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Université Mohammed V

FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES

RABAT

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HESPÉRISTAMUDA

VOL. XXXV - Fascicule 2

1997

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HESPERIS TAMUDASous le patronage

du Doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences HumainesAbdelwahed BENDAOUD

* * *

Comité de Rédaction

Brahim BOUTALEB

Mohamed EZROURARahma BOURQIA

Abdcrrahmanc EL MOUDDENMohammed KENBIB

Abdclahad SE8TI

La revue Hespéris - Tamuda est consacrée à l'étude du Maroc, de sa société, de son histoire,

de sa culture et d'une manière générale aux sciences sociales de l'Occident musulman. Elle paraîtannuellement en un ou plusieurs fascicules. Chaque livraison comprend des articles originaux, descommunications, des études bibliographiques et des comptes-rendus en arabe, français, anglais,

espagnol et éventuellement en d'autres langues.

Les textes, dûment corrigés, doivent être remis en troIS exemplaires dactylographiés, endouble interligne et au recto seulement. Les articles seront suivis de résumés dans une languedifférente de celle dans laquelle ils sont publiés. Les textes non retenus ne sont pas retournés à leurs

auteurs. Ceux-ci en seront avisés. Les auteurs reçoivent un exemplaire du volume auquel ils aurontcontribué et cinquante tirés à part de leur contribution. Les idées et opinions exprimées sont

celles de leurs auteurs et n'engagent en rien Hespéris-Tamuda.

Le système de translittération des mots arabes utilisés dans cette revue est le suivant:

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Voyelles brèves

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Pour toute demande d'abonnement ou d'achat, s'adresscr au Service des Publications, desEchanges et de la Diffusion, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, BP. 1040, Rabat.

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HESPERIS TAMUDAVol. XXXV, Fasc. 2

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Tous droits réservés à la Faculté desLettres et des Sciences Humainesde Rabat (Dahir du 29/0711970)

Dépôt légal W 31/1960ISSN 0018-1005

Composition: ANCYF Znaïdi - RabatImpression: Imprimerie NAJAH EL JADIDA - Casablanca

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Université Mohammed V

FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINESRABAT

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HESPERISTAMUDA

VOL. XXXV - FaEcicu/e 2

1997

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HESPERISTAMUDA

Vol. XXXV, Fascicule 2

SOMMAIRE - SUMARIO

ARTICLES - ARTICULOS

1997

Halima GHAZI-BEN MAISSA. - Le culte royal en Afrique mineureantique.......................................................................................................... 7

Mohammed HAMMAM. - Les relations commerciales entre Pise et leMaghreb sous l'Empire almohade (1166-1213)........................................... 43

Mohammed KABLY. - Légitimité du pouvoir étatique et variationssocio-religieuses au Maroc médiévaL..................................................... ... 55

Pierre GUICHARD. - L'Europe et le monde musulman au Moyen-Age. 67

Mohammed KHARCHICH. - La gauche lyonnaise face auxévénements du Rif (1925-1926) 107

Hammou BELGHAZI. - Le rituel comme action sanctifiante des liensirltergroupes: le cas de rada au Maroc........................................................ 121

Rahma BOURQIA. - Droit et pratiques sociales: le cas des Nawazil auXIxe siècle............... 131

COMPTES-RENDUS BIBLIOGRAPHIQUESRESENAS BIBLIOGRAFICAS

Masashi HANEDA & Toru MIORA (eds.), Islamic Urban Studies.Historical Review and Perspectives (Abdelahad SEBTI)........................... 149

Ahmed SIRAJ. - L'image de la Tingitane. L'historiographie arabemédiévale et l'Antiquité nord-africaine (Abdelahad SEBTI)...................... 153

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Muhammed AL·MANOUNI. - La civilisation mérinide, Feuillets (enarabe) (Mohammed CHERIF) 157

Rahma BOURQIA et Qlii éd. - Femmes, culture et société au Maghreb(Brahim BOUTALEB) 163

Mohammed IBN 'ABDALLAH AL·KIKI; - Mawahibu dhi-l-Jalal finawazili -1- biladi as-sa'ibati wa +jibâl (éd. Ahmad TOUFIQ) (BrahimBOUTALEB) 167

EN LANGUE ARABE

Abderrahim BENHADDA. - Documents ottomans sur les relationsentre le Maroc et la Turquie du temps de Moulay Sulaïman Il

Khalid Ben SHRIR. - Document inédit sur le Mellah de Marrakech à lafin du XIxe siècle................................................. 25

Mohammed BOUKABBOTT et Ahmed AL BOUZIDI. - Témoignagemarocain sur la bataille de Bougafer 73

COMPTE-RENDU EN ARABE

William A. HOISINGTON Jr.. Lyautey and the French Conquest ofMorocco (Brahim BOUTALEB) 97

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Hespéris-Tamuda, Vol. XXXV, Fasc. 2 (1997), pp. 7-42.

LE CULTE ROYAL EN AFRIQUE MINEURE ANTIQUE

Halima GHAZI-BEN MAISSA

Que les Rois imazighen aient reçu un culte en Numidie et en Maurétanie,bien des historiens l'ont affirmé, de M. Renatus de Lablanchère(l) à Ch.-AndréJulien(2) en passant par Pallu de Lessert(3), St. GseW4) et J. Carcopino(5). Parcontre, G. Camps(6), pense qu'il s'agit plutôt d'un culte funéraire. Hypothèse suivie,avec réserve, par M. Benabou qui invite à la circonspection "et à ne pas négligerl'utilité politique" de la pratique du culte royal(7). Une telle opposition de points devue nous incite à rouvrir le dossier, et à nous demander si les /mazighen ont adoréleurs Rois de leur vivant ou seulement après leur mort. Si un tel culte existait sousles Rois imazighen indépendants, s'est-il prolongé ou a-t-il évolué sous les Roisprotégés, Juba II et son fils Ptolémée? Ce culte s'est-il étendu aux chefs qui n'ontpas porté le titre de Roi?

I. LES ROIS LÉGENDAIRES

Deux personnages imazighen ont exercé leur fascination sur le peupled'Afrique mineure: Antée et Hiarbas. Ces deux rois, peut-être historiques, sont

(1) M. Renatus de Lablanchère, De rege Juba regis Jubae filio, éd. E. Thorin, Paris, 1883, p.107.

(2) Ch A. Julien, Histoire de l'Afrique du Nord (Tunisie, Algérie, Maroc), des origines à laconquête arabe (674 ap. J.c.), éd. Payot, Paris, 1951 (= Julien, Histoire de l'Afrique du Nord), p. 99.

(3) C. Pallu de Lessert, "Les assemblées provinciales et le culte provincial dans l'Afriqueromaine, Nouvelles observations", Bull. de géo. et archéol. d'Oran, XI, 1899, p. 8. L'auteur cite Th.Mommsen, Romische Geschichte, V, pp. 622 et 629.

(4) St. Gsell, Histoire ancienne de l'Afrique du Nord, éd. Hachette, 1913-1928 (= GsellHAAN), t. VI, p. 132.

(5) 1. Carcopino, Le Maroc antique, 4ème éd., Gallimard, Paris, 1943 (= Carcopino, LeMaroc antique), pp. 34-35.

(6) G. Camps, "Massinissa ou les débuts de l'histoire", Libyca, VII, 1960 (Camps,

Massinissa), p. 290-295.

(7) M. Benabou, De la résistance africaine à la romanisation, éd. Maspéro, Paris, 1976 (=

Benabou, Résistance), p. 284.

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8 H. GHAZI-BEN MAISSA

entrés, par la volonté de leur peuple, dans l'univers de la légende, une légende queles lmazighen se transmettaient, de génération en génération(8), avant que la plumedes Grecs et des Latins ne l'ait immortalisée.

- Antée

a. Récit légendaire

Ce fut un roi puissant, selon la légende, qui défendit ses Etats et en interdittoute pénétration aux étrangers. Ceux qui osaient s'y hasarder étaient provoquéspar lui en combat singulier. Les crânes des intrus mis à mort à la suite de cetterencontre, servaient à l'ornement du temple de Poséidon, son ancêtre(9). Il étaitaussi le fils de la terre, car quand illa touchait il devenait encore plus fort( 10).

Il régna sur Irasa en Cyrène selon Pindare(ll) et sur toutes les terres d'Afriquemineure selon l'interprétation que donne J. Carcopino à la IVème Isthmique du mêmeauteur< 12). "Chef à la stature et aux armes gigantesques dont les exploits et le nomrappellent la gloire d'Hercule"(I3), il étendit son pouvoir de Leptis Magna à l'Est, àLixus à l'Ouest, passant par Oea, Sabratha, Thapsus, Ruspina, Zama, Vaga etHippone(l4). Lucain nous rapporte que l'''Antiquité véridique appelle" l'Afriqueantique, "les royaumes d'Antée"(5).

Alors que de nombreux auteurs06>, répétant sans doute ce que disaient lesautochtones, nous rapportent que le géant amazigh, redoutable dans l'art de la lutte,défenseur intransigeant de ses Etats, avait un palais à Lixus(17), et qu'il fut lefondateur de Tingi(l8), Lucain, lui, préfère nous dire que ce Roi vivait dans unecaverne et qu'il s'adonnait à la chasse et ne mangeait que du lion(19). Les laboureursde champs, selon le poète latin, n'avaient pas de place dans la société que gouver­nait le Roi(2O). Comme si ce n'était pas dans ses territoires que toutes les légendesplaçaient les jardins des Hespérides!

(8) Plutarque, Sertorius, IX, 6-9

(9) Pindare, Iye Isthmique, 39-54; Apollodore, Bibliothèque, Il, 5,11; Lucain. IV, 606.

(10) Apollodore, ibid. ; Solin XXV; Ovide, Les Métamorphoses, IX, pp. 163 et 184.

(II) Pindare, [Xe Pythique, pp. 105 et 106.

(12) J. Carcopino, Le Maroc antique, pp. 67 et 68.

(13) Silius Italicus, III, pp. 256-264.

(14) Id., ibid.

(15) Lucain, IV, 590.

(16) Pline, HN, Y, 2; Pomponius Méla, Chorographie, l, 5; Solin XXV.

(17) Pline HN, Y, 3; Solin, ibid.

(18) Pline, ibid., Y, 2; Solin, ibid.; Méla, ibid.

(19) Lucain, Pharsale, IY. 601.

(20) ld., ibid., IV, 605-607.

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LE CULTE ROYAL EN AFRIQUE MINEURE ANTIQUE 9

Antée était marié à une femme du nom de Tingé; celle-ci épousa Héraclès àla suite de la victoire du demi-dieu grec sur le géant Iibyen(21 l. Le Roi amazighavait une fille aux cheveux d'or d'une admirable beauté; elle épousa le plus fameuxdes prétendants: le cyrénéen Alexidamos(22l.

Un "bouclier rond, énorme, découpé dans du cuir d'éléphant, nous dit Méla,et que, à cause de sa grandeur, nul aujourd'hui ne saurait manier, était, à ce quecroyaient et racontaient les habitants des alentours (de Tingi), celui que le héros aporté, d'où leur vénération extraordinaire à son égard"(23).

Un tombeau fut dressé à ce Roi, apparemment divinisé, entre Lixus sa capi­tale et Tingi, sa fondation(24l. Le romain Sertorius affirme y avoir découvert uncorps de 60 coudées(25l.

Telle est la somme des légendes tissées autour de ce personnage.

b. Interprétation historique

S'agit-t-il d'un chef historique dont la légende se serait emparée? Ce Roiamazigh, puissant, aurait gouverné l'Afrique Mineure des Syrtes à l'Océan atlan­tique à un moment où les Grecs entreprenaient leur aventure vers l'Occident. SelonSalluste, qui nous transmet ce qu'on racontait chez les Imazighen et ce qu'on lisaitdans les Libri punici du Roi Hiempsal W26l, des Mèdes, des Arméniens et desPerses conduits, auparavant, par le demi-dieu grec, Hercule, se seraient installés enAfrique antique. S'agit-il d'un contingent de mercenaires orientaux ayant accom­pagné un général béothien(27 l à l'époque où les grecs multipliaient leurs invasionset fondations de colonies dans la partie ouest de la Méditérranée? Si cette interpré-

(21) Plutarque, Sertorius, IX, 8.

(22) Pindare, IX" Pythique, 106-125.

(23) Méla, ibid.

(24) On pense qu'il s'agirait du tertre de Mzora, cf infra.

(25) Plutarque, Sertorius, IX, 2; Strabon, Géographie, XVIII, 3, 8. (60 coudées = 27 cm). Lalégende qui veut que certaines villes du Maroc antique aient été fondées par des géants, s'est perpé­

tuée jusqu'au Moyen-Age. Ainsi Abou Abdellah Mohamed Ibn AbI Bakr AzzahrI, dans son livre inti­

tulé a/-Jughrafia, Damas, 1968, p. 194, nous signale qu'une ville, du nom de Tahart, fut, selon Ibn AIJazzar, auteur de 'Ajaibu a/-Bu/dan, construite par des géants et "que de nos jours, nous trouvons leurtrace: des tombes renfermant des squelettes humains dont la longueur du fémur, sans compter les arti­culations, est de sittati ashbar (= soit 1,30 ml. On y a trouvé aussi des crânes humains avec quelquesdents. La dent mesure en longueur ainsi qu'en largeur plus de tha/iithat ashb;ir (soit 0,75 ml. Sonpoids, lui, est de thalathat arçal (soit 7,5 kg)".

(26) Cf Salluste, Bell. Jug, XVIII. Les Maures seraient des Hindous venus dans ce pays avecHéraclès selon Strabon, XVII, 7.

(27) Le personnage d'Héraclès est d'origine béotienne. Son nom est Alcide; Héraclès n'estqu'un surnom qui veut dire gloire d'Héra. Ce personnage magnifié est, selon les récits, le fils d'unemortelle, Alcmène, et du dieu Zeus. Celui-ci s'est présenté à cette noble dame sous l'aspect de sonmari absent, Amphitryon.

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\U H. GHAZI-BEN MAISSA

tation est juste, cette histoire magnifiée serait l'écho d'événements sanglants quiremonteraient à une époque située entre la fin du VIIIe s. et le début du VIe siècleavant J .-c., date à laquelle remontent justement les plus anciens vestiges de Lixus,cité où se trouvaient, selon Pline l'Ancien, le palais d'Antée. Quant aux légendestissées autour de ce personnage, elles prouveraient, à leur tour, l'existence d'unculte pratiqué par les Imazighen à l'égard de leur Rois depuis cette époque, aumoms.

- Iarbas 1

a. Récit légendaire

Dans l'Enéide, Virgile évoque un Roi de Libye du nom d'Iarbas(28). Celui-ciaprès avoir tout d'abord repoussé Didon à son arrivée, lui permit d'acheter autantd'espace que la peau d'un bœuf peut en couvrir. Intelligente, la phénicienne fittailler la peau de l'animal en lanière et occupa ainsi "un espace beaucoup plusgrand que celui qu'elle a paru demander"(29).

Roi des Maxitani selon Justin(30), des Maurusiens selon Virgile(31), desMazikès selon Eustathe(32), de Libye selon Saint Jérôme(33), il convoqua "dixnotables carthaginois, leur demanda la main d'Elissa sous menace de guerre"(34).Celle-ci éprise d'Enée selon Virgile(35), n'acceptant pas d'épouser un barbare selonlustin(36), mais ne voulant pas non plus provoquer la destruction de la villenouvelle, préféra aller sur le bûcher. Son sacrifice pour sauver sa cité, lui a valuune déification.

Ce Roi qui est dépeint par Silius Italicus comme un tyran, faisant régnerpartout la terreur(3?), est un personnage fort riche et père de deux héros.

Acherras, son fils est chef du "camp des Gétules habitués à vivre parmi lestroupeaux de fauves, à parler aux lions indomptés et à calmer leur fureur"(38). C'estun chef qui ne montre ni un visage joyeux, ni un front serein(39).

(28) Virgille, Elléicle, IV, pp. 35-42, \96-226,533-536.

(29) Gsell. HAAN, 1, p. 382.

(30) Justin, Histoires Philippiques, XVIII, 6, 1.

(3 \) Virgile, Enéicle, IV, 206.

(32) Eustathe, Comm. advers., 195, G.g.m., Il, 250 (C. Muller, 1861), cité par J. Desanges,Rex Ml/xitanorum Hiarbas (Justin, XVIII, 6,1) dans Philologus, Ill, 1967, p. 305. nA.

(33) Saint Jérôme, apl/cl Timée, Adversus Jovianum, 1, dans Patrologia latina, t. 23. p. 273.

(34) Justin, ibid.. XVIII,6, 1.

(35) Virgile, ibid., pp. 231-216.

(36) Cf Justin, ibid., XVIII, 6,3.

(37) Silius Italicus. II, 55-56.

(38) Id., ibid., pp. 287-289.

(39) /d., ibid.

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LE CULTE ROY AL EN AFRIQUE MINEURE ANTIQUE Il

Asbytés, sa fille, belliqueuse et intrépide(40) est une redoutable guerrière.Vêtue d'un "manteau aux lueurs chatoyantes"(4l), se mettant à J'abri d'un "bouclierbrillant de pierres précieuses"(42), elle conduit diaboliquement le char(43), manieavec une grande dextérité le javelot et sème la panique dans les rangs de l'en­nemi(44). Sa mort sur la champ de bataille rendit "fous de chagrin"(45) les Numidesgui se sont mis "sans tarder au triste devoir des funérailles de leur princesse"(46) etlui ont élevé un tertre(47).

b. Interprétation historique

Dans un fragment rapporté par Saint Hippolite et qui serait de Pindare "lesLibyens disent que Iarbas, le premier né des hommes sortant des plaines dessé­chées, cueillit le doux gland de Zeus"(48). Si comme le veut la légende, ce Roi estle premier né des hommes, cela signifie que Iarbas n'avait pas de père du genrehumain. Or ceci est en parfait accord avec le nom que porte ce personnage, àsavoir larbas. Ce nom amazigh, et non pas phénicien comme ['avance St. Gsell(49),est composé de lar, ba et s qui, réunis, veulent dire "celui qui n'a pas de père",sous-entendu "du genre humain". Cela est confirmé si l'on tient compte d'unelégende rapportée par Virgile et Silius Italicus où ils affirment que le héros africainest fils de Hammon-Jupiter, "né d'une nymphe garamantide enlevée par le dieu"(50).Cette légende si fabuleuse soit-elle, ne doit pas nous pousser à rejeter l'existence dece personnage(5l), car de nombreux hommes aux destins exceptionnels, connushistoriquement, ont eu la même prétention, celle d'être né d'un dieu(52). Quant à lanymphe garamante, elle est là pour affirmer l'africanité du personnage.

(40) Id., ibid., 121-176.

(41) Id., ibid.

(42) Id., ibid.

(43) Les Asbutae qui, selon Hérodote, IV, 171, habitaient au sud de Cyrène et possédaientdes chars à quatre chevaux pourraient avoir tiré leur nom de celui de la princesse Asbytès.

(44) Silius Italicus, ibid., 121-176.

(45) Id., ibid., 264.

(46) Id., ibid.

(47) Id., ibid., 256.(48) Saiilt Hippolite, Philosophumena, V, dans Patrologia Graeca, t. XVI. p. 3127.

(49) Gsell, HAAN, l, p. 394, et III, p. 291. Selon G. Camps, origine du royaume massyle,dans Revue d'histoire et de civilisation du Maghreb, n03, 1967 (= Camps, Origine du royaumemassyle), p. 29: "Ce chef porte un nom non africain, vraisemlablement théophore. comme la plupart

des noms de chefs libyens".(50) Virgile, Enéide, 198-199; CF. aussi Silius Italicus, II, 57-67.

(51) Cf à ce propos J. Oesanges, Rex Muxitanorum Hiarbas, (Justin. XVIII. 6,1) dansPhilologu'\, Ill. 1967, p. 304-308 et G. Camps, "les Numides et la civilisation punique". dans Alli.Afr., 14. 1979 (= Camps, Les Numides et la civilisation puniq..œ), p. 44.

(52) La fable des fils de Raâ, pour ne citer qu'elle, devait être encore présente dans lamémoire des peuples avoisinant l'Egypte, où régnaient, à cette époque (fin du IXe ct la VIlle s. avantl-C.) des pharaons de la XXIle et de la XXIlIe dynasties, toutes deux libyques. donc de la même

souche que notre Roi amazigh.

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12 H. GHAZI-BEN MAISSA

Si ce personnage de légende a existé réellement, ce devait être un Roi puis­sant, contemporain de la fondation de Carthage que d'aucuns situent en 814 avantJ.c. Ses royaumes se seraient étendus des Syrtes aux côtes atlantiques(53).Plusieurs peuples vivaient apparemment sous le sceptre de ce Roi garamante. On yrencontre les Maces, les Battiades, les Nasamons, les Autololes, les Gétules selonSilius Italicus(54), auquels il faudrait sans doute ajouter les Numides et les Mazikesd'Eustathe(55l.

La légende tissée autour de la personne de ce Roi, qu'on veut d'originedivine, et des membres de sa famille, confirme une fois encore l'existence d'unculte royal, chez les lmazighen depuis leur très haute antiquité.

IL LES ROIS HISTORIQUES

A. Le culte royal du vivant des souverains

- Syphax Il

De l'autre côté de l'Afrique mineure, on voit éclore une autre légendesemblable. Une tamazight Tingi et un demi-dieu, Hercule donnèrent la vie à un filsdu nom de Sophax. Deux Rois historiques porteront ce nom. Le plus puissantd'entre eux. est le rival de Massinissa, Sophax n. Rien n'interdit de voir en lui (ouen son entourage) le créateur de cette légende. Roi pieux, Suphax n faisait éleverdes autels de gazon sur lesquels il immolait lui-même des victimes(56). La puis­sance, la richesse, l'hellénisme de l'aspect extérieur de ce Roi massaesyle(57), quigouvernait un territoire s'étendant de Tingi à la Cyrénaïque(58l, autrement ditjusqu'aux confins de l'Egypte, pays des Pharaons, nous permettent de penser quecette légende a pu être forgée à son attention, d'autant plus que le contexte histo­rique encourageait ce genre de croyance. En effet, il est important de souligner quel'avènement de Suphax survient à la fin d'un siècle où s'étaient multipliés dans lemonde hellénistique et en Egypte, pays voisin des possessions du Roi, lesexemples d'apothéoses et les signes d'adoration de Rois considérés comme dessurhommes, et où, pour éviter des usurpations, on inventait "des généalogiesdivines et des légitimations ancestrales"(59).

(53) Silius Italicus, II, pp. 57-67.

(54) Id., ibid.

(55) Eustathe, ibid.; cf J. Desanges, ibid., et G. Camps, ibid.

(56) Silius Italicus, XVI, 62.

(57) Cf. J. Mazard, Corpus nummorum Numidiae Mauretaniaeque, Paris. 1955 (= Mazard,CNNM), n° 10 et 11 et notre analyse dans les origines du royaume d'Ascalis. dans Africa Romana. XI,1994. pp. 1403-1416.

(58) Cf. H. Ghazi-Benn Maissa, "Les origines du royaume d'Ascalis", dans Africa Romana,XI, 1994, pp. 1403-1416.

(59) L. Cerfaux et J. Tondriau, Le culte des souverains dans la civilisation gréco-romaine.Paris, 1957 (L. Cerfaux, et J. Tondriau), p. 146.

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LE CULTE ROYAL EN AFRIQUE MINEURE ANTIQUE 13

Quant à Juba II, il n'a fait que rapporter la petite histoire(60). Et, en tantqu'héritier du royaume de Sophax, il s'attribua les fruits de la légende du massae­syle.

- Massinissa

Ce caractère sacré pouvait s'étendre à l'épouse ou à la mère du Roi.Rappelons-nous le cas de l'époque de Gaia et mère de Massinissa; ce fut uneprophétesse aux yeux des anciens(61). Un homme issu d'une créature pareille et roide surcroît ne peut être considéré comme un être ordinaire, surtout quand il s'agitd'un Massinissa.

Massinissa avait d'étroites relations avec le monde hellénistique. Lesinscriptions découvertes en Orient en témoignent(62). Ptolémée VIII, Evergète II,alors Roi de Cyrène et futur Roi d'Egypte fut reçu à la cour grécisée du Numide,probablement entre 160 et 155 avant J.-c.(63). Il serait donc étonnant que leMassyle assoiffé de pouvoir et d'autorité n'ait pas usé de tous les moyens pour segrandir aux yeux de ses sujets et s'entourer d'un sacré qui le rendrait irremplaçableet sa personne inviolable. Les courtisans étaient là pour lui le rappeler si lui-mêmen'y avait pas pensé, ce qui du reste serait étonnant de la part du fils d'une prophé­tesse.

On nous a rapporté que ce nonagénaire, d'une résistance physique extraordi­naire, bénéficiait de la Tuché et c'est grâce à cette faveur divine, la baraka enquelque sorte, qu'il a pu recouvrer le royaume de ses ancêtres(64).

Tite Live, dans la supplication de Sophonisbe, reconnaissait que le pouvoirdu Roi était un don des dieux(65). Le souverain numide détenait donc un pouvoircharismatique et bénéficiait aux yeux de l'auteur latin de la Felicitas et de laVirtus(66). Cette Virtus, Tite Live, reconnaît ailleurs, qu'elle impliquaitl'immortalité(67).

(60) Plutarque, Sertorius, IX.

(61) Cf Silius Italicus, XVI, 121-132 et 140-142.

(62) Cf F. Durrbach, Choix d'inscriptions de Délos, New York, 1976, pp. 68-69 et 93; IG 112,2316, 1. 41-44; cf. aussi M.F. BasIez, "Un monument de la famille royale de Numidie à Délos", dansRevue des études grecques, XCIII, 1981, pp. 160-165.

(63) Massinissa avait reçu entre 160 et 150 ce Roi hellène de Cyrène. Le faste de la cour duRoi numide était resté apparemment fixé dans la mémoire du Basileus qui l'immortalisa dans leVllème livre de ses commentaires rapportés par Athénée, Deipnosophistes, VI, p. 229.

(64) Appien, Punica, p. 106.

(65) Cf Tite live, XXX, 12, J 1.

(66) Tite Live, XXX, 12, 12.

(67) Id, l, 7,15: "Immortalitatis virtute partae".

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14 H. GHAZI-BEN MAISSA

Polybe, quant à lui, fasciné par les qualités du Roi, nous parle même de sonœuvre divine "la plus belle, la plus divine" (68), nous dit-il. On mesure l'importanced~ cette phrase, quand on pense qu'elle émane d'un auteur à qui l'on a reproché denier "l'intervention divine"(69) et d'expliquer par d'incomparables qualités natu­relles les succès de son héros"(7ü), Scipion l'Africain(7l). Il est probable donc queMassinissa possédait aux yeux de Polybe, une puissance divine grâce à laquelle,selon l'auteur grec, il a rendu, à la terre de Numidie, que l'on disait stérile, sa ferti­lité. "Avant lui, nous dit l'auteur grec, la Numidie tout entière était stérile et l'onpensait que son sol ne pouvait donner des récoltes; or le premier (... ), il prouvaqu'elle pouvait produire toutes éspèces de fruits"(72). Il n'y a pas de doute quePolybe a exagéré le rôle de Massinissa dans ce domaine(73). Mais cette exagérationn'est-elle pas justement la manifestation d'un culte, d'un début de légende?

A l'instar d'Alexandre le Grand(74), Massinissa est, aux yeux des anciens,empli de respect envers les dieux. Selon Ciceron(75), Massinissa, dès qu'il apprit laprovenance du cadeau que venait de lui faire le préfet de sa flotte, ordonna deremettre immédiatement en place la défense d'éléphant gigantesque qui ornait letemple de Junon-Astarté à Malte, dont ce dignitaire s'était emparé. Ce récit attestesa pietas envers les dieux qui pour cette raison ne feront que continuer à leprotéger. Dans le même sens, Massinissa avait envoyé (à Délos) vers 179, un char­gement de 2796 médimnes de blé (soit 14.00 hl) qui furent vendus 10.000drachmes au profit du temple d'ApolIon(76).

Pour sacrifier à Jupiter, le Roi numide était prêt, alors âgé de 70 ans, à serendre en personne au Capitole(77). Rome lui épargna ce pèlerinage et ce fut sonfils Masgava qui offrit le sacrifice(78).

Massinissa qui respectait les divinités des peuples étrangers, croyait encelles de sa nation. C'est les yeux pleins de larmes qu'il s'adresse au soleil et auxautres divinités du ciel pour les remercier d'avoir prolongé sa vie suffisammentpour voir le petit-fils de Scipion(79).

(68) Polybe. XXXVI, 4, 16.

(69) Etienne, Culte, p. 85.

(70) Id., IlJid ..

(71) fd., ilJid..

(72) Polybe, XXXVI, 4, 16.

(7]) Cr à ce propos notre article, "Volubilus et le problème de Re/?ùl .fubae", dans Afi'icuRO/lla!1a. 10. 1992, pp. 243-261.

(74) L. Cerfaux et J. Tondriau, ibid., p. 125.

(75) Ciceron, Verrines, Il,4,46; Valère Maxime, 1, 1, 2 reprend la même historiette.

(76) Cr F. Durrbach, Incsriptio!1s de Délos, Paris, 1929,442 A, L. 101,103.104 et 106 etTh. Homolle, "Comptes des Hiéropes du temple d'Apollon Délien", dans BCTH. VI, 1882. p. 9-11 et14-15.

(77) Tite Live, XLV, 13 et 14.

(78) Tite Live, ibid.

(79) Cicéron, La République, VI, 9.

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LE CULTE ROYAL EN AFRIQUE MINEURE ANTIQUE 15

Dans le monde grec, des statues étaient dressées pour honorer le 'Roi(80), surles bases desquelles des inscriptions vantaient les qualités du Numide en particu­lier l'affection et la bienveillance(81).

La Pietas, l'affection, la bienveillance, ne sont que des qualités humainescertes, mais quand elles sont présentes chez un individu, Roi de surcroît, ouqu'elles s'ajoutent aux autres qualités dont Massinissa se trouvait pourvu aux yeuxdes anciens, comme la Virtus, la Felicitas ou la Tuché, il en résulte que le RoiNumide, tout comme Auguste plus tard, "résume en lui-même toutes les vertusautant qu'il les propose comme modèles à ses contemporains", et apparaît par làmême proche des dieux(82). Le "mythe moral", comme l'a écrit R. Etienne, est insé­p1rable du mythe divin"(83).

Ce Roi, fils d'un Roi reconnu comme tel par Scipion, devait avoir commeles autres Rois imazighen des "fonctions religieuses"(84) et devait jouir "indépen­damment de ces fonctions d'une véritable protection magique et d'une influencebienfaisante"(85). La royauté comporte toujours dans l'histoire un caractère sacré.L'exercice du pouvoir royal fait des souverains les interprètes des dieux. Il lessacralise, voire les divinise. Ce caractère sacré de la royauté, comme l'a écritCamps, a été généralement négligé. Or il semble avoir eu un rôle considérabledans ce qui fut appelé le culte royal"(86). Les titres de Rex, de Basileus, d'Aguellidne doivent par avoir "seulement un contenu politique(87). Ils témoignent aussi d'unvéritable culte encore mieux prouvé par le rite de la proskynèse"(88) comme l'aécrit R. Etienne. A propos de cette proskynèse justement, Tite Live nous rapporteune indication relative au règne de Massinissa. Dans un passage, l'auteur latin nousdécrit la scène où Sophonisbe se prosterne devant le nouveau Roi, Massinissa, etlui dit "ton pouvoir sur nous t'a été donné par les dieux", ton courage et ta félicité;"mais si une captive, devant l'homme qui est le maître de sa vie et de sa mort, peutfaire entendre une parole suppliante, si elle peut toucher ses genoux, sa main victo­rieuse, je t'en prie, je t'en supplie par la majesté royale qui nous entourait naguère(00') par les dieux de ce palais (... ), accorde à une suppliante la grâce de déciderseul ce que t'inspirent tes sentiments pour ta captive et de ne pas me laisser tomberau pouvoir arbitraire, hautain et cruel de quelques Romains"(89J.I1 est clair ici que

(80) Durrbach, Choix d'inscriptions de Délos, nO 68 et 93.

(8 J) Id., ibid.. , N) 93.(82) Etienne, Le siècle d'Auguste, éd. A. Colin, Coll U2, Paris, 1980, (= Le siècle d'Auguste),

p.39.(83) Id., ibid..

(84) Camps, Massinissa, p. 162.

(85) Id., ibid..

(86) Id., ibid..(87) Etienne, Le culte impérial dans la Péninsule Ibérique d'Auguste à Dioclétien. 2éme éd.,

De Boccard, Paris, 1974, p. 89.

(88) Id" ibid..

(89) Tite Live, XXX, 12, 12-14.

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la proskynèse signifie plus qu'une salutatio d'un inférieur à l'égard d'un supérieur,elle traduit une attitude de supplicatio regis qui se rapproche de la supplicatio dei.

Il serait étonnant que Massinissa, qui avait su cristalliser l'admiration de sescontemporains et dont l'avènement survient à la fin du Ille siècle, c'est-à-dire "àune période où la pensée stoïcienne c. ..)(avait) habitué les esprits à fonder la méta­physique sur la morale"(90l, à une période où dans le monde héllénistique et enEgypte, avec lesquels le Numide avait des relations, se multipliaient différentesformes d'adoration des Rois(9Il, il serait donc étonnant que ce Roi, de surcroît filsd'une prophétesse(92l, n'ait pas été .considéré comme un être quasi-divin.

- Les successeurs de Massinissa: de Macipsa à Hiempsalll

Les successeurs de Massinissa ont-ils fait évoluer cette image d'un Roi à lanature quasi-divine, tirant sa sacro-sainteté de l'exercice même du pouvoir royalvers celle d'un Roi à la nature divine? Sont-ils parvenus à se faire adorer de leurvivant comme des dieux, à l'instar des pharaons égyptiens? Nous n'avons aucuneindication à ce sujet, ni en ce qui concerne l'attitude de Micipsa, fils de Massinissa,ni même en ce qui concerne le famosissimus Jugurtha, ou même le Roi éclairéHiempsal, fils de Gauda, petit-fils de Mastanabal et arrière-petit-fils de Massinissa.Aucune légende, aucune mention, même implicite, ne nous est parvenue allantdans le sens d'une déification des descendants de Massinissa. Mais faudrait-il pourautant conclure que les successeurs du vieux Roi avaient renoncé à cet atout qui nefaisait que rehausser leur prestige et qui les mettait à l'abri de toute concurrence?"Plus d'un chef de grande tribu, de peuplade envie le Roi et a l'ambition de laremplacer" affirme avec raison St. Gsell(93l. Les sources gréco-romaines neparlent-elles des Imazighen qu'en marge de l'histoire de Rome? Les auteursanciens, intéressés plutôt par l'attitude des chefs à l'égard de l'Urbs ont pu négligerce détail intérieur d'un régime qu'ils détestaient et dont ils se sont débarrassésdepuis 509 avant J .-C. Les Rois imazighen en général, et massyles en particulier,ne sont pas servis dans leurs royaumes par un tissu administratif dense qui leurpermet de tenir en mains leurs sujets. Ils ont à gérer des Etats formés d'unemosaïque de groupes sociaux et politiques divers, jaloux de leur autonomie et deleur indépendance. Le maintien d'un culte de leur personne est plus que nécessaire.Il peut servir à créer des liens directs entre le Roi et ses sujets. Ce culte, peut-êtreaussi, demeuré relativement discret sous les successeurs de Massinissa jusqu'àHiempsal II, va apparemment connaître sous Juba l, une autre orientation beau­coup plus audacieuse.

(90) Etienne. Le siècle d'Auguste, p. 39.

(91) Cf Cerfaux et 1. Tondriau, ibid., p. 125.

(92) Zonaras, IX, 12; Silius Italicus, XVI, 115-169.

(93) Gsell, HAAN, V, p. 138.

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- Juba 1

LE CULTE ROY AL EN AFRIQUE MINEURE ANTIQUE 17

Apollodore(94) nous rapporte une légende qui veut qu'un lobes soit le filsd'Hercule et d'une grecque, une thespiade appelée Kerthé, nom qui n'est pas sansnous reppeler celui de la capitale numide, Cirta. Ce conte ne serait inventé qu'àl'intention de Juba 1(95). Juba II est à exclure; il n'a pas régné sur cette partie del'Afrique. Si cette hypothèse est juste, le Roi, issu d'un milieu d'intellectuel(96), etses flatteurs, seraient à l'origine de la trame de ce récit; ils auraient voulu opposerun desendant direct d'Hercule à César, descendant, lui depuis peu, de VenusGenetrix(97).

Mais le Roi, s'est-il limité à ce stade ou a-t-il essayé de se faire passer pourJupiter, le Roi des dieux. N'a-t-il pas été aidé en cela par l'aspect jupitérien(98) deson profil? Un rapprochement, inspiré par le Roi lui-même ou par ses coutisans,entre lobès et lavis, forme archaïque du nominatif de Jupiter(99), qui se prononce àpeu de choses près de la même manière, ne serait pas impossible. Jupiter n'était pasinconnu en Numidie contrairement à ce qu'avance F. Bertrandy(lOO). Massinissaavait déjà manifesté le désir d'aller lui sacrifier. Le culte de ce dieu n'était pasignoré en Afrique. Le Roi des dieux avait un sanctuaire à Utique(IOI), où Juba l,après sa victoire sur les césariens et la mort de Curion en 49, a vécu pendant uncertain temps, et s'est conduit, nous dit-on, en MaÎtre(102).

(94) Apollodore, II, 7, 8.

(95) C'est cc qu'avait remarqué, avec raison, St Gsell, HAAN, VI, p. 155.

(90) Hiempsal II, Le père de Juba 1, est sans doute le Roi érudit, auteur des Libri punici,,ource dl' Sallustc (Bell. Jug., XVII, 7) quant aux origines des habitants de l'Afrique. L'autcur latinn'ayant pas précisé dl' quel Hiempsal il s'agit, d'aucuns (Camps, Massinissa, p. 15 ct 16; R. Syme,SullllSle. Los Angeles. 1964, p. 153) ont émis l'hypothèse que ces livres étaient de Hiempsal 1, fils deMicipsa. Seulement l'âge de Hiempsal 1, qualifié. ainsi que son frêre aîné, Adherbal. de parl'US parSalluste. Weil. JUI\ .. VI, 2) à la veille de son accession au trône, son caractère d'enfant terrible. sonrègne trop court (118-116) et trop tumultueux, ne plaident pas dans ce sens. D'ailleurs s'il était ques­tion de Hiempsal 1er. fils de Micipsa. Salluste n'aurait, sans doute, pas manqué de Icpréciser pourqu'il ne soit pas confondu avec le second. le plus proche, celui qui fut son contemporain, le père de

Juba lcr.

(97) "César l'a proclamé trés haut en 68", selon R. Etienne, Le siècle d'Auguste. p. 40.

(98) Ce rapprochement est contesté par F. Bertrandy, "Remarques sur l'origine romaine dumonnayage en bronze et en argent de Juba 1, Roi de Numidie", dans BCTH, n.s .. 12-14. fasc. B,1980. pp. 10-11. Dans cet article, l'auteur français pense à tort que Jupiter était inconnu en Numidiedu temps de Juba 1. Or on sait que ce dieu était connu du temps même de Massinissa. cf supm. p. 10

ct n. 76.

(9lJ) Cr F. Gaffiot, Dictiol1naire illustré, Latin-Français. Pris, 1934. au mot Jupiter.

(1 (0) F. Beru'andy, ibid.. p. Il.

(101) Plutarque, Catol1, 59, 3.

(102) César, Bell Civ., XI, 41-42; Dion Cassius, XLI, 42, 3-6; Appien. II, 45-46.

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Portrait de Juba 1Extrait (le Die Numider, p. 489

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LE CULTE ROY AL EN AFRIQUE MINEURE ANTIQUE Il)

Une inscription découverte à Hasnaoua "à14 km au nord de borj BouAréridj"(103), zone ayant fait partie jadis du royaume de Juba 1(104) que G. Campsdate postérieurement de "plusieurs siècles"(105) au règne de Juba II, nous paraîtplutôt, vu son libellé, remonter à l'époque de Juba 1 . En effet, dans ce texte le nomde Jupiter, suivi de celui de Juba, est cité au nominat~f sous la forme archaïquelovis. Dans cette inscription, Juba est mis sur le même plan que Jupiter; cela signi­fierait-il alors que le Roi tenait à être considéré comme un dieu de son vivant déjà?Ou bien ses fidèles ont-ils tenu à le diviniser après sa mort?

Les revers de certaines monnaies du Roi représentent la façade d'un templeoctostyle accompagnée de la légende en punique lobai Hmmlkt( 1(0). La coexitencedu temple et de cette légende doit-elle nous inciter à penser que ce temple avait étéérigé en l'honneur du Roi? Nous le pensons volontiers; d'autant plus que César,contemporain et ennemi du Roi "s'est fait rendre un culte divin de son vivant"! 107).

Ne serait-ce que pour défier le Dictateur, Juba 1 pourrait avoir choisi de se déifieravant sa mort.

- Juba 1/

Son fils Juba II, installé par la volonté d'Auguste à la tête du royaume deMaurétanie, va-t-il oser se faire adorer comme dieu de son vivant par ses sujets?

Dans les inscriptions latines gravées en son honneur! IOXJ, on ne peut trouveraucune allusion à l'éventualité d'un culte rendu du vivant du souverain. Cependantselon Plutarque( 109), Juba II, tout comme son père Juba l, aurait prétendu descendre

(103) CIL. VIII. 20627. Nlllldilla anllll(a) qllod praecepit !rn·i.1 et .1111)(/ el Gellills

\iullislle( Il )si( 11111) illlod precepenlllt dii lllgiroZO[iebm : Le marché annuel, selon cc qu'ont prescritJupiter, Juba ct le génie de Vanisnenses ct ce qu'ont prescrit les dieux Illgi·ro~.·(}gehlll (= les dieuxde l'endroit où creuse la pioche. autrement dit les dieux chthoniens).

(104) Cr H. Ghazi·Ben Maissa. "Les origines du royaume d'Ascalis", dans A/l'iCi! ROIII{//)(l,

XL 1994. pp. 1403-1416.

(105) Camps. Mussillissa. p. 286-187.

! 1(6) Mazard. CNNM. p. 50. n° 84-86 ct p. 51. n° 91. L'expression Hmmikt qui sc développe.selon J.G. Février, H(a)M(i) M(a) L (a) K(a) T, pourrait signifier protecteur du royaume ct non pas!:hd des princes comme l'avance J.G. Février, L'inscription fllnéraire de Micip.l'iI. pp. 139-159 ctparticulièrement p. 148. suivi par Camps, Massinissa. p. 217; C. et G. Ch. Picard. "Recherches surl'architecture numide". dans Kartha[io, XIX. 1980, pp. 16-39: préfèrent voir dans ce monument unebasilique qui servait à Juba à "rendre la justice; il est probable cn outre". selon les deux auteurs."qu'elle était le siège d'un culte de la dynastie. comme les basiliques des villes romaines le seront

pour le culte impérial", pp. 19-20.

(1 (7) Etienne. Le siècle d'All[illste. p. 42.(lOS) CIL. VIII, 9343: [in honorem] REGIS/ leL .. ] REGINAE (hedcra)/ l.. bol NAE

MAGNAE 1 sign] VM. VICTORIAE El ... S FELIX/ ldecr.:] TO PAGI. "En l'honneur du Roi et..de la RClne bonne. grande.... une statue de la victoire, ... Felix. par décret du Canton". CIL. VIII,20'J77: [regi Jubae r]~EGI PTOLMAEO/ [.. p] ATRONIS. ET! [dominis 01 B MERITA: "Au RoiJuba. au Roi Ptolémée... à nos patrons et nos maîtres, en raison de leurs méntes".

(109) Plutarque. Ser/orius.IX.

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d'Hercule. "Ses ancêtres à ce qu'on rapporte, nous dit l'auteur grec, étaient lesdescendants de Didore et de Sophax(llO>, lesquels étaient respectivement. selon lalégende, petit-fils et fils d'Hercule et de Tinga. L'auteur laisse d.onc entendre que leRoi numide de Maurétanie avait tenu à se rattacher à cette légende qui tleurissaitdéjà à Tingi, problablement depuis la fin du me siècle avant J. -co

Sur de nombreuses monnaies à l'effigie de Juba II, figurent les symboles duhéros légendaire. Le vase sacré (skyphos) "dans une guirlande fermée"!] 1]), figuresur le revers de trois monnaies datant de 22-23 après J.-c.(] 12). La "massue dansune couronne de laurier"(1 \3) est gravée au revers des monnaies de la période allantde 7-8 à 20-21 après J.-c. La "dépouille du lion de Némée suspendue à unemassue"( liS), entourée à gauche d'une flèche, à droite d'un arc, figure sur le reversdes monnaies de 5-6 à 23-24 après J.-c.

A cette série de monnaies, s'ajoutent celles où Juba ne se contentait pas decélébrer son ancêtre mythique, mais allait jusqu'à s'identifier au demi-dieu. Ainsi,sur l'avers de plusieurs monnaIes, datant de 5-6 à 23-24 après J.-c., Juba apparaîtcoiffé de la dépouille du lion de Némée(ll7). La massue est représentée à plusieursreprises den'ière l'effigie du Roi(!18).

Selon G. Camps, "ces misérables symboles"( 119) ne pouvaient pas avoir derépercussion dans la pensée des sujets de Juba II. "Toutes les dynasties"! 12()1.

continue l'auteur, "ont cherché à se donner des origines divines ou merveilleuses;cela ne signifie pas pour autant que les membres de ces dynasties étaient de ce faitdes personnages divins et reconnus pour tels"(121). A notre connaisance, quand unchef se donne une origine divine, c'est qu'il se veut divin et ses sujets ont intérêt,bon gré mal gré, à croire, apparemment du moins, à son essence divine. C'étaitd'ailleurs déjà le cas, malgré ses réticences officielles, de l'Empereur Auguste lui­même(!22), son protecteur. Nous constatons que Juba s'est choisi pour ancêtre unedivinité très populaire en Afrique du Nord. Ne plaçait-on pas, selon la légende, leJardin des Héspérides entre Lixus et Tingi? De nombreuses villes ne portent-elles

(1 10) Plutarque. ibid.

(1 Il) Mazard. ibid.( 1 12) Id., ibid. p. 83. N° 166-167 et 169.

(113) Id.. ibid, p. 84.

(114) Id., ibid., p. 84. W 169-174.

(115) Id., ibid.• p. 85.

(116) Id., ibid., p. 85-87. W 176-184 et 186.

(117) Id., ibid., p. 84. n° 172, p. 85. n° 177 et 178; p. 182; n091, n0208-212; p. 94. n0226; p.95-96. n° 231-236, p. 99 n° 253-156; p. 100, n° 260-162.

(118) Id., ibid.

(1 19) Camps. Massinissa, p. 288.

( 120) Id., ibid.

(121) Id.. ibid.(122) Cf Etienne. Le siècle d'AuRuste, p. 40-43.

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LE CULTE ROY AL EN AFRIQUE MINEURE ANTIQUE 21

pas le même nom que les épouses légendaires du demi-dieu: 7ïngiii23l, 101(124),Cil1a( 12~). Hippo (regius)(126). Le nom d'/cosium serait venu d'Eikosi qui, en grec,veut dire vingt, du nombre des compagnons d'Hercule(l27). Capsa aurait été fondéepar un Hercule Iibyenll28l. Cette poluparité est prouvée, s'il le fallait. par le nombred'inscription relatives à ce héros en Afrique(l 29 l.

On peut se demander si l'attitude de Juba II ne ri~quait P'lS d'irriter sonprotecteUi Auguste? Apparemment cela ne devait pas se produire. (-!t'l'cule n'estqu'un demi-dieu et il est le fils du dieu Jupiter. l'Empereur a tout intérêt même àl'encourager dans cette voie dans le but d'amadouer les sujets maures et de lesp;'éparer ù accepter, sans trop de difficulté, en cas d'annexion, le culte del'Empereur romain. Ce culte n'avait-il pas été reçu avec enthousiasme par les habi­tants des provinces orientales de l'Empire, initiées depuis longtemps à de tellespratiques?

La ~olitique religieuse de Juba II ne pouvait que servir celle d'Auguste; ledemi-dieu Juba/Hercule rendait un culte au dieu AugustelJupiter. La hiérarchiedivine et la Pietas filiale étaient donc respectées.

Qt:ant à l'épouse de Juba, Cléopâtre Séléné, fille de Marc Antoine (NouveauDionysos) et de la grande Cléopâtre, elle a toujours mis en évidence ses origineslagides. Elle donna à son fils le nom de Ptolémée, fit toujours graver son proprenom en grec sur les monnaies alors que celui de son mari figurait en latin( no). Lessymboles d'Isis(l31) et d'autres symboles égyptiens, crocodile(132l, vache(133),ibis(134), apparaissent sur de nombreuses monnaies frappées à l'effigie de Juba II etde Cléopâtre Séléné. Mais la monnaie la plus intéressante à ce sujet est celle où àl'avers figure la tête d'Ammon Cornu avec la légende Rex Juba, alors que sur lerevers apparaît une forme diadémée, assise à gauche, coiffée du symbole d'Isis,tenant un bouquet dans sa main droite et un sceptre oblique dans sa main gauche,

(123) Plularque. Sertorrius, IX.

(124) F. Durrbach. ert., Hercules, dans Ch. Daremberg, 2d. Saglio et E. Pottier, Dictionnairedes c!lltiquités grecques et romaines. Paris. 1877-1919, p. 99.

(125) Apollodore. Il. 7,8.

( 126) Id. , ibid.

(127) Solin, XXV, 17; cf M. Leglay, "A la recherche d'Icosium", dans Allt. Ati·.. Il. 1986. p.7.

(128) Salluste, Bell. Jug., LXXXIX, 4; cf aussi P. Corbier, "Hercule africain, divinité indi-

gène'I", dans Dialogue d'histoire ancienne, 1, 1974, p. 101.

(129) Cf P. Corbier, ibid., p. 95-04.

(130) Mazard, CNNM, p. 76-124.

(131) Id. , ibid. p. 93. n° 22 et 23; p. 102, n0272-274, p. 108. n0297-289; p. 10-113. n° 301-

338; p. 115. n° 345; p. 116-117, p. 351-354.

(132) Id., ibid., p. 113-115. nO 339-344 et 346; p. 125, n° 394 et 395.

(133) Id., ibid., p. 93-94, n° 224-226.

( 134) Id. , ibid.. p. 116, n° 349.

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le tout entouré de la légende Basilicca Kléopatra et inscrit dans une couronne delaurier< 135). Selon J. Mazard, il s'agit d'une déesse dont il ne précise pas le nom(l36).Pour notre part, nous pensons qu'il pourrait s'agir de la Reine Cléopâtre s'identi­fiant à Isis, dont elle serait, en tant que descendante des pharaons, l'émanationterrestre. C'est à Isis, d'ailleurs, que Juba II avait consacré un /sewn à CaesareaCI37 ).

- Ptolémée

Quant au Roi Ptolémée dont le nom est déjà lourd de signification. il doitavoir hérité du "sacré pharaonique" de sa mère et herculéen de son père. Et si lesdédicaces latinesC138) relatives à ce Roi, comme celles adressées à son père, n'appa­raissent pas teintées de beaucoup de religiosité, il reste néanmoins que j'une d'elless'adresse à son genius(l39).

Selon les sources numismatiques, il ressort que Ptolémée avait suivi pendantun certain temps la politique religieuse hybride de son père. Aux côtés desmonnaies où se trouve encore gravée la massue, symbole d'HerculeC14C)), figurentdçs monnaies dédiées à Tibère Auguste(l41).

Une inscription découverte à Athènes(l42) fait remonter l'origine généalo­gique du Roi amazigh au Roi Ptolémée d'Egypte. Ce texte qui, sans nul doute,traduit une réalité mais aussi un état d'esprit, en mentionnant l'ascendance lagide duRoi Ptolémée a-t-il pu contribuer à développer dans l'esprit du Roi l'idée qu'il étaitJ'héritier des pharaons? A son retour d'Orient, Ptolémée s'est-il comporté à l'instar

(135) Id.. ibid., p. 117, n° 355.

(136) Id., ibid., p. 117.

(137) Pline, HN, V, 10.

(\38) L. LESCHI, "Un sacrifice pour le salut de Ptolémée, Roi de Maurétanie", dansMé/allges E.F. GAUTIER, 1937. p. 332-340: [pro salute r] EGIS. PT 10] LEM AEI / REGIS.IVBAE. F(ilii) REGNANTE 1 ANNO. DECVMO. ANTISTLA 1 GALLA. VOTVM .. SATVRNO.SOLVI / L1BENS MESITO. VICTVMA ACCEPTA 1 [a b] IVILIA RESPECT!. F(ilia). VITALERUSGVNIENSE == "Pour le salut du Roi Ptolémée, fils du Roi Juba, dans la dixième année de sonrègne, moi Antistia Galla. j'ai accompli mon vœu à Saturne d'un cœur content. à juste titre. la victimeayant été reçue par Julia Vitalis. fille de Respectus, originaire de Rusgunise". CIL, VIII. 8927: REGI.PTO/LEMAO./ REG(is). IVBAE. F(ilio): "Au Roi Ptolémée, fils du Roi Juba". CIL. VIII, 9257: [r]EGI. PTOLEMAE [0] REG(is). IVBAE. F(llio) 1 L(ucius). CAECILIUS ISA VAE CONSVMMATIS1 D(e). S(ua) P(ecunia). F(aciendum). C(uravit». ET CONSACRAVIT: "Au Roi Ptolémée, fils duR'.1i Juba. Lucius Caecilius Rufus. fils d'Agilis après avoir exercé toutes les charges de sa partie, apris le soin de faire ériger à ses frais (cette statue) et l'a consacrée". CIL VI lI, 9342; GENI [0]REGIS. PTO[lemaeiJ 1REGIS [ibuae filii]: "Au génie du Roi Ptolémée, fils du Roi Juba".

(139) CIL. VIII, 9342.

(140) Mazard, CNNM, p. 133-134, n° 430-439.(141) Cf id., ibid., p. 136-138, n° 451-464.

(142) IG, 555 == IG 112,3445 "Le peuple (athénien honore) le Roi Ptolémée, fils du Roi Juba.descendant du Roi Ptolémée pour sa valeur et sa bienveillance envers lui.

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LE CULTE ROY AL EN AFRIQUE MINEURE ANTIQUE

Le Roi Ptolémée, fils de Juba IIExtrait de Die Numider, p. 509

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24 H. GHAZI-BEN MAISSA

des Rois du Nil, et s'est-il considéré comme un dieu et par là même a-t-il refusé derendre un culte au dieu siégeant à l'Urbs, Caligula?(143). Cela est fort probable.

Avec la disparition des grands royaumes imazighen, et la création de petitesroyautés sous l'emprise directe de l'administration romaine, la personne du Roi nepeut que descendre de son piédastal. La pénétration du christianisme en Afrique duNord et la conversion des Rois(144) ont dû faire le reste. Le culte du roi vivantn'avait plus sa place dans la société. Cependant, chez les Maures moins atteints parla religion de Jésus que les nations timazighine de l'Est de l'Afrique antique, oncontinue à vénérer les Rois défunts.

B. Le culte royal des souverains après leur mort

Après leur mort, les Rois sont divinisés. Les sépultures colossales. tl/ml/fi.

tertres, tombeaux et mausolées en témoignent. Si les auteurs pa'lens n'ont pas parléexplicitement de cette pratique, c'est probablement parce qu'elle n'était pas propreau peuple amazigh. La divinisation des chefs morts en général. et des Rois enparticulier, était chose courante dans le bassin méditerranéen. Mais il y a toutefoisquelques allusions dans ce sens à signaler. Quant Appien relate la mort deSophonisbe, l'auteur grec nous dit que Massinissa lui organisa des funéraillesroyales(145). Quant Salluste nous parle de la mort de Micipsa. il nous dit que sesfils lui avaient "rendu les honneurs légitimes et dignes d'un Roi": il/i more regisiusta magnifice jecerant" (1 46). La magnifience de ces honneurs sous-entend-ellel'accomplissement habituel des rites funéraires royaux ou plutôt un cérémoniald'apothéose? Dans le discours de la plaidorie que Salluste prête à Adherbal et quecelui-ci prononça devant le Sénat, le Numide parlait de son grand-père Massinissaet de son père Micipsa comme de simples défunts et non comme des souverainsdivinisés. Mais Adherbal pouvait-il faire autrement, lui qui vient en suppliant? Uneallusion à une éventuelle divinisation des Rois ancêtres, ne risque-t-elle pas dechoquer les ennemis historiques de la royauté, les sénateurs romains?

