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•sommalre Avril 1986

KAliMADossier de presse: 3/86

FEMININ - PLURIEL ---------------

3

486

12

1517

23

64

714846

24

49

4239

3235

586036

20

Jocelyne LAABI

Najib BER RADATouria HADRAOUI

Hinde TAARJ 1Michel CONSTANTIN

Adil HAJJI

Noureddine EL AOUFI

Dr Khadija EL ZEMMOURI

Khadija ABDERRAHMANEAbdellatif LAAB 1

Qassim HADDAD

Un dimanche à la campagneEt si la féminité allait disparaîtrePortraits de dragueursElles bougent «J'étais une analphabète»

propos recueillis par Touria HADRAOUI

A VOIX HAUTE ~---------------­Masculin - Féminin

FEU VERTVivre le couple

LE POINTEsclaves d'hier: «Dadas», histoires de vies

dossier réalisé par Hinde TAARJI

Attention, le Ramadan est bientôt là

ESPACE - JUNIORS--------------­Histoire d'un drôle de vœuLettre ouverte

MIEUX ETRE----------------­L'acné

BEAUTE - MODEAzzedine Alaïa : un arabe au sommet de la mode

F.Z. EL BOUAB

CULTURE -------- _Nouvelle: Lalla KeltoumLes «citadelles» fémininesPoème: le cœur de l'amourAssia Djebbar : Présences du passé,

Esquisses de l'horizonAmina sAlo & Ghislain RIPAULT

A L'AFFICHECourrier des lecteursPanier à idéesChaussez-vous de multicouleurs

BOUTIQUE DU DROnLe divorceTémoignages

L'ECONOMIE EN QUESTIONSAu secours! la T.V.A. est arrivée

Tél. : 36.24,89

Directeur de la PublicationNoureddine A YOUCHDirectrice Déléguée

Rachida BENNISResponsables de la Rédaction

Adil HAJJIHinde TAARJI

ReportagesTouria HADRAOUI

Chefs de RubriqueMarie~France ALAOUIFatlouma BEN ABOENBIFatém~lahra EL BOUABKhadija EL lEMMOURI

CollaborateursChérita ALAOUIAmina A YOUCHMohamed Fouad BENCHEKROUNAbderrahim BERRADANejib BOUDERBALAAicha CHENNAMichel CONSTANTINNoureddine EL AOUFIRachida ENNAIFERSouad FILALFatéma GALLAIR~

Ghislain RIPAULTJocelyne LAABIAbdelaziz MANSOURIFatéma MERNISSIDriss MOUSSAOUIAmina SAIDISKRA

Directrice ArtistiqueKarima TAli CALLy

Directeur Artistique AdjointHassan FETHEDDINE

PhotographesHamid lEROUALIJalil BOUNHAR

Responsable de la PublicitéKhadija M'BIR KOU

IMPRESSION: SONIR

KALI MA: 18, Rue Ibn Yala - Casa­bianca

Dépôt Légal nO 36/1982

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KALIMA

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J

FEMININde confusion de rôle et vive laséparation des sexes.

Ce raisonnement, Kalima ne letrouve pas réellement à son goût.Mais alors, franchement, pas dutout. Pour Kalima, être femme nese résume pas à être belle, à fairede beaux bébés et à mijoter debons petits plats. La vie offre àcelle-ci, au même titre qu'àl'homme, de multiples moyens des'épanouir.

Pourquoi lui réduire ses chan­ces en limitant son univers ? Sonesprit requiert autant d'atten­tions, sinon plus, que son corps.Kalima parle donc de mode et debeauté comme d'économie et deculture. Le désir de plaire existechez la femme mais aussi chezl'homme. L'augmentation desprix s'impose à l'homme maisaussi à la femme. Alors de grâce,cessons de «féminiser» ou de«masculiniser» des questions quinous concernent tous.

Femmes comme hommes,nous visons tous un même objec­tif : être bien et être bien ensem­ble. Pour cela, un seul moyen:le dialogue. Nous devons appren­dre à nous parler pour apprendreà mieux nous connaître. Or, cen'est pas en restant chacun dansson monde, chacun dans «sa»revue que nous y parviendrons !

-Kalima en est tout juste à ses

premiers balbutiements que déjàcertains aspirent à la catalogueret à l'enfermer dans une défini­tion bien nette. On la tourne, onla retourne, on la compare auxrevues existantes sur le marché,la classant parmi celles-ci puisparmi celles-là, bref, on lui cher­che désespéremment des sœursou des cousines pas trop éloi­gnées. En vain. Alors, quelquescritiques, bien spécifiques,fusent.

Kalima se pose en tant querevue féminine et déclare vouloirs'adresser aux hommes et auxfemmes. Première contradictionnous dit-on. On ne s'adresse pasaux hommes et aux femmes maisaux hommes ou aux femmes.Dans la vie, il faut savoir cequ'on veut et choisir son camp.

Deuxième hic: si Kalima estune revue féminine, pourquoifaut-il se casser la tête à lireautant de pages ? Où est le rêveet l'évasion? Question tapisvolant, c'est un peu loupé. Lesjolies madames n'abondent pas etcôté cuisine, il n'y a pas de quoinourrir son homme. Commentcette revue peut-elle être considé­rée comme féminine si la féminitén'y est pas exaltée comme il sedoit?

Nous y voilà! Hommes­femmes, à chacun son monde, àchacun ses centres d'intérêt. Pas

MASCULIN

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Hinde TAARJI

Depuis l'aube des temps, la sueur féminine se mêle au soleilet à l'eau pour que vive la terre. Cette réalité, quoique connue, est tropsouvent occultée.

Kalima a donc décidé d'aller à sa rencontre, redécouvrant ainsiçette hospitalité du cœur dont les gens simples détiennent le secret.

Pendant une journée, près de Zhor qui vit un rythme d'antan,nous avons vécu au rythme des champs.

Cinq heures du matin. Uneaube nouvelle, un jour nou­veau, mais les mêmes gestesqui se répètent. Emerger dusommeil en solitaire. Se dirigerdans la fraÎcheur matinale versl'enclos des bêtes. Lire le pre­mier bonjour dans le regardlourd des vaches. Malgré despetits enfants en série et desarticulations qui gémissent,

Zhor ignore les variations decadence. Entre ses doigtsnoueux, les mamelles s'allè­gent et le lait coule paisible, aufond du seau.

Une fois celui-ci rempli,retour parmi les hommes. Ilfaut chauffer l'eau, préparer lethé, disposer le pain, assurerl'édition numéro un du petitdéjeuner. A tour de rôle, mariet fils se dégagent des lan­gueurs de la nuit, piquent unverre au vol, avalent quelquesbouchées et s'en vont. Leurjournée démarre là-bas, sur unvague chantier, dans une autrepoussière.

Après leu. départ, la maison.née commence à s'agiter. Lesplus jeunes se réveillent. Unnouveau petit déjeuner estservi. Du haut de son statut demère et de belle-mère, Zhordistribue le travail à chacun.

Comme partout ailleurs, ilfaut ranger, laver, moucher ettorcher les gosses. Préparer lerepas aussi, bien sûr. Maissans aucune des facilitésménagères qui déchargent lescitadines. Le pain ne demandepas simplement à être fait. Ilfaut encore le cuire dans lefour en terre qui trône j quel­ques pas du seuJ. De soncôté, le lait exige son quota

d'énergie. Avant sa mise enbouteille, il passe par le filtrageafin que nul élément indésira­ble n'entache sa pureté.Secoué et battu, le pauvremalheureux se transforme enbeurre, « Iben »OU fromage.

Riche en rendez-vous,l'agenda de cuisine de Zhor nedésemplit pas. Pourtant, c'estencore dehors que réside leplus gros de son travail, la res­ponsabilité d'entretenir leschamps, de donner vie à laterre revenant en priorité auxfemmes. « Mon mari estmaçon, raconte notre hôtesse.Mon fils ainé loue ses servicesà un patron. Eux ramènent

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«Dieu ra ainsi vou/W)

l'argent de l'extérieur; nous,les femmes, nous le produi­sons sur place.

Les « frêles » épaules fémi­nines sur lesquelles d'aucunsse plaisent à palabrer suppor­tent là un sacré poids. Le sexedit faible, face à de telles char­ges n'a nul droit à la faiblesse.A la production de sueur, parcontre il est abonné perma­nent. Les tâches varient enfonction des jours mais neconnaissent ni ralentissementni réduction. « Quand le travailde la maison est terminé, il fauts'attaquer à celui de l'exté­rieur. Sortir les bêtes et lesamener paÎtre. Tirer l'eau,creuser des rigoles et arroserles cultures. Sare/er, semer oumoissonner selon la saison. Et,tous les jours, surveiller lesrécoltes, cueillir ce qui doit êtrecueilli, arracher ce qui doit êtrearraché, planter ce qui doitêtre planté ».

A midi, puis quand le soleiltire sa révérence, Zhor aban­donne bêles et plantes pour seplonger dans un autre uni­vers: celui du tissage. Pour luisa préférence est nette. « Letravail de la laine est beaucoupplus intéressant que le travailà l'extérieur. On est à l'abri dela chaleur, du froid, de la fati­gue. On reste propre loin de lapoussière et de la boue »,explique-t-elle en se lançantdans la description des diffé­rentes étapes.

Une fois l'an, les brebis pas­sent à la tonte. Lavée avec dela « chaba », puis séchée, leurlaine est ensuite peignée avantd'être filée. De Sidi Maârouf,une jeune fille vient alors aiderZhor pour dix dh la journée.L'épaisseur à donner au fil delaine varie en fonction de lacommande (tapis, jellaba oucouverture). Avant d'entamerl'opération finale du tissage,les différentes teintures dési­rées sont appliquées. Pour untapis de quatre à cinq mètresde long, un mois de travail e~tnécessaire. En l'envoyant enville pour la vente, Zhor espèreen retirer deux mille à deuxmille cinq cents dirhams. « Cesont des tapis pour mariées,s'enorgueillit-t-elle en dérou­lant son dernier-né. Garantiepure laine, sans triche niarnaque»·

Sur le visage brûlé par lesoleil, le foisonnement desrides contraste avec la vivacitédu regard. Zhor pourtant, nedoit pas avoir connu un nom­bre impressionnant de prin­temps. Une cinquantaine toutau plus. Mais les efforts con­tinus exigés par une vie de durlabeur ont marqué ce corps quicommence à s'affaisser. « Letravail des champs me devientde plus en plus pénible,reconnaÎt-elle. Je ne le sup­porte plus. Heureusement, lesenfants sont là pour me don­ner un coup de main».

Des enfants, Zhor en a euvingt pour n'en voir survivreque huit. « Certains, raconte­t-elle, sont morts à la nais­sance. D'autres se sont éteintsdans mes bras au bout de

quelques semaines. Ceux quevous voyez aujourd'hui ontgrandi sans piqûres, sansmédicaments, sans rien dutout. Pas comme cette catas­trophe de génération, ajoute­t-elle en désignant ses petits­fils. Pour un mal de tête, il fautle docteur, un mal à l'oreille, ledocteur, un mal au ventre, ledocteur... on n'en finit plus.Des enfants de la seringue,des enfants du comprimé ...voilà ce qu'ils sont». Quel'absence des soins médicauxlui ait coûté douze petits nechange en rien son opinion.Bien au contraire. « Si lesvingt avaient vécu, dites-moi,comment aurais-je fait, moi,pour vivre?» A défaut decontraception, vive la sélectionnaturelle, semble-t-il !

A la campagne, les enfantssont d'un précieux secours carils constituent la main d'œuvreindispensable à la bonne mar­che du travail. Avec ses deuxfilles et ses six garçons, Zhora largement gagné sa place auparadis. Autour d'elle, seulsles seconds sont présents, lespremières ayant trouvé chaus­sures à leurs pieds. Troisd'entre eux (huit, dix et onzeansl fréquentent encorel'école. Les cadets chôment.Quant à l'aîné, il a, pour lebonheur de tous, femme etemploi.

Epaulée par sa belle-fille etles trois plus jeunes, Zhor envi­sage cependant de marier rapi­dement ses cadets afin d'avoird'autres femmes pour laseconder. Au moment denotre rencontre, elle fulminaitjustement contre la promise del'un de ses fils qui désiraits'installer en ville après sonmariage.

« Au prix où sont les loyers,c'est de la folie. Ici au moins,ils auront un toit gratuit etquelqu'un pour garder les gos­ses », m'explique-t-elle enomettant toutefois de souli­gner son interêt dans l'affaire.

Malgré la dureté de sa con­dition de paysanne , Zhorn'envisagerait pas uneseconde de changer de placeavec une citadine : « Quand jevais en ville, au bout de quel­ques heures, je ne supporteplus de rester assise commeune malade. Ici au moinsl'espace est à toi. Tu ne tesens jamais enfermée ». Circu­ler à son aise obéit cependantà des règles. Ainsi, chaquemardi, un souk se tient dansles alentours de la ferme. Maispour elle, il est« défandé ».Ce sont donc les hommes quise chargent de la vente de cequ'elle cultive.

Respectueuse des normes,soumise à son destin, Zhors'en prend plus facilement aux«femmes aux mains brisées»qui négligent leur travail,qu'aux exigences de celui-ci.« Rien n'est jamais fini pournous, reconnaît-elle. Il fautpasser en permanence d'uneactivité à une autre, de la terreà la laine, du lait au blé, du boisà l'eau ... L'homme, lui, unefois sa journée terminée, ren­tre, se lave, prie ... et s'assoit.Mais Dieu l'a voulu ainsi».

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Peu de gens peuyent se l'anter de n'ayoir jamais, au grand jamais, tenté (élégamment ou non)de faire ralentir une passante pour lui glisser un compliment (sincère ou non), une parole gentille,ou lui proposer un rendez-yous. Ou pour, parfois, tout simplement, meubler le temps.

Le spectacle (tantôt amusant, tantôt affligeant) d'un homme interrompant la droite trajectoired'une femme dans la rue est fréquent, c'est Je moins qu'on puisse dire. M1lis ce n'est pas l'apanagede nos régions. Même si, côté séduction "sauyage", depuis que la rue est l'objet d'un partage, lesprogrès du pays ont été fulgurants.

Ce qui ne l'eut d'ailleurs nullement dire que nos grands-pères s'interdisaient de rêyer d'une ren­contre ou ignoraient la tentation de transformer un hasard merYeilleux (le passage d'une belle semantdes frissons sur son sillage) en destin ...

Invité chez nous, le Persan de Montesquieu, obseryateur impartial s'il en est (à condition, bienentendu, de supposer que, ignorant tout de sa patrie d'aujourd'hui, il ne puisse se sentir tenu ni denous réciter une tirade inquisitrice ni de nous faire douter de nous mêmes.. .), notre Persan doncse dirait que, ma foi, tout le monde tente sa chance et que, faute de lieux sereins de rencontre, larue reste, pour nombre de gens, le moyen idéal - ayec l'alcool - de tromper la solitude.

Indulgence ou pas, il n'en reste pas moins que les moyens mis en œuyre pour entrer en rapportayec une représentante du genre féminin ne sont pas toujours du goût des principales intéressées.La trayersée de la rue, pour elles, peut se réyéler harassante. Un yéritable champ de mines.

Deyançant une étude plus sérieuse, ô combien, de la drague, qui reste à faire, nous ayons réper­torié quelques attitudes, quelques "spécimens" archi-yus... mais toujours cocasses. C'est l'Tai, lesdragueurs se répètent et se copient. Que les originaux nous pardonnent ces instantanés réducteurs!

A.diIIl.U.l1

Discret au point d'en être invi~

sible, ce timide chuchote si fai~

blement quand il s'adresse à unepassante, qu'on pourrait facile­ment le prendre pour undemeuré. /1 ne veut aucun mal àcelle qui attire son attention, maisil prend tellement de précautionque, de loin, on le croirait affairéà apprivoiser quelque moineau.

C'est un rêveur pour qui lafemme est aussi lointaine que lavoie lactée. Mais sa réserveétonne tant qu'on doit insisterpour qu'il répète sa phrased'abordage.

Son arme c'est la maladresse.C'est un rare spécimen de séduc~

teur assisté. Toutes les demi­heures, il croit avoir aperçu lafemme de sa vie. Mais, il est trèsindécis. C'est le recordman desmanœuvres d'approche. Le typemême du chômeur heureux, carses tentatives multiples, sesessais avortés, occupent large­ment ses journées.

6

Seul ou en compagnie d'unami, c'est au volant de sa voiturequ'il repère « la chose ». Il roulelentement, comme une camion­nette de police faisant sa ronde;Il prend son temps, il jauge deloin, apprécie les prouesses dechaque physionomie, de toute lamorgue de l'automobiliste. Per­suadé que posséder une voituren'est pas rien, il prend cette com­modité pour un atout Jécisif.Vaguement lâche, il sait qu'ilpeut s'éloigner en toute impunitéen cas de colère de la piétonne etqu'une gifle par la fenêtre n'estpas facile à ajuster.

Célibataires ou mariés, étu-diants ou salariés, fauchés ouopulents, ils sont légion à avoiradopté ce moyen de « faire con­naissance ». Opérationnel, dis­cret et économique en salive.Entre les heures de bureau, avantde rentrer à la maison, de retourde la plage ou à temps complet,ces chasseurs sillonnent le désertaffectif de la ville.

Une bande de garçons aussidélicats qu'un bulldozer apostro­phent une jeune fille, l'assourdis­sent de sifflements extasiés etflatteurs, font le grand cercleautour d'elle, s'étonnent de cequ'elle ne leur accorde pas sur-lechamp un rendez-vous. Outrés,ils émettent vulgairement desdoutes quant à sa vertu, l'insul­tent et la harcèlent de plus belle.On pourrait appeler cela la séduc­tion « de force ». Dans ce cas,très répandu, ce n'est pas un indi­vidu qui drague mais une coali­tion de mâles, plus frustrés quedes marins sillonnant en temps de•guerre les océans. Ils se font peud'illusions sur l'efficacité de leurdémarche... et ils ont raison.Mais l'essentiel, pour eux, c'estl'exercice, la timidité vaincue parles petits moyens, la solidaritémanichéenne du groupe.

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INTERDICTION'DE CIRCULER

«Alors beauté, on cherche unpeu de compagnie ?

Le regard me déshabille, leverbe m'agresse. Le visage en feu,un peu désorientée, le pas moinsassuré, j 'hésite entre deux attitu­des : ne pas ré~gir, presser le paset fuir devant l'assaut, ou fairefront, crier ma révolte et monindignation. Mais déjà un autreassaillant se met de la partie,l'hésitation devient angoisse; jene suis plus qu'un objet que sedisputent des regards avides etpleins de convoitise. La scène serépète et le sentiment persiste.

La rue me semble soudain hos­tile, un espace réservé aux hom­mes. Parce que je suis femme, jem'y expose à tous les outrages.

L'angoisse s'estompe, l'indi­gnation la remplace et la révoltes'installe. J'ai envie de crier quela rue est mienne et que sont révo­lus les temps obscurs ou je n'avaispas le droit d 'y circuler.

Je n'hésite plus. Pas questionde reculer, de m'entortiller dansdes attitudes de fuite qui sontautant de nouveaux voiles dictéspar la société. Je relève la tête etj'avance; La rue est mienne. Etgare aux interdits.» .

L'homme des autobus

Lui, il a élu domicile dans lespittoresques bus de la R.A.T.C..Les jours de cohue sont pour luijours de fête. Coincé entre qua­tre épaules, trois sacs en plastiqueet quelque voyageuses, il jubile.C'est un voleur de sensations...C'est le moins bavard des dra­gueurs, car il opère en silence.Question de stratégie. Nous nepouvons en dire plus.

La ventouse culottée

Lui, il ne se découragerait pasmême devant un escadron defemmes fraîchement enrôlées.Têtu et sûr de son droit, il nedemande pas un rendez-vous, ill'exige. Insistant comme un rece­veur des impôts ou un mendiantpressé de finir sa journée, il nes'avoue jamais vaincu. Un« non » pour lui ouvre sur unmarchandage infini. Il fait lesourd et submerge sa victime demille arguments pour qu'elle

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::::::. :-:::............-..- ._.....,---.... -_1-­~...-';-"

n'écoute pas la voix intérieure quilui souffle la méfiance et le devoirde réserve. Il ne lui viendrait pasà l'esprit que l'élue de passagepuisse ne pas le trouver irrésisti·ble ou que, simplement, son cœursoit occupé par un ~lUtre..Quandon le croit découragé, il refait sur­face dix minutes plus tard, à unkilomètre du lieu initial, toursou­rire, saluant comme il salueraitune vieille amie d'enfance.

Ce maniaque de la rencontre aplus d'un tour dans son sac.

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« Vous ne pouvez nier que laliberté passe par le pouvoir éco­nomique ! Et c'est par ce biaisque les femmes, en Europe, ontpris en main le destin collectif deleur espèce. Et ici aussi nous nousbattons! »

Et d'un ample mouvement du bras,elle engloba toutes les femmes présen­tes. Je suivis son geste des yeux et, mal­gré toute ma bonne volonté, malgrémon désir d'adhérer à son enthou­siasme, je ne vis que des copies d'occi­dentales. Des faux pour la plupart.Parées, fardées, corps révélés et vête­ments colÎteux. Eclats de voix juste unpeu trop sonores. Tout ceci n'ayantd'autre fonction que d'attirer le regard.Je pensais que pour beaucoup d'entreelles le modèle était bien imité, au moinsquant aux apparences extérieures. Ellesressemblaient assez à ces poupées de ciredu musée Grévin, parfaites, mais sansvie.

« J'ai le sentiment, dis-je, que loin deconquérir une quelconque liberté, lafemme occidentale ne fait que s'évaderd'une prison pour entrer dans une autre,et de son plein gré. Il y a cinquante ans,trente ans, sa personnalité, son carac­tère, son être tout entier étaient encoreenfermés dans le carcan familial, dansles limites grotesques de l'entretien dumari et de l'élevage des enfants. Elleétait mutilée... Mais se libère-t-elle enfaisant son entrée dans le monde du tra­vail, en se donnant un rôle social pro­ductif et en s'octroyant une parcelle dupouvoir économique? Croit-elle gagnerla liberté en imitant l'homme point parpoint? En devenant identique à lui? Jel'admets, c'est un progrès par rapportà ce qu'elle était, mais ... »

C'était somme toute une "soirée"casablancaise assez typique. Abon­dance de vivres et profusion de bois­sons. Toilettes étourdissantes etcoiffures dans le vent. Bonne humeurdésarmante. Eclat des ors et des pier­reries. Conversations légères n'évitantni les imprévus de la saison, ni la mol­lesse des affaires. Une réunion intem­porelle, qui aurait pu se tenir il y a dixans et qui distillait, comme il y a dix ans,le même ennui.

Les groupes se formaient et se dissol­vaient, au gré des convenances, chacunse croyant obligé de redire à chacun lesmêmes mots usés, les mêmes qu'il y adix ans, et les mêmes que l'année pro­chaine.

Je laissais le temps s'écouler, pares­seux, jusqu'à ce que la voix d'une jeunefemme, apparemment militante pas­sionnée de la modernité de la conditionféminine, ne vienne me tirer de matorpeur.

Militante, certes, mais au fil des phra­ses je prenais conscience de ce fait con­tradictoire qu'elle n'était pas prisonnièrede quelque théorie privée d'âme et devie, qu'elle n'était pas prise au pièged'un système méthodiquement élaborépar d'autres. Ce qui me plaisait en elle,ce qui faisait son charme et la vigueurde sa conversation, c'était la fraîcheurde sa pensée qu'on sentait issue d'uneréflexion personnelle. Elle ne rabachaitpas quelque leçon bien apprise, et lesmots sonnaient clairs, même si elle hési­tait et butait avant que sa pensée ne jail­lisse, catégorique.

Je l'écoutais avec de plus en plusd'attention, la remerciant intérieure­ment d'écourter mon temps depunition.

"En Allemagne, en Belgique, auxEtats-Unis, les femmes ont lutté et ontatteint, ou sont sur le point d'atteindre,un niveau social identique à celui deshommes. Elles·sont parvenues à desser­rer les liens qui les entravaient, puis àles trancher. Et dans peu' de temps,dans très peu de temps, elles pourrontse battre à armes égales avec les hom­mes. "

Et elle ajouta que si j'avais mieux àproposer, elle était tout à fait prête àm'écouter, là, tout de suite, et à endébattre. Sans fards et sans retard.

Elle appartenait bien à cettejeunesse qui vit dans l'instant, àcette génération de l'ordinateur,habituée à résoudre les pireséquations dans la seconde quisuit. A cette génération détestanttoute idée du mûrissement et nesupportant pas de méditer long­temps sur une unique question.

Quant à moi, je regrettais tout aussi­tôt ma vivacité et cette habitude de vou­loir toujours remettre les modèles enquestion, parce que j'avais le sentimentd'avoir brisé une belle harmonie entretoutes ces femmes. Et puis non, jen'avais pas mieux à proposer, et je gar­dais le silence.

Mais elle n'était pas femme à lachersa proie. Après tout, poursuivit-elle, ellevoulait bien débattre des mérites detoute autre lutte féminine de par lemonde. Et elle souriait, ironique,sachant bien que j'aurais quelque diffi­culté à trouver un combat plus avancéque celui de la femme occidentale.

S'évader d'une prison pours'enfermer dans une autre

Poussé dans mes retranchements,sous peine de passer pour le pire desimbéciles, je dus bien convenir que jen'avais pas de modèle de rechange.Qu'i! n'yen avait pas encore dans lessuper-marchés, à côté des déodorants.

Son regard, hormis son contenutriomphal, évoqua pour moi ce qu'avaitdû être celui de Dieu le Père chassantAdam et Eve du jardin d'Eden. Il merabaissait au rang de ces individus quiparlent pour ne rien dire, qui provo­quent pour le plaisir et esquivent le véri­table combat. Il me fallait croiser le fer.

Nouspas

n'avonsle choix

Je me rapprochais et questionnais :"Pensez-vous que la "femme occi­

dentale", telle que nous la voyons, telleque nous l'imaginons à travers l'imagequ'elle se donne, puisse être un modèlepour toutes les autres femmes 7"

« Je ne parle pas de modèle, Mon­sieur. Mais d'un type de voie à suivre,parce que la conquête de l'égalité mesemble être la seule solution pour quenotre sexe retrouve la place qui lui estdue dans la société. »BLAZER bleu et noir rayé, chemise blanchecol-cassé.

SANA-SHOP

« Non, j'en suis désolé, mais ces fem­mes là ne combattent pas. Leurs épouxappartiennent à une élite, se situent à unniveau social élevé. Et tout le combat deces femmes, toute leur ambition, selimite à donner l'apparence d'apparte­nir à cette position sociale, alors qu'ellen'est pas forcément la leur, ni intellec­tuellement. ni culturellement. La paruren'est ici q~'un trompe l'œil ».

« Mais que faites-vous de toutes cesfemmes qui ont suivi des études univer­sitaires complexes, comme les hommes,qui sont devenues médecins, avocates,

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juges, comme les hommes ? Pensez­vous sérieusement qu'elles aussi ne sontque des faux semblants? »

J'apaisais son indignation en l'assu­rant qu'à l'évidence les femmes étaientparfaitement capables d'assumer lesmêmes fonctions sociales que les hom­mes. Mais pourquoi leur libérationpasserait-elle fatalement par l'imitationde ces fonctions? Ne voyait-elle pas quecela les mettait dans l'obligation d'assu­mer un double rôle, de renforcer leurpropre affiche publicitaire de femme, dedevenir de plus en plus "sexy", commeon aurait dit dans les années 50 ? Si leurlibération passait par un renforcement,par une sur-activation de leur fonctionsexuelle, parce qu'il leur fallait bien res­ter une partenaire possible pourl'homme, si elles étaient dans l'obliga­tion de consolider une aliénation pouren briser une autre, c'était non seule­ment jouer avec le feu, mais gravementhypothéquer l'avenir.

Nous argumentâmes quelques minu­tes, nous lançant au visage telle ou tellerevue, tel ou tel exemple, des titresd'ouvrages, chacun cherchant à grossirses arguments et à leur donner l'aval detelle ou telle personnalité. Le débats'alourdissait et perdait de sa fraîcheur.Lorsque sa conclusion fusa, elle noustira d'un enlisement peu glorieux.

