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Université Mohammed V FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES RABAT HESPÉRIS TAMUDA VOL. XXXIII - Fascicule unique 1995

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  • Universit Mohammed V

    FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES

    RABAT

    HESPRISTAMUDA

    VOL. XXXIII - Fascicule unique

    1995

  • HESPERIS TAMUDASous le patronage

    du Doyen de la Facult des Lettres et des Sciences HumainesAbdelwahed BENDAOUD

    * * *

    Comit de Rdaction

    Brahim BOUTALEB

    Abdeliatif BENCHERIFARahma BOURQIA

    Abderrahmane EL MOUDDENMohammed KENBIB

    Abdclahad SEBTI

    La revue Hespris Tamuda est consacre l'tude du Maroc, de sa socit, de son histoire,de sa culture et d'une manire gnrale aux sciences sociales de l'Occident musulman. Elle paratannuellement en un ou plusieurs fascicules. Chaque livraison comprend des articles originaux, descommunications, des tudes bibliographiques et des comptes-rendus en arabe, franais, anglais,espagnol et ventuellement en d'autres langues.

    Les textes, dment corrigs, doivent tre remis en trois exemplaires dactylographis, endouble interligne et au recto seulement. Les articles seront suivis de rsums dans UDe languediffrente de celle dans laquelle ils sont publis. Les textes non retenus ne sont pas retourns leursauteurs. Ceux-ci en seront aviss. Les auteurs reoivent un exemplaire du volume auquel ils aurontcontribu et cinquante tirs part de leur contribution. Les ides et opinions exprimes sontcelles de leurs auteurs et n'engagent en rien Hespris-Tamuda.

    Le systme de translittration des mots arabes utiliss dans cette revue est le suivant:

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    Voyelles brves

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    Diphtongues

    Pour toute demande d'abonnement ou d'achat, s'adresser au Service des Publications, desEchanges et de laDiffusion, Facult des Lettres et des Sciences Humaines, BP. 1040, Rabat.

  • HESPERIS TAMUDAVol. XXXIII, Fasc. unique

  • Universit Mohammed V

    FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINESRABAT

    ;

    HESPERISTAMUDA

    VOL. XXXIII - Fascicule unique

    1995

  • Tous Droits rservs il la Facult desLellres et des Sciences Humainesde Rabat (Dahir du 29/07/1970)

    Dpt lgal W 31/1960ISSN 0018-1005

    Composition: Nouzha BOUSFIHATirage: Imprimerie NAJAH EL JADIDA

  • HESPERISTAMUDA

    Vol. XXXIII, Fasc. unique

    SOMMAIRE - SUi\lARIO

    1995

    Daniel RIVET. - Jacques Bcrque (1()90-199S): un aventurier de l'intelligence,de l'Atlas l'Euphrate 7

    Mohamed ALMOUBAKKER et ABDERRAIIIM BEN HADDA.-Mohamed Yakhlcf (1944-1995) 17

    ARTICLES - ARTICULOS

    Halima GIIAZI BENMAISSA. - Encore ct toujours sur la mort de Ptolme,le roi amazigh de Maurtanie 21

    Kathrine BENNISON. - The Relationship between MawIay cAbd ar-Rahmanand cAbd al-Qadir: Manipulation of the Concept of Jihad: the Dynamics ofRu!eand Opposition in 19th Century North Arrica 39

    Feu Mohamed YAKlILEF. - Repercussions politiques Fs des vnements deMkns du 2 septembre 1937.......................................................................... 57

    Abdeslam CIIEDDADI. - L'Islam comme objet d'histoire en Occident, du XVe la premire moiti du XXe sicle................................................................... 71

    Mustapha NAI\II. - Nul Lamta, tableaux difiants 83

    NOTES ET DOCUMENTS - NOT AS Y DOCUMENTOS

    Brahim AFATACII. - Le manuscrit de la lgende de la fondation de Tiznit :traduction annote ct commentaire 119

    COMPTES - RENDUS BIBLIOGRAPHIQUES -RESENAS BIBLIOGRAFICAS

    Halima FERHAT, Sabla des origines au XIVme sicle (BernardROSENBERG ER). '" 129

  • Mmorial Germain Ayache (Mohammed EL MANSOUR)........................... 135

    Shlomo DESHEN, The Mellah Society - Jewish Community Life in SherifianMorocco (Mohammed KENBIB)..................................................................... 136

    Mohammed ENNAJI, Soldats, Domestiques et Concubines L'esclavage auMaroc du XIXe sicle (Khalid BEN SRHIR)..................................................... 139

    Rudibert KUNZ und Rolf-Dieter MLLER.- Giftgas gegen cAbd el Krim :Deutschland, Spanien und der Gaskrieg in Spanisch - MoroUo (1922-1927)(Brahim BOUTALEB).................................................................................. 143

    Mohammed KENHIB, Juifs et Musulmans au Maroc 1859-1948. Contribution l'histoire des relations intercommunautaires en terre d'Islam (Daniel RiVET).......... 146

    EN LANGUE ARABE

    Mohamed GHALI~M.-Ash-Shaykh et la rvolution franaise: regards d'un savantalgrien contemporain de la rvolution de 1789................................................. 7

    Aomar AFA.- Les conditions historiques du dveloppement de l'alimentation: casdu Ss la fin du XIXe et au dbut du XXe sicle.............................................. 21

    Abdelaziz EL KHAMLICHI.- La manfaca de la pche de l'alose dans leBouregreg (1701-1993) .

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  • JACQUES BERQUE1910-1995

    Un aventurier de l'intelligence,de l'Atlas l'Euphrate.

    Il faut beaucoup d'assurance, ct peut-tre mme de la prsomption, pour parler del'uvre de J.Berque, dcd le 27 juin dernier. L'uvre est immense: une vingtained'ouvrages, une myriade d'articles ( lire dans leur version originelle ct non dans \cs recueilsultrieurs aprs discrte retouche), une foison de traductions dans des registres allant du textefondateur la posie contemporaine... Berque : d'abord un travailleur acharn, un forat del'criture... L'homme, cie plus, tait complexe: plusieurs personnages l'ont habit. Et c'cstsous cet angle, celui de la pluralit des Berque dans la temporalit, que nous essayerons derestituer un parcours scientifique ct intellectuel prestigieux, mais dont il ne convient d'liderni les asprits, ni les obscurits, encore moins d'effacer les gl issements d'itinrairesouterrains.

    Ce qui tient l'uvre, cc qui lui confre une unit interne par-deUI ses variations, c'estque Berque fut un aventurier de l'intelligence, sc laissant porter par la vague de l'histoire sansse faire renverser avec elle, absorbant \c roulement des problmatiques ct la succession desterminologies sans tre tributaire d'elles de ,nanire voyante. En imprimant aux manires depenser, de chercher, qui s'grnent depuis plus d'un demi sicle, sa marque propre: celle d'uncrivain orpailleur de mots rares ct prcieux et ciseleur de formules blouissantes quifusaient chez lui comme des clats de lave incandescente jaillissent d'un volean enbullition. Faites l'exprience d'ouvrir n'importe o deux textes de Berque, n'importelesquels, crits aux extrmits de son aventure intellectuelle: c'est toujours cc ton uniquequi n'appartenait qu' lui, cc phras si particulier recherch au prix, parfois, de l'affterie,cette vibration de l'criture o la sensualit le disputait l'intellectualit, cc style baroque,juteux, orgueilleux, rduisant en poudre le langage commun pour le recrer. .. Un arabologueseul pourrait dire cc que cette langue si manire, si travaille dut la familiarit avec lagrande langue arabe - al lu.gha al qadima qui l'avait - affirmait-il - "mang" ct qu'il voulaitfrquenter comme on sjourne dans la "maison de l'tre" avec une sorte de vnration o ilentrait du religieux. Ce got des assonances, celte emphase majestueuse, celte traque de laformule incantatoire, certaines mtaphores... autorisent peut-tre qualifier Berque d'crivainlatino-arabe? Hypothse que seul un linguiste Ulbli dans les deux langues serait susceptiblede vrifier, de dmontrer...

    Le premier Berque est un homme jeune peine sorti de l'tui du jeune homme ct enpleine pousse ascensionnelle de l'intellect, qui sc coule dans le cours dj tranant, ctbientt finissant, du protectorat franais au Maroc. Il sc plaisait faire ressortir qu'il taitentr au "Bureau arabe" au moment de la disparition de Lyautey en juillet 1934 ct qu'il enpartit lors de la dposition force de Mohammed V en aot 1953. A cc titre, il estsuccessivement (cette numration sche s'impose pour contrebalancer la stylisation de sonexprience dans ses "Mmoires des deux rives", Seuil, 1989) adjoint en 1934 cl Boroudj(les tribus moutonnires des Beni Meskine ct l'immersion dans la langue bdouinearchasante) puis en 1935 Souk cl Arba dans le Gharb (la dcouverte du mu.t az-zuja

  • .fAC(,1liES HEIlQI,E ( 191019'))

    craliculLcur cL l 'observaLion de rminiscences cie savoir-faire horLicole cI'origine andalouse).De 1936 1939 il esL en posLe Fs en mcIina eL charg en particulier cI'Ludier cIes mesuresconservatoires de l'artisanat local dvast par la crise. A Fs, il esL bloui par la ciladinitqui mane de la vieille ville h(l(Ctri eL il se perfectionne en arabe classique avec un CalimoCLognaire Lout en Ltant cIj~l de ceUe fameuse cole jurisprucIenLielie multiscuiaire (leca/im de Fs) o il puisera I,mt pour comprendre l'inLrieur cIu Maghreb. De 1940 1943, levoil chef de circonscripLion Had Koun clans le hauL Gharb. Il chappe ainsi au dsasLre dejuin 1940 et n'escortera pas "lexportaLion hroque cIes goums" dc Monte Cassino auDanube. En 1943 d'ailleurs, il esL promu la scction poliLique de la DirecLion des affairespoliLiques, ce minisLre de l'intrieur renforc de la forteresse coloniale. De 1945 1947 il endirige le bureau d'tudes. A ce titre, il est associ l'exprimentation de Loutes les rformespar lesquelles le milieu rsidenLiel s'erforce cIe remeure en mouvement la machine grippe duProtectorat l'preuve du commencement du temps cIe la cIcolonisation. Il conoit et pilote,de concert avec l'ingnieur agronome et inspecteur du Tertib, Julien Couleau, la rameusetentative des "secteurs cIe modernisaLion du paysannat", sur laquelle il a livr sa version,faisant des iniLiateurs de cet essai de remodelage compleL des campagnes marocaines, despionniers incompris en leur temps et des vicLimes des inLrLs de la grande colon isation.Aujourd'hui on sera surtout sensible au volontarisme quasi dmiurgique qui inspiraiL celleexprience livranL le groupe rural cIe base la toute puissance du technicien ct la socitrurale aux alas du "saut brusque" d'un taL de civilisation agro-archaque 11 un tat ciecivilisation agro-machiniste, dont on a pu i:lesurer ailleurs les dsasLreux errets humains.Curieux projet d'ailleurs que ces SMP o se superposenL J'uLopie phalanslrienne rouririsle,la rverie de communauLs agraires solidaires cL porteuses d'une lradiLion civique et l'idal deJ'ingnieur social refabriquallt avec du vieil homme un homme nouveau rgnr par l'accs11 la civilisaLion technicienne. Jacques Berque s'y rvle 11 la croise des chemins mi-experthydraulicien 11 la raon d'un bLisseur de la fcnnessee valley aUlhofily, mi-commissaire dupeuple russe agissant dans un grand dgagemenL de fraternalisme autoritaire sur deskolkhoziens kirghil.es ou turkmnes. Des formules saisissantes jaillissent de ses critsprparatoires oujusLificaloires: "hisser la djemaa sur le tracteur", "le tracteur ne sera pour lefellah qu'une espce de khams 11 chenilles", elc.. La force d'attracLion et l'clTct de rpulsionde ceUe tentative des SMP sont eI1lretenues par ces quivoques smantiques si brillantes.