1. Le culte des Rois morts en Numidie

Deux inscriptions puniques découvertes l'une à Dougga. l'autre à Cherchelapportent des éléments qui pourraient faire penser à la divinisation des Roisdéfunts, Missinissa et Micipsa en l'occurrence.

- Massinissa

La première est une dédicace bilingue punico-libyque, d'un temple érigé àMassinissa après sa mort: "Les citoyens de Dougga ont bâti ce temple au Roi

(143) Cf notre article, "Encore et toujours sur la mort de Ptélémée. le Roi II/!Ilôglz deMaurétanie", dans Hespéris, 1995, pp. 21-37, quant aux relations tendues entre le Roi ct son cousinCaligula.

(144) Nubel et son fils, Firmus, étaient de confession chrétienne.

(145) Appien, Punica, 28.(146) Salluste. Bell. iug., XI, 2.

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LE CULTE ROY AL EN AFRIQUE MINEURE ANTIQUr 2'i

Massinissa" fils du Roi Gaia, fils du Suffète Zilalsan en l'an 10 (du règne) deMicipsa ... "( 147) Certes, comme l'a souligné G. Camps, les "précisions généalo­giques apportées dans la rédaction de l'inscription ne donnent à Massinissa qu'uneorigine humaine(14S). Mais Massinissa avait-il besoin de se créer une généalogielégendaire'? N'était-il pas un être extraordinaire de nature quasi-divine aux yeuxdes anciens? Quant à la "sécheresse même de la dédicace", pour reprendre j'ex­pression de G. Camps(l4CJ), nous pensons qu'elle traduit plutôt une sincère adora­tion dépourvue d'artifice. Au début de l'institution du culte impérial. le .style desdédicaces n'est-il pas empli de sobrieté comme le veut alors l'epigraphie del'époque -ce qui ne signifie pas pour autant absence de spontanéité -. pour devenirensuite au Ile siècle et au début du IVe siècle plus pompeuse, plus emphatique.alors que la dévotion s'avère moins sincère, plus officielle que privée.

Le titre même de Roi, figurant dans le texte, n'est-il pas lourd de significa­tion'? G. Camps n'a-t-il pas insisté, et avec raison, quelques pages auparavant sur"le caractère sacré"(150) de ce titre. N'a-t-il pas écrit que l'attachement desfll1u:ighen à la personne royale relève plutôt d'une "origine religieuse oumagique "( 151) qu'affecti ve? Pour ces raisons, nous pensons donc que le formulairene manque ni de respect ni même d'adoration

De plus, ladite "sécheresse" du texte, ne doit pas nous faire oublier qu'on estICI en présence d'un temple, ce qui signifie automatiquement et sans ambiguïté,l'existence, dans cet édifice, d'un culte à un personnage, c'est-à-dire à Massinissa.D'autre part, un temple élevé et dédié à ce Roi défunt à plusieurs kilomètres de sacapitale Cirta, et à plusieurs kilomètres, comme l'a écrit G. Camps( 152), de son lieu desépulture, exclut, à notre avis, toute hypothèse d'un simple culte funéraire. et établitcelle d'un culte royal qui, peut-être, est rendu dans différentes parties du royaume.C'est pour cette raison que nous ne pouvons pas exclure la restitution Masin [issae]dans j'inspiration d'Abisar (en Kabylie) Tab (u) la Deo Masin [issae]( 15~)

- Micipsa

Dans la seconde inscription de onze lignes, en langue punique dédiée àMicipsa par l'arrière-petit-fils de Massinissa Yzm(154) (= "lion" en tcu77a:ight), il estq'Jestion d'un sanctuaire à Micipsa qualifié après sa mort de "vivant des

(147) J.B. Chabot, RecLlei! des inscriptions libyqLles, Paris, 1940-1941. n° 2.

(148) Camps, Massinissa, p. 283.

(149) Camps. ibid..

( l 'iU) Id., ibid., p. 162.

(l'il) Id., ihid.

(1 'i2) Id., ihid., p. 178,230 et 288.

(153) CIL, VIII, 20731.

(1'i4) lG. Février, "L'inscription funéraire de Micipsa", dans Revue d'Assyriologie et tf'ur­c!téo!ogie orientales, XLV, 1951 (= Février. L'inscription funéraire de Micipsu). p. 148.

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H. GHAZI-BEN MAISSA

vivants"( 155) par Yzm. Ce dernier se dit "ordonnateur du dieu"( 156). Ce dieu ne peut

être, selon J.c. Février suivi par G. Camps(l57), que Micipsa lui-même.

Dans ce sanctuaire, on respecte les rites habituels de tout culte divin, enfaisant des libations avec de la myrrhe fluide et en brûlant de l'encens (L.8), sansdoute devant la statue de celui qu'on vient adorer, le Roi Micipsa.

- Masgava

On a découvert d'autres inscriptions gravées cette fois en latin où apparais­sent les noms d'autres Rois et Princes imazighen. L'une d'entre elles. retrouvée àHenchir Belda, près de Dougga, est dédiée à Masgava, pour le salut de l'EmpereurCésar(l58). On connaît déjà un fils de Massinissa qui portait ce nom et à qui le Roiavait confié une mission diplomatico-religieuse à Rome(159) Cette indicationrapportée par Tite Live prouve à elle seule que ce personnage est loin d'être"dépourvu de toute importance"(I60). Il n'est pas impossible alors qu'on ait affaireici à un fils probablement très pieux de Massinissa, mort sans doute. commeplusieurs autres de ses frères, avant la disparition du nonagénaire. son père l'auraitalors divinisé.

- Gulussa

Dans une autre inscription découverte à Ksar Sbahi, on invoque le Génie dela colonie et le Roi Gulu·ssa(161). Une autre dédicace provenant de la même région,

de Khamissa (Tubursicu Numidarum) est adressée au Roi Hiempsal. fils du RoiGauda, par les habitants de la ville(l 62l. Selon G. Camps, ces deux dernières dédi­caces "ne sont pas d'une religiosité vibrante"(163). A propos de la première. l'auteurécrit: "Gulussa prend place après le Génie de la colonie et le caractère artificieldes sentiments révélés par l'inscription de Tubusicu ne fait aucun doute"( lM). Pour

( 1551Id.. ibid.

( 156) M. ibid.

(157) Camps, ibid., p. 284:

(] 58) AE. 1895. 31 MASGAV [ae]. .. 1PRO SALVTE [imp(eratoris) caes(aris).11 FEUCI

'S aug(usti)') ... 1 / PVBU COL. .. ICPPIII M.. ./ ECACAID...

(159) Tite Live. XLV, 13 et 14.

(160) Benabou, Résistance, p. 292, Ici apparemment, l'auteur suit G. Camps. Massillislll, p.

285.

(161) CIL, Vlll. 18752: GENIO COL [on(iae)] R(egi). N(umil D(i,lc)" GVLVGAE. NV[mij(diae) REG (is) / [mas] SIN [isae] FIL (io). MI. .. S ... R.R DRVSVS 1 PM LEG.MI...R ...FVLGVR. TEM; IVN. / HONOR. S(ua) P(ecunia) D(e) D(it).

(162) CIL, Vlll. 17159: REG [i ... ] HIEMP [sali] 1 GA VDAE REG 1is li 1 llO [ci vcs / ct)INCOLAE THV [bursic (enses) ae], DEFIC laver (unt) et in] GLOR (iam) OPT [imae" IpatriaejIVIVS PROCV [lus ... ] Hon ...

( 163) Camps, ibid.

(164) Id.. ibid.

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LE CULTE ROYAL EN AFRIQUE MINEURE ANTIQUE 27

notre part, nous n'avons pas pu déceler cet artifice de sentiment vu par G. Camps etnous constatons plutôt qu'en invoquant le Génie de la colonieen même temps quele Roi Gulussa, les dédicants ont bien voulu les mettre sur le même plan, ce qui estextrêmement important, et témoigne clairement de la divinisation du Roi

- Hiempsal

Quant à l'inscription dédiée au Roi Hiempsal, où il est question de l'érectiond'un monument, un temple peut-être, elle ne témoigne pas seulement de J'actiond'''un patriotisme de clocher"( 165), comme l'a écrit G. Camps, mais elle est, aussi etsurtout, la preuve de la persistance du cuIte royal, même pendant l'occupationromaine.

Une autre inscription est dédiée à Hiempsal par un citoyen romain qui ditavoir accompli un voeu v(otum solvit libens animo)(I66). Selon G. Camps, sous lenom de Hiempsal, se cache une divinité locale et non le Roi lui-même. "Quand oncite un Roi, même divinisé, on mentionne toujours ses titres ( ... ). Masgava,Hiemsal (Hiempsal) étaient vraisemblablement des dieux indigènes dont lesprinces numides portait le nom"(I67).

Pour notre part, si ce prince et ce Roi, Masagava et Hiempsal, portaient desnoms de divinités, c'est que ces deux personnages s'assimilaient de leur vivant àces dieux auxquels ils empruntaient leur nom. On peut citer à cet égard, unexemple plus tardif, certes, celui de Commode, qui se disait Hercules Romanus etst: considérait, sans complexe, lui-même comme un demi-dieu, fils de Jupiter.

2. Le culte des Rois en Maurétanie

D'autres témoignages, littéraires cette fois-ci viennent "confirmer l'exis­tence, voire la persistance du culte des Rois en Afrique mineure, particulièrementdans la Maurétanie. Plus choqués par cette divinisation posthume que les auteurspaïens, les auteurs chrétiens n'ont pas hésité à nous signaler et à dénoncer cettepratique contraire au principe du christianisme, chez les Imazighen.

Tertullien, apologiste et théologien africain de la fin du ne-début du luesiècles, nous apprend que la Maurétanie rendait un cuIte à ses Rois. "Chaqueprovince, chaque cité a aussi son dieu à elle; aussi la Syrie à son Astartes (... ),l'Afrique, Caelestes, la Maurétanie ses roitelets"Cl68). Il est évident que ce texterappelle deux réalités historiques. D'une part la popularité de Caelestis en Afrique,

( 165) M. ibid.

( 166) CIL, VIII, 8834.

(167) Camps, [bd.

(168) Tertulien, Apologétique, 24: unicuique etiam provinciae et civitati ,l'UUS deus est, utS"riae astartes (... ) ut Africae caelestis, ut Maurétaniae reguli sui.

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H. GHAZI-BEN MAISSA

déesse dont l'implantation remonterait à Didon(l69), après la conquête romaine,

Juno Caelestis ou souvent Cae/estes. était devenue la divinité poljade deCarthage(170J. D'autre part, il existait, un siècle et demi avant Tertullien, unroyaume en Maurétanie, dont les souverains prétendaient Je leur vivant déjà, avoirune ascendance divine.

Minucius Felix nous précise que le culte rendu aux Rois mallrt's l'C'tait {)()st

lI10rtem et cite comme exemple le nom de Juba. "Après leur mOl1 vom ImaginezqlJ'ils deviennent des dieux ( ... ) ainsi Juba, par la volonté des Maures t'st undieu"(171).

Saint Cyprien ajoute même que les Maures adorent leurs Rois "ouvertementet n'en font aucun mystère"(I72).

Un demi-siècle plus tard, Lactance constate la persistance d'un culte que lesMaures rendaient à leurs Rois divinisés et cite aussi Juba. "Les maures (ont divi­nisé) leurs Rois (... ), les Maures (ont adoré) Juba"(I73).

Dans Adversus Paganos(l74), Arnobe énumère, parmi les divinités afri­caines, les Bocc!lores mauri qu'il faudrait plutôt rapprocher de Bocchus( 17'i), nom

de deux Rois maures dont le pluriel pourrait, par une sorte de barbarisme, avoirdonné Bocchores. que du dieu Bonchor(l76), dieu maures certes, mais dont le nomcontient un "n" et qui n'est cité qu'au singulier seulement(I77).

Prudence, poète latin chrétien (348-415) nous signale l'existence d'Un culterendu par les habitants de Tingis aux Rois Massyles :

Ingeret Tingis sua CassianumFesta Massulum monumenta regumQui cinis gentes domitas coegitAd iuga Christi(I78).

(169) Cnelestis est anciennement connue en Afrique; sa "statue est vénérée des CarthaginoisCl des autres Libyens. On dit qu'elle fut consacreé par Didon la phénicienne. du temps où elle fondaitJ'ancienne Carthage. en découpant la peau du taureau". Hérodien. 5. 4-6.

(J70) Picard. Les religions de l'Afrique antique. Paris. 1954 (= Picard. Les religiol/s). p. 10R.(171) Minucius Felix, Octavius, 21. 9: Post mortem deos fungitis (... ) ut Juba. Mauri l'o/m­

li/ms deus est ...(172) Saint Cyprien: Quod idola dit non sint, 2: Mnuri manifeste reges coll/m. nec ulio l'e/a­

mento hoc nomen, obtexunt(173) Lactance, !l;stirutioils divines, J, 15, 6: "Mauri reges suos (consacral'emn!) ( .. ) Mauri

Jubam (coluerwzt).(174) Arnobe, Adversus paganos, l, 36.(175) Comme l'avait fait R. Basset. "Recherche sur la religion des Berhères". dans Rej'ue de

l'Histoire des religions. 1910, p. 291-342 et particulièrement pp. 314-315: cr aussi Gsell. HANN. VI.p. 138.

(176) Picard, Les religions, p. 23, a fait ce rapprochement; il est suivi par Camps. Massinissa.p. 282 et n. 874.

( 177) Picard. ibid.. fig .. 1 . p. 23.(17R) Prudence. Peristép/ulIlOn. IV, 45-48: "Tingis opposera (le natalis de) Cassien aux fêtes

qui commémorent ses Rois massyles, lui dont le martyre a poussé les tribus domptées sous le joug du

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Tertullien, Municius Felix, Saint Cyprien, Lactance, Arnobe sont tous desafricains. Dans ces conditions, il est difficile, sinon impossible, de mettre en douteleur témoignage. Ils n'avaient aucunement besoin, même pour des raisons depropagande chrétienne, d'imaginer chez les païens d'Afrique du Nord d'autres divi­nités que celles qui sont traditionnellement reconnues et adorées. La référence à lapersistance d'un culte royal chez les Maures, et chez les seuls Maures, doit êtreconsidérée comme l'expression de la vérité historique.

III. LES TÉMOIGNAGES MATÉRIELS DU CULTE ROYAL.

1. Les portraits

Nous pensons que les Rois imazighen et particulièrement Juba II etPtolémée, tous deux imprégnés de traditions hellénistiques, ont essayé d'apparaîtreà leurs sujets, de leur vivant, comme des demi-dieux( 179) promis, après leur mort, àl'apothéose.

De nombreux portraits que d'aucuns, historiens et archéologues, attribuentaux Rois Juba II et Ptolémée ont été exhumés dans certaines villes du royaume deMaurétanie: J'ancienne lol-Caesarea nous en fournit douze sur quatorze, une têteen marbre du Roi Juba 1(180), six du Roi Juba II (181) et cinq du Roi Ptolémée(l82).

Christ". Trad. J. Carcopino. Le Maroc (lIllique, p. 284. Il n'est pas certain qu'il s'agisse ici des RoisJuha Il et Ptolémée. commc le suppose G. Camps. Massinissa. p. 283. Ces Rois étaient d'originemassyle. certes. mais c'est sous Je vocable de "Rois maures" qu'ils étaient désignés dans la littérature<lIllique. De plus la ville de Tingi. si son statut de colonie. à cette époque. est confirmé. ne pouvaitLju'échapper à leur autorité.

(] 79) Ptolémée pourait s'être même considéré comme un dieu après son voyage en Orient. CrH. Ghazi-Ben Maissa. "Encore et toujours sur ]a mort de Ptolémée. le Roi w/uôgh de Maurétanie".dans Héspéris. 1995. pp. 21-37.

(] 80) M. Héron de Villcfosse. Musée afi"icain du Louvre. Paris 1906. n° 178. pl. Ill. 2; E.Poucher-Co]ozier. "Quelques mm·hre.; de Cherchel au Musée du Louvre". dans Lib\,('{/. I. 1953. p. 23ct n° 1; H.G Horn et Ch.-B Ruger. Die NU/nider, Reiler und Kiinige nordlich der Sahara, Bonn. ]979(= Die NU/nider). pp. 488-] 89. pl. 57; K. De Kersauson. Musée du Louvre. calalogue des portrailsromains. t.I. Portraits de la République et d'époque Julio-Claudienne, Paris 1986 (= Kersau son.Musée de LOlil're). 120 et 121.

(181) a) E. Boucher-Clozier. ibid., pp. 23-28. L'auteur ne précise pas le némuro sous lequelest inventorié ce portrait au Louvre h) Portrait en marbre découvert à Cherchel en 1882. actucllementau Louvre. n° 1886; M. Heron de Villefosse, ibid., na 174 et. III, 1; E. Boucher-Colzier. ibid.. p. 23 ctIl. 2; Die Numider, p. 494-95 et pl. 60 Kersauson. ibid.• p. 124-125; c) Tête en marbre de Juba"découverte à Cherchel en 1895, actuellement au musée de ]a ville. n° 21; M. Durry. Musée del'Algérie et de la Tunisie - Mausée de Cherchel supplément, Paris 1924. p. 91; St. Gsell ct M. Leglay,Cherchel antique loi Caesarea. Alger. 1952. p. 47, E. Boucher-Colozicr. ibid .. 23 ct n. 4; DieNI/Ill ide l', p. 492-493 et pl. 59; d) Portrait découvert à Cherchel, qui sc trouvait en 1900 dans unecol]ection privée. E. Boucher-Colosier. ibid•. p. 23 et n. 5; e) Portrait de Juba II découvert à Cherchelen 1856. actuellement au musée de la ville, n° 37, cf P. GauckJer, Musée de l'AIgerie et de Iii Tunisie- Musée de Cherchel, Paris, 1895, p. 112, pl. VIII, 2; St. Gsell Cl M. Leglay. ibid. 52; Die Nwnider. p.500-50] ct pl. 64; f) Portrait de Juba" découvert en 1921. actuellement au Musée de ChercheL n°50; cf. M. Durry. ibid., p. 90. pl. IX, 6; St. Gsell et M. Leglay, ibid., p.55; E. Boucher-Clozier. ibid..p. 23 ct n. 4.

(182) a) Portrait du Roi Ptolémée découvert à Cherchel en 1843; actuellement au Musée duLouvre. n° 1887. cf. St. Gsell-M. Leglay, ibid., p. 17 Kersauson, ibid. p. ]28 et ]29; h) Tête de

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30 H. GHAZI-BEN MAISSA

Quant aux autres, il s'agit d'une tête de Juba II retrouvée à Tigava( 18~), et unportrait du même Roi découvert à Sala, à proximité d'un "temple maurétanien,d'ordre ionique et couronné d'une corniche à gorge égyptienne, construit trèsprobablement au 1er siècle avant J.-C."0 84). A propos de ce portrait, J. Boube écrit:"L'usure quasi-totale des mèches et du diadème, sur la partie droite et le haut de latête, ne peut avoir une origine accidentelle, ni correspondre à une intention précisede mutilation. Elle a déterminé des surfaces polies, qui font penser. encore quel'hypothèse puisse paraître surprenante et aventurée, à l'usure provoquée par legeste de la vénération, accompli, à la faveur de la taille réduite de la statue, par desgénérations de dévots sur la tête même de leur Roi divinisé"( 18:'). La persistance decette dévotion aurait duré, selon l'auteur, jusqu'au IV siècle(l86\.

2. Les tertres et tumuli

A ces portraits, objets de vénération, s'ajoutent des monuments impression­nants. des twnuli, des tertres, des mausolées qui. selon les historiens et les archéo­logues, abritaient les Rois défunts. De nombreux twnuli et tertres sont découvertsdans la région nord du Maroc atlantiqueCI87 ). D'autres sont signalés dans l'Algérieactuelle(188l. Ces monuments coniques "vraiment berbères". selon l'expression deSt. Gseli C189). construits les uns en pierres(l90). les autres en terrer Il) 1) • peuvent

atteindre de grandes dimensions. Le tertre de Mzora( 192) entre Tanger et Laracheatteint 58 m de diamètre(19~). Sa base est formée par une murette de plusieurs

Ptolémée de Hammam Rhira; elle aurait. en réalité, été découverte à Cherchel en 1H95. elle estactuellement au Louvre, n° 1888; M. Heron de villefosse. ibid.. n° 250; E. Boucher-Colozier, ibid..p. 28 et n. 23; Die Numider, p: 504-505 et pl. 66 Kersauson, ibid., p. 126 et 127; c) Portrait dePtolémée envoyé au Louvre en 1896. il Y figure sous le n° 3183; E. Boucher-Colozier. ibid... p. 28­30, fig. 3; d) Portrait de Ptolémée découvert à Cherchel en 1901; actuellement au musée de la vi Ile.n° 40; cl'. M. Durry, ibid•.. 89 et sq. et pl. IX, 5; Die Numider. p. 512-513 et pl. 7L e) Portrait dePtolémée découvert en 1960; actuellement au Musée de Cherche!. n° 52. cf Die NUI/lider, p. 506-507et pl. 67.

( 1fl3) R. Bloch, Tête de Juba II, trouvée à Tigava, dans CRAI. 1946. p. 109-1 12 (tête enhasalte).

(IH4) J. Bouhe. Un nouveau portrait de Juha Il découvert à Sala, dans HAM. VI. 1966. pp. <)1-IOH el particulièrement p. \04.

(1 H5) Id.. ibid.. p. 96.

( 1H6) Id.. ibid., p. 106.Cl fl7) G. Souville, "Principaux types de tumulus marocains", dans Bul/. ,le la So!'. Préhisl.

fiwIC.. LVI, 1959, p. 194-402; Id. "Eléments nouveaux sur les monuments funéraires préislamiquesLiu Maroc", dans Bull. de la Soc. préhist. franc.. LXII, \965. p. 4R2-493; Id. Atlus Ilréhis/orique du

Maroc. l, Le Maroc atlantique.

(1 H8) G. Camps, Aux origines de /a Berbérie, monumen/s '" ri/es funéraires.protohistoriques, Paris, 1961, p. 65-84.

(189) Gsell, HANN, VI, p. 189.( J90) II s'agit des /ll/Ilufi.

( 1<) 1) Il s'agit des tertres.(192) Le terme Mzora n'est ici que la contraction du mot amazigh im;lI'ol"l! qUI signifie les

Premiers. les Anciens.

(193) Souville. A//as, p. 33.

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Le Medghacen §Maquette de restitutionExtrait dcRakob, Architecture royale Numide, p. 33èJ

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J2 II. GHAZI-BEN MAIS SA

assises de blocs rectangulaires bien équarris et assemblés sans mortier, hauteur

actuelle 6 m. Le tertre est entouré par un cercle de 167 monoiithc.s dégr".,sls etpolis par l'homme (... ) deux monolithes sont nettement plus élevés, l'un ù l'ouest de5 m de hauteur (... ), l'autre de 4,5m"( 194). M. Tarradell pense que ce monument est

d'époque assez tardive, c'est lui que Sertorius a dû fouiller, et prendre pour letombeau d'Antée( 195).

3. Les tombeaux royaux

A côté de cette forme de sépulture primaire, nous avons des sépultmes de

construction beaucoup plus évoluée et techniquement plus recherchée, il s'agit des

tombeaux royaux ou mausolées.

Pour la construction de ces monuments, dont la forme architecturale paraît"avoir pour origine la pyramide égyptienne"( 1%), les inuôghen semblent s'être

inspirés, quoiqu'en dise St. Gsell, qui veut que toute pénétration de ci, Iiisation

étrangère doit passer par Carthage, directement de l'Egypte, pays voisin. L'auteur

cie l'Histoire ancienne de l'Afrique du Nord ne trouve+ii pas hizarre que ceux quisoi-clisant avaient véhiculé ce genre d'architecture funéran, n'en aient pas fait

usage dans leur cité comme il l'avoue lui-même? "Nous ne saurions affirmer que lesCarthaginois en aient construit clans leur ville"(I'J7), écrit-il. En effet. comme l'af­

firme F Rakob, "le monde punique n'ajamais connu le type architectuel cie la tombeen forme de tumulus"( 19X).

Cinq mausolées sont à signaler en Numide, dont deux en forme de tl/l77ull/s,

le Médghacen, situé au nord-ouest de j'Aurès au cœur du berceau de la tribumassyle, d'après G. Camps(J99) Ce mausolée "porte le témoignage", selon F.

Rakob, "cie la pénétration des Rois numides du ne siècle avant notre ère. qui seconsidèraient les égaux des monarques hellénistiques"(200l. 11 s'agit d'un monument

grandiose qui "mesure près de 59 mètres de diamètre. Le cylindre. relativementbas (ù peine 4(50), est orné de soixante colonnes engagées. d'ordre dorique. à fût

non cannelé, portant une architrave lisse et une corniche dont le profil est celui de

la gorge égyptienne. Le cône othe 24 degrés, larges et élevés. La hauteur totale estd'un peu plus de 18 mètres. Au sommet, s'étend une spacieuse plateforme. qui a pu

( 194) fd., ibid.

(195) M. Taradell, El lumulo de Mezora (Marruecos) Archil'. Prehisi. Lemlllill{{, t. III. 1952.

p.229-139.

(196) Gsell, HANN. VI. p. 251.

( 197) Id., ibid.

(198) F. Rakob. "Architecture royale numide", dans Architecture et SOCÙ'!l;. de {'urc/wi:l'IIlegrec cl {{{ .fïll de {{{ République rom{{ille, (Actes du colloque International organisé par le CNRS et

l'Ecole Française de Rome. Rome 2-4 déc. 1890), Paris-Rome, 1983 (= Rakoh, Archirecii/re ro\'{/{e

NI/mide). p. 330

(199) Cr Camps. origine du royaume massyle. p. 33-35.

(200) F. Rakob, ibid.. p. 32'.1-330.

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LE CULTE ROYAL EN AFRIQUE MINEURE ANTIQUE 33

"ervir de base il quelque motif d'architecture ou sculpture, il moins qu'elle n'ait

constitué une aire pour la célébration de certains actes religieux". Telle est laclescription sommaire que donne St. Gsell de l'aspect extérieur cie ce monu­ment(201 J.

Les bâtisseurs de ce monument, dont la décoration est exclusivement hellé­nigue(::'o::'i, occupant "le centre d'un cimetière, clos par une enceinte, entourée delillllllii "purement africains"(203) où devaient reposer sans doute" des gens que des

lien.s cie parenté ou de dépendance rattachaient(204) il ce dignitaire, nous rappelant

ainsi les ensembles funéraires de l'Egypte pharaonique, doivent avoir puisé leurmodèle sur cles exemples hellénico-égyptiens.

En 1910, H. Thiersch relève dans un article(2())l jugé par Rakoh "d'une

importance capitale" "l'exemplarité (sic) du mausolée d'Alexandre dans sa dernièreversion du me siècle avant notre ère où des traditions macédoniennes et égyp­tienne ( ... ) s'entrecroisèrent,,<::,(6): ce savant allemand du début du siècle avait

démontré le caractère modèle de ce mausolée pour l'architecture funéraire duroyaume numide bien imprégné de civilisation hellénistique(::'07)

De nombreuses hypothèses ont été émises quant il la datation ct il l'apparte­nance de ce mausolée. Alors que G. Camps J'attribue à la dynastie Massyle(::'Og) etle date "de fin du IVe au début du me siècle"(209)., E. Fentress, elle, l'attribue à un

Roi anonyme gétule du IW siècle avant J.-021O). Quant il J. Desanges, il ne voitpas cI'empêchement de l'attribuer au Roi Massaesyle Suphax(2lli. Si la thèse de

l'appartenance de ce monument ù un Roi gétule est, comme l'a démontré F Rakob,il exclure, le thèse de Suphax comme commanditaire de ce mausolée est égalementù écarter. En effet, la construction et surtout l'occupation de tout cet ensemble

funéraire, nécessite une longue période. Or le règne du Massaesyle sur cette régionest vraisemblablement de courte durée(2l2). Nous avons donc affaire il une dynastie

(201) Gsell. HAAN, VI, p. 263. Pour la description interne, c/ p. 264-265. Pour une descrip­tion oeaucoup plus détaillée du monument, cf G. Camps, Le Medracen, mausolée de Numidie, dansCRAI. 1973 (= Camps, Le Medrucen). p. 470-517.

(202) Gsell. HAAN, VL p. 260~ Frakoo, ibid., p. 330.

(203) Gsell. ihid, VI, p. 262.

(204) Id.. ihid.

(205) H. Thiersch. "Die alexandrinische konigsnekropole", dans ,IDA!, 25, 1910, pp. 55-97.

cité par F. Rakoo. ibid., p. 332 ct n. 29

(206) F. Rakoo, ibid., p. 332.

(207) H. Thiersh, ibid., p. 89, cité par F. Rakob, ibid.

(20i;) Camps, Le Medracen, p. 509.

(209) lez., ibid.

(210) E. Fentress, Numidia and the Roman Arlll)', Oxford, 1979, p. 56.

(21 1) J. Desanges, Pline l'ancien, histoire naturelle, éd. Les Belles Lettres. Paris, 19S0 (=

Desanges, Pline), p. 336 et 11. 2 et 3.

(212) Cette zone, oerceau de la dynastie massyle, est une conquête récente du Massaesyle, cfH. Ghazi-Ben Maissa, "Les origines du royaume d'Asealis", dans Arrica ROIllCllW, 1994, pp. 1403-1416.

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H. GHAZI-BEN MAISSA

qui a régné sur cette région pendant longtemps, à un Roi puissant, héllénisé et quia des rapports avec l'Egypte lagide. Massinissa semble être tout désigné pour êtrele commanditaire de cet ouvrage, comme l'avance F. RakobI2Ij). Roi puissant,riche ct hellénisé, Massinissa qui avait des rapports avec l'Egypte ptolémaïque avécu longtemps et a eu donc largement le temps et les moyens pour préparer sademeure éternelle.

"Postérieur au Médracen, puisqu'il en est une copie, le mausolée royal(214).dit Tombeau de la chrétienne est, comme l'a écrit St. Gsell, antérieur à l'an 40 denotre ère, date de l'annexion de la Maurétanie"(215).

Ce mausolée, dressé près de Cherchel, l'ancienne Caesarea, est apparement,vue sun nom Khor Romia, consacré initialement à la sépulture d'une femme, peut­être Cléopâtre Séléné(216). Le mot "Roumia" traduit à tort par "la Chrétienne", doitdésigner, en effet, la "Romaine"; car les équivalents du mot "chrétienne" sontNOllsrclnio et Mossihia. Quant au mot ROllln d'où dérive ROl/l7lia, il a toujoursdésigllé et tout au long du moyen âge, les Romains. Il est vrai que le mot s'estétendu ù la fin du 19c siècle et surtout au début du 20<: siècle pour désigner lesEuropéens, en général, et !es Français en particulier, en Afrique du Nord. UnEgyptien. un Libanais, un Syrien chrétien ne se verra pas désigner par le motROI/mi, mais plutôt par celui de mossihi .

L'appellation de ce tombeau, qui vient du plus profond de l'histoire, la moinsfautive est sans doute "le tombeau de la Romaine". "La Romaine" en question, quipourrait avoir bénéficié d'une sépulture aussi majestueuse près de Casearea nepeut être que Cléopâtre Séléné. Fille de Cléopâtre d'Egypte mais aussi du Triumvirromain. Antoine, cette dame qui vient directement de Rome où elle fut élevée nepeut être aux yeux du commun des il7lozighen que Romaine. C'est Rome qui l'avaitimposée. c'est avec Rome que cette étrangère avait des rapports. Le royaumed'Egypte n'existait plus et puis même s'il existait encore, Séléné est la fille d'unRomain et nous sommes en présence d'une société ramazight patriarcale, où l'en­fant. par sa filiation, suit son père. Cléopâtre est donc inéluctablement romaine auxyeux des Inwzighen qui ont dû baptisé son tombeau "N'tml/mil", qui a donné enarabe" Roumia" et qu'on a traduit à tort par la "chrétienne".

A ces deux mausolées sous forme de Tumulus, viennnent d'ajouter un autretype de mausolée beaucoup plus étroit à la base et plus élancé, ressemblant à desminarets et qu'on appelle mausolée il tour. Il s'agit de "tombes carrées à tour,

(2 D) Rakob, ihid., p. 331 ct n. 24.

(214) Méla. I. 6, 31. l'appelle Monwllen/w/1 cO/ll/llwze regiae gen/is.

(215) Gsell. HAAN. p. 270.

(216) Selon MazanL CNNM, p. 108. la monnaie d'or (n° 2<)8) ()LJ figurcnt la légende

lJasili(cm) K/éof!mm. Ic Serpcnt Naja (Uraeus), le symbole d'Isis et le croissant pourr:';' avoir étéémisc par le Roi Juba Il à l'occasion de la déification de Cléopâtre.

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Kbour er-Roumia (Tipasa) (maquette de restitution)Extrait deRakoh, Architecture royale numide, p. 339

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Il CH!\ZI-BEN MAISSA

~OIIVCnl il plll"icur~ étage~ et avec un couronnement pyramIdairc~~ent fortement l'influence de l'architecture punique(21~)

De ce~ ll1au~olée~ à tour, on a découvert trois en Numidie.

1;' premier exemple ~e trouve au nord de Siga capitale jusqu'à 20:')1204 duroyaume Mas~aesyle. Le plan "baroque" de ce mausolée. écrit F. Rakob. ser~q)prUdle de cdui de Sahratha, mais s'en distingue clairement par ses dimensionsagrandies d pal la riche,sse cie se,s formes I21'}). Autour de ce Mausolée, G.Vuillemot qui l'avait découvert et partiellement fouillé. nous signale la présence ciepetits fun/l/Ii construits en pierres de hasalte et de lavel220 ); cc qui n'est pas sansnous rappekr l'exemple cie l'ensemhle funéraire du Medghacen. Ce mausolée royalql:i contient plusieur~ chambres funéraires est, contrairement aux mau~olées Ù tourde DO~lgba Cci dl':!-Khroub. destiné à une série cie sépultures dynastiquesl2211. SelonC. YuIllcmo1. Ct' IJiausolée appartiendrait à Vermina. fils de Suphaxl2221. Or. selontoute vraisemblance, ce Roi faible n'a pas régné sur cette région l22 ;1 L't ne peut parconséquent réaliser une œuvre Je cette envergure à cet endroit. Cc monument qui.~ans cloute. appartient ù la dynastie masseasyle à pu être construit all début durègne de Suphax. Le Roi avait cles rapports avec Carthage, était pllI~sanl et riche etrésidait il Siga. Le Roi a sans cloute voulu. pour demeurer parmi les siens. s'yreposer. Mais l'histoire en a décidé autrement.

Deux autres mausolées ù tour. destinés chacun à "une ~eulc inhumation"(224)se trouvent l'un ù "300 mètres environ au sud de l'emplacement"122 'i 1 de Dougga,connu sous le nom du Mausolée de Dougga. mais aussi clu Mausolée d'AtbanI22hl.l'autre ù 14 km de Cirta "d'où il est visible"(227). au sommet d'une colline dominantle village EI-Khroub ct connu sous le nom de la SoumàaI22~) ou mausolée cluKhrouh.

(217) Rakoh. L!)id.. p. ]32-333

121X) Id. ihid

121lJ) Id, ihid. p.334 et fig. X-IO

1221l) G. Vuillemo!. "Fouilles du mausolée de Beni Rhénane". dans CRAI. IlJ()4. p. 72.

1ni) F. Rakoh. ihid.. 334.

(222) G. VuilJcmot, ihid.. p. 02.

(223) Cf. Chazi-Ben Maissa. "Les origines du royaume d'Ascalis". AfriCii ROll/WU/, ]lJlJ4. pp.140,\-1416.

(224) F. Rakob. ibid..

(225) Gsell. HAAN. VI. p.25(226) Du nom de l'architecte dont le nom figure sur l'inscription lihyco-punique gravée sur le

11l0IJUlllent.(227) Gsell. HAAN, VI. p. 257.

1nX) La Soulllâa. mot arabe qui veut dire minaret.

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LE CULTE ROYAL EN AFRIQUE MINEURE ANTf(Y 1[

Mausolée masaesyle (Siga, Algérie), maquette de restitutionExtrait deRakob, Architecture royale numide, p. 345

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38 H. GHAZI-BEN MAISSA

Mausolée à tour numide (Douga, Tunisie)Extrait deRakob, Architecture royale numide, p. 348

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Ruines du Mausolée à tour numide, EI-Khroub, AlgérieExtrait deRakob, Architecture royale numide, p. 348

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40 H. GHAZI-BEN MAISSA

Sanctuaire numide, Ile siècle av. J.-C. (Chemtou/Simithus, Tunisie),Maquette de restitution

Extrait deRakob, Architecture royale numide, p: 340

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LE CULTE ROYAL EN AFRIQUE MINEURE ANTIQUE 41

Pour l'instant nous n'avons aucune indication pour identifier le commandi­taire du mausolée de Dougga. Ce monument de 21 m de hauteur, au-dessus de cinq

gradins, comprend trois étages séparés de gradins, et est couronné d'un fait pyra­midal(229).

Quant au mausolée du Khroub, il pourrait, selon F. Rakob, avoir été bâtipour abriter les cendres de Micipsa(230). La découverte dans ce monument demobilier funéraire datant de la fin du Ile siècle avant J._C.(231) permet d'''établir unlien avec l'année de la mort du fils de Massinissa" selon l'expression de F.Rakob(232). La typologie artichecturale de ce mausolée rappelle celle des mauso­lées à tour de Siga et de Dougga, "mais leurs détails sont nettement différents(233).

CONCLUSION

Ces tumuli, ces tertres, ces mausolées, ces temples, ces légendes, qui veulentque l'Afrique tamazight antique ait ét~gouvernée par des géants, sont autant depreuves, si besoin est, que le culte des Rois a bel et bien existé chez les Imazighen.

Les chefs imazighen, sans être Rois, recevaient-ils aussi un culte? Nousn'avons relevé aucune indication, allant dans ce sens, dans les sources antiques.Les chefs auxquels nous avions affaire tels que Mathon, Muttinès et bien d'autresétaient surtout des chefs connus au gré d'événements essentiellement militaires. Laperturhation qu'a subie la vie publique de ces hommes, la brièveté de leur vie ne

.pouvaient pas les aider, même s'ils le désiraient, à instituer un cu Ite de leurpersonne de leur vivant.

Après leur mort, ces héros, aux yeux de ceux qui les ont suivis, devinrent-ilsdes sortes de "martyrs" et par là même objet de la vénération populaire? Lepenchant anthropomorphique qui existait chez les lmazighen avant l'arrivée dei';slam et que 'cette religion monothéiste n'a pas réussi à effacer, ne pouvait-il aiderà ce genre de pratique dans une Afrique païenne? Le maraboutisme particulière­ment développé au Maghreb ne peut-il pas avoir pour origine le culte du chef mort,même si celui-ci n'a jamais bénéficié de la dignité royale?

Halima GHAZI-BEN MAISSAFaculté des Lettres - Rabat

(229) Gsell, HAAN, VI, p. 252-253.(230) F. Rakob, ibid, p. 335-336.(231) Id., ibid.; cf. Die Numider, p. 287-382.(232) F. Rakob, ibid., p. 336.(233) Id., ibid., p. 336.

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42 H. GHAZI-BEN MAISSA

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Hespéris-Tamuda, Vol. XXXV, Fasc. 2 (1997), pp. 43-54.

LES RELATIONS COMMERCIALES ENTRE PISEET LE MAGHREB SOUS L'EMPIRE ALMOHADE

(1166-1213)*

Mohammed HAMMAM

Au Moyen-Âge, le Maghreb a pu tisser des relations diplomatiques etcommerciales avec bon nombre de villes marchandes de la péninsule italienne. Decelles-ci, Pise s'est notamment distinguée, au XIIe siècle, par sa flotte, par sapuissance économique et par son réseau commercial qu'elle a implanté à traversplusieurs pays méditerranéens. Al-Idrisi, dans son livre Nuzhat al-Mushtaq appeléaussi le livre de Rojar dont la rédaction fut achevée en 54811154( 1), décrit la ville dePIse comme suit: "La ville de Pise est l'une des capitales du pays des Romains. Elleest célèbre est vaste. Elle jouit d'une renommée dans plusieurs pays lointains. Sesjardins et ses vergers sont colossaux. Ses histoires sont merveilleuses. Ses forteressesse dressent très haut dans le ciel. Sa terre est fertile. Ses eaux sont abondantes. Sesmonuments sont extraordinaires. Ses habitants possèdent des navires et des chevaux.Ils sont disposés à voyager sur mer en vue de se rendre dans les pays d'outre-mer.Elle est située sur un fleuve qui prend source d'une montagne de la régiond'Angobarda. Aux bord de ce grand fleuve se trouvent des moulins et des jardins"(2).Cette description de Pise est fort éloquente sur ses richesses. Contemporain d'al­Idrisi, al-Zuhri en donne aussi une image très proche confirmant cette puissanceéconomique et militaire de Pise en Méditerranée à la même période. Selon ce mêmegéographe, les marchands· pisans commerçaient aussi bien avec les pays musulmansde la Méditerranée occidentale qu'avec ceux de la Méditerranée orientale. Réputéepour son industrie et pour son agriculture, elle exportait dans de nombreux pays des

(*) Communication présentée au colloque maroco-italien organisé à Rabat les 6/8 juin 1994par la Commission nationale marocaine de l'Education nationale pour l'UNESCO sur le thème: "Ladiffusion du savoir en Méditerranée entre le XIo et le XVIo siècle".

(1) Encyclopedie de l'Islam, Nlle Ed. 1. III, p. 1058.

(2) AI-Idrisi, Nuzhat Al-Mushtaq fi-khtiraq al Afaq, Ed, Maktabat at-ThaqMa al-dïnya, Port­S:1ïd (s.d.), 1. Il, p. 750

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44 MOHAMMED HAMMAM

produits tels que les épées (fabriquées en acier), le térébinthe, le cuivre, le safran et lecoton(3).

Au total, al-Idrïsï et al-Zuhrï évoquent dans leurs descriptions respectives, lesinnombrables facteurs qui ont fait de Pise une ville de premier plan en Méditerranéeà leur époque. Cependant, ces divers facteurs géographiques, historiques,économiques et humains qui ont contribué à l'essor de cette ville ont déjà été étudiésutilement par l'historien français Yves Renouard dans son livre Les villes de l'Italiede la fin du xe siècle au début 'du XIVe siècle(4). Il nous dispense donc de lesréexaminer ici. Selon ce dernier, Pise était une "place commerciale et maritimed'importance mondiale en Méditerranée au XIIe siècle"(5). Il n'a pas manqué desouligner dans un autre ouvrage consacré aux "hommes d'affaires italiens du Moyen­Âge" que "Pise fut, après le brutal déclin d'Amalfi, la plus puissante place decommerce de la mer tyrrhénienne de la fin du XIe siècle au début du XIIe siècle"(6). Ilest bien évident qu'une vi1le de cette importance dont la puissance économique étaitfondée essentiel1ement sur le commerce maritime aussi bien avec les paysméditerranéens les plus proches (Corse, Sardaigne) qu'avec les pays lointains (paysd'Orient, Syrie, Egypte, Byzance) ne pouvait manquer de chercher à nouer desrelations avec le Maghreb qui, avec l'avènement des Almohades, peu avant le milieudu XIIe siècle, connaissait une période de prospérité, sur tous les plans. Ce furent lesrègnes glorieux d'Abü Ya'qüb Yüsuf, de son fils al-Mansür et de son petit-filsMohamed al-Nasïr. Il est à noter qu'au cours de cette période, le Maghreb, de parl'étendue de ses terres (outre les pays d'Afrique du Nord de Marrakech jusqu'àTripoli, l'Andalousie et les îles Baléares reprises en 1203, se soumirent auxAlmohades) de par son économie florissante, de par sa flotte, de par le contrôle desprincipales routes caravanières qui drainaient vers lui l'or soudanais, était devenu unepuissance de premier ordre en Méditerranée occidentale avec laquelle il fallaitcompter. Ce fut donc pendant cette période de l'apogée des Almohades que lesPisans ont pu rétablir leurs relations avec le Maghreb qu'ils fréquentaient auparavant.En effet, les Pisans avaient des relations avec les Almoravides (1133) et surtout avecles Banü Khurasan de Tunis. Dans cette dernière ville, ils avaient un 'fondoucparticulier" où "ils faisaient depuis longtemps le commerce d'importation etdexportation"(7).

Il reste à connaître ce qu'il en était de ces relations et de lèur évolution pendantla période considérée.

(3) AI-Zuhrï, Kitüb Al-Jughrüfiyü, éd. Hadj Sadok, Damas, 1968, n° 202

(4) Yves Renouard, Les villes d'Italie de la fin du XO siècle au début du XIV siècle, Ed.S.E.D.E.S., Paris, 1969,1. 1, pp 165-172.

(5) Ibid. pp. 165-172.

(6) Ibid. p. 166.

(7) Yves Renouard, Les hommes d'affaires italiens du Moyen Age, Ed. Armand Colin, Paris,1972,66.

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LES RELATIONS COMMERCIALES ENTRE PISE ET LE MAGHREB 45

D'emblée, il sied de remarquer que pour étudier ce sujet, force est de constaterque l'on est confronté à la rareté des sources, voire à leur inexistence. En effet, leschroniques musulmanes connues observent un silence quasi-absolu sur tout ce quitouche au commerce proprement dit. Elles n'en parlent qu'incidemment et partantelles ne livrent que de maigres renseignements qui laissent le chercheur sur sa faim.Mais pour le sujet qui nous préoccupe ici, nous disposons fort heureusement dequelques traités et de plusieurs correspondances qui renferment une foule derenseignements intéressants et utiles. Ces correspondances ont été échangées entreles sultans maghrébins et les gouvernants de certaines des plus grandes villesmarchandes italiennes telles que Pise, Gênes, Florence et Venise. L'historien etpaléographe italien M. Amari a eu le premier le mérite d'exhumer cettedocumentation si importante qui se trouve encore éparpillée de nos jours dans bonnombre de dépôts d'archives italiens. Son travail, qui a rassemblé une partie de cesdocuments a été publié à Florence en 1863 sous le titre: Diplomi Arabi del realarchivio fiorentino. C'est dans cet ouvrage qu'a puisé quelques années plus tard lefrançais le comte de Mas-Latrie pour son étude consacrée à l'histoire des relationscommerciales qu'ont entretenues le Maghreb et l'Europe occidentale au Moyen-Âge.Paru successivement à Paris en 1868 et 1886, son livre fourmille de renseignementsintéressants. Il va sans dire qu'il est d'une utilité irremplaçable, mais bien desjugements qui y sont exprimés à propos de tel ou tel point peuvent être sujets àdiscussion. L'ouvrage de Mas-Latrie demeure néanmoin essentiel pour l'étude del'histoire du commerce entre l'Occident musulman et l'Occident chrétien du Ixesiècle au début du XVIe siècle.

Pour ce qui est des relations entre Pise et le Maghreb durant la périodeassignée à cette recherche, et pour autant qu'on puisse les suivre d'après lesrenseignements glanés dans ce même ouvrage elles ont évolué suivant des phasesdifférentes:

LA PREMIÈRE PHASE: 1166-1184

Elle couvre grosso-modo le règne du sultan almohade Abu Ya'qub Yusuf, etse caractérise par l'établissement des relations diplomatiques et commerciales entrele Maghreb et Pise. Elles débutent officiellement à partir de l'année 1166. A cettedate Pise envoie auprès du sultan almohade Abu Ya'qub Yusuf Cocco Griffi, undiplomate chevronné qui avait fait ses preuves ailleurs notamment à Constantinople.La mission qui lui a été assignée eut deux objectifs, à savoir la conclusion d'un traitéd~ paix avec le sultan almohade et le rapatriement d'une galère pisane, que latempête avait maiencontreusement poussée jusqu'au littoral maghrébin et dontl'équipage avait été séquestré à Bougie. Selon Mas-Latrie, l'émissaire pisan réussitdans sa mission puisqu'Abou Yacoub Yousef accorda aux Pisans un traité de paixvalable pour toute la durée de son règne. En outre, il leur permit de prendrepossession des fondouqs qu'ils avaient auparavant surtout à Zwila, grand faubourg

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46 MOHAMMED HAMMAM

d'al-Mahdiya et qui était habité par de nombreux Européens. Enfin, en témoignaged~ l'estime et de la bonne volonté qu'éprouve Abü Ya'qüb Yüsuf a l'égard de Pise, ilne manqua pas de combler l'ambassadeur de cadeaux destinés aux consuls et al'archevêque, tous dirigeants de Pise(8).

a) Ce qui frappe le plus dans cette prise de contact officielle entre le Maghrebet Pise, c'est précisément la date où elle a eu lieu, c'est-a-dire 1166. Cette date estrelativement tardive quand on sait par exemple que Gênes a pu établir des relationsavec les Almohades depuis 1153, au temps d'Abdelmoumen, premier califealmohade. Mas-Latrie pense à juste titre que cela est dû à des considérations d'ordrepolitique. Autrement dit, les Almohades voyaient d'un mauvais œil le fait que Piseavait entretenu des relations privilégiées avec leurs anciens ennemis lesAlmoravides(9) ainsi qu'avec leurs descendants les Beni Ghanya dont ilsn'arrivaient pas a venir a bout. Mais on est en droit de penser aussi que cette datetardive peut s'expliquer en partie par la concurrence acharnée que faisait Gênes aPise: concurrence qui eut pour théâtre d'abord les deux îles de Corse et deSardaigne. En effet, 'cette lutte d'influence sur les deux îles les a conduitesinévitablement a la guerre. Elle éclata entre 1140 et 1149, et reprit en 1161. Autotal, elle fut néfaste pour les Pisans qui perdaient du terrain devant les Gênois et"en 1165 et 1166, ce ne furent que raids, pillage, saisies de bateaux sur les côtes de

. Toscane, de Provence et de Sardaigne"(IO). Il découle donc de notre analyse queGênes avait intérêt a retarder l'établissement des relations entre Pise et lesAlmohades. Il n'est pas exclu qu'elle ait travaillé dans ce sens. En tous cas, lesrelations de Pise avec le Maghreb au temps des Almohades s'inscrivaient dans cecontexte de concurrence et de montée en puissance de Gênes en Méditerranéeoccidentale.

b) Vu du côté pisan, ce premier accord avec Abü Ya'qüb Yüsuf signifiait enfait un rétablissement des relations avec le Maghreb compte tenu du fait que lesPisans y contrôlaient auparavant des établissements importants, notamment aMahdya (Zwila) et a Tunis. Il devait signifier aussi pour eux une sorte deconsolation, voire d'exutoire pour les échecs essuyés devant les Gênois en Corse eten Sardaigne a la même date(ll). Quoi qu'il en fût, les clauses du traité de 1166, siclauses il y eut, ne sont pas connues. S'agit-il d'un traité oral comme il y en eut acette époque? On ne saurait le dire. Ce qui est certain, en revanche, c'est que malgrél'existence de ce traité, le commerce pisano-maghrébin vit bien des difficultés sedresser encore devant lui. Se rendant compte de cela, les Pisans travaillèrent pour yremédier. Mais le décès du sultan Abü Ya'qüb Yüsuf survenu lors du siège de

(8) Mas-Latrie (le comte de), Relations et commerce de l'Afrique septentrionale avec lesnations chrétiennes au Moyen Age, Paris, 1886, p. 71

(9) Ibid. p. 90-91.

(10) Ibid. p. 67

(Il) Y. Renouard, Les villes... op. cit. t.l, pp. 176-177.

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LES RELATIONS COMMERCIALES ENTRE PISE ET LE MAGHREB 47

Santarem le 28 juillet 1184 ne leur permit guère d'atteindre cet objectif. Ils serattrapèrent au début du règne de son fils et successeur Abü Ya'qüb Yü~uf al-Mansürqui, à partir de 1186, leur accorda un traité écrit qui, désormais, définit les conto~rsdu cadre dans lequel devaient s'effectuer les relations commerciales entre le Maghrebet Pise. En tout état de cause, cet acte marque une nouvelle étape de l'histoire desrelations pisano-almohades.

LA DEUXIÈME PHASE: LE TRAITÉ DU 15 NOVEMBRE 1186

Daté du début du mois de ramadan 582h/15 novembre 1186 J.-c.(12), cet acteémanait du sultan almohade Abü Ya'qüb YÜsuf. Celui-ci y déclarait en préambulequ'il accordait la paix et la réconciliation à Pise après que celle-ci lui en avaitexprimé le désir par l'intermédiaire de son émissaire. Il s'agissait de Attroan BenTedesco. Il est à noter cependant que les mots arabes Hodna et Sol1) employés pourqualifier cet acte et qui signifient respectivement paix ou trève et réconciliationindiquaient implicitement que les Maghrébins et les Pisans se battaient enMéditerranée à cette époque. Par conséquent, l'acte de 1186 non seulementinstitutionnalisait les relations commerciales entre eux, mais il mettait un termeaux hostilités.

D'autre part, cet acte est non moins intéressant pour l'histoire de Pise elle­même. En effet, il montre la sphère d'influence de cette ville en Italie à cette date.Cette sphère y est délimitée comme suit: de Civita-Vecchia au cap Corvo, non loinde la Spezzia, avec les îles de Sardaigne, de Corse, d'Elbe, de Capraia, de Monte­Cristo, de Giglio et de la Gorgone.

L'acte était valable pour une durée de vingt-cinq ans et garantissait la libertédes personnes, des biens et des transactions des Pisans sur le sol maghrébin. Maisil imposait de sanctionner sévèrement ceux de leurs concitoyens qui commettaientdes actes nuisibles contre les musulmans (sous-entendre Maghrébins enparticulier). Il fixe le droit exigé sur les ventes des Pisans à 10%, droit dont sontexemptées les transactions effectuées entre Chrétiens. Mais à côté de ces mesuresque l'on peut qualifier d'incitatives qui avaient pour but d'encourager le commerceentre les deux parties, l'acte précise les places où il avait force de loi. Il s'agissaitdes ports de Sabta, d'Oran, de Bougie, de Tunis et d'Almeria. Dans ce dernier port,les Pisans devaient se contenter de se ravitailler et de réparer leurs navires. Ainsi,aVec ses restrictions territoriales, les Pisans étaient loin d'avoir retrouvé la situationqui avait été antérieurement la leur, au Maghreb. Car des ports importants commeal-Mahdya et Tripoli n'étaient pas concernés par le traité de 1186. Les Pisansavaient auparavant des fondouqs importants dans ces deux villes. 'Leur exclusionformelle est une indication que le pouvoir almohade y était chancelant à cette

(12) Le texte arabe' de ce traité est publié par Abdelhadi Tazi Histoire dljJlomatique du Maroc(cn arabe). t. 6, pp. 181. 186. .

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48 MOHAMMED HAMMAM

époque. Sans doute en les excluant du traité de 1186, Abü Ya'qüb Yüsuf al­Man$ür souhaitait les isoler afin de les affaiblir et de les reconquérir. Nousreviendrons un peu plus tard sur l'insécurité qui sévissait en Ifriquia d'une manièregénérale. Enfin, il est à noter que notifié par une seule partie à savoir la partiemaghrébine, cet acte était un acte non synnallagmatique. Cette remarque est detaille parce qu'à tout moment, les Pisans pouvaient se dérober devant toutproblème qui les dérangeait. C'est ce qui parut arriver vers la fin du siècle lors del'affaire dite des Musattabat(13) que j'examinerai un peu plus loin.

Il ressort de ce qui précède qu'en définissant les droits et les devoirs des unset des autres, le traité de 1186 donne un coup de fouet aux relations almohado­pisanes qui étaient encore fragiles. Bien des obstacles concouraient à cettefragilité. Evoquons les entraves au commerce.

Les entraves:

Sans parler des entraves liées aux aléas de la technique et aux intempéries,les difficultés étaient de nature diverse et d'importance inégale: religieuse,administrative et politique. Pour ce qui est des entraves religieuses, on sait quel'Eglise interdisait aux Chrétiens de commercer avec les Musulmans. Mais ce que

- l'on connaît moins par contre, c'est la position que les fouqaha ont adopté vis-à-visdu même sujet. La question mériterait une étude à part, qu'il est hors de proposd'effectuer maintenant.

Les obstacles administratifs:

Ils nuisent au bon déroulement du commerce. Trois correspondances pisanesenvoyées au sultan almohade Abü Ya'qüb font connaître quelques exemples desdifficultés administratives. Datées respectivement du 1el' avril, du 19 mai et 1el'

juillet de l'année 1181, ces trois lettres mettaient en relief certaines pratiquesarbitraires dont les marchands pisans étaient victimes surtout au port de Bougie.Tantôt on leur interdisait d'acheter telle ou telle marchandise, tantôt on leur faisaitsubir des contrôles injustifiés surtout au départ. Parfois, pour pouvoir effectuercertaines transactions commerciales, on exigeait d'eux à titre de garantie, lajustification d'un capital pouvant s'élever jusqu'à cinq cents dinars ou sept millefrancs(14) ..

