règles particulières distinctes des règles de droit privé classique.

Autre Conséquence de la Théorie : c’est l’obligation d’application de ces règles spéciales exorbitantes du droit commun à toute activité de service public quel quelle soit. L’activité est donc prise en charge par les autorités administratives qui sont soumises à des règles spéciales. Il est donc impossible que l’autorité administrative se comporte comme une entreprise privée : c’est le Service Public à la Française classique.

Mais l’équation développée par cette école n’est plus applicable de nos jours. On parle à ce propos de crise du service public. Tout d’abord, les personnes publiques ne sont plus les seuls à exercer une mission de service public : le monopole tombe. On a vu que la jurisprudence administrative a reconnu que des personnes privées pouvaient exercer une activité d’utilité publique qui se voyait qualifiée d’activité de service public (ex : caisse locale de sécurité sociale. CE, 13 mai 1938, Caisse Primaire d’aide). Ensuite, toutes les activités d’intérêt général ne sont pas de service public (ex : médecin de ville). Enfin, certains services publics que l’on qualifie de services publics industriels et commerciaux, se voient appliqués des règles de droit privé.

Le juge administratif considère ainsi que lorsque l’activité est d’intérêt général, exercée par une personne publique, et de même nature que celle pouvant être exercée par une société privée ou commerciale, il convient de ne pas lui appliquer le droit administratif mais le droit commun. Donc le service public est en crise parce que des personnes privées peuvent gérer un service public, parce que toutes les activités d’intérêt général ne sont pas de service public. La mission de Service Public est donc le critère de finalité, auquel on oppose les moyens spécifiques de l’administration : ce sont les prérogatives de puissance publique.

2-Les Prérogatives de Puissance Publique

Le droit de percevoir l’impôt, le pouvoir de sanctionner et le pouvoir d’imposer avant le recours au juge sont trois prérogatives de puissance publique. Les personnes privées ne possèdent pas ces prérogatives, parce que la relation mise en place par le droit privé est une relation supposée égalitaire sur la base du contrat. On ne peut rien imposer à l’autre, et si l’autre ne respecte pas ces engagements, on doit avoir recours au juge pour imposer réparation.

En droit administratif, la relation est une relation de type inégalitaire. L’une des prérogatives de l’administration est de prendre des actes unilatéraux, qui s’imposent avant tout recours au juge, sans que l’on ait donné son accord par signature d’un contrat pour le contenu des obligations qui nous sont imposées (ex : limitation de vitesse, payer ses impôts…). Si l’on ne respecte pas ces obligations, l’autorité administrative dispose du pouvoir de nous imposer leur exécution avant le recours au juge. Si l’on ne respecte pas la réglementation administrative, on est passible de sanctions administratives non pénales.

Il faut apporter une nuance. L’administration passe de plus en plus des contrats par lequel elle va acheter des fournitures, construire des bâtiments ou donne la prérogative d’un service public. On pourrait penser qu’ici la situation contractuelle imposerait l’égalité entre les contractants, et pourtant non : la relation est aussi inégalitaire. L’autorité administrative

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possède des prérogatives de puissance publique. Par exemple, elle a le pouvoir de modifier unilatéralement le contrat, moyennant compensation pour apporter des obligations supplémentaires (CE, 10 janvier 1902, Nouvelle Compagnie du Gaz de Deville lès Rouen).

L’autre école dominante du début du XIXe, l’école de Toulouse du doyen Maurice Hauriou, qui est l’école de la Puissance Publique. Selon cette école, la spécificité de l’autorité administrative repose dans les moyens mis en place, de prérogatives de puissance publique qui lui ont été conféré pour accomplir sa mission. Pour Hauriou, dans son précis de Droit Administratif (11e Edition, 1927), l’autorité administrative exerce grâce à la puissance publique des prérogatives de service public. L’autorité administrative est alors tout autorité exerçant une mission de service public parce qu’elle utilise des prérogatives de puissance publique.

C-Conclusion de la Définition d’Autorité Administrative

Une autorité administrative est soit une personne publique parce qu’elle consubstantiellement en charge d’une mission de service public (école de Bordeaux), et que consubstantiellement, elle possède des prérogatives de puissance publique. Soit elle est une personne privée lorsque la personne privée exerce une mission d’intérêt général en utilisant des prérogatives de puissance publique ou en étant placé sous le contrôle étroit d’une personne publique. Exception : le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire et l’autorité gouvernementale.

Le droit administratif est le droit exorbitant du droit commun applicable à cette autorité administrative.

II-Le Droit Administratif : le Droit Exorbitant du Droit Commun

(Tribunal des Conflits, 8 février 1873, Blanco p61 concl David, au Gage n°1) C’est l’arrêt fondateur du droit administratif moderne. La petite Agnès Blanco se promène aux abords de la Manufacture des Tabacs. 4 employés de la manufacture manipulent un chariot qui blesse la petite. La Manufacture des tabacs est un service public. Les agents de l’Etat ont causé un dommage à la petite, qui est une personne privée. Quel droit va régir cette situation ? Première solution, on applique les règles de la responsabilité civile et les tribunaux judiciaires sont compétents. Deuxième solution, la petite a été blessée par des agents de service public exerçant leur mission de service public ; on ne pourra pas utiliser le droit civil mais le droit exorbitant du droit commun (décision du Tribunal des Conflits qui rejette les dispositions du code civil qu’il juge inapplicable pour la relation entre personne privée et service public. Les règles doivent être spéciales, différentes de celles appliquées aux personnes privées. Par ce qu’il faut préserver la mission de service public au-delà des simples intérêts subjectifs des particuliers. Le droit administratif doit prend en compte l’intérêt des administrés et l’intérêt général). Les textes applicables aux personnes privées sont écartés. Le Droit jurisprudentiel, qui va être proprement créé par la juridiction administrative, va être compétent. La juridiction suprême va donc créer un droit spécifique ex nihilo qui va s’appliquer en l’absence de textes compétents. C’est donc un arrêt fondateur puisqu’il pose l’autonomie du droit administratif par rapport au droit privé, mais aussi parce qu’il lie l’application du droit administratif au juge administratif (liaison entre la compétence et le fond).

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III-Définir le Droit Administratif : un Droit Exorbitant du Droit Commun Applicable à l’Autorité Administrative et Soumis à la Juridiction Administrative

Il faut un juge spécial pour appliquer un droit spécial, parce que cela vient d’un principe fondateur de séparation des autorités administratives et judiciaires.

A-Le Principe de Séparation des Autorités Administratives et Judiciaires

1-La Formation Historique du Principe de Séparation

a-La Période Révolutionnaire

en 1789, l’Ancien Régime tombe et les révolutionnaires cherchent les moyens de réorganiser le pouvoir judiciaire, mais ils sont très méfiants envers les institutions judiciaires de l’Ancien Régime, considérant que les juges ont bloqué toute possibilité de réforme ; ils les craignent. Deux solutions s’offrent aux révolutionnaires pour organiser la résolution des contentieux qui se posent ou sont susceptibles de se poser entre les autorités administratives et les administrés. La première solution serait de soumettre ces litiges au juge judiciaire (solution de Thouret. Mais crainte de l’expérience de l’ancien régime). La seconde est de créer un tribunal spécial en charge des affaires administratives (non parce que difficile à maîtriser). Mais ces deux solutions sont vite rejetées. Sans que la question soit tranchée, la loi des 16-24 août 1790 est votée. Cette loi, sur l’organisation judiciaire, pose deux principes : elle interdit aux juges de prendre des arrêts de règlement (juge sort de ces attributions classique pour imposer une règles aux administrés ; cas de l’ancien régime), mais aussi elle pose le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. L’article 13 énonce : « les fonctions se distinguent et demeurent toujours séparés des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit les corps administratifs ou citer devant eux les administrateurs pour raison de leur fonction ». on enlève ainsi la compétence administrative aux juridictions judiciaires. Dans les années 1790, il y a une phase de transition : il faut résoudre les problèmes entre administrés et la puissance publique.

La loi du 14 décembre 1789 avait confié aux départements la juridiction des délits d’administration et les litiges relatifs aux impôts directs (autorité administrative se juge elle-même). L’organisation de la résolution des litiges administratifs se précise par une loi des 6,7 et 11 septembre 1790. L’organisation territoriale de la France prévoit à cette époque l’existence de communes, de districts et de départements. L’administration de districts va avoir une compétence de premier ressort pour les impôts directs, travaux publics et grande voirie. En appel, c’est le directoire de département qui est compétent, le tout étant chapeauté à partir de la loi des 15-27 mars 1791 par le Conseil du Roi (roi et ministres), qui deviendra par la suite le Conseil d’Etat. La solution n’a pas été de confier aux juges judiciaires ni de créer des tribunaux spéciaux, mais à l’administration hiérarchisée. C’est la théorie de m’administrateur juge.

Henrion de Pansey a posé « juger l’administration c’est encore administrer ». Pour lui, statuer sur les litiges administratifs nécessite de prendre en compte l’intérêt de l’Etat ou

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intérêt public, et donc d’avoir des compétences d’administrateur et sa conscience pour pouvoir juger.

b-La Consolidation Napoléonienne

l’héritage révolutionnaire va être reprit sous le Consulat puis l’Empire, qui vont établir un véritable ordre juridictionnel administratif, qui va mêler la fonction administrative et la fonction contentieuse.

Le Conseil d’EtatL’article 62 de la Constitution de l’an 8 prévoit que sous la direction des consuls, un

Conseil d’Etat est chargé de rédiger les projets de loi, les règlements d’administration publique et de résoudre les difficultés qui s’élèvent en matière administrative. Le Conseil d’État a une dualité fonctionnelle, mais il ne peut pas tout faire. Au niveau départemental, ce sont des conseils de préfecture.

Les Conseils de PréfectureIls sont créés par la loi du 28 pluviôse an 8, et sont placés sous l’autorité des préfets

nouvellement créés. Ils vont avoir pour tâche de régler des litiges dans des domaines particuliers : les contributions directs, les travaux publics, et les contentieux relatifs aux propriétés de l’Etat. En appel, ces décisions relèvent du Conseil d’Etat. Mais cette organisation ne se suffit pas à elle-même ; des conflits peuvent apparaître entre l’ordre judiciaire et administratif. Il faut donc résoudre les conflits de compétence

Le Tribunal des ConflitsDans un premier temps, le règlement du 5 nivôse an 8 prévoit que c’est l’empereur en son

Conseil d’Etat qui résout les conflits de compétences qui ont été élevés par le préfet. Le juge judiciaire se dessaisit d’un litige dont le préfet pense qu’il est administratif. Le préfet va prendre un arrêté de conflit. Le Conseil d’Etat est saisit, et il va donner un avis déterminant selon lui la juridiction compétente, et l’empereur va signer la décision finale. Ce mécanisme devient plus équilibré avec l’article 49 de la Constitution de 1848 qui crée le Tribunal des Conflits composé paritairement de membres de l’ordre judiciaire et administratif (comme de nos jours).

2-Le Principe de la Justice retenue

on parle jusqu’en 1872 de justice administrative retenue parce que en dernier lieu, c’est le chef de l’Etat qui va décider. Le CE ne rend que des avis. La décision appartient au chef de l’Etat (empereur, roi ou PDR). Donc l’autorité administrative suprême retient la juridiction administrative. L’administration se juge elle-même, ce qui pose des problèmes de partialité.

3-Le Ministre Juge

progressivement, à partir de la période Napoléonienne jusqu’en 1889, le ministre va être saisi des litiges qui relèvent de son ministère si bien que, hors de la compétence des conseils de Préfecture, il va statuer en premier ressort sur les litiges administratif qui opposent l’administration qui lui est subordonnée aux administrés. Le litige est donc résolu par le supérieur hiérarchique.

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Dans les deux premiers tiers du XIXe, la juridiction administrative se décompose en premier ressort du Conseil de Préfecture, présidé par le préfet (cas contributions directes, travaux publics, propriété de l’Etat), sinon c’est la saisine du Ministre. En appel, c’est devant le CE, mais il ne rend que des avis, parce que la justice est retenue par le chef de l’Etat.

L’ordre juridictionnel de nos jours en est l’héritier. Plus le siècle avance, plus la juridiction administrative gagne en autonomie, en compétence, si bien que le chef de l’Etat signe tous les avis du CE.

B-La Justice Déléguée

A la chute du IInd Empire, les critiques ont eu raison de la justice retenue (demande d’impartialité et d’indépendance). C’est la raison pour laquelle la loi du 24 mai 1872 met fin à la justice retenue. Dans son article 9, elle dit que le CE décide souverainement sur les recours en matière contentieuse administrative. Le chef de l’Etat disparaît, et la théorie du ministre juge cesse avec un arrêt du CE du 13 décembre 1889 (arrêt Cadot), par lequel le CE se reconnaît compétent pour résoudre les litiges administratifs qui ne relèvent pas de la compétence du Conseil de Préfecture.

Ce système va perdurer jusqu’en 1953. un décret loi du 30 septembre 1953 supprime les Conseils de Préfecture et crée les Tribunaux Administratifs, qui deviennent les juges de droit commun de l’ensemble du contentieux administratif. Donc par principe, les tribunaux administratifs sont saisis de tous les litiges administratifs de première instance.

La loi du 31 décembre 1987 crée des Cours Administratives d’Appel, ce qui fait du CE la juridiction de Cassation. La justice est donc totalement déléguée à cet ordre juridictionnel, qui est constitutionnellement indépendant. Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n°80-119-TC du 22 juillet 1980 (dite loi de validation), a dégagé un PFRLR (Principe Fondamental Reconnu par les Lois de la République) d’indépendance de la juridiction administrative. Cependant, le principe de la dualité fonctionnelle est maintenu. Le lien entre l’administration et son juge est conservée.

C-La Dualité Fonctionnelle de la Juridiction Administrative

De l’héritage révolutionnaire et Napoléonien, on garde ce principe. L’autorité judiciaire ne peut juger des litiges administratifs. Statuer sur des litiges administratifs n’est pas la même chose que pour des litiges privés. Pour les litiges administratifs, la question de l’intérêt général est toujours présente, si bien que chaque décision contentieuse a des conséquences presque politiques. On a donc maintenu le lien entre l’administration et son juge.

On a donc essayé de bâtir un système où le juge est à la fois indépendant et impartial et relié à l’administration active. L’organisation de la juridiction administrative tel qu’elle est inscrite dans le code de justice administrative reflète le lien entre l’administration et son juge. Le lien est organique et fonctionnel.

En premier lieu, il est organique. Les juges administratifs sont recrutés dans l’Ecole Nationale de l‘Administration ; ce ne sont pas des juristes au même sens que les magistrats judiciaires, parce qu’il a été considéré que les juges administratifs devaient être conscient des contraintes de l’intérêt général. Par ailleurs des liens étroits organiques sont créés entre les conseillers d’Etat et l’administration active. Ainsi le secrétaire général du Gouvernement a

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toujours été un conseiller d’Etat, parce que ces conseillers sont des personnes compétentes pour administrer et ils conseillent les ministres et les gouvernements.

En second lieu, les liens fonctionnels sont eux aussi très importants parce que la juridiction administrative ne se limite pas à résoudre le contentieux administratif. Elle possède une fonction de conseil de l’administration. Si on prend les dispositions du code de justice administratif, et tout particulièrement le Tire I du livre I relatif aux attributions du CE, dans un Chapitre I relatif aux attributions contentieuses et un Chapitre II relatif aux attributions en matière administrative et législative du CE. Le CE exerce donc des fonctions non contentieuse administrative. Il est donc à la fois administrateur et juge. C’est la permanence de la dualité fonctionnelle. Il a comme fonctions administratives (article L112-1 code de justice administrative et suivants) :

-Le CE donne son avis sur tout les projets de loi du Gouvernement-Le CE émet un avis sur les propositions de loi déposées par un parlementaire lorsqu’il en

est saisi par le Président de l’AN ou du Sénat.-Le CE donne son avis sur les projets de décret émanant du 1er ministre ou du PDR, dont

un texte législatif ou règlementaire précise qu’ils sont des décrets en CE (qui juge sur la régularité des décrets a posteriori).

-Le CE est le conseiller du Gouvernement, d’une part parce qu’il donne son avis sur un texte dont il est saisi par le Gouvernement, et d’autre part parce qu’il peut être consulté par le Premier Ministre sur toutes les difficultés qui s’élèvent en matière administrative (ex : interdire port du voile à l’école).

Le juge administratif est partie prenante de l’administration de l’Etat, ce qui peut poser des problèmes. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a été saisi à propos de l’impartialité du Conseil d’Etat luxembourgeois, qui avait donné son avis sur un projet de texte, dans une formation administrative consultée. Un administré fait un recours contre ce texte, et saisit le CE. Or 4 des 5 membre de la formation contentieuse avaient participé à la formation de cet avis. La CEDH a condamné l’Etat luxembourgeois en disant que le CE était partial sur ce point. C’est pourquoi une séparation plus nette tente à s’établie entre les formations et les juges qui vont se prononcer au contentieux et les formations et les juges qui vont statuer en matière administrative au CE. Le principe est qu’un juge administratif qui s’est prononcé sur un texte dans une formation administrative ne peut pas statuer sur ce texte en formation contentieuse. Néanmoins, ces formations ne sont pas strictement séparées. Le CE soumet ses membres au principe de la double appartenance. Il faut ainsi être à la fois membres d’une formation administrative et contentieuse car il faut avoir connaissance de l’administration active pour la juger.

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Partie 1-

Les Sources du Droit Administratif

Lorsque l’autorité administrative agit, elle doit respecter un ensemble de règles de droits qui lui sont applicables, et cet ensemble s’appelle le principe de légalité. L’autorité administrative a un rang inférieur à celui du pouvoir législatif ou à celui du pouvoir constituant. Parler de principe de légalité, au sens large, c’est indiquer la subordination des pouvoirs règlementaires et administratifs aux pouvoirs législatif, fédératif et constituant.

On appelle ce principe ainsi car il a été établi en doctrine pour la première fois à la fin du XIXe, sous la IIIe République, sous laquelle le droit est placé tout entier sous le règne de la loi d’expression de l’intérêt général. La loi est parfaite ; respecter le droit c’est respecter la loi. La loi, aujourd’hui, n’exprime l’intérêt général que dans le respect de la Constitution. C’est pourquoi certains parlent à présent de principe de juridicité.

Traditionnellement, on étudie les sources du droit administratif en identifiant un certains nombre de normes qui s’imposent à l’autorité administrative, c'est-à-dire plus précisément à l’acte administrative. Cette conception est fortement marquée par ce courant doctrinal majeur que l’on appelle le normativisme et qui a été élaboré par le juriste autrichien Hans Kelsen. Quand on regarde le droit administratif et ses sources sous cet angle, on considère le droit administratif uniquement sur l’angle normatif : on s’intéresse plus aux actes qu’aux institutions qui prennent ces actes. L’acte administratif est soumis à la loi et la loi à la Constitution parce qu’il est placé à un niveau inférieur dans la hiérarchie des normes, parce que c’est la loi qui prévoit les conditions d’élaboration de l’acte administratif. La loi est place à un niveau inférieur à la Constitution parce que cette dernière prévoit les conditions d’élaboration de la législation.

L’Etat est une Constitution, des lois et des actes administratifs. L’Etat n’a donc pas, dans cette perspective, de réalité en dehors du droit. La volonté de l’Etat est la règle de droit. La perspective adoptée dans ce cours, qui aboutira au même résultat, est différente, puisque l’on ne va pas s’intéresser uniquement à la règle de droit, mais au pouvoir, en considérant que l’autorité administrative respecte plus un pouvoir qui lui est supérieur qu’une norme qui lui est supérieure. Ainsi, l’autorité administrative est soumise au pouvoir judiciaire, législatif et

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constituant, et c’est pour cela qu’elle respecte les décisions de justice, les lois et la Constitution.

Le pouvoir juridictionnel a une place stratégique et essentielle parce que c’est lui qui va avoir pour charge d’imposer à l’autorité administrative le respect des normes édictées par les autres pouvoirs. Pour ce fait, le pouvoir juridictionnel dispose du pouvoir d’interprétation, c'est-à-dire qu’il lui revient de donner la signification authentique aux textes de droit qu’il impose à l’autorité administrative. Ce pouvoir d’interprétation sera, dans cette partie, analysé en suivant les travaux du juriste Michel Troper, professeur à Paris X, qui considère que le pouvoir d’interprétation relève d’un acte de volonté et non pas d’un acte de connaissance. Pour lui, lorsque le pouvoir judiciaire interprète une norme pour l’imposer, notamment à l’autorité administrative, il va dire quelle est la signification de cette norme et parce qu’il veut que la norme ait telle signification, c’est la signification qui va s’imposer à l’autorité administrative. Le tableau est rouge : il s’agit d’une interprétation qui n’est pas scientifique ; c’est un acte de volonté. On nous impose la couleur du tableau par simple volonté. Pour la signification des règles de droit, c’est la même chose : un texte peut avoir plusieurs significations. Deux avocats peuvent défendre devant le juge deux interprétations différentes, et le juge va choisir son interprétation. L’acte de juger est un véritable pouvoir exercé par un certain organe. Quand l’autorité administrative respecte une norme, elle se soumet au pouvoir judiciaire.

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Titre 1 : Les Pouvoirs de Contrainte

Parce que le pouvoir judiciaire est en même temps une source de contrainte en produisant une décision de justice, un arbitre entre les autres pouvoirs, il sera traité en premier. Le pouvoir constituant, le pouvoir fédératif, le pouvoir législatif et le pouvoir administratif.

Chapitre 1 : Le Pouvoir Judiciaire

Le pouvoir judiciaire regroupe l’ensemble des juges nationaux, internationaux, européens, appartenant à la juridiction judiciaire, administrative ou constitutionnelle. Il s’entend de tout juge qui peut imposer sa décision aux autorités administratives. L’autorité du juge est l’autorité de la chose jugée, qui est le moyen pour le pouvoir judiciaire d’imposer ses décisions. Mais l’autorité de la chose jugée se dédouble. Se pose à la fois la question de l’autorité des jugements à l’égard de l’administration, mais aussi l’autorité de la chose jugée entre les juridictions dont les décisions vont s’imposer à l’autorité administrative.

Etudier le pouvoir judiciaire est étudier l’autorité de la chose jugée sur l’autorité administrative, avant d’étudier l’autorité de la chose jugée entre les juridictions.

Section 1 : L’Autorité de la Chose Jugée et le Pouvoir du Juge sur l’Administration

Trois questions doivent être résolues lorsque l’on se demande quelle est l’étendue de l’autorité d’une juge à l’égard d’une décision de l’administration qu’il doit contrôler. La première est de savoir dans quelle mesure l’administration contrôlée doit la respecter. La deuxième est de déterminer le poids de l’autorité de la chose jugée précédemment par d’autres juges et qui pourraient s’imposer au juge dans sa décision. La troisième est celle de l’autorité de la chose jugée, qui va s’imposer à d’autres autorités dont les décisions vont-elles-mêmes s’imposer à l’administration.

Le juge constitutionnel est le juge de la constitutionnalité de la loi par rapport à la Constitution. Il peut considérer que la loi est constitutionnelle si elle est interprétée dans telle ou telle manière. Le juge administratif doit-il suivre l’interprétation.

Exemple : un principe constitutionnel, un principe d’égalité, un principe international (ex : CEDH) pose un principe d’égalité. Une loi intervient, et considère que ¾ des étudiants réussissant leur droit doivent être des hommes et l’acte de l’autorité administrative qui dit que les ¾ des personnes réussissant leurs examens doivent être des hommes. L’acte est conforme à la loi, mais la loi est non-conforme à la CEDH. Le pouvoir législatif n’a pas respecté le traité international, donc le pouvoir règlementaire, même s’il a respecté la loi, a commis une irrégularité, donc la décision qui va s’imposer à un pouvoir supérieur s’impose à l’autorité administrative.

Lorsque l’on traite de l’autorité de la chose jugée, il faut l’étudier sur trois angles : l’autorité de la chose jugée sur la chose jugée, sur les autorités administratives et sur les autorités supérieures à l’administration.

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I-L’Autorité de la Chose Jugée Par le Juge de l’Administration sur les Pouvoirs qui vont s’Imposer à l’Autorité Administrative

Si l’on écarte le pouvoir constituant souverain, sur lequel le juge administratif n’a aucun pouvoir, il faut s’interroger sur l’autorité des décisions de juges administratifs sur tous les pouvoirs qui vont s’imposer à l’autorité administrative, c'est-à-dire le pouvoir législatif, le pouvoir fédératif et le pouvoir judiciaire.

A-L’Autorité du Juge Administratif sur le Pouvoir Législatif : La Loi Ecran

Lorsque le juge administratif doit statuer sur un acte de l’administration, quelle est l’étendue de son pouvoir ? On sait que le juge administratif peut statuer directement sur la régularité de l’acte administratif ; cela signifie qu’il peut amener l’acte administratif. Mais quel est son pouvoir sur la loi ? On sait que le juge administratif va avoir le pouvoir de donner une interprétation de la loi qu’il va appliquer à l’acte administratif, mais va-t-il pouvoir agir directement sur la loi elle-même ? Pourra-t-il annuler la loi ou ses effets qui s’imposent à l’administration ?

Il faut distinguer deux hypothèses : l’hypothèse dans laquelle la loi n’est pas conforme à la Constitution, et l’hypothèse où la loi n’est pas conforme à une convention internationale.

1-L’Hypothèse d’une Loi Non-conforme à la Constitution

Ici, le juge a une Constitution qui pose le principe d’égalité, il a une loi et un règlement d’examen. Le requérant attaque le règlement d’examen. Quel est le pouvoir du juge administratif ?

a-Le Principe

Le juge administratif fait application du principe de la loi Ecran (CE Sect., 6 novembre 1936, Arrighi, concl La Tournerie). Le juge administratif refuse de contrôler la constitutionnalité de la loi ; on dit que la loi fait écran entre la Constitution et l’acte de l’administration. Par conséquent, la constitutionnalité d’un acte administratif ne peut pas être contrôlée ; seule sa légalité peut l’être. La loi empêche d’atteindre la Constitution, parce que dire qu’un acte est contraire à la Constitution supposerait que la loi que cet acte applique est elle-même contraire à la Constitution, or le juge administratif se refuse à contrôler la constitutionnalité des lois, à écarter une loi qui serait contraire à la Constitution.