« Nous n'avons pas le choix!Vous ne nous laissez pas lechoix! Nous savons que vous ne

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reconnaîtrez pas de bon gré notreautonomie, mais vous y serezacculés lorsque nous auronsacquis une stricte égalité dans lesfonctions sociales. »

Elle avait probablement raison. Maiselle n'était préoccupée que de tactique,alors que j'essayais d'étendre ma visionà l'avenir. Elle était sur le terrain, cher­chant les moyens de gagner une offen­sive, alors que moi je regardais la mêlée,sur une orbite de Sirius.

Je ne me voulais pas concerné, maisil me semblait que le combat féministe,nécessaire en soi, se dirigeait vers unaccomplissement qui pourrait peut-êtreengendrer, non seulement des regrets,mais aussi enlever tant de charme à lavie. Il m'était pénible de voir tant dechoses disparaître de ce siècle, de regar­der, impuissant, la technique remplacerl'art, l'efficacité chasser la poésie. Si laféminité, elle aussi, allait disparaître ...

« Vous avez sans doute raison, luidis-je. Les hommes ne sont pas encoretous prêts à vous reconnaître commeleurs égales. Et votre lutte est nécessaire.Mais vous êtes-vous parfois demandé sinous recherchions en vous notre sembla­ble ? Et si c'était le cas, notre réflexe neserait-il pas alors de nous tourner versnotre véritable frère, plutôt que versvous, plutôt que vers une imitation? »

J'avais mis une sorte de désespoirdans cette interrogation, parce quec'était ce que je ressentais à ce moment-

là et que je voulais qu'elle le ressente,elle aussi. Mais j'étais loin de m'atten­dre à sa réponse.

« Eh bien, si l'on considère le récentdéveloppement des tendances homo­sexuelles, je pense qu'on peut effective­ment conclure que l'homme recherchede plus en plus son semblable, non ? »

Plutôt contente de sa réplique, ladame. Et son regard de rencontrer celuide ses compagnes et de n'y trouver quejubilation. Le cercle se refermait autourde moi, on me regardait, on me pres­sait, on attendait.

Il y avait là une sorte de défi que jene pouvais pas ne pas relever, sous peined'apparaître comme un inconsistantcontradicteur que la moindre questionépineuse mettait en déroute.

« Vous avez bien dit «récent» déve­loppement ?»

«Uh ... l'homosexualité est vieillecomme le monde, même dans le règneanimal. .. »

« Sans doute, mais vous avez raisond'en parler comme d'une tendance enexpansion. Et vous ne nierez pas que cetessor soit principalement localisé dansles nations industrielles, dans ces paysoù justement les femmes ... »

« Rien ne prouve qu'il y ait un liende causalité. Rien ne vous permetd'affirmer! »

« Comme rien ne prouve que le rap­prochement des deux phénomènes n'aitpas quelque signification. »

« Cessez de vouloir nous faire porterle chapeau! C'est un fait de civilisation,un point c'est tout. »

« De la même façon que les mouve­ments féministes ! »

« Vous essayez de nous faire croireque... ? »

Egalité n' impliq ue pasidentité

Elle était indignée, à nouveau. Bienque pas totalement invraisemblable, jen'étais pas moi-même intimement con­vaincu par ma thèse. Je la préférais toutde même à celle du "fait de civilisation"qui n'est qu'une constatation et nulle­ment une explication.

Et puis je m'amusais quelques ins­tants à l'imaginer coiffée du chapeau del'homosexualité.

Non, ce que je voulais dire, c'estqu'égalité n'implique pas identité. Je nesuis pas un défenseur de la femme­objet, de cette femme que les hommesont trop souvent inscrit dans leur inven­taire de biens mobiliers. Je ne suis pasnon plus partisan de la femme-objet de

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consommation, comme tant de revuesse plaisent à la présenter ... Mais je nepense pas non plus que l'homme puisseavoir le désir intense de découvrir sonreflet quand il regarde sa compagne...Parce qu'il n'est pas certain qu'il s'aimebeaucoup lui-même.

Vous avez un droit à l'égalité,mais vous avez aussi un devoir àla différence. Quoi que vous fas­siez, quoi que vous écriviez dansvos manifestes, sachez éviterl'erreur dans laquelle nous noustraînons depuis des siècles, cellede croire que votre partenaire estsans désirs, sous peine de deve­nir aussi "machistes" que lui.

Votre cornbat consiste plus à noustransformer, à nous rendre conscientsde la légitimité de vos aspirations.

J'étais fermement convaincu que lasolution était là, dans le regard que nous

devrions porter les uns sur les autres, etnon pas dans quelque compétitionvisant à se disputer les degrés les plusélevés de l'échelle sociale. L'interventionà tout prix, du social dans ce débatm'apparaissait comme incongrue tant ildevrait être de peu d'importance danscette tentative de réalisation du bonheurqu'est l'union d'une femme et d'unhomme.

Non, il s'agissait maintenant d'autrechose. De la même façon que l'anti­féminisme primaire n'était plus l'apa­nage que de quelques attardés mentaux,le combat féministe devait se dégager deson schéma primitif d'imitationdémonstrative pour rechercher des basesde construction à long terme.

Ce n'est pas en essayant d'arracher lepouvoir à celui qui le détient jalouse­ment depuis des siècles qu'on peut espé­rer s'en faire un allié, mais en luiopposant une autre forme d'emprise. Jen'arrivais pas à voir comment pourraitse concrétiser cette emprise, comment

pourrait s'instaurer ce mouvement debalancier, mais j'était convaincu qu'unjour, à force d'essais timides, de taton­nements et de tentatives avortées, il sedéclencherait d'un coup, aussi puissantet inexorable que la mécanique stellaire.Le temps n'était peut-être pas encorevenu, mais il fallait éviter que les nua­ges se profilant sur l'horizon ne soientporteurs que d'une pluie acide.

Je pensais que nos positions étaienttrop fortes pour être enlevées de frontet que sans nul doute nous serions plusvite réduits par un grignotage de tous lesinstants que par une offensive généraleculminant dans une concurrence àoutrance pour le pouvoir.

« Le secret du dialogue est ennous, Madame. Mais nous ne lesavons pas. Montrez-nous,apprenez-nous comment nousdevrions être... Car nous sommesdes élèves sans professeurs. »

Humeur passagère d'une femme«libérée»

«Féministe 1 Vous avez dit féministe 1» «féminine plutôt 1»Non, 1 hélas ! trois fois hélas! Vous n'avez pas assez appuyé sur la dernière syllabe.

«iste» a une sonorité dure, brutale. <<nine» au contraire à la liquidité légère de la femme !Vous me condamnez, savez-vous 1Pourquoi ce vocable méchant «féministe» 1 Ai-je l'air de la fée Carabosse, harce­

lée à courir ici et là, le teint blafard à force d'être recluse dans les recherches et les livres 1C'est vrai, je vous le concède, j'ai une vie remplie, «bien» remplie.Je suis instruite, je sais lire, écrire, j'ai mes bouts de papiers, mes diplômes: me

voici donc chargée de l'éducation des enfants, nommée derechèf responsable de leurscolarité.

J'ai mon permis de conduire. A moi les accompagnements au lycée, à l'école, àmoi les courses diverses.

Je suis autonome, libre, j'ai un compte en banque: à moi la gestion r.~~nagère.

Me voici promue expert-comptable de la famille: factures d'eau, d'électricité, impôts,vaccinations, papiers administratifs. L'infatiguable fourmi signe, range, classe. C'estvrai qu'on me considère comme une femme d'esprit, (valorisant 1), de tête (dévalori­sant). Alors fini les gâteries, la prise en charge, l'aide de ce cher seigneur et maître, dupatriarche.

Responsable tu veux être? Responsable tu es. On m'a prise au mot.Ah 1que les femmes sont bêtement bavardes. Encore une occasion perdue de se

taire! «Responsabilisée». Autonome! Quel attrape-nigaudes ! Quelle nouvelle astucemasculine, mysogine 1Mère, femme, épouse, cuisinière, aide, soignante, raccomodeuserépétitrice, levée tôt et couchée tard, c'est plutôt Cendrillon!

- «Affranchie» 1 Corvéable à merci, oui.- «Libératiom> 1 Esclavage, oui. Et on pourrait s'amuser longtemps à continuer

ce petit dictionnaire à l'usage de...

A force de clamer que les femmes sont capables, l'homme (<<am» a cédé. Alors«on» les fait «bosser» au four, à la cuisine, au bureau, partout.

Et «on» est-il malheureux de s'être laissé dépouillé 1Croyez-vous ! Pas du tout !«On», épuisé par dix siècles de patriarcat, éreinté d'avoir été si longtemps le pilier,

le pivot, le soutien de la famille, laisse «généreusement» et «sarcastiquement» la place.Enfin il peut se reposer. Chut! Vous allez le réveiller car le malheureux.... dort !

M.F. Jamal ALAOUI

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J'étais uneanalphabète

Propos recueillis par Touria HADRAOUI

__Que peut ressentir une enfant de 12 ans--9uand on la retire de l'école au bout de quatre

mois pour l'enfermer dans une maison avec unmari? Que peut-elle ressentir quand on lui faitentrevoir des horizons illimités pour lui interdireaussitôt d'en rêver?

K. H. nous le révèle parce qu'elle fut cette fil-lette. Par sa volonté seule, elle s'est arrachée del'ignorance et a forcé les portes du savoir.

Analphabète hier encore, elle éplucheaujourd'hui les œuvres de Kacim Amin et discourtsur Nawal Sâadaoui.

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Je su;s très rOODnn.;ss.nte à Feu SMMohammed V d'avoir incité les gens àinstruire leurs filles. Pour un événement,ca c'était un événement. Beaucoup defamilles ont suivi ce conseil, dont lamienne. J'avais 12 ans. On m'a envoyéeà l'école. Mais seulement pendant qua­tre mois, au-delà desquels on m'amariée et enfermée à la maison. Je medemande d'ailleurs aujourd'hui si cepassage à l'école n'avait pas simple­ment pour but de permettre à monfiancé de m'observer de loin.

Tous les enfants du Derb El Fokaraoù nous habitions allaient en classe.Quand je les voyais passer chaque matinleurs cartables sous le bras, je suppliaisà chaudes larmes. Je suppliais la femmede mon oncle (chez qui je vivais) de melaisser retourner à l'école, juste le tempsd'apprendre l'alphabet. Elle me répon­dait: « qui pourra dans ces conditionsouvrir quand on frappera à la porte?(comme il lui était interdit de se mon­trer, c'était à moi que revenait ce rôle).

Aussi, pour calmer mon envie, je pre­nais les livres de classe de mon cousinet je dessinais les lettres sans même lescomprendre.

Le jour de mes noces ne fut pas unefête pour moi, mais des funérailles. Jequittais notre maison pour celle de monmari, la mort dans l'âme, tel un con­damné qu'on mène au peloton d'exé­cution.

Deux lettres. trois lettres.quatre lettres...

et le mot naissait sous

Dmes yeux exaltés

ans la maison de mes beaux­parents, il y avait un garçon de monâge, le fils de mon beau-frère. Nousavions sympatisé et quand il ramenaitdes livres d'enfant, il me les lisait. Maiscomme il adorait me taquiner, il com­mencait l'histoire puis au moment leplus' captivant, s'arrêtait, fermait

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Je veux lire pour rejeterl'ignorance au loin

Moi je veux lire pour rejeterl'ignorance au loin. Je veuxpouvoir m'intégrer à la sociétéparce que la société d'hiern'est plus celle d'aujourd'hui.Je ne veux plus vivre sur unerive et mes enfants sur uneautre rive. Maintenant grâce à meslectures, je suis toujours avec eux. Monmari, lui reste seul dans son coin.Quand il arrive et nous trouve en traind'étudier, nous le laissons pour allerdans une autre pièce. Ça l'a touché etaujourd'hui, il commence à se montrerun peu' moins sévère.

J'étais comme un oiseau en cage.Grâce au club d'alphabétisation, les por­tes de ma prison se sont entrouvertes.

Bien qu'il affirme n'établir aucune dif­férence entre les garçons et les filles, ilpaye une école privée à notre fils etenvoie notre fille à l'école publique. Déjàpetite, j'étais allergique à la ségrégationsexuelle. Quand je me disputais avecdes garçons, je faisais tout pour qu'onne dise pas que les garçons sont plusforts que les filles.

-"':::_--31~ -, Jevoya;, mo" o"cie happe, ma taoteservice et je me disais: « moi, jamais je ne tolè-

rerai un pareil comportement ». Maisquand je me suis mariée à mon tour, j'aidû aussi supporter énormément de cho­ses. Je me suis murée pendant desannées dans le silence, la tête baissée.

Le jour où j'ai osé dire « non» toutle monde a ouvert de grands yeux. Onme disait « tu es folle, c'est maintenantque tu espères changer ton mari» Lesradotages allaient bon train sur moncompte. Mais cela m'était égal. Jen'écoutais personne. Lorsque j'ai décidéd'ôter le voile, ce fut le drame. Monmari n'a plus voulu m'adresser la parolependant trois ans. J'ai tenu bon.

Ma famille, elle aussi, se moque demoi. Elle me demande où je veux enarriver, où mes forces peuvent bien memener.

nous sommes ainsi rendumutuellement.

Tous les moyens lui sontbons pour m'empêcher

Nde lire

ous évoluons, mon mari et moi dansdeux univers diamétralement différents.Il ne sait rien de moi, ne voit jamais ceque j'écris et ne comprend pas ce quim'intéresse. Je vis dans mon monde delecture en compagnie de Nawal Saâ­daoui et de Kacim Amin, lui est plongédans ses causeries religieuses.

A la maison, je dois attendre minuitpour réviser mes cours parce que tousles moyens lui sont bons pour m'empê­cher de lire. De plus, je n'ai pasintérêt à prendre sous sesyeux un ouvrage où on parlede la femme parce qu'il estdevenu allergique à ce mot.1Ilui arrive de se mettre encolère et de nous dire à mabelle-sœur et à moi, « tout ceque vous apprenez va finir parvous faire sortir du droit che­min ». Quand nous nous dis­putons, il m'accuse de vouloirappliquer ce que j'apprendsdans les livres. Or moi, je sais per­tinement qu'on ne peut pas appliquerce qu'il y a dans les livres. Il faudraitpour cela que la société se transformeet que l'esprit des gens se modifie.J'essaye de discuter avec lui de l'édu­cation à donner à nos enfants, de luifaire comprendre comment je la vois.

l'ouvrage et me disait qu'il voulait étu­dier ses lecons. Moi, je m'énervais, jetempêtais et surtout, je souffrais. J'aialors décidé que je ne lui laisserais plusla possibilité de me jouer ce sale tour.

Pour cela, il me fallait apprendre à liretoute seule.

Ayant retrouvé parmi mes anciennesfournitures scolaires un livre intitulé« ",,-.JI » je me suis appliquéeà déchiffrer les lettres de l'alphabet, àles comparer les unes aux autres puisà les faire suivre pour voir ce que çadonnait. Deux lettres, trois lettres, qua­tre lettres et le mot naissait sous mesyeux. C'était exaltant. Mon mari, en cetemps-là, achetait régulièrement unerevue qui consacrait une de ses rubri­ques à l'alphabétisation. Grâce à elle, jesuis parvenue au bout d'un moment àlire les petits contes pour enfants.

J'ai ainsi fait de gros progrès en lec­ture, en expression orale mais en écri­ture, dès qu'il s'agissait de former unelettre, c'était le blocage total.

Pendant de longues années, je n'aiplus tenté de surmonter cet handicap.Mais quand mon fils aîné est entré à sontour à l'école, j'ai repris goût à l'étude.J'apprenais ses leçons, je faisais sesdevoirs. Cela m'a permis en 1970 degagner un concours de Javel la Croix enenvoyant un petit essai.

Mes connaissances cependant res­taient extrêmement limitées. J'avaisbesoin, pour les développer, d'une aideextérieure. J'ai voulu une première foism'inscrire chez les sœurs. Mon mari s'yest opposé sous prétexte que c'étaittrop loin et que personne ne pouvaitm'accompagner. Aussi, le jour où unclub d'alphabétisation a été créé dansla maison des jeunes de mon quartier,je n'ai pas hésité une seconde. Bien sûrcela m'a valu une année de disputescontinuelles avec mon mari, mais je n'aipas cédé à ses pressions.

Au contraire, j'ai résolu le problèmeen inscrivant ma belle-sœur, illettrée elleaussi. Il a été rassuré. A partir dumoment où je suis en compagnie de sasœur, il est tranquille pour son honneur.

Au début)elle se rendait au club encachette parce que sa famille semoquait d'elle et lui disait:« c'estmaintenant que le vieux singe veutapprendre à lire et à écrire» (parcequ'elle a 37 ans). Maintenant elle n'aplus de complexes et se défend parfai­tement bien contre les sarcasmes. Nous

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LE DIVORCEde sa gravité et de sa découverte parl'épouse qui le dénonce.

Ainsi est fondée à demander au jugele divorce (irrévocable dans ce cas), lafemme qui découvre chez son conjointun vice inguérissable affectant ses orga­nes génitaux, ou un vice rédhibitoireenraciné et incurable, préjudiciable encas de cohabitation, ou dont la guéri­son nécessite plus d'une année desoins. La démence, la lèpre, l'éléphan­tiasis et la tuberculose sont les cas pré­cisément cités par la Moudawwana ;mais rien n'interdit à la femme d'invo­quer d'autres maladies graves.

Le juge saisi de la demande est habi­lité à faire appel aux spécialistes aux finsd'obtenir tout éclaircissement utile surle vice allégué.

A l'inverse, la femme ne peut invo­quer le vice affectant son époux pourdemander le divorce, si elle en avaitconnaissance en contractant lemariage, ou si, la maladie étant posté­rieure au mariage, elle a accepté celle­ci de manière expresse ou tacite.

Du divorce pour sévices(art. 56)

Mais du vice aux sévices il n'y a qu'unpas que certains hommes franchissentsans scrupules. Leur vice à eux n'est,malheureusement, pas toujours appa­rent. Aussi est-il plus difficile à établir.Mais la loi est ainsi faite que la femme,qui se plaint de quelque sévice que cesoit, est obligée d'en apporter la preuve.Il ne suffit pas que le sévice invoqué soitétabli, encore faut-il démontrer qu'ilrend la vie conjugale impossible. Le jugesaisi finit par prononcer le divorce desépoux, mais seulement après une ten­tative de conciliation restée infruc­tueuse.

La femme déboutée une première foiset qui persiste à demander le divorce

Du divorce pour vicerédhibitoire (art. 54)

divorce pour cette cause n'est pas auto­matique, car tout dépend de l'état defortune de l'époux et de sa bonne oumauvaise volonté. Il sera prononcé danstrois cas précis :(1) lorsque l'époux, qui prouve son

indigence, ne peut pas, après undélai que lui accorde le juge, assu­rer l'entretien de son épouse.

(2) lorsque l'époux, qui ne fait pas lapreuve de son indigence, ne s'exé­cute pas au jugement préalable quile condamne à assurer l'entretien deson épouse ou à la répudier.

(3) enfin lorsque l'époux, qui garde lesilence sur son état de fortune, per­siste devant le juge à refuserd'entretenir sa femme. Le divorce,dans ce cas, est prononcé séancetenante, sans doute plus pourl'affront fait au juge, qu'en raisond'une quelconque considérationpour la requête de la femme.

Quant au mari qui possède des biensapparents, le juge se contentera de lecondamner à assurer l'entretien de sonépouse, sans donner suite à la requêtede cette dernière.

Le divorce par défaut d'entretien estrévocable et l'époux a le droit de repren­dre sa femme pendant l'<<idda>> s'il jus­tifie de moyens d'existence et démontresa bonne volonté d'assurer son obliga­tion alimentaire vis à vis de sa femme.

Cette possibilité se transforme, hél?ssouvent, en un jeu bien malin qui con­siste à entretenir et s'abstenir. Sesadeptes ne sont, malheureusement, pasrares.

Le divorce pour vice rédhibitoire peutêtre invoqué par la femme à certainesconditions. La décision judiciaire à inter­venir tient compte de la nature du mal,

Najib BER RADA

Le divorce, (<<attatlik»), est le troi­sième mode de dissolution du lien dumariage prévu par la Moudawwana.

Il se distingue fondamentalement dela répudiation, et plus spécifiquementdu «khol'», par le fait qu'il concerneavant tout une décision judiciaire quiintervient à la demande de la femmemariée. Dans le cas du «khol'», le marireste maître du jeu pour accorder ledivorce avec compensation à la femmequi le demande.

En ce qui concerne «attatlik», l'initia­tive est juridiquement reconnue àl'épouse et la décision relève de la com­pétence du juge civil. La femme disposedonc du droit, non pas de prononcer ledivorce, mais de le solliciter, ce quiconstitue, compte tenu d'une législationqui lui est fondamentalement défavora­ble, un acquis non négligeable.

Conçue pour s'appliquer à unesociété régie par la toute puissance del'homme, la Moudawwana fait ainsi uneconcession à la femme en lui reconnais­sant une prérogative (qui demande àêtre mieux exploitée) pour mettre fin àune vie commune imposée, ou tout sim­plement devenue impossible.

Et comme pour atténuer les effetsd'un droit, pourtant fort restreint, leLégislateur, par excès de prudence, lesoumet à certaines conditions de fondet de forme. Le code de statut person­nel fut à ce point attentif à la question,qu'il a prévu de façon précise et limita­tive les raisons à invoquer par la femmemariée pour obtenir le divorce.

Le juge prononce le divorce lorsquel'époux refuse de s'acquitter de sondevoir d'entretenir son épouse. Le

Le défaut d'entretien (art. 53)

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sans que le préjudice soit établi, devrasubir l'épreuve d'une tentative de récon­ciliation sous l'égide de deux arbitresdélégués par le juge à cette fin.

Et si les arbitres échouent dans leurmission, ils dressent un rapport à lalumière duquel le juge tranche le litige.

Du divorce pour absencedu mari (art. 57)

En ce qui concerne la désertion dudomicile conjugal par le mari, il faut sou­ligner qu'elle ne constitue pas une rai­son suffisante pour une dissolutionautomatique du lien du mariage. Lecode, en cette matière également, amultiplié les conditions surtout si le mariabsent se trouve dans un lieu connu.

Ainsi, l'épouse abandonnée a lafaculté de solliciter le divorce, si sonépoux reste absent pendant plus d'uneannée (les oiseaux migrateurs ne sontpas concernés), et si cette absence luioccasionne un préjudice. Le juge saisiest tenu d'adresser au mari absent unemise en demeure lui fixant un délai. Ilprend en outre le soin de l'aviser que ledivorce sera prononcé s'il ne réintègrepas le domicile conjugal, s'il ne fait pasvenir sa femme auprès de lui, ou s'il nela répudie pas.

La dissolution irrévocable du mariageinterviendra à l'expiration de ce délai àcondition que l'époux refuse d'obtem­pérer et ne fournisse pas des excusesvalables, et après que le juge se soitassuré une dernière fois que l'épousedélaissée persiste dans sa demande endivorce.

Du divorce par suite du ser­ment de continence ou dedélaissement (art. 58)

Il existe une dernière cause du divorce(révocable dans ce cas) qui découle duserment fait par le mari de délaisser safemme ou de ne plus accomplir sesdevoirs intimes. Le juge lui fixera undélai de quatre mois avant de prendresa décision.

Telle sont les causes, expressémentprévues par la loi, sur lesquelles doit êtrefondée toute action en divorce qui, pouraboutir, doit, en plus, maitriser une pro­cédure judiciaire complexe et contrai­gnante.

Et tant qu'à faire, le recours aux ser­vices d'un conseil juridique n'est pasune précaution superflue. Il saura userhabilement et efficacement des multi­ples possiblités, pas toujours évidentes,que recèle la loi.

Un code anachroniqueCeci pour l'immédiat, mais pendant

combien de temps encore faudra-t-il secontenter de tirer le meilleur parti pos­sible d'un code devenu anachronique etdont la promulgation en 1958 s'inscri­vait dans le contexte particulier d'unesociété fondamentalement conserva­trice, plus par réaction vis à vis de la cul­ture occidentale que par tempérament.Cette époque est maintenant bien révo­lue, faisant place à une nouvelle géné­ration de femmes plus conscientes del'importance de leur rôle socio­économique et plus exigeantes, en cequi concerne leurs droits. Les lois ina­déquates qui continuent à s'appliquer àelles ont fait leur temps. Elles sont con­damnées au changement au nom duDroit qui transcende les lois, conjonc­turelles par nature car régulatrices detensions sociales et familiales.

La réforme de la Moudawwana estdonc souhaitable, le réajustement desrapports hommes-femmes et la surviede la cellule familiale est à ce prix.

Les réformateurs de tous bords mul­tiplient les propositions, mais les com-

battants d'arrière-garde ne restent pasinactifs, on s'en doute (ils ne sont pastoujours du bord que l'on croit}. Il n'estpas sans intérêt de rappeler que les juris­tes, sous l'égide du ministère de la Jus­tice, préparent un projet visant àadapter le droit à la réalité socio­économique.

Mais comment faire évoluer le droitquand les mentalités restent figées sousle poids des préjugés ?

Comment se risquer à modifier lestextes quand le moindre changementest ressenti par beaucoup comme unemenace contre les fondements de l'édi­fice social ? Comment enfin faire écho(et traduire dans les textes) aux nom­breuses revendications, lorsque touteaction législative doit nécessairements'inscrire dans un cadre juridique inspirépar la religion musulmane et le ritemalikite?

N'en déplaise à ceux qui rament àcontre-courant, le changement, icicomme en d'autres matières, s'impose.Il est inscrit dans le cours de l'histoire,même si la marge de manœuvredemeure étroite.

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(Témoignages)

DivorceEntretien avec Fatiha X,avocate:

«La femme ne s'aventure que trèsrarement à demander le divorce parcequ'elle sait qu'elle aura des difficultésénormes à l'obtenir.

Un exemple: la demande de divorcepour sévices du mari. Il yale certificatmédical, mais il faut trouver les témoinset les convaincre de témoigner. Or, cen'est pas facile ...

En tant qu'avocate, je peux affirmerque la plupart des dossiers qui me sontsoumis s'appuient sur l'absence dumari. Ecoutez la radio, on ne parle quede ça. Dans ce cas non plus, onn'obtient pas aisément gain de cause.

J'ai récemment eu à me charger dela défense d'une femme qui demandaitle divorce pour raison d'absence du mariau foyer pendant quatre ans. L'affairea traîné deux longues années au tribu­nal et quand le jour du jugement estarrivé, le mari a refait surface par mira­cle. Tout tombait à l'eau. Puisqu'ils'était présenté, la raison invoquée étaitdevenue caduque.

En règle générale, ce sont les femmes«intellectuelles» (sic) qui demandent ledivorce.»

Entretien avec MustaphaX, jeune avocat:

«Pourquoi les femmes ne demandentpas le divorce? Je pense qu'il fautanalyser ça d'un point de vue socio­économique et écarter l'aspectjuridique.

Les femmes rechignent ou hésitent àdemander le divorce (le plus souvent,elles n'ont à craindre que d'être répu­diées) parce qu'elles sont sans travail.

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Issues de familles pauvres, elles ne sou­haitent jamais retourner à la pauvreté.D'autre part, c'est la réputation desfamilles qui est en jeu: quand unefemme divorce, on a tendance à "ima­giner de mœurs légères et instable.

Tout le monde la suspecte de menerune vie dissolue. Elle sera pratiquementassimilée à une prostituée. C'est pourcette raison aussi que les femmes nedemandent pas le divorce. J'ai eu unecliente, une femme de 24 ans, qui a étébattue et jetée du 3e étage par son mari.Mon devoir d'avocat était de lui deman­der ce qu'elle souhaitait que je fasse.Savez-vous ce qu'elle m'a répondu?«Je veux rester avec lui, il est le seul àpouvoir prendre soin de mes enfants.»Et elle a ajouté: «Personne de mafamille ne veut de moi. Je ne peux pastravailler, je dois me résigner, suppor­ter mon mari à cause des enfants.»

Dans la majorité des cas (quand c'estla femme qui veut divorcer), la femmene se présente pas au tribunal. Elles'arrange avec son mari, et ils se ren­dent ensemble chez les Adoul pourdivorcer.»