Malheureusement, faute de documents, nous ne savons rien de la réponsedonnée par les autorités almohades à ces plaintes. Mais 0n peut penser qu'après1186, date du traité, ce genre de griefs devait tendre à diminuer, voire à disparaître.

(1~) Mas-Latrie, Relations ..... op. cit, p. 103.

(14) Mas-Latrie (le comte de) relations, Ibid., pp. 91-92.

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LES RELATIONS COMMERCIALES ENTRE PISE ET LE MAGHREB 49

La piraterie:

C'était une activité illégale qui nuisait à la régularité des échangescommerciaux entre les deux rives de la Méditerranée. Nous disposons, à ce sujet,de quelques exemples montrant que c'était une activité pratiquée aussi bien par lesMusulmans que par les Chrétiens. Ainsi, en 1181, l'archevêque et les consuls dePise, envoyèrent à Abou Yacoub Yousef, sultan du Maghreb, une lettre l'informantdu cas d'un navire pisan chargé de céréales de Sicile qui avait été attaqué et saisiavec son équipage par le gouverneur almohade de Tunis. Par cette letre, les Pisanssollicitaient l'intervention du sultan afin de les faire libérer. Le cas similaire d'unnavire musulman attaqué par un Pisan est également attesté. Une décision émanantdu conseil de Pise le fait connaître. Datée du 9 février 1184, elle consignait lasanction prise par le même conseil à l'encontre de cet acte malveillant. D'aprèscette même décision, un capitaine pisan avait confisqué un navire de Gafsa venu àMalte, après avoir jeté son équipage à la mer. Il procéda ensuite à la vente dunavire et sa cargaison à un certain Alberto Bulsi. A ce dernier, les consuls de Piserachetaient le navire et sa cargaison et les restituèrent à leur propriétairemusulman. Quant au pirate pisan, il vit sa maison et ses biens séquestrés au profitdudit Albert Bulsi jusqu'au moment où il indemniserait ce dernier de ses déboursestimés à 200 livres pisanes. Sanction sévère s'il en était. Elle traduisait clairementla position des responsables pisans vis-à-vis de la piraterie. Mais cette positionallait-elle survivre aux vicissitudes du temps? Nous verrons plus loin que ce n'estpas du tout évident. Car les Pisans adopteraient à la fin du siècle une autre attitudequant au règlement d'une autre affaire plus ou moins similaire. L'exemple de lasaisie en 1180, par les Siciliens du navire à bord duquel se trouvaient une fille dusultan Abou Yacoub Yousef que l'on conduisait, à son fiancé à Tunis(l5) est unexemple qui montre que la piraterie était monnaie courante en Méditerranéeoccidentale au cours du dernier quart du XIIe siècle. Toutefois, les exemplesprécités étaient tous antérieurs à 1186, ce qui nous amène à dire qu'avec laconclusion du traité de 1186, la piraterie allait diminuer. Mais rien n'indique qu'elleait complètement cessé. D'autre part, même si elle continua à être un facteurnuisible aux relations des Musulmans et des Chrétiens en général et à ceBe desAlmohades et des Pisans en particulier, elle n'a pas abouti à l'arrêt de leurséchanges. Cet arrêt ne devait se produire qu'après 1200 lorsque les relations sefurent aggravées entre Pise et le Maghreb à cause de l'affaire dite "affaire des

musattahât" .

L'affaire des musattahât en 1200:

Musattal;at est un mot arabe qui signifie aplati et étendu. Au Moyen-Âge,on utilisait le mot musattal;at au pluriel pour désigner une sorte de grands naviresqui transportaient les armes pour la flotte de guerre(l6). De quoi s'agissait-il?

( 15) Ibid, pp. 96-97.(16) A. Mukhtar al-Abbadi et •Abd al-'Azïz Salim, Tarikh al-Bahriya allslamiya.fi Mi~'ra wa

asheSham, Ed. Dar an-Nahe,la al-Arabya, Beyrouth, 1981, p. 136.

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MOHAMMED HAMMAM

Selon Mas-Latrie. au début du mois d'août de l'année 1200, deux grandesnefs pisanes appelées en arabe Musattabat, l'une portant le nom de l'Orgueilleuse,l'autre la Couronnée, naviguant avec deux autres galères pisanes, se trouvaient auport de Tunis à côté de trois navires musulmans dont l'un venait d'être chargé etétait en partance. Tout à coup, les Pisans attaquèrent les trois navires musulmans etréussissent à s'en emparer avec leurs équipages. Très vite, arrivèrent sur place lesemployés de la douane et les drogmans qui, pour la plupart, étaient des Chrétiens.Ils intervinrent auprès des assaillants pour relâcher les Musulmans et leurs navires.Ils leurs rappelèrent le règlement et les sanctions auxquelles ils pouvaient s'exposerdès leur retour à Pise. A la suite de cette intervention, les Pisans libérèrent les deuxnavires musulmans qui étaient à vide mais retinrent celui qui était chargé. Or, aumoment où ils quittaient le port de Tunis, la flotte almohade les arrêta. L'amiralmusulman se montra conciliant et se contenta de réclamer la restitution de la nefmusulmane dont la cargaison avait été déjà déchargée et transportée sur les deuxMusattahat(l7). Mas-Latrie ajoute que les assaillants pisans indiquèrent auxMusulmans victimes de leur attaque qu'ils pouvaient se faire indemniser par lespatrons de la Rondella et d'autres navires pisans se trouvant encore à Tunis.

Le même historien nous renseigne sur la procédure d'indemnisation utiliséepar Abü Zayd 'Abd ar-Rabman, gouverneur de Tunis et de l'Ifriqia fraîchementnommé par le sultan Muhammad an-Na~ir. Sans entrer dans les détails, disons queles victimes de cette affaire ont été indemnisées sur le prix du blé appartenant auxPisans qui, selon le même historien, quittaient Tunis par peur de représailles. Maisune fois ce blé vendu à la douane, il s'avéra insuffisant. On procéda alors à la ventedu blé des Lucquois qui étaient des protégés de Pise. On fit appel à un secrétairepisan qui dressa la liste des propriétaires et des quantités de blé appartenant àchacun d'eux(18).

A la suite de ce règlement auquel procéda unilatéralement Abü Zayd enl'absence des Pisans et des Lucquois, les relations entre le Maghreb et Pise sedétériorèrent. Le conseil de Pise opposa un refus catégorique à l'indemnisation despropriétaires du blé. Quant aux corsaires propriétaires des Musattahat nous nesavons pas ce qu'ils sont devenus. Finalement, on ne sait pas comment l'affaire aété réglée.

Cependant, ce qui frappe le plus dans cette affaire que Mas-Latrie qualified'agression insensée, c'est précisément la date où elle s'est produite à savoir l'année1200 (fin juillet - début août). Or, comme on le sait, c'est à cette même année quel'Ifriquia, province orientale de l'empire almohade, a été le théâtre d'affrontementsentre Muhammad b. 'Abd al-Karïm ar-Ragragï, et Yahya ibn Ghaniya, tous deuxrebelles redoutables qui ont donné du fil à retordre à l'autorité almohade dans cette

(17) Mas-Latrie (le comte de), Relations... , op, cit p. 104.(18) Ibid, p. 105.

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LES,RELATIONS COMMERCIALES EmRE PISE ET LE MAGHREB 51

province. Le premier, qui était initialement un chef militaire almohade, s'étaitrévolté à al-Mahdiya, se déclarant indépendant au mois de chaaban 595/juin 1199.Se sentant fort, il assiègera Tunis, lieu de résidence du gouverneur. La ville futpillée et saccagée par ses soldats. Selon Riblat at- TIjanT, Abü Zayd' Abd ar­Rabman fit preuve de son impuissance, et se contenta de faire appel à des cheikhsalmohades pour qu'ils intervinssent auprès du rebelle. Les cheikhs réussirent à leconvaincre à lever le siège. Fier de son succès, Ibn 'Abd al-Karïm crut pouvoir êtreà même d'agrandir le territoire qu'il contrôlait. L'affrontement entre lui et Yabyaibn Ghaniya, l'autre rebelle, devenait inéluctable. En effet, à cette époque, tout leJerid tunisien était soumis à ce dernier. Il en était de même pour les villes deGabes, Gafsa, Sfax et Tripoli. Ibn 'Abd al-Karïm qui avait sans doute sous-estiméla puissance réelle de Yabya ibn Ghaniya, commença ses conquêtes par l'attaquede la ville de Gabes qu'il a dû abandonner. Yabya se mit à sa poursuite et l'obligeaà abandonner Gafsa dont il réussit à s'emparer un moment avant d'être contraint dela laisser pour fuir vers les qsur Lal1a(l9). Yabya ibn Ghaniya l'y poursuivitégalement et lui infligea une défaite cuisante. Désesperé, Ibn' Abd al-Karims'enfuit à al-Mahdiya, son point de départ. Yabyâ ibn Ghâniya vint l'y retrouver, lebattit à plates coutures et se rendit maître de la ville.

Après avoir dépeint sommairement les troubles qui, à partir de l'année 1200,Ont ravagé l'Irriquia et Tunis, sa capitale, il nous reste maintenant à nous interrogerSUr la relation entre l'affaire dite des "Musattabât" et ces événements dramatiques.Autrement dit quelle signification doit-on donner à cette affaire? s'agissait-il d'une"agression insensée" comme l'affirme Mas-Latrie ou bien d'autre chose? En toutétat de cause, la simultanéité de cette affaire avec les agissements des deuxrebelles, Mubammad b. 'Abd al-Karim et Yabya ibn Ghaniya est frappante. On saitpar ailleurs que les Banu Ghanya avaient de bonnes relations avec les Pisansdepuis fort longtemps. Compte tenu donc de l'ancienneté et de J'excellence de cesrelations, il est fort possible qu'ils aient conclu secrètement un traité d'alliance anti­almohade en Ifriquia. Les Pisans qui n'ont pas pu retrouver leur situation d'antanen Ifriquia à cause, entre autres, des restrictions que leur imposait le traité de 1186pensèrent peut-être qu'ils auraient tout à gagner en donnant un coup de pouce auxdeux rebelles et notamment à Yabya ibn Ghaniya. Quoi qu'il en fut, les Pisans enagissant de cette manière à ce moment là contribuaient eux aussi à l'affaiblissementde l'autorité almohade déjà chancelante dans cette province orientale.

Toutefois, les troubles, que l'on vient de décrire succintement, et qui se sontpoursuivis au moins, jusqu'à 1205(20), étaient si graves qu'ils incitèrent lescommerçants pisans à quitter Tunis. C'est dire que l'insécurité qui a sévi en Ifriquiaà la fin du XIIe Siècle et au début du XIIIe Siècle, s'est conjuguée avec l'affaire desMusattabat pour faire partir les marchands pisans ou d'autres de cette région. Leur

(/9) A. Bel, les Renou Ghanya, derniers représentants de l'empire almoravide et leur luttel '(!litre l'emire abnohade, Ed, Ernest Leroux, Paris, 1903 p, 109.

(20) H. Terrasse, Histoire du Maroc, Ed. Atlantides, Casablanca (s,d.) t./, pp 338 - 339.

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52 MOHAMMED HAMMAM

départ eut pour conséquences immédiates l'arrêt des échanges entre le Maghreb etPise. Cet arrêt est confirmé par des lettres datées de 1203 et envoyées par descommerçants de Tunis à leurs homologues de Pise les incitant à revenir. Il y étaitfait allusion à l'insécurité d'autrefois. Elles indiquaient cependant que la paix et latranquillité règnaient de nouveau à Tunis. Cela signifie que la Almohades avaientrepris les choses en main. On sait qu'an-Na~jr s'est déplacé lui-même en Ifriquiapour y mater la rébellion de Yabya ibn Ghaniya et y rétablir l'ordre. Avec lui, lestroupes almohades ont réussi à reconquerir la province orientale. Mais elles n'ontpas pu venir à bout de Yabya ibn Ghaniya réfugié au désert d'où il continua àmener ses attaques jusqu'à sa mort en 1235. Enfin, en 1207, avant de regagnerMarrakech, sa capitale, le Sultan Mubammad An-Na~jr nomma comme nouveaugouverneur d'Ifriquia le Cheikh almohade 'Abd al-Wabid ibn Abü Baf~, ancêtredes Hafsides qui allaient se déclarer plus tard indépendants(21).

Quoiqu'il en fût, il est important de remarquer qu'il est bien difficiled'éclaircir les événements du premier tiers du XIIIe siècle. On ne sait s'il y a eureprise des échanges commerciaux entre le Maghreb (à travers l'Ifriquia) et Pise.Mas-Latrie pense sans le démonter que le traité de 1186 a été renouvelé après sonexpiration en 1211 (22). Mais en tous les cas, la dégradation de la situation politiqueau Maghreb après la mort de Mubammad An-Nà~jr en 1213, et le déclin de Pise àla fin du XIIe Siècle et au début du XIIIe siècle, étaient autant d'obstacles à deséchanges meilleurs et réguliers.

LE COMMERCE UN MOYEN DE COMMUNICATION ENTRE COMMUNAUTÉSDE CULTURES DIFFÉRENTES· .

J'ai évoqué il y a un instant la correspondance adressée par quelquesmarchands musulmans de Tunis à leurs homologues de Pise qui avaient fui Tunisaprès l'affaire des Musattabat et en raison des troubles qui ont alors secouél'Ifriquia. Cette correspondance dont Mas-Latrie donne une traduction partiellemontre qu'au-delà des problèmes et des cadres officiels, le commerce était unmoyen parmi d'autres de communication entre gens de cultures différentes. Il leuroffrait la possibilité de se bien connaître mutuellement. En effet, les lettres enquestion mettent en relief les aspects humains et positifs qui ont caractérisé lesrelations qui ont existé entre les Maghrébins et les Pisans vers la fin du XIIe siècleet au début du XIIIe siècle. Amicales et affectueuses, leurs relations se sontpersonnalisées et s'avéraient excellentes. C'est cette excellence qui les a marquéesà cette période qui a amené certains auteurs européens à parler à leur égard de "lasolidarité des marchands musulmans et chrétiens"(23). Jacques Le Goff dans son

(21) R. Brunschvig, la Berberie orientale sous les Hafsides, des origines cl la fin du xV"siècle, Paris. 1940, t. l, p. 13.

(22) Mas-Latrie (Le comte de), Relations...,op, cit p, 119.(23) J. Le Goff, Marchands et banquiers du Moyen Age, P.U.F, Paris, 1962, p. 75.

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LES RELATIONS COMMERCIALES ENTRE PISE ET LE MAGHREB 53

livre consacré aux "marchands et banquiers du Moyen Âge" donne la traductionsuivante du préambule d'une de ces lettres où il est dit:

"Au nom de Dieu, Clément et Miséricordieux".

"Au très noble et distingué "cheik" le vertueux et honoré Pace, Pisan, queDieu préserve son honneur, veuille sa sauvegarde, l'aide et l'assiste dans laréalisation du bien. Rilal ibn Khalifat-al-Jamuns votre ami affectionné et qui vousveut du bien, à vous qui suivez les sentiers de la vertu, vous envoie ses salutations,la miséricode et les bénédictions .de Dieu"(24J. Selon le même traducteur, cettelettre s'entrecoupe de plusieurs: "Mon très cher ami, mon cher ami Pace". Mas­Latrie de son côté, cite entre autres, une partie d'une lettre adressée par uncommerçant de Tunis appelé Ibrahim, corroyeur à ce même Pace ainsi qu'àForestano et à Corso. A ces derniers ce musulman leur écrit en tant que ses amis:

"Mon cher Pace, tu me dois, sept cent cinquante peaux de moutons que tum'as achetées, à sept dinars le cent, par l'intermédiaire du drogman Othman. Quantà J'ami Forestano, il me doit deux cent vingt cinq (225) dinars pour quatorze centvingt huit (1428) peaux de moutons, vendues par l'intermédiaire de Jean Kitran. Jete préviens, mon cher Corso, qu'Ibn Kassou dit partout que tu n'as plus rien à ladouane. Pour toi, mon cher Pace, ne viens pas sans les marchands avec qui tu ascontracté, parce qu'ici toi seul es connu. Rien ne manquera à vosmarchandises.Venez donc faire un règlemnt général par doit et avoir. Je t'engage.Corso, à ne pas tarder à te faire payer du plomb que tu as vendu à Othman d'ElMahdya parce qu'il est parti pour Alexandrie"(25}.

Enfin soulignons que ces lettres sont également importantes, pour connaîtreaussi bien les marchads que les prix ainsi que la nature des transactions et desmarchandises échangées de part et d'autre. Ces questions comme bien d'autresrestent encore dans l'ombre faute de documents. Il va sans dire que la recherchehistorique gagnerait à ce que toute cette documentation encore inédite disséminéedans certains dépôts d'archives italiens soit publiée et mise à la dispositions deschercheurs. Cette remarque est également valable pour les documents inéditsrelatifs aux échanges commerciaux entre Le Maghreb et les autres villesmarchandes italiennes qui ont émergé au Moyen-Age.

CONCLUSION

En guise de conclusion, notre esquisse tend à montrer que les relations duMaghreb avec Pise au temps des Almohades étaient plus ou moins lentes à s'établirpuisqu'on les fait remonter officiellement à 1166. Leur compréhsion doit êtrereplacée dans le çontexte de la lutte d'influence que livra Gênes à Pise en

(24) Ibid, p. 75.(25) Mas-Latrie (le comte de), Relations.... op, cit, p. 110.

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54 MOHAMMED HAMMAM

Mediterranée occidentale peu avant le milieu du XlIo Siècle. D'autre part, le traitéde 1186 leur a donné un cadre institutionnel qui les a légitimées. Il marquait uneévolution importante de leur histoire. Désormais, malgré l'existence de certainesd;.fficultés dont l'acuité tendait à disparaitre au fur et à mesure que le XIlo siècleavançait vers sa fin, ces échanges devenaient bon an mal an continus jusqu'àl'année 1200. Leur arrêt brutal à cette dernière date ne peut être expliquéuniquement-comme l'a cru Mas-Latrie-par l'affaire des Musattabat étudiée plushaut. L'insécurité et les troubles dont l'Ifriquia n'a cessé d'être le théâtre avant etsurtout à la même époque sont aussi de nature à faire partir les marchands pisansqui ne devaient plus se sentir en ·sécurité. Après cet arrêt, il semble que la situationpolitique qui prévalait aussi bien au Maghreb qu'à Pise au début du XIIIo siècleétait de mauvaise augure. En effet la défaite d'an-Na~ir en 1212 sonna le glas desAlmohades. Quant à Pise, elIe n'arrêtait pas de reculer à la même époque, devantGênes sa rivale de toujours. Cela annonçait par conséquent la fin de la puissancede Pise en Méditerranée. Mais d'une manière générale, les relations entremarchands pisans et maghrebins se revelèrent solides et amicales. Elles prouvèrenten somme, que le commerce était un des liens importants, parmi bien d'autres,entre des hommes appartenant à des civilisations différentes.

Mohammed HAMAMFaculté des Lettres - Rabat

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Hespéris-Tamuda, Vol. XXXV, Fasc. 2 (1997), pp. 55-66.

LÉGITIMITÉ DU POUVOIR ÉTATIQUE ET VARIATIONSSOCIO-RELIGIEUSES AU MAROC MÉDIÉVAL*

Mohammed KABLY

Dans le domaine de la représentation du pouvoir, la question de légitimité seprésente, en général, comme moyen d'appréhension du statut juridique ou du rôlepolitico-social de ce pouvoir. S'agissant de la réalité du Maroc médiéval, cettelégitimité s'inscrirait aussi, ou même surtout, comme moyen d'expression privilégiépar l'instance étatique. A ce titre, eUe investit assez librement l'historiographieambiante pour chercher à traduire, en plus simple, les thèses beaucoup moinsaccessibles du discours doctrinal, à savoir, notamment, la légalité de la rupture,l'orthodoxie du comportement et l'intégration du projet dans le cadre du redressementnt5cessaire. Si bien qu'à force de suggestions et d'insistance, l'on arrive, le plussouvent, à donner du pouvoir concerné une image assez bien construite pour résisternon seulement au temps, mais aussi à la critique. Néanmoins, l'on note, à côté de cetteimage ou même parfois à travers elle, la persistance de reflets "indésirables" trahissantla résistance de telle vision non conformiste ou les traces de variations socio­religieuses plus ou moins tolérées ou combattues.

Pour illustrer cette esquisse, il conviendrait de préciser d'abord notre démarche.A cet égard, il y aurait lieu de commencer par retracer la courbe que décrit sur fondislamique la légitimité du pouvoir au Maroc médiéval. Après quoi, on essaierad'entreprendre la lecture de cette courbe, dans le but d'en dégager si possible les lignesde force, les mécanismes probables et peut-être les données de structure. Auparavant,et afin d'éviter tout malentendu, l'on prendra la précaution d'identifier succinctementles référents. En précisant, autant que faire se peut, l'histoire et la signification desmots.

A propos de légitimité par exemple, il ne serait sans doute pas inutile derappeler que le terme, appliqué à une expérience étatique, évoquerait plutôt unerésultante, laquelle constitue l'aboutissement d'une nonnalisation au bénéfice d'un état

(*) Le texte qui suit prend appui sur une communication présentée au séminaire organisé par IL'"Center for Middle Eastern Studies" de Université de Harvard, du 7 au 8 avril 1994, sur le thème:"Representations of Power in Morocco and the Maghrib: Historical and Contemporary Perspectives".Une version en langue anglaise de la même communication sera publiée parallèlement dans les Actes

dudit séminaire.

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de fait réalisé, bien entendu, ou passant pour avoir été réalisé hors de la nonne, soitdonc, en l'occurrence, par l'agression à l'égard d'adversaires en principe coreli­gionnaires. Or légitimer un tel état de fait reviendrait nécessairement à légitimerl'action conquérante qui lui a donné naissance. Pour ce faire, le seul moyen, en Islam,serait d'invoquer conjointement réforme et Jihâd. D'où le lien fondateur, au Marocmédiéval, entre toute légitimité dynastique et ces deux termes. Et comme toutentreprise de réfonne, même non appuyée systématiquement sur le Jihad, a tendanceà déboucher sur le monopole centralisateur et que le Maroc islamique médiéval,d'autre part, constitue le plus souvent, surtout à ses débuts, un creuset d'autonomies etd'antagonismes de tous genresO), il convient de noter en conséquence, semble-t-il,que tout pouvoir apparu dans cet espace ne saurait être concerné nécessairement par lalégitimité ainsi décrite. Puisque seul un pouvoir réfonnateur, conquérant et centralpouvait valablement y recourir.

Or, au Maroc médiéval, le pouvoir qui correspond à un tel profil a un nom,lequel nom - est-ce un hasard? - ne date pas de tout temps. Il s'agit, on le sait, du nomMakhzen qui se trouve attesté pour la première fois dans le Mémoires d'al-Baïdaqsuivies du texte intitulé Kitab al-Ansab. Rédigés vraisemblablement, l'un vers lemilieu du XIIe s., l'autre au début du XIIIe s., ces textes paraissent décrire unehiérarchisation officielle qui devait remonter à l'époque d'organisation de l'Etatalmohade, soit donc à la première moitié du XIIe s.(2).

Est-ce àdire que l'Etat centralisateur, au Maroc, est si tardif? Dans la mesure oùla présence d'un tel Etat suppose la délimitation d'un territoire à la fois ~n et divers, onpeut estimer que ce territoire - et l'Etat qui s'y rattache sans aucun doute - remonte unpeu plus loin dans le temps. Puisque l'appellation al-Maghrib a[-aq\iâ paraît déjàlargement usitée sous la plume du géographe al-Idrîsî qui, le premier, le mentionne et

(1) Valable pour le Maghreb en général, une telle situation paraît plus accentuée à l'ouest, danscet espace appelé par la suite Maghreb-Extrême où l'on note, en plus des sectes, sous-sectes et divisionsplus ou moins correspondantes, la persistance d'entités enracinées, autonomes et considérées comme

hérétiques. Sur les débuts, voir M. Talbi, "La conversion des Berbères au khârigisme iba<Jito-~ufrite et lanouvelle carte politique du Maghreb au IIeNIIIe siècle", in etudes d'histoire ifrîqiyenne, Tunis, 1982, pp.13-80, notamment pp. 47-75; M. Kably, Variations islamistes et identité du Maroc médiéval, Paris­Rabat, 1989, pp. 11-45, particulièrement pp. 28-33. Sur les entités dites hérétiques, A Bel, La religionmusulmane en Berbérie, 1, Paris, 1938,pp. 170-182; G. Marçais, La Berbérie musulmane et l'Orient auMoyen Age, Paris, 1946, pp. 126-129; M. Talbi, "Hérésie, acculturation et nationalisme des BerbèresBerghouâta", in Actes du Premier Congrès d'Etude des Cultures méditerranéennes d'influence arabo­berbère, Alger, 1973, pp. 217-233; T. Lewicki, "Prophètes, devins et magiciens chez les Berbèresmédiévaux", Folia Orientalia, VII, 1965, pp. 3-27.

(2) A noter que le terme Makhzen, dans ces deux textes, est associé à la catégorie dite 'Abîd al­Makhzen, (Esclaves du Makhzen), ce qui confirmerait la relative ancienneté du terme par rapport àl'époque de consignation par écrit du phénomène; voir E. Lévi-Provençal, Documents inédits d'histoirealmohade, Paris, 1928, pp. 46,96 (trad. 70, 155) et aussi pp. VII-VIII. Sur l'historique de l'institution entant que telle, M. Buret, E.l.2, VI, 131-135; sur le corps des 'Abîd al·Makhzen, J.F. Hopkins, MedievalMuslim Govemment in Barbary until the Sixth Centuryofthe Hijra, London, 1958, pp. 92-93.

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en use fréquemment dans sa Nuzha qu'il achève de rédiger en 54811] 54(3). Et commeil y situe le terrain de parcours initial des Sanhâja Almoravides venus du sud de laMauritanie actuelle, on est admis à considérer que ce territoire d'al-Maghrib al-aq$â,en tant que tel, est né avec l'Etat aImoravide au milieu du XIe s'<4). D'où d'ailleursl'obligation pour nous de situer le thème examiné ici entre cette date et l'époqued'émergence, au cours de la première moitié du XVIe s., de l'Etat des Saâdiens.

***Compte tenu de ces limites des définitions qui précèdent, quelle est donc la

trajectoire suivie, au Maroc, par la légitimité du pouvoir étatique? Nous savons quel'Etat almoravide se situe sans nuance dans le camp du sunnisme malikite local et qu'ilne tarde pas, sous l'influence de~ docteurs andalous du même rite, à se placer sousl'obédience du califat abbàside sunnite de Baghdad, lequel sanctifie en échangel'action unifiante et djihâdienne d'Ibn Tachfine, a'lec titre souverain à l'appui, enmême temps qu'est obtenue par écrit la bénédiction de l'illustre al -GhazàlïC5).

Vers le milieu du siècle suivant, apparaît l'Etat masmudien des Almohades.Rompant systématiquement avec toute obédience, cet Etat des adeptes d'Ibn Tümarts'érige lui-même d'emblée en califat, avec des visées très nettes, au demeurant, surl'Egypte et au-delà(6). La légitimité éclectique dont se réclame ce califat occidentalinvoque principalement l'unitarisme mu'tazilite accommodé à la doctrine dumahdisme shiite le plus radical(7).

L'Etat mérinide, quant à lui, allait naître et faire son initiation politique enservant les I:Iaf~ides de Tunis, lesquels venaient de se poser en héritiers légitimes du

(3) L'appellation al-Maghrib al-aq$a est mentionnée à dix-sept reprises dans le texte intégral dela Nuzha alors que celle, pratiquement équivalente mais sans doute plus ancienne de al-Garb al-aq~ n'yest utilisée par contre que quatre fois; voir Idrisi, Nuzhat al-Mushtiiq/Opus geographicum, Napoli­Romae, 1975, pp. 1033 et 1056.

(4) Ibid, pp. 221-225.(5) E. Lévi-Provençal, "Titre souverain des Almoravides et sa légitimation", Arabica, Il, fasc. 3,

1955, pp. 265-280; Max Van Berchem, "Titres califiens d'Occident", Journal Asiatique. 1907, pp. 267­298; H. Mu'nis, "Sept documents inédits de la dynastie almoravide" (en arabe), in ReviSta dellnstitutoislamico en Madrid, II, fasc. 1-2, 1954, pp. 55-84. Pour le texte de lafetwa d'al-Ghazali, voir Abü Bakrfbn al-'Arabi, ms. K. 1275 (B.G. Rabat); f" 128-130; pour celui de sa lettre à Yüsüf ibn Tiishfin, ibid., f"130-133 ou Abdallah 'Inan, 'A,sr al-Muriibitïn wa-l-Muwabbidïn, fi-l-Maghrib wa.l-Andalus, f, 1964.pp. 530-533.

(6) Ibn Jubayr, Voyages, Paris, 1949, pp. 88-91; Max Van Berchem, op. cit.; R. Brunschvig,"Un aspect de la littérature historico-géographique de l'Islam", in Mélanges Gaudefroy-Demombynes, LeCaire, 1935-1945, pp. 147-158; Gaudefroy-Demombynes, "Une lettre de Saladin au calife almohade", inMélanges R. Basset, II, Paris, 1925, pp. 297-304.

(7) Sur la doctrine almohade, voir en particulier 1. Goldziher, "Ibn Tumert et la théologie del'Islam dans le Maghreb au, XIe siècle", in Le Livre d'Ibn Turnert, Alger, 1903, pp. 1-101; R. Brunschvig,"Sur la doctrine du Mahdi Ibn Tümart", in Etudes d'islamologie, J, Paris, 1976, pp. 281-293 et pp. 295­302; D. Urvoy, "La pensée d'Ibn Tûmart", Bulletin d'Etudes Orientales, Damas, XXVII. 1974, pp. 19-44.

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califat almohade de Marrakech considéré pour sa part comme défaillant. Néanmoins,une fois en mesure de se dégager de leur tutelle, les émirs Banü Marin se rangent, versla fin du XIIIe s., sous la bannière du sunnisme mâlikite et s'attachent à promouvoir lechérifisme idrisside, dans l'attente de pouvoir prétendre, au milieu du XIve S.,

notamment avec Abü 'Inan, à la dignité suprême de l'ancien califat "suzerain" deTunis(8).

Quant au pouvoir étatique des Saâdiens, tout indique qu'il avait commencé, àl'orée du XVIe s., par se réclamer de la tradition du mahdisme méridional. Mais l'onconstate cependant qu'il ne devait pas tarder à s'orienter vers d'autres titres deréférence, ainsi qu'en témoigne, comme il est naturel, l'évolution de la titulatureofficielle(9).

De fait, par rapport à la dynastie saâdienne comme pour les autres, cettetitulature officielle traduit fidèlement l'orientation que chacune représente au sein duprocessus. Puisque le titre souverain des Almoravides sera celui d'amïr-al-Muslimïndécerné par Baghdad et que le titre d'amïr-al-Müminïn sera l'apanage du souverainalmohade qui se présente et agit comme calife, entendons comme calife du Mahdi,c'est-à-dire d'Ibn Tümart qui seul avait droit à ce titre, il va de soi, de même qu'à celuid'Imam, au sens shiite particulier du mot. Avec les Mérinides réapparaît le titresubalterne d'amïr-al-Muslimïn, excepté toutefois en ce que concerne Abü 'Inan, lequelallait s'octroyer le titre de calife et se fit appeler de ce fait amir-al-Mümïnïn. Et l'onnote, enfin, que Muhammad ash-Shaykh, premier souverain saâdien effectif, n'hésitepas à adopter la terminologie shiite en se dotant des deux titres d'Imam et de Mahdialors que ses successeurs, de même qu'autrefois les successeurs d'Ibn Tümart, sedéclarent califes et retiennent par conséquent le titre d'arnïr-al-Müminin(lO).

***Que signifie au juste ce va-et-vient? De quelle logique procède-t-il et comment

appréhender le développement du processus-support qui le sous-tend? Des élémentsde réponse pourraient peut-être se dégager d'une première lecture de sondage. Lesconstatations les plus saillantes, semble-t-il, sont les suivantes:

1. Si l'on s'oriente en amont vers la période précédant l'arrivée des Almora­vides, l'on découvre, à travers les relations décrivant cet espace appelé par la suite al­Maghrib al-Aq~â, la présence de la totalité des repères légitimants rencontrés jusque-

(8) M. Kably, Société, pouvoir et religion au Maroc à lafin du Moyen-Age, Paris, 1986, pp. 271­291.

(9) Sur la relation entre le contexte d'émergence des Saâdiens et la tradition du mahdismeméridional, ibid., pp. 250-256 et 277-278; Mercedes Garcia-Arenal, "Mahdî, Murâbit, Sharîf:l'avènement de la dynastie sa'dienne", Studia Islamica, LXXI, 1990, pp. 77-114, notamment pp. 82-99.

(10) Sur la titu1ature des trois premières dynasties, voir Max Van Berchem, op. cit., sur celle desSaâdiens, cf al-Fichtalï, Manahil $afâ.... Rabat. s.d.. p. 25; Ibn al-Qaçlï. al-Muntaqâ-l-Maq$ûr.... 1, Rabat.1986, pp. 238 et 242; G.S. Colin, Chronique anonyme de la dynastie sa 'adienne. Rabat, 1934, p. 5.

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là et retenus alternativement par l'une ou l'autre dynastie au pouvoir. En attendantl'établissement d'une carte politico~religieuse du Maroc à cette époque, l'on se borneraici à remarquer l'existence simultanée du sunnisme aussi bien malikite que hanafite,du Kharigisme, du mu 'tazilisme, du shiisme imamite, de l'idrissisme cataloguécomme zaydite modéré au départ et devenu permissible, apparemment, sinon àl'ismaélisme intégral, du moins au mahdisme imâmite(l1), ainsi que le suggère lanumismatique et paraît le confirmer la titulature des Hammüdides idrissidesd'Andalousie comme la fréquence de l'attribut Fatimî appliqué à IdrIs lui-même ou àsa progéniture(12). Même les signes avant-coureurs du chérifisme charismatique, àencroire Ibn I;Iawqal, se liraient à travers la prospérité permanente de la ville de Fès, auIve/Xe S., et aussi dans l'attitude respectueuse des Umayades de Cordoue comme danscelle des Fatimites d'Ifriqiya(l3).

2. A propos de cette forme de chérifisme avant la lettre, on peut noter que lecélèbre Qad1 'Iyyaçl, juriste malikite réputé de la fin de l'époque almoravide, en faitl'un des articles axiaux de son fameux Shija(l4). Alors que son contemporain IbnTümart lui-même se présente officiellement comme descendant direct d'IdrIs et queson disciple et premier calife Abdelmümin oscille, quant à lui, entre la mêmeascendance idrisside et une généalogie simplement qoraïshite(l5). Et l'on sait parailleurs que les futurs Saâdiens se situeront dans une lignée cousine de la même lignéeidrisside, précisément, et que faute de mieux, les Mérinides se contentent de se faireles artisans historiques du chérifisme organisé(l6). De toute évidence, le chérifisme,par rapport à la légitimité de tout pouvoir, semble bien se présenter comme unvéritable catalyseur. Ce serait là, apparemment, une première constante à retenir.

3. Une autre constante serait le caractère foncièrement autonome, au plan desfaits, de la légitimité du pouvoir au Maroc médiéval. Même au niveau du droit, seul lecas de la légitimité almoravide ferait défaut. Au reste, en agissant comme ils l'ont faitvis-à-vis de Bagdad, les fondateurs du Maghreb-Extrême ont sans doute accompli uneanomalie à ce point insolite qu'elle paraît avoir été condamnée pendant des siècles àl'oubli. Autrement, la légitimité au Maroc aura été liée intimement, à ce qu'il semble, à

(II) Sur ces éléments, voir al-Muqaddasï, Absan at-Taqiisïm... , Leiden, 1906, 236-238 et surtoutIbn Bawqal, Kitiib $ürat al-Arç/. .. , Leiden, 1938, pp. 79-104 (trad. Paris-Beyrouth. 1964, pp. 90-102).

(12) Hermann L. Beek, L'image d'Idrïs Il, ses descendants de Fès et la politique s/Ulrffienne dessultans ITUlrïnides (659-869/1258-1465). Leiden, 1989, pp. 38-51.

(13) Ibn Bawqal, op. cit., pp. 103-104 (trad. 101-102); Istib~âr, Kitab al-Istib,sar..., 2e éd.,Casablanca, 1985, p. 181.

(14) Hermann L. Beek, op. cit. p. 49.(15) E. Lévi Provençal, Documents inédits.... pp. 21-23 (trad. 32-35).(16) Sur la lignée chérifienne des Saâdiens, voir Le Tourneau, "La naissance du pouvoir saâdien

vue par l'historien al-Zayyânï", in Mélanges Louis Massignon, III, 1957, pp. 65-70 et 73-75; E1oufrânî,(Mohammed Essaghir), Nçzhet-Elhâdi, Paris, 1888, pp. 3-5; Ibn al-Qaçlï, op. cit., 1986, l, pp. 242-243;al-Nâ~irI, (Ahmed), Kitab al-Istiq$a. V, Casablanca, 1955, V, p. 5. Sur J'attitude des Mérinides vis-à-visdu chérifisme, M. Kably, Société. pouvoir et religion..., pp. 291-302.

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cette autonomie séculaire à l'égard du califat oriental, laquelle autonomie trouve sonorigine dans le rejet irréversible déclenché par les Kharigites en l'année 122 ou1231740-741 et débouchant sur l'éclatement politico-confessionnel qui allait encadreren quelque sorte l'émirat idrisside< 17).

4. Un autre trait continu serait le caractère binaire du Jihad. En ce sens que ceprincipe fondateur de la légitimité au Maroc implique, notamment au départ, etl'autochtone récalcitrant et le bédouin insoumis ou ambigu, tout autant que l'ennemimenaçant installé soit outre-mer s.oit sur la côte. Qu'il s'agisse des Saâdiens, desMérinido-Wanasides, des Almohades ou bien sûr des Almoravides, la chose, sous sesdeux angles, est on ne peut plus incontestable.

Cela étant, on constate, malgré tout, que l'aspect local du Jihad était bien plusaccentué à l'époque almoravide et almohade. Sans doute parce que les clivages étaientplus forts et que l'unification par la doctrine, depuis l'avènement des Mérinides,s'imposait beaucoup moins qu'auparavant. On note en tout cas que de toutes lesdynasties de la région et de l'Islam, la dynastie almoravide avec celle des Almohadesfurent les seules à tirer leur nom respectif, non pas d'un éponyme ancestral mais d'unpoint de doctrine - ribat dans un cas, tawbïd dans l'autre - lequel point paraît justifieravant tout autre, aux yeux des siens, l'avènement de leur règne inséré par ce biaismême dans le sens du dessein historique global de la Révélation islamique( 18).

5. Compte tenu de cette démarcation de taille, l'on se doit d'isoler, pour plus declarté, la phase occupée par ces deux dynasties rivales à vocation de prosélytismedominant. Du fait de son impact et parce qu'elle constitue, par rapport à la mosaïqueconfessionnelle de départ, une véritable époque de tri. Du volet almoravide de cettephase, la légitimité postérieure, au niveau du pays, gardera la référence renouvelée aurite sunnite malikite(l9). Du volet almohade, elle retiendra surtout, semble-t-il, en plus

(17) M. Kably, Variations islamistes et identité du Maroc médiéval. Paris -Rabat, 1989,pp. 99-33.

(18) Avec cette nuance toutefois que sans jamais prendre tout à fait la même ampleur qu'àl'époque ëlmoravido-almohade, le jihad local, à l'apparition du mouvement saâdien, était on ne peut plusprioritaire parce que lié intimement, au plan stratégique, à la neutralisation des Bédouins autochtonesinstallés dans le Sous depuis le milieu du XIve siècle et traitant, près de deux siècles plus tard, avecl'agresseur portugais. Sur cet aspect, voir M. Kably, Société. pouvoir et religion..... pp. 246-253 etMercedes Garcia-Arenal, Mahdî, Murâbit, Sharif. ... pp. 99-104 où l'auteur, tout en ayant le mérite dedonner force détails corroboratifs, prend soin de préciser telle citation empruntée à notre travail sans sedouter apparemment que ladite citation s'incorpore, dans notre texte, à une argumentation impliquant,quant au fond, la démonstration reprise dans le sien et faisant en fin de compte son objet.

(19) On ne peut que constater, en effet, qu'en dépit de l'hostilité déclarée et quasi-systématiquedes Almohades, le malikisme, en tant que réalité avouée, fait sciemment surface en même temps ques'affirme J'autorité naissante des Mérinides. Sur les raisons possibles de cette réapparition et en tout casde la survie comme de la revigoration du madhab au Maroc sous le règne des Mérinides, voir LeTourneau, "Sur la disparition de la doctrine almohade", Studia lslamica. XXXII, 1970, pp. 193-201;Maya Shatzmiller, "Les premiers Mérinides et le milieu religieux de Fès: l'introduction des Médersas",Studia Islamica. XLIII, 1976, pp. 109-118; M. Kably, Société. pouvoir et religion..... pp. 272-285; id.•

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du dissentiment quasi unanime des gouvernés, le rejet officiel, par le propre califatalmohade de Marrakech, du mahdisme tümartien renié dans l'indifférence, en l'an626/1229. Plus d'ailleurs que le rejet, cette indifférence serait à attribuer de touteévidence aux abus sanguinaires ponctuant la conquête almohade de jadis, de mêmequ'à la politique ségrégationniste officielle encore sous-aperçue mais dont il estpermis, en tout cas, de supposer la relation immédiate, a priori, avec le succèsspectaculaire du mysticisme piétiste, au lendemain de l'installation victorieuse desnouveaux maîtres(20).

6. Procédant des différentes composantes de cette phase, la légitimité mérinidedevenue plus tard mérinido-waçtâside aura donc à composer avec la réalité mâlikito­süfie mais aussi, aux tout débuts, avec les tiraillements chroniques occasionnés par lemahdisme post-almohade couvé de loin, depuis Tunis, par le califat "suzerain" desI:Iaf~ides. Seulement, du fait qu'ils ne disposaient d'aucun projet de réforme bien à euxet qu'ils avaient commencé par servir la légitimité du même califat des I:Iaf~ides, lesMérinides, une fois maîtres de Marrakech, allaient entreprendre de s'assurer lecontrôle de Sijilmassa et du Nord pour pouvoir transiter par le Jihâd, dès 674/1276, etentamer ainsi leur propre approche légitimante(2I). Pragmatique, cette approche aurapour plateforme initiale, en plus du Jihâd, la désaffection collective vis-à-vis desretombées du radicalisme almohade. Aussi se hâta-t-on à Fès, en 675/1277, de passerau second aspect jihâdien en inaugurant, cette année-là, la politique d'édification demedersas sunnites sanctionnant l'option mâlikite fondamentale du système(22). Parailleurs, cherchant à équilibrer l'influence des süfis tout en faisant pièce, du mêmecoup, au mahdisme almohade considéré par ses fidèles comme sanctifié parl'ascendance idrisside d'Ibn Tümart, le nouveau pouvoir adopta une stratégiechérifienne remontant à la source, pour ainsi dire, et conçue à l'avantage, parconséquent, de la totalité des descendants du fondateur de Fès(23).

7. Se fondant sur les prolongements lointains d'une telle démarche, la légitimitésaâdienne, placée sous le signe du chérifisme excentrique du Drâa, allait tenter deréussir, à l'aube de xe/xVIe s., là où le chérifisme du centre représenté en la personned'al-Jütï, naqïb des Idrissides, avait lamentablement échoué quelque demi-siècle plustôt, en 869/1465(24). Ces deux légitimités chérifiennes avaient pour trait commun

"I:Iawla ba'çl Muçlmarat at-Tashawwuf', in At-Târïkh wa'adab al-ManJqib, Rabat, 1988, pp. 63-80,particulièrement pp. 67-69.

(20) Sur le rejet du mahdisme, voir R. Brunschvig, La Berbérie orientale sous les Hafsides desorigines à lafin du xve siècle. 1, Paris, 1940, pp. 20-22; M. Kably, Société, pouvoir et religion..... pp. 20­21; sur la politique sociale et le comportement militaire de l'Etat almohade, id.. "I:Iawla ba'çl Muçlmaratat-Tashawwuf', pp. 72-78.

(21) M. Kably, Société, pouvoir et religion..... pp. 68-92.(22) Ibid.• pp. 271-285 et Murajcfat (en arabe), Casablanca, 1987, pp. 66-78.(23) Id., Société, pO/Itvoir et religion pp. 285-302 et Muraja'at... , pp. 79-96.(24) Sur cet essai et son échec, voir Mercedes Garda-Arenal, "The Revolution of Fas in

869/1465 and the Death of Sultan Abd al-Haq al-Marïnf', Bulletin of the School ~fOriental and African

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d'avoir pour alliés animateurs, semble-t-i1, des sûfis activistes motivés certes par laréforme des mœurs, mais aussi par un Jihâd adapté à chacune des deux conjonc-tures.Bien plus nombreux cependant et agissant loin de la capitale, les alliés sûfis desSaâdiens seront l'outil, en plus du chérifisme, de leur légitimité conquérante à sesdébuts,<25) Quant au Malikites, on remarque, dans le cas saâdien comme dans l'autre,que l'attitude de leurs docteurs, en fait, se distingue par une fidélité exemplaire. Facesurtout aux Saâdiens victorieux, d'aucuns parmi ces doctes - et non des moindres -,refusant de toutes leurs forces de renier leur allégeance, affrontent héroïquement lemartyre(26).

Et pourtant, une fois achevée la conquête, l'on constate que le pouvoir étatiquedes Saâdiens, sans brusquer en rien ni ménager outre mesure ses alliés süfis jugésenvahissants, va au devant des représentants du rite enraciné des Malikites, alors quele chérifisme promu, à présent, au sommet de l'Etat, continu~it au fond, peut-être plusqu'auparavant, à assumer sa fonction séculaire de médiateur charismatique et partant

de catalyseur affectif de référence.

***

Que retenir au juste de cette lecture? Compte tenu des remarques qui s'yrapportent, peut-on au moins parler de progression intelligible, à propos du

phénomène étudié, et si oui dans quel sens?

Une chose est manifestement évidente, c'est que la légitimité du pouvoirétatique, telle que définie au début, disposait à l'origine, tout au long du même espacedevenu le Maghreb-Extrême, d'un arsenal légitimant, du moins en puissance, aveclequel on ne pouvait avoir, en principe, que l'embarras du choix. Au terme dupilrcours, cet arsenal s'est vu réduire. Ne restait plus, à côté du mâlikisme devenubeaucoup plus puissant, qu'un chérifisme promu et adapté à la fois. Par contre, laforce des sûfis autrefois inexistante, à ce qu'il semble, devenait avec le temps, depuisle règne almoravide, de plus en plus structurée et influente. En participant de cettetransformation enveloppante, la légitimité en question s'avérait à l'évidence sélective,dynamique et adaptable tout en sachant conserver fermement les options éprouvées.

Par ailleurs, pour en revenir à notre courbe, l'on ne peut que remarquer qu'il y aloin, au plan stratégique, de la légitimité signalée pour la phase almoravido-almohade,en gros, à celle, plus durable, de la phase suivante. D'une part, l'on a affaire à unelégitimité à thèse, rigide par conséquent et essentiellement close; de l'autre à une

Studies. Vol. XLI. Part l, 1978, pp. 43-66; id., "Sainteté et pouvoir dynastique au Maroc: la résistance deFès aux Sa'diens", Annales E.S.C., 1990, n04, pp. 1007-1029; M. Kably, Société. poul'oir et religion.... ,pp. 330-337.

(25) Mercedes Garcia-Arenal, "Sainteté et pouvoir dynastique au Maroc... ", pp. 1021- 1024;M.Kably, Société, pouvoir et religion...., pp. 334-337.

(26) Mercedes Garda-Arenal, "Sainteté et pouvoir dynastique au Maroc...." pp. 1024-1026.

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POUVOIR ÉTATIQUE ET VARIATIONS SOCIO-RELIGIEUSES 63

légitimité attentive, polyvalente et pragmatique à souhait. De l'une à l'autre,l'évolution s'explique sans aucun doute par les répercussions profondes, par rapport àla société gouvernée, du monolithisme écrasant, bien qu'à des degrés fort divers, dessystèmes almoravide et almohade. EUe s'expliquerait aussi par le refus intériorisé, çaet là, d'une telle démarche. En attendant, il va de soi, que les réactions profondes semanifestent, s'additionnant aux contradictions propres des gouvemants(27).

Si bien qu'il s'agit là, en fin de compte, d'une légitimité non point capricieuse niirrémédiablement excluante mais malléable, si besoin est, tout en étant énergique.Construite au moyen d'une accumulation fonctionnelle, elle paraît avoir choisi d'assezbonne heure d'abandonner l'exclusivisme pour la souplesse, l'écoute et la continuitéévolutive.

Mohammed KABLYFaculté des Lettres - Rabat

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(27) Un aperçu de ces contradictions et des réactions subséquentes par rapport au systèmealmoravide est donné notamment par al- Murrâkushï, Al-MuCjib..., Le Caire, 1949, pp. 171-\77 (trad.E.Fagnan, Histoire des Almohades, Alger, 1893, pp. 147-154). Pour celles se rapportant au systèmealmohade, voir R. BrunschYig, La Berbérie orientale sous les fIap;ides ..., pp. 20-23 et30-24; M. Kably,Société, pouvoir et religion...., pp. 20-53.

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64 MOHAMMED KABLY

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Hespéris-Tamuda, Vol. XXX~ Fasc. 2 (1997), pp. 67-106.

L'EUROPE ET LE MONDE MUSULMAN AU MOYEN-AGE

Pierre GUICHARD

Bien que les relations entre l'Europe et l'Islam aient fait l'objet d'un grandnombre de travaux, dont plusieurs à caractère synthétique (ceux de R.W. Southem,Western Views of Islam in the Middle Ages, 1962, de W.M. Watt, The Influence ofIslam on Medieval Europe, 1972, de Norman Daniel, Islam and the West, et TheArabs and Medieval Europe, 1975, de Hisham Djaït, L'Europe et l'Islam, 1978, de M.Rodinson, La fascination de l'Islam, 1980), je ne crois pas qu'il existe de mise aupoint récente sur la façon dont les relations pacifiques ou conflictuelles de l'EuropeaVec le monde islamique ont contribué à modeler la civilisation de cette dernière. Lechapitre sur la question que m'a demandé Ghenirdo Ortalli pour la Storia d'Europapubliée par les éditions Giulio Einaudi de Turin en 1995, correspond à une tentativedans ce sens. Quelques collègues marocains ont bien voulu me dire que la publicationde ce texte en français dans Hespéris-Tamuda, en le rendant plus facilementaccessible aux lecteurs du Maghreb, pourrait présenter quelque intérêt. Je les remercievivement de l'intérêt qu'ils ont accordé à ce travail. Mes remerciements vont aussi,bien sûr, à la direction de la revue qui a accepté cette publication, et aux éditionsEinaudi qui l'ont autorisée. Peut~être la vision d'ensemble que je présente suscitera-t­elle réflexions, réactions, ou nouvelles recherches de la part des collègues marocains.Je souhaite en tout cas qu'elle contribue à un dialogue - nécessaire et que jesouhaiterais pour ma part plus intense ~ entre historiens, et plus particulièrement entremédiévistes, de part et d'autre de la Méditerranée.

I. LE HAUT MOYEN AGE

1. L'Occident et l'apparition de l'Islam

Il n'y a pratiquement pas d'historiographie arabe avant le IXe siècle, et lestraditions que recueillent les annales ou chroniques rédigées à partir de ce momentmêlent sans grand discernement le vraisemblable et le légendaire. Cela estparticulièrement vrai des textes relativement abondants consacrés à la conquête del'Espagne et aux premiers temps de J'Islam dans ce pays. Ils nous fournissent uncadre événementiel sommaire, mais ne nous éclairent guère sur les faiblesses de l'Etatwisigothique ni sur les causes profondes et les modalités de la rapide avancée vers le

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nord des armées arabo-berbères. La bataille de Poitiers où les historiens ultérieursverront un événement décisif de cette période de confrontation dramatique entrel'Islam et ce qui est en train de devenir l'Occident chrétien est tout juste mentionnéepar les sources arabes; d'une façon générale, les chroniques qui furent rédigées àpartir de ce moment dans le monde musulman ne disent presque rien des rapports del'Islam avec la Gaule du Sud et le Nord de l'Espagne, abandonnés lors du reflux del'Islam dans la seconde moitié du VIlle siècle. Les sources occidentales des VIle etVIlle siècles évoquant la conquête arabe et les contacts de l'Occident chrétien avecl'Islam sont à peine plus éloquentes. La chronique franque dite "de Frédégaire",contemporaine des premières décennies de la conquête musulmane puisqu'écrite dansla seconde moitié du VIle siècle (probablement vers 658), fait état de la sortie desAgareni hors d'Arabie sous le règne d'Héraclius et de l'invasion et de la dévastationde la Syrie, de l'Egypte et de l'Afrique.

Révisant peu avant sa mort en 735 son Histoire ecclésiastique de l'Angleterre,Bede mentionne l'avancée des Sarrasins jusqu'en Gaule, les dévastations qu'ils ycausèrent et le châtiment qu'ils y reçurent à la bataille de Poitiers, ce qui indique qu'ilne faut pas minimiser à l'excès la portée de la bataille, comme on le fait parfois dansle souci de "démythifier" l'événement. Sur cette bataille, le récit le plus circonstanciéest celui de la Chronique mozarabe de 754, texte rédigé au plus tôt à cette date par unchrétien espagnol, qui vit sous la domination musulmane et fournit des informationsrelativement précises sur l'établissement des musulmans dans la péninsule ibérique etl'époque des premiers gouverneurs de Cordoue, dépendants du califat omeyyade deDamas. Michel Rouche cite par ailleurs quelques textes hagiographiques aquitains dumilieu du VIlle siècle qui se font l'écho des dévastations endurées par la Gaule dusud-ouest lors de l'avancée des "Ismaélites" dans la région. Benjamin Z. Kedar, bienqu'il conteste l'appellation d"'âge d'ignorance" utilisée par R. W. Southern pourcaractériser le niveau de connaissances que l'on a pu avoir de l'Islam en Europe àcette époque, et qu'il retrouve un certain nombre d'autres références à l'Islam dans lestextes occidentaux du haut Moyen Age, ne pense pas que ces notations éparses aientpu donner lieu à une vision d'ensemble, et maintient l'idée d'un manque générald'intérêt pour l'Islam dans l'Europe de l'époque carolingienne et post-carolingienne,qui n'est en contact avec l'Islam que sur des fronts discontinus ou par les brusquesattaques des pirates, rapports insuffisants pour faire naître une connaissancecohérente(l J. Il n'y avait là rien de comparable avec les rapports continus, hostiles oupacifiques, que Byzance était contrainte d'entretenir avec la grande puissance qu'étaitle califat de Bagdad.

(1) M. Rouche, De!\ Wisigoths aux Arabes, l'Aquitaine 418-781, naissance d'une région, Paris,pp. 11-132; B.Z. Kedar, Crusade and Mission: European Approaches toward the Mus/ùns, PrincetonUniversity Press, 1984, pp. 2538; R.W. Southern, Western Views of Islam in the Middle Ages, HarvardUniversity Press, Cambridge, Mass., 1962.

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L'EUROPE ET LE MONDE MUSULMAN AU MOYEN-AGE

2. Arabes et Francs en Gaule méridionale au VIlle siècle

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On peut comprendre que la rencontre le plus souvent année entre les Arabes etI~s Berbères qui envahirent le Sud de la France actuelle et les populations qui yvIvaient n'ait pas laissé beaucoup de place à des relations d'un autre type queguerrières. On devine cependant à travers les textes francs concernant la reconquêtebrutale de la Gaule méridionale par les premiers Carolingiens une certaine réticence,tournant peut-être parfois en franche hostilité, des Provençaux, des habitants de laSeptimanie (actuel Languedoc) et des Aquitains, envers les Francs du Nord. De cetteimpression et de quelques mentions d'alliances entre des chefs chrétiens et lesMusulmans (ainsi le duc de Provence Mauronte, qui aurait ouvert Avignon auxMusulmans en 734, et le bref épisode de Munnuz ou Mususa, chef berbère rebelleétabli probablement en Cerdagne, qui épousa une fille du duc Eudes d'Aquitaine,mais fut vaincu et tué en 729 par le gouverneur arabe de Cordoue) on peut tirer laconclusion que les Méridionaux ne furent pas, ou pas toujours résolument hostiles àl'implantation de l'Islam, et que les Musulmans trouvèrent sur place descollaborations(2).