    L'audace de Berque LransparaL galement dans sa noLe du 1-3-1947 plaidant "Pour unenouvelle mthode politique de la France au Maroc" souvent sollicite comme une bote citations par ses IecLeurs, mais dont il faut faire ressortir le contenu intgral. V. Monteil etCh. A. Julien en particulier mtamorphosent Berque en Cassandre praticien extralucide duProtectorat: "Suprme erreur ou suprme hypocrisie: le vrai ordre ici seraiL que nous n'yfussions pas", "Le Maroc est un pays o l'autorit est un postulat administratif. On n'yparle jamais de "conLrle de l'autoriL", mais "d'autorit de contrle", "tandis que nous nousengageons dans la domination policire et J'opacit des vieux tyrans: Autrichiens dans laPanne de Stendhal" ... Soit, mais ce qui ressort surtout de ce Lexte crpitanL de constats et depropositions, c'eSL le propos: Lout faire pour que la France ne soit pas rejete la mer par lapousse convergente des tribus, du sultan et de l'Istiqlal dops par l'irruption du "libralismes-pays dpendanLs" que propagent les EtaLs-Unis. Contre la conjonction de fait se nouant,selon lui, entre, d'une part, 1"'Orientalisme" (le sultan plus le nationalisme bourgeois) et,d'autre part, le "Colonialisme" (le protecLorat en version dure), Berque propose d'inaugurerune alliance entre Marocains francophiles (disponibles de la montagne berbre au

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    no-proltariat ct aux intellectuels lacisants en ville) ct Franais progressistes (sur laminceur numrique du contingent il n'a pas beaucoup d'illusions). Berque charaudegalement une bauerie de contre- l'eux qui anticipent les "rformes" des gnraux .J uin ctGuillaume. Il Caut esprer la publication de celte note de 62 pages, le seul document ayantstatut d'crit politique qui ait t produit sur le Maroc depuis Lyautey par un praticien duprotectorat.

    De 1934 1947, Berljue ne promne pas seulement au Maroc son dsenchantementd'arriver trop tard dans un Maroc de sous-prfecture aprs le dpart de Lyautey (cl'. "L'entreau Bureau arabe" in Nomades ct vagabonds. 10-lX, 1976). Il se rvle un brillant praticiencolonial dont la carrire se dplie avantageusement. Mais aussi d'emble un connaisseursavant de la socit: Durkheim et les Annales d'histoire conomique et sociale sous le bras.A 26 ans il y publie son premier article d'histoire sociale sous le regard attentir de MarcBloch. Et ses premires esquisses d'histoire rurale le rv!cnt dj tout entier: uneintelligence charnelle qui s'insinue par effraction dans la ralit, ne la restitue pas dans saglobalit, mais s'attache au dtail qui rait sens et l'interprte avant mme de l'avoircompltement reconstruite tout en restituant la saveur avec un nair aiguis par le contactmaintenu avec la grande liurature... si bien qu'il rait sentir l'odeur rorte de suint et derumure qui mane des Beni Meskine et penser derrire la rausse simplicit biblique de cespasteurs leur complexit socitale vertigineuse...

    Et 1947 : la nomination de Berque Imintanout est une disgrflce ou plutt est laranon de la guerre l'roide qui rrappe l'expert prconisant la reconstruction socialiste duMaroc. L'homme la prend de haut en juger par sa correspondance avec Robert Momagne,son mentor l'ellicace duquel il rendra un hommage posthume distrait et press. Ce renvoi la base est en c.llet pour lui prtexte et occasion de se lancer dans le genre de la thse auquelil se plie non sans se cabrer. Rapidement il se rixe sur l'tude d'un district en montagne:"La tribu (si l'on peut dire) des Seksaoua ... est de beaucoup la plus riche sociologiquement..Je l'ai en prise par la chikaya et le tribunal coutumier" (.1. Berque R. Montagne,25-3-194X). Cet aveu sur la manire dont Berque captura son savoir est meUre encorrlation avec le liminaire de la thse insistant sur le mutisme des "j'ils du schiste noir"atlassique, qui n'ont pas encore got l'arbre de la parole. Quant l'administrateur se raitethnographe, quel qu'il soit, il escamote les prothses contraignantes qui ont construit sonsavoir lorsqu'il expose sa recherche.

    Les StmClU.res sociales du f faUl Atlas (PUF, 1955) constituent une partition baroqueaprs l'essai construit comme une cathdrale gothique que Montagne avait consacr la citchleuh. Osons le dire: un ouvrage visit par l'esprit. Berque inspir, mais roisonnant, estretenu et endigu par l'exigence de construction que sous-tend l'exercice de la thse. Ce livrebondissant est crit dans l'inquitude et la jubilation, port et aiguillonn par la fin duProtectorat, comme si la dcomposition du systme exasprait la capacit de Berque retrouver les fils du Maghreb comme tissu continu et interprter l'agencement de sesmotirs.

    L'inquitude: elle perce dans les lettres adresses Montagne. Dans la note du1-3-1947 il s'interrogeait: "Un Maroc non libre, un Maroc non rranais nous paraissentgalement impensables. Mais comment concilier notre permanence et l'mancipation

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    indigne ?" Aprs les terribles "journes" de Casablanca (7-8 dcembre 1952), il n'a plusgure d'illusion sur l'avenir du protectorat. Il opte ds lors carrment pour le deuxime termede l'alternative qu'il S'Ulit mnage: action et intellcctation. L'Orient vers lequel le presse des'engager Montagne s'offre lui comme une porte de sortie honorable. Un poste de l'Unescoen Egypte, le temps de raliser une superbe monographie sur le village de Sirs AI-LayyztO(Histoire sociale d'un village gyptien au XXme sicle, La Haye: Mouton, 1957),bellement illustre par les croquis de Lucie Berque, son pouse. Mais il ne s'anarde pas enEgypte. Sa nomination au Collge de France en 1956 le surprend en pleine phase demontage d'un centre d'lUdes de la langue et civilisation arabes Bikfaya au Liban.

    La jubilation: dans son essai consacr aux Seksaoua, Berque enfin peut dployer seshypothses encore demi formules et peaufiner sa mthode procdant d'une combinatoirefonde sur la mise en correspondance entre l'exploration visuelle des paysages agraires,l'investigation des ressources smantiques de vieux grimoires et l'observation presque tactiledes vivants aux champs, dans les assembles de la laqbill ou les prgrinations religieuses.Cet essai doit, bien sr, la familiarit avec Mauss (la recherche du "fait social tOlal"), lesfondateurs des Annales et le Braudel rvl par la thse consacre la Mditerrane. Unabsent de marque et une rfrence par prtrition. L'omission, c'est E.F. Gautier dont legrand ouvrage sur les sicles obscurs du Maghreb n'est pas mentionn dans la thse deBerque, qui, par ailleurs, rend hommage un gographe moins compromettant: Vidal de laBlache, "cc magistral exgte des socits mditerranennes". Celle lision de Gautier faitproblme, quand on connat l'hypothse de Berque selon lequel la montagne haut-atlassiqueconstitue le bastion conservateur d'une civilisation archo-mditerranenne, dont les traitsmarquants ont t rods par la civilisation bdouine et la remonte inhrente des inOuencessahariennes. La rfrence implicite, c'est Lvi-Strauss, dont la thse publie en 1948constitue peut-lre la statue du commandeur dans celle de Berque. Car, dans le fait que lesSeksaoua n'aient pas la porte exemplaire des Nambikwara et ne puissent enrichir unetypologie des socits archaques, il yale dsappointement de ne pas inventer un cas defigure nouveau et la salisfaction d'tre en prsence d'une ralit bien plus complexe,chappant la modlisation et l'ethnologisme et participant l'histoire, ct mme la trsgrande histoire. Pointe ds lors chez Berque l'inluition trs forte qu'il faut dsenclaver leMaghreb, parent pauvre de l'orientalisme et terrain ignor par l'histoire sociale, et lerintgrer dans la science sociale de son temps: un objectif auquel s'emploiera le coursprofess au Collge de France durant un quart de sicle exactement.

    Dans ceUe thse magnifique s'attachant, par del la combinatoire dj voque, dfinir chez les Seksaoua "une sorte de grandeur mthodologique", on retiendra quatre volets.

    D'abord la visualisation extraordinairement suggestive d'un paysage o l'adhrencequasi gologique de l'homme la pente aboutit la construction d'un terroir faonn par uneffort cyclopen. Toutefois les Seksaoua, claquemurs dans leurs vallons si haut perchs, nesont pas des montagnards par vocation, mais par restriction. Ce sont mme des pasteurscontraris qui ont d, pour se muer en horticulteurs, s'adapter un "systme mutil" parsuite de J'amenuisement des aires et des cycles qui les avaient fait accder avant le XIIIesicle la grande histoire.

    Ensuite l'interprtation du systme hydraulique la fois produit social de la cit(laqbilt) et garantie de prservation d'un systme politique condamn se maintenir ou

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    clater, mais incapable d'voluer. Le systme de distribution des caux, tantt gentilice (partours de rle familiaux), tantt topographique (irrigation par pices contiges) est rgi parun mcanisme d"'orchestration parcellaire" mnag pour maintenir l'quilibre dans l'accs l'cau, ct donc la terre, entre familles agnatiques : il s'agit de "faire de l'quit sociale avecdes hasards naturels". Ici Berque dvoile une des hypothses auxquelles il tait le plus attach: qu'il y a disproportion entre le dnuement des techniques ct la complexit du mcanismed'horlogerie rgissant le lien social. En somme ces petites rpubliques du Haut Atlas sont"des monstres d'ingniosit sociale".

    Ensuite ct encore qu'il n'y a pas de frontire anthropologique entre Berbres et Arabes,mais, comme en tmoigne le droit soi-disant coutumier, un quilibre transactionnel entre lefonds local ct l'apport oriental, l'azref et le shra'a. Observons que cc constat t vrifi etaffin sur d'autres terrains, en particulier par Larbi Mezzine dans le Tafifalt ct Houari Touatidans le Maghreb mdian au XVIIe sicle.

    Enfin, en cherchant Dieu chez les Seksaoua, Berque observe un U1gement du sacrallant du naturalisme au niveau du groupe en fusion au mysticisme qui reprsente pourl'individu en rupture d'attache un moyen de parvenir une comprhension du mondechappant l'horizon local ct d'accder l'universalisme musulman. Si les pages consacres la mise en relation entre les noms de groupe (l'onomastique) ct des noms de lieu (latoponymie) sont les plus serres ct les plus importantes pour comprendre la morphologiesociale dans le Haut Atlas, celles portant sur le rcJigieux sont peut-tre les plus inspires.Qu'on relise la description des plerins qui, en proie au trmendum, dvalent dans la nuitl'escarpement conduisant au sanctuaire de Lala Aziza, la sainte protectrice du lieu: l'motionnat ras du texte, s'empare de vous alors que les mots fusent l'un aprs l'autre, comme lespierres sous les pieds des Seksaoua dgringolant de la montagne.

    Le deuxime Berque correspond, grosso modo, l'exercice du professorat au Collgede France et, historiquement, l'affirmation sur la scne mondiale, puis au dclin ct l'clatement du Tiers-monde. L'actualit s'impose Berque, autant que l'intitul de sa chaireau Collge: histoire sociale de l'islam contemporain. En attendant, vingt ans aprs, lapublication de L'intrieur du Maghreb, Gallimard, 1978, juxtaposant ct fondant des plongesmonographiques opres et l dans les coles jurisprudentielles, les confrries, le beylikottoman ct le makhzen marocain du 15me au 19me sicles, Berque prend cong de lalongue dure ct du Maroc en soi ct pour soi dans le superbe essai qu'il consacre Al Youssi.Problmes de la culture marocaine au 18me sicle, Mouton, 1958. Curieusement cc petitbijou (osons ici le clich) est le seul ouvrage de Berque accessible au profane ct apprenant l'ignorant: comment devient-on un calim, qucJ outillage intellectuel ccJa implique ct, quandon vient du Sud, au prix de quelle tension ct de quelle transe? Et tout ce questionnementdvoil travers l'itinraire singulier d'un homme, qui parvient au type: celui du lettr venude la priphrie, insurg ct fondateur, ct qui finit par s'imposer aux culama de Fs ("matresgrasseytlts, au geste orn, au dire sentencieux, la dvotion mfiante") ct rconcilier uneculture de terroir avec le savoir de la grande tradition.

