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DROIT ADMINISTRATIF - F. TULKENS ET P.O. DE BROUX UNIVERSITE SAINT-LOUIS, 2013/2014 Structure : Le cours est divisé en 6 parties : 1. Panorama : introduction substantielle sur le droit administratif : qu’est- ce que l’administration ? quelles sont les sources du droit administratif ? etc. 2. Les institutions administratives fédérales, régionales et locales. 3. Les contrôles auxquels sont soumis l’administration : Conseil d’Etat, les cours et tribunaux (159 de la C°, l’exception d’illégalité) 4. L’action de l’administration : les actes unilatéraux posés par l’administration ou les contrats passés par l’administration (marchés publics). 5. Le personnel de l’administration : les fonctionnaires. Statut, sanctions, 6. Les biens de l’administration au service de l’intérêt général : les biens du domaine public et privé ; l’expropriation. Mise en garde : Le présent syllabus est constitué sur base de notes de cours. Il se peut donc être incomplet ou imparfait. L’étudiant restera critique dans son étude et attentif à tous les éléments.

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DROIT ADMINISTRATIF - F. TULKENS ET P.O. DE BROUX UNIVERSITE SAINT-LOUIS, 2013/2014 Structure : Le cours est divisé en 6 parties :

1. Panorama : introduction substantielle sur le droit administratif : qu’est-ce que l’administration ? quelles sont les sources du droit administratif ? etc.

2. Les institutions administratives fédérales, régionales et locales. 3. Les contrôles auxquels sont soumis l’administration : Conseil d’Etat, les

cours et tribunaux (159 de la C°, l’exception d’illégalité) 4. L’action de l’administration : les actes unilatéraux posés par

l’administration ou les contrats passés par l’administration (marchés publics). 5. Le personnel de l’administration : les fonctionnaires. Statut, sanctions, 6. Les biens de l’administration au service de l’intérêt général : les biens

du domaine public et privé ; l’expropriation. Mise en garde : Le présent syllabus est constitué sur base de notes de cours. Il se peut donc être incomplet ou imparfait. L’étudiant restera critique dans son étude et attentif à tous les éléments.

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  PARTIE   1.   NOTIONS   LIMINAIRES  :   LE   DROIT   ADMINISTRATIF,  DROIT  DE  L’ADMINISTRATION   Le droit administratif est une branche du droit public qui englobe les règles juridiques applicables aux autorités, aux pouvoirs publics, aux agents, aux organismes au service chargé d’assurer la satisfaction de l’intérêt général. Dans un mode individualiste, il faut parfois réfléchir en terme d’intérêt public. Certes, il existe des controverses sur ce qu’il faut comprendre par l’intérêt général. Le droit administratif comporte aussi des règles destinées à mettre fin à des litiges crées par cette activité. Le droit administratif est une branche du droit qui évolue en fonction de ce qu’on entend par « intérêt général ». Il faut alors faire appel à d’autres sciences humains telles l’histoire, la science administrative (étude des fonctionnements et dysfonctionnements de l’administration), la sociologie politique. Cela permet d’élargir la compréhension du droit positif. Après cette première définition, identifions l’espace administratif (section 1), analysons la structure de l’administration dans l’histoire (section 2), le pouvoir de l’administratif (section 3), les caractéristiques du droit administratif (section s4) et les sources du droit administratif ( section 5).

SECTION 1. IDENTIFICATION DE L'ESPACE ADMINISTRATIF

On suppose qu’il est possible de séparer par une summa divisio le droit public et le droit privé. Cette distinction est floue : la fourniture d’énergie (électricité et gaz) nécessitent des centrales nucléaires qui appartiennent à des privé, pourtant c’est quelque chose d’essentiel que l’on pourrait pourtant considérer comme un service public : que faire sans énergie ? La Poste, quant à elle, est partiellement publique. La STIB est purement publique.