Il en avait été de même en Espagne, où, on le sait, l'occupation musulmane futfavorisée par l'alliance des chefs musulmans de la conquête avec l'un des partis qui sedisputaient le trône wisigothique, celui des "fils de Witiza", l'avant dernier roi deTolède, prédécesseur du roi Roderik qui fut tué lors de l'invasion. Il paraît difficiled'aller plus loin et de supposer que les musulmans furent toujours bien accueillis pardes populations peut-être superficiellement christianisées, mais qui n'avaient pas lesmêmes raisons -doctrinales- que les Chrétiens monophysites d'Orient de voir dans lesenvahisseurs un "moindre mal" par rapport à une antérieure domination détestée, cellede l'empire byzantin pour l'Egypte, la Syrie et une partie de l'Afrique du Nord.

On peut cependant imaginer qu'une partie des habitants de la Gauleméridionale ont eu les mêmes raisons sociales qu'en Espagne de considérer plutôtavec sympathie la venue des conquérants: la situation de crise et les très grandesinégalités sociales, voire le caractère très aristocratique et la situation encoreesclavagiste du royaume wisigoth ont pu en effet inciter les catégories opprimées àvoir d'un oeil favorable une nouvelle religion libératrice. Mais ce ne sont là que deshypothèses, qui ne reposent pas sur des sources suffisamment explicites.

C'est dire que le moment même de la première rencontre entre l'Europeoccidentale et l'Islam en expansion -L'Espagne est occupée entre 7 JJ et 7 JS,Narbonne et la plaine languedocienne (Septimanie) après 719- n'a laissé que très peude traces documentaires en dehors de quelques vestiges archéologiques, d'ailleursdiscutés (restes hypothétiques de la mosquée de Narbl)nne, et quelques céramiquesd'allure orientale retrouvées dans les mêmes fouilles, ainsi qu'un petit nombre de

(2) Ph. Senac. Musulmans et Sarrasins dans le Sud de la Gaule du Vl/l" all Xl" siècle. Paris.\980.

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monnaies de la première moitié du VIlle siècle et céramiques retrouvées dans leszones occupées)(3). On sait qu'en Espagne le pouvoir musulman, comme il l'avait faiten Afrique, frappa dès les premières années de l'occupation des monnaies latines oulatino-arabes à légendes musulmanes, apparemment destiné::" à faciliter une transition"en douceur". Mais en Espagne même cette période intermédiaire ne dura qu'un petitnombre d'années, puisque les dernières monnaies de ce type sont émises en 98/716­717, et que les suivantes adoptent définitivement les types arabo-musulmans imposéspar la réforme du calife cAbd al-Malik à la fin du siècle précédent(4).

L'invasion musulmane, en attirant les Francs Austrasiens vers le sud de laGaule, semble avoir favorisé la main-mise de ces derniers sur des régions qui étaienten train de se dégager de l'emprise mérovingienne. Michel Rouche a bien étudié lecas de l'Aquitaine, dont il montre même que sous son duc ou prince "national" Eudeselle tendait à la constitution d'un véritable royaume. Avant Poitiers, le pape crut peut­être un instant y voir un possible rempart de la Chrétienté contre l'avancée de l'Islam.Mais cette autonomie aquitaine, prise entre la pression des musulmans au sud et celIedes Francs au nord, ne survécut pas à l'intégration du pays à l'ensemble carolingien,qui se fit parallèlement au refoulement des Musulmans. La détermination despremiers princes de la nouvelle dynastie franque, Charles Martel (719-741), puisPépin le Bref (741-768), évita probablement l'implantation durable de l'Islam dans lesud de la Gaule: sur aucune au'tre frontière de l'Islam, en effet, on ne constate de reculd'une telIe importance à la fin de l'époque omeyyade et au début de la dynastieabbasside. Le fait le plus significatif est la reprise de Narbonne en 759, qui eut lieuaprès une entente entre les Chrétiens de la ville et les Francs, ces derniers ayantpromis de conserver aux autochtones la législation wisigothique.

Il est difficile de savoir si le caractère décisif de ces événements fut ressentipleinement par les contemporains. La papauté, en s'alliant aux Carolingiens et enreconnaissant la royauté de Pépin le Bref en 751, a probablement tenu compte du rôlejoué par celui-et dans la lutte contre l'Islam, mais se détermina certainement avanttout en fonction de considérations italiennes, avec la menace que représentait pour ellel'expansionnisme du royaume lombard. On ne saurait dire si les habitants de laChrétienté occidentale, ou leurs élites, eurent une claire conscience de l'enjeu. On asouvent cité à cet égard le terme d'Europenses, "Européens", que la Chroniquemozarabe citée plus haut emploie dans le récit du combat pour désigner les Francs, cequi laisse supposer une certaine perception de la dimension du "choc de civilisations"qui était en train de se produire. Mais il est vrai que tous les historiens ne sont pasd'accord sur l'interprétation de cette expression, qui n'émane pas, au surplus, d'unmembre de la Chrétienté occidentale puisque l'auteur était, comme on l'a vu, unchrétien mozarabe. Quant à la thèse autrefois défendue par l'historien allemand

(3) J. Lacam, Les Sarrasins dans le haut Moyen Agefrançais, Paris, 1965.

(4) A. Guil1ou,"Les monnayages latino-arabes", Revista dei Instituto Egipcio de EstudiosIslamicos en Madrid, III, 1955, fasc. I-II, pp. 51-92; A.M. Balaguer Prunes, Las emisiones transicionalesarabe-musulmanas de Hispania. Barcelone, 1976.

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L'EUROPE ET LE MONDE MUSULMAN AU MOYEN-AGE 71

Brunner, selon laquelle ce sont les attaques des armées musulmanes venuesd'Espagne, fortement dotées en cavalerie, qui auraient obligé Charles Martel à créerune aristocratie de combattants à cheval lourdement équipés, base du développementultérieur de la féodalité, eUe a été fortement critiquée par le grand médiéviste hispano­argentin Sanchez Albornoz, qui a montré que les musulmans ne possédaient pasencore au VIlle siècle une telle cavalerie, et ne semble plus guère acceptée sous cetteforrne(5).

3. L'empire carolingien et l'Islam.

Charlemagne (768-814) échoua d'abord dans son projet trop ambitieux des'appuyer sur des chefs musulmans rebeUes à l'émir de Cordoue pour étendre sonpouvoir à la vaUée de l'Ebre. La grande expédition de 778, destinée à assurer au roides Francs la possession de Saragosse, dut on le sait repartir sans avoir obtenu aucunrésultat, et se fit sérieusement mettre à mal au col pyrénéen de Roncevaux par lesBasques, probablement alliés -objectifs en tout cas- des Musulmans. Les ambitionsfranques se limitèrent dès lors à une consolidation des positions chrétiennes dans lazone méditerranéenne, où la frontière avec l'Islam fut repoussée sensiblement au suddes Pyrénées, jusqu'à la hauteur de Barcelone qui fut prise en 801. Les efforts desannées suivantes pour pousser jusqu'à l'embouchure de l'Ebre et s'emparer deTortosa n'eurent en revanche pas de succès, et la zone de séparation des territoireschrétiens et musulmans s'établit pour trois siècles entre les deux villes, provoquant ledépeuplement complet de Tarragone qui ne devait se relever de ses ruines que lors desa réoccupation par les Catalans au XIIe siècle(6).

Des relations diplomatiques épisodiques s'étaient établies entre l'empirecarolingien et les Etats musulmans: dès 768, on voit passer par Marseille desambassadeurs échangés entre le roi des Francs et le calife de Bagdad. Mais l'épisodele plus connu de ces relations est la venue en Francie en 801 d'envoyés du califeHanm ar-Rashld, accompagnés d'un représentant de l'émir aghlabide de Kairouan.Cette ambassade apporta entre autres cadeaux à Charlemagne une horloge à eau etsurtout un éléphant qui portait le nom d'Abü l_cAbbâs, et qui, débarqué, à Gênes, duttraverser les Alpes pour rejoindre Aix-la-Chapelle. Ces relations diplomatiques étaientrecherchées par l'un et l'autre pouvoir, celui de l'empereur et celui du calife, car lesdeux s'opposaient à l'empire byzantin aussi bien qu'à l'émirat omeyyade de Cordouenouvellement constitué. A plusieurs reprises, des paix plus précaires arrêtèrent d'autrepart les hostilités entre l'empire et cet Etat Cordouan, ce qui suppose aussi de ce côtéun minimum de relations diplomatiques (810, 812)<7).

(5) Cl. Sanchez Albornoz, En tomo a los origenes dei feutlalismo, 1. III:Los arabes y el régimenfeudal carolingio. La caballeria musulmana y la caballeriafranco del siglo Vlll, Mendoza. 1942.

(6) Ph. Wolff... L'Aquitaine et ses marges", in Karl der Grosse, H. Beumann, B. Bischoffe et al.dir. , vol. /, Dusseldorf, /965.

(7) E. Levj-Provencal. Histoire de l'Espagne musulmane, 1: La conquête et l'émirat hisfJano.umaiyade (710·912), Paris-Leyde, 1950. pp. 178-/85.

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4. L'établissement de la frontière entre l'Islam et la chrétienté dans le nordde l'Espagne.

Dans les hautes vallées des Pyrénées centrales, plus ou moins dans lamouvance carolingienne et sous la forme de comtés, commencent à s'organiser descellules montagnardes autonomes qui ont pu se dégager de la tutelle musulmane (laRibagorza, le Pallars, l'Aragon)(S), et la frontière finit par se fixer à la lisière de lachaîne montagneuse, laissant toute la vallée de l'Ebre (que les Arabo-musulmansappellent "Marche Supérieure", al-Thaghr al-aCla) solidement tenue par l'Islam.L'histoire des populations basques qui forment la Navarre est à peine mieux connue,mais on sait que le pays retrouve aussi par lui-même son indépendance, sachant aubesoin jouer des relations souvent tendues entre les Carolingiens et les émirsomeyyades de Cordoue. Mais on ne constate l'existence d'un véritable royaumequ'au début du xe siècle. Dans l'Espagne occidentale, au contraire, une réaction despopulations assez primitives des montagnes atlantiques (Cantabres et Asturiens)encadrées par des aristocrates wisigoths réfugiés dans cette région, donne naissancetrès peu de temps après l'extension de la domination musulmane à l'ensemble de lapéninsule (la date traditionnelle est 718) à une petite principauté chrétienne(9). Lescirconstances favorisent ces rois asturiens, bientôt fixés à Oviedo, et leur permettentde soustraire au pouvoir musulman toute la zone de hauteurs qui longent la côte nordde la péninsule le long de l'Atlantique (Galice, Asturies, Cantabrie). Le vaste bassindu Duero qui s'étend plus au sud entre les Monts Cantabriques et les sierras centrales(de Gredos, de Guadarrama) semble avoir été pratiquement abandonné aussi bien parles Chrétiens que par les Musulmans. Il constitue un immense territoire très peuoccupé pour ne pas dire à peu près vide, sorte de no man sland séparant la Chrétientéde l'Islam, dont les colons chrétiens venus de la Chaîne Cantabrique mettront dessiècles à assurer le repeuplement(IO).

Si le processus de repeuplement engagé à partir des cellules chrétiennes dunord de la péninsule (que les historiens espagnols qualifient volontiers de "noyaux deReconquête") étend lentement le territoire chrétien vers le Sud entre la fin du Vme etla fin du XIe siècle, les limites du monde musulman quant à elles ne varieront passubstantiellement, en dehors d'avancées ou de reculs conjoncturels et momentanés,jusqu'au XIe siècle. Passée la grande crise politique qui affecte le Dar al-Islam aumilieu du Vme siècle avec le remplacement du califat omeyyade de Damas par lecalifat abbasside de Bagdad, l'Islam absorbé par sa réorganisation intérieure et sespropres problèmes politico-religieux ne manifestera plus guère de dynamismeexpansionniste en dehors de quelques zones limitées où il sera encore capable d'une

(8) A. Duran Gudiol, De la Marca Superior de al-Andalus al reino de Aragon, Sobrarbe yRibagorza, :-J.uesca, 1975.

(9) J.J. Sahas Abengochea, L. Gracia Moreno, Romanismo y germanismo: el despertar de lospueblos hispanicos, Barcelone, Labor, 1981, pp. 403-424.

(10) Cl. Sanchez Albornoz, Despoblacion y repoblaci6n dei valle dei Duero, Buenps Aires,1966.

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avancée (la Sicile, conquise sur Byzance par les Aghlabides de Kairouan entre 827 etla fin du IXe siècle, est l'une des seules avancées de l'Islam à l'époque abbasside).Les frontières du monde musulman (Dâr al-lslâm) se stabilisent donc pour une longuepériode, alors que commencent, ainsi qu'on l'a dit plus haut, à s'établir des relationsdiplomatiques -dont les chroniques franques ont conservé le souvenir- entre lesSouverains carolingiens, puis ottoniens d'une part, le califat abbasside et les~... r;ncipaux émirats d'Occident, Omeyyades de Cordoue et Aghlabides de Kairouan.

5. La piraterie sarrasine des Ixe·xesiècles.

Mais aux IXeet xe siècles le phénomène qui domine l'histoire des rapportsentre l'Europe chrétienne et le monde musulman est sans contexte celui de la pirateriesarrasine en Méditerranée occidentale. On sait très peu de choses des attaquesmusulmanes par mer qui purent atteindre les côtes de l'Europe occidentale -Gaule,Italie- durant le premier siècle de l'Islam. Les sources arabes indiquent cependant qued'Ifriqiya, où avait été établi vers 700 l'arsenal de Tunis, plusieurs expéditionsndvales furent lancées principalement contre la Sicile. Certaines atteignirent aussi laSardaigne et les Baléares. Cette flotte construite à l'initiative du califat omeyyade oude ses gouverneurs en Occident semble avoir participé à la conquête de l'Espagne, etcontinué son activité dans les décennies qui suivent l'occupation de ce pays; mais cesraids navals disparaissent des sources après l'avénement des Abbassides en 750, et lespremières décennies du califat de Bagdad sont vides de toute mention de tellesexpéditions en Méditerranée.

Contrairement au califat omeyyade de Damas, le pouvoir abbasside, qui ens'installant en Irak s'est éloigné de l'aire méditerranéenne, semble avoir renoncé àtoute ambition offensive de ce côté: En Occident, les pouvoirs locaux qui s'imposentalors -Omeyyades de Cordoue, Rostémides de Tahert, Idrissides de Fès- affirmentpéniblement leur autorité dans leurs pays respectifs et n'ont sans doute plus lescapacités politiques, financières et techniques d'entretenir de grandes flottes. Etablisdans des villes éloignées de la mer, ils semblent d'ailIeurs ne dominer quedifficilement les zones côtières où n'existent plus guère de centres politiques etéconomiques importants. Seul l'émirat aghlabide de Kairouan donne l'impressiond'avoir entretenu des rapports plus étroits avec son espace maritime, ce qui nel'empêche pas de redouter les attaques byzantines dont il se protège par l'édificationde nombreux ribâç-s édifiés sur ses rivages (celui, bien conservé, de Sousse, du débutdu IXe siècle, en est le meilleur exemple). Les Aghlabides, on l'a vu, sont encorecapables de se lancer dans le second quart du rxe siècle à l'attaque de la Sicile, alorsque les Omeyyades de Cordoue n'exercent aucun contrôle sur les Baléares avant ledébut du xe siècle. Disputée auparavant entre les flottes arabe et byzantine, laMéditerranée -occidentale en particulier- constitue plutbt, dans la seconde moitié duVIlle et au IXe siècle un vaste espace hostile où marchands et voyageurs ne songentplus guère à s'aventur~r.

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C'est dans ce contexte et dans cette aire occidentale que se développe uneactivité de piraterie, partie principalement des côtes d'al-Andalus, mais aussi sansdoute de celles du Maghreb. Les conditions de son apparition sont obscures, mais lepremier raid bien attesté dans les sources carolingiennes est celui de 798 contre lespopulations chrétiennes des Baléares, qui demandèrent alors du secours àCharlemagne. Les premières années du IXe siècle virent ces marins-pirates s'enprendre aux côtes et aux îles italiennes. Seules les sources carolingiennes attestentcette activité, qui paraît avoir disparu pour quelques années après 814 ou 815,moment qui voit le départ de ces Andalous ou d'une bonne partie d'entre eux pour lebassin oriental de la Méditerranée, où ils s'emparèrent d'Alexandrie, puis de la Crète(827) dont ils firent la base de départ d'attaques contre les îles grecques. La mêmeannée 827 est entreprise l'occupation de la Sicile par les Ifriqiyens, et vers la mêmeépoque ou un peu plus tard les mentions d'attaques contre les côtes carolingiennes etles îles reprennent pour se développer avec vigueur durant le IXe siècle et une bonnepartie du Xe(Il).

Parallèlement des bandes musulmanes, ifriqiyennes et andalouses, apparaissentdans le sud de l'Italie entre 834 et 839. D'abord mercenaires au service des petitspouvoirs politiques qui se partagent la région, elles se mettent rapidement à leurpropre compte. Tarente est prise vers 840, et Bari en 841. On sait que cette dernièreville servit de capitale à un petit émirat musulman jusqu'à sa reprise par les Byzantinsen 871. Ceux-ci réoccupèrent aussi Tarente en 880; mais les pi\lages et lesdéprédations subsistèrent en Calabre, en Campanie, en Italie centrale, où les grandsmonastères (le Mont Cassin, Farfa) furent attaqués et dépeuplés, alors que Rome avaitété attaquée et pillée en partie dès 846.

En Provence les villes côtières furent aussi attaquées à plusieurs reprises, maissurtout vers 890 un groupe de Sarrasins s'installa à demeure dans la base deFraxinetum (le Freinet), à l'est du massif des Maures. Ces Sarrasins ravagèrent lepays, et s'aventurèrent jusque dans les Alpes, où ils interceptèrent les caravanes demarchands et de pélerins voyageant entre la Germanie et l'Italie jusqu'à ce que, aprèsla capture de l'abbé de Cluny Saint Mayeul par une de leurs bandes, une réactiontardive de l'aristocratie provençale finisse par les chasser du Freinet en 972 ou 973(12).

On connaît mal le détail de ces déprédations, et l'on ne sait pas bien non plusquelle était l'organisation et souvent la provenance de ces bandes sarrasines dont lebut principal paraît bien avoir été, plutôt que la piraterie sur une mer qui ne semblealors guère fréquentée, la capture d'esclaves dans les îles et sur les côtes, pourrépondre à la forte demande de ce "produit" qui s'exerçait dans le monde musulman àla fin du Vme et au IXe siècle. On a parfois évoqué des sortes de "républiques" de

(II) P. Guichard, "Les débuts de la piraterie andalouse en Méditerranée occidentale (798-813),"Revue de l'Occident Musulman et de la Méditerranée. 35, 1983-\, pp. 55-76.

(12) L. Musset, Les Invasions: Le second assaut contre l'Europe chrétienne (VI' -Xr siècles).Paris, Nouvelle Clio, 1965, pp. 147-157 et 273-277.

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marins-pirates (ba1}riyün), comme celle qui s'établit à la fin du rxeet au début du xesiècle dans la petite plaine côtière de Pechina-Almerfa, à la pointe sud-orientale de lapéninsule ibérique. Par là semble avoir passé une part importante des traficsd'esclaves (ce qui expliquerait l'essor économique très rapide de la ville d'Almerfa auxe siècle)(I3).

6. La papauté et la. défense de la. Chrétienté contre les Sarrasins.

La Chrétienté, tout en prenant progressivement conscience de son unité enluttant contre les différents envahisseurs qui attaquent l'Europe occidentale au déclinde l'époque carolingienne, ne réagit longtemps que de façon dispersée et insuffisanteaux attaques sarrasines. La partie méridionale de l'Europe occidentale connaît alorsun morcellement politique accusé et des monarchies faibles (en Bourgogne et enItalie) ou des dominations post-carolingiennes peu cohérentes (en Aquitaine, enLanguedoc, en Provence). C'est cependant alors qu'en prenant à plusieurs reprisesl'initiative dans la lutte contre les bandes et les raids sarrasins, principal péril sur leversant méridional de la Chrétienté, la papauté en vint à sanctifier la guerre faite auxmusulmans. Déjà, lors de l'invasion de la Gaule méridionale au VIIIe siècle, elles'était préoccupée de cette menace, en encourageant la résistance des Aquitains, puisdes Francs: avant que le duc d'Aquitaine Eudes ne rencontre en 721 les Arabes devantToulouse, le pape Grégoire II lui aurait envoyé des éponges utilisées pour l'autelpontifical. Elles auraient été partagées en menus morceaux et mangées par lesguerriers. En 778 Adrien 1er encourage Charlemagne à entreprendre l'expédition deSaragosse( 14).

Mais ce sont surtout les papes du rxe siècle qui ont commencé à faire de lalutte contre les Sarrasins une guerre sainte. Léon IV (847-848) fait appel aux Francs etpour la première fois promet explicitement le paradis à ceux qui viendraient à mourirau combat pour "la vérité de la foi, le salut de la patrie et la défense des chrétiens".Jean VIII (872-882) consacre aussi une bonne part de son activité à inciter leschrétiens à la lutte contre les musulmans, et affirme que "ceux qui, avec piété,tombent en combattant dans une guerre de la religion catholique recevront le repos dela vie éternelle". Nicolas 1er (858-867) apaise les scrupules de certains chrétiens en lesassurant que si une guerre est juste, il est licite de s'y livrer pendant les fêtesreligieuses( 15).

Le danger sarrasin finit cependant par s'atténuer, du fait tant des résistanceschrétiennes que de facteurs internes à l'Islam. On a vu que le pouvoir byzantin avaitété rétabli en Italie méridionale avant la fin du rxe siècle. En 916, le pape Jean X

(13) E. Levi-Provencal, Histoire de l'Espagne musulmane, l, La conquête et {'émirat hispano­umaiyade (710-912), Paris, 1950, pp. 348-356.

(14) M. Rouche, L'Aquitaine des Wisigoths aux Arabes, p. 112; P. Guichard, "Les débuts de lapiraterie andalouse", p. :l9 et n. 31

(15) J. Flori, La première croisade: l'Occident chrétien contre l'Islam, Paris, 1992, pp. 127-131.

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organise une coalition qui vient à bout de la base permanente que les musulmansavaient établie sur le Liri, et l'on a vu que les Provençaux chassaient les Sarrasins deFraxinetum en 972-973. Les attaques sarrasines contre les côtes chrétiennes necessèrent sans doute pas, mais à la fin du xe siècle le moment le plus critique estpassé et il n'y a plus d'établissements musulmans sur les littoraux chrétiens de laGaule et de l'Italie.

7. Les dernières attaques musulmanes sur terre à la fin du xe et au débutdu XIe siècle.

Mais si le péril que représentait en Méditerranée occidentale la pirateriesarrasine s'est sensiblement atténué, l'activité de jihad sur terre des pouvoirs quidominent l'Occident musulman est au contraire en recrudescence à la fin du xe siècle.En Espagne le f;ajib amiride al-Mansur (vers 980-1002) porte la puissance du califatde Cordoue -proclamé par l'Omeyyade cAbd al-Rahman III en 929- à son apogée, etles royaumes chrétiens du Nord de la péninsule sont exposés à des expéditionsmilitaires dévastatrices lancées pratiquement chaque année contre l'un ou l'autred'entre eux. Les deux actions les plus spectaculaires sont le sac de Barcelone en 985et celui de Saint Jacques de Compostelle en 997(16).

La situation intérieure de la Sicile musulmane n'est pas très bien connue, maisles chefs kalbites qui la dirigent pour le compte du puissant califat fatimide, établi àKairouan de 910 à 972, puis au Caire après cette seconde date, déploient aussi unegrande activité militaire en Italie méridionale: raids navals sur les côtes et expéditionsen Calabre et en Pouille. En 977-978, les musulmans attaquent Otrante et Tarente, ets'emparent de la position fortifiée de Sant' Agata près de Reggio, menaçantsérieusement les territoires byzantins et au delà les duchés lombards. Les forcesmusulmanes en Calabre, composées de Siciliens renforcés sans doute par desvolontaires du jihad venus d'Egypte et d'Afrique sont assez puissantes pour infligeren 982 une grave défaite à l'empereur Otton II et à la forte armée qu'il avait amenéeavec l'espoir d'imposer son autorité en Italie méridionale (bataille du Cap Colonne,qui voit la mort au combat de l'émir kalbite de Sicile Abu l-Qasim). L'un de sessuccesseurs, al-Akbal, qui règne de 1019 à 1036, se signale encore par son activité dejihad dans le sud de la péninsule, mais après sa chute la situation politique de l'île sedégrade rapidement, le pouvoir s'éparpillant entre plusieurs centres rivaux( 17 l.

Cette activité de guerre sainte offensive à l'ouest est à mettre en parallèle aveccelle des Hamdanides d'Alep et Mossoul, qui sous l'émir Say! ad-Dawla (944-967)résistent victorieusement à la pression byzantine, et surtout avec celle des

(16) E. Levi-Provencal, Histoire de l'Espagne musulmane, Il: Le cal~fat wnaiyade de Cordoue(912-1031), Paris, 1950, pp. 233- 246.

(17) A. Guillou, F. Burgarella et al., Il Mezzogiorno dai Bizantini a Federico Il, Turin, UTET.1983, pp. 412-416; G. Gay, L'ltaUa meridionale e l'impero bizantino dall'qvvellto di Basilio 1 alla ressudi Bari (Ii Normanni (867-1071), Bologne, 1978 (ristampa dell' edizione di Firenze. 1917), pp. 304 sqq.

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Ghaznévides d'Afghanistan qui conquièrent le nord de l'Inde sous le sultan Mahmûd,entre 997 et 1030. On peut probablement rattacher à ces derniers feux du dynamismeexpansionniste de l'Islam la tentative de conquête de la Sardaigne par le princeesclavon de Denia Mujahid en 1015-1016. Il est l'un des premiers chefs politiquesd'al-Andalus à avoir constitué à partir de 1010 une "taifa" au détriment du pouvoircordouan en crise. Il contrôle les Baléares, et s'appuie vraisemblablement sur deséléments de la flotte encore puissante qu'avait constituée le califat de Cordoue(l8).Mais à ce moment l'équilibre des forces est en train de s'inverser rapidement audétriment de l'Islam. A Cordoue et en al-Andalus se déroule la grave crise politiquedes années 1009-1031, qui aboutit à la disparition du califat de Cordoue et au partagede l'Espagne musulmane entre les royaumes de taifas, pouvoirs désormais tropdivisés pour poursuivre des entreprises de ce genre, alors même que commencent àdevenir évidentes les preuves d'un lent renforcement des sociétés et des pouvoirs del'Europe occidentale.

8. Les contacts culturels, humains et commerciaux.

La connaissance que l'on peut avoir de la religion et de la civilisationmusulmanes dans la Chrétienté occidentale reste, durant ces siècles de prédominancede l'Islam, qui représente un danger réel aux marges méridionales de l'Europeoccidentale, extrêmement sommaire et superficielle, en dépit des quelques contactsdiplomatiques entretenus de loin en loin avec les pouvoirs musulmans. Ainsi la visitede l'abbé lorrain Jean de Gorze, venu à Cordoue comme envoyé du roi de Germanieet futur empereur Otton 1er en 953, et l'envoi au même Otton, par le calife cAbd ar­Rahman III, de l'évêque mozarabe Recemund (auquel Liutprand dédiel'Antapodosis). En dépit de ces échanges ponctuels, la connaissance des réalitéspolitiques semble très confuse: ainsi la comtesse Berthe de Toscane fille du roicarolingien Lothaire et "reine des Francs", écrit-elle en 906 au calife de Bagdad ar­Muktafï en lui disant qu'elle n'a appris que tout récemment, par un eunuquemusulman capturé sur un navire ifriqiyen, qu'il existait en Orient un souverainsupérieur à l'émir aghlabide de Kairouan, avec lequel elle dit entretenir des rapportsamicaux(19).

Les contacts culturels entre monde musulman et monde chrétien sont sansdoute encore plus rares. Ce n'est guère qu'aux extrémités hispanique et italienne de laChrétienté, en contact constant avec l'Islam, que l'on a le témoignage de bribes deconnaissances d'origine islamique passées en territoire chrétien. On sait que lorsque leprêtre mozarabe Euloge, futur martyr de Cordoue, fit vers 848 un voyage dansl'Espagne chrétienne, il accorda un grand crédit à un manuscrit de controverseantimusulmane qu'il trouva dans la bibliothèque du monastère navarrais de Leyre. Cet

(18) M.J. Rubiera Mata, La taifa de Denia, Alicante, 1985, pp. 61-71.

(19) G. Levi Della Vida, "La conispondenza di Berta di Toscana coll califfo Muktafi", RivistaStorica !taliana, 66, 1954, pp. 21-38; C. G. Mor, "Intomo a una lettera di Berta di Toscana al califfo diBagdad", Archivio Storico italiano, 112,1954, pp. 299-312.

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épisode est aussi significatif de l'étonnante ignorance de l'Islam dans laquelle semaintenaient les mozarabes qui vivaient sous sa domination, que du fait que l'ons'était au moins soucié, dans ce monastère, de se procurer des informations -dontl'origine est obscure- au sujet de la religion ennemie(20).

L'art dit "mozarabe" qui se développe dans l'Espagne du Nord au xe sièclenaît aussi du contact de l'Europe chrétienne avec l'Islam, mais d'une façon tout à faitparticulière, chez les mozarabes, culturellement arabisés, qui sont venus depuis lesiècle précédent se réfugier dans l~s royaumes chrétiens du Nord, et surtout dansl'ensemble castellanù-Iéonais. C'est dans l'architecture de leurs églises que l'onretrouve le plus de réminiscences de l'art cordouan: voûtes nervées et arcsoutrepassés, qui ne sont d'ailleurs peut-être qu'un emprunt de l'art musulman à uneforme déjà répandue dans l'art wisigothique, mais avec laquelle l'art asturien avaitcurieusement rompu, et que les Mozarabes réimplantent dans le Nord chrétien. Maisle fruit le plus remarquable de cet art né du contact des civilisations est unemagnifique série de manuscrits enluminés -Bibles et Beatus- d'une puissanteoriginalité. Si ces peintures ne dérivent pas directement des manuscrits musulmans,qui à cette époque ne sont pas illustrés, des éléments de décor (palmettes, arcsoutrepassés) viennent bien du domaine musulman, et l'esthétique générale n'a guèrede rapports avec celle de l'Occident chrétien à cette époque(21).

C'est encore, à la lisière du monde musulman, dans les centres religieuxcatalans de Vich et probablement de Ripoll, que le moine français Gerbert d'Aurillac,le futur pape Sylvestre II, vint étudier en 967-970, et acquit une formationmathématique d'un niveau très supérieur à celui de la plupart de ses contemporains enutilisant les premières traductions latines d'ouvrages arabes, qui durent se faire enEspagne vers le milieu du xe siècle(22).

Nous sommes cependant, concernant les échanges humains entre l'Europeoccidentale et l'Islam dans le haut Moyen Age, tributaires de sources squelettiques,dont la rareté peut dissimuler des mouvements en réalité plus fréquents. On sait parexemple que sous Charles le Chauve (858), deux moines de Saint Germain des Prés àla recherche des reliques de Saint Vincent purent, non sans grandes difficultés etcontre-temps il est vrai, atteindre Cordoue, d'où ils ramenèrent trois corps de martyrsrécemment exécutés dans le cadre du mouvement dit "des martyrs de Cordoue". Onsait aussi que Saint Euloge fit, au milieu du même IXe siècle, son voyage dansl'Espagne chrétienne, après avoir tenté vainement de gagner l'Europe occidentalepour y retrouver deux de ses frères dont sa famille était sans nouvelles, et dom onnous dit qu'ils faisaient du commerce entre l'Espagne musulmane et la Germanie. Làencore, l'information évoque à la fois l'existence de relations commerciales

(20) D. Millet-Gérard, Chétiens mozarabes et culture islamique dans l'Espagne des Vl/le_/xesiècles, Paris, 1984, pp. 126.. 127.

(21) J. Fontaine, L'art mozarabe, La Pierre-qui-vire, Zodiaque, 1997.(22) Ph. Wolff, L'éveil intellectuel de l'Europe, Paris, 1971, pp. 137-152.

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relativement suivies (d'autant plus qu'Euloge rencontra à Saragosse des marchandsvenant de Germanie qui lui dirent avoir vu ses frères à Mayence), et les difficultés decelles-ci, puisque c'est la situation politique et militaire troublée de la Catalognechrétienne qui obligea finalement Euloge à ne pas dépasser les Pyrénées(23).

Jusque vers la fin du xe siècle, ces relations pacifiques, surtout commerciales,entre l'Europe occidentale et l'Islam eurent pour agents privilégiés des groupesrdativement marginaux aussi bien géographiquement que socialement, mozarabespeut-être, marchands "grecs" d'Italie méridionale et surtout commerçants Juifs. Onrappellera en particulier l'existence des mystérieux marchands "Rhadanites", juifsparlant la langue des Francs (et dont l'implantation fixe devait donc être en Occident),dont le géographe Ibn Khurdadbeh, vers le milieu du IXe siècle, décrit les trafics et lesitinéraires d'un bout à l'autrè du monde méditerranéen. D'autres sources,carolingiennes en particulier, confirment l'importance relative de ce commerce entrela chrétienté occidentale et l'Orient musulman, commerce qui semble avoir porté surquelques produits de valeur comme les fourrures et les armes, mais surtout sur lesesclaves blancs venus d'Europe, ces saqaliba recherchés aussi par les piratessarrasins, dont la demande était très forte dans les capitales occidentales et orientalesde l'Islam aux IXe et xe siècles. Ce commerce des esclaves d'Occident en Orientdonne lieu à un transit bien attesté, par l'Espagne et par l'Italie. Ainsi lorsque lemoine Bernard, allant en Terre Sainte en 870, passa par Tarente alors sous ladomination des musulmans, il y vit six navires, chargés de 9000 esclaves, en partancepour Alexandrie, Tripoli et l'Afrique. Mais dès la fin du vme siècle ces exportationsd'esclaves blancs par des marchands originaires très probablement des villesanciennement byzantines d'Italie (Amalfi, Venise) sont attestées dans l'Europeméridionale. Les références à ce commerce sont suffisamment nombreuses dans lessources occidentales et arabes des Vme et IXe siècles pour ne pas laisser de doutes surson existence. Dans la Barcelone du haut Moyen Age, antérieurement au milieu duIXe siècle et depuis une date inconnue, la zone portuaire, àquelques kilomètres au sudde la ville, se trouvait établie en un lieu significativement appelé mons judaicus(1emont des Juifs, l'actuel Montjuich), ce qui suggère une étape sur un itinérair~

fréquenté principalement par les marchands juifs(24).

Le monde développé qu'était alors l'Islam exerça-t-il sur l'Europe chrétienneune influence plus diffuse qu'il n'est possible de le saisir à travers des sources aussidiscontinues et lacunaires? Des historiens ont émis à cet égard des hypothèses parfoiscontradictoires, qu'il est commode de situer dans le cadre de la "polémique" suscitéepar les idées d'Henri Pirenne, auxquelles s'opposèrent un peu plus tard celles deMaurice Lombard.

(23) F. J. Simonet, Historia de los mozarabes de Espaiia, Madrid, 1903 (réimpressionAmsterdam, 1967), pp. 477-480 et 383-384.

(24) R. Doehaerd, Le haut Moyen Age occidental. Economies et sociétés, Paris, "Nouvelle Clio",1971, pp. 254-255,280 et passim; P. Bonnassie, La Catalogne.

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Le premier soutenait que la conquête musulmane, en fermant la Méditerranéeaux Francs, avait coupé le royaume mérovingien de ses attaches et relations orientaleset méridionales, et l'avait obligé à s'organiser en un empire continental, tournédésormais vers les mers septentrionales. Le second pensait au contraire qu'enconstituant un puissant espace de développement et de circulation monétaire auxfrontières méridionales de l'Europe, les musulmans avaient stimulé l'essoréconomique d'une chrétienté occidentale exangue. Ces grandes hypothèseshistoriques ne sont plus qu'évoquées pour mémoire dans les manuels d'histoire. Laplupart des historiens ont en effét renoncé à rechercher une cause unique oudominante d'ordre militaire ou économique à la mise en place de structures socio­économiques nouvelles et à l'essor corrélatif de l'Europe qui se produit aux xe-XIIIesiècles.

On peut admettre cependant, à l'inverse de ce que pensait Pirenne, que leséchanges intra-méditerranéens se trouvaient réduits à un point très bas à l'époque del'expansion de l'Islam. Cela ressort nettement de l'étude de Hodges et Whitehousepubliée en 1983, intitulée Mohammed, Charlemagne, and the origins of Europe, quitient compte des progrès des recherches archéologiques au cours des décenniesprécédentes. Les auteurs y appuient plutôt les thèses de l'historien scandinave StureBolin, qui pensait que la production et la circulation de monnaie d'argent musulmanejusque dans le nord de l'Europe, au début de l'époque abbasside, avaient intluencé la"renaissance carolingienne" et son monométallisme argent. Mais ces connexions nesemblent pas avoir duré au delà des premières décennies du IXe siècle. Après 820,peut-être en liaison avec une dégradation du commerce abbasside avec l'Europeseptentrionale due à la progressive désorganisation du système politique, ce fluxd'argent se tarit alors même que l'empire carolingien tend de son côté à s'affaiblir et àse fragmenter<25).

II. L'ESSOR DE L'EUROPE ET L'AFFRONTEMENT AVEC L'ISLAM.

1. L"'Or musulman" et la croissance de J'Occident.

Il paraît au total bien difficile d'évaluer le rôle des échanges économiques etmonétaires avec le monde musulman dans l'évolution de l'économie européenne à lafin du haut Moyen Age et au début du Moyen Age central. Au xe siècle, la preuvetangible de l'existence d'échanges sur les marges de l'Europe post-carolingienne estdonnée par les mancus ou dinars arabes qui circulent en Italie méridionale, et la fin dumême siècle dans les zones les plus évoluées économiquement de l'Espagnechrétienne. Pierre Bonnassie a remarquablement éclairé l'exemple de la Catalogne, où

(25) H. Pirenne, Mahomet et Charlemagne, Paris, 1935 (plus. rééd. et trad.); M. Lombard,L'Islam dans sa première grandeur, Paris, 197 J, et Monnaie et histoire d'Alexandre cl Mahomet, Paris-LaHaye, 1971; R. Hodges et D. Whitehouse, Mohammed, Charlemagne and the origins (d Europe,Londres, 1983.

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il est clair que l'afflux d"'or musulman" est venu dès la fin du xe siècle et pendanttout le XIe remédier à la pénurie de monnaie argent locale et stimuler la croissanced'une économie en expansion(26J.

Mais le cas catalan paraît exceptionnel, et de toute façon, même pour laCatalogne, on cerne mal la cause exacte de ces "entrées d'or", qui ne semblent pasdues en première analyse au développement des activités commerciales. P. Bonnassiepense plutôt que ces dinars représentent les gains des mercenaires catalans employésdans l'armée du califat de Cordoue, mais si cette hypothèse est envisageable, rien nel'étaye documentairement. En Italie méridionale, l'or musulman, qui circule plusprécocement, au moins depuis le début du xe siècle, est associé à dé l'or byzantin et iln'est pas plus facile de déterminer les causes de son introduction, encore qu'un soldepositif des échanges avec l'Islam, du fait de l'activité des cités marchandes, paraisseplus vraisemblable que pour la Catalogne. Dans les deux régions, on frappe au XIesiècle des monnaies locales à l'imitation des pièces importées, qu'il s'agisse des"tarins" d'or de Salerne et d'Amalfi, identiques aux quarts de dinars siciliens, ou despièces chrétiennes à l'image du dinar qu'émettent au XIe siècle les comtes deBarcelone.

2. Les "noyaux de Reconquête" dans l'Espagne du nord et l'idéal derestauration de l'Hispania.

On peut rappeler d'abord que l'étape très importante de l'évolution historiquedes rapports entre l'Europe et l'Islam que représentent les croisades, s'est lentementpréparée durant des décennies, voire des siècles, avant de prendre la forme desgrandes expéditions de Terre Sainte déclenchées par l'appel d'Urbain II en 1095.C'est dans l'Espagne de la Reconquête que l'on perçoit d'abord les effets territoriauxdu dynamisme de la Chrétienté face à un monde musulman qui au contraire semble envoie de sclérose et d'affaiblissement. Le fait majeur qui a préparé le renversement durapport des forces a été ici le lent repeuplement des vastes étendues quasi-dépeupléesqui séparaient, comme on l'a vu, les royaumes chrétiens du Nord de l'émirat, puis ducalifat omeyyade de Cordoue. Ce repeuplement n'aurait lui-même pu avoir lieu sansun vigoureux essor démographique qui se rattache à la tendance générale del'Occident chrétien des !Xe et xe siècles. Mais il se combine en Espagne avec un faitspécifique à la chrétienté ibérique, l'''esprit de Reconquête"(27J.

La résistance des chrétiens du nord de la péninsule, peut-être née initialementde la conjoncture historique plus que d'une perspective claire d'opposition politique

(26) P. Bonnassie, La Catalogne du milieu du xe à /afin du XIe siècle: croissance et mutations(l"me société, t. I, Toulouse, 1975, pp. 372-381.

(27) S. De Moxo, Repob/aciôn y sociedad en /a Espaiia cristiana medieval, Madrid, 1979; J.EPowers, A society organi;.ed for war: the iberian municipal miUtias in the central Mi(klle Ages (100­1284), University of califomia Press, Berkeley and Los Angeles, 1988; J.A. MaravalI, El concepto deEspwïa en la Edad Media, 2e éd., Madrid, 1964, pp. 249 sqq.; M. Defourneaux, Les Français enF..I'pagne aux XIe et xue siècles, Paris, 1949.

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et religieuse à l'Islam, avait rapidement pris dans le royaume d'Oviedo une formeidéologique originale, celle d'un catholicisme autonome fortement trinitaire qui s'étaitséparé administrativement du christianisme mozarabe du reste de la péninsule à la findu Vrne siècle, à l'époque où le métropolitain de Tolède Elipand, peut être dans unesprit de conciliation avec l'Islam, s'était rallié à l'hérésie adoptionniste(28). A lamême époque, et dans le même contexte de rupture avec les influences méridionales,était rédigé le fameux Commentaire de l'Apocalypse du moine Beatus de Liébana,dont l' extraordianire succès allait centrer ce christianisme septentrional sur unmessage eschatologique "qui donnait. aux opprimés des espoirs de victoire éternellesur l'oppresseur, et de cataclysmes effroyables contre les impies"(29). Un peu plustard, au début du IXe siècle on avait découvert à Compostelle un corps que l'on avaitcru être celui de l'apôtre saint Jacques, dont la tradition voulait qu'il ait évangélisél'Espagne, et son tombeau était devenu un lieu de culte dont la réputation avaitrapidement dépassé les limites de la péninsule. Dans ce çontexte, les rois d'Oviedo, àpartir surtout du règne d'Alphonse II "le Chaste" (791-842), avaient développé parailleurs un programme "néo-gothiciste" qui les posait en héritiers de la monarchiewisigothique.

Cette ambition restauratrice de l"'ordre des Goths" accompagne au IXe sièclel'avancée du repeuplement sur les terres quasi désertes du bassin du Duero: en mêmetemps qu'une population se réinstalle dans les ruines des anciennes cités romano­wisigothiques, on rétablit en effet dans leur dignité primitive les sièges épiscopauxabandonnés à la suite de la conquête musulmane, comme Astorga, Leon, Zamora,Viseo, Tuy, etc. Les chroniques de l'époque d'Alphonse III "le Grand" (866-910),sous lequel s'accomplit le transfert de la capitale d'Oviedo à Leon, exaltent déjànettement un idéal que l'on peut considérer comme "reconquérant". Mais la puissanceet l'éclat du califat de Cordoue empêchent cependant cet idéal offensif de seconcrétiser véritablement au xe siècle. La frontière de l'Espagne musulmane setrouve au contraire, dans le dernier quart du xe siècle, repoussée sensiblement vers lenord, approximativement sur la ligne du Duero que le repeuplement avait pourtantdéjà dépassé au début du siècle, et certaines régions redevenues chrétiennes àl'époque de l'émirat de Cordoue retombent alors sous l'autorité musulmane (ainsiCoïmbra et Viseu, dans le nord de l'actuel Portugal).

Bien que la politique agressive des J;ajib-s camiriges ait paru un momentanéantir leurs espérances, il semble cependant que les chrétiens des "noyaux deReconquête" n'aient pas cessé de considérer les territoires musulmans commedestinés à être réoccupés un jour ou l'autre. L'un des cas les plus significatifs est sansdoute celui de Tarragone. Située sur la côte à mi-chemin entre la place musulmane deTortosa, près de l'embouchure de l'Ebre, et la capitale chrétienne de Barcelone, dans

(28) R. Garcfa-Villoslada (dir.), Historia de la Iglesia en Espaiia. /1_1°: La Iglesia en la Espaiiade los siglos VIII-XIV. Madrid, Biblioteca de Autores cristianos, 1979, pp. 77-78.

(29) H. Stierlin, Le Livre de Feu: l'Apocalypse et l'art mozarabe, Paris, 1978, p. 68.

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la zone de no man s land qui séparait les Chrétiens des Musulmans, cette importantecité, qui avait eu le rang de métropole à l'époque wisigothique, était restéepratiquement déserte durant les trois siècles qui avaient suivi la conquête musulmanede la péninsule. La documentation catalane, relativement abondante, montrecependant que l'espoir d'une réoccupation chrétienne du lieu fut entretena àBarcelone durant tout le Moyen Age, et que l'on formula à plusieurs reprises (en 886­889, en 971, en 1050) des projets dans ce sens.

En 1058 dans l'acte de consécration de la nouvelle cathédrale de Barcelone,reconstruite à la suite de sa destruction lors des attaques musulmanes de 985-1003,s'exprime déjà nettement un idéal de "Reconquête"; selon Lawrence McKrank, "larhétorique de ce document est intéressante en ce qu'elle invoque le concept de guerresainte, en se référant aux efforts de reconquête entrepris par le comte", et on yconstate "une fusion de l'idéologie de restauration avec l'idée de Reconquête justifiéepar l'intervention divine"(30). Tarragone ne devait être en fait réoccupée et restauréequ'au XIIe siècle, mais l'ambition de son intégration à l'ensemble politique descomtés catalans et de sa restitution au culte chrétien n'avait cessé depuis le hautMoyen Age d'être entretenu par le pouvoir comtal aussi bien que par les milieuxcléricaux.

De la même façon, quoique moins bien éclairés par les textes, les autrespouvoirs chrétiens péninsulaires envisagent leur extension vers le sud aux dépens del'Islam, et commencent très tôt à agir en fonction de cet objectif. On sait par exempleque les Aragonais, enfermés dans leurs vallées pyrénéennes, bataillèrent pendant toutle XIe siècle pour faire sauter les verrous musulmans qui leur barraient l'accès à lavallée de l'Ebre. Il suffira pour en témoigner de rappeler la mort du roi Ramire 1er en1063 au siège de la place musulmane de Graus. Dans le royaume castellano-Iéonais,les premières avancées territoriales significatives ont lieu entre 1057 (reprise deLamego et Viseu) et 1064 (Coïmbra) sous le roi Ferdinand 1er. On notera que la prisede Coïmbra a été précédée en 1063 par un grand pélerinage royal à Compostelle,destiné à demander l'aide de Saint Jacques, ce qui marque bien le caractère de guerresainte de la lutte contre les musulmans(3l).

3. L'intervention de la papauté et des Clunisiens.

Dans les mêmes années, on assiste aux premiers événements qui marquentl'intervention directe de la papauté dans la lutte contre les musulmans en Espagneaussi bien qu'en Sicile. Le lien avec la réforme de l'Eglise engagée depuis le milieudu siècle par les papes est incontestable: on s'achemine vers l'idée d'une suprématiepontificale s'imposant à tous les pouvoirs laïcs de l'Europe latine, et leur offrant des

(30) L.J. Mccrank, "La restauraci6n eclesiastica y reconquista en la Cataluiia dei siglo XI:Ram6n BerenguerI y la sel!le de Tarragona", Analecta Sacra Tarraconensia. 49-50, 1976-1977, pp. 5-35.

(31) L.G. De Valdeavellano, Historia de Espaiia. 1: De los origenes a la baja Eclad Media,segunda parte, 5a ed., Madrid, ]973. pp. 289-290.

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objectifs liés à l'expansion de la chrétienté. Sur les marches nordiques et slaves del'empire romain-germanique la persuasion des païens par des missionnaires avaitlargement accompagné la progression par des moyens militaires quand elle n'avaitpas agi seule. Par ailleurs c'était le pouvoir impérial qui avait eu l'initiative. Sur leversant méridional de la chrétienté, en Italie où les empereurs ottoniens n' avaientconnu que des échecs, et en Espagne qui ne faisait pas partie de l'empire, le seulfédérateur possible des actions chrétiennes était le pouvoir pontifical, et ce en pleinaccord avec les idées théocratiques qui inspiraient alors sa politique.

C'est en 1059 qu'en consolidant sa nouvelle alliance avec les Normands alorsen pleine expansion dans l'Italie méridionale, le pape Nicolas II leur donnaitimplicitement mission de conquérir la Sicile sur les musulmans. Robert Guiscard,reconnu comme "futur duc de Sicile", entrait dans la vassalité du Saint Siège,exemple qui sera suivi par d'autres seigneurs et souverains méridionaux, en particulierles rois d'Aragon. En 1063, en effet, à la mort au siège de la place musulmane deGraus de Ramire 1er, dont le fils, Sanche Rarnirez, est mineur, la papauté (Nicolas II)prend en tutelle le royaume aragonais, et décide l'envoi d'une grande expéditionchrétienne destinée à aider les Aragonais à lutter contre les musulmans sur leurfrontière méridionale: c'est la célèbre "croisade" française de 1064 qui vients'emparer de la place frontalière musulmane de Barbastro. Le résultat de l'expéditionétait assez mince, et la ville fut reprise l'année suivante par l'émir de Saragosse al­Muqtadir, mais il s'agissait là de la première initiative de ce genre, pour laquelle,.renouant avec des pratiques déjà utilisées dans la lutte contre les Sarrasins au IXe etau xe siècles des récompenses spirituelles furent promises au combattants (le papelève leur pénitence et leur accorde la rémission de leurs péchés). Le pape envoya aussisa bannière (vexillum Sancti Petri) aux chefs de l'expédition, comme il le fit la mêmeannée au profit des Normands qui venaient de remporter en Sicile la grande victoirede Cerami (cependant ce geste semble lié davantage à l'appui de la papauté à unpouvoir politique qu'à la lutte contre l'Islam: deux ans plus tard, le même insigne estenvoyé au duc normand Guillaume qui conquiert l'Angleterre, et dans lequel lapapauté veut voir un vassal du Saint Siège)(32).

Dans ces développements de la politique pontificale aussi bien que dans sonaction réformatrice, il faut faire une place importante au soutien accordé à la papautépar l'ordre clunisien. Celui-ci est étroitement associé à la diffusion des idées de Paixet de Trêve de Dieu et à l'effort d'encadrement de la chevalerie par l'Eglise. Il a étésollicité par les souverains espagnols pour implanter la réforme du clergé et desinstitutions religieuses dans les Etats chrétiens du nord de la péninsule, et use de soninfluence sur les chevaliers français pour les inciter à participer à la lutte contre lesmusulmans dans ce pays. Le chroniqueur clunisien Raoul Glaber énonce vers 1030

(32) A. Fliche, La Réforme grégorienne et la Reconquête chrétienne (/057-//28). vol. 8 deL'''Histoire de L'Eglise", Paris, 1940, pp. 49-53; M. Defoumeaux, Les Français en Espagne, pp. 132­135.

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l'idée que les combattants tués dans la lutte contre les païens sont des martyrs. Ilexplique qu'en Espagne les moines eux-mêmes sont contraints de prendre les armespour se défendre contre les attaques musulmanes, et que c'est là un comportementlégitime puisqu'ils protègent ainsi les biens d'Eglise et les édifices sacrés, mais ilsouhaite que des laïcs puissent les seconder ou les remplacer(33).

4. L'expansion chrétienne en Méditerranée occidentale au XIe siècle.

Nulle part peut-être le renversement de l'équilibre des forces entre l'Islam et laChrétienté n'apparaît aussi précocement et rapidement que dans les rapports entre lesvilles italiennes et les musulmans. Jusqu'à la fin du xe siècle, les centres économiquesles plus actifs sont les anciennes cités byzantines, dont la principale est Amalfi, et quisont soucieuses avant tout de sauvegarder les relations pacifiques qu'ellesentretiennent avec l'Orient byzantin et musulman, dont elles tirent les plus grandsprofits.' Mais l'atmosphère change radicalement lorsque commencent à s'affirmer lescentres plus septentrionaux de Pise et de Gênes, mieux insérés dans l'Occident féodalen train de se construire. Sous la menace d'incursions musulmanes par mer jusquedans les premières années du XIe siècle, les villes du nord adoptent à partir de cetteépoque une politique agressive: en 1004 les Vénitiens vainquent une flottemusulmane qui attaquait Bari, en 1005 les Pisans font un raid contre Reggio alors auxmains des musulmans(34).

En 1015-1016, c'est avec l'encouragement de la papauté que Pise et Gènesobligent, on l'a vu, le prince musulman de Denia, Mujâhid, à évacuer la Sardaignedont il avait cru pouvoir s'emparer. En 1034 a lieu le premier raid africain de Pise,une attaque contre la ville de Bône. En 1050, toujours à l'appel du pape, les marinsdes deux villes font une autre expédition en Sardaigne pour en chasser des piratesmusulmans. En 1063 Pise tente une attaque de Palerme. En 1087, Pisans et Génois sevoient accorder le vexillum Sancti Petri dans leur grande expédition contre Mahdiya,où régnait le Ziride Tamïm, et qui servait de base à de redoutables pirates. En 1092,soucieux de lier Pise à la politique pontificale, le pape Urbain II accorde à son évêqueDaimbert, auquel l'unit uneprofonde amitié, juridiction archiépiscopale sur la Corse.La même année les flottes de Pise et de Gênes alliées aux souverains chrétiensd'Espagne attaquent (sans succès) la ville musulmane de Tortosa alors sous ladomination du Cid. En 1094, le pape séjourne à Pise, et l'année suivante Daimbert,dont on connaît le rôle ultérieur dans la première croisade, accompagne le pape auconcile de Clermont.

En Espagne, le roi de Castille Alphonse VI (1072-1109) obtient un succèsmajeur en occupant Tolède en 1085. A la frontière entre l'Aragon et le royaume de

(33) L'An miLLe. œuvres de Liutprand, Raoul Glaber. Adémar de Chabannes.... trad. E. Pognon,Paris. 1947, pp. 56, 75-76, l ~5.

(34) E. Eickhoff, Seekrieg und seepolitik zwischen Islam und Abendland. Berlir.. 1966, PP: 375-

380.

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taifa de Saragosse, la progression chrétienne est lente mais continue durant la secondemoitié du XIe siècle, pour déboucher en 1096 sur la prise de la grande ville deHuesca, au moment même où s'ébranlait la première croisade.

5. Reconquête et croisade (extrême fin du XIe·début du XIIe siècle).

La prédication de croisade de 1095 se situe donc dans la continuité de lapolitique méridionale de la papauté tout au long du XIe siècle. La lutte contre lesmusulmans dans la Thyrrénienne, en Sicile, en Espagne et jusque sur le littoral del'Ifriqiya, a été comme une sorte de banc d'essai des institutions de croisade. Leschevaliers du Midi de la France et d'Italie auxquels il s'adressait en premier lieuétaient familiarisés avec la primauté politique du Saint Siège, dont plusieurs d'entreeux s'étaient, dans le cadre de la politique théocratique, déclarés les vassaux.

La croisade d'Orient allait cependant prendre une tonalité nouvelle, par rapportaux expéditions antérieurement effectuées avec l'appui ou même à l'initiative de lapapauté, en raison de la charge religieuse et émotionnelle que représentait, pour lesmentalités occidentales, le but qui lui était assigné: la délivrance du Saint Sépulcre.On a souvent insisté sur l'importance considérable du pélerinage à Jérusalem pour leschrétiens latins du XIe siècle, et la croisade à cet égard ne faisait que proposer à lachrétienté occidentale un immense pélerinage. C'est ainsi du moins que le projet futinterprété par les foules qui y adhérèrent(35).

Mais la croisade ne faisait pas disparaître les autres fronts de lutte contrel'Islam. L'occupation de Tolède a provoqué l'intervention dans la péninsule desAlmoravides, immédiatement victorieux des Castillans à ZallaqalSagrajas (1086). Lestrois décennies qui suivent sont marquées par de durs combats dans le; centre de lapéninsule (en 1108 l'infant Sancho, seul héritier mâle de la couronne de Castille, esttué à la bataille d'Uclés). Dans ces régions, la progression d'Alphonse VI a étéstoppée par l'intervention africaine, et le pouvoir almoravide s'emploie à étendre sonautorité directe aux émirats musulmans de la péninsule.