En l’espèce, la solution rendue par le juge administratif, l’acte règlementaire est légal. La loi fait écran car le juge ne va pas voir au dessus de la loi. Pourquoi la théorie de la Loi Ecran ? Parce que le juge administratif moderne est conservateur, pas assez entreprenant, a peut être moins d’initiative que son prédécesseur du début du XIXe. Il considère qu’il ne peut agir sur la loi parce que sous la IIIe République, la loi est l’expression de la volonté générale, souveraine, ne peut malfaire parce qu’elle est l’émanation des représentants du peuple. Attaquer la loi serait attaquer la souveraineté nationale. Mais ceci a changé. Les IVe et Ve Républiques ont changé cette vision. Cela signifie que la loi n’est pas parfaite, et qu’elle peut être censurée. Le juge administratif a dit qu’il pourrait écarter une loi non-conforme à une convention internationale.

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Il existe une autre raison, qui tient à la compétence d’une autre juridiction : la juridiction constitutionnelle, qui, ne vertu de l’article 61 de la Constitution, exerce le contrôle à priori de la constitutionnalité des lois. Le juge administratif considère donc qu’il ne lui revient pas de contrôler la constitutionnalité des lois parce que cette compétence est du ressort du juge constitutionnel. Pourtant, on pouvait très bien imaginer un partage des compétences : le CC a le contrôle a priori, au CE le contrôle a posteriori, et le contrôle concret à l’occasion d’un litige. Mais jamais le juge administratif, ni la Cour de Cassation n’a songé à faire tomber la loi écran en matière constitutionnelle. C’est la raison pour laquelle il a été nécessaire de bâtir une procédure spécifique permettant a posteriori de contrôler la loi : c’est la question prioritaire de constitutionnalité.

b-L’Exception

Le juge administratif n’est pas totalement indifférent à la norme constitutionnelle. En premier lieu, le juge administratif va utiliser un principe constitutionnel pour créer ses propres règles jurisprudentielles, qu’il va imposer à l’administration. (CE Ass., 7 juillet 1950, Dehaene) Le juge administratif fait application dans cet arrêt du droit de grève ; il en fait un principe général du droit, qui est une règle purement jurisprudentielle, qui va s’imposer à l’administration (voir PGD). Pour ce faire, le juge administratif va se fonder sur des dispositions qui figurent dans le préambule de 1946, auquel la Constitution de 1958 fait référence. A l’alinéa 7, le droit de grève s’applique dans le cadre des lois qui le représente. Dans l’arrêt, le CE découvre un PGD relatif à l’administration.

En deuxième lieu, le juge administratif va tout de même pouvoir imposer la Constitution aux actes administratifs. Il le fait lorsqu’il n’y a pas de loi, et donc lorsque celle-ci ne fait pas écran. Il le fait aussi lorsque la loi qui est applicable n’est qu’une loi de procédure et donc n’a aucun rapport avec les principes constitutionnels violés par le règlement. (CE, 17 mai 1991, Quintin).

c-La Question Prioritaire de Constitutionnalité

Les choses ont considérablement évolué à ce sujet, depuis l’instauration de la procédure dite QPC, qui figure à l’article 61-1 de la Constitution depuis sa révision par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Avant cette loi, la question de contrôle de la constitutionnalité des lois était réglée par l’article 61 : le contrôle était a priori, abstrait et concentré, centralisé entre les mains du Conseil Constitutionnel. Le constituant de 2008 a souhaité élargir la possibilité de contrôler la constitutionnalité des lois à l’occasion d’un litige. Le contrôle à l’occasion du litige est un contrôle a posteriori. Cette procédure nous intéresse directement ici puisqu’elle permet d’invoquer la contrariété d’une loi à la Constitution à l’occasion d’un litige administratif (porté devant le juge administratif). Auparavant, la question ne pouvait pas être posée puisque la théorie de la loi écran s’applique. Désormais, la question de la constitutionnalité de la loi peut être posée.

Toutefois, cette procédure de QPC ne met pas un terme à la théorie de la loi écran, parce que le juge administratif reste incompétent pour censurer la loi non-conforme à la Constitution. Le monopole du juge constitutionnel est conservé.

L’article 61-1 de la Constitution nous indique « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours, devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux

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droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil Constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du CE ou de la Cour de Cassation, qui se prononcent dans un délai déterminé ». Cet article a fait l’objet d’une loi organique qui précise et organise la procédure. Un particulier invoque devant n’importe quel juge administratif l’inconstitutionnalité d’une loi. Le Tribunal Administratif décide, lorsque la contestation est réelle et sérieuse, de renvoyer la QPC à la juridiction suprême de l’ordre (ici le CE). Le CE et la Cour de Cassation vont ensuite examiner la QPC pour déterminer si elle doit être renvoyée devant le juge constitutionnel. Pour que la QPC soit renvoyée devant le juge constitutionnel, il faut que des droits et libertés garantis par la Constitution soient en cause (procédure non étendue à l’ensemble du texte constitutionnel), que la question de la constitutionnalité de la loi soit nouvelle (pas que le juge constitutionnel se soit déjà prononcé auparavant sur la même loi. Cas pour les lois promulguées avant 1958, lois qui n’ont pas fait l’objet d’une saisine du CC et dans les hypothèses où un changement dans les circonstances de droit ou de fait nécessitent un nouvel examen d’une disposition législative sur laquelle le juge constitutionnel a pu déjà se prononcer), et enfin que la question de la constitutionnalité de la loi soit sérieuse. Si la juridiction suprême le décide, elle renvoie la question devant le CC. La disposition déclarée inconstitutionnelle est alors abrogée à compter de la publication de la décision du CC ou à compter d’une date ultérieure fixée par lui. La QPC est une ouverture permettant aux juges administratifs d’agir sur la loi par l’intermédiaire du CC.

2-L’Hypothèse d’une Loi Non-conforme à une Convention Internationale

L’article 55 de la Constitution dispose que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité de son application par l’autre partie ». Le Préambule de 1946 dans son alinéa 14 dispose que « la République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international ». Ces deux articles sont l’expression du principe « Pacta Sunt Servanda ». Les lois doivent donc respecter les conventions internationales comme elles respectent la Constitution. Il existe cependant deux conditions pour que la loi respecte la convention internationale : il faut que la convention ait été régulièrement ratifiée et approuvée, et qu’elle fasse l’objet d’une application réciproque (principe de réciprocité).

Le juge administratif saisi d’un litige dans lequel une convention internationale est en cause, va donc devoir vérifier l’applicabilité de la convention internationale avant de ce prononcer sur la légalité de l’acte administratif au regard de cette convention.

a-L’Applicabilité de la Convention Internationale

Depuis la fin des années 90, le juge administratif a élargi sa compétence à l’examen des conditions d’applicabilité des conventions internationales. Le juge administratif a en effet longtemps hésité à toucher à un domaine qu’il jugeait auparavant comme relevant de la fonction gouvernementale du pouvoir exécutif (relations diplomatiques de l’Etat français). Cette question n’était donc pas une question administrative. Mais il s’est petit à petit reconnu compétent : il refuse toujours de contrôler la signature d’une convention ou sa négociation. En revanche, le CE accepte de contrôler la régularité des actes de ratification ou d’approbation de l’accord ou du traité international (CE Ass., 18 décembre 1998, SARL Parc d’Activités de Blotzheim).

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Le 9 juillet 2010, dans un arrêt d’Assemblée, le CE se reconnaît compétent pour apprécier la réciprocité de l’application des stipulations d’un traité international. Le CE va donc examiner les conditions de l’application du traité par les autres Etats parties. C’est une évolution dans la jurisprudence administrative, puisque le juge administratif s’était toujours refusé ce contrôle, considérant que cela relevait de la fonction gouvernementale. Il suivait alors une procédure particulière lorsqu’un traité international était en cause : il sursoyait à statuer et posait une question préjudicielle au ministre des affaires étrangères en lui demandant si l’Etat partie à la convention faisait une application réciproque de la convention internationale. C’est donc le ministre des affaires étrangères qui était chargé de dire si l’application était réciproque ou non, et donc si le traité international était ou non applicable. Le dernier arrêt en date de ce renvoi date du 9 avril 1999, appelé arrêt Chevrol-Benkeddach, mais à l’issue de cette décision, Mme Chevrol-Benkeddach a fait un recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme en demandant de condamner la France pour violation d’un droit reconnu par la CEDH droit à un tribunal indépendant et impartial, art6 §1), et la Cour a sanctionné la France pour violation de l’article 6 paragraphe 1 parce que pour elle, le juge administratif a renvoyé la décision à une autorité administrative qui n’est pas juge. La France sanctionnée, le CE a fait évoluer sa jurisprudence par l’arrêt du 9 juillet 2010. Simplement, le CE était soumis à une difficulté, qui était celle de l’appréciation de l’application des conditions réciproques, c’est pourquoi il renvoie toujours au ministre mais pour avis.

Le juge administratif va aussi vérifier que la convention en cause a bien un effet direct. Pour être applicable à une espèce donnée, une convention internationale doit avoir un effet direct sur les particuliers (sujets de droit national et non international). Par conséquent, l’engagement à l’égard d’un autre Etat n’implique pas obligatoirement une application de la convention à ses citoyens. Le litige est en principe interétatique, réglé par les juridictions internationales, mais certaines conventions internationales ont un effet direct, et donc que les particuliers vont pouvoir évoquer la convention internationale devant un juge à l’encontre de leur propre Etat. Pour cela, il faut que le juge reconnaisse que l’Etat a voulu conférer un effet direct à la convention internationale ou à une disposition de cette même convention. Alors, le juge administratif refuse parfois de reconnaître cet effet direct ; c’est le cas dans un arrêt d’Assemblée (CE Ass., 8 mars 1985, Garcia Henriquez), où il s’agissait d’une convention d’extradition entre la France et Grenade, dont le juge administratif considère qu’elle ne crée des obligations qu’entre les Etats. Cela signifie qu’elle n’a pas d’effet direct sur les particuliers, donc ces derniers ne peuvent pas l’invoquer. Dans certaines hypothèses, le juge administratif reconnaît l’effet direct à certaines dispositions des conventions internationales. C’est le cas pour certaines dispositions de la Convention Relative aux Droits de l’Enfant (26 janvier 1990). Ainsi, le CE, le 22 septembre 1997, reconnaît l’effet direct de l’article 3-1 de la Convention Relative aux Droits de l’Enfant. En revanche, l’article 9 de cette même convention est jugé comme étant dépourvue d’effet direct parce que cet article, pour le CE, ne crée des relations qu’entre les Etats. (CE, 29 juillet 1994, Préfet maritime).

b-La Soumission du Pouvoir Législatif à la Convention Internationale

On a longtemps fait une distinction traditionnelle entre les conventions internationales postérieures aux lois et celles intérieures aux lois. Pour les conventions internationales postérieurs à la loi en cause devant le juge administratif, le CE a admis que cette convention

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se substituait aux décisions législatives antérieures contraires ; il écarte donc l’application des dispositions législatives antérieures à une convention internationale lorsque ces dispositions y sont contraires, parce que la convention internationale doit être approuvée ou ratifiée par la loi dans le domaine législatif (Ce Ass., 30 mai 1952, Dame Kirkwood).

Mais le CE a eu d’avantages de difficultés à écarter les lois postérieures aux conventions internationales qui violent les dispositions qu’elles contiennent. Le CE s’est, dans un premier temps, refusé à contrôler la conventionalité des lois postérieures (CE Sect., 1er mars 1968, Syndicat Général des Fabricants de Semoule de France) et la décision du CE peut se justifier par application de la même théorie que pour la Constitution, c'est-à-dire la loi écran. Ici, la loi fait écran entre la convention internationale et l’acte administratif. La première explication, qui fait un lien avec la fonction gouvernementale, est que le pouvoir législatif est intervenu dans un domaine qui relève des relations diplomatiques de l’Etat, et le juge administratif n’a pas à se mêler de ces relations. La deuxième explication est celle de la compétence possible du juge constitutionnel ; en effet, la supériorité des traités internationaux sur les lois est la conséquence de l’article 55 de la Constitution et de l’alinéa 14 du Préambule de 1946. Par conséquent, si la Constitution prévoit que les lois doivent respecter les traités internationaux, les lois qui ne les respectent pas sont considérées inconstitutionnelles, et c’est donc au juge constitutionnel de vérifier cette constitutionnalité.

A l’occasion de la loi sur l’IVG, les députés ont saisi le juge constitutionnel de la contrariété de la loi à la CEDH au motif qu’une loi contraire à un traité est obligatoirement contraire à la Constitution. Le CC s’est prononcé dans une décision du 15 janvier 1975 IVG, qui ne s’est pas reconnu compétent à son tour, considérant que la conformité des lois à une convention internationale avait un caractère relatif et contingent, si bien qu’une loi contraire à une convention internationale n’est pas obligatoirement contraire à la Constitution parce que pour le CC, l’application d’une convention internationale nécessite un contrôle concret qui prend en compte notamment les conditions de l’application de cette loi par les autres parties, qui dépend de l’évolution de l’interprétation des stipulations de cette convention. Par conséquent le juge constitutionnel se considère démuni pour juger de la contrariété des lois aux conventions internationales.

La Cour de Cassation, dans un arrêt du 24 mai 1975 (Société Jacques Vabre) se déclare compétente ; elle va donc écarter les lois, toutes les lois antérieures ou postérieures qui sont contraires aux conventions internationales. Le CE a attendu 1989 (CE Ass., 20 octobre 1989, Niccolo) pour écarter l’application des lois contraires aux conventions internationales. Désormais, depuis 1989, un particulier qui attaque un acte administratif devant un juge administratif peut invoquer la contrariété de la loi à un traité international. Cette jurisprudence s’étend aux traités européens et aux actes qui émanent des institutions européennes (CE, 24 septembre 1990, Boisdet pour les règlements, et CE Ass., 28 février 1992, SA Rothmans International France pour les directives).

La question qui se pose à l’examen d’un acte administratif, la conformité d’une loi à la Constitution ou à une convention internationale, pose problème. Si l’acte administratif applique une loi contraire à la Constitution, théorie de la loi écran et QPC comme solutions (sauf exceptions de l’arrêt Quintin). Si une loi est contraire à une convention internationale ou à un acte des institutions européennes, le juge administratif écarte la loi et peut donc annuler l’acte administratif.

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B-L’Autorité du Juge Administratif sur le Pouvoir Fédératif

L’exercice du pouvoir fédératif amène à la signature et à la ratification des conventions internationales. Le juge administratif ne peut en aucun cas censurer une convention internationale. En revanche, il va pouvoir en écarter l’application dans certaines hypothèses et lui donner une signification particulière par l’utilisation de son pouvoir d’interprétation.

1-La Convention Internationale Ecartée

Cela signifie qu’elle est mise entre parenthèses. Il ne sera question ici que de la contrariété possible entre la Constitution et une convention internationale. Il existe une autre hypothèse dans laquelle il aurait été possible d’imaginer que le juge administratif puisse écarter une convention internationale : c’est l’hypothèse du conflit entre plusieurs conventions qui s’opposeraient les unes aux autres. Mais le juge administratif s’est déclaré incompétent pour se prononcer sur la validité d’une convention aux regards d’autres convention (CE, 8 juillet 2002, Commune de Porta).

L’hypothèse d’une contrariété entre convention internationale et la Constitution a été réglée dans un arrêt important de l’Assemblée du Contentieux du CE (CE Ass., 30 octobre 1998, Sarran Levacher et autres). Dans cette décision, le CE considère que la suprématie conférée aux engagements internationaux par l’article 55 de la Constitution ne s’applique pas dans l’ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelle. Cette jurisprudence est appliquée lorsqu’un administré fait un recours contre un acte administratif, qui met en œuvre une disposition constitutionnelle tout en étant contraire à un traité international. Dans cette hypothèse, le juge administratif va écarter le traité international pour privilégier l’application de la Constitution : il fait primer la Constitution sur les traités internationaux.

Les hypothèses d’application de cette jurisprudence sont très rares, mais cela a eu lieu dans l’arrêt Sarran, où il s’agissait de l’article 76 de la Constitution, qui prévoit que les populations de la Nouvelle-Calédonie sont appelées à se prononcer sur les dispositions d’un accord signé à Nouméa le 5 mai 1998. Cet article fait référence à la loi du 9 novembre 1988 pour la fixation d’un corps électoral et un décret, qui devra intervenir pour organiser les élections. Le législateur intervient avec la loi du 9 novembre 1988, qui définit le corps électoral en le limitant aux seuls domiciliés sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie depuis plus de 10 ans, mais cette loi est référée dans la Constitution ; elle a donc une valeur constitutionnelle par référence. Le décret du 8 novembre 1998 vient appliquer l’article 76 de la Constitution, pour organiser les élections ; ce décret fait application de la loi de 1998 dont une disposition considérée constitutionnelle. Un acte administratif fait donc référence à la Constitution. M. Sarran attaque le décret, qu’il juge contraire au Pacte des Nations Unies sur les Droits Civils et Politiques (1966) ainsi qu’à la CEDH parce qu’on restreint considérablement le corps électoral en rompant le principe d’égalité devant le suffrage. Le juge administratif se trouve devant une situation complexe : l’acte administratif est parfaitement conforme à la Constitution, mais cet acte administratif pourrait être contraire aux actes internationaux dont la France fait partie. Or dire que l’acte est contraire aux conventions internationales, cela signifie implicitement que la Constitution viole les conventions internationales. La position du juge administratif a été d’écarter l’application de la convention internationale, comme si la convention internationale formait un écran transparent comparé à la Constitution. La Cour de Cassation s’est prononcée dans le même sens que le CE dans un

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arrêt d’assemblée plénière (du 2 juin 2000, Fraisse). Une telle position du CE a été critiquée aux vues de l’alinéa 14 du Préambule de 1946 qui dispose que « la République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international ». Le CE ne devrait alors pas fermer les yeux sur cela (Décision 92-308 DC, 9 mai 1992, Maastricht 1), et serait alors critiquable sur ce plan là. Le CE ne fait ici que reconnaître la suprématie absolue du pouvoir constituant, pouvoir qui fonde l’Etat et qui contient tous les autres pouvoirs, y compris le pouvoir fédératif. Le pouvoir fédératif est donc induit par le pouvoir constituant, et lui est donc subordonné. Mais le juge administratif a été très malin, parce qu’il a réussi à concilier les deux thèses : en effet, dans l’ordre interne, la suprématie ne s’applique pas aux dispositions constitutionnelles.

Le CE fait sienne dans cet arrêt la théorie dualiste, selon laquelle il existe deux ordres juridiques, un qui règle les relations de droit interne (interne), et un qui règle les relations des Etats entre eux (international), et selon que l’on est en droit interne ou international, les règles qui vont s’appliquer ne seront pas les mêmes. L’Etat français pourra toujours régulièrement, dans son ordre, qu’une disposition constitutionnelle sera contraire à une convention internationale, mais sa responsabilité internationale pourra être engagée devant les juridictions internationales, qui pourra condamner l’Etat français parce qu’il a violé la convention. Dans l’ordre interne, l’Etat français peut créer une contrariété, mais il devra en répondre au niveau international.

2-La Convention Internationale Interprétée

L’autre moyen d’action du juge administratif sur la convention internationale est d’interpréter la convention, c'est-à-dire lui donner une signification. Lorsque les termes de la convention ne sont pas clairs, c’est le juge administration qui va être l’interprète authentique. Depuis un arrêt (CE Ass., 29 juin 1990, GISTI), le juge administratif s’est reconnu comme pleinement compétent pour interpréter les conventions internationales. Avant, il renvoyait l’interprétation au ministre des affaires étrangères (relevait d’une fonction diplomatique). La Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné la France pour le renvoi opéré devant le ministre des affaires étrangères (décision du 24 novembre 1994, Beaumartin contre France, arrêt de la CeDH. Procédure commencée avant arrêt GISTI).

Le juge administratif recherche à interpréter des actes qui sont la source de la légalité administrative de sorte que ces actes soient conformes les uns aux autres ; il lui est arrivé d’interpréter une convention internationale pour la rendre conforme à la Constitution (CE Ass., 3 juillet 1996, Koné. Interpréter une convention d’extradition liant la France et le Mali, ce dernier souhaitant extrader un de ses ressortissants dans un but politique. Le CE va faire référence à un principe constitutionnel qu’il crée lui-même, PFRLR, selon lequel l’Etat doit refuser l’extradition d’un étranger lorsqu’elle est demandée dans un but politique. Considère que la convention d’extradition doit s’appliquer mais qu’elle signifie au-delà du texte que l’extradition est faite en dehors du motif politique).

C-L’Autorité du Juge Administratif sur le Droit Européen

Cette autorité doit aujourd’hui être traitée dans une section distincte du pouvoir fédératif et international. Le droit européen est la conséquence de l’intégration dans l’UE. Le juge administratif peut écarter l’application du droit européen et il peut l’interpréter.

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1-Le Droit Européen Ecarté

Ecarter l’application du droit européen, dans une hypothèse similaire à celle de l’arrêt Sarran, c'est-à-dire pour appliquer une norme constitutionnelle, pose des difficultés quand au principe de primauté du droit européen, affirmé tant par les juridictions européennes que par la Constitution française. Le CE le fait pourtant dans un certain nombre d’hypothèses.

a-Le Principe de Primauté

il a été énoncé par la CJCE. Selon la CJCE, dans son arrêt du 15 juillet 1964 (Costa contre Enel), le droit européen prime sur le droit national. L’ordre juridique européen est, pour la CJCE, un ordre juridique propre, très spécifique, qui est intégré au système juridique des Etats membres, et qui va donc s’imposer aux juridictions nationales. Pour la CJCE, ce principe de primauté s’applique à toutes les dispositions nationales, y compris les dispositions constitutionnelles (arrêt du 17 décembre 1970, HandelsGesellschaft), même celles qui protègent des droits fondamentaux : la primauté est totale.

Selon le droit national, le principe de primauté peut trouver sa source dans l’alinéa 14 du Préambule de 1946 et dans le principe « Pacta Sunt Servanda » (décision Maastricht 1), mais même avec ça, le CE n’hésite pas à écarter les traités internationaux pour appliquer directement la Constitution (arrêt Sarran). Mais avec le droit européen, outre les deux sources, la primauté du droit européen est reconnu par le texte même de la Constitution, et principalement par l’article 88-1 (« la République participe aux Communautés européennes et à l’UE, constituées d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont institués, d’exercer en commun certaines de leurs compétences »).

b-Les Conséquences sur le Droit Européen Originaire

on distingue en droit européen les traités originaires et le droit dérivé. Les traités originaires sont ceux qui sont constitutifs de l’UE et qui vont en régir le fonctionnement : Traité sur l’UE et Traité sur le Fonctionnement de l’UE. Ses organes vont prendre des actes qui vont s’imposer aux Etats, et ces actes sont des actes de droit dérivé.

Le droit originaire n’est rien d’autre qu’un traité international classique, signé entre la France et les autres Etats. Le juge administratif, s’agissant de ses traités, fait directement application de son arrêt Sarran. La suprématie du droit européen originaire ne saurait prévaloir sur la Constitution (CE, 3 décembre 2001, SNIP).

c-Les Conséquences sur le Droit Européen Dérivé

le droit dérivé est donc le droit émis par les institutions européennes, qui prennent principalement deux types d’actes : des règlements et des directives. Les règlements vont s’imposer directement comme tels sur les Etats, qui ont accepté en ratifiant les traités de se soumettre à ses actes. Dans le cadre de ces traités, les institutions vont émettre des actes qui vont s’appliquer unilatéralement. A la différence des règlements, les directives vont s’imposer aux Etats uniquement dans leurs objectifs, qui vont devoir les transposer dans leur réglementation pour pouvoir les atteindre.

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Deux types de problèmes vont pouvoir se poser aux juges administratifs : la contrariété entre une disposition de droit dérivé et la Constitution, et la contrariété entre une disposition de droit dérivé et une disposition du traité originaire. Le juge administratif a eu à se poser aussi la question de la contrariété d’une disposition de droit dérivé avec une disposition de la CEDH.

Le Droit Dérivé et la ConstitutionDans une décision de principe du CC (décision 2004-496 DC du 10 juin 2004, loi pour la

confiance dans l’économie numérique), le CC considère que l’article 88-1 de la Constitution impose la transposition en droit interne des directives européennes (primauté du droit européen constitutionnalisée et étendue au droit dérivé). Dans la décision 2006-540 DC (26 juillet 2006, loi relative aux droits d’auteurs), le CC pose une exception à l’obligation de transposition des directives dans les hypothèses où la directive contrevient à un principe inhérent à l’identité constitutionnelle. Quand une loi de transposition est contraire à la Constitution, le CC va considérer que même si la loi est contraire à une partie de la Constitution, il y a obligation de transposer. En élevant le principe de primauté au niveau constitutionnel, il a mis au même niveau l’obligation de transposition et les mêmes normes constitutionnelles. Le CC, par cette formule assez vague, essaie de réserver les hypothèses dans lesquelles les directives remettraient en cause le principe de l’Etat français.