    AI Youssi est un point d'arrive gorg par l'rudition tire d'une dj longuefrquentation avec les nawazil. Berque va rebondir dans le courant des annes 1960 avec deuxmatre-livres symtriques en quelque sorte: ceux qui, croyons-nous, chapperont le plus la

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    Conjointement le connaisseur incomparable du Maghreb sc mue en mandarin oraclesur le moncle arabe sc retranclwnt dans un "splenclide isolement" conceptuel autant queinLra-m()m!ain. Ouvrons son "A!-Ma'dani, rad'min a('-Cunna" ... traduction en ul:e be;llelangue mordore ct comment,lire fort, subtil d'un nmvozi!, publi en 1949 (.!.ClIhonel,Alger). Berque rcmercie sur un IOn cie confraternit vibrante pas moins d'une clizainc clcconclisciples. Le Fran(;ais cI'Afrique clu Nord en qute cie reconnaissance iIllelleetuelle ct lecommunisant il l'arclcur plbiennc sc mircnt clans ccUe clclicace il rehonds ,lrclents ct dans lecommentaire annot il l'intclligcnce collgiale. Trente ans plus t"ml feuilletons L'inliellr duMaghreh, cc livre important, parce qu'il signifie. chu. Berque son aclicu il unTiers-monclisme Ilam[)oyant ct son retour il la pratique cie l'intelligence du rel ct de l'criturede l'histoire rudite. De la pliadc clcs brillants chercheurs qui entre temps, s'est rvle, iln'est point question ou si peu: Mohammed Hdi Cherif, Abdallah Laroui, Lucelle Valensien particulier. Des gr'l11ds interprtes ,111glo-saxons qui renouvellent une approche encore tropstrictemenL franco-maghrbine cie l'Afrique du Norcl, il n'est f,lit mention qu'obliquementpour maintenir en l'tat une vision clu fait tribal qui, pourtant, ne peut l'aire l'conomie de lalecture par le biais cie la segmentarit ,lU risque clu provincialisme pistmologique. De faonplus illustratrice encore, Massignon, qualifi cie son vivant cie "shaykh aclmirahle" n'apparatque dans une occurrence en note cie bas cie page (p.268) pour tre assez vilainement housculsur la tracluction d'un vocable appartenant au lexique de b pmenl clans le moncie arah~.

    L'ccuvre sc boucle sur clic-mme, sourde non pas aux glissements d'poque, que nonpas!, mais au clplacement cles questionnements ct cles conceplllalisations qui avaientdiscrtemenL color la ck\marche de Berque: 1,1 grille cie !Cclllre stJuetuI,l1o-marxienne el lacritique cie la socit industrielle ct cie la raison instrumentale par les philosophesposl-heideggeriens. Il manque dsormais dans cette pense lOujours en haleine cette thiquede J'admiration ct cie la reconnaissance par laquelle un gnlncl esprit sc procl,lme l'otage de sesprdcesseurs, le contemporain solilaire mais solidaire cie la partition collective qui se jouelongitudinalement ~\ ses avances ct l'inspirateur cie ses successeurs. Non: rien avant lui, rienil ct de lui, rien aprs lui.

    Le deuxime Berque avait magistralemenL mis en lumi:rc le passage cles Arabes,scion son dire, clu s,lcral l'historique. En particulier clans Les Arahes d'hier demain. Seuil,1961. Au risque seulement cI'une stylisation ontologique des Arabes ct d'une ethnicisaLionrigeant un peuple-culture en tribu-nation, comme cela n'avait pas chapp au regard acrd'Abd cl Kbir Khatibi (dans Les re/ll/}S /Ilodernes en 1(76). Le troisime ct demier Berquecorrige, sinon rature, celle assertion sous la pression, non pas d'on ne sait trop quel retour ciel'Islam qui en ralit n'avait jamais quitt la scne, mais de l'mergence fracassante del'islam-politique brandi on le sait par le biais cie quelle manipulation idologique en religionsculire sc substituant au nationalisme arabe dl'aillanL pour assumer le dsenc.lanteIi1ent dumonde prsent.

    Dans une confrontation de points de vue avec Louis Massignon organise en 1960par la revue Esprit Berque avait object au vieil orientalis1C admiratif ct dubitatif: "II estpossible que les Arabes que vous avez aims ne soient plus tout il l'ait ceux que je rencontreet que j'aime". Choc de deux gnrations autant que de deux tempraments: Nasser contreFayal, les Arabes entrans irrsistiblement dans la "profanation du monde" contre lesArabes derniers tmoins de l'hritage abrahamique. Vingt ans plus tard, c'est au tour de

  • 14 .JACQUES IlERQUE (1910-1995)

    Berque d'tre dpass par l'histoire immdiate et dbord par une nouvelle gnration depolitologues et anthropologues, qui pratiquent allgrementlc meurtre du pre_ L'changeardemment invoqu "entre un islam du progrs et un socialisme de la diffrence" n'aura paslieu. L'ijlihad que Berque presse les lettrs de l'islam d'oprer s'ajuste seulement sur le modede l'aggiornamento no-fondamentaliste. Le retour en commun non pas aux chnesabrahamiques de Membr mais aux spculations d'Hraclite reste une formule incantatoire.Berque opre une reconversion l'islamologie, mme si sa vise est d'en dgager, sous ledonn du texte immuable, l'orthopraxis changeante. Sur sa traduction du Coran, nous nenous prononcerons pas. Pour ce faire il faut, comme lui parler l'arabe de l'intrieur. Maisnous avons frquent, d'assez loin il est vrai, L'Islam au dfi (Gallimard, 1980) et L'Islam autemps du monde, S indbad, 1984). Assez pour retrouver intacte la voix du vieux shaykh etadmirer son tte tte tourdissant d'rudite sympathie avec l'islam-civilisation et non plusl'islam-socit. Assez galement pour regretter le soliloque que Berque entretient dsormaisavec ses Arabes et ses Musulmans. Berque s'aventurant dans une hermneutique de l'Islamignore et le renouvellement des approches des textes sacrs par les thologiens allemands(sur la lance de Bultmann et du courant de la dmythologisation par exemple) et le dbat surle christianisme religion de la sortie du religieux et de l'nonciation de la modernit nouentre Max Weber et Emile Trocltsch. Bref toute la nouvelle approche du phnomnereligieux diffuse dans les mondes anglo-saxon et germanique et dont l'excellente revueArchives des sciences religieuses s'est fait l'cho dans le monde francophone. Ces oublisconfinent la comprhension de l'Islam par Berque dans une sorte d'acadmismeno-orienLalisant prodigieux d'rudition et port au plus haut par le jaillissement d'intuitionstoujours vives.

    Le dernier Berque revendique le rle de passeur privilgi des cultures entre les deuxrives. Paradoxalement il propose sur le tard la jonction entre latinit et arabit, qu'il avaitconteste au temps de la dcolonisation. Dans Le Maghreb entre deux guerres il soutenaiten substance que la France avait t la Rome de l'Afrique du Nord plie au joug colonial,alors que sa vocation et t d'en constituer l'hellnisme. Dernire retouche confesse mi-mots: l'homme revendique son appartenance au catholicisme romain sans expliquer ceque ces retrouvailles avec la foi de son enfance ont pour effet clans sa comprhension del'Islam.

    Bref le Berque entr en orientalisme t

  • DANIEL RIVET J 5

    personnage du reclus dans sa thbale landaise, culLivam son dernier rle: aprs l'ingnieursocial du protectorat et l'expert-militant du monde arabe, le romantique hros des deux rives l'poque o nous sommes o, enfin, il y a de la douceur raconter la duret de l'recoloniale. Massignon, au style cristallin, il la phrase translucide, Berque, au style baroque, la phrase surcharge. Massignon, le mystique LOrtur dom, sous la couche paisse del'uvre, transparat en filigrane l'anima ou, si on prfre, ar-R!1J. Berque, l'gotiste parmoments gnial qui joua de manire romanesque sa vie au creux, puis au sommet del'aventure du monde arabe et caressa avec virtuosit l'histoire dans le sens du prsent avantd'tre dpass par celui-ci. Massignon, le savant obnubil par la leon de monothismerklivre par l'Islam et l'homme de plume, nous bouleverse. Berque, l'orientaliste fru descience sociale ct l'crivain, nous blouit.

    Daniel RIVET

  • 1\1011 AI\IED YA K Il LEF1944-1995

    La disparition brutale, en pleine force de l'fige, de Mohamed Yakhlef, porte un couptrs dur aux tudes sur les municipalits marocaines au temps du Protectorat auxquelles il aconsacr deux thses trs fouilles, l'une sur Sef'rou (1986), l'autre sur Fs (1990). Elleafllige aussi profondment ceux qui ont connu l'homme avec ses multiples dimensions:l'universitaire, le miliwnt, le responsable politique, le savalll, l'homme tout simplementaux qualits si rares. rvLllgr sa discrtion qui relevait sans doute d'une grande pudeur ct d'unerclle modestie, M.Yakhlef n'Ulit ni un homme secret ni un homme renferm. C'tait toutsimplement un homme srieux qui aimait le travail bien fait, qui exigeait beaucoup delui-mme ct des autres. Il laisse il ses collgues du dpartement d'Histoire de Fs le souvenird'un homme allachalll qui parlait avec franchise mais sans agressivit, toujours avec unegrande douceur ct surtout avec la modestie des grands savallls ct des grands militants. De sonactivit de militant, justement, et des preuves qu'il a endures, il avait acquis uneexprience ct des qualits qui l'ont marqu dans l'exercice mme de son mtierd'enseignalll-chercheur. Elles ne l'ont jamais aigri, ct sa lucidit politique, ct son sens de laresponsabilit l'on beaucoup aid il dpasser les comradictions quotidiennes sans sacrifier lesprincipes.

    Ses lourdes charges il la tte de la municipalit de Sefrou et au Parlement ne l'ontvritablement jamais loign de sa passion ]Jour la recherche historique ct n'ont pas arrtson activit d'enseignalll chercheur. Non seulement il avait tenu il garder ses cours et sestudiants de Licence ct de 3 cycle, mais il sc faisait un devoir d'assister aux runions dudpartement, alors qu'on savait qu'il wit partag entre trois ou quatre villes o sesengagements l'appelaielll ct entre lesquelles il faisait la "navette". Bien plus, engag dansune action intgre avec l'I.R.E.M.A.M., il a toujours accompli sa part de travail dans unesprit d'quipe admirable.

    Si nous avons insist sur les activits extra-universiwires de Mohamed Yakhlcf, c'estpour mettre en relief' tout l'impact qu'elles eurent sur ses travaux de recherche et sa carrired'enseigant. Les deux activits (~taient en vrit si intimement lies qu'on ne saurait trouvermeilleur exemple d'un "travail de terrain" sur les municipalits du Maroc du temps duprotectorat non seulement le chercheur connaissait directement ses archives et sesdocuments, mais il les a lui-mme le plus souvent rprtoris ct classs pour pouvoir lesutiliser et en faciliter l'utilisation pour les autres. Nos regrets n'en SOlll que plus grands,d'avoir perdu une comptence d;ms le domaine de l'histoire municipale, vritable discipline laquelle il commenait il peine il intresser ct il former quelqucs tudiants. II a montr lechemin il ses jeunes disciples Cl leur a ouvert de larges perspectives d'cnqute sur les archivesde l'administration locale ct municipale du Protectorat.