Une femme divorcée.

«J'ai pris la décision de demander ledivorce quand j'ai appris qu'il s'étaitremarié. Un grand choc. La femme,selon moi, peut supporter beaucoup, Ycompris que son mari la batte, mais pasqu'il se marie avec une autre. C'étaitlégitime que je veuille me séparer demon mari. Je n'ai pas hésité. Je medemandais à quoi cela rimait de resterensemble dans ces conditions, mainte­nant qu'il m'avait trahie. En échangedes facilités qu'il ferait pour quej'obtienne le divorce, je devais lui céderles meubles de la maison, lui abandon­ner mes enfants, et lui laisser le titre depropriété de notre logement. Je n'ai pas«marché». Finalement, j'ai déposé mademande de divorce au tribunal. Troisans de va et vient.

On était très unis mais c'était uneapparence parce qu'il a exigé que je luilaisse le réfrigérateur, la télé, la voitureet que je ne demande pas la nafaqa. J'aifailli céder (tout de suite) puis je me suisravisée: «Non, je ne lui donnerai rien.Je resterai comme ca», en suspens, nimafiée, ni divorcée.:.». Au tribunal, j'aifait le serment que les meubles m'appar­• -naient.

J'ai eu beaucoup de difficultés àgagner notre subsistance pour mesenfants et moi. J'étais obliqée de res­ter à la maison, de ne pas bouger, autre­ment il aurait pu utiliser mon absencepour m'accabler devant le juge. Même

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ma famille ne m'était pas favorable. Elledisait: «Qu'elle patiente !» En fait, per­sonne n'est solidaire d'une femmedivorcée. Au tribunal, ça aide d'avoir de"argent et une grande famille derrièresoi. Mais la femme reste indéniablementdéfavorisée. J'ai supporté les reportscontinuels de l'audience. Cette procé­dure de divorce m'a plongée dans l'uni­vers des tribunaux et descommissariats, que je ne connaissaispas. Elle a également nui à ma répu­tation ..

J'en arrive parfois à rêver de n'avoirjamais eu connaissance de son mariage.J'aurais continué à vivre avec lui si per­sonne ne me l'avait appris ... il m'ahumiliée. Quand j'ai su l'atroce nou­velle, il a eu le front de me proposer unmarché: passer alternativement unejournée avec elle et une journée avecmoi. Ça, je n'ai pas supporté. Je lui aidit: «Va avec elle. Prends une troisièmefemme si tu veux et, quand tu seras fati­gué, reviens. Laisse-moi seulement lanafaqa (pension) des enfants.»Il n'a pas accepté.

Le divorce est une dure épreuve pourla femme. Les gens parlent, dénigrent.Ils disent d'elle: «Hajjala». Elle perdtoute valeur aux yeux de la société. Lesgens ne se demandent même pas pour­quoi elle en est venue à vouloir se sépa-

rer de son mari. Ils ne saventqu'accuser. Ils se satisfont de leurs pré­jugés. Ils ignorent ce qu'elle endure.L'image d'une femme divorcée est trèsnégative.»

Une femme demandant ledivorce (rencontrée autribunal}

Elle venait démarcher pour faire avan­cer le dossier de «nafaqa» (entretien desenfants)

Elle me raconte qu'elle a divorcé, il ya huit ans, alors qu'elle avait 32 ans. "lui a fallu cinq ans de rudes bataillespour obtenir le divorce.

«Je n'ai jamais pensé au divorce pen­dant douze ans de mariage. Je m'étaistoujours résignée en me disant «monmari va changer». Je craignais aussi devivre mal, vis-à-vis de la société, monstatut de divorcée. Je me suis finale­ment dit: «Tu es jeune et forte. Tu peuxtravailler, faire n'importe quoi, pourvuque ça soit un travail honnête, nedemandes rien à ta famille» ... et je mesuis décidée à m'affranchir de monmonstre de mari.»

'fol/ria Hadraol/i

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L'ECONOMIE EN QUESTIONS

Au secours!La T. V.A.est arrivée

par Noureddine El Aoufi

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Elle: La T.V.A. a tenu sespromesses. Depuis début Avrilelle est entrée en vigueur.lui: En effet. C'est parti.Elle: Ça te surprendra peut­être, mais j'avoue que je neconnais pas grand chose sur laquestion.Luiça ne me surprend pas. Aucontraire. Il y a eu très peud'information. Quelques dînersdébats privés et smart entrehauts responsables de l'impôt,gros industriels, gros commer­çants et compagnie. Quelquesarticles par ci, par là.Elle: J'ai pu suivre à latélévision - qui ne bougeait pasencore - les débats parlemen­taires. Les joutes oratoiresm'ont beaucoup amusée. Maisje n'ai pas appris ma T.V.A.Lui: En Espagne ils ontinformé les gens de manièretrès ample sur leur T.V.A. pen­dant tout le mois de Novem­bre 1985. Ils ont utilisé à fondtous les médias.Elle: On dit que tout le mondey prend goût aujourd'hui.C'est le nouveau truc des éco­nomistes~cette T.V.A ?Lui: On compte 28 pays dans"e monde qui appliquent laT.V.A. Mais ce n'est pas untruc nouveau.L'Europe l'a adoptée dans lesannées 60. La Tunisie l'a aban­donnée 8 mois après son intro­duction. Au Maroc, il sembleque le projet existe depuis unedizaine d'années. En tous lescas, la T.V.A. c'est la T.P.S(Taxe sur les produits et servi­ces), à laquelle elle se substi­tue, revue et corrigée. Mêmele taux normal de 19 % ...Elle: Ils disent encore que laT.V.A. est mieux adaptée autempo des affaires. Cohérente,objective, efficace, moderne etbranchée. Simple aussi.Qu'elle ne manquera pas dedonner du tonus à l'économie·etc ...Lui : Le système fiscal maro­cain est, dans l'ensemble,archaïque et inadéquat. Il nefaut pas oublier qu'il est héritédu protectorat. La T.P.S., parexemple, fut instituée en 1961.La taxe sur la consommationintérieure date de... 1913. Lesystème a, par conséquent,besoin d'un lifting général.Elle: Tu veux dire que depuis25 ans c'est le même systèmed'imposition qui est appliqué?

lui: Non bien sûr. Entre ledroit et le fait la fâcherie nepeut durer aussi longtemps.Notre système fiscal a dû subirm13intes modifications, rectifi­cations et adaptations. Mais çareste ponctuel, instillé au couppar coup.Elle: J'imagine un véritablepatchwork. Bref, la réformefiscale est toujours à l'ordre dujour.Lui: Du point de vue du gou­vernement et de la majorité quil'appuie au parlement, laT.V.A. est le premier mouve­ment d'une mise en ordregénérale. La suite c'est l'I.G.R.(impôt général sur le revenu) etl'impôt sur les sociétés. Pourla gauche...Elle: Pour la gaucheJ laréforme fiscale n'est pasréductible à une simple modu­lation technique et doit êtrecoextensive à un projet deréformes tous azimuts. Jepasse du coq à l'âne: quelssont les principes qui fondentla T.V.A. ? Mais, pour l'amourde Dieu, trève de jargon. Aufait,dis_moi pourquoi l'écono­miste parle une langue siétrangère au public?Lui: L'économiste emploiedes codes, des concepts ou, situ préfères, des mots techni­ques qui sont, en réalité, desimples outils commodes pourtravailler, c'est-à-dire pourréfléchir, analyser. Mais, bienentendu, on peut être simple.Le risque...Elle: Oui oui je sais ce que turisques. Paraître simpliste auxyeux de tes pairs. Heurter lesspécialistes et autres puristes.Lui: Non, le problème, enfait, c'est qu'entre simplicité etclarté d'un côté, trivialité etplatitude de l'autre il n'y aqu'un pas que je me gardebien de franchir.Elle: Oui bien sûr. Fermons laparenthèse et revenons à nosimpôts.Lui: La T.V.A. se fonde surun principe simple qui, dureste, caractérisait partielle­ment la T.P.S. : la déductionou la récupérabilité. Cela veutdire que sur un produit ou unservice, liés bien entendu àl'exploitation, la taxe n'est per­çue pour le compte de l'Etatqu'autant qu'une valeur nou­velle est ajoutée - d'où sonnom - au cours de la produc-

tion et de la commercialisa­tion. Cela veut dire encore quela taxe n'est pas cumulative ­pas de taxe sur la taxe - maisdonne droit, en aval, àdéduction.Elle: Un producteur, parexemple, peut refiler la taxe aucommerçant qui peut, à sontour, la refiler au consomma­teur. C'est, tout compte fait,le consommateur final quipaie, c'est-à-dire toi, moi ...Lui: Ton exemple est trèssimplifié, mais c'est exacte­ment ça. La T.V.A. est unimpôt indirect c'est-à-dire unimpôt sur la dépense ou sur laconsommation.Elle: J'aimerai qu'on précisece point.Lui: D'accord mais aupara­'vant il faut noter deux élé­ments nouveaux : le premierest que la T.V.A. s'appliqueaussi au commerce de gros.Elle: La T.P.S. ne frappaitpas le commerce de gros?Lui: Non. Et cette situationétait à l'origine, entre autres,de perturbations à l'intérieurdu système des déductions.Elle: Les grossistes doiventabominer la T.V.A.Lu i : Ils trouvent ça en effetméchant. Mais ne t'en fais paspour eux.

Elle : La répercussion?Lui : La répercussion est uneinfinité de subterfuges.Elle: Mais avec le commercede gros il ya plus de mondepour payer la T.V.A. l'Etat doitêtre content. Non ?Lui: C'est une simple appa­rence. Il y a de nouveaux rede­vables c'est vrai: lesgrossistes principalement. Maisd'un autre côté il ya ceux - ilssont légion - qui payaient laT.P.S. et qui ne sont plus sou­mis à la T. V.A.Elle: Tu peux préciser un peuplus. Donner des chiffres.Lui : On estime que le nombredes redevables écartésdépasse largement celui desnouveaux assujettis. Au Minis­tère des Finances on établitque la T.V.A. fait perdre quel­ques 60 % de la populationdes redevables. Le ministredes Finances estime que laperte serait de l'ordre de 600 à700 millions de DH. C'esténorme.Elle: Est-ce qu'il y a beau­coup d'exonération?Lui: Il y a deux catégories deproduits et services exonérés.La première comprend, engros, les produits de premièrenécessité comme le pain, lelait, le sucre etc. Si tu veux

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jeter un coup d'œil sur le textede la T.V.A. la liste est donnéeà l'article 7.La deuxième catégorie con­cerne les produits et servicesexonérés avec bénéfice dudroit à déduction: les produitslivrées à l'exportation à titred'exemple. La liste des exoné­rations est limitative. Tout lereste est soumis.Elle: Quels sont les taux?Lui: C'est le deuxième élé­ment nouveau que je voulaisnoter. Il n'y a, au total, quecinq taux. Un taux normal fixéà 19 %. Il frappe la majoritédes produits et services. Untaux majoré, de 30 % quis'applique aux produits deluxe. Trois taux réduits.D'abord à 7 %.Elle: Je vois, sur la liste,l'eau, l'électricité, le gaz, leshuiles, les produits pharma­ceutiques, les aliments com­posés pour enfants, lesmagasines. les allumettes. lethé. le café, etc. Je ne com­prends pas que les produits nesoient pas exonérés.Lui: Et puis il y a 12 % ....Elle : Pour les hôtels, les res­taurants, les banques (avecdroit à déduction) et pour lesassurances, le téléphone, letélex, les professions libérales(sans droit à déduction).Lui: Et enfin 14 % applicablesaux affaires d'entreprises detravaux immobiliers. Etcomme tu vois, aucune dis­tinction n'est faite entre cons­tructions de luxe etconstructions économiques.Elle: Que penses-tu de cestaux?Lui : Je pense que le taux nor­mal fixé à 19 % est trop fort.En France, pays développé s'ilen fut, la T.V.A. est de18.6 %.Elle: Mais encore?Lui : Il existe en théorie fiscaleune loi qui s'appelle « loi desrendements décroissants ». EnJuillet 1983, c'est-à-dire enpleine crise financière,souviens-toi, on a dû rectifierla loi de finances et le taux (dela T.P.S.) est passé de 17 %à 19 %. Entre parenthèses, ilétait de 15 % avant 1982) et iln'a jamais dépassé 8 % dansles années 60. On murmurequ'on aurait voulu, en 1983,combler un déficit d'environ 50milliards de centimes. Le résul-

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tat obtenu est renversant : lesrecettes fiscales ont diminuéd·environ .... 50 milliards decentimes. Tu connais l'adage:« les hauts taux tuent lestotaux ».Elle: Je connais une autreformule colorée: « tropd'impôt, pas d'impôt ». Maisdu moment qu'il y a déduc­tion, récupérabilité. Cela faitcombien de sous pour l'Etat, laT.V.A. ?Lui: Les impôts indirectsreprésentent 70 % des recet­tes fiscales. Pour ce qui est dt'la déduction, la T.V.A. estpayée d'abord, récupéréeensuite. Ce qui, d'ailleurs,engendre un maquis de factu­ration, d'opérations compta­bles, de déclarations quisupposent une grande maîtrisede l'exploitation électroniqueet informatique.Elle: Si j'ai bien compris. ilfaut s'attendre à des bavures,à des bêtises. Est-ce qu'onpeut répercuter ce qu'onveut?Lui: On touche là un pro­blème central. Tu l'as soulevéil y a un instant.Elle: Comment s'opère larépercussion ?Lui: Je vais essayer de préci­ser certains points. Mais à tire­d'ailes seulement, parce que larelation entre l'impôt et les prixest extrêmement complexe.Pour l'entreprise, la T.V.A. faitpartie de ce qu'on appelle leprix de revient d'achat. Larépercussion définitive sur leconsommateur est, dans cecas. obtenue de manièrecomptable. Ce qui requiertbeaucoup de transparence.Rien de moins.Elle: Tu veux insinuer qu'il vay avoir dissimulation, fraude,carambouillage etc. Le la Jan­vier 1986 le directeur généraldes impôts a déclaré: laT.V.A. n'est nullement infla­tionniste, bien au contraire elleest déflationniste.Lui: Il est, à mon avis, diffi­cile de déterminer la partexacte de l'incidence provo­quée par l'impôt direct et indi­rect. Si on connait bien lescomportements (objectifs etsubjectifs), les psychologies,les élasticités d'offre et dedemande, la mobilité des fac­teurs de production, le régimedes marchés (concurrentiel ou

monopolistique), les possibili­tés de crédit etc... cela faittrop de choses. On peut. à cemoment, apercevoir des ten­dances. A la limite il est possi­ble d'obtenir des ordres degrandeur approximatifs.

Elle: Inflationniste ou défla­tionniste la T.V.A. ?Lui: Inflationniste. A coupsûr.Elle: Un peu, beaucoup, pas­sionnément ?Lui: Ecoute. Le Ministre desFinances a dit 2 %. Il est plusacceptable de dire que lahausse des prix induite par laT. V. A. variera entre 1 et 19 %.Plutôt proche de 19 %. EnEspagne il y a eu, d'entrée dejeu, une hausse générale del'ordre de 6 %.Elle : Est-ce que la hausse desprix peut être supérieure à19 % ?lui: Naturellement. Je donneun exemple schématique.Commerce de gros/alimenta­tion. Le commerçant achète100. T.V.A. : 19. Il vend 103,sa marge bénéficiaire étant de3 %. Il récupère sa T.V.A. :19 % de 103 c'est-à-dire19,57. Dans cet exemple la dif-·férence est de 0,57. Les prix decertains produits et services

peuvent grimper de manièredémente. Il y a ce qu'onappelle les prix spéculatifs. Etpuis l'impôt peut constituer unprétexte pour accroître lesprix. C'est courant.Elle: Ça va être dur pour lespetites bourses.Lui : Pour les classes moyen­nes aussi ça va être dur. LaT.V.A. écrase, inexorable­ment, le pouvoir d'achat dOessalariés, et d'un.Elle: Parce que les salairessont trop bas? Parce que lessalariés ne peuventrépercuter?Lui: Les consommationspopulaires vont tomber plusbas, et de deux.Elle : Elles sont déjà rudementréduites.Lui: La croissance de la con­sommation moyenne par têten'a pas dépassé 1 %, en ter­mes réels, depuis 1971. Et lastbut not least, le marché inté­rieur qui est très limité - il tien­drait dans un mouchoir - nepeut, à la clé, que s'en trouverconsidérablement rétréci,rogné.Elle: Un vrai poison d'avrilcette T. V.A .• mine de rien?

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,L'ACNE

Khadija EL ZEMMOURI

Mais d'où viennent cesméchants petits boutons quiempoisonnent la vie des ado­lescents ? Une petite explica­tion et quelques conseils ....

L'acné est avant tout une complica­tion de la séborrhée ou peaux grasses.Elle peut également être dûe à un désé­quilibre hormonal (excès d'hormonesmâles ou androgènes par rapport auxhormones femelles ou oestrogènes!.Ces boutons disgracieux qui empoison­nent l'adolescence, et persistent parfoisbien au-delà, sont la conséquence d'unerétention sébacée au niveau des pointsde sortie des poils qu'on appelle «folli·cules pileux».

L'acné JuvénileC'est surtout à la période pubertaire

que l'acné se manifeste. De là vient leterme «acné juvénile» ( ..,..,L,..';JI....,...:>" ) :sur une peau grasse vont apparaître despoints noirs (comédons) qui vont bou­cher les canaux folliculaires formantainsi de petits kystes ou des abcès, par­fois de grande taille, s'infectant trèsfacilement. Ces boutons affectent sur­tout les zones séborréïques (grasses),en particulier le front, le sillon nasal, lementon et parfois la partie supérieure dudos et des épaules.

L'acné pubertaire évolue générale­ment par poussées presque toujours enrapport avec des excès de matièresgrasses ou de sucreries. Il y a par ail­leurs une influence hormonale indiscu­table surtout chez la femme - où lespoussées sont souvent prémenstruelles(ce sont les fameux boutons qui précè­dent les règles). Vers l'âge de 25 ans,les troubles s'atténuent en général maislaissent souvent, en l'absence de trai­tement, des cicatrices indélébiles.

Vers 40 - 50 ans,peut apparaître un autre type d'érup­

tion proche de l'acné qu'accentuent lesémotions, les changemens de tempéra­ture, les repas trop riches: la facedevient rouge, surtout au niveau desjoues, et les accès de rougeur peuventdonner un aspect de «couperose» (peaufine sur laquelle on observe de fins vais­seaux éclatés).

Attention aux cosmétiqueset à certaines pommades

Certaines crèmes de «beauté», mal

adaptées au type de peau et peu con­trôlées peuvent être responsables d'uneacné d'autant plus difficile à guérirqu'on continue à les appliquer soigneu­sement pour supprimer les taches et lesboutons. Signalons aussi que les pom­mades à base de corticoïdes et les injec­tions intramusculaires de vitamine 812donnent également de l'acné (surtoutau niveau du tronc) et rappelons que lespommades sont des médicaments quine doivent être utilisés que sur prescrip­tion médicale, et dont l'utilisation fan­taisiste peut être dangereuse.

ConseilsLes pommades sont

des médicaments et peu­vent contenir des pro­duits dangereux : ne lesutilisez pas sans pres­cription médicale.

--0--Ne dites surtout pas

«cela disparaîtra avecl'âge» ! Il faut traitervite l'acné pour éviterles cicatrices et les surin­fections qui peuventparfois être sévères !

-- g--

L'acné s'accompagnanttrès fréquemment de che,,:,veux gras, utilisez de préfé­rence un shampoinganti-séborrhéïque en venteen pharmacie.

-'t)--

En raison du facteur hor­monaI, qui joue un rôle pré­pondérant dans ledéclenchement de l'acné,certains dermato.ogues pres­crivent, chez la jeune fille,outre le traitement local, lapilule con~raceptive.-

Que faire? Surtout ne pastripoter

Il n'est plus question de proclamerque cela disparaîtra avec l'âge ou lemariage! Car si les formes légèresd'acné disparaissent toutes seules, lesformes très étendues peuvent êtresource de complications. L'acné en ellemême ne laisse pas de cicatrices;celles-ci sont dûes uniquement à lamanipulation des lésions (boutons) parle malade lui même.

Il faut donc toujours traiter ensachant que le traitement est long et lesmesures hygiéno-diététiques très impor­tantes.

La lutte contre la séborrhée est à labase du traitement. On utilise surtoutdes lotions dégraissantes à base d'alcoolcamphré le plus souvent, ou de souffre.Mais actuellement le traitement localrepose surtout sur des préparations der­matologiques à base de dérives de lavitamine A, et de péroxyde de benzoyle.

Ces lotions sont préparées par lapharmacien sur ordonnance médicale.L'usage régulier d'un lait démaquillantet d'une lotion adaptée à votre type depeau permet un bon nettoyage descomédons. Par contre, mieux vaut évi­ter l'usage des savons parfumés sur levisage. L'exposition au soleil améliorel'acné mais ne convient pas à tous lestypes de peaux. La lutte contre la surin­fection fait appel à certains antibiotiquesdépourvus d'effets secondaires impor­tants et sera décidée par le dermatolo­gue ou le médecin traitant en fonctiondes cas.

Il est conseillé de corriger certaineshabitudes alimentaires : dites non aubeurre, au chocolat, aux sucreries, auxfritures et aux tajines trop gras. La cons­tipation doit toujours être évitée. Parcontre, le dérèglement hormonal ne doitêtre traité qu'en cas de nécessité abso­lue. Ne prenez jamais de médicamentsà base d'hormones (corticoïdes, astro­gènes, progestérone) sans avis médical,

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VIVRELE COUPLE

«La différence entre un caprice et une passion éternelle c'est que le premier dure un peu pluslongtemps)) disait, en une boutade célèbre et flegmatique, Oscar Wilde. Pour un sujet «grave)), lesourire s'imposait.

En effet, choisir l'être avec qui on va traverser une vie entière n'est pas une mince affaire. C'estavec lui ou elle que l'on a décidé de tout vivre, les joies et les souffrances, la fleur de l'âge et lavieillesse. Nul n'est infaillible, mais si une marge d' «erreUf)) est tolérée on n'a pas intérêt à trop setromper. Personne n'est en mesure de prévoir avec exactitude ce que seront les inconvénients et lessacrifices de la cohabitation à vie avec son lot d'habitudes capables parfois de transformer un coupleidyllique en un duo de chiffonniers.

Prendre le petit déjeuner à deux, à l'aurore de son mariage? Délicieux! Au bout de quelquesannées, ce plaisir des grands commencements peut devenir, sinon un calvaire, du moins de la trèsmauvaise poésie. Et le navire se met à tanguer dangereusement...

Comment vit-on le couple? Nous avons demandé à quelques personnes mariées de nous confierleurs déceptions, leurs joies, leurs attentes, de nous raconter les difficultés inhérentes au mariage,que chacun, chacune, surmonte à sa manière.

Il serait prétentieux de vouloir cerner par le biais de ces quelques témoignages la complexitéde la relation qui s'établit au sein d'un couple. L'unique ambition de cette rubrique est, en recueil­lant ici et là des paroles de femmes et d'hommes. de susciter des interrogations et d'ouvrir le débat.A vous de l'enrichir, ami (e) s lectrices et lecteurs.

Ce besoin vital de «l'autre»

On avait un jour posé la question ,ul­vante à Freud: «qu'est ce que la vie ?»Il avait répondu «c'est aimer et travail-

len>. Je crois que c'est un beau rac­courci.

«Aimer» signifie, bÎen sûr, aimer etêtre aimé (e). Dans aimer, il yale besoinvital de «l'autre».

Sans «l'autre» on n'existe pas. Maispas n'importe quel «autre». Un «autre»privilégié, pour qui on a de l'estime etpour lequel on éprouve un sentimenttrès fort. Quelqu'un qui occupe uneplace importante dans notre vie.

On forme un couple pour être deuxmais également pour faire des enfants.On a besoin d'aimer et d'être aimé (e)par quelqu'un mais il y a, tout aussi fon-

damentalement, le besoin de se repro­duire et d'aller plus loin à travers sesenfants.

L'équilibre individuel est entretenupar l'échange mutuel, par l'affectionréciproque et aussi par ce sentiment desécurité qui se développe grâce à la pré­sence de l'autre. Il faudrait que l'unpuisse être la base de départ de l'autre,son refuge, son appui. Une certaineassurance contre l'adversité, contrel'angoisse de mort. Procréer permet decontrer cette angoisse de mort quiexiste en tout être humaÎn car faire desenfants, c'est une façon de ne pasmourir.

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«La porte est plus largeque tes épaules»

où mon mari m'a vue pour la premièrefois. Une toute petite fille. Il me caressala tête et donna de l'argent à ma mèreen cadeau pour ma naissance. C'est cequ'elle me raconta par la suite. Au boutde quelques années, cet homme estrevenu chez nous, à la campagne.Quand il me vit, il demanda ma main àmes parents. Voilà toute l'histoire demon mariage.

Mon mari était donc beaucoup plusvieux que moi. Je l'ai toujours craintcomme j'aurais craint mon père. Jen'osais pas lui dire non, ni le contredire.Je faisais tout ce qu'il me demandait.J'ai ainsi grandi sous sa férule.

Peu de temps après notre mariage, ila commencé à s'absenter de la maison.Il revenait tard dans la nuit, complète­ment soûl. Au début, je n'osais pas luidemander où il allait ni d'où il venait. Cen'est qu'après la naissance de mon qua­trième enfant que j'ai commencé à luireprocher son comportement. Il fautcroire qu'il n'attendait que ce prétextepour me tomber dessus, me frappantdès lors avec ou sans raison. Tout son

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argent, il allait le dépenser à l'extérieuret rentrait à la maison les mains vides.J'ai dû élever pour cette raison mesenfants dans la faim et dans la misère.

Comme il était chef de brigade (et trèsfier de son statut), il nous menaçait sesfilles et moi, de nous jeter en prison sinous ne lui obéissions pas au doigt età l'œil.

J'étais une bonne pour lui et pour sesenfants et je le suis encore. Il ne m'ajamais appelée par mon nom. Pour lui,je suis «celle-là .=.l..L..A ». Il me disaitquand je réagissais «la porte est pluslarge que tes épaules». Je le savais bienque la «porte était plus large que mesépaules» mais où pouvais-je aller? Sij'étais seule en cause, le problème ne seserait pas posé.

Le travail que je fournis à l'intérieur,je peux le faire à l'extérieur. Si c'est pourêtre traitée comme une bonne, autantque ce soit pour de l'argent. Mais avechuit enfants, je n'avais guère le choix.

Aujourd'hui mes enfants ont grandi,ils travaillent. Je n'ai plus besoin de sonargent, ni de sa présence à la maison.Or, c'est maintenant qu'il veut y rester.Il devient gentil parce qu'il n'a plus deforce. S'il n'en tenait qu'à moi, jel'aurais expulsé mais mes enfants s'yopposent.

Ceci dit, je lui interdis d'entrer dansma chambre. C'en est fini de ces nuitsoù il venait «me jeter son eau» avecforce, où je le subissais en pleurant Potqu'il me frappait à la fin. Je ne peux paste raconter tout ce que j'ai enduré.

J'aurai trop honte. Je préfère laisser çapour le jour du jugement dernier.

«II ne reste plus d'hommesde nos jours»

me suis marié comme tous leshommes de ma génération. Par le biaisde la famille. Ma mère a vu ma femme.Celle-ci lui a plu. J'ai dit «8ismi Allah».Tout ce que fait la famille est bon. Il nefaut jamais aller à l'encontre de savolonté. Les jeunes d'aujourd'hui ont la

,tête dure. Ils n'écoutent plus leursparents. Résultat: ils ne récoltent quedes problèmes. Ils se marient un jour etdivorcent le lendemain. Nous, on se fiaittotalement à la famille. C'est pour çaque notre mariage était plus stable, plusdurable.

Vous me demandez si ma femme m'aplu quand je l'ai vue. Ecoutez, ellen'était pas mal mais surtout elle remplis­sait très bien ses devoirs à la maison.Elle n'a jamais cherché à nuire à ma

famille «)I.~ lAI~ .ùll» et elle s'occupe

bien de ses enfants.Je ne passe pas beaucoup de temps

à la maison. Je ne rentre que le soir. Jeregarde la télévision et je dors.