Le CE s’est prononcé sur cette question dans une décision complexe (CE Ass., 26 janvier 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine). Si une directive européenne est transposée par l’acte administratif, l’administré va saisir le juge administratif pour contester l’acte, en se fondant sur le motif de la contrariété de l’acte administratif avec la Constitution. Dans cette jurisprudence, le juge administratif s’affirme compétent pour contrôler la constitutionnalité d’un acte règlementaire, transposant directement les dispositions précises et inconditionnelles d’une directive. Le CE fait ici une application directe de sa jurisprudence Sarran et de sa jurisprudence SNIP. Mais le juge administratif est face à un problème : certes, il devrait normalement écarter la directive aux vues de sa jurisprudence classique, mais il constate que l’article 88-1 de la Constitution impose une obligation constitutionnelle de transposition des directives. Dans cette hypothèse, la directive européenne est en principe constitutionnelle puisqu’il existe une obligation constitutionnelle de transposition. Donc le juge administratif est face à un dilemme. Que se passe-t-il s’il contrôle la conformité de l’acte administratif à la Constitution, et si le CE considère qu’il est contraire à la Constitution. Si la directive européenne est précise et inconditionnelle, elle met l’autorité administrative dans une situation de compétence liée : elle ne peut rien faire d’autre que reproduire le contenu de la directive dans le contenu de l’acte. Dire que l’acte administratif est contraire à la Constitution signifie que la directive est elle-même contraire à la Constitution. Est-ce que le CE peut agir ainsi ? Politiquement, c’est impossible, puisque ce serait un casus belli contre les institutions européennes. Par ailleurs, agir ainsi, c’est affirmer l’infériorité du droit européen sur le droit national, c’est donc s’opposer directement à la primauté du droit communautaire. Donc la solution de l’arrêt Sarran est impossible à transposer : on ne peut pas écarter la directive pour faire primer la Constitution. Le CE va dégager une solution excessivement subtile : il va transférer la question de la constitutionnalité sur le terrain du contrôle de la conformité de la directive avec le droit européen lui-même. Le CE constate en effet que la plupart des principes constitutionnels qui lient l’action de l’administration, et tout particulièrement les principes relatifs à la protection des droits et libertés, se retrouvent dans le droit européen originaire. Par conséquent dans la majorité des cas, une directive contraire à un principe

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constitutionnel est logiquement aussi contraire aux principes équivalents contenus dans un traité européen, or, en application du droit européen, les directives doivent être conformes au droit originaire. La CJUE est compétente pour censurer les directives contraires au droit originaire. Le juge administratif a donc trouvé cette parade lorsque la directive européenne contient des principes contraires à la Constitution, qui se retrouvent en droit européen, le juge administratif va surseoir à statuer et va poser une question préjudicielle à la CJUE, qui va se prononcer sur la conformité de la directive avec ledit principe. C’est donc la CJUE qui va censurer la directive à la place du CE, et si elle dit que la directive est contraire au droit originaire, le CE en écartera l’application. Donc le CE continue à faire application de la jurisprudence Sarran aux directives, mais uniquement dans les hypothèses où le principe constitutionnel en cause ne se retrouve pas à l’identique en droit européen. Pour éviter que les requérants n’invoquent toujours la constitutionnalité d’un acte administratif quand une directive est transposée et donc saisir la CJUE, le juge administratif examinera lui-même la compatibilité de la directive aux traité quand cela pose aucune difficulté sérieuse et que la réponse est évidente.

Le Droit Dérivé et la CEDHLe problème a été posé par l’arrêt présent (CE Sect., 10 avril 2008, Conseil National des

Barreaux CNB). Une directive communautaire étend à certaines professions, comme celle des notaires, une ancienne directive de 1991 prise en matière d’identification des clients, de conservation des enregistrements et d’obligation de déclaration des transactions suspectes. Une loi de transposition est votée et un décret d’application est édicté. Le CE est saisi par des requérants qui attaquent le règlement d’application de la loi et les requérants invoquent, en raison de la jurisprudence Niccolo, la contrariété du règlement et de la loi avec la convention internationale. Le problème pour le CE est le suivant : si le CE déclare le décret et la loi contraires à la CEDH, cela revient pour lui à considérer que la directive est elle-même contraire à la CEDH à la condition que la loi soit une exacte transposition des dispositions de la directive. Le CE applique à cette situation une logique qui suit la logique de la jurisprudence Arcelor ; en effet, il se trouve que la CJUE, dans sa jurisprudence, admet depuis longtemps, que les dispositions de la CEDH relatives aux droits fondamentaux font partie des principes généraux du droit européen et s’imposent à ce titre au droit européen dérivé (CJCE, 12 novembre 1969, Stauder n°26-99). Cette intégration des dispositions de la CEDH au droit européen a été d’ailleurs consacré par le Traité de Lisbonne, dans ses articles 6 §2 et §3. le CE va donc, ne présence de difficultés sérieuses, saisir la CJUE d’une question préjudicielle de la conformité de la directive aux dispositions de la CEDH

2-Le Droit Européen Interprété

La question du pouvoir d’interprétation par le juge administratif des dispositions du droit européen a longtemps été un facteur de tensions avec la CJUE, mais les choses sont aujourd’hui un peu apaisées. Les règles européennes prévoient qu’en cas de difficultés dans l’interprétation d’une disposition de droit originaire ou de droit dérivé, les cours suprêmes des Etats sont tenues de saisir la CJUE d’une question préjudicielle. En revanche, les juridictions subordonnées ont la faculté mais non pas l’obligation de renvoyer. Elles peuvent procéder elles-mêmes à l’interprétation, sous le contrôle de la juridiction suprême de leur ordre, afin d’éviter la multitude des renvois. Le CE a un temps abusé en la matière d’une théorie appelée

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Théorie de l’Acte Clair, par laquelle il exagérait la clarté des actes européens en considérant qu’il n’y avait aucune difficulté sérieuse et pouvait donc les interpréter, mais plus maintenant pour réduire les conflits avec la CJUE.

D-L’Autorité du Juge Administratif sur le Pouvoir Judiciaire

La question de l’autorité des décisions du juge administratif sur le pouvoir judiciaire ne trouve à se poser quand dans l’hypothèse où le juge judiciaire doit, pour résoudre un litige relevant de sa compétence, interpréter un acte administratif ou statuer sur la légalité de ce dernier. Que se passe-t-il quand cette interprétation de l’acte administratif dans un litige civil pose problème.

En principe, le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires entraîne l’incompétence du juge judiciaire pour statuer sur une question qui relève du droit administratif. Normalement, le juge judiciaire devra surseoir à statuer et poser une question préjudicielle au juge administratif.

1-Le Juge Civil

L’arrêt de principe en la matière est un arrêt du Tribunal des Conflits du 16 juin 1923 (arrêt Septfonds). Règle 1 : Le juge civil est compétent pour interpréter les règlements administratifs pour éviter une multiplication à l’infini des questions préjudicielles. Règle 2 : Le juge civil n’est pas compétent pour interpréter un acte administratif non règlementaire quand il y a une difficulté sérieuse. Les actes règlementaires sont des actes généraux et impersonnels, s’appliquent à toutes les personnes impliquées dans une situation déterminée. L’acte non règlementaire désigne nommément la personne ou le groupe de personne auquel il s’applique. Règle 3 : Le juge civil n’est pas compétent pour apprécier la régularité d’un acte administratif quel qu’il soit en raison d’une difficulté sérieuse. Le juge civil n’est compétent lorsque la question posée est une question d’interprétation d’un règlement ou lorsqu’il n’y a pas de difficulté sérieuse.

2-Le Juge Pénal

(article 111-5 du code pénal). Cet article donne plénitude de compétence au juge pénal pour apprécier et interpréter un acte administratif règlementaire ou non du moment que de cet examen dépend la solution du procès pénal qui lui est soumis.

II-L’Autorité de la Chose Jugée sur le Juge Administratif

Cette question est très complexe, mais il y a trois exemples : la chose jugée par le CC, la chose jugée par la CJUE et la chose jugée par la CEDH.

A-La Chose Jugée par le CC

Quand le CC censure une loi, cette loi ne peut pas être mise en application. Selon l’article 62 de la Constitution, Le juge administratif ne pourra donc pas faire application d’une loi

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censurée, que ce soit à la suite du contrôle à priori ou à posteriori. Cependant, un problème de taille apparaît lorsqu’il s’agit de déterminer si l’autorité de la chose jugée s’étend au motif qui soutend la décision du CC, et notamment si elle s’étend à l’interprétation que le juge constitutionnel donne des dispositions constitutionnelles. En effet, le juge administratif peut très bien être amené à interpréter la Constitution lorsque la loi ne fait pas écran. Un risque de conflit apparaît alors entre le juge administratif et le juge constitutionnel. Si l’on juge que l’interprétation du CC a une autorité relative, elle ne vaudra que pour le litige sur lequel le CC s’est prononcé. Si l’on juge que l’interprétation a une autorité absolue, elle s’imposera pour tous les litiges ultérieurs qui nécessitent l’application de la disposition constitutionnelle. L’autorité de la chose jugée s’étend aux motifs de la décision ; le juge administratif devra obligatoirement interpréter les lois ou les traités internationaux en faisant application de la jurisprudence du CC. Lorsque le juge administratif rencontre la même loi, il doit appliquer la jurisprudence du CC.

Si l’on juge que l’interprétation du CC a une autorité relative, elle ne vaudra que pour le litige sur lequel le CC s’est prononcé. Si l’on juge que l’interprétation du CC a une autorité absolue, elle vaudra pour l’ensemble des litiges ultérieurs qui nécessiteront la mise en œuvre de la disposition interprétée du CC. Pour le CC, la chose est entendue. Dans une décision 62-18L du 16 janvier 1962 (Loi d’orientation agricole), le juge constitutionnel considère que l’autorité de ses décisions s’étend aux motifs de celle-ci, motifs qui pour le CC « en sont le soutien nécessaire et en constitue le fondement même ». le juge administratif n’est pas en accord dans cette jurisprudence (CE Ass., 20 décembre 1985, SA Etablissement Outters et CE Ass., 11 mars 1994, SA La Cinq) ; par conséquent, le CE sera libre d’interpréter comme il l’entend les dispositions constitutionnelles lorsqu’il en fera application pour un texte sur lequel le CC ne s’est pas prononcé.

B-La Chose Jugée par le CJUE et par la C€DH

Le juge administratif, s’il a pu être très réticent à l’égard de certaines jurisprudences européennes, tend de plus en plus à en faire application, mouvement qu’il est convenu d’appeler « mouvement de dialogue des juges », ceci pour éviter les solutions de conflits qui peuvent aboutir à l’engagement de la responsabilité de la France.

Section 2 : L’Autorité du Juge Administratif sur les Autorités Administratives Direct

L’autorité de la chose jugée sur les autorités administratives s’entend de son dispositif comme de ses motifs. Elle impose l’exécution de la chose jugée dans un délai raisonnable. L’article L911-1 du code de justice administrative autorise le juge administratif à prononcer des injonctions afin de faire exécuter la chose jugée. Le prononcé d’une injonction peut être assorti d’une astreinte (art L911-3 du CJA).

Par ailleurs, en dehors même du prononcé d’une injonction, l’article L911-5 prévoit qu’en cas d’inexécution d’une décision rendue par une juridiction administrative, le CE peut, même d’office, prononcer une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. Les TA et les CAA peuvent aussi prononcer une astreinte, mais pas d’office ; cela veut dire qu’ils devront être saisis d’une demande en ce sens, soit à la suite d’une décision explicite de refus d’exécuter de

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la part de l’autorité administrative, soit après l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Enfin, le défenseur des Droits, c'est-à-dire ancien Médiateur de la République, peut être saisi du refus par l’administration d’exécuter une décision juridictionnelle. Ce dernier, si la décision est passée en force de chose jugée, c'est-à-dire si aucun recours au fond n’est possible à son encontre, peut enjoindre l’administration de s’y conformer ; en cas d’inexécution, ce refus fera l’objet d’un rapport publié au J.O.

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Chapitre 2 : L’autorité du Pouvoir Constituant

L’autorité du Pouvoir constituant est absolue.

Section 1 : L’Autorité du Pouvoir Constituant sur les Conventions Internationales

I-La Constitution et les Engagements Internationaux de la France

A-Les Engagements Internationaux Classiques

La place constitutionnelle des engagements internationaux est, dans l’ordre juridique interne, subordonnée. Cette place constitutionnelle est définie par les articles 54 et 55 de la Constitution.

En vertu de l’article 54 de la Constitution, un engagement international ne peut entrer en vigueur dans l’hypothèse d’une contrariété avec la Constitution qui aurait été décelée par le CC, saisi avant ratification par les autorités classiques de saisine. Si le CC s’oppose, la ratification ne peut pas avoir lieu (ex 1992 : traité de Maastricht, Décision 92-308DC du 9 avril 1992, dite Maastricht 1). Cela suppose par conséquent la supériorité de l’ordre interne de la Constitution sur les traités. Le moyen de palier la censure du CC est de réviser la Constitution.

Ces deux articles peuvent paraître en contradiction avec, d’un côté, l’alinéa 14 du préambule de 1946, et d’un autre côté, du principe « Pacte Sunt Servanda », dégagé par le CC dans la décision dite Maastricht 1.

La position du CE est double lorsqu’un traité peut paraître en opposition avec la Constitution. La solution se trouve dans les arrêts Sarran (20 octobre 1998, CE Ass.) et Koné (3 juillet 1996, CE Ass.). Dans l’arrêt Sarran, le juge dit qu’il n’est pas compétent pour juger la conformité des traités à la Constitution, mais le CE modifie le sens du texte par son interprétation. Dans l’ordre juridique international, la France doit respecter les traités internationaux ; si elle ne le fait pas, la responsabilité internationale de l’Etat pourra être engagée. En reconnaissant une distinction entre ordre juridique interne et international, l’arrêt Sarran reconnaît la dualité des ordres juridiques. Donc il est favorable à une interprétation du droit international qui se conforme à un système appelé système dualiste (existence d’une pluralité d’ordre juridiques ne s’appliquant pas tous au même moment et aux mêmes personnes), par rapport au système moniste. Par exemple, le droit anglais ne reconnaît pas l’ordre juridique international ; cela veut dire que, pour qu’une règle du droit international s’applique, celle-ci doit être reprise dans une loi britannique.

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B-Le Droit Européen

Pour le droit européen, il faut distinguer entre les dispositions du droit originaire et les dispositions du droit dérivé. La place constitutionnelle du droit originaire est rattachable aux dispositions qui régissent les engagements internationaux classiques (Cf. A), mais au sein de la Constitution, le titre XV lui est spécialement réservé, et en premier lieu, l‘article 88-1 qui fonde le principe de primauté.

1-Le Droit Européen Originaire et la Constitution

a-Le Problème de la Souveraineté

l’intégration européenne entraîne des transferts de compétence, des transferts de souveraineté des Etats membres vers l’institution européenne. Les compétences sont multiples, mais en premier lieu, et c’était le cas avec le Traité de Maastricht, le transfert de la compétence monétaire provient du droit régalien de battre la monnaie. Or il existe des dispositions constitutionnelles qui reconnaissent la souveraineté de la Nation. Outre la déclaration de 1789, il y a l’article 3 de la Constitution. Or la souveraineté est en application des théories politiques européennes et cette souveraineté est indivisible, inaliénable et infinie. Par principe, on ne peut donc pas diviser la souveraineté pour la transférer à autrui ; on ne peut pas la réduire ou la limiter. La possession de la souveraineté ne s’achève jamais ; on doit cette théorie à Jean Bodin et Thomas Hobbes. L’autorité souveraine possède le pouvoir d’imposer ses décisions, pouvoir qui est illimité ; donc la théorie de la souveraineté a été reprise à la Révolution, les révolutionnaires inspirés par Rousseau qui transfèrent la souveraineté du roi à la Nation. Le principe démocratique voulant que la Nation soit seule souveraine, parce que la Nation s’exprime par le peuple et ses représentants.

Le rôle du pouvoir souverain c’est en premier lieu d’établir l’Etat, et donc la Constitution, et en second lieu de prendre les lois qui vont s’imposer aux citoyens. Prévoir un transfert de souveraineté, s’est être en contradiction avec l’existence constitutionnelle d’une souveraineté nationale. Le CC dit ceci dans la décision Maastricht 1 ; le traité de Maastricht opère de tels transferts de compétences qu’il contrevient directement aux principes constitutionnels de souveraineté ; le traité est inconstitutionnel, et ne peut donc pas être ratifié. Pourtant il a été ratifié ; la parade a été de réviser la Constitution pour intégrer en son titre XV les passages du Traité de Maastricht incriminé, pour en faire des principes constitutionnels au même titre que la souveraineté.

Certains auteurs se sont élevés contre cette technique, et en premier lieu le professeur Olivier Beaud (Paris II), qui considère qu’un tel mécanisme est très contestable parce que pour lui, le pouvoir souverain est antérieur à la Constitution. C’est le peuple qui fait la Constitution. Donc la Constitution elle-même ne peut pas prévoir de limiter le pouvoir de ce qui en est à l’origine. La position du CC est autre ; le juge constitutionnel considère qu’il n’y a pas de hiérarchie entre les principes constitutionnels ; il ne connaît que les règles qui figurent dans la Constitution formellement entendue, par conséquent il y a d’un côté

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constitutionnel de souveraineté et de l’autre un principe de primauté du droit européen qu’il faut appliquer (décision 92-312Dc, 2 septembre 1999, Maastricht 2).

b-Les Révisions Constitutionnelles

La ratification des différents traités européens, hormis celui de Lisbonne, ont entraîné des révisions constitutionnelles.

2-Le Droit Européen Dérivé

Quand une disposition de droit européen dérivé est contraire à la Constitution, il faut revenir aux décisions du CC et du CE en la matière. Pour le CC, la décision Droits d’Auteurs, qui fait références aux dispositions inhérentes à l’identité constitutionnelle de la France qui limite les directives, et pour le CE, à la décision Arcelor.

II-L’Invocabilité de la Constitution à l’Encontre du Droit International et Européen

L’invocabilité est la possibilité d’invoquer une norme devant le juge. Une norme est invocable si le juge est compétent pour en contrôler l’application. L’absence d’invocabilité ne veut pas dire l’absence d’opposabilité de la norme. Une norme s’applique, s’impose même en l’absence de juge.

A-Le Droit International

1-L’Article 54 de la Constitution

Il s’agit de l’article en rapport avec la saisine du CC par rapport à la contrariété d’un traité à la Constitution. Le juge constitutionnel est sais avant la ratification du traité par la loi par rapport à la Constitution ; c’est le seul moyen. Le juge administratif a récemment refusé de juger de la contrariété entre le traité et la Constitution (CE Ass., 9 juillet 2010, Fédération Nationale de Libre Pensée).

2-La Jurisprudence IVG du CC

La jurisprudence IVG conclut à la non invocabilité devant le CC de la conformité à la Constitution d’une loi qui ne respecte pas un traité international. Le CC a disposé qu’il n’avait pas à statuer en dehors de l’article 54 de la Constitution, et tout particulièrement sur la conformité des lois par rapport aux traités internationaux qui les mettent en œuvre.

3-Le Décret de Ratification ou de Publication

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Le CE, s’il se juge incompétent pour statuer sur la conformité d’un traité international à la Constitution, va se juger compétent pour statuer sur la régularité et la conformité à la Constitution des actes administratifs qui entourent le traité international et qui permettent son entrée en vigueur. C’est le cas des décrets de ratification et de publication, qui ne sont pas partie du traité international ; ce sont des actes de droit interne qui vont permettre l’entrée en vigueur en droit interne du traité.

(CE, 28 avril 2004, Commune de Chamonix) Le CE peut censurer un décret qui porte publication d’un accord international si ce décret est lui-même grève d’un vice propre.

(CE Ass., 18 décembre 1998, SARL du Parc d’Activité de Blotzheim) ; en vertu de cette solution, le juge administratif peut annuler le décret de publication d’une convention international qui aura été irrégulièrement ratifiée ou approuvée, et en particulier si une loi autorisant la ratification n’a pas été adoptée alors qu’elle était nécessaire en vertu de l’article 53 de la Constitution.

(CE Ass., 5 mars 2003, M. Aggoun) en vertu de cette arrêt, il appartient au juge administratif, saisi d’un moyen en ce sens, de s’assurer qu’un traité ou un accord a été régulièrement ratifié ou approuvé, non seulement lorsqu’un tel moyen est invoqué à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir directement formé à l’encontre du décret de publication en lui-même, mais aussi par voie d’exception à l’occasion d’un litige qui va mettre en cause l’application de cet engagement international.

La signature et la décision de signer un traité international est un acte de Gouvernement. L’article 53 de la Constitution prévoit que la ratification des traités internationaux qui interviennent dans un domaine législatif ou dans des matières que l’article 53 énumère, doit être approuvée par le législateur. En dehors de ce domaine là, un décret de ratification suffit. Enfin, pour entrer dans l’ordre juridique interne, le traité doit être publié et la publication se fait en vertu d’un décret de publication. Certains de ces actes sont administratifs ; ce sont les décrets de ratification et de publication, tous deux susceptibles de recours.

Un particulier qui souhaite contester un engagement international n’a pas d’autre solution que d’invoquer la Constitution ; en effet, dans son arrêt Commune de Porte du 8 juillet 2002, le CE refusait de contrôler la compatibilité des conventions internationales les unes avec les autres. Le seul moyen pour empêcher l’entrée en vigueur du traité est de contester les conditions formelles de son entrée en vigueur en droit interne. On peut alors attaquer le décret de ratification ou le décret de publication. Il est invocable à leur encontre les dispositions constitutionnelles qui encadrent les conditions de leur émission ; soit elles ne sont pas prises par la personne compétente, ou alors un décret a été pris à la place d’une loi de ratification (arrêt Blotzheim)… L’apport de l’arrêt Aggoun est d’étendre la possibilité de contester les décrets de publication et de ratification à tous les litiges dans lesquels on fait application du traité international. On exerce alors un recours par voie d’exception. Cette position a été rappelée par le CE dans l’arrêt Fédération Nationale de la Libre Pensée.

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4-La Condition de Réciprocité

Pour qu’un traité international soit invocable en droit interne, il est nécessaire qu’il soit appliqué réciproquement par l’autre partie. Dans deux arrêts Rekhou (CE Ass., 29 mai 1981) et Chevrol-Benkeddach (Ce Ass., 9 avril 1999), le CE refusait de contrôler l’existence de la condition de réciprocité. Pour ce faire, il renvoyait au ministre des affaires étrangères afin que celui-ci statue sur cette question. L’Etat français a été sur ce point condamné par la CeDH dans un arrêt Chevrol du 13 février 2003. Depuis une arrêt (CE Sect., 9 juillet 2010, Cheriet), le Ce se reconnaît compétent pour reconnaître l’existence de cette réciprocité après avoir reçu les observations des parties, de l’Etat et du ministre des affaires étrangères.

B-Le Droit Européen

Peut-on invoquer la Constitution à l’encontre du droit européen ?

1-Le Droit Originaire

Pour le droit originaire, on applique les mêmes règles que celles appliquées au droit international. Il existe cependant une différence : à l’égard du droit européen, la condition de réciprocité ne s’applique pas. (CE Ass., 21 décembre 1990, Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques). Cet arrêt nous dit que la condition de réciprocité n’a pas la même portée pour un traité qui prévoit entre deux parties des obligations précises de caractère synallagmatique, que pour une convention par laquelle de nombreux Etats affirment leur attachement à des principes fondamentaux.

2-Le Droit Dérivé

a-Devant le CC

on peut invoquer la contrariété de la loi de transposition d’une directive européenne par rapport à la Constitution si et seulement si cette directive porte atteinte à l’identité constitutionnelle de la France (Jurisprudence Droits d’Auteurs).

b-Devant le CE

c’est la jurisprudence Arcelor qui s’applique à l’occasion du contrôle d’un règlement de transposition et à la condition essentielle que la loi ne fasse pas écran.

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Section 2 : L’Autorité de la Constitution sur la Loi

(Cf. Droit Constitutionnel)

Section 3 : L’Autorité de la Constitution sur les Actes Administratifs

Cette question pose le problème de l’invocabilité de la Constitution à l’encontre d’un acte administratif. Cela dépend de la question de la loi écran (Cf. Loi Ecran)

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Chapitre 3 : L’Autorité des Engagements Internationaux et du Droit Européen

Il doit s’apprécier à l’égard des autorités inférieures qui sont l’autorité administrative et l’autorité législative.

Section 1 : L’Autorité des Engagements Internationaux et du Droit Européen à L’Egard de la Loi

I-L’Autorité des Engagements Internationaux Proprement Dit

Elle est régie par l’article 55 de la Constitution : « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité de son application par l’autre partie » ; ce sont les conditions de la supériorité de la norme internationale. Il faut qu’il y ait ratification ou approbation, publication et application réciproque.La reconnaissance de la supériorité des engagements internationaux sur la loi prend source dans cet article 55 de la Constitution. Cela ne signifie pourtant pas que le droit international a toujours été invocable par un particulier à l’encontre du législateur. Il faut bien distinguer la question de la supériorité et de l’invocabilité des normes. S’agissant des engagements internationaux, le CE a, dans un premier temps, limité l’invocabilité des engagements internationaux à l’encontre des lois qui leur étaient antérieures. En revanche, il a longtemps refusé l’invocabilité des engagements internationaux à l’encontre des lois qui leur étaient postérieures. L’explication de la première solution est évidente : cela signifie que l’Etat français s’est engagé à ne plus faire application des lois antérieures non-conformes au traité international. La question est plus délicate pour les lois votées et promulguées postérieurement au traité (art 6 DDHC + art 3 Constitution) : le législateur a alors souhaité que l’Etat viole cet engagement international. La question se pose de la possibilité pour le législateur de revenir sur un traité international. On se pose alors la question de celui qui a la solution à la question de l’invocabilité du traité international à l’encontre de la loi postérieure ; le législateur est tenu de respecter les engagements internationaux (obligation constitutionnelle, qui figure à l’art 55 de la Constitution, aussi rattaché à l’alinéa 14 du Préambule). La première réaction serait de s’adresser au juge de la loi qui est le juge constitutionnel, devant lequel se poserait la question de la conformité de la loi face au traité international ; la motivation serait que la loi qui vient d’être votée n’est pas conforme au traité international donc cette loi est contraire à l’article 55 de la Constitution. Cette décision aurait pour conséquence de faire du juge constitutionnel un juge de conventionalité de la loi or le juge constitutionnel a refusé que puisse être invoqué devant lui la conformité d’une loi à une convention internationale au motif que cette loi serait contraire à l’article 55 de la Constitution, et le CC le fait dans une décision 74-54DC du 15 janvier 1975 (décision IVG). Pour le CC, il n’est pas possible de poser l’affirmation selon laquelle une loi contraire à un traité est systématiquement contraire à l’article 55 de la Constitution, notamment parce que l’application des conventions internationales a un caractère relatif et contingent, c'est-à-dire

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qu’il va notamment dépendre de l’application du traité par l’autre partie. Donc le contrôle de conventionalité des lois nécessite des appréciations concrètes qui ne peuvent pas être mises en œuvre par le juge constitutionnel donc le contrôle reste abstrait parce qu’à priori. Même si les membres du CC ont dit qu’il ne le ferait pas, on peut se demander si à l’avenir le juge constitutionnel franchirait le pas en se reconnaissant compétent.La seconde réaction serait de s’adresser au juge administratif, qui ne peut pas être saisi directement de l’inconventionalité d’une loi, puisqu’il n’est pas le juge directement de la loi. En revanche, il peut être saisi de la conventionalité d’une loi à l’occasion du contrôle d’un acte administratif qui fait application de cette loi (contrôle par voie d’exception). Le CE, avant comme après la décision IVG, s’est longtemps reconnu incompétent pour contrôler la conventionalité des lois. L’arrêt de principe en la matière (Ce, 1er mars 1968, Syndicat des Fabricants de Semoule de France), qui dit que les traités ne sont pas invocables à l’encontre d’une loi lors d’un contrôle d’un acte administratif par voie d’exception. La Cour de Cassation s’est soumise au juge constitutionnel dans un arrêt du 25 mai 1975 (Société des Cafés Jacques Vabre), où elle a accepté alors que les traités internationaux puissent être invoqués à l’encontre d’une loi dont elle avait à faire application. C’est une solution préjudiciable dû au dualisme des juridictions. La situation a été unifiée par le CE (CE Ass., 20 octobre 1989, Nicolo).