    Les deux travaux essentiels de l'vlohamed Yakhlef n'ont malheureusement pas eneoret publis. Lui-mme n'a pas cu le temps de le faire, ce qui est un regret supplmentaire,car, s'il avait pu le faire, il aurait su mieux que quiconque apporter les prcisions nccssairesct les mises il jour utiles, notamment par l'adjonction de certaines sources localcs qu'ilprojeulit lui-mme de revoir. Le destin en aura dcid autrement, ce qui n'enlve absolumenL

  • rien ~lla valeur intrinsque des deux travaux ct ne doit en aucun cas diffrer leur puhlication.Les trois tomes de la thse sur la municipalit de Fs sont non seulement une mined'information de premire main sur Fs pend;ull le proleCiorat, mais encore un modle demthodologie ct d'approche renouvele cie celle priode historique esseIllelle. D'emble, enilllroduction, le legs colonial est considr comme une partie cie l'histoire nationale dont"l'intgration conscieIlle doit sc faire ... clans l'intrt du prsent ct du futur, sans cemplexe ctd'une faon naturelle". Auilllcle qui annonce S,lIlS doute la critique des aberrations coloniales,mais qui juge galement ~l leur juste v,lIeur "certains rles importants de la modernit"vhiculs par le "modle universel de la modernisation" illustr par ce mC:me co\oni'llisme.Attitude, aussi, qui a en vue le prsent, c'est il dire "ces systmes (de la prioded'Indpendance) qui sc modifient par raction il celte modernit ct qui la manipulent". On levoit, l'historien ne tourne jamais le clos au prsent; sa rflexion, son questionnemelll dupass prennent appui sur ses engagements de militant ct d'homme politique. D'o, noussemble-t-il, j'imrt de cette uvre malheureusement inacheve d'un historien "engag" Clpossdant les ficelles du mtier.

    M. ALMOUBAKKERA. BENHADDA

  • ARTICLES

  • IIcspris-Tamuda, Vol. XXXIII, (1995), pp. 21-37

    ENCORE ET TOUJOURS SUR LA MORT DE PTOUtiVIItE, LE ROIAMAZIGII DE MAUI~TANIE

    Halima GHAZI BEN MAISSA

    Petit-fils de Juba 1 du ct paternel, de la grande C1opfltre et de Marc Antoine duct maternel, fils du Roi Juba II et de la Reine ClopLre Sln, Ptolme est n vers 6/5avant J.-c. Il perdit sa mre peu de temps aprs1. Il est probablement fils unique; lesSourees ne mentionnent en efret que lui comme fils de Juba 112.

    Nous possdons trois portraits diadms du Roi, en bon taL3. La ressemblance dePtolme avec Juba y est frappante4. Le premier le reprsente il l'fige de 10/12 ans; ledeuxime il l'fige de 15/16 ans: le tJoisime est cc,!ui d'un jeune homme ayant un peu plusde vingt ans. La chevelure est abondante, les mches lgrement ondules ct tombantesrecouvrent il moiti le front. Les sourcils, relevs il l'angle externe de l'cciI, dominent unepaupire suprieure ourleS. L'cciI est "enfonc dans l'orbite"6: quant il la paupireinfrieure, clic "est presque rectiligne"7. Le nez est court, avec des narines larges ctpaisses8. La bouche courte, "aux lvres sinueuses", est "sensuelle", selon St. Gse1l9. Lementon est petit et volontaire"10. Le cou est fort et bien dgag. L'harmonie des traits de ceprince, lui donne le visage d'un bel homme pourvu de beaucoup de charme.

    (1) Stphane Gsell, /listoire ancienne de l'/I/rique du Nord, VIII, Hachette, Paris, 1929, p.221.

    (2) Strabon, XVII, 3, 7, 12 et 25 ; Pline, !lN, V, 16; Tacite, ilnnalcs, IV, 23, 2; DionCassius, L1X, 25; Sutone, Caligula, XXVI, 1; CIL, VIII, 8927,9257; IG, Ill, 55; Inseriptionesgraecae ad res romana.l pertinentes, 111,612; Cf. aussi Mazanl, 1955, pp. 145-146, nO 506-511.

    (3) Die Numider, planches 65, 66 et 68.(4) Ibid., planches N 58 ;1 68. En cc qui concerne le portrait diadem dcouvert

    Volubilis, rien n'est moins sr que son appartenance .Juba Il; Cr. Ghazi-Benmassa,1992,p.257-258

    (5) Kersauson, 1986, pp. 126-128.(6) Idem.(7) Idem.(8) Idem.(9) Stphane Gsell, 1929, V1Il, p. 282. C'est partir de son tude des traits physiques du

    Roi que Stphane Gsell a abouti ;1 la conclusion que le prince "avait un caractre sournois ctvicieux' (sic) Cf. Gsell, 1929, VIII, p. 281.

    (10) Kersauson, Ibid.

  • 22 11AI.I\L\ CjJIAZI - 1l1-:_, \l,\ISS,\

    Portrait de Ptolme prince, extrailde Die NUlllider, p_ 505

  • 23

    Cc prince clevait tre cI'un caractre fier, lgrement mprisant, voire provocateur.Fier cie ses origines, il revient au pOIl cie la barbe. L'mission par le Roi cie monnaiesd'or11 , rserve alors il l'Empereur, tait peut-tre un dl lanc par Ptolme il l'EmpereurCaligula, son cousin, son caclet cie clix-huit ans, et moins bien n que lui. Le port cie lapourpre, vtement cI'apparat rserv il l'Empereur est encore, si besoin en est, une autrepreuve cie ce caractre provocateur.

    Tout COIllme son pre, ce Roi fOIlun l2 ne rpugnait pas il une vie cie luxe. Desesclaves ct cles afTranchis13 veillaient il son confort. Deux inscriptions, l'une relative il unesclave charg du cellier du Roi l4, l'autre il un affranchi qualifi cie majorclomel5 , ont tdcouvertes ~l Caesarea. L'clat ct la beaut de son manteau de pourpre avait attir tous lesregarcls des spectateurs cie l'amphithfltre de Lugdunum ct contribu il lui attirer, selonSutone l6 , le courroux cie "ce l'ou arm cie toute la puissance"17, son cousin!S maternel ctEmpereur cie Rome, Caligulal9 . La climension, la beaut, la perfection de l'une cie ses tablesen bois de thuya, venclue aux enchres il Rome il un prix dpassant 1.300.000 sesterces,sont restes clans les annales. "Celle commancle par Ptolme, Roi cie Maurtanie (...) wit,nous clit Pline, faite cie cieux demi-cercles, mesurant quatre pieds et demi de diamtre ct unquart de pied d'paisseur, ct l'art, en cachant la jointure, avait fait un miracle plus grancl quen'aurait pu le faire la nature"20.

    (11) Ma/.ard, 1955, p. IlS, n0398-399.(12) Dion Cassius, L1X, 25, 1.(13) CIL, VIII, 9351, 21091-210l)6, 21442; CIL, VI 20409.(14) IlE, A971, 517.(15) /. ,1971,519.(16) Sutone, Caligula, XXXV, 2.(17) Gsell, 1929, VIII, p. lS4.(1S) Sutone, Ibid., XXVI,!.(19) Ibid., XXV, 2.(20) Pline, HN, XIII, 92 et 93.

  • 24 IL\IJ\I:\('II.-\ZI 1". - li'.:\ \l'\!SS,\

    ,JJ!1J!

    1

    -~Portrai t de Pt 1~ ,. () elllee R .de DIe Num'd 01, extrait

    1 cr, p. 50Y

  • 25

    Cette wble qui wit une merveille unique ,HI Inonde, le Roi ne s'en est jamais vantcomme le prtend, gratuitcmellt, St. Gse11 2 ! qui, pM ailleurs. ct il la suitc d'unesurinterprlation du portrait du Roi, s'est livr il une diatribe, pour le moins surprenante.Panant du portrait du Roi22 , l'auteur de l'I/istoire anciennc de IAfriiJuc du Nord nous ditpremptoirement que PIOI(;me tait "d'unc intelligence mdiocre, d'un caractre sournois ctvicieux (sic); on a voulu retrouver dans cette figure un type kabyle, j'y verrais pour ma partun levantin raffin ct corrompu, le dernicr rejeton de la race dgnre des Ptolme"23.

    Quand Ptol(me succda il son pre, il hrila iflSofa(to du problme de Tacfarinas,mais aussi ct surtout dc la pesante tutelle de Rome. Le .ielJl1e Roi que son pi.;re avait associil son rgne de serviteur de I"Urbs depuis 20/21 24 , sc trouva oblig de poursuivre, du moinsdans l'immdiat, ct face Tibre, la mme politique de soumission suivie jusque-l par sonpre. Il participa ,lCtivement la rpression clu mouvement de Tacf'lrinas. Pour le remercier,on renouvela en sa faveur un ancien usage. Un snateur rut dsign pour lui apporter lebftton d'ivoire, la loge broele, antiques prsents du Snat ct le saluer du nom" ele Roi, d'alliet d'ami"25. Une faveur cie Tibre l'gard du Roi, nous elit-on. Ptolme n't,lit pas de restemettant des monnaies honorant l'Empereur vivant26 . Tout cela prouve qu'un climat debonne entente, d'estime rciproque rgnait entre le Roi Ptolme ct l'Empereur Tibre; unclimat qui ne tarda pas sc gilter au lendemain de l'avnement de Caligula en 37 aprs J.-c.et qui sc termine trois annes plus lard par le meurtre du Roi invit27 il Lyon: cc mcurtrc,Carcopino le qualifie, avec raison, d'''allelltat cynique au elroil des gens"2X ct dc"monstrueuse violation des lois de l'hospitalit''29.

    Pour quelle(s) raison(s) Caligula a-(-il rait tuer son hte ct cousin, Ptolme ')

    SeloJl les auteurs anciens qui se sont exprims sur cc point, c'est la cruaut, l'cJlvie,la cupidit de Caligula qui ont amen cc dernier il commettre son crime. "Quant;\ Ptolme(...), crit Sutone, aprs l'avoir rait venir de son royaumc, puis accueilli avec honneur, il lefit tout il coup meUre morl simplement parce qu'il s'arerut qu'en entrant dansj'amphithfttre o lui-mme donn,lit un spcctacle, il avait aLlir tous les regards p,lr l'clat deson monteau de pourpre":)O Dion Cassius lui, nous rapporte qu'''ayant mand ptolme ct

    (21) G~el1, Ibid., p. 2X 1.(22) "Son caractre (l";lJlrs ses portrait~" tel est le titre que donne Stphane G~el1 dans la

    table des matires, p. 306 de 1929, VIII, aux paragraphes r~er\'s il l'tude du comportement duRoi. Cr. aussi pp. 2S0-282.

    (23) Ibid., p. 2X2.(24) Gsell, 1929, VIII, pp. 278-279.(25) Tacite, Annales, IV, 26, 4.(26) M'Izard, 1955, pp. 136-138, nO 451-464 ct particulirement nO 464.(27) Procdant il un examen philologique. J.c. Faur aboutit il la cOTlclusion que le

    dplacement [atal de l'lol.ll1e tait une rponse du Roi il une convocation ct non il uneinvitation de Caligula, Cr. ID., J973, pp. 253-254.

    (28) Carcopino, 1940, pp. 39-50.(29) ID., Ibid., p. 46.(30) Sutone, Caligula, XXXV, 2.