Comment ! Aider ma femme à fairele ménage. Il ne manquerait plus que

"cela,! Vous voulez nous transformer enfemmes, vous, les filles d'aujourd'hui.Une femme est une femme, un hommeest un homme. Dieu a déterminé à cha­cun sa fonction. Si je commence à fairele ménage, que lui restera-t-il à faire, àelle !!! Quelle drôle de question !!!

Discuter avec ma femme? Voùssavez, avec une femme, c'est toujoursdes querelles. Elles adorent ça. Ellesn'ouvrent la bouche que pour dire dumal. Si vous ne leur donnez pas toutesles précisions sur vos entrées et vos sor­ties, elles vous accablent de reproches.Comme si le travail était un endroit pourrencontrer d'autres femmes!

De quoi peut-on parler avec unefemme sinon des problèmes desenfants. Celui-ci a frappé celui-là. L'una raté ses études. L'autre s'est faitexclure de l'école. Il y a également lesproblèmes des voisins, de la famille.Bref, on ne parle que des mauvaisesnouvelles et des catastrophes.

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Non, bien sûr, je ne regrette pas dem'être marié. Jamais. Le mariage est undevoir. On ne peut pas s'en passer.Grâce à lui, on complète sa religion enconstituant une famille et en ayant desenfants.

Je suis choqué par l'attitude des jeu­nes d'aujourd'hui. Ils ne bougent plussans leurs femmes. Celles-ci les mani­pulent comme elles veulent. A l'époque,les femmes n'osaient pas regarder leshommes dans les yeux. Aujourd'hui,c'est elles qui commandent. Jadis, leshommes ne prononçaient jamais le nelJlde leur épouse. Maintenant, je connaisun gars qui appelle sa femme «LallaZhor» devant tout le monde sans avoirhonte.

Moi, ma femme, jamais un hommen'a vu son visage. Malgré son âge etnos trente ans de mariage, elle ne sortjamais sans me le dire. Elle ne me con­trarie jamais.

Quand je vois ma belle-fille dire à sonmari devant moi «non, je ne veux pasfaire ceci ou cela», je me dis qu'il ne resteplus d'hommes de nos jours !

J'y ai perdu mon•«mOi»

Ja; beaucoup changée depu;s monmariage. Bonne vivante, je plaisantaisen permanence, dansais, chantais àtout bout de champ. Je me sentais libre.Maintenant c'est différent. Je ne peuxplus rigoler comme avant parce que sije me comporte comme je le souhaite,tout le monde va dire «voilà une mèrede deux enfants qui agit comme une fil­lette. Je suis devenue malgré moi ceque la société veut que je sois.

Je n'ai plus d'amies (alors que j'enavais une collection) parce que ce futla première condition posée par monmari. Il ne me reste que les voisines. Cequi "énerve d'ailleurs. Mais que veut-ilque je fasse ? Je ne travaille pas et jesuis tout le temps à la maison. J'ai abso­lument besoin de quelqu'un à qui par­Ier, à qui me confier ...

Mon mari ne veut pas que je m'épa­nouisse... que je sois brillante. Il vou­drait me cantonner dans le rôle de mère,un point c'est tout. Mais moi ça ne mesatisfait pas. Je voudrais pouvoirm'exprimer par autre chose que par lesenfants, donner un autre sens à ma vie.

Mon mari me respecte certes. Maisqu'est-ce_que le respect pour unefemme de ma condition. C'est commele respect qu'il aurait pour une esclavedevenue indispensable. Je voudrais êtrereconnue en tant qu'esprit et non pasuniquement en tant que corps, en tantque fragment de femme.

Mon mari me considère toujourscomme un être «mineuo>. Il chercheencore à m'éduquer. Or c'est impossi­ble. Je suis déjà «faite». Il est trop tardpour me transformer. Pour lui faire plai­sir, j'ai déjà changé à bien des niveaux.Du coup, il m'arrive parfois de ne plusme reconnaître. Je me trouve bizarre àmes propres yeux.

Je m'habille à son goût, je me com­porte comme il le désire, enfin bref, jeme conforme du mieux que je peux àl'image qu'il a de la femme. Tout celapour réduire les problèmes qui se posententre nous. Mais à force de vouloir luifaire plaisir j'ai le sentiment de m'êtreperdue, d'y avoir laissé mon «moi».

Rien n'est jamais acquis,rien, jamais rien.

~dant des années, ra; "avamé.Sans relâche. Douze à quatorze heurespar jour. Le soir, je rentrais chez moi,abruti de fatigue et je dormais. J'avaisdes connaissances comme tout un cha­cun mais sans plus. Puis les choses ontpris peu à peu place dans ma vie pro­fessionnelle et je me suis senti plus libre.Plus disponible. Il y avait quelquechose ... j'étais comme on dit «prêt».J'étais persuadé que dans les deux moisà venir, j'allais rencontrer quelqu'un. Ehbien ça a pris deux ans et demi. Sim­plement parce que je suis exigent. Tropexigent. Vis à vis de moi comme vis àvis des autres. Je fréquentais des fillesqui répondaient parfaitement à un pro­fil «bien» mais après une ou deux sor­ties je me rendais compte que ce n'étaitpas çà ... J'ai. trois exigences qui meparaissent indispensables pour pouvoirvivre avec quelqu'un. La première serapporte au physique. C'est vrai, il joueun rôle important pour moi. L'intellectaussi. Une femme qui ne saisit pas leschoses au quart de tour, qui a besoinde longues explications, c'est d'embléenon. Quand à la troisième exigence, jepourrais la rapporter à une certaine cha­leur affective, la capacité de pouvoirdonner de soi-même. Je ne peux passupporter une fille belle, intelligentemais sèche.

Ma quête a été longue avant de trou­ver une personne qui réponde à mesaspirations. Notre rencontre s'est pas­sée de manière extraordinaire. Commedans un rêve. Un rêve qui a duré un anet demi. Et puis là, dernièrement, il y aeu un truc. Un petit quelque chose dûà une interférence extérieure qui a intro­dùit un décalage. Et c'est exactementcomme une sorte de valse magnifiqueavec un rythme qui tout d'un coups'arrête. Le rythme est cassé; 1/ faut leretrouver.

Cette première expérience va nousapprendre à être prudent, à savoir querien n'est acquis, rien, jamais rien.

A chaque fois qu'on crie victoire,qu'on se dit «ça y est», c'est là quecommencent les conneries. On relâcheson attention, on pense que c'est dansla poche et on se rend compte ensuitequ'il y avait un trou dans la poche.

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Se préserver un jardinsecret : une nécessité

Nous en avons discuté ensemble avantd'en aviser nos parents. Le grand amourest venu après. Les heurts aussi.

Nous avons rencontré au début denotre mariage deux types de problèmes.Le premier était d'ordre matériel (nousavions très peu d'argent), le second serapportait à notre sexualité. Je n'étaispas du tout préparée à la vie sexuelle.Comme je lisais énormément, mes lec­tures m'informaient plus ou moins. Maisce qu'on écrit n'a rien à voir avec ce quiest. Au Maroc, tout ce qui se rapporteà la sexualité est tabou. Pourtant c'estun domaine où beaucoup de femmesrencontrent des problèmes. Ellesn'osent pas en parler, c'est tout. Et lesmaris réagissent toujours en leur met­tant toute la responsabilité sur le dos.

Au début de mon mariage, je ne par­venais pas à éprouver du plaisir dans lerapport .sexuel. Comme j'avais honted'abor~r cette question. je n'en parlaisni à ma mère ni à mes sœurs. Seule uneamie très intime recevait mes confiden­ces. Elle m'encourageait à tenir le coupen me disant qu'à la longue ça finiraitpar s'arranger. Cela s'est avéré vrai.Mais pendant ces premiers temps, monmari réagissait négativement en medisant «c'est de ta faute, tu dois fairedes efforts» et les médecins que je con­sultais achevaient de me culpabiliser.Normal, c'était tous des hommes!

Tendresse, tendresse

que je ne sais pas ce quec'est. Je n'ose plus idéaliser. La véritéest tellement autre que je préfère, pouréviter une quelconque désillusion, nepas trop m'en éloigner. Et pourtant...comme je souhaiterais vivre autrechose 1. ..

A l'heure actuelle, nous sommesdeux, mais nous vivons chacun dansson coin. Sept ans de vie commune, etc'est déjà la mort du couple. Il est là,grand absent. Je n'arrête pas de conci­lier, de raccommoder, de lui pardonnerson absence mais trop, c'est trop. Jemaintiens le couple pour sauvegarderl'équilibre de nos enfants. Je vis poureux, pour leur bien être.

S'il me prend de fantasmer par exem­ple sur quelqu'un, je ne peux pas le con­fier à mon mari. Même si ce n'est quefantasme, je me vois mal en train de luidire «tu sais tel bonhomme me plait, ilm'attire».

J'ai des amis hommes et des amiesfemmes que mon mari ne connait pasdu tout. Je crois en l'amitié entre leshommes et les femmes et je pense qu'ilest important de développer ce type derelation entre les sexes. Avec unhomme, tu peux aborder des sujets deconversation différents de ceux que tuaurais avec une femme, et c'est trèsenrichissant. Mon mari ignore que j'aides amis hommes. Je ne lui en parle pasparce que je crois qu'il réagirait mal s'ilvenait à l'apprendre. Il me fait entière­ment confiance, il n'est pas spéciale­ment jaloux mais d'après nosdiscussions, je vois comment il raisonneet je sais que sur ce point là, il ne seraitpas d'accord. Alors je préfère me taire.Ça me permet de continuer à fonction­ner comme je le désire sans que cela aitdes répercussions négatives sur moncouple. Il ne faut pas être totalementdépendant de son mari parce que si tun'as que lui pour discuter, que lui poursoutien, au bout d'un moment, tu en asras-le-bol.

«C'est de ta faute»

suis manee très jeune. J'aidonc très peu réfléchi à cette questionavant de me retrouver la bague audoigt. Mes parents, comme tous lesparents traditionnalistes ne me laissaientpas sortir comme je le désirais. Aussi lemariage à mes yeux était pouvoir êtrelibre de faire ce que je voulais. Le cou­ple, c'était vivre à deux, partager tousles problèmes,avoir plus de responsabi­lités. Devenir donc quelqu'un de res­ponsable, être considérée comme unadulte. Je ne voulais plus être prise pourune enfant par mes parents, par manentourage.

J'ai épousé mon cousin. C'était unmariage mi-moderne, mi-traditionnel.

Il n'est pas bon de tout dl',. Il Yad"aspects de ma vie qui n'appartiennentqu'à moi. Je ne me dévoile jamais com­plètement car je pense qu'il est neces­saire de se préserver un jardin secret.Surtout pour les femmes.

La jalousie fait souffrirJ'un et étouffe l'autre

On se cache à sol-même un tas d,choses. A fortiori à l'autre. Il n'estjamais bon de tout se dire, de se livrercomme ça en bloc. Il faut au contraireapprendre à se contrôler. Il y a certai­nes choses qui peuvent être dévoiléesd'autres dont il faut se méfier commede la peste. Raconter par exemple toutesa vie antérieure à son conjoint avec lemoindre de ses détails me semble toutà fait inadapté.

Le conjoint a tendance à éprouver dela jalousie par rapport à ce qui a pu sepasser ou ne pas se passer ou qui pour­rait éventuellement survenir. Si j'avaisune femme jalouse je ne lui dirais jamais«regarde, il y a une jolie fille qui passeà proximité». Je serai fou de lui faire uneréflexion pareille.

Cette question de la jalousie est ter­rible parce que celui qui est jaloux souf­fre et celui qui en est l'objet étouffe. Ortout se rapporte à un problème de con­fiance. Et ce que les gens ne savent pas,c'est que plus on est jaloux, plus on créede risques. Plus on dit à quelqu'un «ilne faut pas agir ainsi,» plus on lui donrwenvie de passer outre cet interdit.

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R, con,e,ve, 'a v;tal;té au couple,Ma temme et mo;,c'est du 'oUde.il faudrait pouvoir continuer à découvrir Quatorze ans de mariage et trois ans del'autre. Il n'y a rien de plus terrible que fiançailles. On se connaît bien. Bond'avoir quelqu'un qui flambe comme un cœur tous les deux mais nerveux et vitefeu de paille et qui s'éteint ensuite. soupe au lait. Avant on criait beaucoup.Découvrir l'autre par étapes. " y a des Puis on s'est aidé: quand l'un estchoses que je n'ai pas encore montré à énervé, l'autre se tait. On se respectema femme et j'espère qu'il en est de beaucoup et surtout on s'estime. Demême de son côté. Cela signifie une toutes les façons, J'amour sans admira-sorte de création de soi-même face à tion ni estime ne dure pas.une situation donnée. Les conjoints doi- Nous avons réussi à trouver desvent pouvoir continuer à se surprendre. valeurs fortes communes bien que nos

Il est également nécessaire de cons- caractères soient très différents. Elle esttruire autour des deux conjoints le maxi- casanière. je suis extraverti. Jamais ilmum de choses. " ya une stratégie de n'a été question de marchandage entrela vie à deux comme il y a une statégie nous. Nous sommes partis de rien, refu-de la vie professionnelle. Il faut aller très sant toute aide familiale. Ce que noustrès doucement pour qu'il y ait une amé- avons fait, le peu que nous avons faitlioration progressive tant au niveau c'est notre œuvre. " n'y a jamais de cal-matériel qu'au niveau du plaisir, des cul entre nous. Mon salaire, ton salaire,vacances, des voyages ... Lorsqu'on on ne connait pas ces expressions.veut aller trop vite, on se casse la gueule Ma femme ne pense jamais à elle.parce qu'on ne supporte pas le retour Parfois je lui en veux même de s'oublierà la réalité. autant. Mais pour tout vous dire, je suis

Les enfants font partie de ces élé- extrêmement fier d'elle. Je la pousse àments qui font'progresser un couple, s'exprimer, elle me pousse à me réaliser.qui lui permettent d'aller toujours plus Jamais je ne pourrais la quitter; elleloin. est mon roc.

C'est vrai que le temps peut détruirebeaucoup de choses. D'où la nécessitéd'en créer toujours de nouvelles. D'avoirdonc de l'imagination. Si certains détailss'effilochent et s'en vont, il faut enentretenir d'autres. Ce n'est pas, parexemple, parce qu'on n'ouvre plus laportière à sa femme qu'on ne peut pasde temps à autre lui apporter un bou­quet de fleurs. De passer un jour à lapâtisserie et de lui acheter les gâteauxqu'elle aime. Et puis, un autre jour luiramener son journal préféré ... Bref untas de petits trucs qui signifient «jepense à toi».

Par moment je me demande s'il saitque j'existe. Oh, bien sûr, il se rappellede mon existence pour ses séances dedéfoulement. Quand il a un problème autravail, avec sa famille, avec ses amis,c'est sur moi que ça se répercute. C'estlassant à la fin, vous ne trouvez pas?

Comment voulez vous préserver ledésir dans ces conditions? Un hommequi ne vous voit plus, qui vous perçoitnégativement, comment peut-onl'aimer, comment peut-on continuer àle désirer?

Un amour non partagé ne peut passusciter le désir. " m'agresse par sonsilence, je l'agresse par mes questions.Je fais. l'amour avec lui par habitude,par devoir, et non par désir. C'est unevérité cruelle que je vous livre. Vousvouliez connaître mon idéal d'homme.Ma vie est déjà faite, je ne peux plusespérer. Mais enfin puisque vous êteslà et que vous m'y faites penser je vaisme donner la liberté de rêver à voixhaute.

Je ne rêverai pas d'un autre homme,puisque ce n'est pas permis. Je vaissimplement vous dire comment je vou­drais que mon mari soit. En un seulmot: tendre.

Tendre et affectueux. Qu'il s'inquiètede ma santé. Qu'il me ramène un bou­quet de fleurs, une rose, un parfum detemps en temps en me disant : «tienschérie, c'est pour toi». Ce serait drôlemais surtout tellement agréable. Nevous moquez pas de moi, je sais que ceque je suis en train ,de vous dire fait très«photo-roman» mais j'aimerai J'entendreme murmurer «tu es la femme la plusextraordinaire qui soit» même si paral­lèlement à celà, il en fréquente uneautre. Et surtout qu'il ne me renvoieplus de moi une image aussi négative.

C'est atroce de se voir ainsi dans leregard d'un être que vous avez aimé etqui vous a aimé.

Ces petits gestesqui font tant de bien

Elle est mon roc

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HISTOIRED'UN DROLE

DE VOEU

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Assise sur la terrasse, les jambesallongées, elle avait retroussé sa robebien au-dessus des genoux. La lainefilait rapidement entre ses doigts et ellechantonnait d'une voix qui, peu à peu,s'épanouissait. Elle aimait ce travail etle soleil était chaud ce jour-là. Autantde raisons d'être joyeuse et de chantervers le ciel !

Elle tendit la main et prit une olive.Elle s'amusa à en jeter le noyau vers sonarbre préféré, celui que couronnait le nidde cigogne. Puis elle prit le morceau defromage, le pain qu'elle avait posé là,et, cessant un instant son travail, ellegrignota en rêvant.

A quoi elle rêva? Eh bien, d'abord àson mari qu'elle aimait beaucoup. Ilcommençait bien à devenir vieux mais,elle-même, ne l'était-elle pas déjà unpeu? Elle eut un petit sourire tendre, etpuis elle passa à son rêve favori: sij'avais une petite fille ...

(Conte populaire marocain adapté parJocelyne Laiibi)

« Si j'avais une petite fille ... elle pour­rait m'aider à filer la laine! Oh, maisnon! Si j'avais une petite fille, je ne lalaisserai pas travailler. Elle resterait làavec moi, simplement pour que jepuisse la regarder! Comme j'aimeraisavoir une petite fille! Une fille aux yeuxnoirs... Noirs comme... comme ces oli­ves, tiens! Et puis, au teint blanccomme ce bout de fromage que jemange! Et elle aurait les joues rouges.Comme cette pomme ! »

Elle prit la pomme et regarda sonarbre: l'une des cigognes se tenait là,le bec sous l'aile.

« Oui. Une fille. Et même si elle étaitcigogne! Une cigogne aussi peut tenircompagnie! »

Et en riant, elle reprit son travail.Qui l'entendit ce jour-là faire cet

étrange vœu? Un génie avait-il décidéde s'amuser un peu? Toujours est-ilque, neuf mois plus tard, elle accoucha

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d'une cigogne aux grands yeux noirs,aux plumes éclatantes et au bec toutrouge! Elle fut bien un peu interloquée(son mari aussi, il faut le dire!), maisse résigna en se rappelant le vœu qu'elleavait fait pour rire. Et puis, après tout,une cigogne aussi pouvait tenir com-

'pagnie!Elle éleva donc sa cigogne, qui gran­

dit et devint en très peu de temps unbel oiseau. Elle fut aussi fidèle à sa pro­messe et la cigogne restait avec elle,simplement pour qu'elle puisse la regar­der. Un jour pourtant, comme elle sesentait de plus en plus lasse, elle se plai­gnit avec un peu d'amertume: « Toutce linge à laver! Si j'avais une vraie fille,elle aurait quand même pu m'aider.Mais une cigogne que peut-elle faireavec sa pauvre paire d'ailes? »

La cigogne avait entendu les plaintesde sa mère. On a beau être cigogne, ona son amour-propre! Dès que la vieillefemme eut tourné le dos, elle s'emparad'un grand drap, y déposa le linge saleet s'envola, le baluchon passé en traversdu bec. Elle s'envola vers le palais dusultan: il y avait là-bas tant et tant delavandières qu'un surcroît de travail pas­serait inaperçu.

Ce fut bien ce qui arriva et, quelquesheures après, la cigogne trouva sonlinge tout propre et bien séché par lesoleil. Avant de le plier dans le granddrap, elle le parsema de roses, de jas­min, et de toutes les sortes de fleursodorantes qu'elle put trouver dans lesjardins du palais du sultan.

Arrivée chez elle, elle déplia cérémo­nieusement le drap. Quand sa mère vitle linge si bien lavé et que l'odeur desfleurs eut envahi la pièce, la cigogne eutdroit à un gros baiser sur le bout de sonbec. Elle eut droit aussi à quelquesremontrances car son absence prolon­gée avait angoissé sa mère.

Et ainsi, chaque fois qu'il y eut dulinge à laver, ce fut la cigogne qui s'enchargea.

Un jour, le fils du sultan eut l'idée dedescendre dans les jardins du palais etde s'y promener. Au fur et à mesurequ'il parcourait les allées, sa stupéfac­tion grandissait: pas une seule fleur!pas de roses, ni de jasmin, les narcis­ses ne poussaient plus et les glycinesavaient disparu! Il ne restait que desarums, ces fleurs bêtes qui ne sententrien. Furieux, il déboucha sur la rivièreet s'enquit péremptoirement des raisonsde cette curieuse absence. Toutes trem­blantes (après tout, c'était le fils du sul­tan), les lavandières répondirent:« C'est une cigogne, Monseigneur! Ellevient ici faire laver son linge, ce quenous acceptions volontiers car il doit yavoir là-dedans quelque magie: unecigogne peut-elle s'habiller? Ou se ser­vir de draps? Et avant de plier son lingepropre pour l'emporter, passé au traversde son bec, elle cueille toutes les fleursqu'elle peut trouver et l'en parfume.Voilà pourquoi il n'y a plus de fleursdans votre jardin! »

Au mot de «magie», le fils du sultanétait tombé dans une profonderéflexion. Il avait, bien sûr, entenduparler des génies. Il savait qu'ils pre­naient parfois les formes les plus extra­vagantes. Il savait aussi que certainsgénies étaient femmes, qu'elles pou­vaient s'éprendre des hommes etqu'elles les rendaient alors immensé­ment riches et heureux. Aussi se décida­t-il très vite.

«Quand cette cigogne reviendra,comportez-vous comme à J'ordinaire.Mais lorsqu'elle s'envolera, suivez-làsans vous montrer. Celui ou celle quipourra me mener à J'endroit qu'ellehabite aura la plus belle des récom­penses ! »

Tout le monde fut donc sur le qui­vive et quand la cigogne fit tomber sonlinge au milieu de celui du sultan, leslavandières le lavèrent aussitôt, tout enla guettant du coin de l'œil.

Lorsque le linge fut scc, la cigogne lerlia et s'envola sans plus attendre. Etvoici ce qui se passa alors: les draps ctles vêtemens du Sultan, abandonnés parles lavandières, descendirent la rivière;dans les jardins, l'eau emplit les séguiasà en déborder; le palais se vida entiè­rement de ses serviteurs - prévenus onne sait comment - qui laissèrent lesmarmites bouillir sur le feu! Touss'étaient précipités à la suite de la cigo­gne, et on se bousculait pour ne pas laperdre de vue et surtout pour arriver lepremier!

Le jardinier en chef connaissait bienles raccourcis des environs: il devançala foule des serviteurs et ce fut lui quiarriva le premier. Il vit la cigogne péné­trer dans une maison, il examinal'endroit avec attention, et il s'en futbien vite au palais en se félicitant de sachance.

Ce soir-là, le fils du sultan eut avecson père une longue conversation. Lesdébuts en furent très animés et les ser­viteurs entendirent même deux ou troisfois la grosse voix du sultan. Mais,quand l'un et l'autre se retirèrent, le filsdu sultan souriait ...

Et on vit, le lendemain, les plus hautsdignitaires du palais accompagner lejeune homme, tous en grand apparat.Lorsque les parents de la cigogne com­prirent le sens de l'étrange demande, ilsessayèrent bien de convaincre le fils dusultan qu'une cigogne ne lui convenaitpas; le fils d'un sultan se devait d'avoircomme épouse une jeune fille ! Nonseulement une jeune fille, mais la plusbelle des jeunes filles! Rien n'y fit. Lejeune homme s'entêtait et il commen­çait même à menacer les deux vieillardsde leur faire couper la tête et d'enleversa belle cigogne. Dès lors, comments'opposer?

On célébra le mariage à grand fracas

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de réjouissances. Personne ne s'étonnade la forme d'oiseau de la jeune mariéecar tant d'histoires merveilleuses circu­laient sur les génies. Personne nes'étonna, mais personne n'osa trop s'enapprocher: sait-on jamais ce qui passepar la tête d'un génie?

Après la fête, quand tous se furentretirés, le jeune homme s'installa faceà la cigogne qui s'était perchée sur ledossier d'un fauteuil, et il attendit. Ilestimait avoir droit à une rapide méta­morphose de sa femme car il avait étéaux petits soins pour elle et se jugeaitdigne de récompense. Il plongeait doncson regard dans les yeux noirs de la cigo­gne et il attendait. Et rien n'arriva. Ilsse regardaient tou§ deux, et le regardnoir de la cigogne était si intense que lefils du sultan finit tout simplement pars'endormir ...

Le lendemain matin, le sourire du filsdu sultan était moins large et, au fil desjours et des semaines, il disparut com­plètement. Autour de lui, au contraire,le sourire s'élargissait et dans le peuple,on se moquait même ouvertement de cestupide jeune homme qui avait épouséune cigogne : « Vous vous imaginez lesenfants qu'ils vont avoir! ça sera repo­sant d'avoir un jour un sultan qui nesaura faire que « clac! clac! ».

Le fils du sultan se sentait très mal­heureux, mais surtout très humilié: il

mit alors à hurler des imprécations et àproférer d'horribles menaces, à fairefrémir le fils du sultan, toujours cachéderrière la tenture! Mais, à peine lesplumes eurent-elles fini de brûler quel'oiseau se transforma en une blanchejeune fille aux joues rouges et auxgrands yeux noirs. La métamorphoses'était enfin accomplie.

Le vieux savant eut la récompensequ'il méritait. Pour faire définitivementtaire les mauvaises langues et rentrer lesourire à l'intérieur des bouches, onrecommença le mariage du fils du sul­tan. Les vieux parents de la cigogne nefurent pas les moins fiers et la mère pré­tendit qu'elle sentait bien au fond d'elle­même que sa fille ne pouvait être unoiseau!

La cigogne n'était pas un génie. Ellene rendit donc pas le fils du sultan plusriche qu'il n'était. Par contre, elle le ren­dit immensément heureux car tous deuxs'aimèrent très fort. Mais il n'est pasbesoin d'être un génie pour cela ...

LEUR PASSION: ECRIRELEUR AMBITION: COMMUNIQUERCURIEUX DU MONDEGENEREUX DE LEUR PLUMEILS ECOUTERONT LES SILENCESET VEHICULERONT LES ELANSLES ATTENDONS POUR CONTINUERKALIMA AVEC NOUS.

ADRESSER C.V. + ARTICLE

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ne pouvait plus longtemps demeurerl'époux d'un oiseau! Ne sachant quefaire, il songea à s'adresser à un savant,si vieux et si expérimenté qu'il avait vuet fait maintes merveilles. Le vieuxsavant rassura le jeune homme.L'affaire, apparemment, était simple:« Si cette cigogne est enchantée, elle nerésistera pas au charme que je lui feraisubir ».

Le soir donc, il s'introduisit en grandsecret dans la chambre du fils du sultan.Il se fit apporter des braséros, beaucoupde braséros, et les alluma tous. Une vivechaleur se répandit bientôt dans la pièceet devint même vite étouffante. Le filsdu sultan avait très chaud. Mais il n'osarien dire.

Lorsqu'ils entendirent le battementd'ailes de la cigogne qui venait dormirperchée sur son fauteuil, le vieux savantpoussa le jeune homme un peu brutale­ment et ils se dissimulèrent tous deuxderrière une tenture. Le fils du sultann'osa pas protester. Il n'osa pas nonplus s'enquérir de quoi que ce soit.