Mais il n'en va pas de même à l'est, où se produisent deux événementsimportants: en premier lieu l'établissement à Valence du Cid, le célèbre chef militairecastillan passé au service des émirs de Saragosse, qui impose aux émirs musulmansde l'Andalus oriental et septentrional un protectorat politico-militaire' (1087-1 099Y36).Les rapports du Cid avec les souverains chrétiens sont fluctuants, mais dansl'ensemble bons avec l'Aragon. Et c'est alors que ce dernier, mis à l'abri des attaquesalmoravides grâce à cette occupation temporaire de Valence et de la région orientale,peut débloquer les verrous pyrénéens et déboucher entre 1096 et 1118 sur la prise desgrandes villes de Huesca et de Saragosse.

(35) P. Alphandery et A. Dupront, Ùl chrétienté et l'idée de Croisade, 2 vol., Paris, 1954-1959.(36) P. Guichard, Les Musulmans de Valence et la Reconquête (Xle.Xllle siècles), t.I. Damas.

1990, pp. 65-79.

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En même temps qu'elle tente de contrôler de loin les succès des croisés enOrient, la papauté continue à suivre attentivement la consolidation religieuse desavancées chrétiennes. En Sicile sans doute, une fois la conquête chrétienne achevée,elle ne peut conserver le contrôle des évêchés siciliens et dut reconnaître à RogerGuiscard un titre de légat apostolique qui faisait de lui le véritable maître de l'Egliselatine en Sicile. Dans la péninsule ibérique, en revanche, la "restauration"ecclésiastique effective ou espérée des évêchés de tradition wisigothique sur le frontde reconquête entraînait à plusieurs reprises une intervention pontificale qui n'étaitpas sans articulation avec les politiques "prénationales" des monarchies chrétiennes.Du côté castellano-Iéonais, dans l'immédiat, ce rétablissement se fit tout naturellementau profit de Tolède, une fois la ville reconquise: en t088 Urbain II reconnaît par labulle Cunctis sanctorum la dignité archiépiscopale du siège restauré de Tolède, confiéau clunisien français Bernard de Sédirac (ou de Sauvetat). Il l'élève même au rangprimatial, ce qui ne manque pas de provoquer des incidents avec les autres siègesayant eu à l'époque wisigothique le rang de métropole.

L'évêque Seniofred de Vich, en Catalogne, dont le siège avait hérité, par unebulle de 971, de la dignité archiépiscopale de Tarragone (mais sur les seuls comtéscatalans), réagit contre l'octroi de la primatie à Tolède, et obtient d'Urbain II en 1089une bulle adressée aux comtes, à l'aristocratie et aux évêques catalans et leurenjoignant de s'employer à la conquête de Tarragone. De façon très significative, ceuxqui projetaient en signe de pénitence un pélerinage à Jérusalem étaient invités àinvestir plutôt leurs efforts et leurs moyens dans cette entreprise, afin que la cité soitérigée "en muraille et rempart de la Chrétienté contre les Sarrasins". Le pape ajoutaitqu'il leur promettait une indulgence équivalente à celle qu'ils auraient gagnée en serendant aux Lieux Saints. Ainsi que le souligne Erdmann "l'idée qu'un pélerinageétait une oeuvre de pénitence méritoire procurant le pardon des péchés était courantechez les contemporains, mais Urbain II... cherchait à donner une utilité pratique àl'idée de pélerinage et à le transformer en un instrument de l'expansionchrétienne"(37}.

Les mêmes exhortations furent réitérées les années suivantes, et surtout aumoment même où se déroulait la première croisade, dans les années 1'096-1099, lepape s'efforça de dissuader les Catalans de prendre part à l'expédition d'Orient et deles inciter à s'employer à la défense de Tarragone, en leur précisant qu'il "ne serviraità rien de libérer les chrétiens des Sarrasins en un lieu et de les livrer ailleurs à leurtyrannie et à leur oppression". Il ajoutait que sans aucun doute "quiconque tomberaitdans cette campagne serait pardonné de tous ses pêchés et gagnerait la vie éternelle".Il renvoya de même à Tolède l'archevêque Bernard qui était venu à Rome dansl'intention de rejoindre la croisade(38}.

(37) C. Erdmann, The origin of the idea of crusade, Princeton University Press. Princeton. New

Jersey, 1977, p. 316.(38) R. Garcia VilIosdada, La Iglesia en la Espafia de los siglos VIl/-XIV, pp. 306-315.

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L'assimilation du combat contre les musulmans en Occident à la croisaded'Orient est encore bien soulignée dans un privilège accordé à Huesca en mai 1098 àl'occasion de la restauration de son siège épiscopal, après la prise de la ville par le roid'Aragon en 1096: "De nos jours Dieu a allégé les souffrances des peuples chrétienset permis à la foi de triompher. Grâce aux forces chrétiennes il a vaincu les Turcs enAsie et les Maures en Europe, et rendu au culte chrétien des cités autrefoiscélèbres"(39).

6. La Chrétienté affrontée aux Almoravides et aux Seldjoukides.

Sans s'étendre sur le déroulement des croisades elles-mêmes, on peut rappelerquelques synchronismes par lesquels les événements d'Orient et ceux d'Occident serelient chronologiquement entre la fin du XIe et le XIIIe siècle. Par leurcontemporanéité tout d'abord, la menace almoravide à l'Ouest et la menaceseldjoukide a J'Est purent donner à la Chrétienté l'impression d'un mouvementconcerté des forces de l'Islam. Au total, cependant, J'empire hispano-marocain desAlmoravides s'avéra plus durable que celui qu'avaient édifié les Seldjoukides enOrient. Alors que les chrétiens d'Occident devaient combattre une vaste constructionétatique sous les règnes de l'émir Yüsuf b. Tashfin (vers 1070-1106) et celui de sonfils et successeur cAli (1106-1143), ceux d'Orient n'avaient en face d'eux, après lamort du sultan Malik Shah (1092) que des pouvoirs dont la division favorisal'implantation, puis la consolidation, des Etats croisés, en dépit de l'échec desexpéditions parties sur les traces de la première croisade à la nouvelle des succès quecelle-ci avait remportés (1101). Tripoli n'est prise par les croisés qu'en 1109 (lesGénois, dont J'aide navale a été décisive pour interdire l'arrivée de secours par mer yreçoivent un quartier de la ville et un château).

Dans les premières décennies du XIIe siècle, de nombreux chevaliers françaiscontinuèrent à aller renforcer les chrétiens d'Espagne dans leur lutte contre lesmusulmans. La puissance almoravide s'affaiblit dans la première moitié du XIIesiècle(40), mais la frontière évolua peu dans le secteur castellano-Iéonais, en partie dufait de la grande crise castillane qui suivit la mort d'Alphonse VI en 1109. L'avancéearagonaise put au contraire se poursuivre grâce à l'aide française et au dynamismereconquérant du roi Alphonse le Batailleur. De ce côté, les Almoravides ne purentempêcher en 1118 la reconquête de Saragosse par ce dernier, assisté de fortscontingents venus d'au delà des Pyrénées. Par l'occupation de Saragosse et par lagrande victoire de Cutanda remportée quelque temps après sur une forte arméealmoravide qui visait à regagner le terrain perdu dans la Marche Supérieure (1120),l'Aragon s'assurait la domination de la vallée de l'Ebre, et se dotait d'une nouvellecapitale. Alors que l'avancée piétinait quelque peu sur la frontière catalane, la papautéaccordait les privilèges de croisade à une grande expédition navale pisano-catûlane

(39) C. Erdmann, The origin ofthe idea ofCrusade, p. 319.(40) M. Defourneaux, Les Français en Espagne, pp. 150-165.

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contre les Baléares, en 1114-1115. Les chrétiens détruisirent la dernière taifaandalouse qui y subsistait, et pi11èrent les îles, mais ne les occupèrent pasdurablement, laissant le pouvoir almoravide y restaurer ensuite le régimemusulman(41).

7. Revers en Orient et succès en Occident à l'époque de la seconde croisade

Edesse est prise temporairement par les atabegs zenguides d'Alep en 1144, puisdéfinitivement en 1146. La principauté d'Antioche fut pour sa part sérieusementmenacée. Ces événements graves provoquent en Europe la mise en mouvement de laseconde croisade, prêchée notamment par Saint Bernard (assemblée de Vézelay enmars 1146). Les troupes amenées par l'empereur Conrad III et le roi de France LouisVII subirent des pertes importantes en traversant l'Anatolie, puis allèrent inutilementassiéger Damas avant de quitter la Terre Sainte (1148). Les succès remportés sur lesmusulmans en Occident durant les mêmes années contrastent avec cet échec oriental.Alors que l'Aragon connaît à son tour une situation de crise après la mort d'Alphonsele Batailleur (1134), la Castille, sous Alphonse VII, revient à une attitude offensive(expéditions en Andalousie). Le régime almoravide, qui avait contenu tant bien quemal la pression chrétienne pendant un demi-siècle, s'affaiblit puis s'effondre, miné del'intérieur par la révolte almohade. Dès 1145 les musulmans d'al-Andalus rejettentl'autorité almoravide qui ne subsistera qu'aux Baléares. Le morcellement politiqueque connaît alors l'Espagne musulmane permet aux chrétiens de remporter des succèsimportants: dès 1146 les Génois attaquent Minorque et le grand port d'Almerfa. En1147 Alphonse-Henri de Portugal s'empare de Santarem et surtout de Lisbonne, avecl'aide d'une flotte de croisés anglais et flamands en route pour la Terre Sainte(l'évêque de Porto convainquit les croisés qu'i! était aussi méritoire de combattre lesmusulmans en Espagne qu'en Terre Sainte)<42). La même année, avec l'appui d'uneflotte génoise et des Aragonais, Alphonse VII de Castille-Leon s'empare d'Almerfa(où les Castillans se maintiendront dix ans). L'année suivante, le souverain catalano­aragonais Raymond Béranger (IV de Barcelone), avec l'appui décisif de la mêmeflotte génoise, s'empare de Tortosa. Un autre front d'avancée contre l'Islam a étéouvert par les rois normands de Sicile: ils se sont emparés de Djerba dès 1135, puis·deBougie (1136) et de la plupart des villes du littoral ifriqiyen (ils mettent fin à ladynastie ziride de Mahdiya en s'emparant de la ville en 1148 ou 1156?).

(41) M. Barcelo, "Expedicions militars i progectes d'atac contra les illes orientais d'al-Andalus(al-jazâ'ir al-sharqiyya al-Andalus) abans de la conquesta catalana (1929)", Estudi General (Miscellàniacommemorativa dei desè aniversari dei Col. Legi Universitari de Gerona (1969-70 - 1979-80). n° l, vol.1, 1981, pp. 99-107; G. Rossello Bordoy, L'Islam a les illes balears, Palma de Majorque. 1968. pp. 57­

64.(42) Conquista de Lisboa aos Mouros (1147): Narraçoes pelos Cruzados Osherno e Arnu(fo,

testemunhas presenciais do cerco, texto latino e sua traduçao para portugés pela Dr José Augusto deOliveira, 2e éd., Lisbonne, 1936, pp. 43-56.

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La seconde moitié du XIIe siècle correspond, en Orient aussi bien qu'enOccident musulman, à l'édification de deux grands empires unitaires. Celui desAlmohades à l'Ouest s'étend au Maroc (prise de Marrakech en 1147), au Maghrebcentral (lI 51-1152) et oriental (1160) d'où les Normands sont chassés, et à l'Espagne,qui n'est entièrement dominée qu'en 1ln. Celui d'Orient est l'oeuvre dessuccesseurs de Zengui: son fils Nûr al-Dïn, atabeg d'Alep depuis 1146, a reprisdéfinitivement Edesse l'année même de son accession au pouvoir, contribué à l'échecde la deuxième croisade (l 148), consolidé son autorité sur J'ensemble de la Syrie(1149-11 54), fait reculer la dominatio.n franque en Terre Sainte, et pris le contrôle del'Egypte par l'intermédiaire de son subordonné, le chef kurde Shirkuh (janvier 1169).Le neveu de Shirkuh et son successeur en Egypte après la mort de celui-ci en mars dela même année 1169, Sala!) ad-Dïn, achève l'oeuvre de Nür ad-Dïn. Il occupe leYémen en 1174 et, après la mort de Nûr ad-Dïn la même année, s'efforce d'asseoirson autorité sur la Syrie-Djéziré (1174-1186). En 1187, il remporte sur l'armée croiséela grande victoire de Hattin, qui lui permet de rendre à J'Islam Jérusalem.

C'est moins d'une dizaine d'années plus tard que se place la grande victoirealmohade d'Alarcos, en Espagne (l 196). Mais ni l'un ni l'autre de ces deux succès,éclatants en apparence et presque contemporains, ne consacre un triomphe définitifsur les chrétiens. Cela est évident en Espagne où la grande défaite musulmane de LasNavas de Tolosa en 1212 ruinera tout le bénéfice des succès du calife Abu YusufYaCqûb al-Mansur. En Orient, l'action énergique d'un croisé nouveau-venu, lemarquis piémontais Conrad de Montferrat, a empêché Saladin de prendre Tyr, et lessecours apportés par la troisième croisade de Philippe Auguste et Richard Coeur deLion ont permis l'occupation de Chypre sur les Byzantins et la reconquête d'Acre(1191). La même année, le roi anglais venge Hattin par la brillante victoire d'Arsouf,et peut conclure avec Saladin une paix de compromis qui autorise les Chrétiens àvenir en pélerinage pacifique à Jérusalem (1192). Autour d'Acre, ce qui restait duroyaume chrétien de Jérusalem allait encore subsister un siècle, continuant à attirer enOrient de notables mouvements de croisés, où se côtoient aventuriers intéressés etidéalistes. Les premiers dévient vers Constantinople la quatrième croisade (1204).Saint Louis fait incontestablement partie des seconds. Toute son action s'oriente versla croisade, qui reste pour lui, à une époque où l'idéal de croisade n'était plus très vifen Occident, le pélerinage au tombeau du Christ qu'elle était pour les croisés de la findu XIe siècle. Ce prince mystique dut cependant composer avec les réalités à tel pointque, si la croisade le tint éloigné six ans de son royaume, il lui assigna par deux foisun objectif politico-militaire extérieur à la Terre Sainte (l'Egypte en 1248, l'Ifrïqiya en1270) et s'abstint de venir à Jérusalem alors musulmane. Paradoxalement, c'est soncontemporain l'empereur excommunié Frédéric Il qui, en 1229, avait obtenu par lanégociation une restitution temporaire de Jérusalem aux chrétiens.

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L'image déformée des musulmans en Occident.

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La poétesse Saxonne Hrotsvitha, aux environs de l'an mille, est le premierauteur européen à présenter les musulmans comme rendant un culte à des idoles(43);cette attitude sera reproduite par les auteurs des chansons de geste(44); elle dénoteévidemment une grande ignorance de la religion musulmane, ignorance quicaractérise le christianisme occidental du haut Moyen Age si on le compare avec leschrétientés orientales que leur contact plus immédiat avec l'Islam avait amené àrédiger très tôt des textes polémiques ou apologétiques prenant davantage en comptela réalité de la religion du Prophète. Au fait que toute la culture du haut Moyen Agelatin reposait sur des auteurs antérieurs à l'expansion de l'Islam, on peut ajouter larareté croissante des contacts intellectuels avec Byzance d'où aurait pu venir unemeilleure connaissance des réalités orientales. D'ailleurs, les échos affaiblis des écritsantimusulmans dont on entrevoit l'existence aux frontières de l'Islam, en Orient aussibien qu'en Espagne chrétienne ne pouvaient conduire à une vision objective. "Unechronique asturienne du IXe siècle, ouvre ainsi le récit des débuts de la reconquête parune description sommaire des origines de l'Islam qui reprend des thèmes anciens de lapolémique antimusulmane: on y retrouve les accusations d'hérésie, de violence, et deluxure légalement justifiée pour satisfaire la libido du prophète"(45). Sur la mêmefrange hispanique de la chrétienté se diffuse aussi l'assimilation mozarabe de l'Islamet du Prophète à la bête de l'Apocalypse, c'est à dire à l'Antéchrist. Mais de mêmeque les notions vagues et péjoratives que l'on pouvait avoir de l'Islam sur cesfrontières ne s'est guère diffusée vers l'intérieur de la chrétienté, de même l'art"mozarabe", traduisant les préoccupations d'une chrétienté soumise à la menaceconstante de l'Islam, n'a guère franchi les Pyrénées.

Cette situation est encore celle qui prévaut à l'époque des premières croisades,qui amenèrent certains Occidentaux à s'inquiéter davantage de la foi de leursadversaires. L'un des meilleurs témoins de ces préoccuaptions nouvelle est lechroniqueur Guibert de Nogent, qui écrivant vers 1104-1108 ses Gesta Dei perFrancos, se plaint de n'avoir pu trouver que très peu d'informations sur ledéveloppement historique de l'Islam. En historien consciencieux et objectif, il tientcependant à signaler à ses lecteurs que, contrairement à une opinion répandue chezses contemporains, les musulmans ne considèrent pas Mahomet comme un dieu, maiscomme un homme juste par l'intermédiaire duquel les lois divines leur ont étécommuniquées. A côté de cette reconnaissance de l'essentiel du messagemuhammadien, Guibert de Nogent véhicule cependant de nombreux poncifsdéfavorables à l'Islam, dont on peut retrouver les antécédents dans les textes de

(43) BJ Kadar, Crusade and Mission, p. 10.

(44) Y. et Ch. Pellat. "L'idée de dieu chez les 'Sarrasir.s' des chansons de geste". in Sudia/s/amica, 13, 1965, pp. 5-42; H. Grégoire, "Des dieux Cahu, Baratron. Tervagant et de maints autresdieux non moins extrav~ants" Annuaire de philologie et d'histoire orientale et slave, 7. 1939-1940, pp.451-472.

(45) J. Flan, La Première Croisade, p. 1871

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polémique espagnols ou orientaux. C'est au XIe siècle aussi qu'est écrite,probablement par Embricon de Mayence, une Vie de Mahomet très virulente, suiviede plusieurs autres au siècle suivant. L'un des vices les plus couramment imputé àl'Islam est la grande liberté sexuelle qu'il reconnaît aux hommes, et il est vrai qu'à cetégard la vie même de Mahomet, exactement connue, pouvait remplir d'horreur leschrétiens d'Occident au Moyen Age. Mahomet, luxurieux et fornicateur, ne pouvaiten aucune façon être un prophète authentique. La licence sexuelle -et homosexuelle­que, se fondant sur une morale effectivement bien moins rigoureuse à cet égard que lamorale chrétienne, on prêtait à l'Islam est l'un des traits les plus souvent évoqués dansla littérature relative à l'Islam générée par les Croisades.

Plusieurs historiens du XIIe siècle diffusent l'idée que l'Islam est un paganismerendant un culte à des idoles. Ainsi Raoul de Caen, qui est allé en Orient avecBohémond et Tancrède, chefs normands de la première croisade, n'en décrit pasmoins la statue de Mahomet "toute resplendissante d'or" qui trônait dans le "Templed~ Salomon", et que Tancrède détruisit de ses mains. Foucher de Chartres, chapelainde Baudoin de Boulogne, qui parle aussi à propos du culte que rendent les musulmansà une "idole fabriquée de leurs mains" répand la même affabulation, que l'on trouveaussi chez les chrétiens qui combattent les musulmans en Occident. Ainsi ledocument de 1097 par lequel le roi d'Aragon Pierre 1er, en restaurant le siègeépiscopal de Huesca au lendemain de la prise de la ville, transforme la grandemosquée de cette ville en cathédrale, fait-il référence au culte qui y était rendu "auxfunestes images des démons et de l'immonde Mahomet" (nefanda demonumspurcissimique Mahomat colebanturjïgmenta)(46).

Cet aveuglement, qu'il est difficile de croire totalement involontaire, à la réalitéde la religion musulmane, conduit plusieurs historiens à considérer que ces textes sonten premier lieu des écrits d'une propagande antimusulmane qui ne se soucieaucunement de la véracité objective des affirmations qu'elle colporte, avant toutdestinées à diaboliser l'adversaire. Il semble que certains chroniqueurs n'aient pas ététout à fait inconscients de la "manipulation" de la vérité historique à laquelle ilscontribuaient en donnant de l'Islam une image "officielle" qui en faisait en quelquesorte l'''envers du christianisme". Ainsi une fois de plus Guibert de Nogent, qui écarteses propres scrupules en affirmant que )'''on peut en toute quiétude parler mal de celuidont la malignité a toujours été au dessus de tout le mal que l'on pourrait en dire".

Pour Philippe Sénac, les Chansons de Geste furent "le moyen le plus sûr derépandre l'image du païen malfaisant dans les divers milieux de l'Occident chrétien",et en particulier dans le milieu aristocratique. L'Islam y est en effet représenté commeun polythéisme, formé d'un ensemble de pratiques idolâtres et barbares. Lesmusulmans rendent un culte à des divinités étranges et néfastes: Mahomet, Tervagan,

(46) A. Ubieto, Colecciôn diplomdtica de Pedro 1 de Aragon y Na varra, Saragosse. 1951,document n° 30.

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Appolin dans la Chanson de Roland, Antéchrist, Astarut, Bagot, Bezébu dans laChanson de Guillaume: tout un panthéon disparate dont les éléments sont empruntés àla fois au paganisme antique, à l'enfer tel que se le représentaient les chrétiens "conçupour engendrer le mépris ou la haine, pour approfondir le fossé religieux. Mahometlui-même est (sauf la rare exception du Couronnement de Louis qui l'accepte comme"profètes a Deu omnipotent") régulièrement présenté comme l'un des principauxdieux auxquels l'Islam rendrait un culte. Les Sarrasins eux-mêmes sont parfoismonstrueux, qu'ils soient "noirs comme la poix", aient une taille gigantesque, ouportent "sur l'échine qu'ils ont au milieu du dos des soies tout comme les porcs"(47 l .

Même si elle n'exclut pas la louange circonstancieIle de tel Sarrasin valeureux,ni le rêve d'une mythique princesse sarrasine belle et mystérieuse, l'image d'un Islamidolatrique, voire diabolique, dont les croyances, les moeurs et les pratiques sesituaient aux antipodes du christianisme occidental, continua à être véhiculée par lalittérature épique jusqu'à une époque tardive. Le polythéisme absurdement attribuéaux musulmans, par exemple, qui se limitait à une trinité Tervagan-Mahomet­Apollon, sans doute calquée sur la Trinité chrétienne, dans la Chanson de Roland,s'épanouit ensuite en une multiplicité d'autres prétendus dieux dans les textesultérieurs.

Dans les textes épiques, ce n'est que rarement et tardivement que la vision desmusulmans détachée de la réalité et qui n'exprime que des fantasmes chrétiens faitplace à une mentalité plus tolérante, comme dans l'oeuvre du trouvère bavaroisWolfram von Eschenbach (v. 1170-v. 1220). Celui-ci, dans son Willehlam, reprend lethème du poème français antérieur de la Chanson des Aliscans, mais présente unevision des musulmans tout à fait positive, et lance un insolite appel à la toléranceenvers "tous les hommes qui parlent les soixante-douze langues (et qui) sont descréatures de Dieu". Il n'est pas sans signification de noter que cette valorisationoriginale de l'Islam, qui se retrouve dans le Parzifal du même auteur, coexiste avec unpassage où ce dernier donne les noms arabes des planètes assez correctementtranscrits, en prétendant s'inspirer d'un manuscrit musulman découvert à Tolède(48l.

LES CONTACTS CULTURELS ET LEURS REPERCUSSIONS SUR L'OCCIDENT

1. Le contact des cultures: différences entre les extrémités orientale etoccidentale de la Chrétienté.

Jusqu'à un certain point, les chansons de geste et leur ignorance de l'Islamétaient déjà quelque peu décalées par rapport à la réalité historique. Elles l'étaientd'aiIleurs déjà en privilégiant la légende carolingienne provençale ou hispanique àl'époque où c'est la croisade d'Orient avant tout qui mobilisait l'enthousiasme des

(47) Ph. Senac,'L'image de l'autre. Histoire de l'Occident médiéval face il l'Islam. Paris,. 1983,pp. 74-82.

(48) M. Rodinson, La Fascination de l'Islam, pp. 46-47.

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chevaliers chrétiens. Cette croisade, pour un Français des XIe et XIIe siècles, "c'est ladécouverte de l'exotisme, de l'Orient, et les conséquences de cette découverte vontêtre inestimables: par elle l'imagination romanesque prend le relais de la visionépique, condamnant sans retour la chanson de geste à la disparition"(49). L'esprit decroisade, pour sa part, entretenu par l'Eglise, déclina lentement jusqu'à la fin duMoyen Age, lié à un idéal chevaleresque toujours cultivé dans l'aristocratie, mais quine dominait plus la société comme aux temps féodaux.

Les modalités culturelles du contact avec l'Islam furent très différentes d'uneextrémité à l'autre de la Méditerranée. En Terre Sainte, les deux cultures orientale etoccidentale voisinèrent sans pratiquement se mélanger, et restèrent étrangères l'une àl'autre, en dehors du strict minimum de contacts diplomatiques, militaires, parfoispersonnels qui s'établirent inévitablement entre chrétiens et musulmans du Proche­Orient. On est largement revenu sur la vision d'une Terre Sainte foyer d'emprunts del'Occident à l'Orient, et Jacques Le Goff, dressant un bilan très négatif des croisades,conclut de façon provocatrice qu'en dehors de l'abricot elles n'ont rien apporté àl'Occident(50).

A propos de la même étanchéité réciproque des cultures dans le contexte desEtats latins d'Orient, Michel Balard écrit qu'''à Acre on ignore presque tout del'Islam, alors que le Coran est déjà traduit à Tolède"(51}. En Espagne en effet, ladomination chrétienne sur le foyer de culture qu'avait été la Tolède musulmane ne futpas vraiment menacée par l'invasion almoravide, et, par le mouvement destraductions, eut des conséquences d'une grande ampleur sur la vie intellectuelle del'Europe avec la transmission de la science gréco-arabe à l'Occident chrétien. EnSicile, si le royaume normand s'implanta solidement, il servit de cadre àl'épanouissement d'une civilisation dite "arabo-normande", qui retint au moinsprovisoirement un certain nombre de traits de l'héritage musulman local, et la Sicile etl'Italie méridionale contribuèrent, bien que dans une moindre mesure que l'Espagne,au transfert de la science du monde musulman au monde chrétien.

L'importation en Occident de la science et de la philosophie arabescontribuèrent certainement à faire sortir l'Europe de la léthargie intellectuelle où elleétait tombée dans le haut Moyen Age, mais elle révèle aussi, de la part de la cultureeuropéenne, un appétit de savoir sans lequel le transfert des connaissances de l'Orientà l'Occident n'aurait pu avoir lieu. L'essor de l'Europe se manifeste aussi bien parl'expansionnisme militaire déjà évoqué que par la curiosité intellectuelle pour unescience antique dont le monde musulman était l'héritier et le dépositaire, mais aussipour les enrichissements qui lui avaient été apportés par les savants arabes.

(49) J. Garel, "La Chanson de Geste", in Histoire littéraire de la France, dir. Par P. Abraham etet R. Desne, 1: Des Origines à J600, Paris 1971, p. 130.

(50) 1. Le Goff, La Civilisation de l'Occident médiéval, Paris, 1965, p. 98. Dans le' même sens,avec plus de nuances; Cl. Cahen, Orient et Occident au temps des Croisades, Paris, 1983

(51) M. Balard, Les Croisades, Paris, 1988, p 125.

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2. Le mouvement des traductions: la science arabe au service de l'Occident

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Le premier foyer important de traductions, d'ouvrages de médecine, sedéveloppa en Italie méridionale à Salerne et au Mont Cassin dans la seconde moitiédu XIe siècle. Parallèlement à d'autres traductions qui se faisaient au même moment àpartir d'ouvrages grecs, Constantin l'Africain, chrétien ou musulman convertioriginaire d'Ifriqiya, mit en latin divers textes médicaux arabes, qui contribuèrent à lacélébrité de l'''école de Salerne" et furent à la base de l'enseignement médical enOccident jusqu'à la fin du Moyen Age. Une activité conjointe de traductions du grecet de l'arabe se poursuivit au XIIe siècle à la cour des rois normands de Palerme. Lesdeux noms les plus connus sont ceux d'Aristippe, qui fit des traductions de Platon àpartir du grec, et d'Eugène l'Emir, instruit dans les deux langues, qui contribua à latraduction du texte arabe de l'Almageste de Ptolémée qu'Aristippe avait rapportée deConstantinople.

Le foyer le plus important de cette intense activité de traductions, qui visentd'abord à retrouver, à travers leurs traductions arabes, les textes fondamentaux de lascience et de la philosophie antiques, se situa cependant en Espagne. Là ce sontsouvent les Juifs qui servirent d'intermédiaires pour cette transmission de la sciencedu monde arabe au monde chrétien occidental. L'un des premiers transmetteurs futpar exemple un converti de Huesca, Moshé Séfardi, devenu à sa conversion à l'âgeadulte, en 1106, Pedro Alfonso, dont on sait qu'il voyagea en Angleterre où il fut untemps médecin du roi Henri 1er. Il écrivit la Disciplina Clericalis, oeuvre à finalitémorale et éducative dans laquelle il inclut de nombreux apologues ou anecdotesempruntés à la littérature arabe, qui passèrent ainsi dans la culture européenne. Iltraduisit aussi des ouvrages mathématiques et astronomiques hispano-arabes.

Au XIIe siècle, de nombreux savants européens vinrent en Espagne à larecherche des sources grecques d'une science qu'ils savaient avoir été conservéesdans les ouvrages scientifiques et philosophiques des Arabes. La quête des manuscritsdut commencer assez tôt. Un traité de "police du marché" (hisba) rédigé par un auteursevillan, Ibn CAbdün, aux environs de 1100, prescrit de ne pas vendre de livres araoesaux chrétiens et aux juifs qui les traduisent pour s'en attribuer ensuite le mérite. Parmiles grands traducteurs, il faut citer Adélard de Bath, dans la première moitié du XIIesiècle, qui traduit en 1126 les tables astronomiques d' al-Khwanzmï, introduisant pourla première fois en Occident la mesure arabe de la terre. L'idée d'une "école detraducteurs" de Tolède cohérente, patronnée par l'archevêque Raymond (1125-1152),n'est plus guère admise aujourd'hui. C'est plutôt dans la seconde moitié du siècle,sous son successeur Jean (] ]52-1156) que s'épanouit vraiment le centre tolédan, avecdes traducteurs comme Gérard de Crémone, qui vint à Tolède à la recherche del'Almageste de Ptolémée qui ne se trouvait pas chez les Latins, apprit l'arabe, futchanoine de la cathédrale et traduisit de très nombreux ouvrages scientifiques avant samort en 1] 87. Ainsi que l'écrit àcette époque l'anglais Daniel de Morley, déçu par lesmaîtres parisiens "De nos jours. c'est à Tolède que l'enseignement des Arabes est

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dispensé aux foules ... Nous aussi, qui avons été libérés mystiquement de l'Egypte, leSeigneur nous a ordonné de dépouiller les Egyptiens de leurs trésors pour en enrichirles Hébreux. Dépouillons donc conformément au commandement du Seigneur et avecson aide les philosophes paiens de leur sagesse et de leur éloquence, dépouillons cesinfidèles de façon à nous enrichir de leurs dépouilles dans la fidélité"(52J.

Tolède ne fut certainement pas le seul centre des traductions, qui se firent aussidans la vallée de l'Ebre et en Catalogne. Le mouvement continua par ailleurs au XIIIesiècle, en Espagne, mais aussi en Sicile et en Italie méridionale, en particulier sousl'impulsion que lui donna l'empereu.r "philoarabe" Frédéric II (1215-1250).

3. Un XIIIe siècle islarnophile?

Frédéric II pousse à son point extrême la tendance des intellectuels du XIIIesiècle à ne plus se murer dans une hostilité globale au monde musulman mais à envaloriser au contraire les apports au point parfois de s'imprégner de certains d'entreeux jusqu'à la rupture avec l'idéologie dominante. Pour Abélard, déjà, musulman etphilosophe étaient des termes pratiquement équivalents, et lui-même, durementattaqué par saint Bernard, aurait songé dans les années 1130 à se réfugier chez lespaïens, c'est à dire chez les musulmans(53). L'abondance et le niveau desconnaissances que les traducteurs du XIIe siècle introduisent dans la Chrétienté donneune image positive de la civilisation musulmane. Le contact pratique avec lesmusulmans, dans les relations guerrières aussi bien que commerciales, enrichitl'Occident de techniques nouvelles, aussi bien intellectuelles que matérielles.

Le papier, par exemple, que le monde islamique fabrique et utilise largement, àtravers les contacts à la fois commerciaux et guerriers, est connu en Europe sous lenom significatif de c!Ulrta damascena. En Espagne, des manuscrits composés dès lapremière moitié du Xe siècle en milieu mozarabe; mais dans des monastères del'Espagne chrétienne, témoignent de son introduction précoce aux marges de laChrétienté occidentale. La Reconquête donne aux Chrétiens le contrôle d'importantscentres fabricateurs: Tolède peut-être, mais plus sûrement Jâtiva, dans la régionlevantine: Jacques 1er d'Aragon protégea les fabriques réputées qui y existaient enleur donnant le monopole de la fabrication dans le royaume de Valence, et c'est auXIIIe siècle, postérieurement à l'occupation de ce dernier, que la documentationprouve la diffusion massive du papier dans les Etats aragonais(54J.

(52) J. Le Goff, Les intellectuels au Moyen Age, Paris, 1957, p. 24. Sur tous ces points voir enparticulier J. Vernet, Ce que la culture doit aux Arabes d'Espagne, Paris, 1985.

(53) J. Le Goff. Les intellectuels au Moyen Age, p. 48; A. De Libera, "Sources arabes de lapensée européenne", in Granadas 1492: histoire et représentations, AMAM Toulouse, 1993. pp. 91.92;même auteur, Penser au Moyen Age, p. 110; M. Rodinson, Lafascination de l'islam. p. 34.

(54) R.1. Burns, Society and Documentation in Crusader Valencia, Princeton University Press,Princeton, New Jersey, 1985, pp. 151-181.

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Autre usage venu du monde musulman, que l'on peut assimiler à unetechnique, de nature intellectuelle celle-ci, et dont l'importation en Europe eut aussides conséquences considérables, celui de la façon de calculer, connue des Arabesmais originaire de l'Inde, que le mathématicien Pisan Léonardo Fibonacci -qui entrapar la suite en relation avec Frédéric II et les savants de son entourage- présente vers1202 dans son Liber abbaci. C'est en effet ce traité qui introduit pratiquement enOccident, avec les opérations à numération de position, l'usage courant des chiffresdits "arabes". L'auteur, qui appartenait à une famille de commerçants, avait vécu enAfrique du Nord et dit avoir appris ces procédés à Bougie où son père était employédes douanes(55).

Ces exemples, que l'on pourrait multiplier presque à l'infini, feront biencomprendre l'importance pour le développement de la science et de la techniqueeuropéennes, du contact avec le monde musulman. On peut se poser la question desavoir de quelle façon l'Occident utilisera ces acquis. A première vue, semble-t-il,dans un contexte de développement technique et scientifique différent de celui danslequel il se trouvaient insérés en Orient. Ainsi l'usage des chiffres "arabes" segénéralisa-t-il plus rapidement en Europe que chez les Arabes eux-mêmes qui,pendant longtemps, firent des chiffres -q:u'ils appelaient eux-même "indiens"- unemploi plutôt restreint et limité à des cas particuliers. On serait tenté de penser qu'ilen alla de même de la poudre à canon, si l'on admet qu'elle parvint à l'Europe par lemonde arabe. C'est du moins ce qui semble ressortir du cas espagnol, où l'artillerie àpoudre apparaît dès les premières décennies du XNe siècle du côté musulman, maisoù ce sont les Castillans qui, aidés d'ingénieurs venus du nord de l'Europe, en font uninstrument décisif de leur supériorité militaire dans les guerres menées contreGrenade au XVe siècle(56).

Le moment décisif de l'assimilation des sciences et des techniques empruntéesau monde arabe est certainement le XIIIe siècle. C'est à cette époque, celle deFrédéric II, que la civilisation islamique a, de façon avouée ou non, le plus fasciné lesEuropéens. L'effort des traducteurs a révélé la richesse d'une science et d'unephilosophie arabes dont on est bien forcé de constater qu'elles se sont développées defaçon autonome à partir de leurs bases antiques. On a sans doute retrouvé Aristote,mais on n'a pas pu échapper à la séduction des grands savants et philosophes arabesqui l'avaient commenté et utilisé. Déjà Adélard de Bath, qui traduit des oeuvresarabes entre 1116 et 1142, opposait "ce qu'il a appris de ses maîtres arabes sous laconduite de la raison" au licou (capistrum) de l'autorité tenant les Latins captifscomme un bétail qui se laisse conduire n'importe où(57).

(55) F. Gabrieli (dir.), Histoire et civilisation de ['Islam en Europe: Arabes et Turcs en Occidentdu vue au XXe siècles, Paris, 1983, pp. 159-160 et 165.

(56) Encyclopédie de ['Islam, 2e éd., article "BârÛli", p. 1089; G. Parker, La révolution militaire:La guerre et l'essor de ['Oocident (1500- 18(0), Paris, 1988, p.35.

(57) J. Le Goff, Les Intellectuels au Moyen Age, p. 59.

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Pour Roger Bacon (v. 1214-1294), la philosophie est le domaine par excellencedes Grecs et des Arabes, et la Chrétienté l'a entièrement reçue d'eux. Dans saperspective, il conviendrait que cette dernière s'acquitte de sa dette en les enrichissantà son tour de la révélation dont elle est dotée. Pour les savants du milieu du XIIIesiècle, la discussion des réalités théologiques elles-mêmes ne peut se faire qu'entermes de philosophie arabe. Ainsi est-il significatif que lorsque l'Université de Parisjuge nécessaire en 1241 de condamner l'opinion, d'origine probablement avicénienne,selon laquelle les croyants ne jouiront pas au Paradis de la vision directe de Dieu,c'est dans un langage averroïste que· Thomas d'Aquin réfute cette idée contraire auxthèses traditionnelles de l'Eglise. Comme le note bien Southern, pour éclairer un pointcentral des croyances chrétiennes, les théologiens occidentaux n'hésitaient pas à seservir d'une philosophie entièrement empruntée aux musulmans(58).

Au début du XIve siècle, Dante, dont la Divine Comédie emprunte beaucoup,on le sait, à l'eschatologie musulmane, exempte de l'enfer et place dans les Limbes,seuls parmi les modernes, à côté des héros et des sages de l'Antiquité, Avicenne,Averroès et un chef politique et militaire de l'Islam, Saladin, qui suscite, depuis la findu XIIe siècle, l'admiration unanime des Occidentaux. Pour Alain de Libera, ce nesont pas seulement des notions philosophiques et des procédés de discussion quifurent alors empruntés par la philosophie scolastique à l'Islam. C'est la structuremême de l'intellectualité occidentale qui emprunte massivement à l'Islam: "Ce sontAvicenne et Ghazàlï qui ont imposé la théorie de l'accidentalité de l'existence, et, parlà, une conception de la différence entre essence et existence qui, au delà de Thomasd'Aquin, a imprégné toute la philosophie occidentale jusqu'à l'existentialismesartrien... A vouloir traiter dans le détail des sources arabes de la pensée européenne,on en arriveait à devoir énumérer le vocabulaire, la conceptualité et le domaine deproblèmes de toute la philosophie des années 1150 à 1500"(59).

4. La réaction contre l'arabisme intellectuel

Cependant, cette influence massive des idées venues du domaine musulman ounées au contact de la pensée des philosophes de l'Islam n'allait pas tarder à souleverdes inquiétudes. On l'a vu, les maîtres en théologie de l'Université de Paris, Albert leGrand, Thomas d'Aquin, Bonaventure, commencent à combattre les idées quicirculent à la faculté des arts, où se trouvent les maîtres chargés d'enseigner laphilosophie, influencés par les idées considérées comme "averroïstes". En 1277,\' évêque de Paris, Etienne Tempier, agissant à la demande du pape Jean XXI,condamne 219 "propositions" philosophiques jugées dangereuses. Les thèses les plusparticulièrement visées étaient "une morale où s'affirme la possibilité d'un ascétismephilosophique, un système du monde fondé sur la reconnaissance de l'ordre de lanature et de son influence sur l'homme (l'astrologie), un idéal de bonheur intellectuel

(58) B.Z. Kedar, Crusade and Mission, pp. 177-179; R,W. Southern, Weste1'1l Viell's (?f Islam inthe Middle Ages, Cambridge, Masse., 1962, p. 55.

(59) A. De Libera, "Sources arabes de la pensée européenne" pp. 83-84.

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où s'affinne la revendication de l'ennoblissement de l'homme par l'exercice de lapensée"(60).

Pour Alain de Libéra, au début du XIve siècle, Dante avec la nobiltate, MaîtreEckhart avec l'edelkeit refonnuleraient, à l'usage d'un public plus large que celui dela Faculté des arts, l'idée avicénienne de la sainteté, noyau de la concep~ion médiévalede l'ennoblissement de l'homme par la contemplation intellectuelle, qui se trouvaitdéjà dans Albert le Grand. L'exaltation de la "dignité" et de l"'excellence" del'homme, capable d'opérer sur les choses et de les transfonner, correspondrait à unepremière définition de l'''intellectuel'' antérieure à celle qui se dégagera à l'âge del'humanisme. Plus évidemment, l'Eglise reproche aux "Averroïstes" l'idée de la"double vérité", celle de la révélation que seule la foi pennet d'atteindre, et la véritéscientifique et philosophique qui est du domaine de la raison. Ces idées sont souventpar ailleurs liées à des positions politiques (Dante, Marsile de Padoue, Jean de Jandun,qui sont contemporains et vivent au tournant des XIIIe et XIve siècles, allient leurspositions averroïstes à leur opposition aux prétentions temporelles de la papauté).Elles font l'objet de sévères condamnations, celles de Marsile de Padoue, Guillaumed'Ockham, Eckhart, des "spirituels" Franciscains, de la Monarchia de Dante. PourJacques Le Goff, les intellectuels du Moyen Age tardif subissent la séduction destendances mystiques de Maître Eckhart: "En 1449, le cardinal Nicolas de Cues, auteurde la dernière grande somme scolastique du Moyen Age, prend la défense d'Eckhart,attaque l'aristotélisme et fait l'Apologie de la docte ignorance... Ainsi la scolastiquecède la place à un retour de la sainte ignorance, la science rationnelle s'efface devantune piété affective"(61).

La culture européenne, dans ses dimensions philosophique et scientifique, aalors assimilé les oeuvres des Arabes, et poursuit son développement sur ses propresvoies. Déjà, comme le souligne Alain de Libéra, la querelle averroïste tournait autourd'idées qui n'étaient pas celles d'Averroès, mais celles qu'avaient forgées à partir delui les universitaires parisiens et leurs adversaires, dans un contexte chrétien. Bientôt,l'admiration pour les oeuvres arabes apparaîtra comme un trait du "Moyen Age", dontla notion commence à se dégager après le milieu du XIve siècle. Ainsi que le ditjustement Rodinson, l'Humanisme et la Renaissance prétendront revenir aux sourcesgrecques, et "les traductions du grec à travers l'arabe deviendront le symbole de lafalsification par l'esprit 'gothique' des médiévaux. Le tenne d'arabisme deviendrapéjoratif. Le mépris pour l'âge barbare contre lequel il fallait réagir s'étendait aussi àtout ce qui est arabe". Pétrarque (1304-1374), qui exprime avec vigueur son dégoûtpour les oeuvres arabes et son opposition à l'averroïsme, est déjà pleinementreprésentatif du nouvel âge dans lequel s'apprêtait à entrer l'Europe(62).

(60) A. De Libera, Penser au Moyen Age, p. 334; M.R. Hayoun et A. De Libera, Averroès et

l'averroïsme, Paris, Que sais-je?, pp. 75-122.(61) J. Le Goff, Les intellectuels au Moyen Age, pp. 153-156.

(62) M. Rodinson, La fascination de l'Islam, p. 51; A. De Libera, "Sources arabes de la penséeeuropéenne", pp. 75-76.

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5. Croisade et mission

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Une critique diffuse de la croisade se fait jour tout au long du Moyen Age,parfois pour des raisons tout à fait concrètes, comme la résistance à la fiscalitépontificale et royale, plus rarement pour des raisons idéologiques, surtout développéespar les hérétiques. Ainsi les Vaudois, selon Alain de Lille, rejettent la croisade commeune violation de la morale chrétienne qui interdit l'homicide. Les échecs répétés desexpéditions postérieures à la première croisade suscitent amertume etdésappointement, et conduisent à s'interroger sur leur opportunité ou plusprofondément sur la faveur que Dieu' accordait à ces entreprises. On ne pouvait que seposer des questions sur l'issue malheureuse de la cinquième croisade de 1217-1221,pourtant minutieusement préparée et mise en oeuvre conformément aux voeux de lapapauté et sous sa direction, et des septième (1248-1254) et huitième (1270) de SaintLouis, commandées par un roi paré de telles vertus de piété, de justice et de chastetéqu'elles auraient dû garantir une issue plus satisfaisante de ces entreprises.

Le contraste avec le succès de la sixième expédition de 1228-1229, celle del'empereur Frédéric II, qui rendit pour quelques années Jérusalem aux chrétiens, nepouvait que jeter le trouble dans les esprits, dans la mesure où il s'agissait d'un succèssurtout diplomatique, remporté par un souverain en conflit avec la papauté etexcommunié, dont la tolérance pour l'Islam et les bons rapports avec les souverainsmusulmans étaient une cause de scandale pour l'Eglise et la Chrétienté. L'usage quefit à plusieurs reprises de la croisade le pouvoir pontifical, pour des buts plustemporels que spirituels divisait aussi les chrétiens. Ainsi des troubadours, partisansde Frédéric II, foumissent-t-ils des arguments à la propagande impériale contre lapapauté qui dresse illégitimement la croix contre le parti gibelin.

On ne saurait cependant surestimer la portée et les effets de ces critiques et deces doutes. Le grand philosophe et savant anglais Roger Bacon (1214-1294), lethéologien et mystique majorquin Raymond Lulle (1233-1316), qui sont l'un etl'autre favorables au développement d'un effort missionnaire en direction de l'Islam,ne rejettent pas formellement la croisade. Pour Lulle, il est même nécessaire à la foisde doter la Chrétienté des moyens culturels de combattre l'Islam (écoles de languearabe). et de moyens militaires destinés à activer la lutte pour la reconquête de la TerreSainte (réunion en un seul de tous les ordres militaires)(63).

Parallèlement au lent déclin de l'esprit de croisade tel qu'il avait animél'Europe à l'époque de la première expédition en Orient (cet esprit millénariste etmystique a été encore suffisamment fort pour provoquer en 1212, l'année de LasNavas de Tolosa, la célèbre "Croisade des Enfants"), mais sans qu'il y ait forcément,comme on vient de le dire, contradiction entre les deux, se développe un idéalmissionnaire qui vise à obtenir par la parole et par l'exemple la conversion des

(63) B.Z. Kedar, Crusade and Mission, pp. 189-199; A. De Libera, Penser au moyen Age, p. 120;D. Urvoy, Penser l'Islam: Les présupposés islamiques de l"'Art" de Lull, Paris. 1980, pp. 169-173.

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irafidèles, et qui n'était pas perceptible à la fin du XIe et au début du XIIe siècle. Dansla prédication de Saint Bernard, la guerre apparaît liée à la christianisation forcée despaïens. En 1216, l'évêque d'Acre Jacques de Vitry, influencé avant son départ enOrient par la mystique Marie d'Oignies, organise des campagnes de prédication enTerre Sainte et envoie des lettres en arabe aux princes musulmans pour les inciter à seconvertir. Au même moment se développe une nouvelle approche franciscaine durapport avec les musulmans, illustrée par la visite de Saint François au sultand'Egypte al-Kamil en 1219. C'est aussi à partir du début du XIIIe siècle quecommence à apparaître, en quantité significative, une correspondance pontificaledestinée à recommander aux souverains musulmans les Trinitaires qui s'emploient aurachat des captifs chrétiens, ainsi que les Franciscains et les Dominicains qui vontséjourner en terre d'Islam(64l.

Les maigres succès de ces efforts ne répondirent pas aux espérances initiales.Dans ce qui restait de la Terre Sainte même, les seigneurs chrétiens s'opposèrent à laconversion des esclaves musulmans. Les campagnes identiques menées un peu plustard dans les terres reconquises sur l'Islam en Espagne n'eurent pas non plus un trèsgrand succès. Dans les pays musulmans, la prédication était de fait limitée par lesnormes sévères qui punissent le prosélytisme éventuel des autres religionsmonothéistes, si bien que la mission en Islam tendit à s'apparenter à une recherche dumartyre plutôt qu'à une véritable mission. C'est ainsi que Raymond Lulle meurtlapidé à Bougie en 1315. C'est sur d'autres terrains que celui de l'Islam que lamission réussit à remporter des succès, du moins temporaires, lors du grand choc desinvasions mongoles du XIIIe siècle. Les premiers jalons missionnaires jetés alors enAsie, chez les Mongols et jusqu'en Chine, contribuent à faire sortir la Chrétienté deson dialogue exclusif avec l'Islam, et à lui faire prendre conscience de l'étendue réelled'un monde dont elle s'apprête à entreprendre la conquête.

6. Les communautés musulmanes dans l'Europe chrétienne

En Sicile et en Espagne, la conquête de terres islamiques avait soumis auxsouverains chrétiens bon nombre de musulmans. De l'époque arabe, les roisnormands de Palerme s'efforcèrent de conserver tout ce qui pouvait être' utile à leurpouvoir et à la prospérité de leur Etat. Si les musulmans furent généralement expulsésdes cités et des bourgs fermés, on maintint sur place les paysans nécessaires à la miseen valeur des terres, en les soumettant à un strict encadrement seigneurial. Onconserva une catégorie de "chevaliers" (gayti) probablement efficaces dansl'encadrement des zones rurales et utilisables militairement, et une aristocratie deservice, à laquelle appartenaient principalement les eunuques de la cour et une partiedu personnel gouvernemental. Il n'y eut pas d'ostracisme culturel de l'arabe, qui futl'une des langues administratives du royaume. Le manteau du couronnement deRoger II, fabriqué dans un tiraz (atelier de tissus de luxe) royal était orné d'une

(64) G. Cipollone, Cristianità-lslam. Cattività e liberazione in nome di Dio: il tempo diInnocenzo III dopa "Ull8?", Rome. 1992.

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inscription eulogique kufique qui ne présente aucun caractère chrétien, et ladécoration du plafond de la chapelle palatine est le meilleur exemple conservé d'unensemble de peintures fatimides(651.

L'atmosphère se modifie cependant au cours du XIIe siècle. On constate à lacour un antagonisme parfois violent entre les éléments musulmans et la classedominante chrétienne qui les accepte mal. Vers 1184- 1185, la situation de cesmusulmans de Sicile telle que la dépeint le voyageur andalou Ibn JubaYI~ est de touteévidence assez précaire. A la fin du XIIe siècle, le latin est la langue unique de lachancellerie, et l'arabe n'apparaît plus que dans des textes des scribes de la douane.Des pogroms dirigés contre les musulmans ont lieu en 1189- 1190, auxquels répondentdes révoltes. Paradoxalement, la tension atteint son paroxysme sous Frédéric II, leplus ouveltement "islamophile" des rois de Sicile, qui doit mener de très dures guerrescontre les musulmans, qu'il déporte à Lucera, en Pouille, à partir de 1222. Lacoexistence des chrétiens et des musulmans en Sicile n'avait guère duré plus d'unsiècle, et finissait par la répression et l'expulsion.

Le cas espagnol n'est peut-être pas aussi différend qu'on pOUlTait le penser.Sans doute les rois chrétiens conclurent-ils fréquemment des traités de capitulationavec les musulmans des régions reconquises, leur garantissant leurs biens et leurliberté religieuse. Mais là aussi, les habitants des villes durent évacuer les enceintesfortifiées, et dans les faits les élites émigrèrent en grand nombre. Tolède pourraitapparaître comme un cas à part, les musulmans ne semblant pas y avoir été enfermésdans une mnrerla comme il s'en constitua partout ailleurs. En fait, cependant, lespromesses faites aux musulmans de Tolède furent rapidement violées, avec laconsécration au culte chrétien de la grande mosquée très peu de temps après laconquête de la ville. Et il semble bien qu'avec l'invasion almoravide etl'intensification de la guerre entre musulmans et chrétiens, il ne resta plus beaucoupde musulmans ni dans la viIle ni dans ses campagnes. Le mouvement des traductionss'épanouit dans une ville où les musulmans ne représentent qu'une faible minorité dela population, et d'ailleurs n'y jouent qu'un rôle minime en comparaison des Juifs etprobablement des Mozarabes(661.

Les musulmans sont sans doute dès le XIIe siècle nombreux en Aragon, oùleurs communautés mènent longtemps une existence assez paisible. Mais à Valence,plus exposée, où les musulmans se sont lancés en 1276 dans une grande révolte, le roiJacques 1er décrète une expulsion générale qui ne fut effective qu'en partie, et setransforma dans bien des cas en une expropriation. La situation des musulmans resta

(65) H. et G. Bresc (dir.), Palerme 1070-1492, vol. 21 de la série "Mémoires" de la collection"Autrement", Paris, 1993; H. Bresc, "De l'Etat de minorité à l'Etat de résistance: Le cas de la Sicilenormande", in Etat et colonisation au Moyen Age (M. Balard dir.), Lyon, 1989, pp. 33\-345: F. Gabrieli,U. Scerrato, Gli Arabi in Italia, illustration na 149.

(66) J.P. Molénat, " Mudéjars, captifs et affranchis", in Tolède XW-XIW. Musu/mans, chrétiensetju(fs: Le savoir et La tolérance, Collection Autrement, série "Mémoires" na 5. Paris. 1991, pp. 112­124.

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cependant affectée d'une certaine précarité. On assiste au XIye siècle à quelquesexpulsions partielles, destinées à permettre le repeuplement chrétien de certaineslocalités. La seigneurialisation des communautés ne cessa pas de s'aggraver, et desrévoltes eurent encore lieu au XIye siècle, à l'époque de la guerre entre la Castille etl'Aragon. La situation restait précaire, souvent tendue(67l. La conversion forcée dudébut du XYIe siècle ne fait que transformer les mudéjars en morisques, tout aussiirréductibles, et l'expulsion de ces derniers au XYIIe siècle n'est nullement en ruptureavec l'évolution antérieure.

L'étonnante figure du Majorquin Raymond Lulle (1235-1315) résume à elleseule toutes les ambiguïtés de l'époque dans ses rapports avec l'Islam et lesmusulmans. Il est à la fois fasciné par l'arabe, qu'il a appris d'un esclave musulmanacheté à cet effet, hanté par le souci de la conversion des musulmans, qu'il tente àplusieurs reprises d'aller convaincre jusqu'au Maghreb, et pour laquelle il réclame lacréation d'écoles de langues, hostile à l'Averroïsme qu'il combat en s'appuyant surAvicenne et Ghazalï, et propagandiste de la croisade.

7. La croisade, l'Islam et l'Europe à la fin du Moyen Age

La Chrétienté n'a pas su ou vraiment voulu se mobiliser pour empêcher la prised'Acre par les Mamluks en 1291, mais l'annonce de l'événement en Occidentréactive dans les décennies qui suivent la propagande de croisade. Celle-ci, cependant,n'est plus le grand élan de la Chrétienté qu'elle était à l'époque de la premièrecroisade; elle mobilise principalement la classe chevaleresque, et prend plutôt l'aspectde plans et de projets militaires et diplomatiques plus ingénieux que réalistes, oùintervient au XIIIe siècle le mythe de l'alliance mongole.

Longtemps, des personnalités un peu anachroniques entretiennent avec ferveurl'idéal aristocratique de la croisade qui entraîne encore à plusieurs reprises aux XIyeet xye siècles la chevalerie d'Occident dans des aventures orientales. Le meilleurexemple en est l'auteur du Songe du vieil péierin, le chevalier français Philippe deMézières (v. 1327-1405), qui participa à la croisade contre les Turcs organisée par ledauphin Humbert II de Yiennois en 1345-1347, fonda l'ordre de la Passion de Jésus­Christ pour combattre les infidèles, fut conseiller de l'actif roi de Chypre Pierre 1er deLusignan -lui-même grand zélateur de la croisade- participa au commandement dudébarquement que celui-ci fit en Egypte en 1365, et finit sa carrière commeprécepteur du roi de France Charles YI(68 l. A l'expédition de 1365, comme à lacroisade de Barbarie que le duc Louis II de Bourbon, avec l'approbation du roi deFrance Charles YI, dirigea en 1390 contre Mahdiya, participèrent des Allemands, desAnglais,. des Italiens(69l. A une époque où tendent à s'exacerber des sentiments pré­nationaux dans les Etats en formation en Eurore, et en dépit de fréquents

(67) P. Guichard, Les Musulmans de Valence et la Reconquête, t. Il Damas, 1991. pp. 421-479.