  • 26 Il''J.1~1'' (;IIAI.I -1l1'S ~I"ISSA

    appris qu'il wil riche, Caligula le Il mourir lui cl plusieurs aUlres"J 1. Quant ~l Plinel'Ancien, il souligne que c'eslla "cruaut de Caligula" qui l'il que le roy,wme de !\!1,lurtanierUI divis en "deux provinccs"J2. Cette thse qui mell'accelll sur la dmence de Caligula,rut adopte sans rserve par 1. Carcopino33 . "L"an 40 de notre re, cril l'auleur, auprimemps ou ~I l'l, Lugdunum a donc t, en Gaule, le lombeau du dernier Roi deMaurwnie (...) Alors Cl I~l, l'ombrageuse, cupide ct cruelle mgalomanie de l'Empereuratteignit son paroxysme. 1,lmais encore son ambilion morbide n'avait, de si prs, rrll'insanit elle dlire: c'est au cours de ses dplacements en Gaule qu'il sc rit saluer sept roispar ses soldats du titre triomphal d'ill1lJCralOr sans avoir remport la moindre victoire, sansmme avoir livr un seul combat ( ...). On comprend que la pourpre de Ptolme, lemouvemenl de sympathique curiosit qu'avait excil 1,1 vue de Ptolme aient exa...,pr lacolre de l'Empereur en un momenl ct dans une ambiance OlJ son orgueuil tournait il larrnsie"34. "II est naturel, nous dit l'auteur, qU'~l la mme poque, il ait immol son onclecie Maurwnie, non seulemenl il des apprhensions qui sans doute n'wient P,lS plus fondes,mais il l'irrsistible convoitise de ses biens immenses"3S. Cependant, celle thse suivie par1. Carcopino, ne salisfait pas T. KotulaJ6 , encore moins .J.-c. Faur37 Carcopino "n'eslpas all outre cette conception traditionnelle des sources avanant au premier plan, commebien d'autres chercheurs, les raisons suhjeclives, l'envie, la cruaut, la mgalomanie deCalus"3X, crit le premier. Cmcopino "ne proposait de l'assassinat du souverain cieMaurtanie aucune explicalion salisfaisanle, reprenanl assel. lristemenl celle offene parSulOne cl surenchrissanl mme sur sa phrasologie an li csarienne, sans doute pour teillerde clonner plus cie force l'explic

  • 27

    pourpre finement fabrique par les doigts ima/.ighen'IO witl'apparattraditionnel, il est vrai,de leurs Rois. On sait que Syphax II en portait dj la fin du Ille sicle av. J.-e. On saitaussi que Juba 1, descendam de t\'lassinissa, tenait en tre le seul vtu la fin de lapremire moiti du le sicle avant J.e. Juba II a pu revenir, par la bndiction d'Auguste, cette tradition flatteuse. Un autre privilge, pourrait-on dire, accord par le Romain au Roisavant, en mme temps que celui de la frappe de monnaie d'or. Deux privilges dont lesRois Maures devaient savoir doser l'usage. .Juba II s'y conforma. Ce roi mou, crfac, etimpopulaire41 , donc pas du tout dangereux, n'a vraisemblablement mis des aurei que deuxfois pendant cinquante annes de rgne et il des occasions trs importantes. La prcm irecommmorait le mariage du Roi avec Clopfttre Sln0'12, la seconde clbrait la difcationde la reine43 . Mais Ptolme, qui n'tait pas de la mme trempe que son pre, a-t-il portces atours un moment inopportun'? La rputation qu'on a voulu faire de lui, de levantin( ... ) corrompu44 , d'homme "peu nergique"45, de "Roi fantoche"46 au "royaumeincontrl"47 est-elle vraiment prouve? Ou bien n'est-clic qu'une pure littraturecontemporaine de spculation, voire de surenchrissement sur une phrase de Tacite, pourtantbien claire en cc qui concerne la priode de rgne critique48 . En erfet, aucun vnementhistorique ne viel1l confirmer ces jugcments svb'cs et gr'lluits. Si Ptolme tait un roiaussi mou qu'on a voulu le faire croirc, pourquoi la rvolte de Tacfarinas, qui a dur sept anssous le rgne de .J uba, s'est-elle terminc aussitt le dbut du rgne de Prolme ? Si l'onsuit les assertions de nos auteurs, elle aurait d au contraire s'tendre de plus belle versl'Ouest, tant donn que le mouvement tait bien rprim par les forces romaines l'Est.Or, il n'en fut rien. Et cc que n'ont pas pu faire plusieurs gnraux romains de coneert avecJuba, a pu se raliser ds l'avnement de Ptolme. Dolabella "a appel lui le RoiPtolme et ses sujeLs" (sic), ct des troupes lgres taient "commandes par des officiers de

    (40) LI pourpre lalllazighl lail connue Cl prise dans le lllonde anlique. Parmi les ,lllleursel poles anciens qui en onl parle ou l'onl chanle, nolons Pline, liN, Y, 12; YI, 201; IX, 127;XXXV, 45; Silius Ilalicus, XYI, 176 el 569; !listoire i\ugusle, Claude, XIY, 8; Horace, fplres,II, 2, 181-182; Ovide, Faslcs, Il, 319. Celle pourpre a aussi suscil l'inlrl de plusieurschercheurs contemporains parmi lesquels se trouve C;se]), 1929, YJ11, p. 256; Carcopino, 1943,p. 172; Gallefosse, 1957, pp.329344: Jodin, 1967, Jodin, 1,)87, p. 317.

    (41) Cr. La gr:oJ1de rvolte qui a cLit lors de sa dsign;nion au lrne de Maurlanie (Cr.Dion Cassius, LY, 28; Rachel, 1970, pp. 69-74; .J. Desanges, Le Iriomphe de Cornc1ius Balbus,dans Rev. Afr., 101, 1957, p.5-43 el les aUlres grands soull~vemenls qui ont maill son rgne.Cr. Rachel, Ibid., p. 75-114: Cagnat, 1913, p. 8-24; Desanges, Un drame africain sous Augusle:le meurlre du Proconsul L. Cornelius Lenlulus par les Nasamons, dans Mlall;;cs M. RCllard, 1. Il,1969, pp. 197-213; F. De Pachlere, les camps de la J11e lgion Augusle au premier sicle del'Empire, dans Crai, 1946, pp. (jO-81.

    (42) Cr. Mazard, 1955, p. 108, nO 297.(43) Cr. ID., l!Jid.(44) Gsell, 1929, YIII, p. 282.(45) Kotula, 1964, p. 82.(46) Faur. 1973, pp. 257266.(47) ID., 1!Jid., p. 260.(48) Cr. Tacite, 1\llllales, IY, 23, 2. Il s'agil du loul dbul du rgne de Ptolme: ee qui

    pourrail laisser supposer que la silllalion lail hrile.

  • 28 lIAU:-li\CIIV, " .1 - Il/::\ ~1.\ISSi\

    P~Tlrail dc Juba II .OIC Num' 1 cxlr:lll dcl( cr. p. 497.

  • E:'\COJlE E" TO\;.JOUlS SUl L,\ .\lOln DE l'TOU:.\)):;E. 29

    choix (sic) pris parmi les rviaures"49. D'ailleurs, si avec la IXe lgion de Pannonie, Romeet ses trois prcdenls proconsuls, aids par Juba, n'ont pas russi mettre fin la guerrede TacfarinasSo , sans clic qu'aurait pu faire un Dolabella au moment o justement on nousdit que les rangs de T,lci",lrinas sc gonflaient par de nouve,lllX mcontents: "les ckshrits dela fortune"S 1, les tribus maures rdusant l'auLOrit ck Ptolme52 et "les lroupes lgresfournies par le Roi des Garamantes"53 ? C'est, sans doute, donc, grcc il l'appui qu'apportaPtolme que Dolabella a pu arracher la victoire sur Tacfarinas. Tibre l'a compris. Ilremercia Ptolme et refusa les honneurs au Proconsul. C'est "sur le rapport (sic) nous ditTacite, qui fut fait alors des services rendus par Ptolme durant ceue guerre"54, que le Roireut de J'Empereur les fameux honneurs. A l'exception cie cc conflit dont a hrit le jeureRoi Ptolme, aucune rvolte ne fut signale tout au long de son rgne. A aucun momentJ'arme romaine n'est venue il son secours comme cc fut le cas pour son pre. Cela parattrop calme pour un royaume prtcndment incontrl. Celle grande insurrection qu'a connucla Maurtanie au lenclc~m,lin de l'assassinat de son Roi, pourquoi cie s'est-elle pas produiteavant? On a voulu voir dans l'ill.litllde de rsistance cl'Admon une auitude personnelle,celle d'un afTranchi qui voulait venger son matre. Soit! Mais que fail-on de l'auilude de tousceux qui ont particip directement ou indirectement aux incendies ct il la destruction desvilles comme Tammuda, Tingi ct Lixus ? Et Sabal ct ses troupes, pourquoi ne sc sont-ilssoulevs prcisment qu'aprs la mort de Ptolme ct non pas avant ') Ce contraste qu'aconnu la situation cie la Maurtanie, avant ct aprs le memtre de son Roi. ne doit-il pasnous inviter plus de rflexion ') N'a-t-on pas tort de marcher encore sur les traces de St.Gse11 55 , cie suivre l'imagination de cenains iconographesS6 qui prtendent il partir desimples portraits, peut-tre pas aussi prcis qu'on le pense, pouvoir dceler juSqu',lu plusprofond dtail du car,lCtre du Roi ') Comme si les photos ou les portraits du cOlllmun desmortels pouvaiellt rv(~ler les vrais caractres cie chacun !57.

    (49) Tacite, I\/llw/es, IV, 2,1, 3.(50) Cr. M. Rachet, 1970, pp. 90-114. Pour l'tude de la personnalit de Tacfarin:ls ct de

    son mouvement Cr. Ghazi 8en ~ilassa, 1994, pp. 9-21.(51) Tacite, Ilnnales, IV, 23, 3.(S2) ID., Ibid., 2.(53) ID., Ibid., 3.(54) ID., I\nna/es, IV, 36. 4.(5S) Entre autres: L. 8orclli, konografa di Tolome di Mauretania. dans Rend. i\r.ad.

    naz. dei. Lincci, III, 194X, pp. 1121 13, fig. 4; F. Chamoux, Un nouveau ponrait de Ptolmede Maurtanie dcouven il Cherchel. dans Mlwll;CS 1\. Pil;aniol, J, ]%6, pp. 395-406.

    (56) cr. F. Chamoux, Ibid., p. 406 qui nous dit d'une manire on ne peut pluspremptoire, que Ptolme tail un "dur el but presque sournois (... ) born cl jouisseur" el notresavant de dduire de son tude du portrait du Roi, que Ptolme tait" peu allelllif it ses devoirsde Roi". Comme si l'on pouvait il partir d'un portrait d'un chef d'Etat savoir si celui-ci faisait ounon son devoir de chef d'Etat! 'lais qui peut prtendre qu'un visage, fut-cc en chair ct en os, peutmettre ,1 nu le caractre de sa personne?

    (57) On sc demande pourquoi les portraits de .Juba Il n'ont pas suscit autant ct pareilscommentaires que ceux provoqus par les imal;incs de Ptolme. Pounant la ressemblance estgrande entre Je pre ct le fils. Esl-ce parce que le "doux" Juba, qui de par sa fonction devait treplutt nergique, bnficiail de la "sympalhie" (sic) de Stphane GseJ1 (1929, VIII, p. 2(7)?