II-L’Autorité des Engagements Internationaux par Rapport aux Actes Administratifs

Les actes administratifs doivent respecter les engagements internationaux et ceux-ci sont donc directement invocables à l’encontre des actes administratifs. Simplement, pour qu’un administré puisse invoquer un engagement international, il faut que celui-ci respecte les conditions de l’article 55 de la Constitution, mais il faut en outre que les conventions internationales aient un effet direct à l’encontre des administrés. En effet, les conventions internationales ne créent de relations en principe qu’entre les Etats ; seuls les Etats sont sujets de droit international. Pour que la convention internationale soit invocable à l’encontre d’un acte administratif, il faut que la convention internationale ait créé des droits subjectifs pour les administrés. Ce n’est que si des droits subjectifs ont été créés que la convention internationale pourra être invoquée à l’encontre d’un acte administratif (conclusions Ronny Abraham, CE Sect., 23 avril 1997, GISTI). Dans l’hypothèse où la convention internationale ne crée pas de droits subjectifs pour les administrés, où elle ne traite que des relations entre Etats, cette convention ne peut pas être invoquée à l’encontre d’un acte administratif.

Section 2 : L’Autorité du Droit Européen

I-L’Autorité du Droit Européen par Rapport à la Loi

A-L’Autorité du Droit Originaire par Rapport à la Loi

Les règles relatives au droit originaire sont identiques aux règles relatives au droit international. Ainsi, depuis la jurisprudence Nicolo, les traités européens sont invocables à l’encontre de la loi devant le juge administratif, et le sont devant la Cour de Cassation depuis l’arrêt Jacques Vabre. En matière de traités européens, qui sont multilatéraux, la condition de

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réciprocité ne fonctionne pas ; le traité organise lui-même les conditions de résolution et de sanctions des manquements par l’un ou l’autre des Etats parties aux stipulations du traité.

B-L’Autorité du Droit Dérivé par Rapport à la Loi

Depuis l’arrêt d’assemblée du 28 février 1990 (Boisdet), les règlements communautaires sont invocables à l’encontre des lois devant le juge administratif. S’agissant des directives, elles sont elles-aussi invocables devant le CE depuis l’arrêt SA Rothmans International France (CE Ass., 28 février 1992), à l’occasion d’un litige administratif. Le principe qui est appliqué ici est le principe de primauté du droit européen sur le droit national si bien qu’il existe un conflit ou une complémentarité des sources de la supériorité des traités et du droit dérivé européen sur la loi. Cette supériorité peut prendre sa source dans l’article 55 de la Constitution, mais elle peut aussi prendre sa source dans l’article 88-1 de cette même Constitution.

II-L’Autorité du Droit Européen sur les Actes Administratifs

Cette question se pose lorsqu’un acte administratif fait application directe d’une norme de droit européen sans passer par l’intermédiaire d’une loi si bien que se pose ici la question de la supériorité du droit européen sur les actes administratifs.

A-Les Traités de Droit Originaire

Cette supériorité s’applique toujours sans restriction (CE, 30 décembre 1998, SA Fromagerie Philipona).

B-L’Autorité du Droit Dérivé à l’Egard des Actes Administratifs

Le droit dérivé est constitué d’une part de règlements, et d’autre part de directives. S’agissant des règlements, ils ont en application du droit européen pour nature d’être directement applicables dans tous leurs éléments et doivent, par conséquent, être respectés par les Etats dans toutes leurs dispositions. A leur égard, il n’y a pas de difficultés : ils peuvent être invoqués par les particuliers.La question est plus délicate s’agissant des directives européennes. Les directives européennes, à l’inverse des règlements, sont des actes des institutions européennes qui vont s’imposer aux Etats, non pas dans leur matière même mais dans leurs objectifs ; les Etats vont donc devoir assurer la transposition des directives par les lois ou par les actes administratifs. Mais, cette transposition est enfermée dans un certain délai, dit délai de transposition, au terme duquel la directive doit être transposée sous forme de loi ou de règlement. La question essentielle est celle de savoir si un administré va pouvoir invoquer le non respect d’une directive par un acte administratif. On sait que, par voie d’exception, cet administré peut invoquer la contrariété d’une loi avec la directive parce que la directive soumet le législateur. Ici, il est question de savoir si l’administré peut invoquer la contrariété d’un acte qui contrevient directement à la directive sans la médiation de la loi. Admettre cela est admettre que les directives peuvent être d’applicabilité directe, c'est-à-dire qu’elles peuvent directement s’appliquer aux administrés qui peuvent les invoquer devant le juge administratif. Or, le principe est qu’elles ne sont pas d’applicabilité directe puisqu’elles nécessitent une

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disposition. Il faut donc distinguer la phase de transposition de la directive par une norme de droit interne et la phase de l’application de la norme de droit interne aux administrés, phases qui se font en un certain délai. Il va y avoir un conflit entre les institutions de droit européen et de droit national qui va porter sur la question de l’effet direct de ces directives sur les administrés.Pour la CJUE, dans son arrêt du 4 décembre 1974 (arrêt Van Duyn), les directives doivent être transposées en droit interne à l’issue du délai de transposition ; si elles ne sont pas transposées à l’issue du délai, la CJUE considèrent qu’elles ont un effet direct à partir du jour où elles ne sont pas transposées au terme du délai, et donc s’imposer en tant que tel à l’administration et aux administrés, qui vont alors pouvoir les invoquer. Seulement, la mise en œuvre d’un tel principe peut paraître complexe : en effet, les directives, à la différence des règlements, ne contraignent les Etats que pour des objectifs à atteindre. Donc imposer l’application de ces directives sans transposition serait imposer des objectifs vagues et peu précis. La CJUE a donc limité l’effet direct des directives sur les administrés ; elle a conditionné cet effet direct aux directives qui sont à la fois inconditionnelles et suffisamment précises, parce qu’une directive conditionnelle laisse une alternative et donc son application peut détendre de la situation de l’Etat et si elle est trop vague, son contenu applicable sera peu précis. Le CE a rejeté dans un premier temps la position de la CJUE dans un arrêt de principe (CE Ass., 22 décembre 1978, Cohn-Bendit), qui se fonde sur les dispositions alors celles de l’article 189 du traité de Rome, qui stipulent que « les directives ne lient les Etats membres que dans les objectifs à atteindre ; elles ne peuvent donc pas s’appliquer tel quel aux administrés ». Le CE a donc longtemps refusé l’effet direct de ces directives, y compris lorsque celle-ci est suffisamment précise et inconditionnelle. Donc en toute hypothèse, avec la jurisprudence Cohn-Bendit, les directives ne peuvent jamais se substituer au droit français et aux actes de l’administration. A cette jurisprudence, il faut noter deux nuances : -La première est que le juge administratif a toujours admis l’invocabilité d’interprétation, qui permet d’utiliser une directive pour interpréter d’autres normes à sa lumière, dont les actes administratifs (CE Sect., 22 décembre 1989, Cercle Militaire Mixte de la caserne Mortier). -La seconde est que le CE a admis qu’un particulier pouvait invoquer une directive à l’encontre d’un règlement (CE, 7 décembre 1984, Fédération Française des Sociétés de Protection de la Nature. CE Sect., 3 mars 1999, Association Ornithologique et Mammalogique de Saône et Loire) ; pour le CE, le règlement (général et impersonnel) est alors assimilé à une loi et la directive européenne est alors invocable à son encontre comme elle est invocable à l’encontre des lois. Le CE a même posé le principe selon lequel le pouvoir règlementaire avait l’obligation de ne pas prendre des mesures d’exécution d’une loi qui seraient contraires à une directive (CE Ass., 3 février 1989, Alitalia). En revanche, l’absence d’effet direct des directives exclue la possibilité de les invoquer à l’appui d’un recours contre un acte individuel et non pas règlementaire.Le juge administratif prend deux types d’actes : les actes règlementaires (règlementation d’une situation. Matériellement le même objet que la loi : régir une situation déterminée) mais aussi les actes individuels (touche une personne ou un groupe de personne nommément désigné. Concerne la personne seule). L’acte individuel ici, va ou doit, appliquer ou respecter les objectifs de la directive à une situation particulière d’un administré. Dans un premier temps, le CE a refusé que l’administré puisse invoquer la directive à l’encontre de l’acte individuel (effet direct sur l’administré) (CE Ass., 22 décembre 1978, Cohn-Bendit). Le CE avait adapté cette jurisprudence dans un arrêt d’assemblée du 6 février 1998 (Tête) ; pour le

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CE, la directive redevient invocable lorsqu’elle va toucher une situation qui n’est pas régie par une règle écrite de droit interne. Dans cette hypothèse, le particulier va pouvoir invoquer l’incompatibilité du droit interne dans son insuffisance ou dans son incomplétude par rapport aux directives européennes. Récemment, le CE est revenu sur sa jurisprudence en reconnaissant dans un arrêt (CE Ass., 30 octobre 2009, Mme Perreux), les directives sont invocables lorsqu’elles sont suffisamment précises et inconditionnelles.

Section 3 : Le Cas de la Coutume Internationale

Dans un arrêt d’assemblée du 6 juin 1997 (Aquarone), le CE a reconnu l’applicabilité de la coutume internationale en droit français. Donc la coutume est invocable par un particulier. Cependant, un particulier ne pourra invoquer une coutume que si elle lui confère des droits et si elle est suffisamment précise. Par ailleurs, pour la jurisprudence administrative, si l’alinéa 14 du Préambule de la Constitution n’est pas nécessairement dépourvu de portée juridique en droit interne, il ne saurait avoir pour effet de conférer aux règles coutumières une autorité supérieure à la loi ; la coutume est donc applicable mais le CE refuse d’écarter la loi lorsque celle-ci y est contraire. Des principes identiques s’appliquent aux principes généraux du droit international (CE Sect., 23 octobre 1987, Société Nachfolger Navigation Compagnie).

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Chapitre 4 : L’Autorité de la Loi et du Règlement

Ce sont deux normes dont l’autorité à été réduite avec le temps.

Section 1 : L’Autorité de la Loi

Elle est conditionnée. En effet, la loi est l’expression de la volonté générale, du peuple souverain ; elle ne saurait être limitée. Mais l’autorité de la loi est subordonnée au respect de la Constitution, et le développement du contrôle de constitutionnalité et l’extension des normes de référence de ce contrôle (règles de ma DDHC et Préambule de 1946), ont eu pour conséquences de subordonner la loi à la Constitution. Le CC a dit que « la loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution ». il y a donc une dégradation de l’autorité législative, qui s’est accrue chronologiquement avec le développement du contrôle de conventionalité, l’extension du droit européen, l’application du principe de primauté et finalement le développement de la QPC (article 66-1 de la Constitution).Néanmoins, la loi, si elle respecte la Constitution et les Conventions Internationales, conserve sont autorité. L’autorité de la loi s’impose aux administrés comme à l’administration. L’article 21 dispose que « le premier ministre assure l’exécution de la loi » ; cette exécution doit être assurée dans un délai raisonnable, sinon le juge administratif peut prononcer une injonction à l’administration en lui imposant d’appliquer la loi (CE, 19 mai 2006, Syndicat National des Ostéopathes de France). En cas de retard dans l’exécution de la loi, si ce retard est préjudiciable à l’administré, il pourra engager la responsabilité de l’administration (Ce, 27 novembre 1964, Veuve Renard. CE, 30 décembre 2009, Département Seine St Denis).Il y a cependant une limite à l’autorité de la loi : il faut que la loi soit dotée d’une portée normative, et il est souvent de mauvaise habitude pour le législateur de prendre des lois à des fins politiques, dans lequel il va considérer des déclarations d’intention. Dans ces cas là, le CC censure les dispositions non normatives (décision 2004-500DC du 29 juillet 2004).

Section 2 : L’Autorité du Règlement

C’est l’acte administratif subordonné par essence, il s’impose aux administrés mais aussi à l’administration elle-même (modifier la règlementation si elle veut en sortir). Cela garantit la certitude pour les administrés du droit qui va leur être applicable (protection). Les actes individuels doivent donc respecter les actes règlementaires que l’administration a édictés.

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Titre 2 : Le Contenu des Contraintes Normatives

Chapitre 1 : Le Contenu Matériel de la Source Constitutionnelle

Il s’agit de déterminer les normes constitutionnelles qui vont avoir l’autorité définie au Titre 1. Ces normes constitutionnelles se sont continuellement élargies, puisque, dans un premier temps, elle était limité au texte même de la Constitution, avant d’être étendue au préambule de celle-ci, puis à des principes jurisprudentiels établis par le juge et enfin à une Charte qui est elle-même adossée à la Constitution (cas de la Charte de l’Environnement).

Section 1 : Le Texte Constitutionnel

Jusqu’en 1971, l’autorité matérielle était limitée à la matière des articles même de la Constitution. Le CC refusait de considérer que le préambule de la Constitution ou un principe dont il aurait été l’auteur puisse être une norme de référence de son contrôle de constitutionnalité. Le CE a toujours eu des difficultés pour l’application de la Constitution, du fait de l’existence de la loi écran ; néanmoins, il a toujours fait application du texte même de la Constitution quand cela était possible.Ce texte constitutionnel n’offre que peu de marge de manœuvre au juge constitutionnel et administratif, puisqu’il est surtout consacré à l’organisation des rapports entre les pouvoirs publics ; peu concerne les droits des administrés. Seulement, il est important pour les quelques principes qu’il contient (liberté, égalité, protection de la liberté individuelle garantie par le juge judiciaire). Le texte constitutionnel est important parce qu’il organise la répartition des domaines de compétences entre pouvoir législatif et règlementaire ; il encadre le domaine d’action de l’autorité administrative. Le texte constitutionnel est important car il reconnaît le statut et les compétences des collectivités territoriales.

Section 2 : Le Préambule de la Constitution

Le CE s’est toujours servi du Préambule de la Constitution de 1958, et auparavant du Préambule de la Constitution de 1946 pour puiser l’inspiration lui permettant de dégager ses propres principes jurisprudentiels. Il a ainsi reconnu un principe fondamental reconnu par les lois de la République de liberté d’association par référence à de tels principes qui sont cités dans la Constitution de 1946 (CE Ass., 11 juillet 1956, Amicale des Annamites de Paris). De même, le CE a pu reconnaître le droit de grève par référence à ce principe contenu dans le Préambule (CE Ass., 7 juillet 1950, Dehaene).Le CC, quant à lui, a tardé à reconnaître une valeur juridique au Préambule de la Constitution. Il le fait pour la première fois dans la décision du 16 juillet 1971 (Liberté D’Association n°71-44DC) ; il reconnaît dans cette décision le PFRLR de la liberté d’association et il prend sa décision « vu la Constitution et notamment son préambule ». cette décision étend les normes

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de référence du contrôle de constitutionnalité au-delà du simple texte. Le contenu de la Constitution fait référence à des droits et principes que les administrés vont vouloir invoquer à l’encontre de l’administration. La Constitution limité au seul texte contient des règles relatives à l’organisation des pouvoirs publics ; le texte concerne donc peut l’administré directement. Le préambule et les principes qu’il contient vont permettre au CC de censurer le législateur sur le fondement des droits et libertés reconnus dans le Préambule. Le mouvement initié par le CE a été développé et amplifié par le CC ; en effet, le pouvoir d’action du CE était limité par la loi écran. Le CC vérifie que les lois qui vont s’imposer à l’administration respectent bien et le texte et le Préambule de la Constitution.Le Préambule de 1958 ne contient pas grand-chose ne lui-même, mais fait référence à deux textes qui contiennent beaucoup : la DDHC de 1789, et le Préambule de 1946. Le texte de 1789 est un texte d’inspiration libérale, rédigé par des révolutionnaires qui tentent à reconnaître la liberté des individus contre l’Etat. La Révolution étant menée par la bourgeoisie, le texte reconnaît aussi le droit de propriété. Liberté et propriété sont les éléments fondamentaux de la DDHC ; leur respect est assuré grâce à la reconnaissance du droit à la sûreté. On appelle ces droits allant contre l’Etat des « droits de… ». le Préambule de 1946 contient des droits économiques et sociaux qui vont reconnaître des droits à obtenir quelque chose pour les administrés (« droits à… »). A ces droits, il faut aussi ajouter la référence faite par le Préambule de 1946 aux Principes Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République. Ce sont des principes fondamentaux reconnus par une loi républicaine ; il faut qu’ils soient reconnus par un texte, donc écrits et non jurisprudentiels (dégagés par la jurisprudence qui fait référence à un texte), et il faut que le texte soit une loi de la République (peu nombreuses parce doivent être antérieures au Préambule de 1946 ; surtout la IIIe). Il y a la liberté d’association, l’indépendance du juge administratif, la liberté d’enseignement, l’indépendance des professeurs d’université, la compétence réservée aux juges administratifs (principes les plus essentiels). Le CE a lui-même dégagé un PFRLR (arrêt Koné).

Section 3 : Les Principes Constitutionnels Jurisprudentiels

Certains principes émanent de la jurisprudence alors même qu’ils ne figurent pas expressément dans le texte constitutionnel. La jurisprudence a alors un rôle créateur ; elle va ajouter au texte même de la Constitution. Le juge constitutionnel va ajouter à la Constitution, en dégageant des principes qui ne figurent pas explicitement dans le texte. Il va ainsi dégager des principes de valeur constitutionnelle, et on peut en identifier deux : le principe de continuité des services publics et le principe de dignité de la personne humaine. Le principe de continuité des services publics a été dégagé pour être le pendant du droit de grève reconnu dans le Préambule de 1946. Cette continuité peut néanmoins être rattachée, à la limite, au principe constitutionnel de continuité de l’Etat qui figure à l’article 5 de la Constitution, le PDR étant son garant. Par ailleurs, le juge constitutionnel va aussi dégager des Objectifs de Valeur Constitutionnelle, qui ne figurent pas explicitement dans le texte mais qui vont constituer autant de buts donnés au législateur, des objectifs vers lesquels le législateur va devoir se diriger mais qu’il n’a pas l’obligation d’atteindre. Il y a deux Objectifs : le droit à un logement décent et la préservation de l’Ordre Public. Lorsque le CC dégage l’objectif de valeur constitutionnelle du droit à un logement décent, il ne dégage pas un principe parce que si le juge constitutionnel dégageait un tel principe, il ferait obligation au législateur et à l’administration d’obtenir un résultat concret de logement pour tous, ce qui est

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une réalité très difficile à atteindre. Lorsqu’il impose cet objectif, il impose au législateur de tout mettre en œuvre pour atteindre cet objectif et de ne rien faire qui le dévierait de la voie de sa réalisation. L’OVC est en outre créé afin de concilier cet objectif avec un principe constitutionnel existant. Souvent, une nécessité sociale ne peut être atteinte parce qu’un principe constitutionnel d’application stricte s’y opposerait, comme ici le droit de propriété. C’est pourquoi on concilie le droit de propriété avec l’OVC du droi à un logement décent.

Section 4 : La Charte Constitutionnelle de l’Environnement

Cette Charte est entrée en vigueur le 1er mars 2005, et a été adossée par le constituant à la Constitution. Elle est un ensemble de droits et de devoirs qui vont s’imposer aux autorités législatives et administratives. Au titre de ces dispositions, on peut citer le principe de précaution (article 5), ou le principe d’information et de participation en matière environnementale (article 7). Le CE a reconnu la valeur constitutionnelle de l’ensemble de cette Charte dans un arrêt d’assemblée du 3 octobre 2008 (Commune d’Annecy). Nota bene : cette Charte de l’Environnement a posé des principes nouveaux inconciliables avec des lois adoptées antérieurement. Le CE a dans cet arrêt admis l’abrogation implicite des lois antérieures contraires à ces dispositions constitutionnelles. Le CE n’a pas fait application de lois considérées comme caduques depuis l’entrée en vigueur de la Charte, venant abroger les dispositions législatives antérieures.

En conclusion, il y a le texte même de la Constitution, qui concerne le droit administratif puisqu’il pose certains principes d’égalité, de liberté, notamment la liberté individuelle, mais aussi parce qu’il organise les compétences des pouvoirs publics (pouvoir d’Etat, des collectivités territoriales), ainsi qu’il organise les rapports hiérarchiques entre les sources de notre droit (ex : article 55). Sous l’effet conjugué du CE et du CC, une véritable valeur juridique a été donnée au Préambule de 1958 qui renvoie à la fois à la DDHC de 1789, qui pose les principes de liberté, de droits libéraux, mais aussi au Préambule de 1946, qui énumère un certain nombre de droits sociaux. Il faut aussi ajouter les PFRLR et l’ensemble des Principes jurisprudentiels. Avec la Charte de l’Environnement, il y a ce que l’on appelle le Bloc de Constitutionnalité, ou Norme de Référence du Contrôle de Constitutionnalité.

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Chapitre 2 : Les Sources Internationales et Européennes

Les sources internationales se retrouvent dans l’ensemble des Traités signés et ratifiés par la France. Il y a le Pacte International Relatif au Droit Civil et Politique (1966), et la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales.Pour le droit de l’UE, il y a le Traité de Lisbonne et les actes de droit dérivé.

Chapitre 3 : Les Normes Législatives et Règlementaires

Section 1 : Le Domaine de la Loi et du Règlement

Le pouvoir de faire la loi, qui appartient au législateur, qui est le pouvoir souverain par excellence, et le pouvoir de règlementer, qui appartient à l’autorité administrative, interviennent depuis la Constitution de 1958 dans des domaines distincts. Cette scission est le résultat du processus de rationalisation du parlementarisme voulu par le Général de Gaulle. En encadrant le Parlement, en limitant le domaine de la loi, on limite la capacité d’action du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif.Auparavant, sous la IIIe et Ive République, en application du principe fondateur qui figure à l’article 6 de la DDHC selon lequel la loi est l’expression de la volonté générale, il n’était pas question de limiter le domaine d’action du législateur souverain. Ainsi, le législateur intervenait dans les domaines qu’il souhaitait embrasser ; le pouvoir règlementaire n’agissait qu’à titre subsidiaire, soit parce que la loi n’était pas intervenue, soit pour appliquer la loi. Comme le législateur intervient dans quasiment tous les domaines, le pouvoir règlementaire restait subordonné à la loi, n’ayant aucun domaine d’intervention spécifique.Le constituant de 1958, en créant un domaine législatif circonscrit à certaines matières, crée parallèlement un domaine spécifique au pouvoir règlementaire, et par conséquent, un axe de liberté, d’autonomie pour l’autorité administrative, qui n’est plus subordonnée à la loi dans son domaine. La Constitution de 1958 établit ce que l’on appelle les règlements autonomes, par opposition des règlements d’application de la loi. Il existe en effet deux types de règlement : ceux qui interviennent dans le domaine mais après la loi pour la préciser (en définir les modalités d’application), et les règlements autonomes, qui ont un domaine propre dans lequel le législateur ne devrait pas pouvoir intervenir.

I-La Distinction des Deux Domaines

Ce sont les articles 34 et 37 de la Constitution qui distinguent le domaine législatif du domaine règlementaire. L’article 34 va délimiter strictement les domaines dans lequel le législateur peut intervenir ; l’ensemble des matières qui n’entrent pas dans le champ de l’article 34 entre dans le champ de l’article 37, et font donc partie du domaine règlementaire.

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A-L’Article 34

La loi fixe les règles, la loi détermine les principes fondamentaux. dans certains domaines, la loi fixe des règles devant être précises ; c’est le cas pour les droits civiques et les garanties fondamentales accordées au citoyen pour l’exercice des libertés publiques, pour la nationalité, l’état et la capacité des personnes, pour la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables, pour la création de catégories d’établissements publics, pour les nationalisations d’entreprises et les transferts de propriété d’entreprise du secteur public au privé. Dans d’autres secteurs, le législateur ne fait que déterminer des principes fondamentaux ; c’est le cas pour la libre administration des autorités locales, pour l’enseignement, pour le régime de la propriété, pour le régime des obligations civiles et commerciales ou encore pour le droit du travail. En dehors de ces domaines, le pouvoir règlementaire peut intervenir de manière autonome.

B-Le Règlement Autonome

En dehors des matières de l’article 34, l’article 37 a son propre domaine ; le règlement intervient donc sans loi. le règlement n’est alors soumis qu’à la Constitution, et donc le contrôle de constitutionnalité est en principe possible (pas de loi écran).

C-Le Règlement d’Application de la Loi

En vertu de l’article 21 de la Constitution, le Premier Ministre assure l’exécution des lois. Cela signifie que qu’il dispose du pouvoir règlementaire de mise en œuvre des textes législatifs ; le règlement peut donc intervenir dans le domaine de la loi (article 34), mais pour exécuter, mettre en œuvre. Il est donc totalement subordonné.