(68) N. .k>rga, Philippe de Mézières 1327·1405 et la croisade au XIVe siècle, Paris, 1896.

(69) F. Autrand, Charles VI, Paris, 1986, p. 257·260.

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antagonismes entre les chevaliers ou les souverains des différentes origines au coursdes expéditions ou lors de leur préparation, la croisade, encouragée par la papauté,continue à apparaître comme une entreprise européenne.

A la fin du XIve siècle, la menace turque en Europe orientale semble luidonner une légitimité et une actualité nouvelles, illustrées par la croisade franco­hongroise de Nicopolis en 1396(70). La chute de Constantinople en 1453 ne fitqu'intensifier ces sentiments, mais surtout en Europe orientale. Ainsi le roi deBohême Georges de Podiébrad forme-t-il et présente-t-il aux souverains chrétiens en1462-1464 un curieux projet de pai~ en Chrétienté, "communauté européenne" avantla lettre, qui aurait reposé sur des institutions établies, et dont le but affirmé étaitd'organiser la lutte contre les Turcs(7I). S'agit-il encore de "croisade"? la Bohême estalors au centre des contradictions politico-religieuses qui déchirent l'Europe, etGeorges de Podiébrad y représente le courant hussite réformateur, héritier direct desidées du réformateur anglais Wyclif, et ne tarde pas à être violemment combattu par lapapauté qui, deux ans plus tard, prêchera contre lui une croisade.

Bien loin de tendre à l'union, l'Europe, en effet, se divisait plus que jamaisentre les tendances religieuses et leur support souvent "pré-national". Il faudraitdéfinir, à chaque moment, les attitudes de chaque parti face à l'Islam. Les écrits duréformateur anglais Wyclif, dans les années 1378 à 1384, établissaient un parallèlesystématique entre les traits qu'il prêtait à la religion musulmane et ceux queprésentait à ses yeux l'Eglise établie d'Occident, corrompue par la richesse et lepouvoir temporel, sous le contrôle de la papauté. Les vices qu'il reproche à l'Islam nediffèrent pas de ceux qui caractérisent cette Eglise qui, en un sens, est "musulmane",La réforme de l'église prime donc absolument sur la lutte contre l'Islam, et leressourcement du christianisme doit suffire à causer le dépérissement de l'Islam. Onnotera que Wyclif écrit à une époque où le danger arabe n'existe pratiquement plus enOccident, du fait de la faiblesse des Etats post-almohades, et où le péril turc ottomanqui commence à poindre en Orient n'est pas encore véritablement ressenti enEurope(72).

Dans la politique européenne, et en dépit de la menace ottomane plus vivementressentie à l'Est de la Chrétienté, l'Islam apparaît souvent moins comme un corpspolitique unifié contre lequel il serait urgent de s'unir, que comme un ensemble depouvoirs méditerranéens insérés dans un jeu diplomatique globalement dominé par lespuissances rivales de l'Europe méridionale. Cette vision des choses coexisteI()nguement avec l'idéal de croisade. Déjà les Etats croisés d'Orient ou les royaumeschrétiens d'Espagne à l'époque de la Reconquête n'avaient pas dédaigné les alliances

(70) Ibid., pp. 342-343.

(71) The Universai Peace Organization ofKing George ofBohemia (1462-1464). Prague, 1964(information fournie au cours d'une conférence d'agrétation par Colette Beaune).

(72) R.W. Southem, Western views ofIslam in the Middle Ages, pp. 77-83.

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temporaires avec tel ou tel souverain musulman, au besoin contre d'autres chrétiens.La papauté elle-même, longtemps principal soutien du courant "croisadiste", finit parparticiper activement à ces jeux diplomatico-militaires.

L'exemple le plus éclatant de cette évolution est, à l'extrême fin du xve siècle,la politique d'Alexandre VI Borgia, que l'on présente parfois cependant, en dépit ducaractère très peu religieux du personnage, comme un fervent "croisadiste". Dans lesm:nées 1490-1494, opposé aux ambitions du roi de France Charles VIII qui veutchimériquement conquérir l'Italie pour en faire la base d'une croisade pour lareconquête de Constantinople 'et de Jérusalem, Alexandre VI s'allie ouvertement ausultan de Constantinople Bayézid pour qu'il pousse les Vénitiens à s'opposer àl'entreprise française(73). C'est le même pape qui, en 1493, partage les nouveauxmondes découverts en Amérique entre Espagne et Portugal, confiant à leurs rois lesoin de les évangéliser: il est évident que l'Europe chrétienne, qui avait déjàcommencé avec l'épisode mongol à se départir de la vision dualiste d'un mondepartagé exclusivement entre chrétiens et musulmans, élargit alors brusquement seshorizons bien au delà du "lac" entre Islam et Chrétienté que constitue désormais laMéditerranée. Il est évident aussi que ce n'est pas sur la base d'une hypothétiqueunion politique entre princes européens que peut s'organiser l'Europe, mais sur celledes Etats monarchiques, en âpre compétition les uns avec les autres.

Alors que le Nord et le centre de l'Europe s'engagent dans l'aventure de laRéforme, dans le monde catholique l'avenir semble appartenir aux royaumesibériques qui avec la prise de Grenade (1492) achèvent au même moment laReconquête. En 1494, par le traité de Tordesillas, les rois catholiques d'une part, lePortugal de l'autre, réaménagent le partage du monde établi l'année précédente par lepape eH déplaçant de 370 lieues à l'ouest des îles du Cap Vert la ligne de marcationentre leurs possessions prévues. Cet acte même ne diffère pas tellement des traités queles Etats hispaniques avaient passés entre eux au cours du Moyen Age pour separtager les territoires péninsulaires à reconquérir sur l'Islam. L'enjeu, évidemment,était tout autre, le champ d'action de l'Europe s'étendant désormais au monde entier.A la même époque, en dépit de la puissance et du prestige persistants des grandespuissances islamiques orientales que sont encore au XVIe siècle l'empire ottoman etla Perse séfévide, en avant garde des flottes européennes de l'époque moderne,Castillans et Portugais ont définitivement contourné le monde musulman, jusque làintermédiaire obligé entre l'Europe et les mondes extrême orientaux, pour atteindredirectement les Indes orientales.

Pierre GUICHARDUniversité Lumière - Lyon 2

(73) M. Rodinson, Lafascination de ['Islam, p. 54.

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Hespéris.Tamuda, Vol. XXXV, Fasc. 2 (1997), pp. 107·120.

LA GAUCHE LYONNAISE FACE AUX ÉVÉNEMENTSDU RIF (1925-1926)

Mohammed KHARCHICH

Il est clair que la gauche lyonnaise a joué un rôle prépondérant dans la viepolitique de la région dans les années vingt. A cet égard, il est inutile de rappeler quecelle-ci constituait l'un des bastions les plus forts du mouvement radical en Franced'autant plus que le maire de Lyon n'était autre que le leader du parti radical etradical-socialiste, en l'occurrence Edouard Herriot.

Pour ce qui est des deux autres partis de gauche (SFIO et SFIC), chacund'entre eux prit un nouveau départ après le congrès de Tour (décembre 1920).Conformément aux alliances électorales signées par les états-majors des deuxformations, les radicaux et les socialistes s'engagèrent dans les élections législatives(mai 1924) et municipales (mai 1925)(1) sur les listes du "Cartel des gauches"(2).

Les deux partis remportèrent un succès indiscutable à Lyon, notamment lessocialistes qui prirent un avantage important sur le plan local en devenant le groupemajoritaire du conseil municipal. Cela étant, les radicaux comptèrent le plus grandnombre de députés(3). L'alliance établie entre les deux pIincipaux partis de la gauchelyonnaise limita sensiblement la marge de manœuvre du jeune parti communiste quiétait encore en phase d'organisation après quelques années d'existencè, puisque lamajorité écrasante des élus nationaux et locaux ainsi que les militants les plusexpérimentés étaient restés fidèles à la "vieille maison" après la scission. De ce fait,les résultats remportés par le P.C. furent décevants, à tel point que le seul député

(1) S'agissant des élections municipales, il n'y avait que quelques listes séparées. Cf LyonRépublicain (fin avril, 10 mai ]925).

(2) Le Cartel des gauches se composait du parti radical et radical socialiste (Les Radicaux), dela SFIO et des républicains socialistes.

(3) Cf Archives départementales du Rhône AD 4M 163 (Enregistrement des coupes files 1998-1925).

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SFIO qui avait rejoint le P.C. en 1920, en l'occurrence G. Lévy, perdit son siège enmai 1924(4).

Sur le plan national, le déclenchement de la guerre franco-rifaine le 13 avril1925 coïncide étrangement avec le départ d'Edouard Herriot de la présidence duconseil et la formation du deuxième gouvernement cartelliste de la législature parPainlevé(5). Le contexte politique métropolitain était donc marqué par la présence àla tête de l'exécutif d'un gouvernement de gauche qui avait à affronter le premiersoulèvement anti-colonial sérieux après la première guerre mondiale.

Cependant, il ne faut pas oublier que la guerre du Rif durait depuis quatre ansdéjà. Elle avait commencé au moins de juillet 1921, lorsque des résistants rifainsinfligèrent aux troupes espagnoles, en pleine phase d'occupation de la région, ladéfaite, la plus humiliante de leur histoire coloniale. En conséquence, le nomd'Aboelkrim devint le symbole de la lutte anti-coloniale non seulement dans le nord­marocain mais aussi dans la zone française.

Tout le monde sait que les événements survenus dans le Nord marocain aumois d'avril 1925(6) ont provoqué un débat animé au sein de l'opinion publiquefrançaise. Evidemment, toutes les formations politiques y ont participé sur le plannational et régional. Pour cela, nous nous proposons d'exposer dans cet articlel'ensemble des réactions de la gauche lyonnaise face à ce problème colonial. Il s'agità cet égard du parti communiste (SFIC), du parti socialiste (SFIO) et du parti radical.y avait-il un consensus dans leurs réactions? Peut-on parler d'une spécificitérégionale?

1 - L'OPPOSITION CATÉGORIQUE DES COMMUNISTES

Aussitôt la nouvelle du déclenchement de la guerre franco-rifaine connue enFrance métropolitaine, le parti communiste qui avait du mal à accepter la décision ducartel à interdire "toute manifestation" le 1er maiO), publia en première page de sonquotidien deux articles retentissants: l'un sur le "1er Mai antifasciste" et l'autreintitulé: "Les troupes françaises ont ouvert les hostilités contre Abdelkrim". Cedernier constitua le prélude d'une grande campagne de mobilisation que lescommunistes orchestrèrent contre la guerre du Maroc et la politique économique et

(4) L'absence de tout débat animé sur la guerre du Rif au sein du conseil municipal et au conseilgénéral nous amène à supposer que la représentativité communiste dans la région était très limitée.

(5) Pour ce qui est de l'attitude de la gauche française, cf le travail magistral de Oved (G) - Lagauche française et le nationalisme marocain 1905-1955. L'Harmattan, 1982. Tome Il .. et aussi lescommunications présentées à cet égard lors du colloque sur "Abdelkrim et la République du Rif'. 18-20janvier 1973, Maspéro- 1976.

(6) Cf notre travail, La France et la guerre du Rif 1921-1926, Thèse de Doctorat, UniversitéLumière Lyon Il - juillet 1989, inédite.

(7) L'Humanité du 29 avril 1925.

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sociale du gouvernement du "cartel des gauches". Dans la région lyonnaise, le particommuniste, soutenu par la CGTU, les jeunesses communistes (J.e.) et l'ARAC(l'association républicaine des anciens combattants), n'a pas ménagé ses efforts poursensibiliser l'opinion et la mobiliser contre cette guerre coloniale.

Avant tout, nous tenons à préciser que le dépouillement des archivesdépartementales ne nous a pas permis de déceler un seul document faisant référenceà la guerre du Rif avant mai 1925(8).

A partir de la première quinzaine de mai, on assista à la création d'un "comitécontre la guerre" suivie par un meeting le 29 mai 1925 qui, selon le secrétaire de laCGTU, "... a réussi, puisque nous avons dû refuser du monde à la mairie du 6°arrondissement... "(9).

Le 12 juin, lors d'une réunion de la CGTU régionale, les participants se mirentd'accord sur la nécessité d'entreprendre "... Une propagande intense... pour amenerle prolétariat à nous soutenir afin d'obtenir la paix avec un peuple qui ne demandequ'à vivre sur le territoire de ses ancêtres"(lO).

En conséquence, de nombreux meetings furent organisés: certains d'entre euxavaient attiré des foules importantes tandis que d'autres avaient constitué un échecflagrant, compte tenu de "... l'indifférence de la classe ouvrière". Ce qui amena lesecrétaire du "comité d'action contre la guerre du Maroc" à se demander "... sibeaucoup de prolétaires ne seraient pas contents de repartir à la guerre"(II).

Ayant donc la preuve que les mots d'ordre concentrés essentiellement sur laguerre ne pouvaient à eux seuls mobiliser les masses ouvrières, le comité d'actionadopta une tactique plus réaliste. Il mit l'accent sur les nouveaux impôts instaurés parCaillaux et leurs répercussions néfastes sur le pouvoir d'achat des travailleurs tout enstigmatisant le caractère impérialiste de la guerre. Et c'est dans cette optique que lecomité d'action décida l'organisation d'un congrès des ouvriers et paysans de larégion lyonnaise pour le 9 août ayant comme but principal de réaliser le front uniquede tous les travailleurs pour protester contre la "vie chère" et la guerre du Maroc. .

(8) Cf A.D. 4M 268 (Congrès-réunions). Le 2-3-1924. Rappon sur le Congrès fédéral du P.e. àVilleurbanne. Rappon daté du 18 mars 1925 sur une réunion organisée à Lyon par la CGTU: "...D'accord avec le P.e., nous aurons à former les comités d'unité prolétarienne destinés à lutter contre lefascisme" etc...

(9) A.D. 4M 260. Rappon de police sur une réunion du comité général de l'union des syndicats(e.G.T.U.), Lyon, 6jJuin 1925.

(10) Ibid., Lyon, l2juin 1925 (Rappon de police).

(II) Ibid., Lyon, 23 juin 1925 (Rappon sur les travaux du Congrès dépanemental de la CGru.

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* Le Congrès ouvrier et paysan de la région lyonnaise:

La tenue de ce congrès fut l'aboutissement d'une grande campagne demobilisation entreprise par les militants communistes depuis le mois de mai auprèsdes ouvriers dans différents secteurs de l'économie régionale. Celle-ci se poursuivitsans relâche malgré les hésitations des uns et l'indifférence des autres tout au long depremier mois de son lancement. Après quoi, les responsables de cette propagandeétaient amenés à tirer les conclusions qui s'imposaient pour adapter leur action avecla conjoncture socio-économique et politique, nationale et régionale( 12). De plus, leuraction a été favorisée par les éléments suivants:

• Le fléchissement sensible, à droite, de la politique fiscale du gouvernementavec le retour de Caillaux au ministère des finances, constituait un facteurimportant de mobilisation.

• L'inertie des socialistes lyonnais devant l'évolution de la situation au Maroc.

• L'envoi des renforts donnait lieu à des manifestations spontanées, de la partdes familles des jeunes soldats, contre la guerre; d'autant plus que le nombrede morts enregistré entre avril et juillet 1925 était considérable et dépassait,de loin, la moyenne des pertes humaines recensées au cours des précédentescampagnes coloniales.

Ce contexte plutôt favorable permit, me semble-t-il, au P.C. non seulement demobiliser ses troupes mais bien au-delà de séduire une partie des militants de laS.F.I.O. déçue par la position de leur parti. Ce qui permit la présence au sein de ceCongrès des syndicalistes (C.G.T.) et des conseillers municipaux (S.ELO).

En tout cas, le congrès ouvrier et paysan eut lieu, le 9 août, dans la salleEtienne DoUet à Lyon en présence de "950" délégués représentant "350000travailleurs" de la région. On notait:

• Il délégués représentant 6 syndicats confédérés.• 14 délégués représentant 8 syndicats autonomes.• 82 délégués représentant les cellules communistes.• 12 délégués de l'union socialiste communiste.• 38 délégués de l'A.R.A.c.• 3 délégués du secours !'Ouge.• 8 délégués du "!liage paysan.• 5 représentants de municipalités communistes.• 3 représentants de municipalités socialistes.• 239 ouvriers syndicaliste unitaires.

(12) Il faut dire que le climat social dans la région était explosif: la grève des employés debanque dura de fin juillet jusqu'au 18 septembre et celle des maçons se couronna par la grève de 24 h le23 septembre 1925. Cf A.D. lOMPI73.

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LA GAUCHE FRANÇAISE FACE AUX ÉVÉNEMENTS DU RIF III

• 134 ouvriers communistes.• 123 des ouvriers inorganisés.• 16 délégués représentant les ouvriers syndicalistes confédérés.• 12 délégués représentant les ouvriers syndicalistes autonomes.• 5 délégués représentant des ouvriers socialistes-communistes (... )(13).

Lors de la séance d'ouverture, un présidium fut composé des représentants desprincipales organisations politiques, syndicales et paysannes présentes aucongrès(l4). Tout au long de la matinée, les intervenants de différentes tendances sesuccédèrent à la tribune pour exalter cet "événement marquant dans l'histoire dumouvement ouvrier" de la région lyonnaise. Ils mirent tous l'accent sur la nécessitéde constituer un front unique de toutes les forces "... victimes de la politiqueactuelle" sous l'égide du comité légional d'action.

Mais derrière cette "unité de façade", un grand fossé séparait les deuxtendances: communiste et socialiste qui cohabitaient au sein de ce congrès. Car, lescommunistes, à l'image de Fromage, le secrétaire fédéral du parti, concentraient leursattaques sur l'attitude défaillante "des socialo-patriotes" "qui se font les complices dela Banque de Paris et des Pays-bas", et essayaient de montrer le bien-fondé dufameux mot d'ordre communiste: "la fraternisation des soldats français et desRifains" en se référant aux précédents des marins de la Mer noire et des soldats de laRuhr.

Juste après, Brantozzi (syndicats confédérés des tabacs de Lyon) se déclarapour l'unité des syndicats unitaires et confédérés pour "imposer la fin de la tueriemarocaine" sans pour autant qu'il fasse allusion aux mots d'ordre exaltés par lescommunistes depuis le début de la campagne rifaine, en l'occurrence la fraternisationet l'évacuation du Maroc.

Le point fort de cette journée fut, l'intervention du secrétaire du comité èentrald'action contre la guerre du Maroc: Maurice Thorez(l5). Celui-ci assura lesparticipants que la guerre du Maroc n'est "qu'un épisode de la grande bataille qui selivre à travers le globe entre les exploiteurs et les exploités~'. Il fallait donc agirrapidement pour grouper les masses ouvrières "sous nos drapeaux" et pour" imposerla paix et lutter pourla révolution prolétarienne" (16).

Le discours de clôture fut prononcé par la secrétaire de la CGTU, Racomond,qui incita la classe ouvrière pour se préparer à "la grande bataille" qui l'attendait

(13) AD compte rendu du Congrès ouvrier et paysan, (l'Humanité régionale).

(14) Il se composait de: Berthet (Métaux), Merlin (PC), Brantozzj (Tabac confédéré), Bernard(Métaux), Duranthon (CGTU), Poutannier (Ménagère), Paillet (S.F.I.O.), Sanghor (Colonial), Faure(Paysan), Idem.

(15) Il est élu en 1924 membre du comité central du P.C.F. et en 1925, il entre au bureaupolitique et devient en même temps secrétaire à l'organisation.

(16) Compte rendu du Congrès, déjà cité.

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contre les "menées sanglantes de l'impérialisme". Enfin, une manifestation"spontanée" se dirigea vers la gare et en route "...une foule immense rejoint lesdélégués en chantant l'!nternationale"(l7).

* Les résolutions du Congrès:

Les plus importantes sont les suivantes:

1 - Le Congrès demanda à tous les ouvriers de se grouper dans des "comitésd'unité prolétarienne" sous les auspices du P.e. et de la CGTU en vue d'intensifier lalutte contre:

• La guerre du Maroc et de Syrie.

• L'encerclement de la révolution russe.

• Les nouveaux impôts et l'inflation.

2 - Le Congrès proclama la nécessité du boycottage de la fabrication, dutransport des munitions et tout matériel de guerre pour imposer l'arrêt de l'effusiondu sang au Maroc.

3 - Le Congrès adopta la proposition de la CGTU prévoyant une grèvegénérale contre la guerre du Maroc "...qui tue nos enfants... et qui coûte desmillions..." et chargea le comité central d'en assurer la préparation et d'en déterminerla date en accord avec les organisations syndicales.

Le succès du Congrès régional laissait présager l'intensification de l'actioncontre la guerre du Maroc dans les conditions favorables compte tenu de l'élanmobilisateur qui se profilait à l'horizon bien au-delà du mouvement communistelocal. Mais ce "consensus" qui commençait à se dégager au sein du mouvementouvrier de la région lyonnaise pouvait-il résister aux arrières-pensées partisanes deses tendances?

*La préparation de la grève de 24 heures

Conformément aux décisions du Congrès, le bureau régional décida, au coursd'une réunion du 7 septembre, de convoquer une assemblée d'information de toutesles organisations politiques et syndicales de Lyon, en vue de continuer l'action contrela guerre du Maroc. Effectivement, la réunion eut lieu le 16 septembre, à la salle desemployés de commerce. Les deux délégués auprès du comité central d'action, Révolet Chambon (communistes), prirent la parole pour préciser que la date de la grèven'était pas encore fixée et qu'il fallait, dès lors, entamer une action de sensibilisationauprès de l'opinion par le biais d'affiches et de tracts et faire la propagande chez lesouvriers sur les chantiers et dans les usines... "pour lutter victorieusement pour la

(17) Idem.

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journée de 8h, contre le chômage, pour des salaires en rapport avec le coût de la vie,contre lefascisme et pour la cessation immédiate de la guerre"(l8).

Parallèlement, le 18 septembre eut lieu une réunion des conseils des syndicatsunitaires en présence de Révol qui transmit aux syndicalistes les recommandationsdu comité central d'action contre la guerre concernant la préparation de la grève de24 h tout en insistant sur le fait que la tâche principale des syndicalistes unitairesétait de convaincre les travailleurs de transport (bus, tramways) de se joindre au motd'ordre de la grève(l9).

De surcroît, le groupement des syndicats des tabacs et des maçons (C.G.T.) etceux des cheminots de Lyon (CGTU) aboutit à la création d'un "comité d'unitésyndicale". Ce qui permit l'organisation d'un meeting commun le 26 septembre à labourse du travail. Tous les orateurs insistèrent sur la nécessité de l'unité syndicale.Mais, celle-ci ne pouvait se réaliser, à leur avis, qu'avec la reconstitution de la c.G.T.unique "pour lutter victorieusement pour la journée de 8h, contre le chômage, pourdes salaires en rapport avec le coût de la vie, contre le fascisme et pour la cessationimmédiate de la guerre"(20).

Malgré leur détermination, les membres du comité régional d'action étaientconscients que leur marge de manœuvre était très réduite du fait de l'indifférencemanifestée par les "masses ouvrières" à l'égard de cette grève. Et de ce fait, sonsuccès dépendait, en grande partie, de l'arrêt du travail des employés des transportsen commun. Leur objectif s'annonçait très difficile à réaliser car "... sur plus de 3000employés de tramways, une centaine seulement sont affiliés au P. c.. Seuls ceux-cichômeraient si l'ordre de grève était donné... "(21). Les autres syndicats (la bourse detravail et l'union des syndicats confédérés (C.G.T.) refusèrent de cautionner le motd'ordre de grève en raison de son caractère purement politique.

Les rapports de la préfecture du Rhône fournissent des éléments nouspermettant d'affirmer que dans les autres "villes" de la région, la situation n'était pasmeilleure. A. Villefranche, le comité d'action organisa une réunion d'information le 5octobre(22). A Tarare, seuls quelques militants communistes avaient organisé uneréunion rassemblant "une dizaine de personnes (... ) et qui n'a donné aucunrésultat... "(23).

(18) AD JOMP/73 Lyon 17 septembre 1925. Rapport adressé au ministère de l'intérieur par lesservices de la préfecture de Rhône.

(19) AD. 4M 260, Lyon, 21 septembre 1925, Rapport du Commissaire spécial.(20) AD. 4M 260, Lyon, 29 septembre 1925, Rapport du Commissaire général.(21) AD. JOMP/73 Lyon, 7 octobre 1925, Rapport adressé par le préfet au ministre de

l'intérieur.(22) Selon le rapport de la sous-préfecture, deux militants communistes, l'un de Lyon et l'autre

de Mâcon, s'étaient déplacés pour expliquer aux "120 personnes".. qui assistaient à la réunion les enjeuxpolitico-économiques de la guerre tout en les incitant à participer à la journée de grève qui s'annonçaitimminente. Cf AD JOMP/73 Rapport du sous-préfet de villefranche.

(23) Ibid, Villefranche, 10 octobre 1925, Rapport du sous-préfet.

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Devant cette indifférence de fait, sur le terrain, certains militants auraientmêmè. proposé le renoncement à cette manifestation pour éviter un échec prévisible"... quV ne pourra que porter un préjudice moral aux organisations révolution­nairesl'(24).

En tout cas, le suspense aurait duré jusqu'au bout quant à l'annonce officiellede la date de la grève. Car, ce ne fut que le 9 octobre que le secrétaire fédéral du P.C.affirma qu'il avait reçu "... l'ordre de grève générale de 24 heures, fixée du lundi 12octobre par le Comité Central d'action". Le lendemain, le dernier meeting decampagne fut organisé à la mairie du 6° arrondissement(25).

En bref, comme le souligne un rapport de la préfecture, "... les nombreuxappels du comité régional d'action, du parti communiste et de la ccru sont restéssans effet sur la grande majorité des ouvriers de l'agglomération lyonnaise"(26). Car,le 12 octobre la vie normale de la cité n'avait pas été troublée et tous les grandsservices publics fonctionnaient normalement.

Dans le secteur le plus touché par la grève celui de la métallurgie, le nombredes chômeurs "ne dépassait pas, selon les rapports de police, les 8%". S'agissant dusecteur des transports en commun (bus et tramways), le nombre de grévistes étaitir,signifiant(27).

Ainsi s'acheva en débandade tout un processus de lutte et de mobilisation quiavait duré tout au long de l'été 1925.

Avait-on les moyens et l'opportunité pour relever ce grand défi?

II· LA DIVISION DES SOCIALISTES

Contrairement aux communistes, les socialistes de la région lyonnaise étaientdivisés sur le problème rifain. C'est en tout cas ce qui se dégage facilement de leursréactions. Car si les socialistes de Lyon, adoptèrent une position très proche, pour nepas dire similaire, à celle des radicaux, ceux de l'Isère se montrèrent très critiquesvis-à-vis de la position officielle du parti et notamment au parlement. De ce fait, onpeut parler de l'existence de deux positions distinctes:

1· La "majorité municipale"de Lyon et les députés du Rhône

Tout d'abord, il faut préciser que les élections des 3 et 10 mai t925 avaientdonné à la S.F.I.O., pour la première fois dans son histoire, la majorité absolue au

(24) AD. IOMPI73 Lyon, 7 Octobre 1925. Du préfet du Rhône au ministre de J'intérieur.

(25) Les principaux orateurs furent: Rosain (des maçons), a. Lèvy (ancien député PC), Foulon(Caro) et Rousseau (S.F.I.O.).

(26) AD. IOMP173 Lyon, 12 octobre 1925.

(27) AD. Ibid.

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sein du conseil municipal. Malgré leur succès indéniable, les socialistes décidèrentde voter à l'unanimité en faveur de la candidature du maire sortant Edouard Herriot.Avant l'élection, le secrétaire fédéral Darme exposa dans une déclaration les raisonsqui avaient déterminé le choix des socialistes. Parmi les raisons invoquées "... lesévénements politiques actuels (. .. ), les difficultés d'ordre intérieur et internaticnalnon encore surmontées". Ce qui donne, selon lui, à l'élection du "citoyen" Herriot"... une signification et une portée qui dépassent les limites de notre cité"(28).

Cette déclaration ne permet pas de déceler la moindre divergence entre lessocialistes et les radicaux lyonnais au moment où le débat sur les événements duMaroc divisait sensiblement dans d'autres régions les deux principales composantesdu cartel.

Le 22 mai, Darme prit la parole, au conseil général, pour s'aligner sur laposition des radicaux au sujet du Maroc. Il commença certes, par un rappel glorieuxdu combat anti-colonial de Jaurès avant de se rétracter de facto en disant que "...c'estdu passé" car, ce qui importait le plus, à ses yeux, devant une situation pareille,c'était de "...dégager le gouvernement des accusations portées contre lui". Et à cetégard, il estima que les explications fournies par E. Herriot lui "...donnent toutesatisfaction et suffiront à rassurer l'opinion publique en lui apprenant que lesopérations engagées ne le sont pas dans un but de conquêtes nouvelles, mais pourfaire respecter les droits antérieurs de la France... "(29).

Parallèlement, le député du Rhône Marius Moutet se montra lors d'un débatsur "l'origine du conflit rifain" au sein de la ligue des droits de l'Homme, le plusdécidé à défendre la thèse officielle du gouvernement en affirmant que "... tous lesprétextes invoqués par Abdelkrim sont faux. Les marchés réguliers ne lui ont jamaisété fermés, nous nous ne sommes opposés qu'aux pillages opérés par lui et par sespartisans"(30). Et au cours du débat parlementaire sur les crédits, Mout~t menaçamême de quitter le groupe socialiste si celui-ci prônait l'abstention.

Tous ces éléments permettent d'avoir une idée assez claire sur la positi.onadoptée par les socialistes lyonnais face aux événements du Maroc.

2· Les socialistes de l'Isère

La consultation de l'hebdomadaire "le Droit du peuple" (organe desfédérations socialistes S.F.I.O. de l'Isère, du Rhône et de la Savoie) nous a permis deconstater que la position des socialistes de l'Isère au sujet du problème rifain différaitsensiblement, pour ne pas dire radicalement, de celle des socialistes du Rhône.

(28) Lyon Républicain du 18 mai 1925.

(29) Débats au conseil général du Rhône, Séance du 22 mai 1925.

(30) Cahiers des droits de l'Homme 1925. Séance du comité central du 6 juillet 1925, pp. 375-376.

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Lors du Congrès de la fédération de l'Isère, au cours de la dernière semaine deJUIll 1925, tous le~ orateurs, militants et élus locaux ou nationaux, réclamèrentl'armistice au Maroc et l'ouverture des négociations de paix avec Ben Abdelkrim. Età la suite du vote par le groupe parlementaire socialiste des crédits militaires, lesecrétaire fédéral Lucien Russel n'hésita pas à demander que la réunion du conseilnational, prévue pour 12 juillet, soit anticipée. Car, "... le désaccord entre le groupeparlementaire et les masses socialistes semble plus grand encore. Nos députés n'ontpas interprété la volonté socialiste. Ils invoqueront sans doute une documentationqui nous manque (... ). Ils ne nous convaincront pas, poursuit-il, après des annéesd'expérience que le meilleur moyen d'avoir la paix c'est de continuer laguerre... "(3 1).

Les réponses "rassurantes" apportées par Painlevé aux interrogations deRenaudel sur les intentions du gouvernement, amenèrent Léon Blum à publier dansle journal grenoblois un article intitulé "c'est d'Abdelkrim que dépend la solution duproblème rifain", où il souligna qu'un progrès décisif avait été enregistré "vers lasolution de la question marocaine" puisque le gouvernement, selon lui, entendaitbien conduire le conflit vers "une paix rapide", et ce sans se laisser arrêter ni par"...les arrières-pensées conquérantes de certains militaires" ni par" les préjugésformalistes de certains diplomates", tout en ajoutant que le gouvernement françaisétait disposé à conclure la paix sur la base "de l'indépendance effective des tribusrifaines groupées autour d'Abdelkrim" (32) .

Léon Blum s'attendait, sans doute, à ce que son article puisse circonscrire lescepticisme sinon la déception des socialistes locaux devant la position de leurdirection. Il ne semble pas qu'il ait réussi son "pari" puisque, à peine une semaineaprès, Bussel, partant du fait que le gouvernement avait un désir de faire la paix, sedemanda pourquoi il ne fait pas "...officiellement et publiquement une offre decessation immédiate des hostilités". Il rappela au passage que les deux fédérationssocialistes de l'Isère et de la Seine avaient voté des résolutions allant dans ce senslors de leurs congrès respectifs, avant de conclure que "... la paix n'est pas une chosesi difficile quand on la veut sincèrement"(33).

A. Pressemane, député de l'Isère, déplora pour sa part, que le gouvernementn'ait pas tenu sa promesse de "convoquer les chambres en cas d'événements graves"d'autant plus que les propositions "officieuses"(34) avancées par Abdelkrim offraient"une occasion meilleure pour faire la paix"(35).

(31) Le Droit du peuple: Samedi 27 dimanche 28 juin 1925.

(32) Le Droit du peuple: du 4 et 5 juillet 1925.

(33) Ibid, Il et 12 juillet 1925.

(34) Il fait allusion aux propositions d'Abdelkrim publiées par un journal anglais et rapportéespar la presse française à la fin de juillet 1925.

(35) Le Droit du peuple du 5 et 6 aotlt 1925. Article intitulé "M. Painlevé! Faites la paix!".

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LA GAUCHE FRANÇAISE FACE AUX ÉVÉNEMENTS DU RIF 117

Cependant, si la majorité des socialistes de l'Isère se contentait d'unecontestation à l'intérieur du parti tout en condamnant vigoureusement les motsd'ordre lancés par "les agents de Moscou" et notamment "la fraternisation" et"l'évacuation du Maroc", une minorité d'entre eux s'associa activement aux actionsdéclenchées par le parti communiste. ·En témoigne la présence de nombreux militantssocialistes au Congrès ouvrier et paysan de Lyon, au cours duquel Rousseau(conseiller municipal de Décines, Isère) prit la parole pour demander "aux ouvrierssocialistes de réaliser le front unique de toutes les forces prolétariennes au-dessusdes chefs s'il le faut, parce que ceux-ci trahissent le prolétariat"(36), Les documentscompulsés dans les archives départementales, montrent bien que cet élu socialistefaisait partie du "comité d'action régional" pour la préparation de la grève de 24h etqu'il avait participé, comme orateur, à de nombreux meetings organisés à cet effetpar le parti communiste.

III· L'APPUI TOTAL DES RADICAUX AU GOUVERNEMENT

La position des radicaux concernant les événements du Maroc ne diffère pas, àquelques nuances près, de celle du "bloc national".

Ils n'ont laissé passer aucune occasion pour affirmer leur soutien total à lapolitique marocaine du gouvernement Painlevé. Toutes les déclarations faites par lemaire de Lyon et certains élus radicaux sont, à cet égard, sans ambiguïté.

Au cours de la session du conseil général du Rhône du 22 mai 1925, EdouardHerriot tint à souligner, avec ardeur et fierté, qu'en tant que président du conseil, ilétait en plein accord avec Lyautey.. "dans l'attente des événements qui viennent de seproduire" tout en insistant sur le fait que celui-ci.. "est toujours demeuré dans sonrôle qui est d'agir le plus possible par les moyens pacifiques..."(37).

Cette mise au point de la part d'Herriot n'était pas fortuite puisqu'elle étaitadressée, à vrai dire, à la droite qui prétendait que le résident général le MaréchalLyautey n'avait par trouvé l'appui escompté de la part de l'ex-président du ,conseil.

Inutile de rappeler qu'Herriot occupa ce poste entremail924etavril1925.etde ce fait, il avait à se prononcer sur l'occupation des points stratégiques de l'Ouerghaque son prédécesseur Poincaré avait déjà approuvée.

Il n'opposa aucune réserve à cette avance puisque, comme il l'a souligné lui­même ultérieurement, "... la position occupée est sur le territoire confié à notreprotectorat"(38). De même ne prit-il pas en compte les recommandations formulées

(36) Compte rendu du Congrès ouvrier et paysan du 9 août. AD. IOMPI3f73.

(37) Débats de la séance du conseil général (22 mai 1925), Cf. Lyon RépubLicain du 23 mai1925.

(38) Lyon Républicain du 23 mai 1925.

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118 MOHAMMED KHARCHICH

par Calary de Lamazière dans son rapport sur le problème rifain qu'il avait remis auprésident du conseille 3 décembre 1924(39).

Après avoir exprimé sa conviction quant à l'effondrement prochain del'Espagne, le député du "centre gauche" estima qu'un conflit franco-rifain pouvaitêtre évité à condition de privilégier le diafogue avec Abdelkrim, d'autant plus quecelui-ci savait très bien, selon lui, qu'avec la France il n'avait d'autre alternative que"... l'accord ou la guerre (...) La porte cadenassée du Maroc français fermé à toutenégociation l'irrite et l'étonne. Disons-le, quand il en est temps encore: si l'on necause pas, le conflit éclatera au printemps". Pour cela, le rapporteur demandainstamment que des instructions fermes fussent données à la Résidence générale"pour éviter les paroles irréparables d'un impérialisme inutile"(40).

Encore faut-il ~outer que les premiers renforts envoyés au Maroc par Painlevéavaient tous été préparés minutieusement par le gouvernement Herriot. De surcroît,la maire de Lyon n'hésita pas, pour repousser les accusations "mensongères" de sesdétracteurs, à donner lecture d'une phrase extraite de la dernière lettre que Lyauteylui avait adressée le 12 mai 1925: "... je tiens à dire que je n'ai ja17Ulis été soutenu,compris et aidé mieux que par vous, par votre gouvernement et par le généralNoUet... "(41).

Devant les critiques répétées des socialistes et leurs menaces de se retirer ducartel si le gouvernement n'engageait pas des négociations sérieuses avec Abdelkrim,Herriot continuera inlassablement à prêcher"l'union des gauches". Et c'est dans cetteoptique qu'il orienta ses interventions lors des banquets "radicaux-socialistes" aucours de l'été 1925(42). A l'assemblée nationale, il lança un vibrant appel auxsocialistes pour ne pas rompre le contrat d'union tout en acceptant que "certainescirconstances amènent certaines réjlexions"(43).

Edouard Herriot usa, donc, de tout son poids politique et de son prestigenational et local pour minimiser à la fois l'ampleur de la campagne rifaine et laresponsabilité du gouvernement dans son déclenchement, tout en concentrant sescritiques contre les communistes qui étaient, à ses yeux, les véritables responsablesde la dégradation de la situation sur le terrain puisqu'ils cherchaient à exploiter "lefanatisme 17Ulrocain en poussant au meurtre les soldats français", et aussi contre le"bloc national" qui essayait d'exploiter cette affaire pour semer la division au sein du"cartel des gauches" et espérer sa dislocation.

(39) Edouard Herriot avait demandé à ce député, inscrit au groupe de la gauche républicainedémocratique et administrateur de la "Compagnie Chérifienne de Colonisation", de rédiger un rapportsur le problème rifain. (Archives du ministère de la guerre - Vincennes).

(40) AMG. 3H 101. Rapport adressé au Président du Conseil, ministre des Affaires Etrangères.

(41) Débats au conseil général. Cf. Lyon Républicain du 23 mai 1925.

(42) Soulié Michel, La vie politique d'Edouard Herriot. Ed. Armand Colin, 1962, p. 244 et sui.

(43) "Déclarations de Mr. Herriot à l'Assemblée" Lyon Républicain du 14 juillet 1925.

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LA GAUCHE FRANÇAISE FACE AUX ÉVÉNEMENTS DU RIF 119

En résumé, la majorité écrasante des radicaux lyonnais, comme d'ailleurs lesradicaux des autres régions françaises, estimait que le problème rifain mettait endanger "l'honneur du drapeau" et la "mission civilisatrice" de la France dansl'Afrique du nord et dans le monde islamique. Par conséquent, il fallait apporter lesoutien nécessaire au gouvernement dans son effort pour redresser la situation.

Néanmoins, il Y avait des voix contestataires qui s'élevaient contre cetteattitude, à l'image d'Etienne Antonelli qui dénonça, dans un article, le vote précipitédes crédits par le parlement "... sans étude, sans discussion (. .. ). Et les radicaux detrès bonne foi, répondent à cet appel vraiment désespéré et les socialistes eux-mêmesdoivent s'abstenir et la masse républicaine ne comprend plus et se demande où sontceux qui la trompent et qui la trahissent...", avant de conclure son article en disant:"... Ainsi, chaque jour la ploutocratie bancaire joue de la patrie en danger commeelle joue d'une mauvaise nouvelle pourfaire un coup de bourse... "(44).

En guise de conclusion, on peut dire que l'attitude de la gauche lyonnaise vis­à-vis du problème rifain était conforme, dans son ensemble, aux orientations prônéespar les états-majors parisiens. Certes, les socialistes lyonnais n'avaient pas pu adopterune position commune. Mais l'oscillation de celle-ci entre l'approbation et la critique"timide", illustrait bien les divergences au sein de la direction du parti entre ceux quine voulaient pas rompre "l'alliance" avec les radicaux, surtout pas à cause de cetteaffaire, et ceux qui estimaient que les socialistes devaient rester fidèles à leur"éthique de conviction" et de ce fait, ils ne pouvaient cautionner la politiquerépressive du gouvernement. Autrement dit, la division constatée au sein de laS.F.I.O. lyonnaise n'est qu'un exemple parmi tant d'autres(45). Pour ce qui est del'action entreprise par les communistes tout au long de l'été elle entrait dans le cadrede la campagne lancée par le "comité national d'action" contre la guerre. Et on a vuque la date de la grève de 24 heures n'a été connue à Lyon que deux jours avant ladate fixée.

Mohammed KHERCHJCHUniversité Abdelmalek EssaâdiFaculté des Lettres - Tétouan

(44) Extraits de l'éditorial d'Etienne Antonelli intitulé "Pour la démocratie sociale" LyonRépublicain du 6 juillet 1925.

(45) Sur ce point cf Oved (G). op.cit., pp. 254-261.

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120 MOHAMMED KHARCmCH

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Hespéris-Tamuda, Vol. XXXV, Fasc. 2(1997), pp. 121-130.

LE RITUEL COMME ACTION SANCTIFIANTEDES LIENS INTERGROUPES:

Le cas de "tac;la" au Maroc(l)

Hammou BELGHAZI

L'homme accomplit des rites religieux ou civils pour marquer le passage d'unétat, d'un statut, d'un monde... à un autre(2); exemple: le passage du profane au sacré,du célibat au mariage, de la guerre à la paix ou inversement. Dans le Maroc précolo­nial, société à État traditionnel dépourvu d'une puissante organisation centralisatrice,les conflits, si fréquents, se déroulaient à deux niveaux: d'un côté entre le Makhzen(pouvoir central) qui luttait sans relâche pour assujettir l'ensemble du pays et lestribus dissidentes qui lui résistaient farouchement; de l'autre, entre les composantesd'une tribu, les tribus d'une "confédération" ou les "confédérations" de tribus. Sur cesecond plan, notamment à l'intérieur des régions insoumises à l'administration del'autorité souveraine, le maintien de l'équilibre intra - et intertribal se réalisa aumoyen, entre autres, de pactes intergroupes tels que le traité de taçla.

Nom d'action féminin du parler berbère tamazight, le mot taçla semble. ausens tymologique, désigner l'allaitement collectif; il dériverait de la racine DO ou

TI) qui fournit le verbe ddeçi ou tteçi (téter) et les autres termes de la même famille

lexicale: oçiouçi (action de téter, succion), asoutteçl (allaitement), amsouttaçl (allaite­ment réciproque) etc.. Au point de vue sociologique, la taçia est un lien bilatéralservant d'abord à faire passer \es parties contractantes (tribus ou/et fractions detribus) de la situation belliqueuse à la situation pacifique, elle peut se définir commeune institution coutumière fondée sur un ensemble de pratiques et de croyancespopulaires qui, pour ainsi dire, lui donnent un caractère sacré et, partant, le pouvoir

(1) Version légèrement modifiée d'une communication présentée au cours des CinquièmesRencontres Sociologiques de Besançon (02/10/1995). La matière de cette communication est tirée d'unerecherche en préparation sur "la pratique et la désuétude de taçJa chez les Zemmour". (groupementberbère occupant la région sise entre les trois villes du Nord-Ouest: Meknès, Rabat, et Oulmès, lesZemmour, il y a à peine trois quarts de siècle, pratiquaient le semi-nomadisme et vivaient encore sous latente).

(2) Voir A. Van Gennep, 1981, Les rites de passage, Chapitre III "Les individus et les groupes",Paris, Picard, 3 éd. pp. 35-56.

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de protéger les individus, les groupes et leurs biens matériels contre l'agression et lesconvoitises extérieures. Dès lors, deux questions se posent: comment consacre-t-onle traité de taç/a? et comment se manifeste la nature sacrale et ce traité?

PROCESSUS DE LA CONSÉCRATION DU PACTE

Le pacte de ta,ç/a se conclut à la suite d'un affrontement sanglant entre deuxunités sociales composées chacune de plusieurs lignages se réclamant d'un ancêtrecommun, réel ou fictif. Sous l'égige de leurs assemblées dirigeantes respectives;jmaCâ, les membres des groupes concernés se rassemblent à proximité du sanctuaired'un saint ou près d'une enceinte maçonnée à ciel ouvert. Le rassemblement a pourmatière une cérémonie comprenant deux rites: l'échange entre les parties au pactedes plats de couscous mêlé de lait de femme et le tirage au sort des chaussures deschefs de famille appartenant à ces parties. Les hommes mariés, seuls, mangentensemble la nourriture cérémonielle que reçoit leur groupe. Consommer un repas àl'occasion du nouement d'un contrat n'a rien d'étonnant, mais y consommer un cous­cous contenant le lait de femme questionne, s'il était besoin, la socio-anthropologiedes systèmes symboliques.

Le premier rite exprime sans doute le rapport social qu'instaure le phénomènedu don et du contre-don; phénomène qui, d'après Marcel Mauss, exerce unecontrainte sur les individus et les collectivités(3). Recevoir de la nourriture d'unepersonne ou lui donner à manger est un acte plus important et plus significatif que demanger en présence d'autrui(4). Suivant la conception traditionnelle arabo-berbère, lanourriture - donnée ou reçue dans le cadre de l'hospitalité - crée entre l'amphitryon etle(s) convive(s) une relation intangible qui leur impose le devoir de respect et deconfiance réciproque, voire l'obligation d'entraide et d'assistance mutuelle. La sacra-. 'lité et la relation en question provient, nous dit Joseph Chelhod, du fait que lesdenrées faisant l'objet du don alimentaire sont censées contenir quelque chose desacré(5).

Ce quelque chose s'appelle la baraka: une sorte de pouvoir ou de fluide divinet dynamique qui, selon les cas, déchaîne les forces occultes du bien ou du mal;fluide dont Dieu, d'après les croyances populaires, investit quelques êtres humains etcertaines espèces animales et végétales. Aussi bien avant qu'après leur transforma­tion en pain ou en couscous, les céréales (blé et orge), principale culture du Marocprécolonial) sont appelées baraka. Toujours est-il, pour jouir ici-bas de l'action béné­fique de ces produits, il ne suffit pas de les manipuler avec précaution. Il faut surtout

(3) M. Mauss, 1989, "Essai sur le don. Forme et raison de l'échange dans les sociétésarchaïques", in Sociologie et anthropologie, Paris, QuadrigeIP.U.F, 3 éd. pp. 258-259.

(4) Des individus qui, à l'occasion d'un festin, mangent à une même table ne seront pas attachésles uns aux autres par la noumture. Ils seront liés à celui qui leur donne à manger et c'est à lui qu'ilsvont rendre le don.

(5) J. Chelhod, 1955, Le sacrifice chez les Arabes, Paris P.U.F., p. 190.

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LE RITUEL COMME ACTION SANCTIFIANTE DES LIENS INTERGROUPES 123

en offrir une partie, de préférence, sous fonne de nourriture. Ce faisant, le donateurgagne en retour l'amitié du donataire. L'hospitalité fonde un lien élémentaire desubordination qui se volatilise du simple fait de rendre le don. Elle met celui qui ladonne en position supérieure et celui qui la reçoit en position inférieure. Cette situa­tion de positions inégales ne se produit pas pendant la conclusion de la taç/a, puisqueles groupes célébrants échangent les plats rituels. Autrement dit, ils sont sur un piedd'égalité dans la mesure où chacun d'eux pratique simultanément le don et le contre­don.

L'interprétation populaire, reprise sous une forme savante par GeorgeMarcy(6) , reste muette quant au rôle que la nourriture joue dans la mise en place dupacte de taç/a. Elle met cependant l'accent sur l'ingrédient qui particularise le repascérémoniel, à savoir le lait de femme. La primauté ainsi accordée à la substancelactaire tient à l'efficacité du lait maternel de tisser des liens de type parental entredes personnes non apparentées. Les femmes du groupe donateur sont présuméesallaiter les hommes du groupe donataire et, en conséquence, les futurs alliés s'identi­fient aux frères de lait. D'ordinaire, lorsqu'un bébé tête une femme autre que sa géni­trice, il devient "membre" de la famille nourricière mais sans y être intégré ou assi­milé, au point de changer de nom et d'avoir droit à la succession; les parents le consi­dèrent comme leur fils et les enfants comme leur frère. Pour sa part, il a envers euxdes devoirs de respect, d'aide et de reconnaissance. Ce qui n'est pas sans rappeler lerapport amphitryon-convive. Du reste, chose absente des règles de l'hospitalité, il luiest interdit d'épouser ses sœurs de lait et sa nourrice(7). Ces devoirs et obligationsincombent également aux gens liés par la taç/a. Mais il ne faut pas croire que le liende taç/a soit la réplique exacte de la relation établie par l'allaitement.

Le second rite, un des éléments qui distinguent la taç/a de la parenté de lait,semble compléter ou préciser le premier. Après avoir consommé les mets rituels, lesintéresssés se réunissent en vue d'exécuter ce rite. Ils se déchaussent et posent parterre l'une ou l'autre chaussure de manière à fonner un tas pratiquement constitué dechaussures droites du groupes A et de chaussures gauches du groupe B ou vice­versa. Une fois les chaussures rassemblées et dissimulées sous une couverture,

(6) G. Marcy, 1936, "L'alliance par colactation (tâd'a) chez les Berbères du Maroc central",Alger. Revue Africaine, n° 79, p. 257. De tous les textes qui ont effleuré l'institution de rada, celui-ci ­composé de 17 pages - est le plus intéresssant tant par la teneur que par le volume.

(7) Telle qu'elle vient d'être exposée, la pratique de l'allaitement était en application dans lapéninsule arabe avant l'avènement de l'Islam. Voir Kh. Chatila, Le mariage chez les musulmans deSyrie, Paris, Les Presses Modernes, p. 203; E. Conte, 1991, "Entrer dans le sang. Perceptions arabesdes origines", in Al-ansab, la quête des origines. Anthopologie historique de la société arabe, ouvragecollectif, Paris, Maison des Sciences de l'homme, p. 81; H. Belghazi, 1995, "Dimension socioculturellede l'allaitement chez les Maghrébins", in Actes des Rencontre Régionales 1993·1994 en Lorraine, Metz,Fas-Lorraine, p. 51.

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l'homme le plus âgé des contractants(8) ou deux notables(9) issus des deux groupesprocède(ent) à l'opération du tirage au sort. Du tas, il(s) extrait (extraient), une parune, les paires de chaussures et les présente(ent) à l'assistance. Désormais, lespropriétaires des chaussures composant chaque paire sont déclarés unis par le pacte.Le tirage au sort de la première paire étant effectué, les participants se rechaussent.

Le recours au procédé du hasard vise à escamoter d'éventuelles contestationset à couper court au traitement de faveur. Ni la richesse ni la pauvreté (ou autrescritères) ne sauraient donc entrer en jeu. Tout chef de famille du groupe A peut avoirpour proche allié tout homme marié du groupe B et réciproquement. Les contractantss'estiment égaux quelle que soit leur condition sociale. Ils ressemblent en quelquesorte aux moitiés d'une paire de chaussures. Comme elles, ils sont symétriques, c'est­à-dire ~emblables et opposés ou différents. Cela dit, essayons à présent decomprendre ce que l'action de se déchausser signifie.

Nombre de sociétés accordent une importance particulière à ce geste que nousexécutons tous les jours. Au Maroc comme partout au Maghreb, on se conforme àl'obligation de s'engager nu-pieds dans les lieux sacrés tels que la mosquée et le sanc­tuaire. Franchir le seuil de la salle de prière ou de la chambre funéraire sans sedéchausser, c'est, au sens exégétique, y introduire la souillure et, de ce fait, s'exposerà la malédiction divine. Remarque: pour peu qu'on prête attention aux objets se trou­vant dans les endroits saints des édifices cultuels, on ne manquera pas de voir deschaussures posées à côté de certains fidèles en pleine dévotion. Qu'est-ce que celaveut dire?

Tout en étant synonyme d'impureté à cause de son contact avec les ordures, lachaussure est considérée comme un objet de valeur non pas pour son utilité maté­rielle, mais en raison de sa charge symbolique. La signification de cette charge variesuivant les civilisations ou/et les situations(lO). Du point de vue qui nous intéresse, lasymbolique de la chaussure touche la propriété foncière. Une coutume kabyle(Algérie), décrite et expliquée par Jean Servier(1l), est à cet égard instructive: quandun différend s'élève au sujet de l'acquisition d'un lopin de terre, les contestatairesdoivent jurer sur la tombe d'un saint que le droit de propriété leur revient; après quoi,chaussés (condition sine qua non), ils vont frapper du pied droit le sol de la parcellelitigieuse en récitant les paroles du serment. Aux yeux de l'auteur, cet acte gestuel (etgénéralement le fait de marcher avec les chaussures) symbolise la prise de posses-

(8) Coursimault, 1916, "La tata [tac;iaJ", Archives berbères, vol. 2., fase., 3,. Paris, Larose, p. 262.

(9) G. Surdon, 1928, Esquisse de droit coutwnier berbère marocain, Rabat Moncho, pp. 124-125.

(JO) Voir La Bible Ruth IV, 7-8; E. Cassain, 1978, Le semblable et le différent.' symbolisme dupouvoir dans le Proche-Orient ancien, Paris, La Découverte, pp. 294-315; M. Granet, 1948, La civilisa­tion chinoise, Paris, A. Michel, pp. 219-228; M. Gast & J.P. Jacob, 1978-79, "Le don des sandales dansla cérémonie du mariage en Ahaggar: une symbolique juridique?", Alger, Libyca, XXVI, pp. 223-233

(II) J. Servier, 1962, Les portes de l'année, Paris, R. Lattont, pp. 123-126.

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LE RITUEL COMME ACTION SANCTIFIANlE DES LIENS INlERGROUPES 125

sion immobilière. La mosquée (maison de Dieu) et le sanctuaire (demeure du saint),souligne-t-il, ne sont pas susceptibles d'appropriation; alors, on est tenu d'enlever seschaussures avant d'y pénétrer.

Ce qui vient d'être dit éclaire pleinement le cas des parties au pacte. Lescontractants se chaussent pendant l'exécution du rite de la chaussure et après laconclusion du traité, c'est-à-dire quand les uns foulent le sol des autres. De cettemanière, les membres du groupe A montrent qu'ils n'ont sur le territoire B, etinversement, aucun droit de propriété à faire valoir. Il s'agit là d'un moyen paci­fique pour lutter contre l'empiétement et la spoliation liés au semi-nomadismeguerrier de l'époque précoloniale. Epoque où la pratique de la taça occupait uneplace sensible dans l'organisation tribale. Au fait, quelle est l'origine du pouvoirattribué à la chaussure?

Ledit pouvoir semble provenir du pied et de toutes les forces qu'on rattache àcet organe. Au niveau physique, les pieds constituent la base sur laquelle repose lecorps tout entier de l'homme en station verticale. Leur malformation fait apparaîtreune certaine irrégularité du corps orthostatique et en mouvement. Au plan symbo­lique, l'intérêt porté au pied n'est pas moindre(12). Par l'expression "être sous le pied",les Berbères du Maroc central entendent "être sous l'autorité de... ". L'autorité, c'estaussi le pouvoir, la force et la puissance. Le pied exprime le pouvoir; pouvoir demarcher, de se déplacer, de courir, de fuir, etc... Les entraves du prisonnier et de l'es­clave n'ont-elles pas été inventées pour soumettre ces individus et les empêcher des'évader? Source d'énergie et symbole d'autorité, il est également tenu pour un lienfragile. (Achille "au pied léger" et au talon vulnérable ne dirait pas le contraire).Dans l'esprit du Marocain illettré, la mort pénètre le corps par les pieds et le quittepar la tête. Tout bien considéré, ce caractère ambivalent (force/faiblesse) rappellel'ambivalence de la chaussure en tant que symbole (objet de valeur et synonymed'impureté et d'ordure). En un mot, la chaussure amplifie les caractéristiques qu'onaccorde au pied.