§1. LA NOTION D'ADMINISTRATION Admettons cette distinction publique/privée. Dans la sphère publique, il existe un niveau politique et un niveau administratif. La politique prend la décision, mais l’administratif gère, exécute et faire valoir les intérêts du politique. L’administration est un ensemble de services, d’agents chargés d’assurer l’intérêt général. Une commune doit être bien gérée, le rail doit être géré, l’enseignement doit être donné (et donc géré), …

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§2. L'ADMINISTRATION ET LES POUVOIRS DANS L'ETAT Il existe trois pouvoirs le législatif, l’exécutif et le judiciaire. L’exécutif a priori ne s’occupe que de l’exécution. Mais les lois sont parfois floues, vagues, générales et délèguent beaucoup de pouvoirs à l’exécutif. L’administration exerce alors son pouvoir réglementaire : elle adopte des normes abstraites, impersonnelles, générales. L’exécutif n’est donc pas toujours subordonné. A priori, l’exécutif n’est pas un juge. Mais il existe des situations ou l’administration est investie d’une tache juridictionnelle, ou elle exerce une fonction administrative. En matière de contentieux électoral communal et provincial, il existe un telle situation. En Wallonie, c’est le Collège Provincial, organe exécutif, qui se transforme en juridiction lorsqu’il y a des contentieux. En Flandre, il y a un Raad voor Verkiezingenbetwistingen : un juge préside ce conseil nommé par l’exécutif. Mais lorsqu’il agit, l’exécutif le fait toujours sous contrôle juridictionnel.

§3. L'ADMINISTRATION ET LA SPHERE POLITIQUE Quel rapport existe-t-il entre l’administratif et le politique ? L’intérêt général est défini par le politique et l’administration est supposée s’y subordonner. Mais il est nécessaire de mettre cela en œuvre : l’administration est exécutante. Ex : Le ministre a son SPF, le bourgmestre a une administration communale. Il faut donc une certaine complémentarité entre ces deux niveaux. L’administration est stable. Le politique est dans l’urgence : il y a des élections, … Le politique passe, l’administration reste. L’administration doit être efficace sinon le politique a beau vouloir, rien ne se fait.. Le politique interfère néanmoins : le politique peut nommer certaines personnes dans l’administration pour des couleurs politiques, … Le politique peut prendre des décisions et imposer des actions à l’administratif (choisir telle entreprise). Mais parfois l’administration est inefficace, sclérosée, conservatrice, incompétente, refuse les évaluations, n’adopte pas de sanctions contre la mentalité de fonctionnaires.

§4. L'ADMINISTRATION ET LA SOCIETE CIVILE Depuis deux décennies le rôle de la société civile (les citoyens) s’est accru. Au départ, elle n’avait rien à dire sur l’intérêt général, à part au moment des élections : une fois que le peuple s’était prononcé (avait voté), la société civile n’avait plus voix au chapitre. Mais le citoyen a souhaité faire

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valoir son point de vue. On a mis en place des procédures de participations en vue de demander et récolter des avis. Ex : on écoute des groupes de pression, Ex : on fait des enquêtes publiques, Ex : on organise des consultations populaires au niveau communal (article 41 de la Constitution), e.g. Langewapper à Anvers. Les citoyens peuvent également provoquer des consultations populaires. Le citoyen définit alors l’intérêt général, car il est informé, consulté. Il peut même être initiateur ou codécideur, en particulier en matière d’environnement : lorsqu’on constate un dommage environnemental, le citoyen peut demander à l’administration d’intervenir (directive 2004/35 en matière de responsabilité environnementale). Le citoyen a même le droit d’être informé des suites réservées à sa plainte ! Si la plainte a été rejetée indument, ou si le refus n’est pas suffisamment motivé, il dispose de voix de recours ! Les consultations populaires communales pourraient être élargies au niveau régional dans le cadre de la 6ième réforme de l’Etat. Des propositions de modification de la Constitution ont été introduites en ce sens en juillet 2013. On assiste à une intervention de plus en plus grande des citoyens dans l’intérêt général. A également été mis en place un médiateur, un ombudsman, instance de lien entre l’administration et l’administré mécontent, insatisfait.

§5. L'ADMINISTRATION EN QUELQUES CHIFFRES L’administration regroupe 900.000 personnes. C’est beaucoup plus que les moyennes européennes. On pourrait peut être faire des économies. Il y a 200.000 agents fédéraux : 72.000 dans les SPF, 40.000 militaires, 29.000 dans la Poste, 40.000 dans le groupe SNCB, … On constate qu’avec la défédéralisation des matières, il y a moins de fonctionnaires fédéraux. Mais le système belge est-il aussi plus efficace ? Non, on essaye de le rendre plus efficace. On tente d’évaluer les fonctionnaires. Il y a aussi des tops managers dans la fonction publique, jusqu’en 2005 par ancienneté jusqu’à la pension et depuis lors nommés pour leurs compétences sur base d’un plan de gestion pour 6 ans.