La cigogne pénétra dans la pièce, sepercha sur son fauteuil et mit sa têtesous son aile. Mais bientôt, gênée parla chaleur qui épaississait l'atmosphère,elle sauta à terre et se débarrassa de sonlourd manteau de plumes. Aussitôt, levieux savant s'en empara et le jeta surle braséro le plus proche. La cigogne se

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LETTRE OUVERTE

Pour le dialoguepermanent

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D···································es que j'ai atteint une certaine franchement, ça ne m'a jamais vraiment

(maturité», l'âge où l'on veut explorer «comblée» comme réponse. Parce qu'ilson être, j'ai éprouvé un besoin très fort est impossible que l'on ne commettede mener ma barque comme je l'enten- jamais de faute. Alors si ces adultes quidais. Malheureusement, j'étais sans ont autorité sur moi peuvent se trom-droits. Ce sont les ((grands», et les hom- per, ça veut dire que je peux, au moinsmes, qui ont des droits, le pouvoir une fois, avoir raison. Mais commentabsolu. Dans mon cas, ce pouvoir est celui qui dét(ent le pouvoir peut-il com-incarné par mon frère aÎné. 11 contrôle prendre ça 7 Car ce qui l'intéresse entous mes actes, du plus anodin au plus premier lieu c'est de faire obéir les«sérieux». C'est lui qui décide à ma autres par la force.place, en mon nom. Je dois obéir, bais-ser la tête et dire «ouiJ>. Mon problème A J'école, l'institutrice était un cau-

chemar pour moi. Car elle aussi repré­c'est que je suis rarement, pour ne passentait le pouvoir dans son horreur. J'en

dire jamais, d'accord avec ce que veut . rêvais la nuit; mon enfance, je l'ai doncpour moi mon frère. J'agis toujours à

vécue prise en tenailles entre ces deuxcontre-sens de ce qu'on me présentecomme un commandement absolu ou pouvoirs.indiscutable. Evidemment, cette atti- L'individu est né libre, pourquoitude me vaut régulièrement le bâton. Ce l'entraver constamment 7 Pourquoi nosbâton avec lequel on a toujours éduqué parents ne nous laissent-ils pas discu-J'enfant dans notre société et réprimé ter librement leurs jugements, surtoutl'individu voulant se réaliser. Tout cela si ceux-ci sont faux. Pourquoim'a poussée à me poser la question que n'admettent-ils pas qu'on conteste leursvoici: «Pour quelle raison, le pouvoir décisions? J'aimerais voir se créer uneest-il entre les mains des «grands» 7» société fondée sur le dialogue perma-D'habitude, j'V réponds tant bien que nent entre les individus, pour qu'il nemal en essayant de me persuader que reste aucun voile entre le père et sesle «grand» est mûr, plein de sagesse, enfants.conscient d'un tas de choses, etc. Mais, Une élève de 6° A.S. . 17 ans

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D'où qu'elles viennent, ces voix s'exprimeront ici, rebelles àtoutes frontières. Elles nous diront leur racines et les nôtres.

LE COEUR DE L'AMOURQASSIM HADDAD

Il est né en 1948 à Bahreïn. Il est l'un des principaux animateurs de la revue KALIMAT (unecoïncidence étrange !) qui paraît à AI Manama.

Parmi ses œuvres poétiques: "Le deuxième sang," 1975, "Appartenances", 1981, "Eclats", 1983.Les poèmes que nous publions ci-dessous sont tirés du recueil "Le cœur de l'amour", 1980.

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Réception pour J'océanIl nous a surprisavec ses poissons et ses alguesses fonds et ses vaguestant et tant de selLe dîner était prêtQuelqu'un d'entre vous a-t-il essayé d'inviterl'océan à dîner?Je devais le faireCar mon aimée était sous les eaux de l'océanà m'en rendre jalouxEt dans le bouillonnement de la colèreelle m'a promis de quitter l'océansi j'invitais celui-ci à dînerne serait-ce qu'une seule foisL'océan est venu dans tout son apparatLa maison se transforma en rivagesJ'avalais ma jalousieverre par verrependant que l'océan apprenait la nage à mon aiméeet qu'elle feignait chaque fois de se noyerPuis, avant que l'enfer n'explose dans ma têtequelqu'un est venu frapper à la porte:l'océan devait partircar les bateaux ne pouvaient plus appareillerj'ai soufflé en raccompagnant l'océan à la porteIl a dit:votre dîner était bon et séduisantet il est partiEt quand je suis revenu à mon aiméepour lui demander d'honorer sa pr01T~sse

j'ai trouvé qu'elle avait pris le largele haut large

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L'ici et le là-basL'aimé est icil'aimée est là-basIls ne se sont pas fâchéset la colère ne les a pas séparésSimplementla maison~de J'aimée surplombe la meret la cellule de l'aimé se trouve en plein désertLe soleil qui les réchauffe est le mêmeet la nuit qui flagelle leurs nuits est la mêmeLe lit de J'aimée est un bloc de glacedans la banquise de l'hiverLa couche de l'aimé une braisedans l'âtre de J'étéElle est icitorturée par d'incalculables attentesLui là-basen proie à une foule de soucisIls ne se plaignent pasIls ne se lassent pasils ne baissent pas les brasils poursuivent simplement leur amourElle icilui là-bas--------

Les villes enlèvent leur habit de deuilDéverse-toi, déverse-toi ainsicomme le vin qui écrit l'histoireAinsi, comme les forêts de café grouillant de désirainsi, comme les cascades imitant la nostalgieDéverse-toi dans le rirela musique est affamée de toiLes arbres et les fauvesaccourront vers toiainsi que le fleuve et les caravanesContinue à rire, ainsi, ainsiencore et encoreLa ville enlèvera son habit de deuilsi tu risDéverse-toi encore pluset toutes les villesse relèveront de la tristesse

(Poèmes traduits de l'arabe par A. Laâbi)

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Vivre.

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Attention,le Ramadan

est bientôt 1à !

2. Les pieds à l'angledu mur, bien collés,les jambes fléchies,les pouces à la basedu crâne, les omo­plates crochetées,inspirez à fond.

Contractez lesabdominaux puisfléchissez le troncvers l'avant en écra­sant les genoux ausol (sans déplacerles fesses). Expirez àfond. Recom­mencez.

1. Epaules basses,omoplates croche- /Q.tée~, nuque étirée, 1 ~~;::---­mams au ras des ~---~- ,fesses, inspirez, ser- /' Jirez les abdominaux ('

. 1 hau maxImum, evez "les jambes à la ver­ticale et redressez latête très légèrement.Expirez en tenant lacontraction aumaximum. Recom­mencez.

Un bol, deux bols, troisbols de harira... et bon­jour les dégâts. Après unejournée de jeûne, il estbien difficile de résisteraux tentations multiplesd'une table bien garnie.La graisse, perfide, neguette alors que ce relâ­chement pour se logersubrepticement dans lescoins et recoins d'uncorps aux défenses abais­sées. La bedaine pointedu nez et c'est parfoisplus d'un cran de la cein­ture qu'il faut fairesauter.

Cette fois-ci, c'est àvous, messieurs, que nousavons pensé en particu­lier. Voici une bonne séried'abdominaux pour con­server à vos muscles touteleur tenue. Donnez doncl'exemple à vos compa­gnes. Ces exercices leurferont autant de bienqu'à vous.

Au début, faites dixfois chaque mouvement,au moins une fois parjour, puis vingt fois etainsi de suite. Augmentezle nombre d'exercicesprogressivement.

Consacrez 10 à 15 mnpar jour à votre séanced'abdominaux.

Effectuez-la de préfé­rence le matin face à unefenêtre ouverte.

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3. En équilibre sur lesfessiers, doigts à lanuque, omoplatescrochetées, inspirez,contractez les abdo­minaux, amenez letorse droit et lecoude bien ouvertvers le genouopposé. Expirez àfond. Revenez à laposition initiale.Inspirez, contrac­tez. Refaites lemême mouvementdans l'autre sens.Expirez. Recom­mencez.

4. Les pieds soutenusbien au sol (vouspouvez demander àun ami ou une amiede vous aider), lebout des doigts à lanuque, les coudestrès ouverts (et ilsdoivent le rester),inspirez, contractez,fléchissez le torsevers l'avant enpoussant un coudevers le genouopposé. Expirationsur l'effort. Chan­gez de côté. Recom­mencez.

5. Couché, jambespliées, mains auxgenoux (c'est le trucpour réussir) enrou­lez votre corps versl'avant et relevez­vous avec souplesse.Recommencez.

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Avec Alata, un nom arabe apénétré le champ clos de lahaute-couture occidentale.Ce petit tailleur tnnisien nese contente cependant pasd'être parmi les grands, il lesbouscule et se hisse aux pre­mières loges : oscar du meil­leur créateur de l'année,oscar de la Fédération de lacouture, sa consécration en1985 est totale. Fatem-ZahraEl Bouab, notre collabora­trice, voulait absolument lerencontrer. Elle l'a ren­contré.

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Je m'étais promis de le rencon­Uer. J'ai essayé. Et j'ai réussi.II me fallait en premier lieutrouver son numéro de télé­phone. Grâce à une amie quitravaille dans une revue de

mode, je parvins à l'obtenir. C'est doncavec ardeur que j'ai composé ces huitchiffres.

Trois jours. Trois jours de suitedurant lesquels j'eus droit à : « l\ n'estpas encore venu ». « Il n'est toujourspas venu ». « Il est parti déjeuner ». Iln'est pas encore revenu », « l\ sera làvers 13 heures.

Puis c'est « ne coupez pas ». Unevoix d'homme me donne des battementsau cœur. « M. Alaïa? « Non. M.Alaïa, n'est toujours pas rentré. C'està quel sujet» ? Dans ma volonté deconvaincre, je m'empêtre dans lesdétails. « Magazine féminin marocain,rubrique mode, venue exprès à Parispour le voir, etc.. , »

Petite lueur d'espoir. Mon interlocu­teur me promet de transmettre monmessage. Bilan de cette journée: septcoups de fil. La cinquième aube se lève

et me voilà à nouveau accrochée à monposte de téléphone. Attente. Espoir.Déclic. Désillusions.

Le samedi à cinq heures, un« ne cou­pez pas» me laisse à nouveau ensuspens. Pendant dix bonnes minutes,l'oreille collée à l'écouteur, je rêve aunpetit monsieur tout de noir vêtu. Un« allo »grave me ramène sur terre pourme renvoyer direct voguer dans lescieux. C'est lui! «M.Alaïa?»« Oui ».

Tout mon speech y passe avecune bonne grosse dosed'émotion. Ça marche, me'dis-je, ça ne peut que mar­cher. Erreur. «Nonmadame, je ne veux plus

accorder un seul entretien aux journauxarabes ».

Trémolos dans la voix. « Je voudraisvous voir, juste vous voir ». C'est durla vie d'artiste, M. Alaïa. « Okay », medit-il vaincu par mon insistance. « Rap­pelez lundi matin pour qu'on vous fixeun rendez-vous »,

Rndeurs, formes etsensualité

Rue du Parc royal, n° 17. Le Marais.Paris plein cœur. Au jour et à ('heuredits me voilà devant l'imrpeuble. Misesoignée bien sûr au millimètre près. Dela jupe aux chaussures plates, tout estrouge et tout est noir. Question de faireimpression.

Sur la lourde porte en bois laqué, uneplaque, un nom: ALAïA. Interphone.Je m'annonce,La porte s'ouvre sur unespace gris perle au carrelage noir. Unedes vendeuses, le corps moulé jersey,griffe Alaïa, m'accueille et me demandede patienter.

Calée sur ma chaise, j'en profite pourexaminer les elientes qui évoluent dansla boutique. Elles font partie de cettecatégorie de femmes du genre B.C.B.G.qui, bien que d'un certain âge, aspirentà « rester dans le coup ». Or dans duAlaïa, ce n'est pas vraiment très évident.Sa ligne fuselée qui colle à la peau envalorisant la poitrine, serrant la taille etmoulant les fesses ne va pas réellementà tout le monde. Mais elle est indiscu­tablement très belle. Cette coupesuperbe introduit enfin du relief dans lecorps féminin. Après toutes cesampleurs, toutes ces longueurs, toutesces superpositions et assymétries, ilretrouve sensualité. forme et rondeurs.

Plongée dans mes observations, je nel'avais pas vu arriver. Soudain, il est là,en face de moi, lui, Alaïa. En tenuènoire « mao », espadrilles chinoises,comme sur les photos,avec le yorkshireen moins. Accrochant mon plus beausourire sur mes lèvres je me présente etlui demande: « Je peux vous voir?Enfin auriez-vous quelques minutes àm'accorder ». «Oui,. me répond-il,mais seulement quelques minutes. Jesuis très occupé.» «Venez».

Je lui emboite le pas. Des escaliersnous mènent dans une grande pièce oùs'entassent, à gauche des cartons et àdroite, des portants de vêtements. Dotéed'un éclairage intérieur, une table enverre dépoli trône au centre. A ses coins,des ijlmpes style art déco. De l'ensem­ble se dégage une ambiance ivoire.

Nous nous asseyons. Silence. Je nesais pas trop quoi dire ni commentdémarrer la conversation. Et puis c'est.parti.

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difficilesc'est une chance

D'abord la question stupide.« Vous êtes vraiment Tunisien» ?

( Oui» (sourire franc et quelque peuamusé).

Puis la question classique.

«Quelle a été votre formationinitiale ? »

- J'ai fait les Beaux Arts en Tuni­sie où un de mes professeurs a décou­vert mon don pour la couture et lacréation de mode. J'ai commencé à fairedes surfilages pour des couturières, puisdes retouches. Mes premières clientessont arrivées. Et tout a commencé.

- Vous aviez trouvé votre vocation;dès lors}plus rien ne vous a arrêté.

- Oui, je suis venu à Paris. Il fautdire que j'ai toujours été aidé, protégé.J'ai eu beaucoup de chance. MadameZerfuss _une Tunisienne mariée à unFrançais - a beaucoup fait pour moià mes débuts. l'habitais dans des cham­bres de bonnes. C'est très importantd'habiter dans une chambre de bonnesau début. .. C'est une chance de plus quej'ai eu ...

- C'est une chance à vos yeux d'avoirdes débuts difficiles?

- Bien sûr. Ça permet de progresserplus vite. D'en vouloir plus. J'ai com­mencé à faire du sur. mesure pour desclientes. Et petit à petit ma clientèle s'estagrandie. Des clientes venaient de tousles pays. J'étais installé Rue de BelleChasse. Mes ateliers se trouvaient dansmon appartement.

En 1980, j'ai décidé de me tournerdavantage vers le prêt-à-porter. J'ai pré­paré une petite collection avec peud'articles. La presse est venue, s'y estintéressée. Tout leur a beaucoup plu.J'étais lancé. J'ai ensuite organisé plu­sieurs petits défilés. Et tout récemmentun grand au Palladium de New York.

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Il a été réalisé par Jean Paul Goude,celui qui a « fait» « Graces Jones ».Il a monté un opéra oriental avec deschanteurs Palestiniens, la voix de DuniaYussin et un poème d'Oum Kelsoum ditpar Farida. Farida est Algérienne. Elleest mannequin. Une femme magnifique.

- lious avez donc voulu donner un"cachet local" à ce défilé. La beautéarabe vous touche-t-elJe plus que lesautres?

- Je suis sensible à la beauté engénéral, qu'elle soit française, arabe ouautre. Je n'ai pas la fibre particulière­ment nationaliste. En fait je suisécœuré. Ecœuré par l'attitude des paysarabes et de la Tunisie à mon égard. Jene comprends pas. Je ne sais pas ce queje leur ai fait.

Un jour, un magazine arabe est venum'interviewer. J'avais alors bien préciséà ses journalistes que si c'était pourraconter des banalités sur mon compte,ça ne m'intéressait pas. Ils ont publiétrois lignes où ils affirmaient que mesvêtements étaient trop décolletés. Unecritique totalement absurde. Nous som­mes à une époque où la femme doit sesentir bien. Bien dans son corps. Lafemme arabe a toujours été libre. Ma

grand-mère dans sa maison était unefemme libre. En fait, la femme ne sevoilait que pour faire sa prière. Et main­tenant on veut la revoiler complètementsous prétexte de religion.

Je suis musulman, sans être religieux.Mais je ne veux pas jouer la comédie ...On peut en parler de la mode au Pro­che Orient! Fioritures et falbalas, cou­leurs criardes et dorures! ... Si c'est çala mode pour eux, alors ils peuvent nepas apprécier ce que je fais. Maintenant,ils reviennent me voir parce que j'ai eudeux oscars. Comme si c'était ça, le plusimportant. C'est trop facile!

temps n'a pas

d'importance quand onaime ce qu'on fait.

- Si vous étiez resté en' Tunisie,pensez-vous que vous seriez devenu ceque vous êtes aujourd'hui?

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- Si vous aviez un conseil à donneraux jeunes qui voudraient faire cemétier, que leur diriez-vous?

De faire ce qu'ils ont envie de fairemais avec beaucoup de rigueur. Ne paspenser à la réussite. Travailler, acqué­rir le maximum d'expériences et appren­dre à en tirer profit.

rait pas outre mesure parce que je voueune "éritable passion à mon métier. Jem'y adonne entièrement. Quand je tra­vaille, que ce soit le jour ou la nuit, jene sens pas le temps passer.

- Vous faites donc partie de cettecatégorie de gens pour qui le tempss'arrête lorsqu'ils travaillent?

Oui, au fond, le temps n'a pasd'importance quand on aime ce qu'onfait. Aujourd'hui je suis amusé par lechangement d'attitude de certaines per­sonnes à mon égard. Beaucoup viennentici maintenant par snobisme, parce quej'ai eu deux oscars.

OUI

- Travaillez·vous pour d'autresmarques ou bien uniquement pourvous?

Deux collections. Chacune d'entreelles comprend 180 à 200 pièces. Je faisfabriquer le cuir chez Sonia Bay à Pariset tout ce qui est chaîne et trame chezChamet.

- Combien faites-vous de coll!c­tions par an ?

Je ne veux pas me perdre dans ce typede considération. C'est la valeur del'individu qui compte. La nationalitén'intervient pas dans le travail. Pourréussir, il faut travailler, beaucoup tra­vailler.

- Privilégiez-vous les tunisiens oules arabes qui voudraient travailler avecvous?

- Je me souviens d'un styliste maro­cain installé ici, à Paris, dont l'attitudeà l'époque m'avait sidérée. Je l'avaiseontacté au cours de mes études destylisme pour lui demander de me rece­voir en stage dans son atelier. Comme('ondition préliminaire, il voulaitm'imposer de changer de nom (commelui-même l'avait changé) pour ne pasparaÎtre «araIJe". De plus, je ne devaisjamais, au grand jamais, mentionnerqu'il était marocain. II disait que si eilr­tains de ses clients l'apprenaient, ils nevoudraient plus travailler avec lui. Pourvotre part avez-vous aussi ce type deproblème?

Hochement négatif de la tête.li faut venir à Paris. C'est à Paris que

tout se passe. C'est à Paris qu'on estconsacré.

- Non jamais. Je ne renie pas mesorigines. La naissance, à mes yeux, estun accident. On peut naître n'importeoù. Je me sens bien dans le pays où jesuis mais je me reconnais toujourscomme tunisien.

- Vous êtes le premier nom arabe àavoir percé dans le domaine de la mode.Vous occupez-vous de tout dans votretravail ?

Je ne fais que du Alaïa. Je ne fais quece que j'aime indépendamment du restede la mode ou des tendances. Même siça ne marchait pas, ça ne me dérange-

F.Z. EL BOUAB

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Chaussez vous de multicouleurs !La peinture ne se réduit pas aux toiles des «vrais» artistes..On peut en faire

un usage modeste sans viser au chef d'œuvre ou à l'expression profonde de soi.Simplement, pour égayer le quotidien, saluer au passage les belles couleurs dupays. Bricoler, un arc en ciel dans la tête, quoi de mieux pour embellir le moral?Quand on a de l'imagination, on peut s'habiller de printemps, même si côtémoney il fait plutôt froid. Alors, à vos pinceaux! Chaussez vous de multi­OOUleurs !

Pour réaliser cesmodèles:

* Fournitures :

- 1 paire de chaussons de sport entoile blanche (environ 40 DH).

- 1 paire de tennis blanches d'assezbonne qualité (70 dirhams)

- Peinture pour tissus Setacolor dePebeo.

* Coloris employésPour les chaussons13/bouton d'or Gaune)2110range vif27/vert lumière16/tuFquoise (mélangé avec du blanc)20/blanc19/1aque noire

Pour les tennis24/rouge cardinalIl/bleu cobalt (mélangé avec un peu de blanc)13/bouton d'or19/1aque noire20/blanc

Les couleurs peuvent aussi, selonvotre fantaisie, être modifiées, mélan­gées. Pour ce, faire d'abord un essai surun morceau de tissu blanc afin d'être sûrdu résultat.

Les motifs noirs peuvent aussi êtreexécutés au feutre : feutre pour tissuSetaskrib.

* Pinceaux employés :Petit gris ou pébéo na 12 - na 8Pinceau plat pébéo extra na 10

Mode d'emploi: Chaussons

Décalquer le motif et le reproduire aucrayon sur le chausson droit, ensuiteinverser le sens et reproduire sur lechausson gauche.

Le triangle vert central doit avoir lapointe (ou sommet du triangle) versl'extérieur de la chaussure.

Verser ensuite une petite dose de seta­color dans une palette ou un petit réci­pient. Si la peinture est trop épaisse, lafluidifier avec un peu d'eau. Ne pasmettre trop d'eau car la couleur risquede se diffuser. Peigner ensuite les motifsau pinceau comme vous le feriez avecde la gouache, sans trop charger lepinceau.

Mode d'emploi : Tennis

Sur ce modèle, le côté droit est légè­rement différent du côté gauche. n fau­dra inverser sur la chaussure opposée :le côté droit de la chaussure gauchedeviendra donc le côté gauche de lachaussure droite et vice versa.

Pour les moins sûrs"faire au préala­ble un essai sur un morceau de toileblanche, afin de s'exercer à doser lapeinture (procéder comme pour leséhaussons).

Une fois le motif entièrement ter-

,~.I ~ ~.1miné, laisser sécher, puis thermofixer aufer, à repasser. Pour le chausson, l'enfi­ler sur une petite planche à repasserGeannette) en insistant bien, pendant 1à 2 minutes.

Retirer les lacets et ouvrir bien lachaussure pour repasser recto et verso.

n est aussi possible de fixer au fourde la cuisinière pendant 10 minutes à1000 C ou 5 Minutes à 1400 C (fouréteint).

Mais dans ce cas précis je ne répondspas complètement de la résistance duplastique des semelles.

Si le motif de la paire de chaussonsa été conçu plus particulièrement pourles femmes, celui des tennis peut satis­faire indifféremment les hommes et lesfemmes.

Pour ceux qui les trouveraient un peu«voyantes», il suffit de changer les cou­leurs et remplacer, par exemple, le jaunepar du vert émeraude (26), le turquoisepar du terre sienne (25) et le rouge car­dinal par du rouge d'orient (23). Ouencore de les faire simplement bicolo­res : noire et rouge ou bleu cobalt etnoir.

Et maintenant, à vos pinceaux !F.Z. EL BOUAB

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PANIERA

IDEES

Pomme de terre : gloire àla reine des humbles

Posséder à la fois l'amour desjeunes (des moins jeunes aussi,avouons-le) et l'estime des ména.gères n'est pas à la portée detous les légumes.

La modeste petite pomme deterre longtemps méprisée par lesorgueilleux a bien su s'y prendre.Normal. Au-delà des frites, ques­tion dépannage, elle est rude­ment sympa. On peut comptersur elle. Deux cents recettesrépertoriées dans un ouvragerécemment paru aux EditionsRobert Laffont, {( Merci M. Par­mentier », de M. JoUy en témoi­gnent. Nous y avons puisé pourvous quelques {( trucs» bons àconnaître.

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CUISINESi votre mayonnaise tourne,

délayez à part une cuillerée de féculede pomme de terre (toujour~ dans del'eau froide pour ne pas aVOIr de gru­meaux), puis ilicorporez-Ia à votremayonnaise ratée. Vous n'aurez pasainsi à la recommencer.

Si vous désirez que vos beignetset vos gâteaux soient plus légers,remplacez la moitié de la farine parde la fécule. Votre estomac ne s enportera que mieux.

Pour que votre crème anglaise soitplus onctueuse et votre potage plusvelouté, rajoutez-leur deux bonnescuillerées à café de fécule.

Pour que vos pâtisseries ne collentpas à la plaque du four, saup~>udrez­

la, après l'avoir graissée, de fecule depomme de terre. Celle-ci remplaceefficacement la farine.

Si vos casseroles sont entartrées,faites-y bouillir des épluchures depommes de terre. Le calcaire dispa­raîtra.

CheminéePour ramoner une cheminée

(quand on en possède une !) fairesécher les épluchures de pommes deterre et les jeter dans le feu.

Engelures, gerçuresPréparez un cataplasme de pom­

mes de terre crues râpées mélangéesavec de l'huile d'olive.

Tableau crasseuxS'il est peint à l'huile, frottez dou­

cement la toile avec une patate éplu­chée et coupée en deux. Enlevezensuite les traces d'amidon avec unchiffon.

Verres en cristalPour les faire briller, nettoyez-les

avec une pomme de terre coupée endeux. Ils retrouveront leur plus beléclat.

Yeux fatiguésImbibez deux compresses de jus

de patates et appliquez-les sur vosyeux. Vous pouvez aussi recourirdirectement à deux moitiés depatates.

Quant à elles...Pour que vos pommes de terre ne

noircissent plus en cuisant, ajoutezune cuillère à soupe de vinaigre à leureau de cuisson. Vous aurez une blan­cheur assurée.

Pour qu'elles cuisent plus vite,n'hésitez pas à les percer dans lesens de la longueur à l'aide d'uneaiguille à tricoter.

Si vous en avez fait provision pourl'hiver, prenez la précaution de lessaupoudrer de charbon de bois pilé :elles ne germeront pas.

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«DADAS»Histoires de vie

Une à une, les dernières d'entre elles s'éteignent doucement.Dada el Yacouth, Mbarka, Messouda se muent peu à peu en sou­venir. Le souvenir d'ombres noires rassurantes. Avec elles dispa­raissent les ultimes témoins d'une abomination que notre société,à l'image de tant d'autres, n'a pas eu la sagesse de s'épargner:l'esclavage.

Les «Dada» sont des familières de la nuit. Toute leur vie s'estdéroulée sous son signe. Mais aujourd'hui, c'est dans une nuit éter­nelle qu'elles s'enfoncent. Donner à l'esclavàge un visage, unematérialité de chair et de sang en rend l'horreur plus palpable.Nous avons été à la recherche de ces femmes pour qu'elles nousracontent. .. Mais nous sommes souvent arrivés trop tard : la mortou la vieillesse les avaient déjà emmurées dans le silence. Nousavons alors interrogé leurs proches, ceux qui avaient grandi àl'écoute de leurs récits. Si les livres restent muets sur ce passé encorechaud, les mémoires par contre en Sont remplies. Il suffit d'y pui­ser. Ce que nous avons fait.

Hinde TAARJI

De la Guinéeau Maroc

Sur la question de l'esclavage, la loimusulmane est très claire : il est inter­dit d'y réduire un musulman. Seuls lesincroyants faits prisonniers dans lecadre de la guerre sainte, pouvaientconnaitre ce sort. Le principe même del'esclavage serait en quelque sorte légi­timé par le devoir de tout musulman departiciper à la propagation de l'Islam.

Un esclave qui se convertissait àl'Islam au cours de sa captivité n'en étaitpas pour autant affranchi. Aussi, entrel'esclavage légitime et l'esclavage illégi­time, la distinction demeurait très diffi­cile à établir. " suffisait aux traficants dequalifier de «jihad» les raids qu'ils effec·tuaient pour pratiquer leur commerce augrand jour et dans la plus parfaite léga­lité. Leurs victimes étaient généralementtrès jeunes et de sexe féminin: Trans­bahutées de leur environnement natu­rel vers des pays étrdngers dont ellesignoraient tout, elles n'étaient guère enmesure d'opposer la moindrerésistance.

Pour le trafic d'esclaves, le Marocconstituait le point d'aboutissementd'une ligne qui démarrait en Afriqueoccidentale et traversait une grande par­tie du Sahara. Les nomades par consé­quent jouaient un grand rôle dans cecommerce. C'était eux qui kidnappaientles enfants et les ramenaient de payscomme la Guinée ou le Congo.«Gnawa» vient d'ailleurs de «Guinée».Les danseurs noirs de la place JammaEl Fna descendraient de ces esclaves là.

Mais les marchands de chair fraichene boudaient pas, loin delà, l'approvi­sionnement local. Les rapts d'enfantsétaient chose fréquente sur l'ensembledu territoire et particulièrement dans larégion du Souss. Durant les périodes degrande misère, on a vu des parents con­traints de vendre un de leurs enfantspour donner quelque chose à mangeraux autres.