  • 30 liAI niA GlIAl:! - BE;\ ~IAISSA

    Le Roi est mort l'fige de 45/46 ans. Il a pu en 16 ans voluer par rappon lasituation o il se trouvait au dbut de son rgne alors qu'il ne faisait que friser la trentaine;une situation qui peut tre vraie, mais qui peut aussi lre fausse, immortalise par lafameuse phrase de TacileS~. L'mergence d'f\(!c:ll1on ne su/Til pas, seule, laisser voir enPtolme un Roi lernellement dpendant de l'avis de ses affranchis el esclaves, sedchargeanl continuellemenl sur eux de ses responsilbilits. N'a-t-on pas soutenu, aprsl'assenion de Pline59 , qu'f\dmon n'avail pas d'ambition politique et que son combat availpour but de venger son malrc60 '! Si celle hYPolhse est juste, et nous n'avons pas deraison de la rfuter61 , cela signifie qu'f\dmon n'av

  • 31

    Unc inscription dcouverte il Cherchel rait mention d'une rcgin!l Uwni!l _matressecI'une Jul ia Bodi ne66 _ vr,l iscm blablemcllL clic-mme allmchie67 Qui pouva it tre celleRcgina lm/nia? Une femme de Juba Il ou, commc le veut J, Carcopino!iX, une pouse cieson fils Ptolme ') Lequel des deux Rois, le pre Oll le l'ils, tait dans la silllation o l'onpouvait sc collLenter d'une Grecque ou grcise de hasse exlJaction ') Un Juba il l'automne desa vic, bris par un veuvage ct un divorce ') ou un Ptolme, jeune, beau, descendant desPharaons, d'AllLoinc le triumvir ct de i'vl

  • 32 1f,\I.I \1,\ (0111\/1 . Ill:\; \IAlSSI\

    voulant nous donner de Ptolme l'im

  • E;\COllE ET TOt3.JO\jllS S\)ll LA MOHT DE l'TOLf;\lI::E, 33

    avec beaucoup cie conciescendanceS1 que l'ascendance d'Antoine t;'lit pour Ptolme "le plusprestigieux et pour ainsi dire le seul lien (sic) qui pouvait l'arracher il son royaume barbareet le rattacher la civilisation hellnistique vers laquelle tout Rome tournait alors sesregards", on se demande comment l'auteur franais a pu oublier que Ptolme, tant fils deC1opfltre Slnc et petit-fils de la grande C1opflLre, desndait directement des Grecs ct quele Roi n'avait nul besoin de faire le dtour par Antoine pour sc rattacher il Alexandre et lacivilisation hellnistique. Et contrairement il qu'il avance, avec mpris, lorsqu'il crit quePtolme, "roi vassal n'ayant jamais quiLL Volubilis ou 101 Caesarea", des sources antiquesnous confirment et sans quivoque que le Roi Maure s'est rendu en 39 il Athnes et, selontoute vraisemblance, en Asie Mineure. C'est il Athnes qu'on a honor le Roi en rappelantson ascendance avec Ptolm,e SterS2 . C'est il Soura, semble-t-il, qu'il a interrog lesoracles. Que cherchait-il il acqurir en clfectuant cc voyage clans le pays cie ses anctres? quevoulait-il apprendre des Immortels? Que ses origines prestigieuses le prdestinaient il undestin international? Qu'il wit Je plus habilit il rgner sur toute l'Afrique, lui ledescendant de Massinissa? Qu'il tait le plus apte ~I gouverner l'Egypte et le monde grec,lui le rejeton des Pharaons et des Hellnes? Qu'il tait enfin hrditairement mieux placque Caus il s'asseoir sur le trne imprial, lui C. .Julius Ptolme, le citoyen romain, lepetit-lts d'Antoine'! Une ascendance que Caligula cherchait, il panir de 39, 11 mettre, avecfrnsie, en vidence, pOlir son compte. CeLLe aLLitucle ne pouvait qu'ulcrer83 le clescendantdirect du triumvir, ce qui ouvrit une "querelle de famille"84 selon les termes mmes de J. C.Faur, entre les deux souverains.

    Par son "antoinomania", son "gyptomania", son "hellnomania" et son isiacisme,le fougueux Empereur n'tait-il pas en train d'usurper les qualits sociales inhrentes li soncousin Ptolme? Par ses gesticulations, Caus, l'Empereur mgalomane, ne voulait-il pastre en plus un Ptolme? N'enviait-il pas un peu la triple noblesse du Roi. Ne lui cnvoulait-il pas tout simplement d'tre celui que lui-mme aurait aim devenir: un hritierdirect d'Antoine, un symbole de l'hellnisme et de l'gyptianisme et peut-tre aussi le prtred'Isis?.

    Selon M. Hoffmann, Caligula, myste d'Isis, aurait limin Ptolme pour lui ravirla prtrise de la desse gyptienneHS . Celle thse est adopte avec quelques autresdveloppements, par T. KotulaH6 qui pense "qu'il faudrait considrer aprs M. Hoffmann leculte d'Isis comme une des causes r(~clles de l'assassinat de Ptolme de Maurtanie"87.Mais celle thse est rejete par J. C. Faur qui crit: "Tacite, Sutone, Philon ont dnoncpour des raisons contradictoires les tendances orientales de Caligula, prsentant par exemple

    (81) L'article de LC. Faur, 1973, pp. 249-271 est maill de jugements mprisants ctgratuits l'gard du Roi.

    (82) 1(;, Ill, 55.(83) Le terme est de J.c. Faur, Ibid., p. 266.(84) Id., Ibid., pp. 2642G7,(85) M. Horrmann, PtoJcmaios von Maurelanien, in RE, 23, 1959, col. 1768-1787.(86) Kolula, 1964, pp. 76-91.(87) Id., Ibid., p. 80. Une des causes selon l'historien polonais et non pas l'unique

    comme semble le suggrer l'article de M. Horrman.

  • 34 liA LI MA GIIAZI - Ill:1\' ~lAISSA

    son projet de voyage en Alexandrie comme l'abandon de Rome au profit de l'Egypte. Ilsn'ont par ailleurs aucune tendresse particulire pour les isiaques, se flicitant mme,semble-t-il, des mesures prises par Tibre. Comment auraient-ils alors rsist au plaisird'exploiter la mort de Ptolme dans le sens d'une usurpation orientale de Caligula ?"88.Pour notre part, que Ptolme, dernier rejeton des Pharaons ait hrit, par l'intermdiaire desa mre, la prtrise d'Isis que dtenaient ses anctres, cela est fort possible. Que le Roi aitt tu par son cousin et Empereur de Rome pour lui ravir le sacenloce, rien n'est moinssr.

    Par contre, par ce voyage en Orient en 39, le Roi a fait revivre les liens quiexistaient entre lui, en tant qu'homme d'Etat, et le monde grec domin par Rome. Pur cevoyage,Ptolme n'tait-il pas devenu plus que jamais un danger aux yeux de Caus? Nonseulement il empchait le Romain, sans tre couvert de ridicule, de se raliser pleinement89dans son orientalisme, car des deux chefs, Ptolme wit le mieux plac pour revendiquerl'hritage hellnistique, mais encore il s'tait aLLir la sympathie du monde grec; unesympathie qui risquait d'voluer en soutien si le Roi, petit-fils d'Antoine, venait rclamerle trne imprial : un Roi et citoyen romain qui semblait ce moment-l "flirter" avec leSnat romain.

    En effet quand le Roi avait mis son WlrCIf.S en 38/39, le deuxime en 14 ans90 , cen'tait apparemment pas pour clbrer un vnemel1l spcifique,. Ce n'tait pas non pluspour honorer Cal igula, devenu empereur depuis dj~l une ou deux annes auparavant91 .L'mission de cet aureus qui rappelle sur son revers les ornements triomphaux obtenus duSnat, quatorze ans auparavant, (lequel Snat tait rentr clans la disgrce de l'Empereur92)doit, si l'on suit J.c. Faur, tre considre comme un hommage rendu par le Roi au Snatet par l mme un dsaveu de la politique impriale93 . "Sauf plaider l'ineonscience,Ptolme pouvait difficilement trouver mieux en ceLLe anne 38/39 pOlir faire connatre l'Empereur son dsaccord; dsaccord quant le rorganisation de l'Afrique proconsulaire,dsaecord devant sa dfiance ainsi montre l'gard de la Maurumie, dsaccord devant untournant politique anti-Snatorial"94. Ainsi l'alTcclaLon par Caligula d'un lgat imprialdans un territoire situ entre l'Afrique et le royaume, ne peut-il pas tre intrprte, plutt,comme un acte prventif cie l'Empereur visant sparer le Snat de ce rival, possiblecandidat l'Empire? Il est vrai que Caligula avait dsign pour successeur, Lpidus. Mais

    (88) Faur, Ibid., p. 252.(89) Par ses gesticulations orientalistes, Caius apparat comme une copie de l'original

    qu'tait Ptolme, autremelll dit un "hellne" au second degr.(90) Le premier aureus a t mis par le Roi ;1 l'occasion de son avnemenl. Cf. Mazard,

    1955, p. 128, nO 398.(91) Faur, Ibid., 263.(92) Id., Ibid., pp. 261-264.(93) Id., Ibid., p. 264.(94) Id., Ibid., p. 257-264. "Ainsi l'hypothse selon laquelle celle monnaie d'or a

    provoqu l'assassinat de Ptolme se rvle en fin de compte justifie, non plus parce que sonmission tait illgale, mais parce que le type triomphal (donc snatorial) utilis, reprsentait ledsaccord encore discret mais dj total de Ptolme quant la politique impriale poursuivie parCaius, en raction contre la curie en Afrique du Nord", ID., Ibid., p. 264.

  • ENCORE ET TOU.JO\jRS SUR LA MORT DE l'TOLt\lf:E, 35

    le Snat brim par Caligula peut-il respecter la volont de son perscuteur? Ptolme neremplissair-il ra~ rniC!lX quc Ol1iglilillc'\ cnnfiiliOll'i pOlir BITC Emperellr rie Rome 795, Lesrelations du Roi avec Gn. Cornelius Cossi Filius Lentulus Gaetulicus d'une part, laparticipation de celui-ci et d'autres snateurs une conspiration contre Caligula d'autre part,et enfin l'excution de ceux-ci et de celui-l la mme priode par l'Empereur, nepeuvent-ils pas signirier que le Roi wit ml de trs prs ce complot '196. Compte tenude sa fone personnalit, en raison de sa rivalit avec l'Empereur, son cousin, pour lequel ilne semble pas avoir cu beaucoup de respect, par la lgitimit que lui procure sa triplenoblesse gouverner le bassin mditranen, par cette politique active qu'il menait ct quetraduisent en partie ce voyage en Orient, l'mission de monnaie en or rendant hommage auSnat ct l'tablissement de relations avec la classe politique romaine, Ptolme semblaittre bien plac, ou du moins le lui a-t-on rait croire97 , pour succder au capricieux Caus.Ainsi, en ordonnant le meurtre de Ptolme, Caligula n'a pas mis l'in la vie d'un simple"noble susceptible d'entrer dans une conjuration contre son pouvoir"98, mais plutt unchef d'Etat, un cousin, un rival ct dangereux concurrent que ses nombreux atoutsrendaient apte s'asseoir sur Je trne imprial. Dans ces circonstances, la pourpre dePtolme ne peut-elle pas tre perue, plutt, comme un paludamentum'1.

    Halima GHAZI - BEN MAISSAFacult des Lettres

    RABAT

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  • 36 IIM.I\I/\ CII,\!.! - BI,:" \IAISSA

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    THE RELATIONSHIP BETWEEN MA WLAy cABD AR-RAHMANAND cABD AL-QADIR :

    Manipulation of the Concept of .Jihiul : the Dynamics of Rule andOpposition in 19th Century North Africa.

    Katherine BENN1S0N

    Introduction

    The two main characters in this paper arc Mawlay cAbel ar-Rabman the ruler ofMorocco l'rom 1R22 until 1R59 and cAbd al-Qaelir al-Jaza'iri the leader of the West Aigerianresistance to the French occupation of that country during the 1R30s and 1R40s. They wereboth leading players in the graduaI European penetration of North Africa during the /rsthall' of the nineteenth century. They were also both products of north west African Muslimsociety and expressed their claims 10 lead their respective communities using very similarvocabulary to express the local political ideology. This revolved around the concept of ruleby the descendants of the Prophet, the Shumfa' . who each had to prove themselves asImam and Amir al-Mu'minin by their ability to mainlain law and order and defend thecommunity. One of the key clements in Maghribi, as opposed to general Islamic, politicalthought was the emphasis on the ruler's obligation to leml the community in the jihad, thewar against the unbclievers, which was generally necessary, but became essentia! in thecase of Christian aggression against Muslim territory.