Cependant, une question demande à être élucidée en vue de mieux montrercomment le rituel sert à consacrer les liens intergroupes. Pourquoi contràcte-t-on lataç/a dans le voisinage du sanctuaire d'un saint ou d'une enceinte maçonnée en formede margelle? A dire vrai, on ne saurait saisir la fonction de ces édifices dans laconclusion de la taça sans prendre en compte le culte des saints; une pratique large­ment observée dans les milieux ruraux et populaires marocains(13).

Les gens du peuple assignent au saint de multiples vertus, puisqu'il passe pourdétenir un pouvoir surnaturel: la baraka. Ceci lui permet d'accomplir des actes fastesou néfastes suivant qu'il est comblé ou lésé. Il peut guérir des maladies incurables,

(12) Voir A. SouzenelIe, 1991, Le symbolisme du corps humain, Paris, A. Michel, Coll. EspacesLibres, 2 éd. pp. 87-117.

(/3) P. Pascon, 1986 "Mythes et croyances au Maroc", Rabat, B.E.S.M, nO 155-156, p. 80.

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faire tomber la pluie, calmer la tempête aussi bien naturelle que sociale (luttestribales, litiges interfamiliaux...), etc...En revanche, il est capable d'anéantir un trou­peau d'animaux domestiques, de causer une infirmité physique ou mentale à unepersonne, de brûler à distance un champ de céréales, de rendre inféconde une femmeou une femelle, etc... C'est pourquoi, de son vivant et plus encore après sa mort, ledétenteur de la baraka (ou le faiseur de "miracles") est placé au-dessus de la mêlée,vénéré et sollicité. On se rend au sanctuaire abritant sa tombe pour y prêter serment,régler un différend ou demander une faveur après y avoir déposé des offrandes.

De son vivant, le saint sillonne les territoires des tribus pour recevoir ourécolter des dons et bénir les donateurs. Souvent à la demande de ces derniers, il leurédifie un modeste monument: en règle générale une enceinte construite avec despierres brutes et de l'argile délayée dans l'eau, de forme circulaire, à ciel ouvert etd'environ O,SOm de hauteur et O,80m de diamètre. Dans diverses civilisations, parcequ'elle est solide et relativement pérenne, la pierre fait figure de fixateur du pouvoirsupra-naturel ou des forces invisibles(l4). Par son contact avec le matériau, doit-ondonc comprendre, le saint y applique l'empreinte du fluide divin(l5); il le sacralise.Ainsi érigée, l'enceinte sera désormais objet de culte et de dévotion au même titreque le sanctuaire.

L'analyse qui précède fournit les éléments nécessaires et suffisants pouraffirmer que le rituel peut être un acte sanctifiant des relations intergroupes. Larencontre de certains contractants près d'une enceinte cultuelle et la réunion d'autresdans les environs du sanctuaire d'un saint ont un même objectif: la consécration dupacte de taç/a.

Cette consécration se réalise par le fait que les membres des partis intéressésplacent leur pacte sous la protection de la puissance divine supposée être fixée dansces monuments et prennent le saint pour témoin de cet événement. Sans doute, soitdit en passant, l'Islam orthodoxe et l'islamisme traitent-ils ces pratiques et croyancesd'hérésie ou de non-conformité aux enseignements de la religion musulmane,puisque celle-ci interdit au croyant d'adresser son adoration à une autre divinitéqu'Allah. La question n'est pas aussi simple qu'on pourrait le penser. l'Islam dupeuple, ou populaire, est loin d'être l'application absolue et fidèle de l'Islam du Livre.

La consécration du lien de taç/a se réalise en outre par le biais de la consom­mation du repas des uns par les autres. Si, de coutume, le don alimentaire (hospita­lité), pour les raisons prtcitées, rattache ou subordonne le donataire au donateur, ilétablit entre les collectivités célébrantes un rapport sacré ou perçu comme tel. Sacrénon seulement parce que le repas contient des ingrédients (céréales et lait de femme)

(14) A.-M. Hocart, 1973, Le mythe sorcier et autres essais, traduit de l'anglais par F. Verne,Paris, Payot, pp. 38-43.

(15) E. Durkheim a suffisamment discuté la question de la transmission ou de la propagation dece fluide qu'il a désignée par l'expression: "la contagiosité du sacré", cf 1968, Lesformes élémentairesde la vie religieuse, Paris, P.U.F. 5 éd. pp. 455-464.

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LE RITUEL COMME ACTION SANCTIFIANTE DES LIENS INTERGROUPES 127

"chargés" d'effluve sacré. mais aussi parce que c'est un repas religieux (pas toujoursau sens islamique). c'est à dire qu'il est préparé. offert et consommé dans des lieuxsanctifiés ou sous le patronage du sanctificateur de ces lieux.

MANIFESTATION DE LA NATURE SACRALE DU PACTE

En vertu des rites accomplis et du pacte conclu, les contractants se considèrentcomme des frères de lait, voire plus; les uns deviennent des êtres sacrés aux yeux desautres. Quand un homme s'adresse à son allié, il fait précéder son nom du titre hono­rifique (sidi) réservé en principe au détenteur de l'énergie divine ou de pouvoirtemporel. Il le place au même niveau qu'un saint, jure par lui et ne peut contester nirefuser son arbitrage dans le règlement d'un conflit - même en cas de meurtre. Etpour cause: la personne de l'allié ou. mieux encore. le lien inter-alliés (la taçia) estregardé comme une force sacrée, donc redoutable. La nature sacrale de ce lien semanifeste particulièrement dans deux des obligations pesant sur les utaçia-s(16), soitl'interdiction du mariage et la prohibition de la violence(l7).

La réalisation d'une alliance matrimoniale ou d'une action violente dans leréseau des relations propres au pacte est ~ au sens des alliés - une anomalie, unehorreur ou un péché. En d'autres termes, épouser une femme du groupe allié ouporter atteinte à la personne et/ou aux biens d'un individu de ce groupe, c'est trans­gresser le traité de taçia et, par conséquent, être passsible de sanction. Mais pourquoiun homme et une femme allié par la taçia n'ont-ils pas le droit de s'unir par lemariage? Qu'est~ce qui fait que la violence soit prohibée dans un contexte socio­historique où le recours à l'emploi de la violence est quasi-légitime? Si violation deces interdits il y a, quel genre de peine encoure le violateur?

Au terme des perceptions populaires, les liens du mariage et les actes deviolence ne doivent, en aucune façon, se produire entre les gens du traité. Car, enconsidération du lait de femme contenu dans la nourriture cérémonielle et de laconsommation de celle-ci dans un endroit participant de l'espace sacré, les membresde chacune des unités alliées tiennent les hommes et les femmes de l'autre pour desfrères et sœurs ou pour des saints et des saintes. Tout se passe comme si le principeprohibitif de ces liens était l'allaitement symbolique (ou la parenté de lait) doublé(e)de l'effluve divin et dynamique.

Dans les pays de confession islamique, la parenté de lait se substitue à laparenté biologique en matière de mariage. Un garçon et une fille allaités d'un mêmesein ne sont pas en droit de se marier ni d'avoir des relations sexuelles parce qu'ilstiennent lieu de frère et de sœur proprement dit. Mais, tout comme les cousins paral­lèles ou croisés, leurs enfants peuvent s'épouser. Ce qui n'est pas le cas des utaçia-s,

(16) Pluriel de utaçJa (fém. ultaçJa): individu ou groupe d'individus pratiquant la taçJa. Ce motpeut être un nom ou un adjectif.

(17) Il s'agit de la violence physique (coups, blessures...) et morale (offense, dérision...).

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même s'ils se confondent ave les frères et sœurs de lait. Qu'il s'agisse des contrac­tants ou de leurs descendants (enfants, petit-enfants, arrière-petits-enfants ...), lechamp matrimonial est toujours fermé: point d'union conjugale entre un homme etune femme tant que leurs groupes entretiennent la relation de taçia.

L'interdit matrimonial s'étend à plusieurs générations du fait que chacun desgroupes utaçia-s est pour l'autre un ensemble d'individus assimilables non seulementaux frères de lait mais encore aux personnages sacrés, c'est -à-dire de pouvoir surna­turel et éternel; la baraka, et dignes d'un respect absolu, nul ne doit faire, dire oupenser du mal envers ses allié(e)s. Cette exigence semble incompatible avec lemariage pour la simple raison que le ménage est en soi porteur d'antagonismes. Iln'est pas de couple où il n'arrive jamais aux conjoints de vivre des moments detensions sourdes ou exprimées. Celui qui prend pour épouse sa "sœur" du pacte nefait pas que violer l'interdit matrimonial; il manque aussi à la règle prohibant laviolence, puisque la vie conjugale engendre des querelles. Justement, c'est pouréviter toute action susceptible de nuire à la personne. sacrée de l'utaçia et quelquefâcheux effet pouvant en découler, que les parties alliées bannissent les unions deleurs relations.

Sont également bannis de leurs rapports les gestes ignobles, les parolesahjectes, les intentions malveillantes; bref, les actes de violence physique et morale.Cela fait penser à la situation des frères de lait plutôt qu'à celle des frères biolo­giques. Contrairement aux premiers dont le lien repose sur le respect réciproque, lesseconds ne sont pas à l'abri des démêlés. La question d'héritage en est le meilleurexemple. Par suite de l'utilité économique et de la valeur symbolique des bienssuccessoraux(18), le partage du patrimoine entre les enfants d'un défunt s'accompagnede conflit latents ou manifestes. Les frères de lait ne risquent pas de connaître de telsconflits en ce sens que la fraternité ou la parent~ créée par l'allaitement ne donneaucun droit de succession. Ils n'ont pas en commun ce qui unit ou oppose les frèresgermains, consanguins ou utérins, à savoir la richesse matérielle et le patrimoinesymbolique de la famille. Sans nul doute est-ce pour cela qu'ils sont un modèle d'en­tente et d'harmonie et que les utaçia-s adoptent leur comportement: ni différend, nidispute.

L'interdiction de la violence vient aussi de ce que l'utaçia est un être imprégnéde baraka pour son homologue. Les gens de la baraka sont respectés tant par ferveurreligieuse que par peur de s'attirer les foudres de la malédiction divine. Ce qui n'estpas sans rapport avec la question du manquement à la prohibition du mariage et de laviolence; question dont l'examen ne peut qu'éclairer davantage le caractère sacré dulien inter-alliés.

Ce manquement suppose non pas une sanction terrestre (amende, incarcréra­lion, exil...) mais une peine magico-religieuse ou un châtiment céleste. C'est-à-dire

(18) A. Gotman, 1988, Hériter, Paris, P.U.F, p. III.

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LE RITUEL COMME ACTION SANCflFIANTE DES LIENS INTERGROUPES 129

qu'il met en mouvement le côté maléfique du fluide divin que les "frères" du pacteportent en eux. Du fait de l'influence pernicieuse de ce fluide, le transgresseur desinterdits peut contracter une maladie, avoir un accident, tomber dans la misère ouperdre la vie. La croyance en l'existence des puissances occultes et en leur interven··tion en tant que force répressive des actions répréhensibles des hommes est l'une descaractéristiques des sociétés dites traditionnelles(l9). D'après la tradition orale, lesditsinterdits sont rarement violés et cela, nous paraît-il, grâce à une foule de récitsmythiques tissés autour du phénomène de la taç/a. Récits dont le plus célèbre estl'histoire de la chaîne se transformant en serpent.

Si vous interrogez un vieillard du Maroc central au sujet de la taç/a, il nemanquera pas de vous dire qu'un ou plusieurs individus de la tribu X se rendirent unjour à tel endroit. Sur leur chemin traversant le territoire de la tribu Y, ils aperçurentune chaîne près d'un ancien emplacement de tentes de transhumants. L'un d'euxvoulut la prendre. Au moment où il se pencha pour l'amasser, elle se métamorphosaen vipère. Stupéfait, il s'éloigna. Le reptile redevint ce qu'il était auparavant. Quand ils'en approcha de nouveau, l'objet reprit la forme ophidienne. Réflexion faite, ilscomprirent que la chaîne appartenait à leurs alliés (les gens de la tribu Y)

Et si vous lui demandez des précisions à propos de la pièce maîtresse du récit;la chaîne, il vous répondra: celle qui unit les deux anneaux métalliques qu'on placeau niveau inférieur des jambres antérieures des chevaux et des mulets pour les empê­cher de s'éloigner ou de se sauver. Mais, il y a plus: la signification symbolique del'objet concret et de sa métamorphose.

D'un bout à l'autre du monde et depuis l'antiquité au moins, la chaîne atoujours été le symbole des rapports "entre deux extrêmes ou deux êtres,,(20l. A partirde là, il Ya lieu de croire que la chaîne symbolise la taç/a qui est, en effet, un pactebilatéral par excellence. La première attache deux anneaux, la seconde relie deuxgroupes. Ce pacte est sacré et dangereux. Ses principes et obligations doivent êtrerespectés, autrement il devient semblable à la chaîne s'incarnant dans le corps ophi­dien. En tant qu'animal crachant la mort, le serpent représente la force invisible (lepouvoir de la taç/a) dans sa réaction maléfique. Le malheur ou le châtim~nt supposéen être l'émanation ressemble à la morsure du reptile venimeux; il peut être fatal pourle violateur de l'interdiction du mariage et de la prohibition de la violence.

Tout compte fait, ce genre de récit, si burlesque puisse-t-il paraître, joue unrôle préventif. Il met en garde le pratiquant de la taç/a contre la violation des interditsqui lui sont prescrits. Bien entendu, l'efficacité du récit mythique, c'est-à-dire sonimpact sur l'auditeur, dépend du fait d'y croire. Le pratiquant en question y croitforcément parce qu'il naît et évolue dans un environnement qui baigne dans l'universdu sacré: culte des saints, vénération des créatures invisibles (génies), etc. Il croit à

(19) 1. Servier, 1964, L'1wmme et l'invisible, Paris, R. Laffont, pp. 159-170.

(20) J. Chevalier & A. Geerbrant, 1985, Dictionnaire des symboles, Paris, R. Laffont, p. 200.

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la légende dans la mesure où, justement, elle lui parle du phénomène mystérieux dusacré. Phénomène que l'homme conçoit comme une puissance périlleuse et redou­table(2l). Objet de croyance populaire, le récit mythique fascine l'esprit, inspire l'ef­froi et, partant, avertit l'éventuel imprudent du danger qui le guette.

En dernière analyse, le récit mythique ne fait qu'amplifier l'idée que le pactede taç/a est une relation sacrée et dangereuse. C'est apparemment en vertu de lacrainte qu'il insufflait aux contractants que, jusqu'à la fin de la "pacification" duMaroc en 1934, ce traité a joué un rôle dans l'équilibre des populations pastorales etguerrières. Deux conditions indispensables à la régulation intra- et intertribale ont étéir.staurées au moyen de la taç/a. La première concerne le règlement des conflis inter­individuels et intergroupes de manière pacifique dans un milieu sensible et propiceaux luttes intestines. La seconde intéresse la création de zones neutres ou de non­violence nécessaires à réaliser la production économique basée sur le déplacementdes troupeaux.

Aujourd'hui, la taç/a ne fonctionne plus en tant que facteur régulateur de l'or­ganisation tribale. Sa quasi-disparition s'explique, nous semble-t-il, par trois faits qui,à des degrés variables, ont affecté la société marocaine pendant les périodes colo­niale et post-coloniale. Il s'agit du bouleversement du domaine politico-judiciaire(centralisation de l'appareil étatique, instauration des tribunaux et déstructuration del'assemblée dirig~ante au niveau local: jamaâ), de la transformation du secteuréconomique (substitution de l'agriculture à l'élevage transhumant) et de la mutationdes représentations collectives (régression des croyances ancestrales de communica­tion). Ce constat peut être formulé d'une façon théorique plus globale: l'apparitiond'un pouvoir centralisé, structuré autour des cités urbaines a progressivementsurclassé puis éliminé la valeur opératoire des règles adoptées par les sociétésnomades (ou semi-nomades) qui régissaient précédemment des régions tout entières.En d'autres termes, les populations nomades ne maîtrisent plus les "rapports deproduction"; les règles qui les régissaient et qui participaient à cette maîtrise sonttombées en désuétude.

Hammou BELGHAZINancy - France

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(21) R. Caillois. 1991, L'homme et le sacré, Paris, Gallimard, coll, Folio/Essai, pp. 30-31.

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Hespéris.Tamuda, Vol. XXXV, Fasc. 2 (1997), pp. 131-145.

DROIT ET PRATIQUES SOCIALESLe cas des Nawazil au XIXe siècle

Rahma BOURQIA

1- LES NAWÂZIL ET LES QUESTIONS DE SOCIÉTÉ

L'évolution de la société islamique a toujours entraîné un changement auniveau des pratiques et des usages sociaux, suscitant ainsi des questionnements dela part des musulmans sur le statut légal de leurs pratiques. Par ailleurs, lestransformations sociales inhérentes à la société, les particularités des normeslocales ainsi que l'emprunt à d'autres droits coutumiers ont imposé une constante"redéfinition de la territorialité des systèmes normatifs" mis en place par lasharï'a.(l) Ceci ne va pas sans entraîner l'évolution de la norme juridique dans lessociétés islamiques.

Au Maghreb le développement de la pratique judiciaire, tel que al- 'amal al­jasi, véritable "trésor coutumier", adoptée par les juges citadins(2), ainsi que lesréponses au cas d'espèces (nawazil), nous renseignent sur la culture juridique del'époque, et révèlent ainsi le rapport étroit qui existe entre l' historique et lenormatif. On constate une abondance de la littérature des nawàzil où se déplo~e

une inflation des concertations avec le faqih à travers les questions que la sociétésoumet à l'opinion des juges. Cette littérature reflète ce souci de la sociétémusulmane de s'interroger et de légitimer des pratiques sociales non codifiées parla loi islamique. Ainsi, la jurisprudence, par l'usage des mécanismes et desméthodes qui lui sont inhérents, a entretenu une relation étroite avec la réalitéhistorique et sociale tout en révélant le droit comme une véritable constructionsociale.

(1) Voir Bernard Botiveau, Loi islamique et droit dans les sociétés arabes. IREMAM,KHARTALA, 1995, p. 19.

(2) J. Berque, Les Nawazil al muzara'a du Mi'yar Al-Wazzani. Etude et traduction. Préface deR. Maunier. Editions Felix Moncho, Rabat, 1940, p.25.

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Les thèmes de ces cas d'espèce couvrent tous les aspects de la foi, de lapratique religieuse, de la vie sociale et du mode de vie économique. La sociétéinterpelle le faqih par ses questions et le pousse à aller aux limites de la procédurejurisprudentielle et à épuiser les mécanismes qui lui permettent de prendre positionet d'exposer son point de vue sur le cas qui lui est présenté. La littérature desnawazil, cette source de la culture juridique maghrébine, nous révèle que la

négociation avec la réalité sociale s'impose au faqih. Elle lui rappelle que lesadaptations et les réajustements sont nécessaires au niveau des mécanismesd'interprétation et d'argumentation jurisprudentielle pour saisir les nuances desparticularités locales, la nouveauté des faits socio-économiques, et les résistancesde certaines croyances locales. La culture juridique qui apparaît à travers lesnawazil reflète ce réflexe dont dispose le faqih pour négocier avec ce que le réelpropose et impose sans abandonner le terrain de référence, c'est-à-dire celui de laloi islamique. Les nawazil nous renseignent ainsi sur un fait essentiel: le droit estnégociable

Soulignons au passage le fait que les coutumes locales, dans la sociétémarocaine du XIxe siècle, ne sont pas entièrement étrangères à la loi islamique. Atravers l'évolution historique, elles ont déjà subi l'influence du shar', repérable auniveau de l'appellation même du droit coutumier: 'urf Dans beaucoup de zonesberbères, quoiqu'il soit le plus communément désigné par le terme izref, le terme'urf n'est pas étranger. Les tribus Zayan par exemple, comme le note Aspinion«sans toutefois ignorer ce mot [izrej], emploient couramment le terme arabe 'urf».Le même auteur ne manque pas de s'étonner devant ce fait, vu que la populationdes Zayan est celle parmi les berbères qui parle le moins l'arabe(3). De même qu'ilest de coutume que la femme berbère, souvent ignorant l'arabe, dénonçant uneinjustice, utilise la formule "je remets mon sort .entre les mains de Dieu et la loiislamique" (ana hi Allah wa hi shra 'y. Tout en inscrivant leur foi dans les préceptesfondamentaux de l'Islam, beaucoup de tribus berbères et arabes soumettent leurorganisation sociale et politique à des droits coutumiers locaux et leur mode de vieà des pratiques qui répondent aux exigences du terroir.

Par ailleurs, dans la langue arabe 'urf acquiert une connotation positive. IbnManzour écrit que" 'urf et ma 'ruf ont le même sens; ce qui est contraire à lanégation (nukr). C'est ce qui est reconnu par l'âme comme étant le bien"(4). Demême que le droit coutumier du shar' (urfu shra ') est ce que les 'ulémasconsidèrent comme base pour les jugements (al-ahkam)(5). Par conséquent, danscette culture du fiqh, on ne retrouve pas une attitude qui condamne a priori lacoutume et l'usage, ce qui ouvre la voie à la négociation.

(3) Le Commandant Robert Aspinion, Contribution à l'étude du droit coutumier berbèremarocain, 2ème édition, éd. E. Moyriner, 1946, p.13.

(4) Ibn Manzour, Lisan AL- 'Arab, vol. 9, Dar Sadir, 1992, p.239.

(5) AL Munjidfi aL-Lugha wa aL-a 'Lam. Dar a1-Mashriq, Beyrout, 1992, p. 500.

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La coutume et l'usage faisant partie d'une rationalité locale, répondant auxstratégies du groupe et à son mode de vie, résistent à s'insérer dans le systèmecanonique global. Pourtant le faqïh, ce représentant de l'ordre religieux, necontourne pas les coutumes et ne les exclut pas de l'enceinte de la loi islamique. Illes examine et dialogue avec ceux qui les pratiquent et les maintiennent vivantesdans leur mode de vie. C'est ainsi que, dans une société musulmane où dominentla diversité des choses de la vie et une constante innovation dans l'expression desmodes de cette vie, les nawazil ont fonctionné comme un procédé régulateur de lavie sociale.

2 • L'ARSENAL MÉTHODOLOGIQUE

L'argumentation dans les nawazil s'inspire des mécanismes de lajurisprudence. Dans son examen du cas d'espèce le faqïh n'est pas démuni. Ildispose d'un arsenal méthodologique pour discuter et trancher sur le cas de lacoutume récalcitrante et résistante. Bien que la porte de l'ijtihad ait été ferméedepuis des siècles, il demeure, néanmoins, d'autres principes qui sont mis enœuvre par le faqïh pour examiner ces cas, tels que la "conclusion subjective""rai"', ou l'appréciation du mieux "1' istihsan", ou encore "l'opportunisme social"l'istislah. La méthode appelle à une sorte de l'ijtihad instantané par lequel lajurisprudence s'actualise à travers chaque cas qu'elle traite. La méthode a pour butd'éviter l'arbitraire et, peut-être paradoxalement, d'innover tout en restant dans lalignée de la tradition islamique et de l'imitation des prédécesseurs (taqlïd).

Le taqIid, cette imitation dans tout examen de cas, des maîtres prédécesseursou des Epigones (muta'akhkhirün), est imposée par le mode d'argumentation de lajurisprudence. La parole autorisée de ceux qui ont précédé est, certes, un argumentmajeur; mais tout en simulant une observance passive des dires des prédécesseurssur le cas, le faqïh donne son avis. Comme l'écrit Berque: "Sur le plan doctrinalstrict le taqlïd n'est qu'un pis-aller. Pour Ibn El I:Iajib, et combien d'autres, ne peutêtre nommé cadi que le mujtahid. C'est seulement faute de mujtahid ,qu'on faitappel au muqallid. Car le taqlïd est en soi "indigne de l'être pensant"(6).

Dans cette littérature de jurisprudence, on assiste à un assouplissement dumécanisme à travers une discussion, voire un discours des fuqah;J sur la méthode.Par exemple, le fait d'appliquer ou de se référer dans un jugement à un dire isolé"qawl shadh", parce que les conüngences spéciales du cas l'imposent, a suscitéune discussion parmi les fuqaha qui ont fini par l'accepter en le soumettant à desconditions. La référence au dire isolé (qawl) se fait à l'encontre du dire mashhür,ce "terme technique du hadith désignant une tradition bien connue transmise avecun minimum de trois Ismid-s différents"(7). Certainsfuqaha posent des conditions à

(6) J. Berque. Essai sur la méthode juridique maghrébine. Rabat, 1944. p, 23.

(7) G.H. A. Juynrole, "MashhOr". Encyclopédie de l'Islam, Vol. IV, p, 706,

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l'application du dire isolé. Sidi Abderrahman AI-Fassi, en se référant à sescheikhs, les énumère dans son 'Amal al-fasi, où il affirme qu'''il n'est pas permis àceux parmi les qadis qui sont des imitateurs (muqallid) , ne connaissant pas lechoix raisonné (roj1)an) , de juger en appliquant le dire isolé (shadh) ... Seuls lesqadi-s dont les choix raisonnés sont affirmés, jugeraient en appliquant le direisolé. (8)". Le choix raisonné (roj1)an) devient un principe pour juger les cas depratique et d'usage et une faculté vive qui doit permettre au faqih de trancher.Voilà une attitude qui suspend la question du droit à la compétence du juge.

Bien que le dire isolé, par sa faiblesse, va à l'encontre du consensus et del'opinion dominante qui est celle qui a été articulée au moins par trois juristes, laméthode voudrait pourtant qu'on l'accepte afin d'introduire une flexibilité dans lajurisprudence et d'élargir l'éventail des dires d'autorités qui servent de base àl'argumentation. En se référant à la fois à la chaîne (silsila) des dires desprédécesseurs, ceux des Epigones, le faqih dispose d'un modèle d'argumentation,d'un réservoir de procédures, d'une richesse du jargon jurisprudentiel et d'unmodèle d'argumentation qui lui permettent de faire le choix raisonné (roj1)ân).

Les nawâzil d'AI-Mahdi AI-Wazzani(9) représentent un exemple où cetteméthode d'argumentation est mise en œuvre. Ce faqih qui représente, commel'écrit Berque, "le docteur marocain par excellence"(1 0), né en 1846, fait sespremières études dans la zawiyya de Wazzan pour entrer par la suite à laQarawiyyin où il va être en contact avec de grands professeurs. Il rédigea an­Nawâzil al-Kubra, appelé aussi Al-Miyâr al-Jadld, en Il volumes, s'inspirant ainsidu Mi'yâr d'AI-WansharIsi (841-941H) qui lui est antérieur de quatre siècles. Lesnawâzil, "ces historiettes juridiques, solidement accrochées aux faits et àl'homme''(lI), nous renseignent à la fois sur la culture juridique de l'époque et surles problèmes de société qui préoccupaient les musulmans.

Il est difficile de dresser une typologie des matières traitées par les nawâzil,en raison de la diversité des sujets qui comportent un grand éventail de faits quivont de l'événement le plus trivial passant par les matières des 'ibadat, lescoutumes, jusqu'aux cas des innovations (bida '). Pour les besoins d'analyse et afind'illustrer cette mise en œuvre de la construction sociale du droit, nous avonschoisi trois types de cas d'espèce qui traitent des questions de société et quiinterpellent l'avis dUfaqih :

(8) Abderrahman AI-Fassi, Al- 'Amal Al-Fasi, Sharh Al- 'Amal Al-Füsi, vol. 2, Lithographié, p. 100.

(9) AI-Mahdi AI-Wazzànl, An-Nawüzil al-kubrü fi ajwibat Ahl Füs wa Ghairihim min al-Badwwal-Qurü al-Musammüt bi al-Mi'yür al-Jadïd, II vols. Lithographiés, Fès, 1900. Voir aussi, Ahmad al­Wansharïsï, Al-Mi'yür al-Mu'jib wa al-Jami' al-Mughrib 'an fatawa Ifriqiya wa-al-Andalus wa-al­Maghrib, 12 vol.

(la) Berque, Les Nawüzil el Muzara'a du Mi'yür Al Wazzüni. Etude et traduction. Editions FelixMoncho, Rabat, 1940, p.12.

(11) Berque, op. cif., p.68.

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1) Certaines croyances populaires;

2) L'usage d'une innovation;

3) Les pratiques socio-économiques stipulées par les droits coutumiers.

Ces trois types de cas d'espèce constituent une grille de lecture nouspermettant d'interroger le fait social rapporté par les nawazil, ainsi que le débatorchestré par le faqih sur ces faits. L'ordre de ces trois types de faits obéit à lalogique qui régit leur statut par rapport à la loi islamique.

Les croyances populaires représentent, a priori, les faits qui s'éloignent leplus de la loi islamique. Certaines croyances peuvent même rappeler l'époquepréislamique païenne, et par conséquent, constituent des faits avec lesquelles lecompromis est supposé rencontrer le plus de difficultés. Pourtant le faqïh , gardiende l'ordre moral et religieux, les soumet à la même méthode et tente de trouver uneattitude conforme aux normes religieuses.

Quant à l'innovation, s'inscrivant dans l'ordre de la nouveauté, elle surprend

lefaqJn et l'amène à adopter une attitude qui se caractérise à la fois par l'hésitationet la négociation.

Quant aux droits coutumiers, ils représentent ce qui défie le plus le systèmelIùrmatif global parce qu'ils sont collés à une réalité sociale locale, aux exigencesdu terroir, à l'organisation socio-économique, et au système politique local. Ilsacculent le faqih à abdiquer devant la nécessité sociale.

Quelques exemples seront pris des trois types de faits afin de montrer àtravers les Nawazil d'AI-Wazzani tout l'effort qu'il fournit pour suivre lesméandres et les fluctuations des expressions de la réalité sociale. AI-Wazzani estun homme de terrain, issu de la campagne, et malgré son passage à la Qarawiyyîn,il demeure à l'écoute des hommes et de la réalité sociale.

3 - LES CROYANCES POPULAIRES ET LA DIFFICULTÉ DU COMPROMIS

La pratique de la jurisprudence en tant que droit veillant sur le bonfonctionnement de la foi dans une société productrice et reproductrice de cultes,rencontre forcément· ces croyances populaires, diffuses parmi les musulmans, etsur lesquelles l'homme de sciences religieuses est amené à se prononcer. L'opinionqu' AI-Wazzani émet sur ces croyances est déterminée par la distance qui les séparedes valeurs de l'Islam ; valeurs délimitées par les frontières qui les démarquent del'ignorance (jahl et jahiliyya). Tout l'effort du savant religieux est investi dans cetravail pour éloigner en dehors du champ islamique des croyances qui émanent del'ignorance.

Concernant la question que les musulmans se posent sur le point de vue dela loi islamique sur la pratique de la visite des tombeaux des saints pour prier ces

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derniers de servir d'intermédiaires entre eux et Dieu et le Prophète, AI-Wazzani,imprégné de la culture rurale, après avoir exposé l'avis de ses prédécesseurs,mettant en avant l'argument que le Prophète est le seul à servir d'intermédiaireentre Dieu et les hommes, relate néanmoins les bienfaits de la baraka que les genspuissent tirer de la visite des saints(2). L'attitude d'Al-Wazzani vis-à-vis despi"atiques apparemment non conformes à la loi islamique penche vers l'acceptationet l'intégration. D'ailleurs, ce culte fait partie de ces croyances que certainsmusulmans en terre d'Islam croient comme étant islamique. En outre, le culte dessaints est un prolongement du champ religieux islamique, dans la mesure ou lasainteté s'est imposée comme un ingrédient indispensable de la pratique religieusedans le milieu urbain et rural, et le culte des saints est un complément de la foi. AI­Wazzani ne trouve point de difficulté à intégrer dans l'enceinte de ce qui estpermis le culte des saints dans la mesure ou la sainteté repose sur les deux basesqui la rapprochent de la référence de l'Islam, à savoir la descendance du Prophèteet la science religieuse. AI-Wazzani ne trouve ainsi aucune difficulté à accepter leculte des saints et à le rapprocher des croyances islamiques

Pour un autre type de croyance, celle du mauvais augure (rïra), AI-Wazzanis'y attarde plus longuement, et l'examine sous tous ses aspects en relatant les diresdes prédécesseurs. Cette croyance, communément partagée par les gens, consiste àattribuer ce qui arrive à un individu à l'effet d'une chose, ou à la vue ou larencontre d'une personne. Beaucoup de croyances tournent autour de çïra. Unefemme dira qu'elle ne porte jamais la couleur jaune parce qu'à chaque fois qu'ellela porte un malheur lui arrive. Le malheur est ici associé à la couleur. Un autreindividu dira qu'à chaque fois qu'il voit un Tel, un malheur lui arrive. Tïra estdonc cette chose ou personne de mauvais augure. Cette croyance, qui persiste dansla culture populaire même de nos jours, était répandue du temps d'AI-Wazzani etl'interpellait en tant que juriste et l'incitait à se prononcer.

Pour examiner ce cas, Al Wazzani le place sur le terrain de la croyancereligieuse. Comment concilier entre la croyance en Dieu, la seule cause de tout cequi arrive, et cette croyance qui attribue l'existence de certains fait à une chose ouà une personne. D'emblée, on aurait tendance à croire qu'il est facile pour lefaqihde trancher, et que le cas ne mérite pas qu'on s'y attarde, parce que les deuxcroyances paraissent inconciliables. Pourtant, AI-Wazzanï consacre trois pages deson Mi'yar à examiner le cas(l3). Le cas n'est pas aussi évident qu'il parait.

AI-Wazzanï se rabat sur le répertoire des dires des prédécesseurs pourtrouver les arguments. Il écrit: "Le cheikh Abu Ali Sidi Al-Hassan AI-Yoüsi s'estprononcé sur une questIon dangereuse concernant çïra en y clarifiant l'aspect qu'ilfaudrait éviter... Cette question concerne ce qui est d'usage de croire, de la part des

(12) Al Wazzanï ,Al-Mi'yar, vol 2, pp. 22-23.(13) Idem., voU l, pp. 343- 345.

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individus et de la collectivité, que certaines choses reviennent à d'autres selon unesagesse et une fatalité divine. Il est pennis de le croire si on se libère de l'idée del'attribuer à un autre élément que Dieu". AI-Wazzanï ne s'arrête pas à ce point; ilenchaîne sur ce qu'a dit AI-Yoûsï:

Sache que pour ce qui est de ces questions ordinaires, les gens du communautant que les immatures parmi l'élite (qasirüna mina al-khassa) sontdéroutés. Pour les gens du commun, lorsqu'ils voient la chose associée à uneautre, ils l'attribuent à cette chose. Ils oublient Dieu le Glorieux et tombentdans le polythéisme (Shirk) et s'éloignent du monothéisme. Quant auximmatures parmi l'élite qui croient que Dieu seul agit, qu'il n'a pas d'égal,ils ne vont pas au-delà de ce sens et par conséquent nient la sagesse divinesur sa terre et son ciel. Lorsqu'on leur dit que ceci a pour cause cela, ilsrépondent que la cause n'a aucun effet sur l'existence ou la non existence dececi, ce qui est une ignorance de leur part, parce que Dieu autant il estpuissant, aimé et n'ayant pas d'égal, il est aussi sage organise les chosesselon sa volonté et ordonne les causalités(l4).

Dans l'examen du cas du mauvais augure, c'est toute la question de lacausalité qui est posée. Dans sa réponse, le faqih ne se précipite pas de prendre lecontre-pied de ceux qui croient au mauvais augure et de répondre par une attitudequi met en avant la fatalité et l'impuissance humaine devant Dieu comme causepremière. Cette attitude est celle de ceux qu'il appelle, après AI- Yoûsï, "lesimmatures panni l'élite". En fait, AI-Wazzanï condamne les deux attitudes: cellequi attribue à certaines choses le pouvoir de faire exister une autre et celle qui niela chaîne de causalité et attribue tout ce qui arrive à la cause première : Dieu.Comme il l'écrit, "celui qui attribue la cause d'une chose à une autre chose autreque Dieu est polythéiste, et celui qui nie la sagesse déposée par Dieu dans tous lesêtres est ignorant". La différence entre le polythéiste et l'ignorant est unedifférence de taille. En établissant une telle différence, AI-Wazzanï condamne-t-il[Tra?

Si on s'arrêtait à ce point on pourrait en conclure que AI-Wazzani ne faitaucun compromis avec cette croyance et qu'en la plaçant sur le terrain dupolythéisme (Shirk) il la condamne. Pourtant, ce n'est pas le cas. Il examine lesnuances et le vécu de la croyance elle-même. On ne peut réduire ceux qui croientau mauvais augure à une seule catégorie. Il y aurait selon AI-Wazzani ceux qui ycroient tout en ayant la foi. Ceux-ci ne sont pas en contradiction avec lemonothéisme. En effet, on peut combiner la croyance en Dieu comme causepremière et les effets de causalité qui sont ordonnées selon la volonté et la sagessedivine. Pour justifier ce compromis AI-Wazzanï cite un hadTth qui dit : "Cherchezle bien parmi ceux qui ont un beau visage", parce que "la beauté du visage estsigne de qualités morales". Ainsi, AI-Wazzani s'étend sur la question en

(14) Ibidem.

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interprétant ce dire du Prophète pour admettre que l'âme se réjouit de la vue dequelqu'un de beau, et qu'effectivement sa rencontre peut être de bon augure pourentreprendre un commerce ou une vente. C'est pour cette raison que Dieu a confiéaux prophètes d'accomplir des miracles (mu 'jizat wa karamat)(l5).

Ainsi selon le mécanisme interne dufiqh le problème trouve une solution etle compromis est réalisé. Le procédé d'argumentation utilisé dans l'examen du casfinit par domestiquer la croyance, voire à l'intégrer dans le champ religieux. Ladifficulté du compromis est ainsi surmontée.

Si AI-Wazzanï trouve à la croyance dans le mauvais augure un terrain dansle champ de l'Islam et finit par l'accepter en se référant au hadith qui mentionne lebon augure, il se montre, par contre, intransigeant envers la croyance en laprédiction du caché ou de·l'avenir.

La divination est croyance courante dans la société marocame(16), assuréepar les ta/eb ou les voyantes qui prédisent ce qui est caché et permettent ainsi auxhumains de connaître d'avance leur destinée et leur sort. AI-Wazzanï discutelonguement le cas. Il commence par présenter la question: est-ce qu'il est permisou non de croire en ces ta/ba(l7) qui prétendent deviner et se prononcer sur lesévénements et sur les choses cachées, de prédire l'avenir et de se faire payer pourcela? Pour formuler sa réponse, AI-Wazzanï se réfère à un autre faqïh, Sidi AbmadZarrüq qui dit que "prédire l'avenir en consultant les astres ou "la science del'omoplate"(18) ou des traits dans le sable ou l'écriture est la voie vers le chaos(fitna)". On en conclut avec AI-Wazzanï que tout ce qui est utilisé pour deviner cequi est caché n'est pas permis et que tout ce que pratiquent les devins est un péché.De même qu'il est illicite d'un point de vue de la loi islamique de se faire payerpour ce travail. Ce genre de pratique n'est qu'un moyen pour tromper les pauvresgens en prenant leur argent(19). Si AI-Wazzanï s'est montré conciliant concernantle culte des saints et même la croyance au mauvais augure, il est intransigeant ence qui concerne la divination. L'argument qui explique une telle intransigeance estimportant pour la foi. L'acte divinatoire qui consiste à prédire l'avenir parl'interprétation des présages, fait que le divinateur se substitue à Dieu dans laconnaissance du caché(20).

(15) Ibidem.

(16) E. Doutté, Magie et Religion en Afrique du Nord, 1909. Voir aussi E. Westermarck,Survivances païennes dans la civilisation mahométane, Payot, Paris, 1935

(17) Tolba pluriel de raleb qui est celui qui enseigne le Coran aux enfants, fait des talismanset parfois s'adonne à la divination.

(18) Certaines voyantes utilisent l'os de l'omoplate du mouton de la fête du sacrifice pourpratiquer la divination et prévoir le destin de l'individu.

(19) AI-Wazzanï, op. cit., vol. II, pp. 127-129.

(20) On peut trouver une autre explication à l'attitude d'AI Wazzanî. Ne craint-il pas ladéformation du métier dufaqïh que les pratiques des taleb prônent? Le raleb n'est point un 'ülim. Il

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DROIT ET PRATIQUES SOCIALES

4· NÉGOCIATION(2l) AUTOUR DE L'USAGE D'UNE INNOVATION

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A l'encontre des croyances qui font partie de l'héritage culturel de lasociété, certaines pratiques apparaissent avec le contact d'autres sociétés etd'autres cultures. Elles s'introduisent dans la société musulmane, et les musulmanss'en emparent dans leurs usages. Voilà un fait qui.sollicite l'avis dufaqih. Celui-ciles appelle : "des innovations (bida ') qui sont devenues courantes parmi les gens",imposées par la seule loi de l'usage. La consommation du tabac et du café en sontdes exemples.

En traitant leur cas AI-Wazzânï mentionne le fait que leur consommation estdevenue répandue et qu'ils constituent un fléau (balwa) et leur réserve unediscussion qui commence par l'avis de sesprédécesseurs. AI-Wazzanï écrit:

On a demandé à l'éminent qaç/i Sidi Larbi Burdula: que dit la loi islamique àpropos de l'herbe qu'on nomme tabac? Il a répondu que beaucoup de nosprédééesseurs se sont prononcés sur cette herbe. L'interdiction est le point devue de nos maîtres Fassi et celui des maîtres de nos maîtres. Ils ont luttécontre elle et ils l'ont même brûlée. Lorsque nous étions enfants, le

mouhtasib l'interdisait et se montrait strict et violent à J'égard de son usage.Parmi nos maîtres, nous n'avons vu aucun qui était indulgent à son égard oul'autorisait. Son affaire était donc tranchée par ceux qui nous ont précédés.Celui qui veut les suivre il est considéré parmi les gens qui suivent nosmaîtres. Il y a aussi parmi les gens de notre pays ceux qui ne sont pas de cetavis et qui penchent en sa faveur(22).

A travers le traitement de ce cas, on note bien la réaction que créel'introduction non seulement de la consommation du tabac, mais aussi de saculture et sur lesquelles la loi islamique ne s'est pas prononcée. Concernant sa

se situe à une échelle inférieure dans la hiérarchie établie par le savoir religieux. 11 assure unefonction dans la localité qui est celle d'initier les enfants à l'apprentissage du Coran et parfois depratiquer la divination. Le râleh estfaqïh de deuxième degré. En prenant une position radicale contresa pratique et des croyances qui lui sont liées, AI-Wazzanï défend la profession et établi~ unedémarcation séparant la science religieuse des croyances et des pratiques vulgai~es auxquelless'adonnent les rolha.

(21) La notion de négociation est utilisée dans un sens qui est différent de l'usage qu'en faitl'anthropologue Lawrence Rosen dans son ouvrage The Anthropology of Justice où il écrit: "thecentral analogy, the key metaphor, that may prove helpful when thinking about social life ofMorocco--and for that matter, of mU(;11 of the Middle East--is concerned with notions pf contract andnegotiation. It is an image of the bazaar market-place writ large in social relations, of negotiatedarguments extending from the realm of the public forum into those domains of family, history, andcosmology--where there might not most immediately be expected to reside" Rosen Lawrence, TheAnthropology of Justice: Law as Culture in lslamic Society. Lewis Henry Morgan Lectures,Cambridge University Press, 1989, p.ll. Nous estimons que la négociation a lieu suivant les moyensde négociation. Les individus ne se trouvent pas dans les mêmes conditions pour négocier. Pour lefaqïh les limites des textes et les limites de son argumentation sont aussi des limites de ces moyenspour négocier. Il ne pourrait aller au-delà de ces limites.

(22) AI-Wazzanî, op. cit., Vol. 11, p. 5.

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culture, Al-Wazzani se réfère aussi à l'opinion de ses prédécesseurs ou il relèveque la culture du tabac a fait objet d'interdiction (man '). Il n'oublie pas dementionner qu'il Y a deux camps, ceux qui suivent l'opinion de ceux quil'interdisent et d'autres qui suivent celle de ceux qui l'autorisent. Notons qu'iln'utilise point le terme illicite (baram) mais celui d'interdiction (man '). Notrefaqïh ne tranche pas; il suggère que les maîtres ont interdit le tabac mais il existed'autres qui ne sont pas du même avis. Son attitude ouvre la voie à la négociationconcernant ce cas.

Il est difficile pour AI-Wazzani de se prononcer en faveur de l'interdictiondu tabac ou de dénoncer son caractère illicite parce qu'une telle attitude poseraitdes problèmes au niveau de la réalité socio-économique. La culture du tabacs'inscrit dans un mode de vie économique qui se soumet aux règles de l'usage.Cette culture a besoin d'être irriguée, de même que la terre sur laquelle elle estcultivée pourrait être sujette à la location ou à la vente. Le cas implique doncd'autres questions auxquelles le faqïh devrait faire face et donner une réponseclaire et précise. Par exemple, pour celui qui cultive le tabac, "est-ce qu'il faudraitl'obliger à renoncer à son droit à l'irrig\ltion?". Voilà une question qui place le casdans le contexte local. Concernant cette question, AI- Wazzani devient plus ferme.Il écrit: "En ce qui concerne le fait d'interdire à celui qui cultive le tabac del'irriguer, alors qu'il a droit à l'eau, je dis non". De même qu'il ne faudrait passelon Al-Wazzani annuler un contrat de vente ou de location d'une terre où le tabacest cultivé. Le respect du droit à l'eau et des contrats de vente ou de locationpassent avant l'interdiction de la culture du tabac. AI-WazzanI justifie une telleattitude qui ne veut pas aller loin dans l'interdiction au point de priver lecultivateur de son droit à l'eau, parce que nous avons affaire à un cas ambigue(mushtabih), où il est difficile de trancher ou de le ranger soit dans le camp dulicite ou dans celui de l'illicite(23).

Le tabac n'est pas uniquement cultivé, il est aussi fumé. Al-Wazzanienchaîne sur le fait de le fumer en exposant les opinions des fuqaM qui divergent.Il y a ceux qui ont dit qu'il est permis, d'autres l'ont considéré illicite, et certainsont adopté une attitude intermédiaire et l'ont considéré (makrüh). Al Wazzanis'aligne sur l'avis d'unfaqïh qui dit: "les avis sur le tabac sont divers, le mieuxest de l'éviter. Il ne faudrait pas y dépenser de l'argent et d' Y perdre son tempssurtout pour les hommes de religion et Dieu seul sait"(24). Le ton de cetteconclusion est plus une admonestation qu'une opinion de jurisprudence. L'usagedu tabac fumé dépasse le faqïh. Tout ce qui lui reste à faire c'est de sauvegarderl'intégrité et la morale des hommes de religion.

(23) AI-Wazzani, op.cit., p. 5.

(24) AI-Wazzani, op. cit., p. 6.

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Eloigner les fuqaha de tout ce qui est ambigüe qui n'a pas fait l'objetd'accord entre les avis des fuqaha est la meilleure attitude à adopter vis-à-vis deces cas. C'est cette intégrité des hommes de religion qu' Al-Wazzani souligne àchaque fois qu'il examine une pratique sociale. Tout ce qui est objet de désaccordentre les 'ulama, devrait être évité par les hommes de religion. Il arrive à cettemême conclusion lorsqu'il discute et expose les avis desfuqaha surTeau de vie.Ces avis divergent et se partagent entre ceux qui affirment qu'elle provoquel'ivresse et par conséquent elle subit la loi de l'illicite comme c'est le cas pour levin, et d'autres qui affirment le contraire. Il termine par écrire:

J'ai entendu notre éminent et connu maître Abü Abdellah MohamedGuennün Al-Fasi, que Dieu ait son âme, dire que l'eau de vie que les gensdu commun appellent ma1)ya provoque l'ivresse. Mais les 'ulama, que Dieules bénisse, bien qu'ils s'éloignent de tout ce qui est objet de discorde etencore plus de ce qui est illicite, certains d'entre eux ne sont pas arrivés à lavérité. Et s'il savaient la vérité ils n'hésiteraient point. Dieu seul sait.

Sur le cas du café, Al-Wazzanï commence par constater qu'il n'y a pasd'accord. Ceux qui le consomment trouvent qu'il est bien et ceux qui ne leconsomment pas trouvent qu'il est comme le vin, provoquant l'ivresse. Mais Al­Wazzani a son avis la-dessus et il l'exprime:

Pour dire vrai, le café n'entraîne aucune ivresse mais a un effet actif surl'âme. Après accoutumance, on éprouve une sensation dans le corps si on nele prend pas, comme l'effet qu'éprouve celui qui a pris l'habitude de mangerla viande cuite au safran. Il ressent un manque s'il ne le consomme pas et ilressent un effet activant lorsqu'il le prend. Mais il fait l'objet d'interdictionpour différentes raisons, parmi lesquelles on retrouve le fait que les gens quile consomment se rassemblent pour le prendre, tournent le verre comme ilsle font pour le vin, applaudissent, chantent des poèmes louant les femmes etl'amour ou citent le vin. C'est ainsi qu'ils ont l'impression de ressembler auxbuveurs de vin. Il est donc illicite de le boire pour ceux qui le prennent decette manière là.(25)

Il commence par affirmer sans équivoque que le café en lui-mêmen'entraîne aucune ivresse. Cette affirmation provient-elle d'un connaisseur qui agoûté au café? Al-Wazzani ne le dit pas, mais son attitude suggère qu'il estconnaisseur en la matière. Pourtant la prise du café crée une ambiance, un contextequi n'est pas à plaire au goût dufaqïh. C'est la manière de prendre ce café qui poseproblème. Elle rappelle le vin, sa convivialité, la tournée du verre, le chant deslouanges des femmes et de l'amour. Le rituel collectif de la prise du café crée unparallélisme entre le buveur du café et celui du vin et pousse le faqm à prendreposition contre la manière et non contre le produit en soi. Al- Wazzani ditclairement que c'est dans ce contexte que le café devient illicite.

(25) AI-Wazzanl, op. cit., p. 359.

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Il énumère aussi d'autres pratiques et plaiqe contre la prise du café. Parexemple, celle qui consiste à le mélanger avec la drogue (1)shisha) dans les lieuxde rencontre des buveurs. De même que la boisson du café entraîne la promiscuitéet le contact avec les femmes parce que beaucoup de femmes s'adonnent à la ventedu café. En outre, la consommation du café pousse les gens à fréquenter les lieuxdu jeu des échecs, des gens de mauvaises fréquentations et à entendre la parolevulgaire. Tout ceci selon notrefaqïh dissipe l'humanité (murowa) de l'individu. Etle vrai musulman n'est rien sans cette mouroüa arabe que le café menace. Toutecette ambiance et cette atmosphère que crée la convivialité de la boisson du cafédistrait le bon musulman de la prière collective.

Dans sa discussion du cas du café, AI-Wazzânï aborde des questions d'ordresociologique qui relèvent du contexte et des pratiques qui accompagnent la prisedu café, sans oublier l'aspect psychologique, dans la mesure où il considère que lefait d'assumer les méfaits du café et de se laisser aller par l'ambiance collectivequ'il crée est une affaire de tempérament «ab'). Tout dépend donc de celui qui leboit. Il convient à certaines personnes parce qu'il est compatible avec leurtempérament et il ne convient pas à d'autres parce qu'il ne l'est pas. C'est contreles agissements de ces. derniers qu'il faudrait le rendre illicite. (26) AI-Wazzânïtermine l'examen du cas en se référant à ce qu'a rapporté unfaqïh en disant:

Le premier qui l'a bu et a ordonné à ses compagnons de le boire afin qu'il lesaide à veiller pour la dévotion est le cheikh al-Wali le savant Abou al­Bassan Shaçiilï AI-Yamanï AI-Maghribï. AI-Oubjoürï a rapporté d'aprèsJunayn, que le café était un arbre du paradis planté par sept mille anges.C'est l'arbre nommé salwan. Mais lorsque Dieu a chassé Adam du Paradis,l'arbre de salwan est descendu avec lui .... et fut jeté sur la terred'Ethiopie(27) .

Ce parallélisme que fait ce faqïh cité par AI-Wazzânï, entre la destinéed'Adam et celle de l'arbre du café, montre que celui-ci porte en lui l'ambiguité del'homme lui-même: il est ange et démon.

Ai-'Nazzânï ne traite pas ce sujet à la légère. Il ne termine l'examen du casqu'après avoir fait le tour de la question sous tous ses aspects. Lorsqu'il épuise lerépertoire des dires des prédécesseurs, il se tourne vers ce qui a été composécomme poèmes sur le café, en citant ceux qui le condamnent et ceux qui en fontl'éloge. Mais en invoquant de long poèmes qui font l'éloge du café on se rendcompte qu'implicitement AI-Wazzânï n'est pas de ceux qui le condamnent.L'argument qui l'incline vers cette attitude est important: le café aide l'ascète àméditer et prier. Toute la rationalité de la discussion d'AI-Wazzânï tourne autourdu fait que tout dépend de l'usage que l'on fait du café. Un usage orienté vers les

(26) AI Wazzanï, op. cit., p. 360.(27) Ibid., p. 360.

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p!aisirs et la distraction dans la convivialité plaide en sa défaveur, par contrel'usage orienté vers la dévotion plaide en sa faveur(28). Tout dépend donc del'intention du buveur.

La négociation caractérise ainsi l'examen de ces innovations introduitesdans la communauté musulmane et imposées par l'usage.

5 - DROIT COUTUMIER ET NÉCESSITÉ SOCIALE.

Une pratique coutumière ('ur/) diffère d'une innovation (bida '). La premièreest mise en place par l'usage. Elle s'impose par le fait qu'elle est l'expression ducontexte local. Le droit coutumier, ensemble de normes et de lois coutumières, estl'expression de l'organisation sociale au niveau de la localité. Canonisant lesnuances des faits et des pratiques produites dans une localité donnée, ce droitcoutumier pourrait varier d'une tribu à une autre.

En général, l'oralité est le support du droit coutumier. Al' exception dequelques droits coutumiers qui sont écrits(29), la plupart sont oraux. véhiculés parl'oralité, échappant au code de l'écrit et sa rationalisation, ils s'inscrivent dans lechangement social, dans le savoir faire et dans la rationalité locale. Les nawaziL

demeurent pourtant des questions posées oralement au jaqih. Mais en enregistrantpar écrit les questions et les réponses, ces nawàziL canalisent et rationalisent lescoutumes transmises par la voie orale. Là, l'écriture fonctionne comme unmécanisme d'intégration au sein des canons de l'écrit, de ces faits divers véhiculéspar l'oralité.

Le droit coutumier qui régit la vie sociale, économique et politique destribus, répond à une nécessité sociale dictée par les stratégies du mode deproduction local. Le khammas est un exemple de coutume qui s'articule avec lemode de production local. Le khammas, pratique coutumière qui revient à donnerle cinquième de la récolte à celui qui travaille la terre reflète un mode defonctionnement du système agraire. Le statut de l'agriculture dans la société tribale'et guerrière rend le khammas nécessaire. La valeur des hommes dans cette sociétése détermine par le capacité de défendre le terroir de leur trij:m par la prise desarmes dans les conflits tribaux et avec le Makhzen. Les notables sont ceux qui

(28) En dénonçant la décadence fatwa et par conséquent de ce choix raisonné au début de cesiècle, Af-Hajwi écrit sur l'attitude desfoqaha qui ont rendu le café illicite: "je suis étonné de cesfatwil qui sont prononçées par ces temps obscurs. J'ai vu une fatwa de l'imi/m Snoussi qui rend le caféillicite... et une autre de l'imam Ibn Ghazi qui rend l'eau de vie que fabriquent les juifs pour la boirelicite. Les deux ifni/ms se trompent parce qu'ils ne connaissent pas ces choses sur lesquelles ils sesont prononcés. Celui qui a dit que le café est illicite a justifié ceci par le fait que le café provoquel'ivresse, alors que ce n'est pas vrai.. .. Et Ibn Ghazi a considéré que l'eau de vie ne provoque pasl'ivresse alors que c'est faux ...", AI-Hajwï Tha'alibi, Al-fikr as-Sümi, Vol. 2, p. 513.

(29) Mais il y aurait une exception au sud du Maroc où on retrouve une écriture du droitcoutumier. Cette écriture n'est-elle pas un défi à la loi écrite?