•••

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Beaucoup de personnes associantl'esclavage à la couleur de la peau, lespetits noirs étaient plus prisés que lespetits blancs. Ceux-là n'en étaient paspour autant à l'abri des enlèvements.D'après certains témoignages, on lesbadigeonnait parfois d'un produit foncépour les faire passer pour des noirs aumoment de la vente.

Les esclaves de «premier choix» res­taient toutefois ceux qui portaient desscarifications sur la figure. Ces signes,propres à une tribu d'Afrique noire,étaient la preuve que l'esclave venait detrès loin. Que ce n'était donc pas unenfant du pays, donc musulman, quiavait été volé. Une manière comme uneautre pour l'acquéreur d'éviter les pro­blèmes de conscience.-Tant qu'il s'agis­sait de personnes venues de contréeslointaines, on pouvait toujours les clas­ser dans la catégorie des idolâtres.

Pour écouler cette «marchandise»humaine, les marchands avaient deuxpossibilités: soit la vente directe à l'inté­ressé, soit l'alternative du marché. Lesdeux plus célèbres se trouvaient à Mar­rakech, Souk el Ghzal et à Fès, Daredlala. La vente aux enchères permet­tait de faire monter le prix du pauvremalheureux qui en faisait l'objet. Traitécomme du bétail, il subissait un examenféroce. Yeux, dents, oreilles, tout étaitsoumis à inspection. Pour les femmes,une «errifa» avait pour charge de véri­fier si elles n'étaient pas atteintes desyphylis. Dar edlala et Souk el ghzal ontcessé d'exister dans les années 20 - 30.La vente des esclaves a continué sur lemode direct pendant quelque tempsencore avant de s'éteindre complé­tement.

Esclaves blancheset esclaves noires

Les maîtresses de maison craignaientles esclaves dont la peau était blanche.Elle les considéraient comme des per­sonnes dangereuses car leur mari ris­quait de succomber à leur charme.Mais, en vérité, les hommes étaientbeaucoup plus attirés par les noires quepar les blanches.

La femme n'a jamais le sentiment queson mari va la tromper avec une noire.Elle est mise devant le fait accompli unefois que celle-ci tombe enceinte. Ellen'avait à ce moment.là plus rien à dire.De toutes les manières, elle ne pouvait

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jamais rien dire.. Sinon elle se faisaitc.... la gu....

Quand l'esclave tombait enceinte,l'homme l'épousait parfois. Son statutchangeait mais il restait toujours infé­rieur à celui de l'épouse blanche.

Une des raisons aussi pour laquelleles femmes n'appréciaient guère lesesclaves blanches venait du fait quecelles-ci acceptaient beaucoup plus dif­ficilement de leur obéir. Je ne sais paspourquoi mais les noires étaient, enrègle générale, plus dociles.

KHADIJA - 60 ans

Les «Aouwaydates»Chez les caïds de l'époque qui

menaient un grand train de vie, lesesclaves qui avaient gagné les faveursdu maître accédaient à un s~atut parti­culier. Elles devenaient des «Aou­waydates».

Les «Aouwaydates» étaient des con­cubines (jariyates) à qui un enseigne­ment du luth était dispensé. Commeelles étaient nombreuses, elles for­maient un orchestre. Leur tâche consis­tait à égayer les repas du maître. Ellesétaient également présentes lors desréceptions qu'il donnait et elles en assu­maient l'animation. Alors que les fem­mes «légitimes» étaient soustraites auregard des étrangers, celles-ci, parcequ'elles étaient des esclaves, y étaientplus facilement exposées. Richementvêtues et parées de bijoux (il fallait fairehonneur au maître à côté des autres),elles demeuraient cependant dans unepetite salle à part d'où elles jouaier:ltleurs morceaux de musique.

FATEMA, 55 ans

Les marchandscl'épices

Pour montrer qu'ils avaient del'argent, les gens riches de l'époquedevaient posséder beaucoup d'escla­ves. Aussi chargeaient-ils des intermé­diaires de leur en ramener. Cestransactions se déroulaient de la mêmemanière qu'une vente de moutons, devaches, de bétail quoi !

Les intermédiaires étaient générale­ment des marchands d'épices qui voya­geaient à travers le pays pour ramasserdes plantes et vendre des épices.Quand,en chemin, ils rencontraient despetits enfants, ils essayaient de les enle­ver. Arrivé dans un village, le marchandcircule entre les maisons en criant : voilàdu poivre, voilà du cumin etc. Parallè­lement à celà, il observe les enfants quil'entourent. Il vise les plus jeunes ets'arrange pour les entrainer à l'abri desregards par mille et une astuces. Unefois seul avec eux, il les plonge dans degrands sacs en toile de jute qu'il jettesur sa mule et s'enfuit. Ces sacs, appe­lés «taliss», étaient cousus de tellemanière que les petits prisonniers pou­vaient tout juste respirer.

Les familles, face à cette situation,étaient complètement démunies. Il n'yavait ni voiture, ni téléphone, aucunedes facilités de communicationd'aujourd'hui. Quand un enfant dispa­raissait, il y avait très peu de chancesde le retrouver.

Les parents se mettaient à sa recher­che pendant quelques jours, puis serésignaient en comprenant qu'il avaitété soit enlevé, soit dévoré par desbêtes sauvages.

Les villages se trouvant parfois auxabords de forêts, il fallait aussi tenircompte de cette éventualité.

Les enfants blancs étaient enlevés aumême titre que les enfants noirs. Maison ne les qualifiait pas de ibid : on lesappelait «oulad el kbail».

MOHAMED, 65 ans

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Aux enfants, le même sort qu'aux parents: nés d'esclaves,ils' seront esclaves et leur vie n'appartiendra qu'à leurs maîtres

Fille d'esclaves

Des «rahallas» avaient enlevé monpère de son village d'origine qui se trou­vait en Afrique Noire et l'avaient ramenéavec eux au Maroc. Arrivés à KsarSouk, ils firent savoir à la ronde qu'ilsétaient en possession d'un petit «ibid».Son futur maître eut écho de l'informa­tion. Il l'acheta. Aux dires des gens,mon père devait être âgé de 10 ans. Ilgrandit donc sous ce nouveau statut.Un jour, lors d'un mariage, il entenditun you-you de femme. Subjugué, ildécida sur le champ d'épouser celle quil'avait lancé. C'était ma mère.

Contrairement à lui, elle était unefemme libre, une bent el kbila. Elleaccepta cependant de l'épouser, mais

à une seule condition: de ne pas allervivre sous le toit de ses maîtres. li larejoignait donc le soir à son domicile,ramenant avec lui, à défaut d'argentpuisqu'il n'était pas payé, de la nourri­ture et des vêtements. Ma mère, poursa part, filait la laine et tissait des habits.Un jour, mon père se disputa avec sesmaîtres. Il décida de les quitter et departir de la ville. Ma mère refusa de lesuivre. Je venais de naître. Elle restaseule à assumer ma charge.

Au bout d'une dizaine d'années, lesanciens maîtres de mon père se rappe­lèrent de mon existence. Ils cherchèrentalors â me récupérer vu que j'étais la filled'un de leur esclave.

Il vinrent chez ma mère et lui dirent:

«donne-nous ta fille. Elleest à nous. Nous l'élève­rons avec les autres«ibids» et quand elle auragrandi, nous la marieronsà l'un d'entre eux».

Ma mère refusa tout net. Puisqu'ilsne s'étaient pas préoccupés de moi pen­dant toutes ces années, ils avaientperdu à ses yeux tous leurs droits surma personne.

Le Cheikh de la ville fut contacté. Ilintervint auprès d'elle en lui demandantd'accepter un arrangement à l'amiable.Comme c'était un chérif et que sonautorité morale était grande, elle se sou­mit à sa volonté.

Un matin, sans rien me dire du butde sa visite, elle m'emmena chez eux.Je n'en compris le sens qu'une fois arri­vée là-bas. Je me mis alors à pleurer enme serrant contre elle. Ils essayèrent deme çalmer en me disant: «écoute ma·fille, nous ne te voulons aucun mal.Comme ton père, ta place est parminous. Tu verras, tu seras bien ici.» Enentendant ces paroles, je me suisredressée en criant: «rien, je ne veuxrien savoir de toutes vos histoires, Je neconnais personne, ni père, ni maître, nicheikh. Je ne connais que ma mère.»

Et je me suis enfuie.ZOHRA, 55 ans

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Un voyage au goût delarmes

rugueuse et sombre. Concentrées surles brindilles qu'elles s'évertuaient àenflammer, les fillettes n'avaient rien vuvenir. Quand elles sentirent une masses'abattre sur elles et les envelopper, ilétait trop tard. Trop tard pourfuir. Troptard pour se débattre. Des mainss'étaient emparées d'elles. Le temps deréaliser ce qui leur arrivait, elles gisaientau fond d'un grand sac en toile. Jetéescomme de vulgaires paquets. Enl'espace de quelques minutes, ellesavaient cessé d'être des personnes pourdevenir des choses. Des marchandisesde chair et de sang dont la jouissancesera désormais fonction de monnaiestrébuchantes.

Du voyage qui suivit, Sadr ne se rap­pela que /e goût des larmes qu'elle ver­sait. Ses yeux, racontait-elle,semblaient ne plus jamais vouloir setarir. Un matin, le ballotement sans finqui rythmait son désespoir s'arrêta. Ausilence des profondeurs désertiquessuccédèrent les trépignements d'unefoule glapissante. Elle se retrouva livréeà une marée humaine dont le flot deparoles folles acheva de la rejeter sur lesrives de l'aberrance. Aux sons étrangersqui résonnaient à ses oreilles s'asso­ciaient des gestes brutaux et frénéti­ques. Palpée, tripotée, exhibée, ellen'était plus qu'une masse animée desouffle. Hébétée, elle se laissa faire

d'1~ ~jusqu'au moment où on chercha à laséparer de sa sœur. Comprenant que saal eu'rC' dernière a~ac~e allait aussi lui être enle­

1 Ù vée, elle reaglt de concert avec l'autrepetite.

étendu sur,les pierres brûlantes qui bor- Leur vacarme fut tel quedaient la rivière, elle remonta vers la l'acquéreur de Badr put enhu~e pour préparer le r~pas de midi. Elle échange d'un lég r ' l'-revint cependant rapidement sur ses • e sup~ epas, le riz nécessitant d'être passé à ment, ramener a son maltrel'eau claire avant d'être cuit. En chemin, deux petites têtes d'ébène auelle demanda aux fillettes d'allumer le lieu d'une.feu. A so~ retour, I~s .bra.ises étaient Quand elles atteignirent la demeurerouges mal~ la c~se etait Vide. Sadr ~t de leur nouveau propriétaire, un grandsa s~ur a~alent dlsp~rues. Elle ne devait caïd de la région, leurs corps étaientplus Jamais les revOir. extrêmement faibles. Depuis l'enlève-

Sur leur enfance insouciante et heu- ment, elles n'avaient pratiquement rienreuse, un grand voile était brusquement mangé. Au chagrin et à la peur, l'étran-tombé. Ou plus exactement une étoffe geté des mets qu'on leur servait était

De ce jour-là, Badr Essoudavait gardé un souvenir surlequel les années n'eurentaucune prise. Avec'I'âge, biendes faits s'effacèrent de samémoire. Mais celui-ci ydemeura ancré à jamais.

C'était une matinée comme tantd'autres. Chaude et sereine. A son habi­tude, Sadr, du haut de ses sept ans,prenait plaisir à taquiner sa petite sœur,de deux ans sa cadette. Leur mère ter­minait de laver son linge. Après l'avoir

Badr Es S'oud(une petîte fille venue

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venue s'ajouter. Aussi se contentaient­elles de boire en laissant ainsi à leurpeine le soin de consummer leurs derniè­res forces. Badr se souvenait encoreavec acuité du désarroi dans lequel leurétat plongea les membres de la maison.Ces deux gamines en pleurs qui se lais­saient mourir de faim posaient desérieux problèmes à l'entourage ducaïd. Quelqu'un proposa de leur donnerdu riz.

Le résultat fut immédiat; les quatrespetites menottes s'y plongèrent sur lechamp. Grâce à ce plat, riche en imagesde leur univers à jamais perdu, les fil­lettes d'Afrique renaquirent à la vie. Aune nouvelle vie.

Les torchons, lesbijoux, puis l'oubli

Elle grandirent. Au bout d'un certaintemps, le cadette reprit le chemin deSouk el Ghzal. Badr resta cette fois-civraiment seule. Fine et élancée, Badrétait jolie fille. Aussi, dès que son corpsse fut dégagé des rondeurs del'enfance, elle paya le tribut de sabeauté en devenant une des «jariyas»du caïd. Elle donna à son tour le jour àune petite fille. Son statut se transformarapidement.

Comme par un coup de baguettemagique, torchons et casseroles semétamorphosèrent en bijoux et fanfre­luches. On lui enseigna à jouer du luthet elle anima avec les autres favorites lesrepas et les fêtes du caïd. Elle était deve­nue une «aouwayda». C'était la périoderose.

Mais ce qui devait arriver arriva:

Le maître se lassa au boutd'un certain temps de la cour­bure de ses reins, elle alla àson tour grossir le lot desesclaves prisées puis rejettéesdans l'oubli.

Le Maroc, entre temps,. vivait desheures très graves. Avec le régime duprotectorat l'ère de la colonisation com­mençait. Malgré leur épaisseur, les mursde la Kasbah laissaient filtrer l'informa­tion en provenance de l'extérieur. Aussila nouvelle de la mise en place d'une

administration étrangère parvint-elle àBadr et ses compagnes. La rumeurdisait également que le pouvoir du caïds'en trouvait réduit et que la situationdes esclaves allait s'améliorer. Sur labase de ces nouvelles, les anciennes«jariates» décidèrent, un beau matÎn, deprendre la fuite, leur objectif étant de serendre chez les autorités françaises pourdénoncer les mauvais traitements quileur étaient infligés.

Elle attendirent, pour mettre leur planà exécution, le moment le plus propice.Celui-ci arriva avec le départ de leursmaîtresses pour des festivités en dehorsdu village. Elles passèrent aussitôt àl'action.

Pendant que les unes creu­saient, les autres couvraientleurs bruits en jouant du tam­bourin.

Le soir, elles dissimulaient le fruit deleur travail sous des rideaux. Quand letrou fût assez grand pour les laisser pas­ser, elles cassèrent tout ce qui pouvaitleur tomber sous la main et s'enfuirent.

Après maintes péripéties, elles arrivè­rent à Marrakech où elles se firènt indi-

quer le bureau de l'officier francais. Ellespurent enfin donner libre cours à leurrancœur.

L'officier fit appeler le caïd. Ille mitau courant des doléances de ses escla­ves, puis lui demanda de s'engager àmieux les traiter à l'avenir. Après avoirenregistré le nom de toutes les person­nes présentes, il leur promit de s'enqué­rir régulièrement de leur bonne santé.A l'issue de cet entretien, maître etesclaves s'en retournèrent ensembled'où ils étaient venus.

Avec le temps, les portes de la Kas­bah s'entrouvrirent de plus en plus etcelles qui voulurent tenter leur chanceailleurs s'en allèrent.

Sadr demeura dans cette maisonjusqu'au jour où sa seule attache, sapetite fille, mourut. Elle décida alors deplonger à son tour dans l'inconnu.

P.S. Badr Es S'ouds' est éteinte il ya une quinzaine d'années. Nousavons recueilli son histoireauprès de ses derniersemployeurs. Ou plutôt de sa der­nière famille.

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Saadia ••

Une rencontre avec le silenceL'esclavage a été aboli,

mais pour elle, rien n'a changé.

Ou plutôt si : en pire

.Un coup de klaxon neNeux.Au volant de sa voiture,l'homme s'impatiente. Il estjeune, élégant. Saâdia com­prend l'appel. Elle descendpéniblement les quatres éta­ges. Entre temps, H... a sta­tionné, puis ouvert le coffre.Saâdia arrive enfin. Elle sepenche et soulève le couffinchargé des victuailles de lasemaine. Il est lourd, fortlourd pour des membres usés.Mais Madame attend. De soncôté, quatre à quatre,l'homme enjambe les esca­liers, les journaux sous lebras.

La rencontre avec Saâdia se résumeà une rencontre avec le silence. Elle neparle pas, ou presque pas. Ses traitssont animés en permanence d'uneexpression apeurée et son regard évo­que celui d'un oiseau pris au piège.Répondant par onomatopées, elle a dumal à s'exprimer, à formuler correcte­ment une phrase, à développer uneidée. Soixante-dix ans d'esclavage, çamarque! Avec l'âge, ses souvenirs sesont dilués et les images qui lui restentvagabondent sur une trame de brouiI-

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lard. De son enlèvement, elle dit,aujourd'hui encore, se rappeler. Sanotion du temps cependant est unpoème pour surréaliste. «J'avais un an.Je jouais dans la rue avec d'autresenfants. Un homme m'a demandé de lesuivre. Je l'ai suivi et je me suis retrou­vée dans une grande maison pleine demonde.»

Saâdia ne devait plus ressortir decette maison avant de nombreusesannées. A la mort de son premier pro-.priétaire, elle fut «héritée» au même titreque les autres biens.

Du coup, elle changea de ville et demaître. Le fils à la place du père, Fès àla place de Marrakech. Une nouvelletranche de sa vie s'écoula. Puis vint lejour où il fallut enterrer «Sidi Junior».

Rechangement de décor, Casablancaremplaça Fès, de vagues cousins dudéfunt ayant profité de l'aubaine quereprésente une vieille «dada» en man­que de proprio.

Les maîtres de la troisième éditionsont jeunes. Un homme et une femmequi ont certainement dû s'indigner encours d'histoire de l'existence de l'escla­vage. Un couple «moderne» mais quitrouve normal de faire travailler unedame âgée pour pas un centime. CarSaâdia, aujourd'hui encore, n'est pasrémunérée. Elle n'a rien. Elle n'est rienen fait, pour personne. Elle ne bénéfi-

cie même plus pour sa vieillesse duréconfort de vieux murs. En déchiffrantses bribes de phrases, on comprend«qu'avant, c'était différent,» Le statutd'esclave n'était pas vecteur unique­ment de devoirs. " impliquait aussi desobligations de la part du maître. Saâdiaavait le sentiment de représenter «quel­que chose». Elle faisait, d'une certainemanière, partie de la famille et sonrythme, dans ce sens, était respecté.Aujourd'hui, au seuil du quatrième âge,elle se retrouve chez des individus quine voient en elle que la bête de sommedont il faut exploiter les dernièresforces.

A la question «pourquoi restez-vouschez eux,» elle a une réponse qui vouscoupe le souffle.«J'ai peur, dit-elle, qu'ils neme poursuivent». L'esclavage aété aboli mais, dans son esprit, il vit tou­jours. Mais à y réfléchir, de sa liberté,que pourrait-elle bien faire aujourd'hui?Entre sa situation actuelle et la rue, avecla misère en prime, elle n'a guère lechoix. Elle est vieille, pauvre et seule.Seule au monde. Pas d'attaches, pas defamille. «Un jour, raconte-t-ellequelqu'un m'apprit que ma mère étaitmorte, peu de temps après mon enlè­vement, du chagrin de m'avoir perdue.C'est tout ce que je sais d'eux». C'estaussi tout ce qu'elle possède.

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------Cellequi regardait

toujours en basR_rd baissé.

Paupières closes.Comme si l'univers tout entier était à

ses pieds.Avec ses cieux et ses horizons. Pie­

destal pour un regard prisonnier d'unéchevau de sortilèges.

D'où ce visage toujours emmuré dansl'absence et qu'on aurait souhaité pren­dre par le menton et d'un geste arrachercomme on le ferait d'un masque. Poursavourer la vision d'un rayon de lumière.

Mais non ! Elle était une reine dansce royaume. Libre d'aller et de venir àsa guise. Dans un monde où personnene venait la déranger lorsqu'à force decontemplation elle faisait corps avec lescarreaux disjoints de la cour. Impossi­ble de la tirer de son sommeil. Certes,quelquefois, on plantait autour d'elle ledécor d'un rêve plus rassurant. Onl'invitait à y entrer, lui faisant remarquerqu'au-dessus de sa tête, il y avait un cieloù le soleil, la lune, les étoiles, l'azur,le gris... On abandonnait bien vite.

Elfe n'était pas perméable à cette géo­graphie. ElJe le disait avec une voix nidédaigneuse ni ironique. Avec sa poli­tesse habituelle. Puis riait, affermissaitle nœud du foulard qui couvrait ses che­veux blancs et continuait à coudre ouà broder. Point par point. Pavé parpavé. Jour après jour. Les yeux ferméssur un monde, ouverts sur un autre. Cevaste territoire de la solitude qui s'étaitformé au lendemain de /adéchirure tout comme un volcan seforme lorsque la terre a mal dans sesentrailles. Mais aussi, comme elle nedétachait jamais les yeux du sol, eJJeavait une démarche gracieuse... Unpied devant, un pied derrière, les brasdroits. Cela lui valait bien des compli­ments et elJe aimait les compliments.Elle détestait les femmes qui avaientf'air de danser en marchant.

EJJe souriait d'un plaisir vrai et pen-

dant un bref instant on avait J'illusion decroiser son regard. Alors que/que choseexplosait dans ce visage. d'enfantmangé par les cheveux blancs.

Quelque chose comme un océanfu~ieux. Mais très vite la tempête ces­s81t, le masque s'empressant de neutra­liser toute expression. Le masque del'absence.

Les paupières lestées de plomb serefermaient, claquaient sur ce royaumedes portes inviolables.

Mais non, mais non, s'excusait-elleavant de répandre ses politesses à vospieds tel un champ fleuri.

Et vous comment ca va et madameet les chers enfants.:.

fi n'y avait qu'à se baisser pour cueil­lir le plus joli bouquet de gentiJJessesqu'il fut possible d'entendre.

On était content d'elle. Toute esclavequ'eJJe était, disait-on, cette femmeavait de l'éducation. ElJe faisait partie dela famille, mangeait à la même table.

Aussi, .on ne comprenait pas ceregard en berne, dressé comme un obé­lisque en hommage au refus.

Non, s'excusait-eJJe encore, c'est lalumière du jour ! Et elle levait le bras au­dessus de la tête, l'index pointé vers leciel.

La lumlëre du jour ! Elle se frottait lesyeux pour en fournir une preuve visuellepuis se faisait toute petite comme si cenéant ouvrait soudain à ses pieds tou­tes les portes de ses abÎmes.

Elle se taisait. Reprenait son explora­tion inlassable. D'une dalle à l'autre.

Voilà ce qui arrive parfois lorsque toutd'un coup la mémoire s'emballe commeun cheval fou et se met à fixer. Une par­celle de temps. Une parcelle d'espace.A vec cet art de la démesure dont seulees! capable une mémoire malade qui afaIt le vœu de construire un souvenirgros comme une tumeur. Le souvenird'une image humide et noire.

Abd~laziz MANSOURI.

Qu'était-ee déjà, un puits? Peut-être.Elle même ne s'en souvenait plus trèsbien. Mais des lambeaux de cette imagehumide et noire collaient encore à sesvêtements, à sa peau et ni l'eau ni lesavon ne pouvaient les enlever.

De cette sorte d'images qui font queles pupilles se dilatent jusqu'au grandangulaire de la démence lorsque /'obs­curité se drape dans les plis et les replisd'une flanelJe épaisse. ElJe ne voyait rienmais visualisait jusqu'à le palper ce criqui lui sortait de la bouche sans effortet enfermait la ténèbre dans une cami­sole ae lumière crue, et qui montaitdevenant de plus en plus fort et purpour finalement former un arc-en-cieloù vibrent toutes les couleurs de l'espoirconsumé.

Alors, elle se tût. L'étalon sauvagepouvait être monté. Adieu ruisseau)r.plaines et vallées. Et c'est le momentque son maÎtre choisit pour lui lancerune corde, sûr qu'elle ne mordrait plus.Elle ne mordit pas. Elle était assise pai­siblement au fond de son imagegluante. Quelque chose en elle étaitmort, autre chose d'indéfinissable étaitné. Elle n'aurait su dire quoi.

Un autre puits peut-être. Qui avaitenglouti mère, père, frères et sœurs.Englouti, le village natal où elle a~aitvécu de clous de girofle et de chantsd'oiseaux jusqu'au jour où petite filleencore,des voleurs d'enfants l'avaientmise dans un sac, coupant à jamais lecoraon ombilical qui empêche le ciel ella terre d'entrer en collision.

Seul un regard quiavait découvert ununivers magique à ses pieds et le scru­tait pas à pas.

Ce qui devait lui donner cette démar­che si gracieuse et qu'elle sut garderjusqu'à la fin.

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Certes, les femmes marocai­nes ne furent pas faciles àpeindre car le Maroc, durant leprotectorat, se protégeait fiè­rement contre les regardsétrangers. Seule Tanger, villecosmopolite, fut en mesured'accueillir des peintres et pasdes moindres : Delacroix ouMatisse.

Iièrement sensibles à la misèrede la femme répudiée.

Grâce à un texte riche, fai­sant appel aux témoignagesd'époque, aux mémoires, à lalittérature, nous pouvons, cha­que fois, comparer ce qui futavec ce qui a été représenté.

En outre, on constate laforte originalité de la peintured'Afrique du Nord : les por­traits féminins sont enfinexpurgés des référencesbibliques.

Marie-France Jamal AlaouiLynne Thornton - « La femmedans la peinture orientaliste»

ACR (1985)

Il est commun de dire queles peintres n'ont pas eu deregard objectif sur un Orientqu'ils ont le plus souvent ima­giné, malgré les informationsdont ils pouvaient disposer.Cela n'enlève ni n'ajoute rienau plaisir de la contemplationqui est ici immense.

Renoir, Simoni ont plaisir àpeindre les mariages, Dinet,les visites au cimetière. Renoirpeindra magnifiquement l'AïdEl Kebir. Dufy sera l'un desrares peintres à représenter lalégendaire hospitalité arabe(<<Réception du Glaoui», 1926).

Nombreuses sont les scènesde caravanes de chameaux,égyptiennes surtout, ou cellesdes déplacements de tribuscampant dans les sites gran­dioses du Hoggar ou du Sinaï.

Beaucoup de tableaux sug­gèrent les occupations desfemmes: préparation ducouscous, lessive...

va représenter des scènes dematernité ou des scènes fami­liales.

En effet, pour l'Européen, lafemme arabe est essentielle­ment lascive et fatale. « Impé­rieuse présence charnelle »,elle se distrait avec les cartesou l'astrologie, fume le narg­hilé ou se perd dans un silencecontemplatif. Si Ingres selaisse aller à une vision éroti­que, Chasseriau offre, enrevanche, une représentationplus proche de la réalité.

L'Europe était persuadéeque la condition de la femmearabe était pitoyable. Aussi lestableaux représentent-ils lescaptures d'esclaves, les intri­gues de sérail (Delacroix).Corot, Vernet ont été particu-

femme dans ----.le regard

des peintresorientalistes

Lvnne Thornton, spécialistede la peinture orientaliste du19ème siècle, a participé à larédaction de nombreux catalo­gues et nous proposeaujourd'hui le troisièmevolume d'une série de quatretomes, consacré, celui-ci, à lafemme dans la peinture orien­taliste.

Le thème est décomposé enplusieurs volets (attrait del'Orient, douceur de vivre,fêtes et cérémonies, séduc·tion, scènes de la vie quoti­dienne, tragédie et portraits).Le texte d'accompagnementne fait jamais double emploiavec l'illustration, mais donneune information sérieuse sur laréalité que l'imaginaire despeintres a, sinon occultée, dumoins déformée (hammam,harem, essentiellement)

Est d'abord analysée laséduction que l'Orient (Tur­quie, Egypte, Damas, Afriquedu Nord) exerce sur l'Euro­péen. Madame Thorntonremonte à la traduction des« Mille et une nuits» de Mar­dus et mentionne la modeorientale sur le continent, etparticulièrement en France, audébut du vingtième siècle,(Poiret et ses fêtes, les balletsde Diaghilev).