II-La Fin du Règlement Autonome

La distinction entre l’article 34 et 37 de la Constitution n’a pas suffit à enrayer l’expansion du domaine de la loi. D’abord, parce que la loi intervient dans les domaines les plus fondamentaux de la vie en société (droits et libertés, élections, droit fiscal…). Ensuite, parce que le législateur n’a pas respecté dans un premier temps la différence entre les domaines dans lesquels il fixe les principes et ceux dans lesquels il fixe les règles. Le législateur exerce sa compétence générale, et laisse donc peu de champ au pouvoir règlementaire. Enfin, parce que le législateur va empiéter délibérément sur le domaine règlementaire, et va agir dans des domaines habituellement régit par l’article 37, et va petit à petit intervenir dans l’ensemble des domaines régi par le droit ; le règlement est mécaniquement réduit à néant puisque si le législateur intervient, y compris dans son domaine, il doit respecter sa volonté et reste subordonné à la loi. Cette extension du domaine législatif a été rendue possible par l’insuffisance des sanctions de la délimitation.

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Section 2 : L’Insuffisance des Sanctions de la Délimitation

Le constituant a prévu des mécanismes qui permettent de protéger le pouvoir règlementaire contre l’empiètement du législateur, et le législateur contre des empiètements du pouvoir règlementaire.

I-L’Article 37 Alinéa 2 de la Constitution

L’article 37 alinéa 2 organise une procédure appelée Procédure de Délégalisation. En vertu de cette procédure, il est possible de transformer une matière dans laquelle la loi est intervenue en matière règlementaire, ceci afin de permettre au pouvoir règlementaire d’agir à nouveau dans ce domaine. Cette procédure se dédouble : -Pour les lois votées avant la Constitution de 1958, la Délégalisation peut être fait par simple décret pris après avis du CE.-Pour les lois votées postérieurement à la Constitution de 1958, et donc postérieure à la séparation entre les deux domaines, la Délégalisation fait intervenir le CC, afin que celui-ci constate que la loi est intervenue dans le domaine règlementaire, et autorise le Gouvernement à la modifier. Ce sont les décisions nommées L, en opposition aux décisions DC.

II-L’Article 41 de la Constitution

En vertu de l’article 41 de la Constitution, le Gouvernement, ou le Président de l’assemblée qui en est saisi, peut, au cours de la procédure législative, opposer une exception d’irrecevabilité à une proposition de loi ou à un amendement qui empiète sur son domaine, c'est-à-dire le domaine règlementaire. En cas de désaccord avec le Président de l’assemblée concernée, le CC est saisi et tranche.

III-L’Incompétence du Conseil Constitutionnel Saisi en Vertu de l’Article 61

Il existe, en théorie, un moyen supposé efficace d’interdire au législateur d’empiéter sur le domaine règlementaire. Si le législateur empiète sur le domaine règlementaire, il viole l’article 34 et 37 de la Constitution. Par conséquent, la loi est inconstitutionnelle. Saisi de cette inconstitutionnalité, le CC devrait censurée cette loi. Le CC se refuse pourtant à censurer les lois qui sont intervenues dans le domaine règlementaire (CC, décision 82-143DC du 30 juillet 1982, décision Blocage des Prix et des Revenus). Le juge constitutionnel considère que la Constitution offre au Gouvernement des moyens spécifiques de protection de son domaine. Le Gouvernement qui désire protéger son domaine d’action doit donc avoir recours soit à la procédure de Délégalisation soit à la procédure d’irrecevabilité ; il refuse donc de censurer. On voit donc ici que le législateur, s’il est soutenu par le Gouvernement, va pouvoir étendre son domaine et réduire à néant le domaine des règlements autonomes. Si le Gouvernement n’intervient pas pour délégaliser ou demander l’irrecevabilité, le domaine de la loi est illimité comme il l’était sous les IIIe et IVe Républiques.Cette frilosité s’oppose au caractère très rigoureux du contrôle de l’empiètement du pouvoir règlementaire sur le domaine législatif. En effet, le juge administratif censure tous les règlements qui interviendraient dans le domaine de la loi.

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Section 3 : Les Titulaires du Pouvoir Règlementaire

I-Le Pouvoir du Président de la République et du Premier Ministre

La compétence règlementaire est attribuée toute à la fois au sommet de l’Etat, au PDR et au Premier Ministre. Les actes règlementaires qui sont pris par ces deux autorités ont le même nom : il s’agit de décrets. D’ailleurs, tous leurs actes prennent ce nom de décret ; toutes les autres autorités administratives prennent des arrêtés, ou des délibérations si elles sont en formation collégiales.L’article 21 de la Constitution dispose que le Premier ministre exerce le pouvoir règlementaire sous réserve des dispositions de l’article 13, qui dispose que le PDR signe les décrets délibérés en Conseil des Ministres, et par conséquent les autres décrets au Premier Ministre. La première difficulté est de différencier les décrets pris en Conseil des Ministres et les autres non. Pour déterminer quels sont ceux délibérés en Conseil des Ministres, il y a soit un texte qui le prévoit (obligatoirement en Conseil), ou le PDR, par son autorité, qui impose cette délibération. Dans un premier temps, le CE (CE, 10 octobre 1987, Syndicat Autonome des Enseignants de Médecine) a limité le pouvoir règlementaire du PDR aux seuls décrets devant obligatoirement être signé en Conseil des Ministres (décision politique : cohabitation. Permet de partager le pouvoir entre PDR et premier ministre). Le CE va revenir sur cette jurisprudence (CE Ass., 10 septembre 1992, Meyet), qui dit que pour qu’un décret soit signé par le PDR, il faut simplement qu’il soit délibéré en Conseil des Ministres, même si cette délibération n’est que le résultat de la volonté du PDR. Une autre difficulté apparaît lorsque le PDR va signer des décrets qui n’ont pas été pris en Conseil des Ministres. Est-ce que la simple signature du PDR en fait des actes de celui-ci ? Pour le CE, le PDR intervient dans cette hypothèse en dehors du champ de l’article 13 de la Constitution, et intervient donc dans le domaine de compétence du premier ministre ; le CE considère alors que la signature du PDR est superfétatoire et même si l’acte est signé par le PDR, il n’en demeure pas moins un acte du Premier ministre (CE Ass., 27 avril 1962, Sicard). Il y a un parallélisme des formes et des compétences ; un acte du PDR ne peut être modifié ou abrogé que par un autre acte du PDR. Un acte du Premier Ministre ne peut être modifié ou abrogé par un autre de ses actes. Si la majorité du Gouvernement change et que la majorité présidentielle n’est plus présente, le nouveau Premier ministre ne peut pas modifier ou abroger les décrets de son prédécesseur. Ensuite, les actes du PDR et du Premier ministre doivent, pour être réguliers, être contresignés. Les actes du PDR doivent être contresignés par le Premier Ministre et par les ministres responsables du domaine concerné, c'est-à-dire les ministre auquel il incombe à titre principal la préparation et l’application des actes en cause (CE Sect., 10 juin 1966, Pelon). Les actes du Premier Ministre doivent simplement être contresignés par les ministres chargés de leur exécution (CE Ass., 27 avril 1962, Sicard). Ils sont titulaires du pouvoir règlementaire de principe.

II-Les Ministres

Les ministres ne disposent pas par principe du pouvoir règlementaire, qui est réservé au PDR et au Premier Ministre. Les ministres vont assurer l’exécution des lois et règlements en

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donnant des directives (non règlementaires) à leurs services. Les ministres, par les directives, vont orienter l’action de leurs services pour qu’ils mettent en application les lois et règlements. Les directives ne rajoutent pas aux textes, aux règlements, mais uniformisent l’action de l’ensemble des services du Ministère. C’est donc son moyen d’action privilégié.Cependant, par exception, les ministres se sont vus reconnaître par la jurisprudence un pouvoir règlementaire réduit aux mesures d’organisation générale de leurs services (CE Sect., 7 février 1936, Jamart, arrêt de principe). Le ministre peut prendre des règlements qui vont organiser l’activité interne du ministère. Ces règlements vont avoir pour destinataires les agents du service, en organisant leurs fonctions, et ce règlement va aussi pouvoir régir l’organisation du service par rapport aux usagers. Dans cette hypothèse, le ministre devra veiller à ne pas empiéter sur le pouvoir règlementaire général ; il devra veiller à se limiter à ce qui concerne l’organisation interne des services dont il a la charge.

III-Le Pouvoir Règlementaire des Autorités Déconcentrées

(voir définition). L’autorité déconcentrée de principe est le préfet de département ou le préfet de région. Le préfet est le représentant de chacun des ministres dans son département ou dans sa région. Il dispose de services qui vont avoir pour objectif de mettre en œuvre au niveau déconcentré la règlementation nationale. Il dispose donc du même pouvoir règlementaire que le ministre, auquel s’ajoute un pouvoir règlementaire de police. Les préfets peuvent donc prendre des règlements pour l’organisation de leurs services sur habilitation du législateur ou du Premier Ministre, mais aussi pour garantir l’ordre public lorsque celui-ci est menacé sur plus d’une commune.

IV-Le Pouvoir Règlementaire des Collectivités Territoriales

L’article 72 alinéa 3 de la Constitution reconnaît aux collectivités territoriales un pouvoir règlementaire qu’elles vont pouvoir exercer dans leurs domaines de compétences. Ce pouvoir règlementaire doit respecter les lois et les règlements en vigueur au niveau national. Les collectivités territoriales sont la commune, le département et la région (voir plus loin).En principe, une loi donne compétence aux collectivités territoriales dans un domaine déterminé. Un règlement national vient préciser et exécuter la loi, puis les collectivités territoriales interviennent pour règlementer dans le domaine de compétences qui aura été transféré. On voit que le pouvoir règlementaire est ici subordonné au pouvoir règlementaire national. On s’est posé la question de savoir si en l’absence de règlement national, une collectivité territoriale disposait du pouvoir règlementaire d’exécution des lois directement, sans passer par l’intermédiaire d’une règlementation nationale émanant du Premier Ministre ou du PDR. Répondre oui à cette question serait conférer aux collectivités territoriales un pouvoir règlementaire de même nature que celui du Premier Ministre ; il y aurait donc égalité. La réponse de la jurisprudence constitutionnelle est plus nuancée : si la loi est suffisamment précise pour être appliquée directement, les collectivités territoriales peuvent règlementer en l’absence d’un règlement national, mais dans cette hypothèse, le Premier Ministre ou le PDR pourront quand même toujours intervenir ultérieurement. Si la loi n’est pas suffisamment précise, un règlement national est toujours nécessaire ; le pouvoir règlementaire local reste donc subordonné.

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V-Les Personnes Privées

Lorsqu’une personne privée est chargée d’un service public, celle-ci peut se voir conférer par un texte un pouvoir règlementaire qui restera subordonné au pouvoir règlementaire national.

VI-Le Pouvoir Règlementaire des Autorités Administratives Indépendantes(ex : CSA) Ce type d’autorité dispose d’un pouvoir règlementaire limité.

Section 4 : La Délégation par Ordonnance

En vertu de l’article 38 alinéa 1er de la Constitution, le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnance pendant un délai limité des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. par ce mécanisme, le législateur permet au Gouvernement d’agir dans le domaine de la loi ; il permet au PDR, titulaire du pouvoir règlementaire qui signe les ordonnances, de sortir de son domaine traditionnel de compétence. L’intérêt de ces ordonnances est d’accélérer la procédure d’édiction des normes et des règles. La procédure législative est longue, complexe. Parfois, il faut agir rapidement, et pour agir rapidement, le Gouvernement peut être habilité par le Parlement, afin qu’il agisse à sa place, beaucoup plus rapidement, sans passer par le vote de la loi. mais cette habilitation ne vaut que si elle a été demandée par le Gouvernement, qui a donc l’initiative pour l’exécution de son programme, de l’ordonnance. L’ordonnance suppose le vote d’une loi d’habilitation qui a un effet limité ; l’ordonnance peut ensuite être ratifiée par le législateur.

I-L’Initiative du Recours à l’Ordonnance

C’est le Gouvernement qui va demander au Parlement de l’habiliter à agir pour l’exécution de son programme. Le Parlement ne peut donc pas avoir pour initiative de transférer au Gouvernement, par proposition d’une loi d’habilitation, la gestion de tel ou tel problème dont il souhaiterait se défaire.Récemment, en 2006, s’est posé la question de la signification du terme « pour l’exécution de son programme ». Si le Gouvernement change, le CE a répondu par l’affirmative (CE, 5 mai 2006, Schmitt) pour la continuation de l’habilitation.

II-Le Délai d’Habilitation

L’habilitation est conférée par une loi pour un délai déterminé. C’est donc durant ce laps de temps que le Gouvernement pourra prendre des ordonnances qui relèvent normalement de la loi ; il pourra alors empiéter sur le domaine du législateur. A l’expiration de ce délai, le Gouvernement ne peut plus agir ; le législateur reprend son pouvoir d’action dans le domaine qu’il avait préalablement transféré.

III-Le Devenir des Ordonnances

A l’expiration du délai, les ordonnances qui ont été adoptées peuvent être ratifiées par le législateur. Dans cette hypothèse, et de manière rétroactive, ces ordonnances deviennent de

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véritables lois. la ratification doit être expresse ; elle ne peut donc être implicite, le législateur devant expressément exprimer qu’il ratifie telle ordonnance. Auparavant, CE comme CC admettaient des ratifications implicites. Il n’y a pas de délai pour la ratification des ordonnances. Les ordonnances non ratifiées conservent leur statut antérieur, qui est un statut règlementaire, mais qui ne peuvent plus être modifiées par le Gouvernement, qui n’est plus habilité à le faire. Elles continuent donc à s’appliquer jusqu’à ratification ou abrogation par la loi. le CE affirme avec force le caractère règlementaire de ses ordonnances en se reconnaissant compétent pour examiner leur légalité (CE Ass., 19 octobre 1962, Canal Robin et Godot).

Chapitre 4 : Les Sources Jurisprudentielles du Droit Administratif

Section 1 : Le Pouvoir Normatif du Juge Administratif

Le CE a très tôt dégagé des principes non écrits, jurisprudentiels dont il a imposé l’application à l’autorité administrative. Ces principes se nomment les Principes Généraux du Droit ou PGD (CE Ass., 26 octobre 1945, Aranu, arrêt de principe). Le CE crée donc des normes jurisprudentielles. Ce pouvoir normatif du juge a pu être vivement critiqué parce qu’en créant du droit, le juge se superpose à l’administration voire au législateur. Cependant, la nécessité de résoudre les litiges administratifs impose parfois au juge administratif d’aller au-delà des textes, de créer du droit.Le juge, comme tout juge, va prendre le pouls de la société qu’il régule pour essayer de dégager les PGD qu’il est nécessaire de dégager parce qu’ils sont acceptés par cette société. C’est le cas du principe du droit de la défense. Il ne faut pas oublier que le juge administratif est le créateur du droit administratif ; il va donc devoir créer lui-même les principes fondateurs de ce droit. Il va donc parfois s’inspirer du droit civil pour créer un principe applicable aux autorités administratifs (CE, 8 juin 1973, Dame Peynet ; crée le PGD puisé dans le code du travail d’interdiction de licencier les femmes enceintes).Ces PGD sont multiples ; il est impossible d’en donner une liste exhaustive. Néanmoins, ils interviennent dans trois domaines fondamentaux : la liberté, l’égalité et la sécurité. Pour ce qui est de la liberté, il y a la liberté d’aller et de venir (CE, 20 mai 1955, Société Lucien et Cie), la liberté du commerce et de l’industrie (CE Ass., 13 mai 1983, Société René Moline). Pour ce qui est de l’égalité, il y a le principe d’égalité devant la loi (Ce Ass., 7 février 1958, Syndicat des Propriétaires de Forêts de Chêne Liège d’Algérie). Pour ce qui est de la sécurité, il y a la sécurité du justiciable avec le PGD qui reconnaît le caractère contradictoire de la procédure (CE Sect., 12 mai 1961, Société La Huta), la sécurité de l’administré qui peut toujours exercer un recours pour excès de pouvoir (CE Ass., 17 février 1950, Dame Lamotte ; le CE reconnaît le PGD alors qu’un texte avait exclu le recours), la sécurité juridique avec la reconnaissance d’un principe de sécurité juridique (CE Ass., 24 mars 2006, Société KPMG, arrêt de principe ; la certitude du droit qui va lui être applicable).

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Section 2 : La Valeur Juridique des Principes Généraux du Droit

Jusqu’en 1959, la valeur juridique de ces PGD ne posait pas trop de difficulté parce que la question de la hiérarchie des normes était assez facile à comprendre. Le pouvoir administratif devait respecter la loi comme la Constitution, mais la Constitution n’était elle pas directement opposable au juge administratif. La création de PGD servait pas conséquent à suppléer l’absence de principes constitutionnels directement applicables. On considérait alors que les PGD avaient une valeur identique à celle de la loi. Cette valeur est reconnue dans l’arrêt d’assemblée du CE (Ce Ass., 7 février 1958, Syndicat des Propriétaires des Forêts de Chêne Liège d’Algérie). A cette époque, on reconnait le principe d’égalité entre les PGD et la loi. L’instauration du contrôle de constitutionnalité en 1958 et le développement ultérieur des sources externes du droit administratif ont introduit de la confusion dans la hiérarchie des normes. L’administration n’est plus simplement soumise à la loi ; elle est aussi soumise à d’autres normes dont certaines sont supérieures à la norme législative et invocables soit directement contre les actes administratifs soit même contre la loi (cas des traités internationaux). Pourquoi alors les PGD n’auraient-ils pas une valeur supérieure à la loi ? Pourquoi limiter les PGD à une valeur simplement législative ? Certains principes se retrouvent aussi au niveau conventionnel (traités internationaux) et au niveau constitutionnel. Certains principes ont ainsi à la fois une valeur constitutionnelle, une valeur conventionnelle et une valeur de PGD (cas du principe d’égalité). Le professeur Benoît Jeanau, auteur d’une thèse sur les PGD, se satisfait de la multiplicité des valeurs de ces principes. On peut invoquer un PGD ou un principe constitutionnel en fonction du juge qui doit l’appliquer. Le Conseiller d’Etat Guy Brebart est quant à lui favorable à reconnaître la simple valeur constitutionnelle des PGD déduit des textes constitutionnels ; cette reconnaissance pose problème parce que si un PGD a valeur constitutionnelle et non plus législative, il ne pourra pas être invoqué lorsqu’une loi fait écran. Le Professeur René Chapu considère quant à lui que la valeur des PGD dépend de la place du juge en général au regard de la hiérarchie des normes. Le juge administratif a pour fonction de soumettre le pouvoir règlementaire à la loi. il pourra donc uniquement dégager des principes qui sont supérieurs aux règlements et inférieurs à la loi. le juge administratif est soumis à la loi et domine le pouvoir règlementaire. Les PGD ont ainsi pour Chapu une valeur infra-législative et supra-décrétale. Le CE considère lui-même que les PGD s’imposent à toute autorité règlementaire même en l’absence de dispositions législatives (CE Sect., 26 juin 1959, Syndicat Général des Ingénieurs Conseil). Le CE a jugé ainsi que le pouvoir règlementaire, y compris lorsqu’il est autonome, est soumis au respect des PGD. La thèse de Chapu est pourtant critiquable parce qu’elle impose au juge administratif une place hiérarchique qui n’est pas la sienne. Le juge administratif n’a pas de niveau hiérarchique ; le juge administratif est simplement en charge de juger l’administration et il juge l’administration en appliquant l’ensemble des sources du droit administratif. Dire que le juge administratif est infra-législatif suppose de lui interdire de juger la constitutionnalité de l’action de l’administration, cela lui interdit de juger de la conventionalité de l’action de l’administration ; cela lui interdit d’écarter la loi quand elle est inconventionnelle ou inconstitutionnelle. Or s’il ne peut pas écarter une loi inconstitutionnelle, il peut interpréter la Constitution et il peut écarter les lois contraires aux conventions internationales. Le juge administratif interprète la Constitution en dégageant des PFRLR (cas CE, 3 juillet 1996, Koné ; le juge interprète la Constitution en dégageant un PFRLR d’interdiction d’extrader pour des motifs politiques). Le juge administratif ne peut

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donc pas voir la place des principes qu’il dégage soumis à un niveau supposé dans la hiérarchie des normes, contrairement à ce que dit Chapu. La thèse de Chapu doit cependant être rejetée dans ses fondements parce qu’elle nie les fonctions actuelles du juge administratif. Le problème de la place des PGD est directement lié à la Loi Ecran, qui est un principe antimoderne. La loi écran empêche la soumission de l’administration aux droits et libertés reconnus dans la Constitution. Mais le juge administratif du XXe était moderne ; il veut soumettre l’administration au respect des droits et libertés mais il est contraint par l’existence des lois ; il va donc dégager des PGD qui sont quasiment tous des principes que l’on retrouve soit dans les conventions internationales soit dans la Constitution. Le juge administratif va donc appliquer les PGD en leur donnant une valeur infra-législative pour déjouer l’obstacle de la loi écran. Avec le développement du contrôle de constitutionnalité, le juge administratif va peu à peu devenir ambitieux et va toucher à la Constitution en l’interprétant et en dégageant des principes constitutionnels qu’il va appliquer en l’absence de loi écran. On ne peut pas aujourd’hui considérer que les principes peuvent avoir plusieurs valeurs juridiques ; la valeur juridique d’un principe doit être identifiée matériellement. Si le principe figure dans la Constitution, il est constitutionnel ; si le principe figure dans une convention international, il est conventionnel.

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Partie 2 -

Les Institutions Administratives

Introduction

Ce sont les organismes qui vont être en charge de la mission d’administration. En effet, l’action de l’administration résulte de la combinaison de trois éléments distincts : les institutions, les moyens et les contrôles. Les institutions administratives nous renvoient à la notion d’autorité administrative, et celles-ci sont les plus diverses ; elles sont soumises à des statuts et des régimes souvent très distincts. L’Etat est l’institution administrative par excellence, et des personnes privées peuvent être considérées, de par leurs missions et de par les moyens qu’elles mettent en œuvre pour l’accomplir, aussi matériellement comme des institutions administratives.L’étude des institutions administratives est à la fois classique et moderne. Elle est classique parce que le cadre général des structures administratives n’a guère évolué depuis la fin du XIXe. Mais cette étude est aussi moderne parce que les modes d’action de ces institutions administratives ont considérablement évolué et se sont adaptés à l’évolution actuelle de l’action publique. Etudier les institutions administratives suppose dans un premier temps de s’interroger sur les deux grandes catégories d’institutions qui vont prendre part à l’action de l’administration, et ces deux grandes catégories sont les personnes publiques et les personnes privées. Par ailleurs, il nous faut au préalable évoquer les différents modes d’organisation générale de l’organisation de l’administration ; celle-ci peut être centralisée, déconcentrée, ou décentralisée.

Section 1 : Les Personnes Publiques et les Personnes Privées

Le critère organique est très important pour la définition de ce qu’est une autorité administrative, de ce que sont ses missions et surtout du droit qui lui est applicable. Ainsi, les personnes publiques sont toujours des institutions administratives parce qu’elles exercent

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toujours une mission d’intérêt général que l’on appelle mission de Service Public, et qu’elles disposent toujours de prérogatives spécifiques dites de Puissance Publique pour exercer cette mission. Ainsi, l’Etat, les collectivités territoriales (communes, départements, régions) ont des missions spécifiques de Service Public qu’elles doivent prendre en charge parce que ce sont des personnes publiques. En contrepartie, parce qu’elles sont des personnes publiques, elles vont disposer de moyens de prérogatives que ne possèdent pas les personnes privées classiques et elles vont être soumises, dans la mise en œuvre de ces prérogatives, au droit administratif. Par conséquent, la notion de personne publique permet d’identifier une activité spécifique (service public), des prérogatives spécifiques (puissance publique) et elle permet d’identifier un droit spécifique (droit administratif). Le critère organique, c'est-à-dire le critère de la personne publique, est utile mais n’est pas suffisant pour identifier le droit administratif. Ainsi, une commune va pouvoir, dans le cadre de ses compétences, créer une activité d’intérêt général et qui deviendra activité de service public. Pour l’organisation de cette activité, la communauté publique dispose de prérogatives spécifiques (ex : réseau de transport public). Pour financer son activité, la collectivité territoriale a pu recourir aux impôts, puis elle a décidé unilatéralement des modalités de règlementation et de régulation. Il y a application des règles spécifiques à cette mission. Cependant, les personnes publiques ne sont pas les seules à exercer les activités de service public.Des personnes privées vont pouvoir prendre en charge des missions qui relèvent normalement de l’administration et des personnes publiques. Elles vont le faire de deux manières : sur délégation d’une personne publique, qui va déléguer à la personne privée la gestion de tel ou tel service public (ex : Gaz de France, France Telecom, la Poste gèrent en vertu d’un texte législatif la mission de service public). La personne privée peut aussi avoir une activité qui à l’origine était purement privée (ex : activité sportive ou activité d’aide sociale) ; l’Etat va alors constater que ces activités sont fondamentales pour les administrés, qu’elles sont d’une utilité publique suffisante pour être élevées au rang de service public. L’Etat va alors récupérer ces activités en conférant à ces personnes privées des prérogatives identiques à celles qui sont exercées par les personnes publiques. Ces personnes privées restent des personnes privées mais exercent une mission qui est alors d’un service publique (ex : caisses locales de Sécurité Sociale, Fédérations Sportives…). La conséquence est alors l’application à ces personnes privées, considérées comme les autorités administratives, des règles du droit administratif.Il est donc essentiel de bien distinguer les personnes publiques des personnes privées pour pouvoir qualifier leur activité et déterminer le droit qui leur est applicable. Si la personne est une personne publique, une grande partie de son activité sera régie par le droit administratif, alors que pour une personne privée, le droit civil lui est applicable, sauf si elle a des prérogatives de puissance publique.

I-Les Critères de Distinction

A-Les Personnes Publiques Par Essence

L’Etat est la personne publique par essence ; il dispose de pouvoirs régaliens, il a des fonctions d’intérêt général qui sont des missions de service public, et est par nature une personne publique.

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Les collectivités territoriales sont aussi des personnes publiques parce qu’elles constituent des organismes, des institutions qui sont englobées à l’intérieur de l’Etat. Ces collectivités territoriales figurent à l’article 72 de la Constitution : ce sont les communes, les départements et les régions, ainsi que les collectivités d’Outre Mer. Ces dernières sont soumises à un statut particulier qui figure à l’article 74 de la Constitution ; il s’agit de Mayotte, St Pierre et Miquelon, et Wallis et Futuna. Il ne faut pas les confondre avec les communes, les départements et les régions situés Outre Mer, mais qui sont soumises par principe au même statut que les communes, départements ou régions de Métropole (Guadeloupe, Guyane, Réunion, Martinique). A tout cela, il faut rajouter le territoire de Nouvelle Calédonie, qui lui est soumis à un régime encore plus autonome, pour prendre en compte la situation géographique, la volonté d’autonomie des populations d’Outre Mer et la volonté d’indépendance de Nouvelle Calédonie. Cette énumération n’est pas fixe : la Constitution prévoit en effet que la loi peut créer ou supprimer des collectivités territoriales.