    By the time that Mawlay cAbel ar-Rabman came to the Sharifan throne in 1822, theAlawi dynasty in Morocco had been in power for some two hunelred years and theexpression of the family's political dominance had been codified inlO a set of key themes -sharifan ancestry, religious learning anel piety, martial prowess and ability to fghtthejihad. Meanwhile, cAlxl al-Qadir attempted to build a polity defined along similar linesl'rom scratch in West Aigeria al'ter the French occupation of the city of Aigiers (lR30)cngendered the collapse of the Olloman Beylik of Algiers. When his project faileel hesought refuge in Morocco and tried to drum up the support of the Rifi tribes for jihad,swapping the roIe of ruler for that of an indcpendent muj5.hid, or, as the Moroccan sultansaw it, a rebel.

  • 40 KATIIEHI;\E IlE;\:-'ISO;\

    BOLh l'vlawly cAbd ar-Rahmn and cAbd al-Qadir manipulaLed Lhe religiouslycharged theme ofjihad Lo justify widely divergent and someLimes contradictory acLions.Their evenLual rivalry illustrated Lhe poillt Lhatthe cOllcepLs of .\harlf and Inuj.j/d were inthemsclves simple, but thcir application and Lheir manipulation by a fuler to jusLifypragmatic, poliLical decisions was a highly complex process. One of Lhe mosL fascinaLing

    aspccL~ of the co-operaLion and COnniCL of l'vlawly cAbd ar-R,.llnn and cAbd al-Qadir is thedegree to which Lhey heid similarly pragmatic beliefs whilsL they were bOLh de facto ru1crsof independenL LerriLories, using Lhe Lheme of jihad in a variety of ways, LO jusLify waragainst the French bUL also Lo wise Laxes and combaL dissidenL sections of Lhe populaLion.At the same time their insistencc on the nccessity of lghting jihad against Lhe French wascondiLioned by Lhe proximity of Lhe threaL and their pracLical abiliLy Lo meet il. When cAbdal-Qadir swappcd the role of ru1er of an area directly threaLened by Lhe French for Lhat ofrighteous rebel in norlh l'vlorocco, he was able to beeome more radical and lesscompromising, insisting upon the religious obligation of ji/zad against Lhe French above ailcise in a way LhaL he did noL whilsL he \Vas trying Lo build a staLe in wesL Algeria 1.Similarly, l'vlawf1Y cAbd ar-Rahmn was an avid supporter of jihad, rcJuctant Lo counLenancetreaties between cAbd al-Qadir and the French when Lhe armed strugglc was weil intoAlgeria terrilOry. But as Lhe fighting moved closer Lo l'vlorocco and especially afLerl'vlorocco's defeaL in Lhe Battle of Isly, 1844, Lhe Sulwn quickly realised thaL dcl'eat was moreignominious wn a Lreaty. AL Lhe same Lime cAbd al-Qdir's successful jihad propagandaamong the tribes of Lhe Rif made armed conllict beLween France and Morocco more likely.Ta combat cAbd al-Qadir and undermine Lhe legitimacy of his cali LO jihad, Lhe SulLanmanipulated Lhe other aspecL of jihad : the riglHeous baLLle of Lhe Imi'im against a dissidenLand hence an 'unbcliever'. This Icd Lo his dcliberaLe LransformaLion, in Lhe vocabulary of theMoroccan makhzan, l'rom a muiahid LO a rebel mufsid, falli~n against whom Lhe SulLancould wage jihad. l'hus, Lhe end resu IL of Lhe use of the same vocabulary of IegiLimaLion byMawlay eAbd ar-Rahman and cAbd al-Qadir was a strugglc to conLrol Lhe inLerpreLation ofjihad and Lhe Emir's redefiniLion by Lhe SulLan as a rebel against the Imam who hadoverstepped the bounds of Lhe Sharica and Lhus could be bought and even killedlcgiLimately.

    Components of the Sult

  • The rdal.ionship bl'f.wcl'n :\f:.t\,'ay cAhd ar-l~ahmanand Ahd al-Qadir

    41

    post-Sa'di periml, during the so-called "Maraboutic crisis" when the demise of the central,Sa'di power led to the emergence of local religiolls leaders as sources of political allthorityand military leadership in the rcsislancc LO Portuguese colonialism on the Atlantic coast andinto the Atlantic plains. Mawlay Ismacl! of the cAlawi dynasty, a family of saintly,southern s/zureJja' , re-established a ccmral allthority and used the credibility andlcgitimacyhe had gained as one of the more successflll opponents of the Portllguese. From that pointon the Sultans based their identity on these key clements while elaborating their ownindiviclllal variations on the theme2.

    The sharilan sultan thllS became a tenet of Maghribi political thought whichinfluenced political clevelopments not only within the sharirian empire but also in thepolitically OUoman but culturally Maghribi lands around TIcmsen. By the carly nineteenthcel1lury the political situation in west Aigeria was similar to the micl-seventeel1lh centurysituation in Morocco which led lO the emergencc of the eAlawi dynasty. The authority ofthe central Ottoman power in Algiers ancl Wahran3 was weakening and the disaffecteclinterior was liablc to revoIt. The religious brotherhoocls lccl the opposition to the Turks andbegan to combine their religious, and onen refoflnist, authority with a po!itical agenda.Two major revolts occured which the OUomans were harcl pressed to quel! : first theDarqawa revolted at the tllrt1 of the ccntury ancl thcn, within a number of years, anotherrevoIt was lecl by the Tijaniyya. 80th these brotherhoods had close connections withMoroeco, particularly Fes and the nonh. At the same Lime a local 'sharilan" class wascmerging, using genealogy L place itself above the ranks of zawya , urban elites (inTlcmsen ancl MuCaskar) and tribal notables who ail possesscd a measure of politicalauthority and autonomy. The struggle for power was expressed by two cOl11petinginterpretations of local genealogy which classed different families as s/zurqfa' and henccqualified ta rule along the lines of the Moroccan modcl4. Among the contenders for powerwas cAbd al-Qadir's family whose father Muhyi ad-Din was an inl1ucntial and respectecllocalmarabout and the head of the reformed Qi~diriyya brotherhood in the area. The fal11ily hadrcccntly c1aimcd to be Idrisi slzurafit , who had migratcd castwarcls l'rom the Rif 1110untains in

    (2) For instance, Sidi Mul:lammad b. cAbd Allah made much of the Imam's role as anactive, ra1er than a nominal, re!igious leader and attempted to centralise the religious hierarchyof culama and bring it under makhm control. However, his son Mawlay Sulayman prcfered tomaintain the status quo and emphasised his religious learning and respect for the authorily of leculama, among whose number he was counted.

    (3) During the Spanish occupation of Wahran, the Ottomans had mlcd the province fromthe inland city of .MuCaskar on the Gharis plain. In 1792 the Ottomans retrieved Wahran andtransfered their administration to the coast, weakening thcir control over the hinterlandalthough facilitating the delivery of supplies.

    (4) Touati, (Houari), Prestige ancestral et systme symbolique shrifien dans le Maghrebcentral du XVIIe sicle, Arabica XXXIX 1992.

  • 42 K'\TIIEI\E IlE:\;\ISO;\;

    Morc)Cco to sellie on the Gharis plainS. The Moroccan shura[ft' were a relalively numerousgroup and lhey boasled a nllmber of lincagcs or which lhe majorily traced lheir descenl l'romIJasan ibn. CAli, ralher than his brOlher IJusayn. The cAlawi sultans were a southernsharifian family, relative Jatecoillers ta the Maghribi scene, who took their naille l'rom asaimly member or the line in Morocco Sidi CAli ibn ash-Shari!". However, lhe mostprestigious branch or shlm!f,~' was lhe nonhem Idrisi line which c1aimed descem f'rom theIdrisi dynasly who had rounded Fes. Il was lO lhis lineage or shurafa' lhal cAbd al-Qadir b.Muhyi ad-Dn's ramiIy c1aimcd la bclong. The Idrisi shuraff7.' were not aven opponents ofthe cAlawi sullans, but al lhe saille lime a certain arislocralic rivalry existed between lhetwo groups, lhe southem secular cAlawi rulers and lhe norlhem rcligious and cultural Idrisielite who dominaled Fes, the forelllosl cily or the empire whose oalh of allcgiance wasessentia!lo lhe success or a new sulUln. When cAbd al-Qadir movcd inlo Morocco one ofcAbd ar-Rahman's concems was the possibility or an insurrection in lhe nonh wilh its Idrisisympathies and enthusiasm l'or lhe jih,J along the lines or lhe Berber insurreclion and therevoll or Fes al the end of' his uncle, l'vlawlay Sulayman's reign.

    The Other lenet or Maghribi political lhoughl was the obligation of lhe sharifjansultan to fight lhe jiMu!. During lhe eighlecnlh eentury jilzd in Morocco, as (cd by theSultan, had come lo mean a peculiarly Maghribi inlerpreUllion or the lheme of 'trade andcrusade'; commercial relalions wilh European slates complcmented by corsairing, ormaritimejihd (al~iih'id al-/;ahri.). NOlably, lhe lwo sllllllns mosl concerned wilh commerce,Sidi Muhammad b. cAbd Allah and MawlZty cAbd ar-Rahman, were also lhe ones mosl keenon maritimejihd as a coul1lerbal,lIlce lO the arguably illegal exislence of lrading links wilhlhe Ku.ffZlr, or 'unbelievers'. In lhe Jaler 1920s, when l\1awlay cAbd ar-Rahman's posilionas Sultan was rairly secure he began lo pursue a delnite policy of' marilime jih'id, much lOthe eonslernalion or lhe European consuls in Tanger who feared lhe disruplion of lradewhich would ensue6. The largels or Jrlakhwn sponsored corsairing in this periode were theMedilerranean polilies wilh whom Mol'()Cco did nol have a treaty and who failed to have aconsul residenl in Tanger7. As is clcar l'rom the Sultan's decision lo largel nations wilhwhom a treaty was Iacking, lhe maklzzan illlerpretation or jihad \Vas not arbitrary bUldefined 50 as ta enablc corsairing and peacefu\ commercial intercourse la co-exist. However,

    (5) CAbd al-Qiidir's son and biographer, MuJ~aJl1mad, describes the Idrisi ancestry of thefamily at Icngth, quoting From various Moroccan authorities who confirm sections of thegeneaJogy such as cAbd ar-RaJ~mn b. Mubammad alFasi and al-WansharisL The family tracecltheir ancestry through cAbd al-Qawi al-Awwal, described by al-cAshmawi as the ancestor of theahl ar-Rif. c Abd al-Qawi moycd eastwards and in the ncxt generations the family establisheditsclf in west Algeria, evenlually establishil':: the Qadiri zawiya at Qaytna on the Gharis plain.Muhammad b. cAbd al-Qadir, Tulifal az-I'Xir, pp.923-929.

    (6) The correspondance of the Rritish Consul Douglas in the Jale 1H20s con tainscomplaints about the Sultan's interest in corsairing and his allempt to create a smail neel ofcorsair ships. e.g. F052/26 : Douglas to Rathurst 30/1 0/1825, F052/29 : Douglas to MacPherson 10/6/182H.

    (7) These were primarily the small Italian principalilies such as Naples, who thencndeavoured lo have treaties concluded with the Moroccan Sultan. Austria-Hungary was also atargel of the corsairing ships.

  • The rl'lationship hcJwl'en :"\Iawlay l'Abd arR:thrntt""'ICI A bd "I-Q"dir

    43

    makhzan policy was frequenUy al odds wilh Ihe popuJar iJHerprewlion of)ihd as largeted atany Christian nation. The tendency of the coastal Iribes Lo pillage any ship unfonunateenough to founder in lheir vicinily \Vas a source of continuous irritation 10 the Sulwn whoregularly issued directives L the govcrnors of the pons tO try and protect il11pound groundedvesscls and thus avoid disputes \Vith European trading partners.

    The other facet of jihjd as Makhzi'lIl policy was the Sultan's definition of loyalty andsubversion or dissidence in the tcrminology of the jihad. In the correspondance of MawlayeAbtl ar-Rabman to his governors and qaids, the language ofjih(~d comes ur consl.anLly inthe dialogue over what is usualJy described as the relal.ionship between bilad al-makhzanand bilad as-siba . In reporL

  • 44 KATlIEI\E BE:\;\ISO:\

    Cayn and Lhe responsibilLy 01' Lhe Sultan Lo Iead thejih,"itl became correspondingly heavier.However the responsibiliLY of the Muslim cOIllllluniLy to obey Lheir leader also increasedgiving Lhe ruler more opporLunity to dcfne dissenLers as rebels and demande poliLicalunanimiLy.