Les lieux où sont, de préfé­rence, peintes les femmes sontles appartements mais aussiles terrasses. Un petit nombrede peintres, dont Chasseriau,

,----La

ROGER BEZOMBES La Mariée Marocaine

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Khadija ABDERRAHMAN

Rveillée depuis un long momentdéjà. Lalla Keltoum réfléchissait, unpetit sourire aux lèvres. A ses côtés,Lhaj dormait encore, laissant échapperparfois un ronflement sonore. Mi­agacée, mi-attendrie, elle tira douce­ment l'oreiller. Le ronflement s'arrêtamais elle savait bien Qu'il reprendraitbientôt. /1 ronflait ! Elle se souvint deson mariage, (trente cinq ans déjà), lors­que sa mère lui avait appris qu'on la« donnerait» à leur richissime voisin(quelle n'avait, bien sûr, jamais vu), elles'était simplement dit: pourvu qu'il neronfle pas. Et il ronflait ! Et depuis trenteans, elle déployait toutes les nuits, unesérie d'astuces pour faire cesser cebruit, tantôt ronronnant, tantôt rugis-

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sant qui gênait son sommeil. Elle avaitfini par s'habituer à ce ronflement et àce petit bonhomme replêt et chauvequ'on lui avait donné pour époux.Femme de devoir, elle avait tout faitpour l'aimer ou le lui faire croire tout enprenant insensiblement un énormepouvoir.

Bon-vivant, enclin à la plaisanteriefacile, aimant la bonne chère et la vietranquille, Lhaj avait une sainte terreurde sa femme. Depuis ce drôle de regardqu'elle lui avait jeté ,du haut de sa petitetaille, le soir de leurs noces. Il avait étésurpris de la beauté de sa jeune femme(tout juste quinze ans), mais plus encorepar ce regard bref, lancé comme undéfi, œil noir et sourcil arqué, comme

pour dire« je n'ai pas peur de toi ». Cefut très bref et bien qu'elle tremblât unpeu à son approche, il savait que cen'était pas seulement de peur.

En cela, il avait bien raison. Lalla Kel­toum fulminait. Ce mari n'était pasbeau. Il deviendrait vite chauve. «Jen'aurais jamais peur de lui ».

«Aurais-je peur d'un mari bête etchauve ? » Elle tremblait peut-être unpeu de peur quand même, mais ellesavait que tout se jouerait au début etfit suivre ce regard qui avait fusé toutseul du plus charmant et du plus inno­cent des sourires. Lhaj n'y avait pasrésisté une minute et trente cinq ansplus tard, il craignait encore autant lesourire que la colère; il finissait toujourspar perdre.

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Lalla Keltoum ne se mettait jama;s encolère mais on savait tout de suitequ'elle était mécontente: une façon unpeu raide de marcher, la lèvre inférieureà peine pincée. Elle restait très polie, nehaussait jamais le ton mais, ces jours­là, Lhaj savait bien que le repas seraitmoins bon que d'habitude et surtoutque, tous les soirs, Lalla Keltoum seraittrès fatiguée, lui tournerait le dos, tota­lement insensible aux tentativesd'approche, faisant la morte, et celajusqu'à ce que tout soit fait selon sondésir. Alors, le sourire enchanteur réap­paraîtrait et Lhaj fondrait comme neigeau soleil. \1 en avait été ainsi pour tout:elle avait décidé de ne plus habiter lagrande maison où le père de son mariexerçait une autorité patriarcale sansfaille. L'idée avait été suggérée douce­ment un soir de tendresse et d'ententeparfaite :« Comme j'aimerais que nousavions notre propre maison! \1 Y auraitune cour pleine (je fleurs, et desoiseaux, et nous y serions tellementtranquilles! » Lhaj avait souri et serrétendrement sa toute jeune femme:« IN CHAA ALLAH» Il y avait seule­ment six mois qu'ils étaient mariés etelle était si jolie! Il n'avait pas pris ausérieux cette histoire de maison,jusqu'au jour où il comprit que les fati­gues excesssives et le sommeil deplomb de Lalla Keltoum ne disparaέtraient que dans la nouvelle maison.

Ce ne fut pas une mince affaire qued'expliquer à son père qu'il désirait s'ins­taller seul. Aucun de ses frères ne l'avaitfait. N'était-il pas logé et bien nourri?De plus, il ne pouvait décemmentavouer que c'était là le désir de safemme. Depuis quand tenait-on comptedu désir des femmes? Et ne dit-on pasque celui qui suit les idées des femmes« se perd» ? Et pourtant, la maison futconstruite. Lalla Keltoum versa une

Aurais-je peur

d'un mari bête

et chauve?

larme sincère en quittant ses belles­sœurs qui reprochaient avec véhé­mence à leur frère de s'éloigner d'elles- mais les oublia bien vite. Les fleursfurent installées dans la cour, des per­ruches remplirent bientôt l'air de leurtintamarre. Lalla Keltoum eut deux filset une seule fille. Ce qui força le respectde sa belle-mère qui se méfiait un peude cette bru trop sérieuse et si peubavarde. Puis Lhaj dut apprendre à con­duire, malgré son penchant à la paresse,et ils eurent une des premières voituresde la ville. Lalla Keltoum sortait dehors,petite silhouette blanche et menue, ets'installait avec dignité près du conduc­teur, toute fière et secrètement ravie descandaliser sa belle-mère (à laquelle ellemontrait d'ailleurs le plus grand res­pect), qui ne comprenait pas que l'onpuisse sortir dans la rue lorsqu'on estfemme de bien, et encore moins quel'on puisse monter dans ces machinesinfernales fabriquées par desmécréants ! Puis, il en fut toujours selonson désir, pour chaque chose.

Lhai se retouma dans le I;t, faisantgrincer un ressort cassé depuis plus dedix ans. « Il faudrait bientôt se leverpour la prière », dit-elle. Seul un gro­gnement lui répondit.

Elle pensa qu'il se faisait vieux. A cin­quante ans, elle se sentait résolumentjeune. Elle n'était pas mécontente de savie: un bon mari, riche et généreux,honnête homme, qui la choyait dumieux qu'il pouvait, deux beaux gar­çons dont l'ainé venait de se marier. Etune fille Qu'elle aimait mais qui lui res­semblait si peu! Une écervelée, tou­jours à lire et à travailler, réclamant laliberté pour les femmes (comme si ellesétaient des esclaves !) et refusant de semarier pour ne pas être dominée par unmari. Qui domine Qui? Je vous ledemande! Lalla Keltoum sentit sabonne humeur s'envoler. Décidément,sa fille n'avait rien compris. C'était bienla peine d'avoir étudié, d'être. allée enFrance pour débiter de pareilles âneries.Elle refusait prétendant sur prétendantet voulait aimer d'abord, se marierensuite! Est-ce qu'une femme de bienaime d'abord! Elle aimera celui queDieu lui aura destiné, voilà tout. Sur ce,Lalla Keltoum se leva. Il fallait fairechauffer de l'eau pour les ablutions. Enchemin, elle se souvint: elle avait justeQuinze ans. Cachée derrière la grillaged'une étroite fenêtre, elle guettait le pas­sage de son cousin et, lorsque la sil­houette élancée du jeune hommedisparaissait, elle restait appuyée con­tre le mur, cœur battant et pommettesroses, chavirée d'amour pOlir une sil­houette à peine entrevue. « Ah monDieu ! faites Que... » Quelques semai­nes plus tard, on l'avait donnée à cetami de son père, leur riche voisin.

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Abdellatif LaâbiFidèle à son poste d'observation, quelque part entre ciel

et terre, Abdellatif Laâbi nous livrait récemment, avec «la brû­lure des interrogations», un diagnostic lucide et ému sur, entreautres problèmes ou «nœuds gordiens», comme on voudra, laquestion culturelle (la littérature pour enfants si pauvre dansnotre pays, par exemple), la vie littéraire au Maroc...et la con­dition féminine. Des vues audacieuses, originales, en tout casà fleur de cœur et cela est rare. Un témoignage intense surl'humaine condition qui le concerne au plus haut point, sur lecheminement qui est le sien, sous haute tension, aurait-il pudire. Un livre, où le poète et l'intellectuel, enjambant les fron­tières académiques, se soutiennent de l'aperception et de la vigi­lance qui leur est propre. Un livre qui nous touche, fidèle debout en bout à la «gravité» de son titre et Qui a le mérite deposer clairement quelques Questions nécessaires ne souffrantaucune dissimulation.

Nous vous offrons un extrait de cette «Brûlure des inter­rogations», livre d'entretiens avec Jacques Alessandra, où A.Laâbi décrit les «citadelles» féminines.

Adil Hajji

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En pays musulman, le problème de lacondition féminine reste toujoursd'actualité. «Dans une société commela nôtre - écrivez-vous dans Le Chemindes ordalies ., être femme ou être pri­sonnier, c'est un peu la même condi­tion», et, dans une lettre des Chroniquesde la citadeHe d'exil, «l'histoire des fem­mes est le martyre le plus long, le plusodieux de la société de classes». J'aime­rais savoir à qui vous faites allusion, àla femme traditionnelle des campagne~et des villes, ou bien à la femmemoderne des grandes villes ? Sont-ellesenfermées l'une et l'autre dans lesmêmes «citadelles» ? Et sont-ce unique­ment les corvées ménagères en cellulequi vous ont rapproché encore plus dela réalité féminine ?

E parlant ainsi, je pensais à to~tesles femmes, en tenant compte à la foisdes différences de situations vécues etdu «tronc commun» de l'oppressionsubie, et de l'aspiration commune, cons­ciente ou inconsciente. à la libération.

Je pense personnellement que les cita­delles qui enferment les femmes, toutesles femmes, sont nombreuses. On pour­rait en représenter les murailles sous for­mes de cercles concentriques:

* Les femmes les plus enfermées, qui setrouvent au centre de ce schéma dereprésentation, sont celles appartenantaux classes les plus défavorisées de la

société (des villes comme des campa­gnes), mais qui, en outre, sont à la foisanalphabètes et réduites sur le plan del'activité aux seules tâches domestiqueset assimilées. Nous nous trouvons làdans une sorte d'enfer de la conditionféminine, un enfer plombé car n'y pénè­trent ni la lumière de l'instruction quiaide à la prise de conscience dans cer­taines conditions, ni celle du travailsocial qui permet, malgré sa dureté etson aspect d'exploitation, d'appréhen­der l'environnement et les rapportssociaux sur une large échelle. Femmesde l'abîme pour qui la vie n'est lutte quepour la survie, n'est que chaîne de misè-

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res materielles, morales et physiques,attente d'une mort haïe et désirée.

Les hommes qui vivent dans lesmêmes conditions ont au moins l'illu­sion d'un pouvoir en tant que mâles,illusion qui revêt, hélas couramment, lecaractère d'une force matérielle, ens'exerçant sur la compagne de misèredans un sens affreusement mutilant.

Les femmes de cette catégorie sont àune sorte de degré zéro de la conditionféminine. Pour elles. il n'y a pas d'hori­zons de l'espace et du temps, il n'y a quela ronde infernale des travaux et desjours, de la douleur d'être et de subir.* Dans le deuxième cercle d'enferme­ment, en partant du centre, nous trou­vons les femmes de même conditionsociale, tout autant analphabètes, maisqui exercent un travail salarié (ouvriè­res de l'industrie, de l'artisanat et del'agriculture, femmes de ménage, etc.).Ces femmes surexploitées, recevant lesplus bas salaires de l'échelle des salai­res la plus basse, partagent en outre avecleurs consœurs de la première catégo­rie les mêmes privations et exactions, lamême exploitation domestique de leurforce de travail invisible.

Cette double exploitation et oppres­sion qu'elles subissent pourrait amenerà les ranger au centre de notre schémade représentation si on perdait de vuece que le facteur d'activité sociale etd'activité rémunérée pour apportercomme changement dans le vécu de cesfemmes et la conscience qu'elles ontd'elles-mêmes. Même si ce changements'opère au prix d'une double exploita­tion, il n'en est pas moins réel: éman­cipation économique, quelque dérisoirequ'elle soit, revalorisation de soi et deses capacités, élargissement du champdes relations sociales, perception plusconcrète des rouages sociaux et del'environnement matériel, de son orga­nisation et de son fonctionnement. Il ya là autant de voiles qui occultent la réa­lité pour la femme cloîtrée, et qui sedéchirent dans la pratique sociale.

* A l'intérieur du troisième cercle demurailles, nous pouvons ranger les fem­mes et les jeunes femmes, issues tant descouches pauvres de la société que de lapetite et moyenne bourgeoisie, qui ontpu faire des études et trouver às'employer. Instruites donc, actives éco­nomiquement, «modernes» pour la plu­part, on pourrait penser qu'elleséchappent à toute citadelle d'enferme­ment. Or, il n'en est rien. Leur enfer estclimatisé, mais il reste un enfer d'autantplus insupportable que les femmes decette catégorie ont plus ou moins cons-

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cience du type d'organisation sociale quile produit et le régit, et qu'elles ont lesmoyens intellectuels qui leur permettentde comparer leur condition à celled'autres femmes sous d'autres cieux.( ... )

Malgré les limitations, auxquelles onpourrait ajouter d'autres, intrinsèquesà cette catégorie de femmes (crise demodèles, contradiction due à la diffé­rence des origines de classes, etc.), onne manquera pas de constater quel'embryon de prise de conscience etd'attitudes de combat, en liaison avec

la questiçm féminine, est aujourd'huilargement l'œuvre de ces femmes (... )* On peut ajouter un quatrième cercled'enfermement, celui où se trouventenserrées les femmes des classes socia­les les plus favorisées. Prison dorée cer­tes, mais prison tout de même si nousprenons en considération un absolu del'aspiration à l'égalité entre sexes, à laréalisation pleine de soi, de l'êtrehumain (... )

Ce schéma de représentation ne doitpas être, lui non plus, pris à la lettre. IIne saurait y aVOIr étanchéité entre lesdifférents cercles décrits. On a vu com­ment ils peuvent non pas se recoupermais au moins communiquer. Uneanalyse plus poussée permettra de cir­conscrire d'autres cas, d'autres situa­tions, ce qui ne manquera pas denuancer et d'enrichir ce typed'approche.

Pour en arriver à ma propre prise deconscience du problème, je dois dire queje reviens è~ ::)in. Pouvait-il en êtreautrement pour un homme qui a vécuet assimilé au plus profond de lui-mêmeles «valeurs» dominantes qui régissentla condition féminine dans une sociétéoù l'élément' mâle détient sans aucunconteste le pouvoir, tous les pouvoirs ?

Ce pouvoi" dans le milieu tmdition­nel où j'ai vécu, pouvait aller jusqu'audroit de vie et de mort sur les femmes.Il suffit de peu pour que ma mémoireme restitue tout un complexe de situa­tions, de comportements, de psychodra­mes, de tabous. de jeux de massacre, oùles femmes, et d'abord mes prochesparentes, étaient enserrées, et dont ellesétaient les victimes: ma sœur aînée,attachée à une échelle et battue longue­ment avec une corde qu'on a laissé trem­per toute une nuit ; puis, bien plus tard,son «mariage», lorsqu'elle fut donnéeen cadeau à un chérif polygame, parcequ'on ne pouvait rien refuser à un ché­rif ; toutes les noces où l'exposition dupantalon ensanglanté de la mariéeimprimait à jamais dans la mémoire lecaractère sacré de la virginité prémari­tale; la ségrégation impitoyable dessexes, même quand il s'agissait de frè­res et sœurs; le fait que je n'ai jamaisparlé à une petite fille, ni à fortiori jouéavec elle au cours de mon-enfance ; lefait que pendant toute mon adolescenceà Fès, j'ai dû me contenter, pour toutrapport avec les jeunes filles de monâge, d'attendre ces dernières à la placeBatha, au sortir du lycée, et de les voirpasser en silence, échanger un petitregard furtif, et quand je n'en pouvaisplus, les suivre dans les ruelles en fai­sant semblant de suivre mon proprechemin.

One image rorte m'est cependant <cs-. tée de cette préhistoire, celle de mamère. Elle n'était pas soumise pour unsou, au contraire, c'était une femmeextrêmement révoltée contre le poidsécrasant de sa condition, les tâchesdomestiques, les tracasseries que luioccasionnaient ses enfants, la claustra­tion (elle qui aimait tellement sortir pour«voir le monde», comme elle disait), etmême certains aspects des traditionsreligieuses. Il y avait là un niveau intui­tif de prise de conscience et de refus,dont la réalisation ne pouvait qu'êtreconfisquée, vu les conditions del'époque.

Mais je pense, avec la distance, quecette attitude paradoxale m'a marqué,d'autant plus que bien plus tard, ce tem­pérament de scalpée allait contribueraux causes de la maladie qui l'a empor­tée. Je ne sais pas pourquoi, si on medemandait maintenant de quoi est mortema mère, je répondrais sans réfléchir :elle est morte de colère (... )

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Effectivement, il m'a fallu attendrel'expérience carcérale pour découvrir ceproblème dans toute son ampleur. J'aieu d'abord l'occasion de dévorer unegrande partie de la littérature féministeet sur la co"ndition féminine, qu'elleemprunte ou non la démarche marxiste.Mais cette connaissance aurait pu enrester au niveau de la rectification desidées et du réaménagement théorique,si un événement hautement sensible etlyrique ne s'était pas produit: celui dubouleversement du rapport à ma femmeet de la redécouverte du continentamour, non pas dans la convivialité pai­sible du couple vivant en liberté, maisdans la tension solidaire et la lutte com­mune pour triompher de la séparation,des privations, des mutilations, et for­ger au plus noir de la nuit barbare lemessage de fusion créatrice, de dignitéet d'espérance. Ma femme, mais aussitoutes les femmes, mères, sœurs decamarades, qui ont mené ce combatsans expérience préalable, qui se sontjetées à l'eau démontée de l'épreuve etont appris ainsi à nager. Grâce à elles,à leur théorie pratique, alchimie ducœur et des mains, la face cachée de laterre ou de l'humanité meJut enfin révé­lée. Dès lors, les notions de force, résis­tance, ténacité, se conjuguèrent au.féminin. Le rapport à la femme cessaitd'être cette prison et cet enfer faits dunœud de vipères des frayeurs et des fas­cinations vécues au cours d'une enfanceet d'une adolescence frustrées, trauma­tisées, pour devenir un creuset de la réa­lisation de soi à travers l'autre, et de laréalisation de l'autre à travers soi, con­dition d'humanisation de soi-mêmecomme préalable indispensable àl'humanisation des rapports humains.

Cette expé,;ence a donc déposé enmoi une autre braise, celle de la remiseen cause permanente de moi-même àtravers le critère de mon rapport à lafemme, à la condition et à la cause delibération des femmes. Car l'exigencevis-à-vis de ce critère renseigne assuré­ment, selon la belle expression de Marx,sur le «degré de développementhumain», mais elle renseigne aussi, àmon avis, sur la crédibilité ou l'hypo­crisie de tout discours et de toute stra­tégie de libération. Nous avons là unegrille impitoyable de lecture de la réa­lité humaine, un télescope morald'observation des phénomènes intellec­tuels et sociaux qui permet à chaquestade de mesurer le fossé séparant théo­rie et pratique.

Je cro;, que cette hm;" n'nun,;t P"été aussi vive, aussi irrédentiste, si jen'avais pas connu ce monde des cerclesconcentriques de l'oppression et del'annihilation de l'homme qu'est l'uni­vers carcéral. C'est là que j'ai pu appré­hender dans ma chair et ma consciencetoutes les prisons, et notamment cellesqu'i ne sont pas entourées de muraillesmatérielles, les prisons sociales faites detoutes les aliénations et toutes les injus­tices historiques. Dès lors, ma relationà la femme pouvait être conçue et vécuedans le sens dé la réalisation del'humaine fraternité. Dès lors, je meredécouvrais aussi en tant qu'homme«viril». C'est ce qui m'amèneaujourd'hui à penser que les hommesauraient peut-être besoin de leur propremouvement de libération, à l'instar desfemmes, un mouvement qui aurait pourobjectif de les libérer de cette tare his­torique qui en a fait les détenteurs dupouvoir et les victimes sanguinaires dupoison du pouvoir, de leur faire décou­vrir le prolongement de la femme en euxet leur prolongement en la femme. Alorsla douceur et la force, l'intuition et laraison, le vital et l'intellectuel, n'aurontplus de genre exclusif. Tout au plusauront-ils des nuances plus affirméeschez l'un ou l'autre, selon leur histoireindividuelle et générique. L'hommepourra enfin se débarrasser de sonarmure de guerrier pour redécouvrir desqualités qui lui appartiennent en propreou qu'il partage avec les femmes et qu'ila refoulées jusqu'ici au tréfonds de lui­même, parce qu'elles étaient en contra­diction avec les poncifs de la masculi­nité. Le corps de l'homme cessera alorsd'être ce redoutable instrument de vio­lence et de possession pour révéler sonémouvante fragilité, sa capacité de donet d'abandon à l'autre, et pourquoi pas,sa beauté, que l'art pourra célébrer àson tour, au lieu de réserver cette célé­bration, comme ill'a fait jusqu'à main­tenant, au seul corps féminin.

On peut sourire à ces élucubrationsfuturistes provenant d'une réalité où lacondition des femmes est au plus bas,ou la prise de conscience des hommesest à l'état d'embryon isolé dans uncorps social profondément allergique.Mais personnellement, je me refuse aufatalisme des complexes. Toute semenceauthentique finit par lever dans la glèbehumaine. Il y faut simplement de laténacité et ce grain de folie de l'espoirsans lequel le commerce de l'absurde etdu désespoir finira par investir notreplanète et la conduira à l'holocaustecontre la plus haute valeur qui soit:l'esprit humain.

L'Harmattan

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PRESENCES DU PASSE,ESQUISSES DE L'HORIZON

Née Fatima-Zohra Imalayène, à Cherchell, près d'Alger, elle est bientôt cette~<fil~ette arabe allant pour la première fois à l'école, main dans la main du pere»,lD~tItuteur. Ce so~t là, pour la femme de demain, la future Assia Djebar, les pre­lDIers pas vers la liberte de se mouvoir dans un espace traditionnellement mascu­lin. Puis elle poursuit ses études à Alger, Paris (elle est la première Algérienneadmise à l'Ecole normale supérieure de Sèvres), Tunis. Elle enseigne par la suitedans les trois capitales du Maghreb,

Mariée au poète algérien Malek Alloula, c'est à Paris, où depuis quelquesannées elle poursuit son œuvre d'écrivain et de chercheur, que nous l'avons ren­contrée. Telle elle apparaît dans les douze minutes du court métrage T.V. que le ­réalisateur algérien Farouk Beloula (qui travaille actuellement au Pain nu de M.Choukri) lui a consacré à la parution de L'Amour, la fantasia, telle elle est : pré­sence forte, silhouette juvénile, lente et vive, regard aigu sous les boucles brunesAssia Djebar est à la fois douce et distante, chaleureuse et incisive. Elle dit ((je»'elle dit ((nous», elle bouge, elle parle, elle déploie l'espace du dedans cherchantla sortie du bout de la nuit, dans le labyrinthe du monde. Et c'est dans l'œil ducyclone que la mAturité n'étouffe pas l'enfance. Pour cela, il a fallu conquérirson propre itinéraire, ardemment, de toutes ses forces vives et pour la beauté desgestes partagés.

Nous sommes alors au cœur-même de l'histoire.

Amina Saïd & Ghislain Ripault

Le premier roman, La Soif, a pres­que été un accident, une façon de tour­ner le dos au réel, parce que le réel, àce moment-là, me paraissait plus impor­tant. Je faisais la grève des étudiantsalgériens. Mais avec le recul, je me suisaperçue que ce n'est pas bon d'écriretrop tôt: à cause des schémas que l'onvous applique. Maintenant, j'aimeraisbien qu'il soit réédité. Cela fait au moinsdix ans qu'on me le demande. Je l'airelu il y a trois ou quatre ans et j'ai cons­taté qu'il n'y a rien à changer. Il a, jecrois, son public actuellement. Il a étécritiqué parce que c'était, disait-on, unroman d'amour "suspendu", alors quel'Algérie, c'était tout autre chose...

Le second IjJman, Les impatients, jele trouve aujourd'hui un peu compliquédans le récit. Mais j'en retins un lieu.Le premier était sans lieu, un romand'adolescence, sur le rapport entre deuxfemmes. Le second est peut-être moins"pur" que le premier. Mais il yalelieu : le patio et la maison enfermée. Onpeut dire que ce sont tous les deux desromans d'apprentissage.

Le troisième, Les Enfants du nouveaumonde, correspond dans sa construc­tion à ce que je pense du roman.D'abord, il y a cette unité de lieu, et,à partir de cela ainsi que de l'unité detemps, c'est un ballet de personnages,les femmes étant au premier plan, leshommes un peu en retrait... Je l'airédigé aussi rapidement que les autres,en deux ou trois mois. A cette époque,j'étais au Maroc et j'ai reçu une parentequi m'a raconté ce qu'il en était à Alger,cette ville où les femmes voyaient sedérouler la guerre en observant les mon­tagnes, alor~ même qu'on pensaitqu'elles étaient enfermées. En fait, ellesvoyaient la guerre comme un jeu. Entreautres histoires, cette parente m'araconté celle de cette vieille femme tuéepar un éclat d'obus et que l'on n'avaitramassée qu'après l'alerte... C'est de làque le livre est parti. Je pense que c'étaitun besoin d'être là-bas alors que j'étaisabsente, une façon de combattre l'éloi­gnement.

Le quatrième, Les Alouettes naïves,n'est plus un roman de jeunesse oud'apprentissage. C'est le premier romanque j'ai écrit par coulées successives etsur deux ou trois ans. Je ne me rendaispas compte que l'écriture romanesqueétait une construction. Le cœur de ceroman, qui en est aussi le milieu.s'appuyait sur des éléments autobiogra­phiques, très intimes. C'est ce qui a faitque j'ai décidé d'arrêter. J'ai eu unrefus, un refus de femme, d'écrire siprès de soi. Je pense qu'à ce moinent,

Quel regard portez-vous aujourd'huisur vos quatre premiers romans publiésentre 1957 et 1967 ?

••ASSIA DJEBAR

Quatre romans entre 1957 et 1967, puis une période de réflexion, autour de lalangue d'écriture notamment: le cinéma devient alors pour Assia Djebar, femmedu regard et de la mémoire, le moyen de renouer, entre autres, avec la langueoriginelle. En 1978, son premier long métrage, La Nouba des femmes du MontChenoua, mi-documentaire mi-fiction, connaît un succès mérité. Il reçoit le Prixde la critique à la Biennale de Venise l'année suivante et est sélectionné pour lePremier Festival des femmes. Son deuxième film, La Zerda et les chants de l'oubli,est présenté en 1982.

A travers la réalisation cinématographique, A. Djebar commence à se libérerdu «déracinement Iinguistique»t Elle reste cependant lucide quant à l'ambiguitéde «traduire» en français ce qui a été vécu en arabe. Parallèlement, et commepour ne pas se couper de l'écriture, elle continue de composer des nouvelles (Fem­mes d'Alger dans leur appartement).

~'es! dans son cinquième roman, l'Amour, la fantasia, récemment paru etdont Il a eté rendu compte dans le nO l de Kalimll, qu'A. Djebar parvient, semble­t-i1, à surmonter le problème de l'expression et des choix: ce corps-à-corps par­fois très douloureux, est, selon Jacques Berque, au centre de «l'une des an~lysesles plus profondes, sans doute, qui aient été faites des rapports du langage del'expression littéraire avec une histoire, un terroir, la révélation d'un corps àlui-même» .

On retrouve chez l'auteur une attention soutenue à la langue et à la mémoireféminine. Cette remontée aux sources innerve tant ses films que ses livres, et assu­rément son dernier où la romancière prend "Ie relais de la passion calcinée desancêtres" .

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Photo: Malek ALLOULA

j'ai commencé à me masquer le pro­blème en me disant qu'il fallait écrire enarabe puisque je suis arabophone. Leroman était terminé depuis un anlorsqu'il est paru, en 1967. Je vivais denouveau en France, avec des enfants.Comme je ne concevais pas la littératurecomme une carrière, ni comme unbesoin continu d'écrire, j'ai cessé. Lerapport à la langue était bloqué. J'aicependant écrit des nouvelles, mais sanspenser tout d'abord à la publication.Puis je suis rentrée en Algérie. J'ai faitun peu de théâtre. Donc, de 1968 à1974, il Ya eu un passage à vide. Cha­cun vit comme il peut un rapport devenudifficile avec une langue. Moi, je mesuis plongée dans ma propre vie, enoubliant la littérature! Je l'ai résolu enretournant vivre en Algérie en 1974. Jesens que je l'ai résolu tout simplementpar cette arrivée à l'écriture cinémato­graphiqlle.