B-Le Critère de l’Etablissement Public

A côté des personnes publiques par essence, il y a une série de personnes publiques que l’on qualifie d’établissements publics (ex : UT1, SNCF). Il faut donc identifier ces établissements publics, ces organismes publics qui ne sont pas soumis au droit privé, qui ont une obligation de service public, et qui ne sont pas des sociétés ou des associations ou encore des fondations. L’établissement public est un démembrement de l’Etat ou des collectivités territoriales. L’Etat, les collectivités territoriales ont isolé un service public et ont créé un organisme public qui va être spécialement en charge de ce service uniquement. Les établissements publics sont donc en principe rattachés à une collectivité publique, et ils doivent respecter le principe de spécialité qui leur impose de n’exercer que l’activité pour laquelle ils ont été créés. Il y a des établissements publics nationaux ou locaux.Le problème est que l’Etat, surtout, crée de multiples organismes au détour de lois ou règlements. L’Etat organise aussi par ces lois ou règlements les activités d’organismes préexistants (ex : ordres professionnels), si bien que lorsque la loi ou le règlement organise ces institutions, ils ne vont pas toujours préciser qu’il s’agit d’établissements publics ; il va donc falloir dégager des critères permettant leur identification, permettant de distinguer entre les établissements publics et des organismes de droit privé, ou encore les établissements publics de certains établissements dits « d’utilité publique » (privés qui ont une mission d’utilité publique).

1-Le Critère du Texte

Lorsque la loi ou le règlement qualifie expressément une personne, un organisme d’organisme public, on doit appliquer la loi et le règlement. Le qualificatif s’applique est c’est donc un établissement public (ex : Conseil National des Barreaux, loi de 1971). La qualification législative ne se déduit pas de la dénomination (ex : SNCF nom de société). Souvent, la loi est obscure, il faut donc d’autres critères.

2-L’Origine de l’Etablissement

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Une personne publique peut bien créer des associations privées. Une personne publique peut être à l’origine de la création de sociétés. En principe, les personnes privées ne sont pas à l’origine d’établissements publics. Il s’agit d’un critère qui peut être utilisé à l’appui d’autres critères pour se faire une idée sur le caractère privé ou public de l’établissement, mais il y a des contre exemples (CE Sect., 24 décembre 1937, de la Bigne de Villeneuve, à propos de l’école française du Caire créée par une association mais qualifiée par le CE d’établissement public).

3-Le But d’Utilité Public

S’il n’y a pas d’activité d’intérêt général, il n’y a pas en théorie de personne publique.

4-Les Rapports avec l’Autorité Publique

On tendra vers la qualification de personne publique lorsque l’autorité publique nomme les dirigeants de l’établissement et exerce un pouvoir de contrôle fort sur les activités de cet établissement.

5-Des Prérogatives Exorbitantes du Droit Commun

Des personnes privées peuvent disposer de prérogatives de puissance publique, mais, par essence, les prérogatives de puissance publique appartiennent aux personnes publiques ; ce n’est pas un critère déterminant, mais c’est un indice utile.

C-Les Exemples et Contre Exemples

Certaines exemples tirés de la jurisprudence permettent de se rendre compte du caractère très délicat de l’identification de la personne publique et de la personne privée (Tribunal des Conflits, 9 décembre 1899, Association de Propriétaire du Canal de Gignac. Ces associations sont soumises au droit privé, mais les textes vont reconnaître à ces associations un régime juridique qui est généralement exorbitant du droit commun ; il y a une obligation d’adhésion de tous les propriétaires terriens, sinon il pouvait y être forcé par le préfet. L’association a un mission d’intérêt collectif dans la gestion de ses terres ; elle a donc des dépenses imposées par la loi pour assurer sa mission, et peut donc prélever des taxes sur les propriétaires. Le Tribunal des Conflits les a qualifié de personnes publiques, considérant que le caractère exorbitant de leur régime était celui d’une personne publique, considérant certains critères). Autre exemple : (CE, 20 juin 1919, Brincat) les Monts de Piété ont un monopole légal, créés par décret et leur conseil d’administration est nommé ; le CE considère que ce sont des établissements publics. Autre exemple : (CE Sect., 13 novembre 1959, Navizet) à propos de l’Institution National d’Appellation d’Origine, le CE considère que cet institut est un établissement public parce que le directeur est nommé, leurs agents sont agréés et les ressources sont principalement constituées par des taxes d’Etat. Mais, il est impossible de dire avec certitude la qualification qui va être choisie, en raison de contre exemples dans lesquels tous les critères énumérés sont présents, mais qui vont aboutir à la qualification de personnes privées (CE Sect., 13 janvier 1961, Maniet ; relatif aux groupement de défense contre les amis des cultures, chargés de protéger les cultures contre les

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animaux néfastes. L’activité est de service public, les groupements sont financés par les taxes et impôts, ils disposent du monopole, ils disposent du pouvoir d’exécution d’office, c'est-à-dire que les sanctions sont applicables avant le recours au juge. Le CE les juge comme personne privée, considérant qu’avant les textes applicables à ces groupements, ils étaient regroupés sous la formation de syndicats privés, non loin de la qualification d’opportunité). La même décision est valable dans un autre arrêt (Tribunal des Conflits, 20 novembre 1961, Centre National de Lutte contre le Cancer Eugène Marquis ; mission de service public, son organisation et sont fonctionnement se font sous le contrôle étroit de la personne publique mais le TC note que le Centre National reçoit un agrément, comme des personnes privées, et avant que le statut de ces centres soit régi par décret, ils prenaient la forme de simples associations. Le TC conclut à leur caractère privé). Il fait de même dans un autre arrêt (CE, 5 avril 1962, Chevassier ; à propos de fédérations départementales de chasseurs).

II-Le Cas des Ordres Professionnels

Les ordres professionnels sont une résurgence de l’Ancien Régime et ont pour fonction la gestion, l’organisation d’une profession ; c’est la profession qui s’organise elle-même. Ce sont les représentants de la profession qui vont décider de la capacité des individus à l’exercer, qui vont sanctionner les professionnels lorsque ceux-ci commettent une faute au regard des règles édictés par l’ordre. On s’est donc longtemps posé la question de la qualification des ordres professionnels ; on est tenté de les qualifier de personnes privées. Cependant, les prérogatives d’organisation de ces ordres les assimilent à des administrations classiques. Le CE a, dans un premier temps, qualifié ces ordres d’organismes en charge de mission de service public (CE Ass., 2 avril 1943, Bouguen). En ce domaine, la jurisprudence sur les ordres était à rapprocher à la jurisprudence applicable aux comités d’organisation, qui étaient en charge de l’organisation d’une activité d’une profession. Le CE, dans un arrêt de principe (CE Ass., 31 juillet 1942, Monpeurt), à propos du comité d’organisation de l’industrie du verre, a qualifié le comité d’organisme en charge d’une mission de service public. La qualification peut être déduite aujourd’hui d’un arrêt du CE (CE, 7 décembre 1984, Centre d’Etudes Maritimes Avancées), où cet organisme professionnel (Institut National du Pétrole), comparable aux anciens comités d’organisation, a été qualifié d’établissement public.

III-Les Nouvelles Personnes Publiques

Deux personnes publiques « sui generis » sont apparues : les groupements d’intérêt public et la Banque de France. Ce sont des personnes publiques qui ne sont pas des établissements publics et qui ne sont pas des personnes privées. Les groupements d’intérêt publics sont créés par une convention passée entre des personnes publiques et des personnes privées, convention approuvée par arrêté ministériel, avec pour objectif d’associer des personnes publiques et privées pour une mission d’intérêt public (recherches scientifiques, enseignement supérieur, matière sociale). Le Tribunal des Conflits considère que ces groupements, parce qu’ils associent personnes publiques et privées, ne peuvent être des établissements publics ou de personnes privées, mais les qualifie de personnes publiques (Tribunal des Conflits, 14 février 2000, Groupement d’Intérêt Public, Habitat et Intervention Sociale pour les Mal Logés et les Sans-Abris). En dehors de ces groupements, la Banque de France est aussi une personne

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publique sui generis (CE, 22 mars 2000, Syndicat National Autonome du Personnel de la Banque de France).

IV-Les Conséquences de la Distinction

A la différence des personnes privées, les personnes publiques sont dans une situation privilégiée. Outre l’application du droit public, les personnes publiques ne peuvent se voir appliquer des voies d’exécution que connaissent les personnes privées ; elles ne peuvent donc pas être soumises à la procédure de saisie exécution (concernant les meubles), ni la procédure de la saisie arrêt (concernant les créances). Il y a donc une position privilégiée, mais qui peut aussi s’avérer un handicap puisque ces mesures de sûreté sont utilisées par les investisseurs (banques) pour garantir leurs prêts.Les personnes publiques ne sont pas soumises à l’arbitrage par principe. Le règlement du contentieux des personnes publiques se fait par conséquent par la voie juridictionnelle. Certaines lois peuvent cependant prévoir par exception le recours à l’arbitrage. Les personnes publiques peuvent avoir recours à l’état exécutoire pour recouvrir leurs créances : la personne publique qui est créancière d’une personne privée peut lui imposer le règlement de sa dette par cet état exécutoire sans recourir au juge. C’est l’action d’office : elles peuvent émettre un acte pour imposer à l’administré l’exécution, qui lui peut contester devant le juge. Les personnes publiques disposent aussi de moyens matériels et humains soumis à un régime protecteur. Ainsi, les propriétés des personnes publiques ne peuvent pas être saisies, et pour celles de ces propriétés qui sont affectées à l’utilité publique, elles sont inaliénables (ne peuvent être vendues). L’ensemble de la propriété d’une personne publique s’appelle le domaine, et le domaine affecté à l’utilité publique s’appelle le domaine public. Le patrimoine public est ainsi protégé. Les agents de la personne publique sont des agents publics. Ils sont soumis à un statut de droit public et des règles spécifiques lui sont applicables. Les travaux effectués par la personne publique sont des travaux publics. Les actes de la personne publique, que ce soit des actes unilatéraux ou des contrats, sont soumis pour une grande part à un régime de droit public.

Section 2 : La Déconcentration et la Décentralisation

Ce sont deux modes d’organisation de l’administration publique, des institutions administratives. La France est marquée par l’unité et une certaine centralisation de l’Etat, héritée de la monarchie, et que l’on retrouve encore au temps des jacobins ou de Napoléon Ier. Cette centralisation a un défaut, qui est la concentration trop importante des pouvoirs au niveau central, à Paris. Or, la concentration excessive des pouvoirs est inefficace. C’est pourquoi, même dans un système centralisé à la française, les pouvoirs publics ont toujours essayé d’établir des pouvoirs au niveau local. Cet établissement local du pouvoir, qui est la conséquence d’une impossible concentration effective, se manifeste par une politique de déconcentration ou par une politique de décentralisation.

I-L’Impossible Concentration du Pouvoir

Une collectivité publique de faible population ou de superficie restreinte peut et doit sans doute rester concentrée. Mais cela ne saurait être le cas d’un Etat comme la France. Le

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pouvoir central a besoin obligatoirement de relais locaux, qui vont servir de lien entre le pouvoir central et les administrés sur l’ensemble du territoire. Un Etat totalement concentrée serait un Etat dans lequel il reviendrait au premier ministre de prendre les décisions relatives à la gestion des villes périphériques.Il existe un premier correctif à la concentration, appelé la délocalisation ; c’est le transfert géographique de services à l’intérieur de la même personne administrative et au sein du même niveau d’administration, où les compétences sont maintenues. Il s’agit de décongestionner la capitale. Ce sont les mêmes autorités qui vont décider, des autorités de l’Etat mais dont l’administration a été placé sur une autre partie du territoire (ex : ENA, est depuis 1973 à Strasbourg ; elle est toujours placée sous le contrôle du ministre). Les véritables recours contre la centralisation excessive sont la déconcentration et la décentralisation.

II-La Déconcentration

C’est une modalité d’aménagement de l’organisation de l’Etat, qui va beaucoup plus loin que la délocalisation. La déconcentration va créer un second niveau d’administration au sein de l’Etat, en vue de rapprocher l’administration des administrés.

A-La Définition

La déconcentration repose sur la distinction entre l’administration centrale et l’administration déconcentrée d’une même personne publique : l’Etat. La figure emblématique de la déconcentration est le préfet. Pour les questions d’éducation, c’est le recteur d’académie. Le préfet est à la tête de services déconcentrés ; il est doté de compétences propres mais il agit sous l’autorité hiérarchique de chacun des ministres et du premier ministre. La déconcentration est un transfert de compétences à l’intérieur d’une même personne morale (Etat), du centre vers la périphérie, le centre étant les ministres, et la périphérie étant les départements et les régions, placés sous l’autorité de préfets de départements et préfets de régions. Mais le préfet et ses services ne sont pas autonomes ; ils sont là pour assurer au niveau local l’administration de l’Etat, en suivant l’instruction des ministres. Le préfet de département ou de région font partie de l’administration de l’Etat à un niveau déconcentré.A la différence de la délocalisation, la déconcentration occasionne un transfert de compétences ; c’est une véritable administration au niveau local avec des compétences propres, mais non autonomes. La déconcentration s’oppose à la décentralisation, qui entraîne un transfert de compétences à des autorités locales, qui constituent des personnes morales distinctes de l’Etat, et qui s’administrent librement par des conseils élus sans être soumis au contrôle hiérarchique de l’administration centrale.

B-Le Contrôle Hiérarchique

L’administration centrale reste maîtresse de la politique de l’Etat au niveau local. Il n’y a pas d’indépendance du préfet à l’égard des ministres ; en revanche, le préfet dispose de compétences propres qui n’appartiennent pas aux ministres ou premier ministres. Ces derniers peuvent donner instruction d’agir au préfet, mais ne peuvent agir à sa place.

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L’ensemble du système déconcentré est soumis à un principe de hiérarchie qui se fait entre plusieurs autorités de rang inégal. Le préfet de département est soumis au préfet de région, et tous les deux sont soumis aux ministres. Ce principe est un principe général du droit, et il existe même sans texte (CE Sect., 30 juin 1950, Queralt) ; ainsi, on veut éviter de porter atteinte au principe d’unité de l’Etat. Si les administrateurs de l’Etat au niveau local ne sont pas soumis au pouvoir hiérarchique, il n’y aura plus de maîtrise du pouvoir par le Gouvernement et le premier ministre, or ceux-ci sont responsables devant le Parlement. C’est pour cela que le contrôle hiérarchique est nécessaire dans le système déconcentré.

III-La Décentralisation

A-Un Mode d’Organisation Administrative

La décentralisation signifie un transfert de compétences à l’extérieur de l’Etat vers une personne administrative distincte. Cette personne administrative s’administre librement par des administrateurs élus. Pour exercer ces compétences, l’autorité administrative locale est soumise à un contrôle que l’on appelle « contrôle de tutelle ». Elle dispose d’un budget propre, de moyens humains et matériels spécifiques et distincts de ceux de l’Etat. Ainsi, les agents déconcentrés de l’Etat appartiennent à l’Etat, leur budget est celui de l’Etat, leur propriété est celle de l’Etat. Dans la décentralisation, le budget est déterminé de manière autonome par les conseils élus, les agents sont des agents publics locaux, et les collectivités territoriales sont propriétaires de leur patrimoine. Mais il faut toujours garantir l’unité de l’Etat. C’est pourquoi les collectivités territoriales sont soumises au contrôle de tutelle.

B-Le Contrôle de Tutelle

Ce contrôle est à assimiler au contrôle administratif qui figure à l’article 72 alinéa 6 de notre Constitution. La grande loi relative à la décentralisation (2 mars 1982) avait affirmé la suppression de la tutelle ; en effet, avant 1982, le système de décentralisation n’était pas parfait. L’Etat conservait un pouvoir de tutelle étroit sur les collectivités territoriales ; dans certains cas, il pouvait annuler les actes édictés par les collectivités. Depuis 1982, on a remplacé l’ancienne tutelle par un contrôle administratif, rendant impossible l’annulation directe d’actes des collectivités territoriales par le préfet, mais pour permettre le respect du principe de légalité par les collectivités et les sources matérielles du droit administratif, on donne au préfet le pouvoir de saisir le juge administratif des illégalités supposées des collectivités. Le préfet ne peut donc plus annuler mais le juge le peut, et il n’annulera que pour des raisons de droit et non pas des motifs d’opportunité. Avant 1982, le préfet pouvait annuler les actes pour des motifs d’opportunité. Néanmoins, tous les pouvoirs de tutelle n’ont pas disparu. Il existe des hypothèses dans lesquels le préfet peut se substituer à une collectivité n’agit pas.

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Titre 1 : L’indivisibilité de la République

Chapitre 1 : Le Fondement Constitutionnel du Principe d’Indivisibilité

Au nombre des bases constitutionnelles du droit administratif, il faut retenir l’indivisibilité de la République, consacrée à l’article 1er de la Constitution de 1958, qui dispose que « la France est une République Indivisible ». Or, cette notion d’indivisibilité est étroitement liée à celle d’unité. La Révolution française proclame à la fois l’unité et l’indivisibilité de la France. Ainsi, dans la Constitution du 3 septembre 1791 on lit à l’article 1er du titre II « le royaume est un et indivisible ». Ce principe est repris dans toutes les Constitutions françaises depuis lors.

L’article 1er de la Constitution de 1958 pose le principe d’une République indivisible. Le PDR en est le garant, notamment lorsque l’intégrité du territoire est menacé (article 5 de la Constitution). Ce principe d’indivisibilité s’oppose donc constitutionnellement à l’intégration de la France dans un système supranational de type fédéral, et ce principe a posé des problèmes majeurs pour l’intégration de la France dans l’UE. Il a fallu réviser la Constitution afin de permettre l’intégration de la France dans l’UE, afin de contrecarrer les effets du principe d’indivisibilité, qui rendait cette intégration impossible. Cependant, si l’article 1er de la Constitution fait référence à une République indivisible comme les Républiques précédentes, il n’est nullement signifié que le principe d’unité est appliqué. A contrario, dans le texte même de la Constitution, l’exercice par les peuples d’Outre Mer de leur droit de libre auto-détermination leur est reconnu ; l’indivisibilité de la République ne signifie donc pas l’intangibilité du territoire français, et donc la possibilité de redéfinition du peuple français par le choix de certains peuples de l’indépendance. Les peuples vont pouvoir donc sortir du territoire français, et cela a permis le développement de la décolonisation.Après le mouvement de décolonisation, l’Etat français a vu son territoire et son peuple totalement reconstitués. Il était très difficile au moment de la rédaction du texte de consacrer le principe d’unité à côté de celui d’indivisibilité alors que l’on reconnaissait des diversités dans la population. S’il y a un principe d’unité, il y a qu’un seul peuple, donc pas de décolonisation. Donc lier l’unité à l’indivisibilité rend impossible au peuple la probabilité de s’en détacher. A contrario, s’il y a indivisibilité sans unité, on considère le peuple français et cela permet donc un rattachement ou détachement d’autres populations. Mais après la période de décolonisation, la jurisprudence va mettre en œuvre le principe d’unité.

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Chapitre 2 : Unité et Indivisibilité

La jurisprudence postérieure à la décolonisation reprend le principe d’unité pour l’associer au principe d’indivisibilité, et donc pour éviter la reconnaissance au sein de territoire de peuples spécifiques.

Section 1 : La Question du Peuple Corse

Le CC, dans sa décision du 9 mai 1991 (Collectivité Territoriale de Corse), a invalidé la reconnaissance par la loi d’un peuple corse, composante du peuple français. Le CC considère par là qu’il ne peut y avoir qu’un seul peuple français, et il censure la reconnaissance d’autres peuples. Cela évite, par la reconnaissance d’un peuple, la reconnaissance de régime et de droits spécifiques à ce peuple, distincts du régimes et des droits reconnus aux autres.

Section 2 : La Question de la Charte Européenne des Langues Régionales

Le CC, dans une décision du 15 juin 1999 (Charte Européenne des Langues Régionales), s’est prononcé contre la constitutionnalité d’un traité international, qui rendait obligatoire l’enseignement de certaines langues régionales, et par conséquent qui reconnaissait l’existence de peuples distincts par la langue.

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Chapitre 3 : La Nécessaire Conciliation entre l’Unité et la Diversité

Le CC, par une interprétation constructive, est parvenu à reconstituer la formule constitutionnelle selon laquelle « la République est à la fois une et indivisible ». La jurisprudence ne veut pas faire de distinction entre indivisibilité et unité ; cela signifie que le territoire français est le territoire d’un seul peuple, et que ce territoire ne peut pas être divisé entre différents peuples. S’il ne conçoit que le principe d’indivisibilité, cela suppose que le territoire correspondant au peuple français ne peut pas être divisé, mais que le territoire correspondant à d’autres peuples peut l’être. C’est pour cela qu’en 1958, la Constitution ne mentionne que la République indivisible et non pas le peuple unique. La République du peuple français est indivisible mais la République d’autres peuples peut être divisée du territoire national.Aujourd’hui, les deux notions sont reliées, même si la Constitution ne le dit pas ; la jurisprudence constitutionnelle et celle du CE relient la notion d’indivisibilité à celle d’unité du peuple. S’il n’y a qu’un seul peuple, cela signifie qu’il n’y a pas de possibilité pour une partie de la population française de s’autodéterminer et donc de se séparer du reste du territoire français. La reconnaissance de la multiplicité des peuples sur le territoire français était une condition à la décolonisation. S’il y a plusieurs peuples, alors il peut y avoir fragmentation. L’unité du peuple français, c’est son Etat, c’est son indivisibilité.Cette conciliation se fait par la reconnaissance de certaines spécificités territoriales, notamment Outre Mer, qui prennent en compte ce que la Constitution appelle les populations d’Outre Mer. La conciliation se fait par la reconnaissance d’un certain pouvoir d’expérimentation local, pouvoir qui permet de déroger aux lois et aux règles de l’Etat. Mais cette conciliation est limitée par le refus de la reconnaissance de constitutions locales, par le refus de la reconnaissance d’un pouvoir législatif local, par le lien étroit qui s’établit entre le principe d’unité et le principe d’égalité.

Section 1 : L’Inconstitutionnalité du Fédéralisme

En droit constitutionnel français, l’Etat français ne peut pas être un Etat fédéral. Il n’existe donc pas de Constitution propre à certaines parties du territoire français, y compris outre mer. On a pu se poser la question à propos de la Nouvelle Calédonie ; en effet, elle tire son statut spécifique de la Constitution française elle-même ; le titre 13 de la Constitution, les articles 73 et 77 de celle-ci lui sont spécialement consacrés parce qu’on souhaite doter ce territoire de règles d’organisation lui conférant une large autonomie, lui permettant de déroger en grande partie aux lois nationales. Ce statut néocalédonien est la conséquence d’un accord écrit, accord de Nouméa, conclu le 5 mai 1998. Pourtant, la Nouvelle Calédonie, par le principe d’indivisibilité et d’unité, reste intégré à l’Etat français unitaire, qui ne peut de ce fait concevoir l’existence d’un Etat dans l’Etat. Mais la situation de la Nouvelle Calédonie doit être soulignée car elle fait figure d’exception parce que c’est la seule collectivité qui dispose d’un véritable statut constitutionnel, mais cette exception confirme la règle parce que si elle bénéficie d’un tel statut, c’est parce que le constituant français souhaite organiser l’éventualité d’une future scission du territoire. L’organisation d’un statut constitutionnel s’explique par la mouvement de la Nouvelle Calédonie vers l’indépendance.

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Un tel statut est inconcevable s’agissant des autres collectivités françaises. Toutes sont soumises au droit unitaire de l’Etat, au pouvoir législatif de l’Etat. Il n’y a donc pas d’Etat législatif local comme dans les Etats fédéraux, comme les USA. Ce fédéralisme s’oppose à l’organisation unitaire de l’Etat français, où il y a une seule Constitution, un seul pouvoir législatif, qui donne des compétences limitées aux collectivités.

Section 2 : L’Absence de Pouvoir Législatif Local

Les collectivités territoriales (CT) ne disposent pas du pouvoir législatif, qui appartient de façon exclusive au Parlement (article 34). Par exception cependant, le droit constitutionnel peut prévoir que telle ou telle collectivité territoriale puisse intervenir dans le domaine de la loi. Dans ces hypothèses, les actes des collectivités resteront de véritables règlements et non des lois. Par ailleurs, la Constitution peut aussi prévoir que les CT pourront à titre expérimental déroger au pouvoir législatif ; cela ne leur confère pas cependant le pouvoir législatif, puisque les dérogations sont prévues par la Constitution et la loi elle-même.L’article 37-1 de la Constitution prévoit ainsi que la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet limité, des dispositions à caractère expérimental. Sur le fondement de cet article, la loi du 13 août 2004 sur les libertés et responsabilités locales prévoit qu’à titre expérimental et pour une durée de 5 ans, l’Etat peut confier à la région le soin d’élaborer un schéma régional de développement économique. Plus important, l’article 72 alinéa 4 de la Constitution prévoit que dans les conditions prévues par une loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les CT ou leurs groupements peuvent, selon le cas, lorsque la loi ou le règlement l’a prévu, déroger à titre expérimental et pour un objet et une durée limité aux dispositions législatives ou règlementaires qui régissent leurs compétences. Cet article permet ainsi la dérogation par les CT aux règles du droit national pour expérimenter ; il donne donc un pouvoir d’initiative limité dans le temps à ces CT. Cependant, ces dérogations à la loi nationale ne sont que temporaires, que limitées, sont conditionnées par le pouvoir législatif et règlementaire eux-mêmes. L’ensemble du système administratif français est gouverné par un seul et même principe : le principe de l’unité.