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gèrent les conflits et prennent les armes. Par conséquent, le travail de la terre estassuré par ceux qui travaillent en recevant le cinquième de la récolte. Le khamas estdonc une nécessité, qui n'a pas échappé au faqih qui la justifie par le principe denécessité qui fait passer ce qui n'est pas pennis (aç/-ç/arürat tubïbu al-ma1)durat).

AI Wazzanï écrit : "cheikh Abu Ali Ben Rabbal a dit. ...celui qui annule lecontrat du khammas qui est devenu courant se trompe, même lorsqu'il s'agit dedonner au khammas l"habit et autres choses que lui donnent les gens du pays, et ceparce que c'est une nécessité"(30). Le faqih devait faire face à la coutume ('ada),au droit coutumier ('urf) et aux problèmes sociologiques qui se posent dans unesociété musulmane. Selon Berque, il y aurait deux tendances qui se dégagent dansl'attitude "du juriste devant la coutume. L'une orthodoxe, consciente. L'autre quiconsiste, si j'ose dire, à avaler en fermant les yeux"(3I); d'où la flexibilité de lajurisprudence, qui finit par accepter ce qui est imposé par l'usage et qui est devenucoutume . Devant la nécessité sociale qui fonde la coutume, le faqih capitule. Lejuge accepte le khammas, coutume qui a résisté en Afrique du Nord, au nom del'adage malékite qui dit: "les nécessités rendent licites les interdits". Le principede nécessité (ç/arûra) ouvre la voie à un droit pragmatique.

6 - CONCLUSION: FLEXffiILITÉ DE LA MÉTHODE ET HISTORICITÉDU DROIT

Bien que pour les trois types de thèmes, les croyances populaires, lesinnovations et les droits coutumiers, AI-Wazzanï adopte des opinions différentesqui vont du compromis difficile à la nécessité en passant par la négociation,l'approche demeure la même.

On constate la flexibilité de la méthode. Tout en relatant un réservoirréférentiel de dires pour y faire cadrer les cas, le faqih actualise implicitement leréservoir des dires des prédécesseurs. Il déploie tous les subterfuges et les astucesjurisprudentielles pour traiter le cas et formuler une réponse. L'examen du casd'espèce devient une véritable exploration archéologique dans la textualité de lajurisprudence où se sont déposés les dires des prédécesseurs et où le raisonnementanalogique (qiyas) est poussé à ses limites. Le faqih est soucieux de rapporter avecérudition les positions des prédécesseurs. Rien n'est oublié. Même leur silence estévoqué. Lorsqu'ils n'ont rien dit, cela veut dire que la pratique n'était pas d'usagedurant leur temps. Toutefois, si le questionnement n'a pas de limite,l'argumentation du faqih qui se fonde sur la chaîne de la transmission du savoir ases limites: celles des textes et des dires des prédécesseurs.

(30) AI Wazzanï, vol. 6, p. 357.

(31) Berque, Essai sur la méthode..., op. cit., p.33.

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Dans le procédé d'argumentation, une place importante est réservée aucompromis et à la négociation. Le faqih est sensible à la nuance et aux différentsaspects du cas qu'il lui est présenté. Rien n'est traité avec désinvolture ou avec unerigidité dogmatique. Toutes les questions sont discutées et reçoivent une réponse.Un parcours de la table des matières du Nawazil montre que les sujets varient etreflètent la diversité de la vie sociale et économique. La méthode jurisprudentielleest mise au service des questions que se posent les musulmans qu'il s'agisse decroyances populaires, d'innovation ou de coutumes. En outre, le répondant qu'estle faqïh met son service et son savoir au service des questionnements du senscommun et des pratiques de ceux qu'il nomme les gens du commun ('<imma).

Par ailleurs, les nawazil, littérature écrite, constituent une rationalisation parl'écrit des pratiques sociales. L'écriture est une manière de canaliser la coutume etl'usage et de domestiquer les croyances populaires. Ils révèlent un effortd'enregistrer par l'écrit tous ces cas d'espèces et de les inscrire dans la pratiquejudiciaire, les intégrant ainsi dans la chaîne de la transmission du savoir(32). Lefaqïh ne se contente pas de répondre à la question oralement, vu que l'oralité estéphémère, il veut fixer par l'écrit certains usages et pratiques pour les intégrer etles enfermer dans le discours jurisprudentiel, tout en extirpant ce qui n'est pasconforme à la loi islamique.

Les nawazi/ témoignent de J'historicité de la norme juridique, d'un droitinstantané et collé au social, opérant dans une société qui a toujours recours auquestionnement sur le droit. Ils montrent aussi que la norme juridique, tout endemeurant sur le terrain de la loi islamique, est négociée et constammentactualisée dans les limites du pensable.

Rahma BOURQIAFaculté des Lettres - Rabat

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(32) Soulignons le fait que l'écriture elle-même est un processus intégrateur.

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COMPTES-RENDUS BIBLIOGRAPHIQUES

RESENAS BIBLIOGRAFICAS

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BIBLIOGRAPHIE 149

Masashi Haneda & Torn Miora (OOs.), Islamic Urban Studies. Historical Reviewand Perspectives, London/New York, Kegan Paul International, 1994, XVII, 365 p.

En 1988 démarrait à "l'Institut de la Culture Orientale" de l'Université deTokyo, sous la direction de Yuzo Itagaki, un vaste programme de recherche fondépar le ministère japonais de l'Education, de la Science et de la Culture, et intitulé :"L'urbanisme en Islam: Etude comparée". 24 groupes de travail, environ 120chercheurs appartenant aux humanités, aux sciences sociales et aux sciences de lanature; plus de 200 séminaires et 2 colloques internationaux tenus en 1989 et 1990.Ces chiffres signalent l'envergure du programme, et le livre que nous présentons enest l'un des fruits concrets. Il s'agit d'un ouvrage collectif publié en japonais en 1991,puis traduit en anglais.

Le titre nous prévient déjà qu'il s'agit d'un aperçu général sur la rechercheconcernant le phénomène urbain dans le monde musulman. Il s'agit en fait d'unehistoire de la recherche historique traitant du phén<:>mène en question; et cet objectifest réalisé à travers cinq études, assorties de bibliographies étoffées, et consacréesrespectivement au Maghreb, au Mashriq, à la Turquie, à l'Iran, et à l'Asie Centrale, etce par des auteurs spécialisés dans ces régions. Ces études différent par leur allure etleur densité, mais semblent répondre à un questionnaire implicite qui s'articuleautour de quelques soucis constants :

- Périodiser la production existante;- souligner l'appartenance géographique et culturelle des travaux réalisés- relever les travaux fondateurs;- relever les grands thèmes et centres d'intérêt, notamment les formes

spatiales, les institutions et les structures économiques et sociales;- suivre l'évolution du concept de "ville islamique".

Le lecteur retient en premier lieu une exhaustivité géographique inhabituelle,car le monde musulman est effectivement embrassé dans ses différentes composantesrégionales, ce qui évite l'habituelle confusion entre aire arabe et aire islamique; etoffre la possibilité de comparaisons fécondes. A un autre niveau, l'ouvrage ne souffrepas du handicap habituel lié aux cloisonnements linguistiques et aux rapports centre/périphérie, à savoir la méconnaissance des travaux effectués par les chercheurs despays musulmans, notamment ceux qui n'ont pas été publiés dans les principaleslangues occidentales. Sont évoquées ici les recherches, parfois inédites, écrites dansdifférentes langues autochtones, et évidemment, la recherche japonaise qui a déjàproduit des travaux importants, notamment sur l'histoire des villes du Mashriq, de laTurquie, et du monde iranien.

L'historiographie de la ville islamique nous met devant un paradoxegéographique de taille. Le Mashriq, fut le lieu de naissance de l'Islam et du modèle

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urbain. Mais c'est à partir de la ville maghrébine que l'orientalisme français élaborale concept de "ville islamique".

Masatoshi Kisaichi décrit de manière très fouillée les grandes étapes de cemouvement. C'est l'occupation d'Alger qui lance la recherche française, dans le cadred'une tradition inaugurée par Bonaparte en Egypte. "L'Exploration scientifique del'Algérie" produit 39 volumes, avec une approche multi- disciplinaire. Les travauxspécifiques sur la vie urbaine sont d'abord entrepris par des amateurs, officiers,fonctionnaires coloniaux et interprètes; puis on assiste à la structuration progressivede sociétés savantes qui restent prisonnières de vues privilégiant l'époque romaine etassociant la période islamique à l'antagonisme entre citadins et nomades. Vers la findu XIxe siècle, la recherche s'oriente vers les villes de Tunisie et du Maroc. "LaMission scientifique", crée en 1904 gère les travaux qui aboutissent à la publicationdes onze volumes de la collection "Villes et tribus du Maroc". Détail chronologiqueimportant: c'est au cours des années 1920 que le concept de "ville islamique" estprogressivement élaboré par les frères Marçais, G. von Grunebaum, R. Brunschwiget L. Massignon . Celui-ci laisse son enquête magistrale sur les corporationsmarocaines, G. Marçais publie son Manuel d'art musulman (1926), et R. LeTourneau son classique Fès avant le Protectorat (1949). •

A partir de 1956, c'est l'ère des indépendances. Paraissent des travaux réaliséspar des auteurs maghrébins tels que M. Dawud(l), M. Nasiri, A. Ben Talha et M.Marzuqi. Et au cours des années soixante, la recherche anglo-américaine remet enquestion le concept de "ville islamique", et ce à travers des études consacrées auMashriq. Deux colloques font date, l'un tenu à l'Université d'Oxford en 1965, lesecond à l'Université de Californie l'année suivante. On retiendra notamment lesapproches et arguments de S. Stem, A.H. Hourani, G. Lapidus, S.D. Goitein et J.Abu-Lughod. Mais au cours des années soixante-dix, la ville maghrébine attire destravaux historiques anglo- saxons imprégnés par la démarche anthropologique,notamment ceux de K. Brown sur Salé et R.I. Lawless et G. H. Blake sur Tlemcen.Dans le même mouvement s'inscrivent les recherches de l'anthropologieinterprétative américaine, avec des auteurs tels que C. Geertz, D. Eickelman, et L.Rosen. Et depuis une vingtaine d'années, la recherche marocaine connaît un débutd'accumulation au niveau des monographies d'histoire et de géograhie urbaines. \

Dans l'étude consacrée au Mashriq, le lecteur a droit à un panorama organiséen trois ensembles (Iraq, Syrie, Egypte), et dans chacun de ses ensembles un aperçu

(1) L'ouvrage important de M. Dawl1d sur Tétouan est signalé ici dans Je cadre de l'émergencedes études urbaines marocaines. Or il serait utile de distinguer entre, d'un côté les débuts de la rechercheuniversitaire moderne, et d'un autre côté une tradition d'historiographie urbaine qui remonte au MoyenAge, mais qui a connu, au cours du Protectorat, un certain renouvellement qui pourrait être lié aucontact avec les chercheurs européens, mais aussi à une volonté d'affirmer une identité culturelle

menacée. M. Dawl1d appartient plutôt à ce mouvement, après des auteurs tels que A. Jirarï (Rabat), M.Saddïqï (Essaouira) , M. Kànl1nï (Safi) et M. Sl1sï (Iligh).

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sur les principales villes. Relevons la densité des dossiers réservés à Baghdad,Damas, Alep, Jérusalem et la capitale égyptienne. Toru Miura souligne l'ampleur etle renouvellement des travaux consacrés à l'espace de la ville médiévale;l'investigation archéologique européenne, relayée dès les années soixante- dix pardes institutions scientifiques locales, a pu mettre à profit l'abondante littératurehistoriographique et topographique léguée par l'époque en question. Apparaît aussil'accumulation réalisée dans l'étude des structures sociales, des mouvementspopulaires et de la vie quotidienne. Le constat est encore plus frappant pour lapériode ottomane qui a laissé des documents d'archives dont le chercheur ne trouvepas l'équivalent au Maroc.

Concernant la ville turque, traitée par Kayoko Hayashi, il faudrait rappeler laqualité des travaux. qui y ont renouvelé le dossier des corporations de métiers. Lamajorité des études urbaines récentes ont privilégié la perspective de l'histoireéconomique et sociale à partir des archives ottomanes. Certains travaux récents sesont interessés aux structures spatiales et sociales des villes moyennes d'Anatolie. Lacapitale Istanbul est traitée dans les études consacrées au processus de modernisationde l'Empire Ottoman.

Au niveau iranien, Masashi Haneda montre que la recherche a soulignél'originalité de l'espace urbain dans cette région, la nature régionale des villes et leurtendance à la décentralisation. Différents travaux ont d'abord privilégié uneperspective de géographie historique et d'histoire de l'architecture. D'autreséclairages ont été apportés à la connaissance de l'administration urbaine, des notableset des mouvements populaires.

Pour ce qui est de la ville d'Asie Centrale, Hisao Komatsu montre laprépondérance de la recherche russe relayée par les travaux soviétiques inspirés parles schèmes marxistes. Ceux--ci se sont interessés particulièrement aux échangescommerciaux , aux rapports villes- nomades, et à l'investigation archéologique. Ladimension islamique a été généralement ignorée; on a surtout parlé de "villesmédiévales", qualifiées de "féodalisme oriental" .

Au-delà des variations thématiques et régionales qu'en est- il du concept de"ville islamique"? Il est significatif que la question a particulièrement retenul'attention de deux auteurs. Dans le chapitre sur l'aire maghrébine, M. Kisaichi adécrit et critiqué le contenu du concept tel qu'il fut élaboré par l'approcheorientaliste. Celle- ci s'est caractérisée par son a- historicité, sa définition négative dela ville islamique, et sa référence implicite à la ville européenne et au modèleweberien. Et depuis les années 1960, différents aspects du dossier ont été renouvelésou reformulés, c'est le cas notamment de l'autonomie urbaine. Quant à Toru Miura,qui a traité du dossier du Mashriq, il a aussi rédigé la conclusion de l'ouvragecollectif, avec un effort de "réinterprétation" et l'ambition de dessiner de nouvellesperspectives. La ville comme système de référence; comme espace; comme

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carrefour d'hommes, de biens et d'informations; comme entité associative; commesymptôme révélateur de changement historique; et enfin comme ensembles de traitsculturels, mentalités et valeurs. Tels sont les grands axes proposés, avec une volontéde quitter le terrain de la vulgate, afin de redéployer l'investigation sur l'historicitédu phénomène urbain dans le monde islamique à partir des acquis récents dessciences sociales.

Au total, cet ouvrage d'équipe devrait constituer un instrument précieux pourles études urbaines, non seulement pour les historiens mais aussi pour différentessciences humaines, surtout si l'on considère que l'ouverture sur les différents dossiersqui y sont abordés devrait aider à enrichir la démarche monographique qui combineparfois la collecte documentaire avec un aperçu fragmentaire de "l'état des lieux".

Abdelahad SEBTIFaculté des Lettres

Rahat

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Ahmed Siraj, L'Image de la Tingitane. L'historiographie arabe médiévale etl'Antiquité nord- africaine, Rome, Ecole Française de Rome, 1995, 732 p.

Mobiliser les sources arabes du Moyen Age pour écrire une histoire del'Afrique du Nord antique, notamment romaine, contribuer à l'étude du "passage del'antiquité au haut Moyen-Age en Afrique du Nord", tels sont les objectifs quel'auteur se propose dans cet ouvrage, à l'origine thèse de doctorat soutenu en 1993 àl'Université de Paris I. Au niveau de la délimitation géographique, A. Siraj a choisil'actuel Maroc septentrional, c'est-à-dire "la province administrative de MaurétanieTingitane comprise dans le triangle traditionnel Sala- Volubilis- Tanger, plus toute lacôte septentrionale qui représente un trajet traditionnel des navigateurs anciens, et lapartie séparant la Tingitane de la Césarienne, partie qui correspond au Marocoriental" .Quant aux sources, elles s'étalent du VIle au XVIe siècles.

L'auteur commence par une longue présentation des textes. On y distinguesources historiques et sources géographiques; et chacun de ces deux ensembles estl'objet d'une classification thématique et géographique.Tous les auteurs ont droit àune notice complétée par une bibliographie circonstanciée en notes infrapaginales.Ensuite l'auteur nous livre un inventaire de textes, dans la version originale arabe etavec une traduction française. Le champ thématique se précise, puisque le corpus estregroupé en deux ensembles : textes relatifs à l'histoire ancienne du Maghreb, ettextes relatifs à la géographie historique du Maghreb Extrême, avec un intérêtfocalisé sur les itinéraires et les localités.

Un deuxième moment est consacré à l'étude du mode de }résence du Marocantique préislamique dans les sources sus- mentionnées. L'historiographie exprimeun rapport de conquête. Apparaît un Maghreb ignoré, objet d'une appropriationviolente. A. Siraj passe en revue des traditions attribuées au Prophète; elles louent laterre de la nouvelle province, et en déprécie les hommes. On y décèle sans doute desenjeux liés à la conquête, et des échos de courants politico-religieux qui ont émergé àl'époque. L'historiographie arabe entretient avec le Maghreb un rapport marqué parl'ignorance et l'indifférence, et c'est Ibn Khaldün qui semble inverser cette tendanceet réhabiliter le Maghreb comme entité historique. Quelle image retient-on destextes? Des données fragmentaires; peu de données concrètes sur les populations, lesressources, les pouvoirs et la culture; plus de récits à coloration mythique oùapparaissent des personnages de conquérants tels qu'Alexandre le Grand, ou deslieux imaginaires tels que Wadïar- Rami ou Madïnat an- Nuhas..

Ensuite nous passons au moment fort de l'ouvrage, à savoir une étude degéographie historique, avec deux volets déjà annoncés dans l'inventaire des textes,c'est- à- dire les itinéraires et les villes.Dans l'ensemble, les textes arabes sont priscomme point de départ; A. Siraj les confronte de manière précise et argumentée,avec les connaissances accumulées par la recherche en matière d'histoire etd'archéologie marocaine. A chaque niveau de l'étude, l'auteur dégage des sources-

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repères; les données sont à maintes reprises visualisées par des cartes, et des tableauxqui permettent de mieux voir les variantes que différents textes proposent pour unmême dossier. L'auteur adopte souvent une démarche prudente, préférant dans ledétail aligner des hypothèses et indiquer des lieux de prospection pour de futuresenquêtes archéologiques.

Au niveau des itinéraires, nous suivons dans un premier temps les côtes.D'abord celle de la Méditerrannée. C'est la description d'al-Bakrï qui sert ici desupport principal. Avec, en amont, des sources antiques telles que Ptolémée etl'Itinéraire d'Antonin, se confirme la continuité de l'occupation des sites maritimesentre Tanger et la Moulouya. La côte du détroit de Gibraltar a fait l'objet d'unedescription précieuse qu'al- Bakrï attribue à al- Warraq (xe siècle), et qui pourraitêtre la description la plus ancienne rédigée par un géograghe maghrébin. Ensuitesont passés en revue les sites jalonnant la côte qui s'étend de Tanger à Sala.

A. Siraj entreprend l'étude des itinéraires terrestres à partir de quelquesthèmes qui posent de véritables problèmes pour la connaissance de l'époque. Ladescription d'al-Ya'qübï est utilisée pour tenter de mieux percevoir l'itinéraire de laconquête islamique. C'est un itinéraire nordique, qui emprunte les chemins du Rif, etaboutit à Tanger, base des offensives militaires dirigées vers le sud du Maroc et lapéninsule ibérique. Par contre, l'utilisation du couloir de Taza semble avoir été trèsirrégulière. Est aussi posé le problème de la liaison terrestre entre la MaurétanieTingitane et la Maurétanie Césarienne. L'auteur constate à ce propos qu'il y avaitentre les deux provinces "un territoire qui s'étendait sur plus de 300 km, quiéchappait à l'autorité et au contrôle militaire des Romains, mais qui est considéré parles écrivains anciens comme faisant partie, géographiquement de la Maurétanieoccidentale" (p. 408). La zone qui s'étend de Taza à Tlemcen est ainsi demeurée sousle contrôle des tribus locales; et le grand commerce de la Tingitane empruntait plutôtla route maritime, plus aisée et plus rentable. Par ailleurs; à partir d'un échantillon (Zilil et sa région), l'auteur montre l'utilité d'une géographie maraboutique, pour ladécouverte des sites antiques. On découvre ainsi deux types de processus, "celuid'une sacralisation d'un site antique à travers l'installation d'un marabout, et celui durejet d'un site antique" (p. 459).

L'auteur entreprend enfin un "catalogue des villes et des localités". Il distinguequatre types de localités. Celles- ci peuvent être présentées comme antiques par lessources arabes; mais leur antiquité est alors établie, non confirmée, ou infirmée.Mais il y a aussi les localités pouvant être antiques, même si les sources arabesattribue leur naissance à la période islamique. Deux sources sont mises en relief: ladescription d'al- Bakrï et, en aval, celle de Léon l'Africain. A. Siraj consacre àchaque ville ou localité, une notice dans laquelle il aborde différents aspects tels quel'emplacement et l'étymologie des toponymes. Certains cas reçoivent un éclairageplus circonstancié. L'examen serré des sources permet de voir par exemple que le

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nom de Tanger désignait la ville mais aussi une grande province, et certaines sourcessont allées jusqu'à confondre Tanger et Volubilis (p. 497).

L'ouvrage est donc le fruit d'un gros effort d'érudition; l'architectured'ensemble est d'une grande clarté. Mais le lecteur garde en même telTlPs une netteimpression de décalage entre le niveau de l'inventaire et celui de l'analysed'ensemble. Prenons la question de l'historiographie. La présence de la périodeantique y est définie par le manque, et on en conclut la prédominance du sentimentreligieux. Le rapport avec l'âge antique n'est pas envisagé dans sa cohérence; A. Sirajparle même de "pauvreté des connaissances archéologiques" chez l'historien del'époque, alors que "le géographe, lui, en homme de terrain, était mieux placé pourconsidérer les réalités archéologiques"(!), comme si l'archéologie ou les ruines sontdes catégories qui vont de soi. Différentes données historiographiques etgéographiques auraient mérité d'être envisagées dans le cadre d'une géographieimaginaire. Ces remarques ne seraient pas légitimes si l'auteur ne s'était pas autorisé,par moments, des formulations théoriques peu convaincantes. Il parle d'écrire une"histoire rétrospective", pour désigner simplement une situation assez courante, celleoù le chercheur est amené à étudier une époque à partir de sources nettementpostérieures. Les définitions proposées pour distinguer "histoire", "image" et"mémoire" ne semblent pas être le fruit d'une élaboration testée dans le corps del'ouvrage.

Par ailleurs, le lexique des sources aurait mérité une plus grande attention, auniveau de l'étude des itinéraires et des centres urbains. Le lecteur aura remarqué quel'usage des termes "ville" et "localité" n'est pas soumis à une distinction approfondie;et l'expression de ville "moderne" est utilisée lorsque les sources arabes désignaientdes créations de l'époque islamique. Regrettons, au niveau typographique, unedensité inattendue de coquilles; celles- ci en arrivent parfois, mais rarement, àtoucher le niveau du contenu, lorsque "journée de marché" veut dire en fait "journéede marche" (p. 373).

Mais ces observations ne remettent point en cause l'importance de l'ouvrageau niveau de sa contribution à la géographie historique du Maroc(l), et au niveau descontacts féconds qu'il établit entre "Antiquité" et "Moyen Age", et entre historiens etarchéologues.

Abdelahad SEBTIFaculté des Lettres

Rabat

(1) Signalons à ce propos que l'auteur anime un groupe de géographie historique, domicilié à laFaculté des Lettres et des Sciences Humaines de Mohammedia, et auquel participent des historiensantiquisants et médiévistes appartenant à diverses universités marocaines.

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Mohammed AL·MANOUNI : La civilisation mérinide (en arabe), Rabat,Publications de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, série :Essais et Études n° 20, 1996, 588 pages.

Après plus de vingt ans, voici une édition revue et augmentée du livre deMohammed AI-Manouni sur "la Civilisation mérinide".

Point n'est besoin de présenter aux lecteurs d'Hespéris-Tamuda le professeurM. Manouni dont les études sur la civilisation marocaine au Moyen-Age aussi bienqu'aux temps modernes font autorité. Archiviste et historien de talent, M. Manounin'a pas cessé, de publication en publication, de nous orienter vers les fondsd'archives - privées ou publiques - et de mettre à notre disposition unedocumentation de première main 'susceptible d'enrichir notre connaissance dediverses phases de l'histoire marocaine.

Les travaux présentés dans ce livre avaient été publiés antérieurement sousforme d'articles, mais ils ont été largement révisés, actualisés et complétés pours'intégrer à ce recueil où l'on trouve par ailleurs des apports nouveaux comme ceuxrelatifs aux sciences islamiques et aux savants de l'époque mérinide (pp. 263-371).

Le fil conducteur de ces études claires, homogènes et bien documentées est laquête des "spécificités" de la période mérinide et son "originalité" dans le processushistorique marocain. Mais le recherche des composantes de "l'identité marocaine",ses caractéristiques et ses fondements tels qu'ils se sont élaborés pendant cettepériode, est la thèse qui sous-tend l'ouvrage. Ce sont les Mérinides qui, en échouantdans leur tentative de réincarnation de l'empire de l'Occident musulman tel qu'il futsous les Almohades, vont se replier sur le Maroc et le doter de plusieurs traitscaractéristiques permanents qui se maintiendront jusqu'au xxe siècle. "La nouvelleorganisation de l'Afrique du Nord où s'est constitué l'Etat marocain d'une manièrenouvelle date de l'époque mérinide. Et c'est à cette période que revient laconsolidation de plusieurs traditions et coutumes marocaines et la coordination de lalégislation marocaine" (p. 18). .

Le livre renferme quatorze chapitres repartis en quatre parties, à savoir:

1 - "Fès la Nouvelle et ses environs" (pp. 23-78).2 - "Les institutions de l'Etat mérinide" (pp. 79-230).3 - "L'histoire de la pensée islamique et de l'intrus à l'époque mérinide" (pp.

231-514).4 - "Divers sujets objectifs" (515-570) où l'auteur traite de la fête de la Nativité

du Prophète et de la description du Maroc à l'époque d'Abü 1-:E:Iassan le mérinide.

Après une brève introduction où les aspects de la décomposition de l'Empirealmohade sont rappelés et une synthèse méthodique de l'histoire mérinide donnée

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(pp. 11-19), l'auteur nous donne une description systématique et vivante de Fès lacapitale dans sa genèse, ses extensions, ses monuments, leurs fonctions et leurorganisation. Sans oublier de tirer profit de l'observation des monuments mérinidesencore sur place, l'auteur se base essentiellement sur une riche documentationarabe, (parfois épigraphique), et sur des textes inédits tels que les hawala-s desbiens habous. Cette dernière documentation n'était 'pas à la portée de certainshistoriens des monuments de Fès (par ex. Boris Maslow, A. Bel). En fait l'auteurplace cette étude dans la longue durée, en élargissant son enquête aux tempsmodernes.

Dans la deuxième partie l'auteur jette la lumière sur les institutions mérinides.Ainsi sont décrites l'organisation du gouvernement central et provincial,l'organisation militaire, l'organisation économique, les principes de l'Etat ainsi queses relations avec l'Orient musulman. L'auteur conclut en ce qui concernel'administration centrale que "la politique des Mérinides avait - dans une largemesure - un aspect populaire. Parmi leurs traditions dans le domaine administratif,on trouve la consultation des représentants du peuple avant de procéder à desnominations aux fonctions religieuses" (p. 93). On ne sait si cette assertions'applique à la période mérinide tout entière, et on se demande à quel point lapolitique religieuse mérinide s'accordait véritablement avec ce principe.

Les ressources de l'État mérinide ressemblent à celles des autres Étatsmusulmans. L'auteur s'arrête longuement sur le problème de la fiscalité, très lourdemalgré les réformes entreprises par certains sultans et notamment Abü I-Bassan. Lamultiplicité des prélèvements et le système de perception rendaient la politiquefiscale particulièrement impopulaire. Quant aux dépenses de l'État, elles étaient"énormes" et "extraordinaires". De très nombreux biens habous, des personnes aussibien que des rois, étaient destinés aux œuvres sociales et religieuses". Le sujet deshabous mériterait d'être mieux étayé ou discuté, d'autant plus que l'auteur en fait unpoint assez important d'une hypothèse intéressante sur leur rôle capital dansl'économie et dans la cohésion de la société mérinide.

Toujours précis et solidement documenté, l'auteur aborde le problème de lamétrologie et du système monétaire mérinides. C'est une étude assez solide et pleinede finesse qu'il nous livre. La question de la falsification des monnaies est traitée,me semble-t-il, trop vite, et d'une façon qui laisse un peu le lecteur sur sa faim. Onaurait aimé que l'autem s'arrête plus longuement sur son impact sur l'économie et lasociété tout entière. L'économie mérinide est traitée hâtivement, sans doute parceque "les sources disponibles ne permettent pas d'éclairer de façon satisfaisante lesquestions économiques", et "nos connaissances sur le commerce extérieur nedépassent pas l'époque d'Abü I-Bassan et d'Abü 'Inân" (p. 143). En réalité,beaucoup de progrès ont été faits dans ce domaine depuis la contribution de M.Manouni à ce sujet, et l'on a une vision relativement claire des relations du Marocmérinide avec le Soudan aussi bien qu'avec les pays européens.

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Malgré leur souplesse, les institutions mérinides deviennent rigides et tendentà se scléroser. .certains sultans tardifs ont essayé de "revoir l'organisationgouvernementale mérinide" et d'entamer des tentatives de réformes dont les aspectsthéoriques nous sont dressés par certains scribes du palais. Mais la réalisationconcrète de ces réformes fut entravée par le déclin général de l'État marocain.

Cette partie est la plus riche du livre par la précision de l'abondance desdonnées qui sont présentées avec clarté. Cependant c'est une image un peu statiquedu pouvoir et de l'administration mérinides que l'on en retire. La description desrouages gouvernementaux pourrait rendre de meilleurs services, et la spécificité desinstitutions mérinides serait mieux perceptible si l'auteur avait opté pour une é~ude

comparative de l'organisation mérinide avec celle des autres pays musulmanscontemporains, et en particulier avec celles des Nasrides.

Parmi les traditions nouvelles qui ont vu le jour sous les Mérinides, on peutciter l'instauration des relations au niveau gouvernemental entré le Maroc et l'Orientmusulman, et surtout avec l'Égypte (pp. 167-230). Ces relations qui se sontintensifiées sous le sultan Abü I-Hassan sont envisagées principalement sousl'aspect d'ambassades, et d'échanges de cadeaux, qui dévoilent les enjeux souventdissimulés par les chroniques, tel que la recherche de légitimation des Chérifs desLieux Saints par les Mérinides (p. 207).

On note que les textes relatifs à ces relations, qu'ils soient orientaux ouémanants des auteurs maghrébins (Ibn Khaldün en premier lieu) sont analysés avecune remarquable acuité. Peut-être ce thème méritait-il d'être traité séparément aulieu d'être incorporé dans la partie traitant de institutions mérinides.

C'est dans la troisième partie, "Histoire de la pensée islamique" que l'auteurpasse en revue les conditions de l'épanouissement culturel sous les Mérinides, lesstructures de l'enseignement et les matières enseignées, les courants culturels, lesorigines de l'identité marocaine, et enfin, les relations culturelles entre le Maroc etla Tunisie.

L'auteur affirme que "la valeur de cette période - au niveau culturel - s'avèredans la participation importante du Maroc - gouvernement et peuple - au renou­veau de la civilisation islamique après qu'elle ait été presque anéantie par lesCroisades en Occident musulman et en Orient" (p. 18). Et après avoir rappelé lesdivers facteurs de l'épanouissement culturel, l'auteur s'arrête aux spécificités del'époque mérinide. Ils se résument en "l'abandon de la doctrine almohade", "lamarocanisation de l'appareil culturel dans certains secteurs" et "l'orientation plusqu'auparavant vers l'Orient et vers le Caire en particulier" suite au vide causé par lachute des centres scientifiques en al-Andalous. Ainsi, "la culture marocainemultipliait ses emprunts à l'Orient". Deux points essentiels reflètent ce phénomène:La construction des Medersas et la réforme de l'enseignement.

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L'auteur jette beaucoup de lumière sur "l'institution des Medersas"(historique, construction, formes, nombre, répartition géographique, corpsenseignant, financement, etc.) sans négliger les centres d'enseignement dans lescampagnes marocaines (pp. 250-261).

M. Manouni consacre un grand chapitre aux sciences originales et introduites(pp. 265-373). Il donne un inventaire assez complet de toutes les sciencesreligieuses et profanes qui existaient au Maroc et de leurs savants respectifs.L'auteur ne donne pas moins de cent cinquante titres d'ouvrages encore manuscrits.Mais cet inventaire est autre chose qu'une sèche énumération de titres; denombreuses références sont accompagnées d'une analyse critique fort utile auchercheur. Il n'en reste pas moins que ces références sont un outil de travail plusqu'un essai d'interprétation.

Dans un autre chapitre de cette partie, l'auteur aborde "les courants culturelsdans le Maroc mérinide" (pp. 377-425). A côté de la prépondérance du Malikisme,de l'Ach'arisme et du Soufisme sunnite, la période mérinide a connu des idéesnouvelles en sciences sociales, et "des courants culturels parfois divergents". Onnote avec un intérêt particulier l'émergence d'une conscience aiguë chez lesMarocains des dangers - intérieurs et extérieurs - qui les entouraient. Cetteconscience se perçoit non seulement dans leur lutte contre les groupes extrémistesou dans la polémique anti-chrétienne ou anti-juive, mais également à travers"l'opposition écrite" émanant de certains savants, et dont le ton va de la souplesse àla sévérité à l'égard des dirigeants" (pp. 397-400).

Et puisque l'une des caractéristiques de l'époque mérinide réside dans le fait"qu'elle a pu retarder la catastrop"he d'al-Andalous de deux siècles environ, grâceaux efforts déployés par le Maroc pour défendre le Paradis perdu"(19), on ne peutque se pénétrer des pages qui traitent de l'effort des "associations" et des groupespopulaires qui ont pris en charge la défense de l'Andalousie et des côtes marocainesaprès la défaillance des derniers Mérinides. Des combattants affluaient de toutes lesextrémités du Maroc. "Certains groupes réagissaient en concertation avec le Sultand'al-Andalous et de ses chefs". D'autres accomplissaient leurs missions défensives"en coordination avec les savants de Fès, ses ascètes et ses étudiants" (420).

Cette longue période mérinide a contribué à "la construction du nationalismemarocain contemporain" (p. 437). Ce fut alors qu'apparemment les élémentsconstitutifs du sentiment national marocain" et "la mise en place de plusieurstraitements de l'identité marocaine": linguistique, juridiques, religieux et défensifs.

Ainsi, contrairement à la période almohade précédente où prévalait lebilinguisme arabo-berbère, la période mérinide a connu "l'unité linguistique dans lecadre de la généralisation de la langue arabe jusqu'aux extrémités du pays, à telpoint qu'elle est devenue l'élément essentiel de l'unité politique du Maroc". L'unitéde juridiction est assurée par le retour volontaire des marocains à la doctrine

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malikite, et le recul du droit coutumier. L'unité de la doctrine religieuse s'est réaliséegrâce au consensus des marocains et leur ralliement général à la doctrine ach'arite,purifiée des idées almohades. Enfin l'unité défensive, l'aspect le plus remarquablede cette unité nationale, s'est manifestée dans la réaction des marocains contrel'invasion portugaise.

La période mérinide a connu d'autres éléments de l'unité nationale qui étaientle résultat des initiatives de "la société civile" et répondaient à une profonde volontépopulaire, tels que la fixation et l'organisation de plusieurs questions de procédurejuridique marocaine, l'unification de la formation des esprits (suite à l'unificationdes manuels d'enseignement), le début de l'écriture d'une histoire nationale,(inaugurée par le Rawçl al-Qirtâs), le véritable essor de l'Université d'al­Qarawiyyïn, l'idée de la constitution des habous pour des institutions de caractèrepublic, la réorganisation des relations du Maroc avec plusieurs pays d'Orient etd'Occident, l'organisation de la caravane officielle du pèlerinage, la généralisationde la célébration de la fête de la Nativité du Prophète, l'usage d'illuminer lamosquée de Qarawiyyin dans la nuit du 27 Ramadan et de faire sonner destrompettes toutes les nuits de ce mois... D'autres institutions et traditions aux menusdétails, datent de l'époque mérinide, et qui, en se perpétuant "sont devenus des traitsintégrés de l'âme marocaine".

Par la richesse de ses informations et sa vision synthétique concentrée, cechapitre est une conclusion qui résume les thèses de l'auteur. Plus encore, c'est uneréfutation - avec preuve à l'appui- de certaines thèses de l'école colonialiste qui niaitl'historicité de la nation et de l'État marocains.

On aurait aimé que l'auteur s'arrête à ce chapitre. Les trois suivants, bien quefort intéressants en eux-mêmes, peuvent bien être intégrés dans les autres parties dulivre. Ainsi l'étude approfondie de la célébration de la Nativité du Prophète (pp.517-540) - se rattache aux courants culturels et religieux, celle relative aux relationsculturelles entre le Maroc et la Thnisie hafside (pp. 441-512) se rattache, quant, àelle, aux relations extérieures et peut être traitée après les relations du Maroc avecl'Orient. Quant à la description du Maroc sous Abu I-I:Iassan, elle doit logiquementfigurer en appendice à la première partie du livre ou à la deuxième.

D'une façon générale, nous pouvons dire que l'effort considérable déployépar l'auteur dans son étude de la civilisation mérinide se perçoit dans son utilisationd'un nombre impressionnant d'ouvrages et de documents inédits ou lithographiésqui étaient encore jusqu'à ces toutes dernière années inaccessibles à la majorité deschercheurs. De fait, c'est le grand nombre de sources citées qui fait la solidité desdossiers traités. L'auteur nous met en contact avec un grand nombre de texteshistoriques inédits qu'il analyse, présente ou dont il se contente de donner lesréférences.

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Cependant, on ne peut passer sous silence que certains thèmes méritentencore une étude approfondie pour être mieux cernés (par exemple l'économie et lasociété mérinides, les relations avec l'Europe et avec le Soudan..).

L'une des caractéristiques de ce livre et non la moindre, est son style. Il estécrit avec une langue "économe", scientifique et assez solide où place n'est pointfaite au style littéraire, à la rhétorique ou au style émotionnel. Il est vrai que ladimension théorique fait défaut à cet ouvrage d'érudition, et ses idées ne sont pasassez conceptualisées. Mais qui nierait son grand apport à l'élaboration des essais dethéorisation et de conceptualisation de l'Histoire mêrinide qui ont vu le jour{l). Sices théories peuvent être révisées, modifiées ou réfutées, le livre de M. Manouni estirremplaçable parce que fondé sur une base documentaire solide.

Mohammed CHERIF.Faculté des Lettres - Tétouan

(1) Comme la thèse magistrale de M. Kably, Société, pouvoir et religion du Maroc à la fin duMoyen- Age, Paris, 1986. On peut également citer les noms de:

- Marfa Jesûs Viguera, Hechos memorables de Abû l-Hassan, sultan de los benimerines. El"Musnad" de Ibn Marzûq, traduei6n y notas, Madrid, 1977.

- Manzano Rodriguez, Miguel Angel, La intervenci6n de los benimerines en la PenînsulaIbérica, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Cientffieas, 1992.

- Rudolf Thodon, Abu l-Hassan Ali (Albohacen). Merinidenpolitik zwischen Nordafrika undSpanien in den Jahren 710-752 H.l1310-135I, Friburgo de Brisgobia, 1973.

- Shatzmiller Maya, L'historiographie mérinit1e. Ibn Khaldûn et ses contemporains, Leiden,1982.

- Khanboubi Ahmed, Les premiers sultans mérinides. 1269-1331. Histoire politique etsociale, Paris, 1987.

- Herman L. Beek, L'image d'Idris 11, ses descendants de Fils et la politique sharifienne dessultans mirinides (656-869/1258-1465), Leiden. New York, 1989.

- Benehekroun Mohamed, La vie intellectuelle marocaine sous les Mérinides et lesWattasides, Rabat, 1974. Quant aux études en langue arabe, elles sont très nombreuses, on peut citerles noms de Ibrahim Harakat, A. Zimama, M.'I, Hariri, 'A. 'Inan, M. Abü Dayf, H. al Mâhi, 'A.Chaqqür... etc.

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Femmes, culture et société au Maghreb, sous la direction de RahmaBourqia, Mounira Charrad et Nancy Gallagher, Vol. J, Culture, femmes et famille(183 p.); Vol. II, Femmes, pouvoir politique et développement (205 p.),Casablanca, Afrique-Orient, 1996

La société maghrébine est en train de prendre conscience qu'elle estcomposée pour moitié de femmes. Ni les gouvernements ni tes opinions publiquesne peuvent désormais oblitérer ce constat de bon sens. Il en va à long terme de laconstruction d'une démocratie qui ne soit plus tronquée. A court et à moyen termesles femmes constituent une masse votante qui attire d'autant plus l'attention qu'ellese trouve au centre de toutes les mutations qui nous secouent. Le débat, il est vrai,n'est pas propre au Maghreb. La planète tout entière est en train de se réveilleravec un regard sur la femme de plus en plu~ humaniste et de moins en moinsanimal. L'humanisme inachevé de la Renaissance est peut-être en voied'accomplissement enfin. Où en sommes-nous de ce grand élan dans nos sociétésmaghrébines?

Une vingtaine d'experts, quatre hommes et seize femmes, anthropologues,sociologues, historiens et économistes marocains, américains, algériens, tunisiens,français et suédois se sont rencontrés en novembre 1991, à Tanger, pour nous aiderà y voir clair. Ce sont leurs contributions qui sont ici publiées en deux volumessous une forme aérée et dans une langue qui ne pâtit en rien des quelques erreursde frappe ou de syntaxe qui accrochent parfois le regard. Les participants sont tousdes spécialistes avérés, chercheurs érudits ou enquêteurs de terrain. Lesbibliographies qui couronnent leurs propos en sont autant de preuves commeautant d'ouvertures pour les spécialistes aussi bien que pour le commun deslecteurs. Dans le premier volume, sont regroupés les analyses anthropologiques etles problèmes de la famille. Dans le second, on trouvera plutôt les éclairagessociologiques, historiques et économiques dans la mesure de leur impact sur ledéveloppement. Mais cette répartition ne vaut ici que ce qu'elle vaut en général làoù les conventions universitaires exigent de tracer des limites entre les scienceshumaines. La vérité est que ces dix-neuf, études et le texte qui les introduitconstituent un tout homogène et d'une parfaite unité. Ce recueil en effet comptemoins par la diversité d'approche que par l'unité du sujet étudié, en l'occurrence lafemme dans une géographie donnée, le Maghreb, dans une culture précise, l'Islamdans un moment privilégié, le dernier quart du xxe siècle. C'est, me semble-t-il, laseule manière de rendre compte d'un colloque si riche et si dense sans s'arrêter surchacune des contributions, ce que cette rubrique ne permet pas, mais sans omettred'évoquer ce qui en fait l'apport principal, ce qui est ici notre seul propos.

La femme maghrébine est au centre de tous les problèmes qu'engendrent lesmutations de notre temps. Tout a commencé à changer pour elle au moment oùtout paraît encore tel qu'une longue histoire l'a fait. Du côté des permanences,Rahma Bourqia montre que l'habitat dans l'Oriental est toujours ce clos destiné à

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protéger de l'excès d'ouverture. La femme dans la maison est le noyaureproducteur de tous les fondements. Mokhtar al-Harras et Fatima Hajjarabi enoffrent deux autres illustrations, dans le cas des Anjra et du Rif central. ElaineCombs-Schilling relève la dialectique du pouvoir monarchique et de la culturesexuelle au Maroc. Le pouvoir monarchique serait une captation d'autorité commela défloration rituelle serait une captation de la fonction de génération. Pourtant,les permanences ne sont décelables que parce qu'elles ont commencé à prendre del'eau. Le port du 1)ijab par exemple, pour Leila Hessini est plein d'ambiguïté: "Il estremarquable, dit-elle, que la libération spirituelle des femmes qui portent le hijabs'accompagne d'une libération proprement physique" (J, p. 102). Le 1)ijab n'est pas unrepli. C'est un pas en avant, derrière un bouclier. Toutes les femmes du Maghrebévidemment ne vont pas du même pas. Les conditions du village de Benzü, entreSebta et le territoire marocain, ne peuvent qu'être différentes de celles des propresparents de ces mêmes villageois qui habitent à un jet de pierre de la ligne dedémarcation. Les contradictions de la société algérienne frappent de plein fouet lacondition féminine, tiraillée entre les conditions de vie qui sont bouleversées et lesnormes culturelles qui piétinent, comme le montre Sabeha Benguérine, ou entrel'attachement aux liens de la famille agnatique et les impératifs de la famille 'dumodèle conjugal avec tous les problèmes que posent le célibat et les difficultés defaire rimer amour avec mariage, comme le montre Faouzi Adel. quant à Driss el­Guerraoui, son intervention, assise sur des chiffres éloquents, montre quel laboratoireest le creu~et fassi pour saisir les stases et les dynamismes.

Ce remue-ménage, c'est le cas de le dire, est plus perceptible encorelorsqu'on interroge le droit, l'histoire, la sociologie ou la politique. Pour MouniraCharrad, le décalage entre l'évolution de la loi dans les trois pays maghrébins estdû à l'histoire, avec une percée non négligeable en Tunisie, une manière depiétinement positif au Maroc et une dialectique de la confrontation en Algérie.Abderrazak Moulay Rachid s'interroge sur le cas du Maroc et observe que l'Etat estlui-même pris dans le dilemme. Faut-il qu'il continue de "calmer le jeu" ou biendoit-il "canaliser le changement pour mieux le contrôler?" (II, p. 64). Problèmelancinant du choix politique dont Ann-Elisabeth Mayer montre qu'il n'a rien despécifique au Maghreb et que les contradictions que vivent nos femmes et nossociétés, lorsque la loi et les mœurs ne vont pas du même pas, ont été vécues parles Européens jusqu'à une date récente. Mais en américaine engagée dans lemouvement féministe, elle observe, à juste titre, que les femmes doivent apprendreà tourner les contradictions anti-constitutionnelles à leur avantage. L'histoireprouve en tous cas qu'il y a eu des "accidents", comme dit Zahra Tamouh. Zaineban-Nafzawiya l'almoravide, al-Horra de Tetouan ou Khnata bent Bakkar au XVIIIesiècle, ont exercé des moments de pouvoir suprême au Maroc. Plus près de nous,la libération de l'Algérie ne s'est faite que par la totale adhésion et la pleineparticipation au combat de la femme algérienne qui est de ce fait l'enjeu central dela confrontation qui agite le pays, comme le montre Fatima Zohra Sbai. Aziza

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Medimegh Darghouth, Suzan Waltz, Salma Zouari Bouatour analysent le cas desfemmes de Tunisie. L'on apprend que le mouvement islamiste a commencé àrefluer parmi les tunisiennes depuis qu'elles ont pris conscience des impasses danslesquelles il les met et depuis qu'elles ont pris la mesure de leur force électorale.On observe, par ailleurs, sur un échantillon de conseillères municipalestunisiennes, que le quotient d'efficacité parmi elles, est le résultat d'une éducationencore dominée par le patriarcat, les plus performantes de ces conseillères ayantintériorisé une forte image du père: Il est démontré aussi combien l'emploi fémininest encore fragile en Tunisie en raison des permanences culturelles et socialesautant sinon plus qu'en raison de la dépendance globale du pays. Les deuxfonctions de "reproduction" et de "production" ne peuvent encore aller de pairedans la société maghrébine. Sophie Ferchiou y insiste avec beaucoup depertinence, disant que "quoiqu'intégré à l'économie du marché du type capitaliste,(le travail des femmes) conçu comme une réadaptation de leurs activitésspécifiques traditionnelles, ne sert qu'à les réduire à un sous-prolétariatinternational" (II, p. 129). La loi ne peut tout faire quand les mœurs ne suiventguère.

Faut-il, pour autant, continuer à se lamenter sur le sort des maghrébines?Etaient-elles, sont-elles vraiment brimées? Suzan Schaeffer Davis se pose trèsjudicieusement la question. Elle a su voir non seulement la force et l'efficience denos femmes dans leur milieu, mais aussi que cette force et que cette efficiencerésultent du fait qu'elles vivent entre elles et n'ont par exemple pas cette inhibitionqui frappe les américaines piégées par l'éducation unisexe. Voilà une voie rarementexplorée et qui est une invitation à chercher à évoluer à partir de l'acquis positif etnon pas à partir des succédanés négatifs. C'est dire toute la richesse de ce recueil,sa profondeur, l'intelligence et la sympathie avec laquelle les problèmes y sontévoqués. J'espère avoir donné l'envie de le lire à tous ceux qui sont persuadés quel'accomplissement de la démocratie passe par la pleine intégration de la femmedans la gestion de notre quotidien.

Brahim BOUTALEB

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Muhammid ibn 'AbdallAh al-Kiki: Mawàhibu dhi-l-Jalàlfi nawàzili-l-bilàdi as­sa'ibati wa-l-jibal. Edité par Ahmad Toufiq, Dar al-Gharb al-Islami, Beyrouth,1997.

On ne peut que rendre grâce au Professeur Ahmad Toufiq d'avoir pris sur luid'éditer ce petit traité de Muhammàd ibn 'Abdallah al-Kiki dont la concisionrehausse la grande précision. L'auteur, suivant l'ancienne coutume, lui a donnédeux titres aux belles consonances, plus pour en expliciter l'objet que pour lemieux fixer dans la mémoire. Le premier pourrait se traduire comme suit:"L'inspiration du Très-Puissant dans les nawazil-s des régions de siba et autresmontagnes". Le deuxième pourrait être libellé ainsi: "La juste interdiction de lacaptation d'héritage dans les régions où la Loi n'est pas appliquée".

De l'auteur, on sait seulement qu'il était unfaqih de la région de Demnate etqu'il est décédé en 1185 de l'Hégire (1771-1772 J.-c.). Lui-même dit avoir achevédè composer son traité en 1173 (H.). Il était donc contemporain de SidiMuhammad ibn 'Abdallàh. Peut-être n'était-ce pas là un effet du hasard. On saitque ce grand sultan, faqïh et lettré lui-même, s'est préoccupé de réformer lesinterprétations et les pratiques judiciaires de son temps. Avec al-Kiki, nous avonscomme un relais de ces préoccupations dans "une région de smalt ou "région où laLoi n'est pas appliquée". Il s'agit ici du Haut-Atlas central dont Demnate est unedes portes vers le nord.

Le traité est fermement et clairement composé. Une introduction en exposel'objet qui se déroule ensuite en cinq petits chapitres. Dans le premier, sontrappelées les règles fondamentales de la jurisprudence musulmane. Il y en a onzed'après l'auteur. Dans le deuxième, est évoquée la place de la femme dans laSharla. Dans les trois derniers, l'auteur s'attaque à la question qui l'intéresse, celledu détournement de l'héritage des femmes par leurs proches, soit au titre d'unejouissance prolongée, soit par donation prétendument consentie; ce que la loimusulmane interdit d'une manière formelle. La saine justice a toujours reconnuaux femmes et à leurs ayants-droit leurs parts d'héritage ou de l'usufruit, sansaucune considération de temps ni d'espace~ Les grands traités de nawazil-s ou defatwa en offrent plus d'un exemple que l'auteur s'est fait un devoir de rappeler.Aussi n'en est-il que plus affligé de voir comment la loi était méconnue dans "lesrégions de siba", et comment l'ignorance ou l'appétit de lucre poussaient les jugeset les adül-s à la contourner quand ils ne la déformaient pas.

La nazila ponctuelle qui l'a poussé à composer son traité vaut la peine qu'ons'y arrête. Un terrain échoit en héritage à un frère et à sa sœur. Il advint ensuite quele frère fut contraint de céder ledit terrain à son puissant shaykh qui le transmit àses descendants, qui disparurent peu après dans une épidémie, ainsi d'ailleurs quela sœur qui n'avait jamais été mise au courant de la vente. Le frère, cependant, finitpar informer ses neveux qu'il n'avait vendu au feu shaykh que sa propre part. Et ces

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derniers d'entamer aussitôt une action en justice auprès du qadi qui n'était autre quenotre auteur qui leur donna entière raison. Les héritiers du shaykh ne purentexciper ni d'un acte de vente en bonne et due forme, ni présenter des témoinsattestant que la sœur, elle aussi, avait cédé sa part.

C'est à partir de ce cas d'espèce que Muhammad al-Kiki compose son traitéen une trame où sont mêlées la jurisprudence impeccable qui interdit aux parentsde détourner l'héritage de leurs femmes et les multiples ruses pratiquées dans lesrégions de sma pour les en priver. Ce qui éclaire d'une lumière crue ensemble untemps et une pratique sociale, une économie et la culture qui la sous-tendait. Letemps d'abord, le XVIIIe siècle en particulier, mais celui en général où les a1)kâm-sn'étaient appliquées que par intermittence au Maroc. Nous avons ici une rigoureusedéfinition du concept de siba. C'est une définition juridique sans aucuneconnotation politique. On distinguait bien en France, avant la Révolution, les paysde coutumes des pays de généralités. De même, au Maroc avant le Protectorat,distinguait-on les pays où était appliquée la SharJa dans toutes ses implications, deceux où le 'or! était prédominant. Muhammad ibn 'Abdallah al-Kiki était ensomme un militant pour l'application de la Loi dans les régions qui lui tournaientencore le dos. Mais il suffisait quelquefois d'un changement de qâdi pour passer,dans le même lieu, d'une saine pratique à une pratique détournée ou plus fidèle auxcoutumes. Quant à l'économie, disons pour être aussi concis que l'auteur, qu'elleétait une course perdue d'avance pour une impossible accumulation. La précaritédes conditions de vie aggravait la mobilité sociale. La femme était la première à enpâtir, qui était le centre du foyer. On voit en l'occurrence comment était distribuéela carte culturelle. Elle était l'exacte copie de la carte économique: quelques pôlesd'activité disséminés sur de grands espaces déserts. La science d'al-Kiki et salangue étaient face à l'ignorance de ses concitoyens comme Demnate aux creux deses rochers, une oasis d'intelligence et de fraîcheur.

Brahim BOUTALEB

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.Mustafa Nuri Pasa, Netayic ul-vukuat : Kurumlari ve Orgutleriyle Osmanll Tarihi, cilt 3-4, s 202

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.Korkut, op. cil, pp. 67-70 : ~

.~\ .~ J~ ...lA.! L...,.i JI,;&. ..:r.1 ...t....~ .... ..iJ1 ~~ J~ ~ .~ J~ p.-U~ /'1\ J.l..q (2)

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Deshen, op. cit., p. 105. (11)

Abraham Laredo, Les noms des Juifs du Maroc. Essai d'onomastique judéo-marocaine, Institut h. (12)

Arias MontanD, Madrid, 1978.

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.Deshen, op. cit., p.IOS. (13)

.José Benech, Essai d'explication d'un Mellah (ghetto marocain), Baden·Baden, 1949, p. 69. (14)

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33

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.Eugène Aubin, Le Maroc d'Aujourd'hui, Paris, 1904, pp. 371-372. ( 15)

.Ibid., p. 26. (16)

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.Spillman, op. cil., p. 93 ( 13)

.Ibid. (14)

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.Spillman, op. cil., p. 106 \ 300-286 .~ ,4....Aï )..I....Al1 (16)

.Ibid., p. 108 (17)

.300-286 .~ 'JlU\ )..I....Al' '..rrli J~I -) '-.?)~~ l,\a&. yi 0:! ~I j.....:-lii pl (18)

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.Spillmann, Ibidem (19)

.Spillmann, Souvenirs d'un colonialiste, p. 116 (20)

.A. Huré, La pacification du Maroc, dernière étape (1931-1934), Paris 1952, p. 18 (21)

.Spillmann, op. cit., p. 109 (22)

.Ibid. (23)

.Ibid. ; Huré, op. cit., p. 28 (24)

.Ibid., p. 110; Hure, Ibid., p. 18 (25)

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Huré, op. cit., pp. 29-39; Spillmann, op. cil., p. 110 (26)

.Spillmann,op. cil., p.110 \ 270 ../ 'J!W\ )..I...al\ '-.?'r-l\ )~\ (27)

.Ibid. (28)

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.(Op. dt., pp, 138-140

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.4.)lAl.\ OÎ .j y~Î 6 ~Î

.Voinot, Sur les traces glorieuses des pacificateurs du Maroc, pp. 449-450.

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82

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- Huré, op. cit., pp. 104-105 et 106-108.

- Spillmann, op. cit., p. 140.

- Voinot,. Sur les traces glorieuses des pacificateurs du Maroc, pp. 449-450.

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William A. Hoisington, Jr ; Lyautey and the French Conquest of Morocco, St.

Martin's Press, New York, 1995

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