Les quatre premiers romans ont étéécrits entre vingt et trente ans. Il y a despoints de ressemblance entre eux, maispas de continuité romanesque. J'auraisaussi bien pu commencer par le der­nier ! Les autres sont-ils inutiles, ten'est pas à moi d'en décider. Mais je neregrette pas les rééditions !

Après avoir tourné mon film LaNouba des femmes du Mont Chenoua,j'ai eu volontairement le désir de reve­nir à la langue française. Le recueil denouvelles, Femmes d'Alger dans leurappartement, était une façon de faire lepoint sur le passé et en même temps, deconcevoir l'écriture de manière conti­nue. Mais je ne pense pas qu'un écrivainsoit obligé d'écrire des livres sans arrêt!Si, dans nos pays, il y avait un substratculturel (édition, critique...), je croisque, depuis onze ans, j'aurais écrit etpublié régulièrement. Parce que je

trouve que vivre de ses droits d'auteur,consacrer toute son énergie à l'écriture,est quand même un avantage. Il est vraiaussi que si vous avez un second métier,il vous donne parfois l'impression devous dévorer. Mais il vous donne, parrapport à ce que vous écrivez, une sortede liberté. Ce qui est difficile, c'est dene pas pouvoir publier pour son public.Et en même temps, le succès est unpiège. La liberté, c'est de pouvoir écrireà la fois ce qu'on peut et ce qu'on veut,et au besoin, de rester dix ou quinze anssans publier. Pour ma part, je suis ensei­gnante et je me sens enseignante, mêmelorsque je n'exerce pas. De toute façon,je suis indépendante économiquement.

Un nouveau cycle est-il né avec votrenouveau roman, L'Amour, la fantasia?

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Effectivement, là je peux parler decycle. Ce livre sera suivi de trois autresromans. C'est un quatuor. Peut-êtreparce qu'en ce moment, je suis dansBeethoven Ge suis d'ailleurs toujoursavec la musiquè, les musiciens). C'estdonc un quatuor, mais pas une suiteromanesque, avec des personnages,comme dans les sagas. J'en ai actuelle­ment deux de prêts. Pour moi,L'Amour, la fantasia" c'est le violon­celle, parce que j'ai pensé à un quatuorà cordes! Le second, que j'ai terminéet qui s'appelle L'Oeil caché de l'aurore,l'histoire de deux femmes, c'est l'alto;Reste à écrire l'essentiel: les deuxautres. C'est aussi un quatuor parcequ'il a quelque chose à voir, dans matête, avec le chiffre quatre. Ce sont peut­être quatre démarches différentes tour......nant autour d'un même sujet.

J'ai commencé le second avant le pre­mier, puis j'ai bloqué. Il s'agit d'un rap­port entre deux femmes, un rapport àl'espace. Cela peut se passer à Algercomme à Rabat ou à Baghdad. Il y aune femme qui sort voilée et son rap­port à l'espace. J'ai bloqué à unmomt:nt sans trop comprendre pour­quoi. Peut-être à cause du rapport aufrançais? Puis quand j'ai écritL'Amour, la fantasia d'une seule traite,ça m'a complètement débloquée, mêmesi cela a été physiquement éprouvant.

Le second livre, c'est un peu commesi, ayant creusé le passé, j'avais besoind"esquisser l'horizon, l'avenir. Les deuxsuivants seront de structure apparem­ment plus classique, avec des personna­ges de fiction, des événements. C'est lareprise du thème mais autrement. Cesont des variations, avec dans le premieret le second livre, toujours cette cons­truction en doublè, en chapitres alter­nants leurs registres. Je ne pense pas queles suivants soient pareils.

Je dois en avoir encore pour deux ansde travail. Pour les livres suivants, jereviens à Alger : le troisième se passe au1ge et au 20ème siècle, et le quatrièmeest une variation sur l'ensemble "'duMaghreb, une narration qui se dérouleà la fois à Alger, Tunis et Marrakech.Je vais plutôt en arrière dans le temps.Je m'interroge sur le pourquoi du fonc­tionnement de nos sociétés. Dans unepremière approche, je me suis dit: jesuis Algérienne, la colonisation .a évi­demment son impact, elle a bloqué quel­que chose. Si elle a bloqué quelquechose au niveau de mon expression, demon rapport avec le français, en réalité

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les mêmes problèmes existent même sion remonte avant la colonisation. C'estmon point de vue, et c'est pour cela queje vais en arrière tout en ayant l'impres­sion pourtant que les choses se passentmaintenant. C'est donc une réflexionsur l'Histoire qui touche aussi au pré­sent, non?

Le cinéma, c'est une toute autre écri­'ture, un autre regard, un autre espacede parole, un espace pour le corps?Quelle importance accordez';YOus sil'image, au miroir?

Dans mon film «La Nouba des fem­mes du Mont Chertoua», le premiérplan, c'est une femme qui tourne le dosaux spectateurs et qui dit :

<de ne veux pas que l'on me voie, quetu me voies». A la fin du plan, au boutd'une minute et demi (ce qui est long aucinéma), elle se retourne. Biza:-rement,je pourrais dire qu'en ce qui concerne«La Nouba .. .», et peut-être même lesecond aussi, «La Zerda et les chants del'oubli», c'est une façon de faire un filmsur un faux regard. Le premier filmcommence en tout cas sur un refus duregard. A la limite, je devrais dire queces deux films, je les ai tournés pour nonpas me cacher, ce serait exagéré, mais...je ne sais pas.

En tout cas, j'ai tourné le premierfilm comme j'aurais écrit un livre, maissans utiliser le français. J'ai pris des élé­ments de fiction et je les ai placés aumilieu d'une réalité. Du côté de lacaméra - le regard - l'intérêt pour moic'est de voir comment la fiction s'ouvresur la r~é;llité, ou l'inverse. On dit quec'est un film. de «recherche» ou «expé­rimentah): ça veut peut-être dire

ennuyeux ! Mais je travail1e ainsi.Ces deux films ont été produits par

la télévision algérienne. On me permet­tait de poser mes questions sur le plande la création, et non pas sur celui dela réception. Maintenant, j'ai envied'affronter un plus large public, decommuniquer si possible avec lui... Celadit, c'est le chiffre de spectateurs qui faitun film pour «grand public». La vraiecommunication entre l'auteur et lepublic, quand il est important en nom­bre, joue forcément sur des équivoques.Depuis trois ou quatre ans, je suis atti­rée par la fiction, et en même temps,tout en moi refuse le cinéma «grandpublic», parce qu'au fond, je ne sais pasce que cela veut dire. Mais la décisionintérieure est prise. Je vais d'abord finird'écrire ce cycle de romans, puis je tour­nerai un film «grand public» (sourire,puis éclats de rire). Probablement avecce qu'on appelle une distribution, jevous dirai ça bientôt! J'aime les grandsmédias. J'aime les comédiens aussi.J'espère que le cercle comédiens-argent­public ne sera pas trop contraignant. Onverra ce que ça donnera (rires). Mais est­ce que ce sera une expérience enrichis­sante pout moi, je l'ignore.

Au bout d'un moment, je trouveraipeut-être que le temps investi et lapatience à avoir (parce que c'est aussiun travail avec les autres) en regard durésultat, me fera revenir plus gaiementà la littérature !Parce qu'en littérature,vous êtes votre propre maître. Ensuite,quand vous avez dix, cinquante, cinqmille lecteurs ou plus, c'est autre chose.Votre Iivr,e existe· et vous pouvez .tou­jours vous dire qu'il restera dans lesbibliothèques. Tandis que pour un film,dès son. élaboration, vous devez tenircompte de certaines obligations. Je n'ysuis pas habituée ayant travaillé trèslibrement sur les deux premiers.

Pourquoi je cherche à avoir des con­traintes ? Je ne sais pas! Peut-être qu'àforce de travailler depuis quatre ans surce cycle romanesque qui a lieu dans lep.assé, je dois ressentir une sorte d'iso­lement intérieur. Cela vient aussi decette façon de travailler hors de monpays. Faire un film, c'est s'ouvrir auxautres, soit au niveau du travaille plusconcret possible, soit au niveau desquestions que vous pose un plan. Il y aaussi le plaisir de travailler sur la lan­gue, car pour l'instant, travailler sur lalangue arabe dans les films que j'ai faitsm'a passionnée. Et cela m'attire tou­.ïours. Dans le premier, j'ai composé et

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tait interpréter la conclusion, une sortede générique de facture populaire, unchant qui résumait le film. Je suis doncécrivain arabophone pendant six minu­tes! C'était pour moi une façon de reve­nir à l'arabe, de chercher à créer horsde la coupure et du déchirement.

Pour ce qui est des images, il se poseun problème spécifique à la sociétéarabe : comment prendre des imagesalors que la société fonctionne en refu­sant de se livrer ? Et quand on chercheà prendre des images vraies, commentregarder et quoi prendre au juste? Vousavez beau regarder, il Y a comme unefuite, ou du moins, une image fausséequi fait écran. Il n'y a peut-être que moiqui me pose ces questions du regardpendant le tournage? La plupart desfilms dits arabes se contentent d'êtrearabes en utilisant la langue arabe. J'aipour ma part une autre ambition. Il ya une recherche d'un style, une recher­che formelle, qui ne doit pas simplementcopier les Américains ou telle épole decinéma.

Dans mes deux films, je me suisappuyée sur la musique non pour fairedes films musicaux, mais parce que c'estla seule que je perçoive comm~ un héri­tage positif en quelque sorte. Jem'appuie sur le rythme. C'est unemanière de retrouver une certaine tra­dition. Mais alors comment produiredes images neuves tout en se situantdans une tradition ? Ce sont des problè­mes de forme: est-ce qu'il me faut ensortir ? Mes projets de fiction complèteseront des tests ...

Qu'est-ce pour vous que créer un per-sonnage? .

Je ne sais pas si je crée vraiment despersonnages. Dans le troisième romandu cycle auquel je travaille, il y a unhomme de cinquante ans qui revient àAlger quatre ans après la prise de laville. Comme sans doute pour toutromancier, il y a des pulsions, des inter­rogations, des mouvements qui vousagitent. Il y a peut-être quelque part unlien entre ces personnages et moi, maisje ne sais pas toujours lequel. C'est aumoment de l'écriture qu'ils prennentforme, et qu'ils se transforment aussi.Ce que je peux savoir à l'avance, c'estautour de quel personnage le roman vase construire et ce que sera ce «person­nage» : un être humain, une atmos­phère, une durée, un lieu, unmouvement comme dans un ballet. .. ?

Au cinéma, dans «La Nouba ... ,» jesuis partie de la réalité et j'ai commencé

à écouter les femmes. Après quoi, il m'asemblé intéressant de créer un person­nage qui soit ma «déléguée» à l'imageet qui, elle, regardera. Pour moi seposait alors le problème du rapport avecl'actrice. Une interprète n'est pasquelqu'un à qui je donne un textequ'elle va lire puis jouer. C'est un êtreen chair et en os avec lequel doit se créerun rapport d'intimité et de familiarité.Comme pour un peintre, il faut savoirtrès vite quoi mettre en valeur de cetêtre. Cela peut être un geste, un regard,une attitude. Au bout d'un moment,vous voyez à quel moment une personnequtexiste livre sa vérité. Il ne s'agit cer­tainement pas, pour moi, de la filmerde telle façon parce qu'elle est plus jolieou je ne sais quoi! Ce qui m'intéresse,c'est à quel moment elle est, elle vit vrai­ment. Commençant alors à le sentir,tout mon problème est alors de savoircomment la caméra va venir la prendreen image sans la «tuer». Le vrai pro­blème est un problème d'objectif: àquel moment être à la bonne distance.Laisser des plans ouverts aussi.

Pour moi, l'idéal serait un type decinéma où vous démarrez dans la fic­tion, c'est-à-dire dans ce que, normale­ment, vous contrôlez, mais qu'avantque vous ayez dit le fatidique «cou­pez !», le réel ait pu entrer dans le planmalgré vous presque. Ainsi, ce n'est pasune fiction faite à côté du réel. C'estpour ça que j'aime les plans ouverts. Lesrésultats peuvent être très beaux.

Dans le roman aussi, quand j'en suisau premier jet, il faut que j'écriven'importe où, n'importe quand, et c'esttoujours très régulier. Mais si vous êtesdans une scène et que vous êtes obligéd'arrêter, quelque chose a pu se passerentre-temps, qui devient un détail quevous intégrez dans votre livre. La scèneromanesque n'est pas non plus une sériede notes, prises pour le càdre, le cos­tume, les personnages et qu'il s'agit demettre en phrase dans un certain style.C'est pourtant ainsi que fonctionne lecinéma commercial. Il yale décorateur,la maquilleuse, la personne qui s'occupedes costumes, le coiffeur, le scénario(questions-réponses-dialogue) ; tout esten petits bouts. Et le réalisateur arriveet fait sa mayonnaise ! Un cinéma duTiers Monde ne peut pas fonctionnercomme ça, selon moi. En réalité, ce quevous cherchez à saisir ne l'a jamais été.C'est mon principe de départ. Les filmssoit-disant représentatifs de ces paystournent le dos à la vérité profonde desgens. Certains cinéastes d'Amérique

Latine (et pas seulement pour ce qui estdu cinéma nuovo des années 60-70)savent qu'entre le documentaire en pro­fondeur et la fiction, il a quelque chosed'important à faire.

Vous avez écrit dans un article: «Enpays d'Islam, ce qui reste précieux, con­crètement uûle..., c'est l'existence d'unesolidarité entre femmes». Qu'en est-il decette solidarité ?

J'ai senti que la solidarité existaitdans un schéma de tradition complet.Par exemple, prenons ma grand-mère.La société des femmes était alors unesociété de recluses. L'enfermementn'était pas remis en question, du moinsdans les villes. Chez moi, la polygamieétait l'apanage des. chefs. On avaitl'impression qu'avec l'oppression et uneségrégation sexuelle complète, les fem­mes avaient développé, dans l'espacerestreint qui était le leur, une solidaritéinstinctive que je ressens et que j'ai vécuenfant dans la relation des mères aux fil­lettes. Mais en même temps, c'est unesolidarité fondée sur une certaine amer­tume, une" certaine impuissance. Onpeut rêver d'une solidarité différente...

Il me semble que dans les années cin­quante, il y avait cette illusion que lesfemmes allaient se libérer, tout au moinsdans le Maghreb (et ceci avec, disons,vingt ans de retard sur le MoyenOrient). Cela a d'abord fonctionné dansles classes dites moyennes des villes.C'était une période d'espoirs réels.J'avais alors vingt ans. Ce dont je mesuis rendu compte, c'est que les femmes'ont tourné le dos au «harem» et enmême temps à ce que la tradition et lacohabitation des femmes avaient de cha­leureux, en croyant qu'elles n'allaientfaire que des acquis positifs.

En fait, on s'aperçoit que la divisionentre les femmes est entretenue par leshommes. Avec cette libération à l'occi­dentale, il y a peut être eu le plaisir dese sentir enfin un individu. Pour moi,et dans mes romans on doit s'en rendrecompte, la vie de couple devient unpiège. Le jeu masculin est actuellementplus fort. Avant, on enfermait les fem­mes dans. leur espace et c'est tout.Aujourd'hui, il semble qu'il y ait unesorte de peur des hommes devant ledymunisme des femmes.

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L'OEIL DU JOUR

Amina Saïd

par Hélé Béji

Pris dans une tour­mente imprévue, Sind­bad n'a pas pu accostercette fois-ci. Le moisprochain, sans faute, ilsera à quai.

VOYAGE DE SINDBAD

(Maurice Nadeau éditeur 1985)

Très beau livre que l'Oeil du jour dela Tunisienne Hélé Béji - livre grave etmalicieux tout en arabesquesde paix et de lumière, livre de contem­plation à sa manière et livre d'amourpour la grand-mère, qui en viendraitpresque à représenter l'âme de sonpays. C'est une fête pour nous lecteursconviés à partager les fascinations (etles répulsions) de l'auteur, de retourpour un bref séjour dans sa villenatale: fascination pour les êtres(l'aïeule avec sa foi tranquille de vraiecroyante et quelques autres personna­ges croisés), mais aussi pour les objets,les couleurs, les bruits, l'éblouissementde la lumière, le charme d'une portecochère ou d'une haute fenêtre, lesmétamorphoses de l'ombre sur les dal­lages du patio, la vieille ville : « blancheforêt aux branchages de pierre », lemoindre tressaillement de l'air, la magiedes lieux...

Le livre de H. Béji donne à voir toutceci et plus encore. Si le charme desdescriptions tient à leur vérité, il naÎtégalement de la musicalité des phrases,de la beauté de l'écriture. Une fouled'impressions et de sentiments semêlent que nous partageons. La duréeest bouleversée avec bonheur par le jeude la mémoire. En 253 pages et XVI cha­pitres, nous ne savons plus si c'est unejournée qui nous est donnée à décou­vrir ou bien toute une vie; si c'est unretour qui va avoir lieu ou un départ tantl'aïeule, dans sa sagesse et, dirait-on,son éternité, semble vivre dans sontemps qui « n'est qu'une image dumonde arrêté, respirant doucement ».C'est là une des forces du livre et nondes moindres : tout un univers naÎt, ourenaÎt.

Et l'on se prend à relire maints pas­sages - par pur plaisir.

Amina Saill

(Editions Tierce, Paris)

de s'identifier en tant que fem­mes à ces autres femmesqu'elles mettent en scène dansleurs livres semble aller bienau-delà des multiples barrièresqui les séparent. Alors quellesolidarité? Dans l'ensemble,note l'auteur, "tout dans leursituation, joue finalement con­tre une possible solidarité aveccelles dont elles parlent. Tout,c'est-à-dire aussi bien ce quiles sépare, à savoir leur com­mune féminitude".

Rappelant la situation dedépendance que les Européen­nes vivaient en cette premièremoitié du siècle, D. Brahimisouligne également l'ambi­guité du discours de ces fem­mes écrivains: parler desautres est un moyen d'occul­ter tout ce qu'il y aurait à diresur elles-mêmes et leur propresituation, alors que, demanière détournée, c'est aufond aux hommes européensqu'elles s'adressent en premierlieu.

D. Brahimi, qui a enseignédix ans en Algérie, travaille surles représentations du mondearabe dans la littérature occi­dentale. Elle a publié d'autresessais, dont Requiem pourIsabelle (Publisud, 1983) etMaupassant au Maghreb(Le Sycomore, 1983).

par Denise Brahimi

FEMMES ARABES-­ET SOEURS

MUSULMANES

Denise Brahimi analyse danscette étude pas moins d'unevingtaine de romans etd'essais écrits en majorité pardes Européennes entre 1900 et1953, et ayant pour sujet lesfemmes arabes. L'auteurs'attache à montrer ce quis'est passé entre Algérienneset Européennes dans unesituation historique donnée, icila colonisation francaise enAlgérie. .

L'analyse d'ouvragescomme ceux d'HubertineAuclair, Elise Crosnier, Mar­celle Magdinier ou Elissa Rhaïs(pour ne citer que quatreauteurs sur les quinze pré­sents) montre d'emblée com­ment et pourquoi ces ouvragesdiffèrent, tant par le ton quepar les réactions, à des situa­tions données.

Si de ces livres d'Européen­nes naît l'impression d'uneurgence (celle qu'il y a à abor­der certains problèmes commela polygamie, l'instruction desfilles, la prostitution, les cou­ples mixtes... ), celle-ci ne peutmasquer d'une part, la projec­tion de leurs propres hantiseset d'autre part, leur difficulté àparler des femmes coloniséessans préjugés de type colonia­liste ou "maternaliste" (néolo­gisme avancé par l'auteur etcalqué sur le terme "pater­naliste").

Les raisons de l'impossibilité

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K(jJjjijCOURRIER DES LECTEURS

Rendre justice à la femme

Bravo pour votre revue KALIMA à quije souhaite 10n9"ue vie...

Jeune femme mariée avec deuxenfants, je me permets de vous deman­der de bien vouloir nous proposer dansvotre prochain numéro; «Quand lafemme a-t-elle le droit de demander ledivorce où plutôt quand peut-ellel'avoir» bien sûr juridiquement et léga­lement.

Je souhaiterai aussi que vous procé­diez à des tables rondes télévisées con­cernant la femme dans la société enprésence de plusieurs catégories defemmes : docteurs, institutrices, fem­mes de ménage, femmes au foyer ... Jepense qu'il ya beaucoup de choses queles hommes ignorent et j'espère qu'avecvotre revue, justice sera donnée à lafemme.

Mme Khazziari Rachida,Casablanca

A CHACUN SA KALIMA

KALIMA invite au dialogue entrel'homme et la femme (. .. )

Le débat sur lequel porte l'invitationne semble accessible qu'à une frangelimitée de la société, la langue consti­tuant un handicap sérieux. Celan'enlève rien à son importance dans lamesure où les acteurs (actrices) sontdes éléments d'avant-garde qui partici­pent activement au changement. Il nes'agit nullement d'élitisme mais d'uneconstatation.

Et pour prendre part à une actionsociale qui puisse amener le change­ment, il faut une double prise de cons­cience.

D'abord être. Ensuite être libre.D'abord être. La prise de conscience

de soi a quelque chose de fantastique.Cela peut être le résultat d'un choc vio­lent. d'un traumatisme. Cela peut êtreégalement l'aboutissement d'une lon­gue période douloureuse. La prise deconscience de soi s'accompagne tou­jours d'un sentiment énivrant de libéra­tion. On se sent léger.

Le passé est perçu sous un nouveléclairage: c'est un ensemble d'habitu­des et d'idées reçues dont on a saisi lepoids aliénant et que l'on se promet de

Une très bonne initiativeEnfin une revue marocaine qui a le

mérite d'analyser ou, du moins de met­tre en exergue les nombreux symptô­mes d'un mal, qui longtemps négligé,fait partie à présent du quotidien. Cemal porte un nom: l'absence totaled'éducation et de savoir vivre.

Votre revue tente de contribuer àl'évolution des mentalités et desmoeurs; très bonne initiative ! Noussommes beaucoup à vouloir y croire,cela donne l'illusion qu'un mieux-êtreest possible.

Par ailleurs, votre revue devraitinclure une rubrique «loisirs» présentantles différents centres, clubs, associa­tions culturelles (adresses, modalitésd'adhésion, programme d'activité... )ainsi que les concerts, théâtres, showsqui se tiennent dans notre ville.

Nous souhaitons plein succès à votremagazine.

AMINA HOUMMANCASABLANCA

passer au crible de la raison. L'avenir nefait plus peur parce qu'on se rendcompte que l'on participe à son édifica­tion. On ne subit plus.

D'abord être. C'est se sentir démar­qué des autres, de tous les autres, etd'abord de l'autre soi-même fabriquépar le long et puissant conditionnementde la société à travers l'éducation. Cesurmoi comme l'appellent les Freudiens,n'est pas à rejeter puisqu'il constituel'interface avec la société. Mais il fautsavoir qu'il existe et s'en détacherquand c'est nécessaire.

Le moi, dégagé de la carapace despréjugés et de l'handicap de la mémoiregénératrice des émotions inhibitrices, vitintensément le présent. On s'intéresseà ce qui se passe ici et maintenant.

D'abord être. C'est être à J'écoute deson corps et vivre ses sens.

Ensuite être libre. La prise de cons­cience de soi est déjà un pas primordialdans la voie de la liberté. C'est le com­mencement.

Etre libre, c'est s'insérer de faconintelligente et harmonieuse dans' latrame sociale. C'est àssumer ses rôlessociaux sans ressentir une quelconquecontrainte. Certains sociologues ontcomparé le groupe humain en interac­tion à une partition musicale. On parle

Sans fard ni khol

« KALIMA » trois syllabes qui éveil­lent en nous des résonances mélodiqueset profondes. Ce mot contient plus demagie que son « homologue» fran­çais! Sans fard ni «Khol», noustenons à vous dire que ce nouveaumagazine nous a vraiment épatés. Nousavons en effet, passé un temps merveil­leux à feuilleter et dévorer non sans avi­dité votre ou plutôt notre« Kalima ». Cen'est pas du tout étonnant parce que lessujets choisis nous touchent de près. Enoutre, nous sommes parvenus, sansaucune difficulté, à déceler les traitshumoristiques qui caractérisent vosécrits, ce qui offre encore plus decharme et d'agrément. Pour cela,nous n'hésitons pas à vous souhaiter unsuccès in aeternum pour que nous puis­sions jouir encore du plaisir que nousprocure votre magazine. [. .. ]

Habri Jamal

de rapports harmonieux. Tant que l'onn'est pas seul on ne cesse de jouer desrôles: l'époux, le père, l'employé, l'usa­ger des services publics, le consomma­teur dans un restaurant, ainsi à l'infini.Alors il faut jouer le jeu, comme on dit.Je m'enfonce dans les lieux communs.direz-vous ; pourtant et pour paraphra­ser un penseur, il n'y a rien de plusaudacieux que de remettre le connu enquestion.

Etre libre, c'est savoir maintenir unedistance par rapport au rôle, ne pas lesubir.

Etre libre c'est être informé. (... )Etre informé permet de se rendre

compte de l'extraordinaire diversité (jesmodes de vie, des mentalités et des opi­nions. Il y a autant de réalités qu'il y ade consciences qui saisissent la réalité.

Notre pays est heureusement riche endiversités de par même son ouverturesur toutes les cultures. Chaque régiona ses mœurs, ses croyances, sa cultureet son mode de vie.

Etre informé, permet enfin de vivre sadifférence, après avoir découvert quecette différence n'est pas une exceptionmais la règle (... )

Brahim BensaïdCASABLANCA

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RECETTES OFFERTESPAR LA CENTRALE

LAITIERE

LES SAUCES: SAUCE SPECIALEDANONE

SAUCE BECHAMELDANONE

NOMBRE DE PERSONNES 4

TEMPS TOTAL -INCLUS PREPARATION

& CUISSON 10 MINUTES

INGREDIENTS

- 4 Cuillerées à soupe de farine fine- 2 Grands verres de lait- 2 Cuillères à soupe de beurre

ou de margarineUn peu de noix muscade, sel

- 2 Cuillères à soupe de DANONE nature

- Séparer le lait en deux récipients, le premier ira surle feu avec le beurre.

- Dans le deuxième récipient, défaire la farine dans lelait froid et rajouter ce mélange dans le premier réci­pient qui devra être déjà porté à ébullition.

- Rajouter le sel et un peu de noix de muscade tout enremuant sur le feu pendant 5 mn.

- Epaissir à volonté. Il ne doit pas y avoir de grumeaux.. Une fois retirée du feu ajouter les deux cuillerées deDANONE nature tout en mélangeant.

NOMBRE DE PERSONNES 4TEMPS TOTAL -INCLUS PREPARATION& CUISSON 15 MINUTES

INGREDIENTS

- 100 Grammes de beurre2 Cuillerées à soupe de farine fine2 Jaunes d'oeuf crus, eau1 DANONE Nature

Poivre blanc fin1 Citron et du sel fin

- Mettre dans une casserole ou un récipient la moitiédu beurre, puis la farine, (faire cela en dehors de lachal~ur du feu)

- Ajouter 1/4 de litre d'eau chaude, du sel, un peu depoivre et les deux jaunes d'oeufs,

- Poser la casserole ou le récipient sur le feu etremuer rapidement j\Jsqu'à ébullition,

- Retirer du feu et ajouter le reste du beurre et leDANONE Nature,

- Sans arrêter de remuer avec une cuillère en bois,- Finalement, ajouter quelques gouttes de citron,- Cette sauce peut être servie de préférence, avecdes viandes grillées et aussi avec du poisson cuit oubouilli.

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UNO 45 S 5 PortesMoteur FIRE 999 cm3

Vitesse maximale: 145 km/hConsommation g<fKmlh. : 4,1 1.

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Vitesse maximale: 155 km/hConsommation 90 km/h : 5,4 1

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