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Titre 2 : L’Administration de l’Etat

L’organisation de l’administration de l’Etat est l’administration de l’Etat central et l’administration de l’Etat déconcentré. Ceci concerne les modalités d’administration de l’Etat. Qui décide ? Qui administre l’Etat français ? La première réponse est constitutionnelle : le premier ministre (article 20 et 21 de la Constitution), le Gouvernement, et parce qu’il a un pouvoir d’administration qu’il tient de ses compétences règlementaires, le PDR. Les deux principes du pouvoir sont le pouvoir de nomination (désigner les responsables des diverses administrations subordonnées) et le pouvoir de règlementation (organiser l’administration et régir la vie des administrés). L’administration centrale de l’Etat est concentrée entre les mains du PDR, du premier ministre et des membres du Gouvernement. Pour le Gouvernement, pour le premier ministre, ce pouvoir est reconnu par la Constitution, et il est légitimé par la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement. Par conséquent, l’autorité exécutive est responsable devant le Parlement élu, et c’est l’élection des parlementaires qui, indirectement, légitime les actions du Parlement. Le PDR dispose d’une légitimité qu’il tire sous la Ve République de son élection au SUD. Toute l’organisation de la structure de l’administration de l’Etat repose sur le principe de la responsabilité et sur celui du monopole du pouvoir règlementaire du PDR et du premier ministre. Lorsque l’on va bâtir le schéma de l’organisation de l’administration de l’Etat, il faudra toujours pouvoir remonter jusqu’au premier ministre, et par là jusqu’au Parlement. C’est le principe démocratique ; c’est l’application de la nécessite de voir toujours exprimée la volonté générale du peuple français. Si une action de l’administration est contraire à la volonté générale, le Gouvernement pourra être renversé par le Parlement ; c’est ce qui légitime la soumission de l’ensemble des administrés à l’action unilatérale de l’administration. Néanmoins, l’Etat concentré est impossible. L’administration de l’ensemble de l’Etat ne peut être exclusivement du fait du PDR, du premier ministre et du Gouvernement. Il est nécessaire que l’ensemble de ces autorités politiques disposent d’une administration afin de servir de relai à leur pouvoir. L’administration, quel qu’elle soit, prend des décisions qui sont l’application des décisions, des règles émanant du PDR ou du premier ministre. Quel est donc le lien entre le responsable du guichet d’une préfecture et le Parlement ? Le lien est l’existence du pouvoir hiérarchique. L’administration de l’Etat est toute entière fondée sur l’existence d’un pouvoir hiérarchique, c'est-à-dire de la subordination de l’ensemble des échelons de l’administration au premier ministre.Au niveau central, c'est-à-dire de l’administration qui s’occupe des questions qui concernent l’ensemble du territoire nationale, le PDR, le Premier Ministre, les membres du Gouvernement, disposent de services qui leurs sont rattachés et subordonnés. Ces services sont les services de l’administration centrale. L’administration centrale possède des relais locaux, qui sont les préfets ou les recteurs. Les préfets sont directement subordonnés à chacun des ministres, ainsi qu’au premier ministre. Cette subordination permet la soumission des préfets et de leurs décisions au Gouvernement et donc indirectement au Parlement. Les préfets sont à la tête d’une administration que l’on appelle l’administration déconcentrée de l’Etat, soumise au préfet, lequel est soumis à chacun des ministres. Le pouvoir hiérarchique n’est pas le pouvoir d’agir à la place du subordonné, mais c’est le pouvoir d’annuler ses actes, de lui

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donner des instructions, de réformer ses actes. Par ces différents pouvoirs, l’autorité centrale garde la main sur les autorités déconcentrées ; il n’y a pas d’autonomie de l’administration déconcentrée sur l’administration centrale de l’Etat. C’est une vision verticale, qui correspondait quelque peu à la réalité jusqu’au milieu des années 90 et à partir du début du XXe. En effet, l’Etat est en profonde mutation, et il a subi des rénovations importantes encore d’actualité. L’administration de l’Etat est maintenant gouvernée par la volonté d’efficacité. On a donc adapté l’organisation hiérarchique à ce souci d’efficacité. Ce mouvement est la conséquence de la révision générale des politiques publiques. En effet, cette révision générale a été entamée en 2007, placée sous l’autorité directe du PDR et d’un Conseil de Modernisation des Politiques Publiques, dirigée par le secrétaire général de l’Elysée, et composé des membres du Gouvernement. L’idée de cette modernisation de l’Etat est de réformer ; l’objectif est de légiférer, règlementer, modifier les structures de l’Etat dans le but de rechercher une efficacité. Cette efficacité est dans un premier temps budgétaire (faire mieux avec moins) ; cette efficacité est la conséquence d’une évaluation d’une politique menée par l’Etat, où chaque réforme mise en œuvre étant évaluée après un certain temps pour être abandonnée ou amendée. Toutes les réformes doivent être marquées par un rapprochement entre l’administration et les administrés par une simplification des procédures, des liens entre eux par le développement de la transparence ; cela a bouleversé l’organisation de l’Etat.

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Chapitre 1 : L’Administration Centrale de l’Etat

Section 1 : Le Président de la République et le Premier Ministre

I-La Compétence du Principe du Premier Ministre

L’article 21 de la Constitution reconnaît au premier ministre la compétence de principe en matière règlementaire et en matière de nomination aux emplois civils et militaires de l’Etat lorsque le PDR n’est pas compétent du fait de la Constitution, et notamment de son article 13.

A-Les Compétences Administratives de Droit Commun

1-Le Pouvoir Règlementaire

Le premier ministre dispose du pouvoir règlementaire qu’il partage avec le PDR selon que le règlement a ou non été adopté en Conseil des Ministres. Depuis l’arrêt Meyet de 1992, tous les actes règlementaires délibérés en Conseil des Ministres sont ceux du PDR ; ces actes devaient être obligatoirement délibérés en Conseil ou amenés par le PDR à l’ordre du jour. C’est important en période de cohabitation, quand la majorité présidentielle et gouvernementale ne coïncident pas, car en principe du parallélisme des compétences, les actes du PDR ne peuvent être modifiés ou abrogés que par le PDR, et identiquement pour le premier ministre. Cela peut permettre au PDR bloquer l’action du premier ministre et inversement.

2-Le Pouvoir de Nomination

Comme autorité administrative de principe, le premier ministre dispose du pouvoir de nomination sous réserve du pouvoir qui appartient au PDR, compétent en vertu de l’article 13 alinéa 2 de la Constitution pour ce qui concerne ce que la Constitution appelle les emplois civils et militaires de l’Etat. La Constitution confère le pouvoir de nomination en vertu de l’article 21 alinéa 1 du premier ministre, mais l’alinéa 2 permet au premier ministre de déléguer ce pouvoir de nomination aux ministres.

3-Le Contreseing des Actes du Président

Le premier ministre va contresigner tous les actes du PDR à l’exception des actes désignés par l’article 19 de la Constitution, qui énumère une série d’actes du PDR qui sont dispensés du contreseing du premier ministre (ex : dissolution AN). Ce contreseing est présent pour faire le lien entre le PDR et la représentation nationale. Le premier ministre étant responsable, le contreseing relie les actes du PDR à l’AN.

4-La Direction des Services du Premier Ministre

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Le premier ministre va être aidé dans sa tâche par un ensemble excessivement important de services que l’on appelle les services du premier ministre, et qui regroupent 7500 agents situés à l’hôtel Matignon. Il s’agit donc d’une administration très importante, placée sous l’autorité directe du premier ministre. En comparaison, le PDR dispose d’environ 500 personnes dans ses services. Cela signifie concrètement que l’ensemble de l’administration de l’Etat repose sur les services du premier ministre et non pas sur ceux du PDR. Ainsi, toute action administrative du PDR doit passer par les maillons complexes des services du premier ministre, ce qui donne un poids politique très important au premier ministre y compris lorsque le PDR se place en position de domination à l’égard de son premier ministre. Le premier ministre peut paraître médiatiquement effacé, mais ses services sont à l’œuvre. Il est plus difficile de changer de premier ministre puisqu’il a un pouvoir d’action très important notamment grâce à son administration.

a-Le Cabinet du Premier Ministre

Le Cabinet est une institution administrative fortement politique. Il est donc formé politiquement ; il est fait de proches du premier ministre, et de personnes qui ont sa couleur politique. Le Cabinet est cependant composé dans sa majorité de très grands fonctionnaires, venant du CE et de la haute administration publique ou des entreprises privées. C’est le Cabinet qui va préparer les décisions, l’action du premier ministre aussi bien du point de vue politique qu’administratif. Il est à cheval entre politique et administration, et est souvent composé de personnes fortement compétentes dans leurs domaines de compétences, qui vont participer dans l’élaboration des textes règlementaires ou des projets de lois.Il est dirigé par un directeur de Cabinet (Faugère depuis 2007), qui coordonne les activités d’une quinzaine de conseillers, qui sont les chefs de file qui sont en relation avec les ministres et leurs services pour organiser l’activité gouvernementale.Le premier ministre dispose aussi d’un cabinet militaire, mais il a une fonction plus restreinte, puisque, même s’il possède la gouvernance de la Défense Nationale, ses fonctions sont limitées par les prérogatives du PDR, chef des armées.

b-Le Secrétariat Général du Gouvernement

C’est l’institution qui va coordonner l’action du Gouvernement et des services de chacun des ministres. C’est l’instrument du travail collectif du Gouvernement. Il est placé sous l’autorité du secrétaire général du Gouvernement, en pratique toujours un conseiller d’Etat du Gouvernement.

c-Les Services Rattachés au Premier Ministre

Le premier ministre d’une multitude de services placés sous son autorité (~80 organismes), qui ont une importance capitale pour la préparation des textes.

5-L’Organisation de la Coordination Interministérielle

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Le premier ministre a en charge la coordination des différents ministères ; comme il est à la tête de la pyramide, il va faire le lien entre les spécialités des différents ministères.

a-Le Conseil des Ministres

Il est présidé par le PDR (article 9 Constitution), et il réunit autour du PDR, toutes les semaines, le premier ministre, les ministres et les ministres délégués. Les secrétaires d’Etat sont invités à participer quand la question abordée concerne leur domaine d’action. Il est donc très important d’être nommé au Gouvernement, mais aussi d’y avoir la qualité de ministre. Normalement, dans le cadre d’une programmation à 8 semaines, le secrétaire générale du Gouvernement va contribuer à fixer l’ordre du jour qui est choisit par le PDR. Tous les lundis soirs, le PDR, le premier ministre, le secrétaire général du Gouvernement, le secrétaire général de l’Elysée se réunissent afin de fixer l’ordre du jour et le déroulement du Conseil des Ministres du mercredi ; il n’est donc pas difficile d’identifier les 4 postes clés du Gouvernement central. Il y a 4 parties dans le Conseil des Ministres :-Partie A : projets de loi, d’ordonnance ou de décret.-Partie B : les mesures individuelles ou nominations devant être faites en Conseil.-Partie C : communication des différents ministres. Chaque semaine, le ministre des affaires étrangères fait état de la situation de la France en Europe et dans le Monde. En fonction de l’ordre du jour, tel ou tel ministre va présenter les orientations des mesures nouvelles qu’il veut prendre dans son domaine.-Partie D : introduite par M. Sarkozy, qui porte sur un débat sur une question d’actualité.

b-Les Réunions Interministérielles

Ces réunions permettent la coordination de différents ministres ou ministères.

c-Les Services de Coordination Interministérielle

Ils ont des domaines d’action transversaux (ex : direction des journaux officiels, service d’information du Gouvernement et de la communication avec les médias, centre d’analyse stratégique en matière économique sociale ou environnementale…).

II-Le Président de la République Comme Autorité Administrative d’Exception

Il apparaît que le PDR dispose de compétences administratives dans la limite de l’action du premier ministre d’un point de vue juridique, même s’il est fort et prépondérant.

A-Le Pouvoir Règlementaire

Ce pouvoir est partagé avec le premier ministre (Cf. IA)

B-Les Ordonnances Signées par le Président

(Cf. cours : article 38)

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C-Le Pouvoir de Nomination

Le PDR va nommer aux emplois civils et militaires de l’Etat. Cette nomination a lieu en et hors du Conseil des Ministres. La nomination peut être politique et peut être laissée à la libre appréciation du PDR (ex : préfets, recteurs), ou bien peut être soumise à l’avis d’une autorité (ex : les Hauts Magistrats). Elle peut être aussi le résultat d’un concours national (ex : nomination des professeurs d’université).La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a cependant prévu qu’une loi organique déterminera les emplois ou fonctions pour lesquels, en raison de leur importance, pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du PDR s’exerce après avis public de la Commission Permanente de chaque assemblée. Il y a donc possibilité pour la Commission Permanente de chaque assemblée d’intervenir dans les nominations du PDR (ex : nomination au CC), et cela donne un poids au Parlement, pour éviter des nominations purement politiques. En pratique, c’est une technique utilisée aux USA, qui peut fonctionner parce que le Congrès, y compris du même bord politique que le PDR, ne lui est pas soumis et peut donc s’opposer à des nominations sans que cela crée un choc politique. En France, la tradition veut que le Parlement, et notamment l’AN, si elle est du même bord politique que le PDR, lui reste politiquement soumis. Cette technique est donc valable en période de cohabitation et quand le Sénat n’est pas du même bord politique que le PDR.

D-Les Services de la Présidence

1-Le Cabinet du Président

Ce Cabinet est composé d’une 10aine de personnes, dirigé par un directeur assisté d’un chef de cabinet et du secrétaire particulier du PDR. Le Cabinet est chargé d’organiser la vie quotidienne et les relations publiques du PDR (fonctionnement palais, courrier, emploi du temps, audience, voyages, conférences de presse…).

2-Les Collaborateurs Directs du Président

L’influence des collaborateurs directs s’est considérablement accrue depuis la fin de la présidence Mitterrand et avec la présidence Chirac et la présidence Sarkozy. Le PDR est entouré, outre son secrétaire général particulier, d’un conseiller diplomatique, appelé le Sherpa (Jean David Levitt), et de conseillers spéciaux qui vont avoir en charge certains secteurs.

3-Le Secrétariat Général de la Présidence

C’est le collaborateur direct du PDR, qui prend de plus en plus d’importance.

4-L’Etat-Major Particulier du Président

Il a une fonction prépondérante en matière militaire. Il permet au PDR d’assumer sa mission constitutionnelle et il est placé sous la responsabilité d’un chef d’Etat major particulier. C’est

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le deuxième collaborateur du PDR. L’Etat major regroupe ainsi les officiers généraux et supérieurs des différentes armées, et il va conseiller directement le PDR sur les décisions stratégiques et militaires que le PDR est amené à prendre régulièrement sur l’engagement de certaines forces.

Section 2 : Le Niveau Gouvernemental

Le Gouvernement est composé du premier ministre ainsi que des ministres et des secrétaires d’Etat. Le Gouvernement est nommé par le PDR sur proposition du premier ministre. Il y a ainsi un décret du 14 novembre 2010 publié au JO relatif à la composition du Gouvernement, signé par le PDR et contresigné par le premier ministre.

I-La Structure du Gouvernement

Contrairement à certains systèmes constitutionnels, il n’y a pas en France de règles constitutionnelles ou organiques qui viennent fixer durablement l’organisation du Gouvernement. Il y a donc une disparité dans le nombre et l’organisation des ministères. Le Gouvernement peut être large, resserré, et l’intitulé des ministères changés. Mais la structure du Gouvernement peut avoir une influence politique. Par ailleurs, il y a une volonté de replacer le Gouvernement et de l’organiser autour de fonctions régaliennes, qui indique une élévation du PDR des questions économiques.

II-La Nomenclature Gouvernementale

Il existe une hiérarchie politique entre les ministres : ministres d’Etat, ministres, ministres délégués, et secrétaires d’Etat.

III-Le Ministre

Il est le chef d’une administration, mais placé sous l’autorité du PDR et du premier ministre

A-Les Attributions des Ministres

Le ministre ne dispose pas en principe du pouvoir règlementaire (CE Sect., 7 février 1936, Jamart). Il dispose tout de même du pouvoir de règlementation interne de son ministère, ensuite, il est responsable de la bonne marche des services de ce ministère dans le cadre de ses attributions, qui sont définies par un décret du PDR, pris en Conseil des Ministres. Enfin, les ministres responsables contresignent les actes du PDR, et les ministres chargés de l’exécution du décret contresignent les actes du premier ministre. Bien évidemment, seuls les actes du PDR bénéficient du contreseing du premier ministre.

B-L’Organisation Ministérielle

Le ministre dispose d’un cabinet ministériel, composé de hauts fonctionnaires proches du ministre et dirigé par un directeur. Il dispose de services qui lui sont rattachés, ainsi que l’ensemble des très importantes directions de l’administration centrale, qui ont pour charge

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d’assurer au niveau national un rôle de conception, d’animation, d’orientation, d’évaluation et de contrôle. Elles participent à l’élaboration des projets de lois, de décrets, elles préparent et mettent en œuvre les décisions du Gouvernement et de chacun des ministres.

Section 3 : Les Organes Centraux de Conseil en Charge de Donner des Avis aux Administrateurs de l’Etat

Au premier rang de ces organes figure le CE dans ses fonctions administratives.

I-La Consultation Interne par le Conseil d’Etat

Le CE et sa création est la conséquence de la conception française du principe de séparation entre les autorités administratives et judiciaires, dont la concrétisation juridique a abouti à la confusion dans l’institution du CE de fonctions toutes à la fois administratives et juridictionnelles ; c’est la dualité fonctionnelle du CE. Mais on regroupe au sein des fonctions administratives plusieurs fonctions, et notamment des fonctions législatives, qui sont aussi exercées par lui. Il serait donc plus exact de parler des fonctions législatives, des fonctions administratives et des fonctions juridictionnelles du CE, mais en pratique, on regroupe les deux premières autour de l’énoncé « fonctions administratives du CE ». Le CE exerce bien trois fonctions.Le CE rend ainsi des avis sur les projets de lois qui sont posés par le Gouvernement ; il va donc conseiller le Gouvernement dans la fonction législative de ce dernier. En effet, l’initiative des lois ne relève pas d’une fonction administrative mais législative exercée par le pouvoir exécutif. Par ailleurs, depuis la révision constitutionnelle de 2008, l’article 39-5 nouveau de la Constitution élargit la fonction législative du CE, en prévoyant que le président d’une assemblée peut soumettre pour avis au CE, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par un député ou sénateur, sauf si ce dernier s’y oppose. Il existe donc bien, au-delà même du conseil du Gouvernement, une unité de la fonction législative du CE, qui conseille à la fois le Gouvernement et le Parlement. Comme nous l’indique l’article L112-1 du code de justice administrative, le CE participe à la confection des lois et des ordonnances. La réforme de l’institution du CE, institué du décret du 29 juillet 1963, a donné une manifestation organique au cumul fonctionnel du CE, en instaurant un système particulier dit du binage ; ce système pose le principe de la double appartenance de la plupart des membres du CE aux sections administratives et à la section du contentieux du CE.

A-La Structure Interne du Conseil d’Etat dans sa Fonction Administrative

Il existe six sections administratives dans le CE, qui sont en charge, sous l’autorité d’un président, de différents domaines : section de l’intérieur, section des finances, section travaux publics, section sociales, rapports et études, et section de l’administration. La section du rapport et des études est particulière car elle ne rend pas d’avis ; elle publie des études annuelles sur des domaines d’actualité, elle publie le rapport annuel d’activités du CE, et elle peut rendre des études sur des points de droit qui ont été demandés par le Gouvernement.

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Outre ces sections, il faut ajouter deux formations spéciales : l’Assemblée Générale, qui répond à des exigences de solennité, et la Commission Permanente, qui répond à des exigences de rapidité. L’AG peut se réunir en formation ordinaire ou en formation plénière. En formation ordinaire, elle comprend 35 membres : le vice président du CE, les 7 présidents de sections, l’un des présidents adjoints de la section de contentieux, ceux des sections administratives, 10 conseillers d’Etat affectés à la section du contentieux, 6 conseillers d’Etats affectés aux sections administratives. L’AG ordinaire connaît en principe les textes les plus remarquables après leur examen par la section administrative compétente ; il s’agit de projets ou proposition de lois et des projets d’ordonnance, ainsi que de toute affaire dont l’importance a été jugée suffisante par le vice président du CE ou à la demande des ministres pour y être examiné. Il faut remarquer la confusion dans cette AG ordinaire des membres relevant de la fonction juridictionnelle du CE ; il y a une volonté affirmée de confusion entre administratif et juridictionnel ; c’est ce qui fait la spécificité du CE ; c’est un juge au cœur de la vie politique et administrative (certains pensent à un problème d’impartialité). C’est cette connaissance intime du Gouvernement et de la France ; les conseillers d’Etat ont la main dans le Gouvernement ; ils ont une conscience des nécessités de l’intérêt général et de l’utilité publique, et c’est la raison d’être de la juridiction administrative. Annuler un acte n’est pas rendre une justice comme une autre ; c’est censurer des institutions politiques et administratives qui sont légitimes parce qu’elles sont responsables devant le Parlement ou parce qu’elles ont été élues, et sont censées agir selon l’intérêt général dont elles sont la voix. Il faut donc qu’une institution ait suffisamment conscience de l’intérêt général pour censurer les actes de l’autorité qu’il incarne. C’est l’explication de cette confusion des fonctions, que l’on trouve dans l’AG ordinaire, mais encore plus dans l’AG plénière, qui comprend tous les conseillers d’Etat, et avec voie consultative, les auditeurs et les maîtres des requêtes. Le Premier Ministre, ou le Garde des Sceaux en son absence, peut présider l’AG du CE.Traditionnellement, le premier ministre, jusqu’à la codification du code de justice administrative en 2000, était considéré comme le président du CE, alors que dans l’article L121-1 nouveau, la présidence du CE est assurée par le vice président.La Commission Permanente (CP) traite des mêmes textes que l’AG, mais seulement en cas d’urgence constatée par le premier ministre. Dans ces hypothèses, le vice président, deux conseillers d’Etat par section, un président de section administrative, et un ou deux conseiller supplémentaires si besoin, sont chargés de la fonction administrative.

B-Les Attributions Consultatives du Conseil d’Etat

Il faut distinguer entre ses consultations dans le cadre de la fonction administrative et législative.

1-La Fonction Législative du Conseil d’Etat

Le CE rend obligatoirement un avis sur l’ensemble des projets de lois ou d’ordonnance du Gouvernement. L’influence est fondamentale : toutes les lois auxquelles nous sommes soumises ont fait l’objet d’un avis secret à destination du Gouvernement, qui porte sur la légalité (conformité de la loi à la Constitution, aux conventions internationales, à l’opportunité), et non d’un point de vue politique.

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Il peut juger de la constitutionnalité ou de la conventionalité des lois, mais seulement d’un point de vue consultatif. C’est l’institution qui donne l’avis, qui juge ensuite de la conventionalité : problème d’impartialité (principe : ne peut pas en théorie statuer sur le contentieux s’il a donné son avis dans la même formation). Remarque : on ne peut plus dire que le CE ne statue jamais sur la constitutionnalité des lois actuellement ; le CE statue sur la constitutionnalité des lois dans sa fonction législative lorsqu’il conseille le Gouvernement dans ses projets, mais aussi dans le cadre de la QPC. Mais le CE, dans cette fonction, ne se prononce que sur des projets, et non pas sur les textes votés.Le CE peut donner un avis sur les propositions de lois du Parlement. Mais il faut que l’avis soit demandé par le président d’une des assemblées et que le député ou sénateur qui l’a déposé ne s’y oppose pas.

2-La Fonction Administrative du Conseil d’Etat

L’article L112-1 du code de justice administrative dans son alinéa 3 dit que le CE donne son avis sur les projets de décret et sur tout autre projet de texte pour lesquels sont intervention est prévue par les dispositions constitutionnelles, législatives ou règlementaires, ou qui lui sont soumis par le Gouvernement. Il y a donc lieu de distinguer une consultation obligatoire et une consultation facultative du CE.Lorsque la consultation est obligatoire (actes pour lesquels un texte prévoit qu’ils devront être pris après avis du CE), il existe deux types d’avis : l’avis simple et l’avis conforme. Dans l’hypothèse d’un avis simple, l’autorité administrative est tenue de prendre un avis, mais n’est pas tenue de le suivre. Dans l’hypothèse d’un avis conforme, l’autorité administrative est non seulement tenue de prendre l’avis mais aussi de le suivre, si bien que l’autorité qui a reçu un avis conforme négatif n’a pas d’autre choix que de modifier ou ne pas prendre le texte. Mais la consultation obligatoire du CE est rare. Les actes pris après avis obligatoires du CE sont des décrets rendus en Conseil des Ministres. Le principe est la consultation facultative du CE, qui peut être repérée dans les visas des textes par l’emploi de la formule « vu l’avis du CE ». Le Gouvernement, en la personne du premier ministre, peut saisir l’institution, le CE, avant de prendre un texte administratif afin de recevoir l’avis du CE sur sa conformité et sur son opportunité. Se rattache à cette fonction administrative la possibilité pour le premier ministre de demander au CE une étude sur une question particulière de droit quel quelle soit. L’article L112-3 du code de justice administrative donne ainsi au CE la possibilité d’appeler de sa propre initiative l’attention de l’ordre public sur les réformes d’ordre législatif, règlementaire ou administratif qui lui paraissent conformes à l’intérêt général. C’est la section rapports et études qui est en charge de cette fonction.

II-La Consultation Externe par le Conseil Economique, Social et Environnemental

La révision constitutionnelle de 2008 a fait évoluer l’ancienne institution du Conseil Economique et Social pour la remplacer par le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE). Le CESE est en charge du conseil du Gouvernement et le Parlement sur les effets économiques et environnementaux des textes qui lui sont soumis soit de façon obligatoire soit de façon facultative.