    Within Aigeria, Lhe collapse of Ottoman ru le and Lhe failure of Lhe Moroccan aLLemptto rule the western province (1830-1831) elwbled Lhe local shuraf' Lo realise Lheir poliLicalambitions. Then Lhey were able LO complemenL Lheir claim LO be marabouLs and shurafi'by becoming mujahidin in Lhe jilz.1d against Lhe French move wesL. The problcm oftransmuting religious LO poliLical aULhoriLy wiLhouL tai!1ling or losing it was dealt wiLh as ithad been by the cAlawi's, by preserving Lhe Lwo aspecLs of power wiLhin the same familybut not the same person. The marabouL or holder of rcligious aULhority and sanctiLy, Muhyiad-Din refused Lo accepL the ba/a and poliLical allegiance of Lhe Lribes bUL nominaled one ofhis sons, cAbd al-Q::tdir, to aeL as /Iluj

  • The rt:lllionship hl'll'"('cn i\lawla)' cAhd ar-I~ahmanam' "hd al-Qadir

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    Beys of Aigiers hac! been vinually inc!epenc!ent anc!tyrannical rulcrs. Then, contrac!ictorily,lhey urglld 11l:1l (l'l'Il if IlILY !Iii! I1:ll'(':1 hoy('o l\'irllll1c Onorn:1I1 sulUll il \\':1:\ in :lbcynllccdue ta his inability to fulll his COillillitillentLO aid them againstthe French invasion i.e. infighting the ji/du/, duc to the grcat dislilnce bctwcen Istanbul and Algeria and Europeannaval cOlllrol of the Medil.crrancanl2. i\:lawly cAbc! ar-Rahn1Ztnl.hen acceptec!l.he hul:a ofTlcmsen and when the l'vIoroccan expedition arrived in Tlemsen it aeccpted the bayca fromMueaskar and the localtribes. The hayca given a ycar and a half later to cAbd al-Qadir bythe same eonstituency techllically subverted the /;ayca given to Mawly cAbd ar-Rahman asit made no melllion of his superior sovereignty above that of cAbd al-Qadir.

    Seeondly, although MawE1.Y eAbd ar-Rahnn accepted the bayca of Tlcmsen withinmonths of the fall of Aigicrs, he soon founc! the province difficult and l'xpensive to rule. AMoroccan expeditionary force COll1ll1anded by l\1awrJ.Y CAli b. Sulayman and the ex-Qaid ofWajda, Idris al-.Jir::J.ri, was sel1l by the Sultan to govell1 his new province. However, the newgovernors of the area found it impossible to unite the population, particular the rivalfactions of the local l'lite U1lu/a() and the Turkish ruling c1ass Ku/ughlan in Tkmsen. Thecost of sen

  • 46"'ATflEJ{[;\E III';;\;\ISO;-':

    consequenLly weakened 15. Following lhe Udya revoll, Mawlay CAbd ar-Rahman avoidedsending seclions or lhe regular army inlo Aigeria and his governor in Tlemsen, Ibnal-cAmiri lacked lhe military power lo he more lhan a mediating presence belween lhe lwomain raclions in Tlemsen, lhe I!ruiar and Kulughlan 16.

    Founhly, lhe French occupalion or Aigiers was a major shock and Mawly cAbdar-Rahman and cAbd al-Qldir were inilially uniled in lheir very l'cal desire lO prevenl Frenchexpansion al Muslirn expcnsc. Whilst the taking or Aigiers could be viewed as a rurtherincident in the centuries or ChriSlian agression against the corsai ring cilies along the coasts,the subsequent French advance along the coast westwards threatened wesl Aigeria andpossibly Morocco, both cAbd al-Qadir and Mawlay cAbd ar-Rabnn \Vere intent uponhalting French expansion in that direction.

    Given these circunstances, when cAbd al-Qadir emerged as a local ruler in 1832,Mawlay cAlxl ar-Rahm::'tl1 did nOl delve too deeply inlo his daims to inclepcndcnce ancl hisreceipt of a ba/a l'rom many or the weSlern Aigerian tribes who had only reccnLly swornallegiance to the Moroccan Sultan. Instead Mawlay cAbd ar-Rahman rocused on cAbdal-Qdir's raie as a mujahid , lghting against the French anny's advance westwards towarclsWahran (Oran). Simullaneously, cAbd al-Qadir dcfnecl himselr in his relationship withMawlay cAbcl ar-Rabman as his c1eputy, khaliia , in the new eastern provinces or theSharirian empire. Initially cAbd al-Qdir look on the raie or servant to the MoroccanMakhzn in arder to secure the admission or Tlemsen to the terri tories uncler his control,but the bencrits were manirold l'or bath cAbd al-Qadir, who secured lnancial aid, men andweapons through Morocco, and l'or Mawlay cAbd ar-Rahman, whose repuLation wasenhaneed bl' his close relationship wilh the mosl prominent mujhid in the region and hismaterial support ol'.jihftd in lieu or aClually l'ighting himselL Moreover sincc cAbd al-Qadirwas happy lO describe himself as a makhzn servant the fiction or Mawly cAbdar-Rahmn's authority was mainlained ancl the c1emise or MoroCC

  • Ttl(' rl'lalionship hd\Vel~n ;\-1 a \\'Ia)' ('Ahd ar~nahrnanand Ahd al-Qadir

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    Algiers, and French pressure on Mawly cAbd ar-Rahmn to desist J'rom sending aid to theAlgerian mujjhidin was Illanagable. During this periocj Mawlay cAbd ar-Rahmi'tndemonstrated his conccrn for thejifd to his Moroccan constituency by generous treatmentof the rcf"ugcc population from Aigiers which had sellied largely in Tetuan. The refugeeswere compared to the carly Muslims who ned from Mecca to Medina to escape the'unbelievers', the muhjjir1.n and the welcoming Moroccan community was described as theans,"ir , the helpers of those neeing for religious reasons. The Aigerians were permilled towork in Tetuan, often relieved of the obligation t.o pay rent on makhtl1 propenies or paytaxes and frequently recipiel1ls of makhzn handouts. In his correspondance to the Cjrnil ofTetuan, Muhammad Ashcsh, the Sultan orders that the refugees be treated with everyconsideration since, "they arc our Muslim brothers and the enemy has defeated them, seizedtheir possessions and their land and they have /kd with only their religion"17. Such apolicy both prevented the Aigerians becoming a disgruntled and insurrectionary clement innonh Morocco where jih,"1d was an extremely popular concept and underlined that theSultan, although not directly involved in west Algeria, was participating in the communalMuslim responsibility to resist European encroachillent into Dr al-Islm.

    The Su/tan also undertook to sem! large quanti tics of miliLary supplies to Algeria,panicularly rines and amillunition and to facilitate delivery of weapons from otherSOurces18. A proportion of the supplies sent were charitable contributions to the jihjd, butmost of the weaponry which was transported ta Aigeria was for sale. The Fasi merchantal,- Talib b. Jalln was prominent in the purchase of supplies frorn Gibraltar and fromMoroccan centres of anns production like Tetuan, and their transfer to Aigeria. The Frenchsent a number of complaints to the Sultan via their consul in Tanger, but the reply of theSultan was always that the border was long and the routes across it numerous and, althoughhe had forbidden Illerchants to sell arms to Algeria, he was not able to prevent the sale ofwcapons unless merchants went about it openly19.

    During the periode bcf"ore the batlle of Isly in 1844, Mawly cAbd ar-Rahmn alsoeontinued to promote maritime jihjd under makhzztI1 auspices to rnainlain his popular roleas a muj.;"1hid and dispell any suspicions that he was too accommodating LO the EuropeanKuffjr . In carly 1250, the issue of Naples lack of a treaty with Morocco came up and at thesame time the Sultan sent a leller to Muhammad AshCi'tsh saying, "Know that we haveorderecl the sailing of our jihading ships which arc in the Straits... the aim being revival of

    (17) Sullan 10 Muhammad Ashcsh. 22 Rabic 1 1246, MWM, al-Tartib al-c,".mm.(18) There arc severa! rercrences to 'Nazarenes' (mostly English) arriving in Morocco to

    SUpply cAbd al-Qdir with weapons and ammunilion. The Amir also had a commercial agent inMorocco, CardOi',o, who purchased mililary equipment for him in Gibraltar. Mawly cA bd

    ar-Ral~mzm facililated these contacts but al lhe s:une lime tried 10 publically distance himsclf frominvolvement. Maklwn Correspondance: Sultan to cAbd as-Salm :l~-Slwi, 28 Rabic Il, 1254 &Sultan 10 Mul~al11mad Ashcash, 1 Mul:wrram 1256, MWM : cAbd al-Qdir b. Muhyi ed-DinaI-J az'iri File.

    (19) Sultan to French Consul, 19 Dh'I-Qa'da 1255/20 January 1840 & Mul:wmmad b. IdrisLo French Consul, 19 Dh'I-Qa'da 1255/20 January 1840. MWM, at-Tarb al-cA111 111.

  • 48 KATIIEI\E BE:";\ISO:'\

    the tradition sunna of thejih:'td n 20. In the saille month, Mawlay cAbd ar-Rahman orderedAshcash to recruit thirty young men l'rom Tetuan to train as sailors with the captains, Britcland Bargash, although the aetual sailing of the ships was delayed duc to an epidemic21.Subsequently the Sultan issued a nlll1lber of decrees authorising his captains to sail: cAbdar-Rahman Bril,cl \Vas allthorised to sail in JUlllada 111251 on the Rafi' al-Klwyr', a shipwith twelve guns and forty one crew22, Ab Bakr b. ar-Ra'is al-l-Ia.i.i Muhammad as-SbCwas authorised to sail in Rabl' 1 1252 on the 'i\1as'!da', an eighteen gun ship23 and al-HjjAhmad U al-Hz1jj ar-Ribati was given a dahir in Jumad " 1257 t.o sail in the schooner'al-Mahdiyy{/ \Vith four guns and a erew of I"ourteen24. However, maritimejih:ill remained alaw key alTair and the Sultan \Vas easily persuaded to accept overtures for treaties l'rom thesmaller European prineipalities targeted by his corsairs. Within Algeria, the sell"-sty!cdSultan cAbd al-Qadir was involved in a dual process 01" encouraging the local population Losubmit to his rule and participate in his state building plan and also to fight against Frenchincursions westwards. The problcm of unifying the community to I"ight the jih'td ortenproved to be more pressing than thejih:'td itselr and cAlxl al-Qadir I"requently I"ollnd himsell"fighting his own people rather than the French. The irony 01" the situation is c!carlydemonstrated in the Des Michels TreaLy and cAbd al-Qadir's I"ormation of a Nizmi anny.The Emir justified the signing of a treaty with the enemy by manoevering Des Michels, theFrench commander, iI1lo requesting a truee l'or the bene fit of both communities and then,bel"ore agreeing, insisted that his mailis and the west Aigerian elite discussed whether toaccept or reject the reqllesl. The respollsibility I"or making peace with the enemy thusbecame a communal responsibility although cAbd al-Qadir defned the conditions. Theseconditions included Des Michels commiunentto supply cAbd al-Qadir wit.h weapons andt.raining personnel l'or his Nizarni mmy. In his history 01" the Maghrib, as-Sulaymani, asecond generation Moroccan whose I"amily had served with cAbd al-Qadir, clearly stat.es thalcAbd al-Qadir's prime motive in creating a Nizarni army was noLjih

  • The rclalinnship bel",ccn Ma",la)' cAbd arRahmanand" bd alQadir

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    governor of Aigiers, tensions betwccn the Aigerian 'Suftanate' and the French intensified.But cAb