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Section 4 : Les Autorités Administratives Indépendantes

Ces autorités administratives sont d’une nature particulière : elles sont intégrées à l’administration de l’Etat, mais elles sont indépendantes du Gouvernement ; elles ne sont pas soumises au pouvoir hiérarchiques du premier ministre, ce qui est anti-démocratique. Cela veut dire que cette autorité sort du cadre de la responsabilité face au Parlement. Ces autorités sont instituées pour préserver certains principes démocratiques (ex : CSA, HALD, CNID, Autorité Marchés Financiers, Autorité de la Concurrence, la Commission de Régulation de l’Energie). Les plus connues sont celles qui interviennent dans le domaine de la protection des libertés (CSA : secteur audiovisuel. Dispose d’un pouvoir règlementaire et d’un pouvoir de sanction, mais n’est pas soumise au pouvoir hiérarchique, afin d’éviter la main mise d’une majorité politique sur un droit, la prise de contrôle de la radio ou télévision par la majorité politique, pour protéger la liberté d’opinion ou d’expression). En matière économique, on a jugé que la protection du droit de la concurrence nécessitait l’institution d’autorités indépendantes de l’Etat aux connaissances techniques précises, aptes à répondre rapidement aux besoins du marché ; des autorités de régulation indépendantes ont donc été instaurées (ex : marché des télécommunications explique la raison d’être de ce principe. Avant 1996, il était organisé de manière monopolistique autour de l’entreprise PosTe et Télécommunications, devenus France Télécom), mais on a développé le principe de libre circulation des personnes et des marchandises avec l’UE, mais c’est la liberté de toute entreprise de s’installer où elles veulent et donc les entreprises de télécommunications étrangères peuvent s’installer en France ; l’objectif de l’UE est l’ouverture à la concurrence dans ce domaine. Si l’Etat intervient directement sur le marché, il pourra être accusé d’atteinte à la concurrence, et c’est pour cela que le domaine a été privatisé. Pour le réguler, il y a l’autorité de régulation des télécommunications, indépendante de l’Etat, et dont l’indépendance est nécessaire.

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Chapitre 2 : L’Administration Déconcentrée de l’Etat

Cette administration déconcentrée est placée sous l’autorité du préfet, du recteur d’académie et des services déconcentrés de l’Etat. Le préfet de région a autorité sur le préfet de département ; chaque préfet est le chef des services déconcentrés. Le principe de la déconcentration suppose le transfert à une autorité locale de l’Etat de certaines compétences de l’Etat, mais c’est autorités restent autorités de l’Etat parce qu’elles sont soumises à son pouvoir hiérarchique.

Section 1 : Les Autorités Déconcentrées de l’Etat

C’est la loi du 6 février 1992 (loi ATR) qui va fixer le cadre général de l’organisation déconcentrée de l’Etat, complétée par le décret du 1er juillet 1992, portant charte de la déconcentration et qui pose le principe de cette déconcentration pour l’organisation de l’administration de l’Etat. Ce décret pose le principe de la soumission du niveau déconcentré au premier ministre et autres ministres. Un décret du 16 février 2010 est venu modifier un ancien décret du 29 avril 2004 régissant les pouvoirs du préfet.

I-Les Circonscriptions Administratives

L’organisation d’origine de la déconcentration était organisée autour de la circonscription départementale, considéré comme circonscription de droit commun. Mais dans le cadre général voulu par le PDR, on assiste à une restructuration des circonscriptions administratives de l’Etat autour de la région ; l’objection est d’améliorer l’efficacité de l’action de l’Etat par le regroupement des services, qui permet aussi de faire des économies budgétaires.

A-La Région

Elle constitue le niveau de droit commun de l’administration locale de l’Etat, dominée par le préfet de région, dont les attributions sont régies par un décret du 16 février 2010. La déconcentration s’est déplacée du département vers la région pour s’adapter aux nécessités de l’interventionnisme de l’Etat dans l’efficacité supposée de dépasser le cadre territorial trop étroit du département. La circonscription administrative d’Etat région est considérée comme coïncidente avec la région comme institution administrative. Pourtant, ces deux circonscriptions coïncident mais ne sont pas le lieu des mêmes pouvoirs, et il faut donc bien différencier la région comme territoire d’action du préfet, et la région comme CT aux compétences propres. Ce sont les limites territoriales de son action.

B-Le Département

C’est une circonscription de mise en œuvre des politiques nationales et européennes. La circonscription ordinaire de l’Etat est constituée par le département, dans le cadre duquel se structure en général les services déconcentrés de l’Etat. C’est ainsi au niveau du préfet de département que s’opère, à défaut de toute indication contraire, la concentration des

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compétences de l’Etat. Le département est la circonscription classique de l’Etat depuis la Révolution et les lois de 1789 et 1790.

C-L’Arrondissement, Circonscription d’Etat

L’arrondissement a été institué par la loi du 23 pluviôse an 8, et possède la particularité notable de n’être qu’une circonscription administrative de l’Etat et de ne pas exister dans la décentralisation. C’est un échelon de spécialité et de proximité. Il est en général utilisé pour les services déconcentrés du département pour les déconcentrer au sein de l’arrondissement.

D-La Commune, Circonscription d’Etat

Le maire dispose de certaines compétences en tant. Par exemple, dans la commune, c’est le maire, représentant de l’Etat, qui prononce les mariages, qui a des compétences en matière d’Etat civil. Ici, le maire agit non pas au nom de la commune, mais au nom de l’Etat. Il exerce ses pouvoirs dans la circonscription communale.

E-Le Canton

Le canton a été créé pour permettre une subdivision administrative supplémentaire ; il sert en principe de cadre territorial pour le déploiement du service de la gendarmerie et des impôts.

II-Les Autorités Déconcentrées

A chaque circonscription déconcentrée correspond des autorités ou services déconcentrés.A-L’Autorité PréfectoraleLes préfets sont une institution napoléonienne qui a persisté jusqu’à nos jours, et ils forment un grand corps de la fonction publique de l’Etat. Si l’on met de côté les préfets de zone, on peut différencier le préfet de région du préfet de département. Ces deux préfets appartiennent cependant à un même corps, le corps préfectoral, doté d’un même statut.

1-Le Corps Préfectoral

Les préfets sont les représentants directs de l’Etat et leur nomination est laissée à la discrétion du Gouvernement. En droit, conformément à l’article 13 alinéa 3 de la Constitution, leur nomination est la cession de leurs fonctions sont prononcées par décret du PDR en Conseil des Ministres, sur proposition du ministre de l’intérieur. Ils sont soumis à un statut particulier dérogatoire et fort peu protecteur en apparence. Ils ont une obligation de loyalisme, qui permet l’inscription au dossier du fonctionnaire de mentions relatives à ses opinions politiques, philosophiques ou religieuses. Cette obligation de loyalisme se manifeste par une nomination et une cessation de fonctions prononcée par le PDR en pure opportunité. La nomination du préfet peut donc être politique, puisqu’il sera en charge de la représentation dans la circonscription du pouvoir politique de l’Etat. Cependant, la nomination des préfets est soumise à une condition de compétence, qui fait que 4/5 de l’effectif global doit être choisi au sein des sous-préfets de première classe et des

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administrateurs civils hors classes recrutés à la sortie du concours de l’ENA. La fonction est donc à la fois administrative et politique.Les préfets n’ont pas le droit de grève, la liberté syndicale, et ne peuvent avoir d’institution de concertation professionnelle. L’article 12 alinéa 6 de la Constitution attribue au préfet, dans sa circonscription, la charge des intérêts nationaux du contrôle administratif et du respect des lois. Ces fonctions sont reprises et détaillées par le décret du 29 avril 2004. Pour exercer ses missions, le préfet dispose de services déconcentrés qu’il dirige pour la plupart sous l’autorité des ministres compétents. Il est donc en principe seul affectataire des délégations de compétences des ministres. Et des compétences qui lui sont attribuées par décret.

2-Le Préfet de Région

Il a pris une importance prépondérante depuis la modification du décret de 2004 par le décret de février 2010. Le préfet de région dispose de l’autorité sur le préfet de département. C‘est lui qui va fixer le cadre général de l’action déconcentrée de l’Etat, qui sera mise en œuvre par le préfet du département.

3-Le Préfet de Département

Il va mettre en œuvre l’action de l’Etat sous l’autorité du préfet de région et il dispose pour se faire de compétences organisées par le décret de 2004. Le préfet de département est principalement titulaire de compétences en matière de police et de contrôle des actes des CT.

Section 2 : Le Pouvoir Hiérarchique

Dans la déconcentration, le lien qui unit les autorités centrales et locales est un lien hiérarchique car c’est lui qui permet de garantir l’ordre et l’efficacité de l’organisation administrative sur l’ensemble du territoire par l’unité de commandement. Ce pouvoir hiérarchique se caractérise par un pouvoir d’instruction, puisque l’autorité supérieure a le pouvoir de fixer à l’autorité subordonnée la conduite à tenir, soit par des ordres de services, soit par le biais plus sophistiqué de circulaires. La relation hiérarchique comprend aussi un pouvoir d’annulation et de réformation, qui autorise l’autorité supérieure à prendre une décision qui vient remplacer celle de l’autorité subordonnée, mais qui ne la remplace que pour l’avenir ce qui signifie que les effets antérieurs de la décision ne sont pas annulés. En revanche, l’autorité supérieure ne peut pas se substituer à l’autorité subordonnée pour décider elle-même en lieu et place de l’autorité subordonnée. Cela permet par conséquent d’organiser le lien entre l’autorité déconcentrée et les membres du Gouvernement.

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Chapitre 3 : L’Organisation Décentralisée de l’Etat

L’organisation décentralisée de l’Etat est une organisation qui doit beaucoup aux lois du 2 mars 1982 et du 28 juillet 1983. Ces lois ont reconnu l’autonomie réelle et la libre administration des CT. A côté de l’Etat, il existe donc des institutions administratives, les CT, qui s’administrent librement par des conseils élus sous le contrôle de l’Etat. L’existence de ces CT n’est pas nouvelle ; leur administration par des conseils élus non plus (communes 28 avril 1883, départements lois de 1789 et 1790…). Les CT disposent d’un statut constitutionnel depuis la IVe et Ve République, mais en 1982, le principe de libre administration reçoit une application réelle par le principe énoncé de suppression de la tutelle de l’Etat.Avant 1982, le préfet de département exerçait un pouvoir de tutelle sur les actes des CT. Ce pouvoir lui permettait, dans certaine circonstances, d’annuler les actes des CT pour des motifs de pure opportunité politique. Il existait donc un principe de maîtrise des CT par l’Etat. La loi de 1982 et la loi de 1983 opèrent toute à la fois un transfert de compétences inédits de l’Etat vers les CT, et supprime le pouvoir classique de tutelle du préfet en le remplaçant par un contrôle administratif juridictionnalisé. La décentralisation se justifie donc par un double mouvement.

Section 1 : Le Dessaisissement de l’Etat

Ce dessaisissement se fait vers les personnes morales, dirigées par des organes élus, dotées de compétences propres.

I-Des Personnes Morales

Les CT sont dotées de la personnalité morale. Cette qualité permet de faire une distinction entre la décentralisation et la déconcentration. La qualité de personne morale emporte des conséquences : les CT disposent ainsi d’une autonomie de décision, de compétences propres, du pouvoir d’agir en justice ; elles disposent d’un patrimoine et d’un budget propre. La personnalité morale est donc la condition première d’un fonctionnement libre par rapport à l’Etat. Il faut cependant nuancer parce que les CT disposent de ressources qui, pour l’essentiel, émanent d’une dotation de l’Etat. Ces ressources sont complétées par des ressources fiscales et par des redevances payées par des usagers des services publics locaux, mais les CT sont libres d’utiliser leur budget afin d’exercer leurs compétences.

II-Des Organes Elus

L’autre caractéristique de la décentralisation à la française est l’élection des administrateurs locaux ; chaque CT dispose ainsi d’un conseil qui rend des délibérations et d’un président de ce conseil qui est aussi l’autorité exécutive locale (Conseil Municipal, général, régional). A ces conseils correspondent le maire, le président du conseil général et le président du conseil régional.Cette organisation a été bouleversée par la loi de réforme des CT, votée en novembre 2010, mais le CC en a été saisi le 22 novembre pour avis. L’objectif est de faire la représentation par une même autorité du département et de la région, l’objectif à terme étant d’instituer une

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fusion d’intérêt entre le département et la région qui aboutirait à la suppression du département. Comme une telle suppression n’était pas possible politiquement, le législateur a voulu contourner la difficulté en instituant un représentant unique appelé « le conseiller territorial » pour département et la région. Elu dans le canton, il représenterait le département en conseil général et la région en conseil régional.Les élections aux trois conseils répondent à des modes de scrutins différents. Le conseil municipal et régional sont élus au scrutin de listes avec une dose de proportionnel. La liste qui arrive en tête est assurée d’avoir la majorité des conseillers régionaux ou municipaux. Le conseil général est élu au scrutin uninominal à deux tours. Les trois conseils éliront à leur tour le président de leur conseil. Cette élection donne une légitimité aux représentants locaux, qui vont pouvoir s’asseoir sur cette légitimité pour leurs actions et l’exercice de leurs compétences.

III-Les Compétences des Collectivités Territoriales

La question des compétences des CT est d’importance tout en étant complexe. Plusieurs principes régissent la répartition des compétences entre l’Etat et les CT.

A-Le Partage Entre l’Etat et les Collectivités Territoriales

On sait que les CT ne disposent pas du pouvoir législatif. On sait en outre (article 72 de la Constitution) que les CT disposent du pouvoir règlementaire. On sait que la compétence des CT est déterminée par la loi, qui fixe les règles relatives à la libre administration des CT (article 34 de la Constitution). On sait aussi que la loi st intervenue en posant le principe de la clause générale de compétence. En vertu de cette clause (article L1411-1 code des CT), la commune gère les affaires de la commune, les départements celles du département, les régions celles de la région. On sait enfin que des lois organisent périodiquement le transfert de certaines matières aux CT en donnant explicitement compétences aux CT dans ces matières (ex : loi confère à la commune les pouvoirs en matière d’urbanisme, loi donne au département les pouvoirs en matière d’action sociale). Il y a deux positions extrêmes : une fois que la loi est intervenue, dans le cadre législatif les CT peuvent agir disposent du pouvoir règlementaire chaque fois qu’il y a un intérêt local. Cela signifie que le pouvoir règlementaire local n’est soumis au législateur, et n’a donc pas besoin de l’intermédiaire du pouvoir règlementaire de l’Etat pour organiser son activité. Le pouvoir règlementaire local peut donc faire immédiatement application de la loi. L’autre position extrême est que le pouvoir règlementaire local n’est pas un pouvoir d’application de la loi. Pour que la CT puisse intervenir, il est nécessaire qu’un pouvoir règlementaire national vienne encadrer le pouvoir règlementaire local, si bien que l’on a toujours une loi, un pouvoir réglementaire national et local.En pratique, le pouvoir règlementaire des CT peut agir à titre subsidiaire tant que le domaine n’est pas règlementé par l’Etat si c’est l’intérêt local. Cela signifie par conséquent que le pouvoir réglementaire national peut toujours intervenir pour encadre l’action des CT. Cependant, son intervention devra être suffisamment discrète pour respecter le principe de libre administration des CT. Si les contraintes sont trop fortes, le règlement pourra être annulé par le juge administratif.

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La clause générale de compétences permet ainsi aux CT de prendre toutes les décisions qu’elles jugent nécessaires (ex ; création d’un service public, création d’un bâtiment). Mais aux cotés de l’intérêt public local, les CT disposent de compétences attribuées par le législateur et le législateur organisent le partage entre Etat et CT. Il existe donc une borne à l’intérêt public local dans les pouvoirs de l’Etat. Tant que le transfert n’est pas fait, la compétence appartient à l’Etat.

B-Le Partage Entre les Collectivités Territoriales

Ce partage de compétences est gouverné par un principe qui est celui de la clause générale de compétences et ce principe veut que chaque collectivité soit compétente pour gérer les affaires qui relèvent de sa circonscription territoriale. La commune pour les affaires de la commune, et ainsi de suite. Il y a une difficulté à mettre en œuvre cette clause puisque ces trois circonscriptions territoriales sont imbriquées est que la compétence de la circonscription communale est imbriquée dans celle du département, imbriquée dans celle de la région.Le législateur est intervenu pour organiser les principes de répartition de chacune des ces compétences. On retrouve ce principe de clause générale dans le code général des CT. La commune est principalement compétente pour la préservation de l’ordre public en matière d’urbanisme et en matière de gestion des locaux des écoles ; au-delà de ce cœur, chaque commune a la possibilité de créer un service public qu’elle considère d’être d’intérêt communal à condition que cette création n’empiète pas sur les compétences de l’Etat ni sur celles des autres CT. En matière d’ordre public, le maire a ainsi compétence pour prévenir les atteintes portées à l’ordre public, c'est-à-dire la sécurité, la salubrité et la tranquillité publique. Cela signifie que le maire va pouvoir prendre un arrêté destiné à préserver ses administrés contre les atteintes qui pourraient être portées à ces trois matières (ex : contraindre les débits de boissons s’ils portent atteinte à la tranquillité publique). Pour l’urbanisme, le conseil municipal est compétent pour arrêter des plans locaux d’urbanisme, c'est-à-dire schématiquement la division du territoire communal en différentes zones, constructibles, naturelles, agricoles, commerciales, le maire étant compétent pour délivrer les permis de construire. La commune est aussi compétente pour les bâtiments scolaires de l’école primaire ; ainsi une commune peut faire appel à l’Etat pour la création d’une école, l’éducation et les agents de l’éducation nationale relevant de l’Etat.Le législateur a transféré au département tout ce qui relève de l’action sociale, des transports et de tout ce qui concerne les collèges. Le département est compétent pour gérer la location des revenus minimum, pour gérer en matière de transport public, et il gère les locaux des collèges. La région a principalement le rôle de développement économique, mais cela n’interdira pas la commune d’agir en matière sociale, ni au département d’avoir une action économique. Il y a une imbrication des différentes compétences des différents niveaux des CT, et cette imbrication est la conséquence générale de la clause générale de compétences, qui donne à chaque niveau le pouvoir d’agir quand son intérêt est en cause.

Section 2 : Le Contrôle Administratif de l’Etat

Le dessaisissement ne signifie pas l’atteinte au principe d’indivisibilité de la République. Si l’Etat se dessaisit sans contrôler, il y a un risque pour l’unité de l’Etat. C’est pourquoi un contrôle administratif de légalité de l’action des CT a été institué. Ce contrôle a un fondement

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constitutionnel. L’article 72 alinéa 6 de la Constitution dispose en effet que « dans les CT de la République, le représentant de l’Etat a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ».Auparavant, la loi du 2 mars 1982 avait souhaité supprimer ce que l’on appelait alors la tutelle de l’Etat sur les CT. L’idée était de développer une décentralisation véritable en évitant tout contrôle de l’Etat sur les actes des CT. Il est vrai qu’auparavant, l’Etat exerçait un pouvoir de tutelle sur les actes des CT ; ce pouvoir de tutelle était placé entre les mains du préfet, qui avait ainsi sur certains actes des CT un pouvoir direct d’annulation, et ce pouvoir d’annulation pouvait avoir un fondement juridique. Ce pouvoir était d’autant plus important que l’annulation des actes des CT pouvait se faire en pure opportunité ; le représentant de l’Etat pouvait considérer que l’acte de la CT n’allait pas dans le sens d’une bonne administration, et qu’il fallait donc l’annuler. La loi de 1982 a vu dans sa rédaction initiale ma volonté de supprimer toute tutelle sur les CT ; cependant, le CC a censuré la première version de la loi de 1982, en considérant qu’il était impossible de supprimer la tutelle de l’Etat sur les CT au motif que cette tutelle a un fondement constitutionnel (article 72 de la Constitution) et que la tutelle est essentielle au respect du principe d’indivisibilité de la République. En effet, la décentralisation ne doit pas être le ciment de l’illégalité ; le dessaisissement au profit des CT ne doit pas permettre à ces CT d’administrer en dehors de la loi de l’Etat. Il y a donc un principe d’unité de l’Etat, qui veut que l’ensemble des institutions privées come publiques respectent la Constitution et les lois de l’Etat. Les CT peuvent agir librement en prenant des règlements, mais ces règlements ne peuvent intervenir que dans leurs domaines de compétences et dans le respect de la loi de l’Etat. Si l’on ne permet pas le contrôle des CT, l’Etat perdra la maîtrise du contrôle du respect des lois.Comment concilier alors l’unité de l’Etat, l’indivisibilité de la République et la décentralisation ? Comment contrôler les CT tout en préservant leur autonomie ? Il y a deux types de solutions qui ont été adoptées : les premières sont relatives au contrôle sur les actes des CT, les autres relatives au contrôle du budget des CT.

I-Le Contrôle Administratif de Légalité des Actes des Collectivités Territoriales

Le contrôle administratif de légalité des actes des CT se fait par la voie du déféré préfectoral. Le terme de déféré désigne le recours par lequel le préfet du département va pouvoir saisir le juge d’une illégalité commise par les organes d’une CT. Le préfet n’a plus le pouvoir d’annuler directement l’acte de la CT ; il va devoir saisir le juge et seul le juge aura compétence pour annuler cet acte. La principale conséquence de ce type de contrôle est que sa juridictionnalisation interdit le contrôle d’opportunité, et donc l’annulation des actes des CT par opportunité, et limite cette annulation à la seule illégalité des actes des CT. Le juge ne peut en effet annuler un acte que s’il est contraire au droit.

A-Les Actes Soumis à l’Obligation de Transmission

La loi du 2 mars 1982 a distingué les actes soumis à l’obligation de transmission et les actes non soumis à l’obligation de transmission (repris pour les communes à l’article L2131-2 du code général des CT). La loi puis le code énumèrent un certain nombre d’actes des CT qui doivent, pour entrer en vigueur, obligatoirement être transmis au préfet. Avant cette

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transmission, l’acte peut être voté, ou arrêté, mais il ne sera pas applicable ou exécutoire. Cette obligation de transmission est destinée à porter à la connaissance du préfet les actes les plus importants afin que les services juridiques de la préfecture puissent les examiner et que le préfet prend éventuellement la décision de les déférer. Sont ainsi obligatoirement transmissibles, au sein d’une liste assez longue, toutes les délibérations des conseils municipaux, les décisions du maire prises dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative (sauf exceptions), les actes à caractère règlementaire des CT, les conventions relatives aux emprunts, aux marchés et aux délégations d’un service public locaux. On distinguait alors à l’origine les actes soumis à l’obligation de transmission qui pouvaient faire l’objet d’un déféré préfectoral et les actes non soumis à l’obligation de transmission qui ne pouvaient faire l’objet d’un tel déféré. Cependant, à l’égard des actes non soumis à l’obligation de transmission, le préfet n’était pas dénué de tout pouvoir ; il avait en effet la possibilité d’exercer un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de ces actes. Cela signifiait par conséquent que le préfet pouvait agir comme un particulier à l’encontre des actes non soumis à l’obligation de transmission. Petit à petit, le droit s’est simplifié, et l’on a fini par assimiler le recours pour excès de pouvoir du préfet à son déféré préfectoral, si bien que l’ensemble des actes des CT, qu’ils aient été soumis ou non à l’obligation de transmission, peuvent être déférés par le préfet. Simplement, seuls ceux qui ne sont pas soumis à l’obligation de transmission peuvent entrer en vigueur sans avoir à être transmis.

B-Le Déféré Spontané et le Déféré Provoqué

Le déféré préfectoral peut être spontané, c'est-à-dire décidé par le préfet lui-même. Ce déféré peut avoir pour objet soit un acte soumis à l’obligation de transmission soit un acte qui n’y avait pas été soumis. Le déféré provoqué ou déféré sur demande est un déféré qui va être adressé par le préfet à la demande d’un administré. Il y a ainsi un certain confort pour les administrés à faire attaquer un acte par le préfet plutôt qu’à prendre à leur charge la procédure. Cependant, il existe un risque pour l’administré, qui est le refus de déférer du préfet. Le préfet refuse de déférer l’acte et donc d’agir à la place de l’administré. L’administré ne peut alors contester devant le juge le refus de déférer du préfet, car le préfet est libre de déférer ou non un acte d’une CT, et sa décision est incontestable. Cette décision ne peut donc pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (CE Sect., 25 janvier 1991, Brasseur). Cela signifie que le préfet est libre de ne pas déférer un acte manifestement illégal ; il reviendra donc à l’administré d’agir par la voie de droit qui lui revient, c'est-à-dire le recours pour excès de pouvoir. Le déféré est donc un pouvoir discrétionnaire de contrôle de l’Etat sur les CT. En pratique, le préfet ne défère pratiquement jamais les actes des CT. Mais cela pose un problème au requérant, qui tient à ce que le requérant ait bien un délai pour exercer son recours, qui est en principe de 2 mois à compter de l’entrée en vigueur de l’acte (publication ou notification à l’intéressé). Pour les actes règlementaires, une publication est nécessaire pour que l’acte entre en vigueur. C’est pourquoi le CE a admis que la demande de déférer va proroger les délais du recours pour excès de pouvoir de l’administré (CE, 16 mai 1986, Cassar). Ainsi, cette prorogation a pour conséquence d’allonger les délais de recours de 2 mois. Cela permet de sécuriser le recours de l’administré.

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C-Les Délais du Déféré

Le préfet, pour éviter la remise en cause des actes des CT bien après que ceux-ci n’aient été dictés, pour protéger la sécurité juridique des administrés, voit le déféré est enserré dans des délais. Le préfet a ainsi deux mois à compter de la transmission de l’acte par la CT pour déférer. L’avantage de ces délais est de protéger la sécurité juridique. Mais, cela ne permet pas d’organiser un dialogue entre la préfecture et la CT. Ces deux-ci pourraient ainsi essayer de trouver un terrain d’entente afin de rendre l’acte de la CT légal. Cependant, ce dialogue est limité dans le temps si l’on respecte le délai des deux mois.On a cependant admis que le préfet pouvait exercer un recours gracieux à la CT afin de lui demander de revoir son acte pour se conformer à la légalité, et ce recours gracieux proroge les délais du déféré ; le préfet a donc deux mois à compter de la réponse de la CT pour déférer. Cela permet d’offrir une phase supplémentaire de dialogue entre le préfet et la CT. Une fois saisi, le juge statuera soit en rejetant la requête du préfet, soit en annulant l’acte de la CT.

II-Le Contrôle Administratif de Légalité sur le Budget des Collectivités Territoriales

Si la CT n’a pas voté son budget dans les temps, le préfet pourra se substituer aux CT pour élaborer et exécuter leur budget à leur place. On voit ici le maintien d’un pouvoir de tutelle qui existait avant la loi de 1982, quant à la substitution.

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