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SECTION 2. CARACTERISATION DE L'APPAREIL ADMINISTRATIF

Il faut aujourd’hui des professionnels de l’administration. Les fonctionnaires ont un statut, des valeurs de service.

§1.L'EVOLUTION HISTORIQUE DE L'ADMINISTRATION J. Chevallier distingue trois périodes :

A.  L'Administration  de  l'Etat  absolutiste  

Une monarchie despotique dispose de tous les pouvoirs : elle fait les lois, les fait exécuter et juge lui-même. L’administration est autoritaire comme le roi, mais n’est pas organisée, hiérarchisée. On y exerce des prérogatives et les décisions sont prises selon le bon plaisir de chacun. L’Etat est faible, il n’est pas centralisé : les corporations, les villages forment des contre-pouvoirs.

B.  L'Administration  de  l'Etat  libéral  

C’est l’apparition de l’Etat moderne : c’est la fusion du droit et de l’administration. Des règles sont adoptées à deux égards : l’administration s’organise elle-même : chacun a des taches, une place hiérarchique. Les supérieurs doivent imposer aux subalternes les règles adoptées par le politique. Apparaît une forme de bureaucratie. L’administration se soumet au droit vis-à-vis du citoyen. L’administration n’exerce plus des pouvoirs mais des compétences, au service des citoyens. L’administration ne s’impose plus par la force mais elle doit accepter elle-même des obligations, va subir un contrôle juridictionnel. Le citoyen tient le droit d’exercer un recours de la loi, ce n’est pas une faveur.

C.  L'Administration  de  l'Etat  Providence  

L’Etat Providence apparaît entre la deuxième guerre mondiale et le premier choc pétrolier (1974), pendant les 30 glorieuses. L’Etat est très actif, il n’est pas qu’un arbitre, qu’un tuteur, il intervient pour développer l’économie, rétablir les équilibres de la vie en commun car si le privé règle certains pans de la société, cela va s’effondrer. Le privé se base sur le lucre et l’égoïsme alors que l’intérêt général est mis de coté. L’Etat assure la satisfaction désintéressée de l’intérêt général par la création de services publics accessibles à tous à cout réduit pour diminuer les inégalités sociales. Les services publics se sont développés car « le chemin vers plus de liberté, d’égalité et de justice passe par l’Etat ». L’Etat assure l’égalité d’accès à l’enseignement. L’Etat s’est occupé de façon monopolistique de la

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téléphonie, de la poste, … Mais après le choc pétrolier, le balancier va dans l’autre sens : l’Etat Providence connaît également ses ratés. L’Etat est parfois inefficace, bureaucrate. De plus, plus l’Etat intervient, plus il rogne les libertés des individus. L’Etat ne peut pas toujours être déficitaire, il y a des contraintes économiques qui ont permis d’introduire de la concurrence. Sous influence de l’UE, on a mis fin a des monopoles. La RTT est devenue Belgacom, en concurrence. On a considéré que la téléphonie n’est plus un service public et qu’il est mieux assuré dans un milieu en concurrence. De même pour la SNCB qui n’a plus le monopole de rouler sur les rails. La Poste n’a plus le monopole de la distribution du courrier, … On a également essayé de rendre l’autorité plus efficace : on a mis en place des délais pour statuer, des évaluations des agents, des motivations des actes, … Jusqu’en 2008, il y a eu un rétrécissement de la sphère de l’Etat.

D.  Evolutions  récentes  

En 2008 : crise financière. Le monde bancaire connaît des problèmes de solvabilité. Le mécanisme international est sur le point de s’effondrer et l’Etat va devoir intervenir pour sauver des banques, privées pourtant. On a nationalisé des banques : l’Etat a nationaliser les actifs toxiques. On a mis en place des incitants sociaux et fiscaux, …

§2. LE MODELE BUREAUCRATIQUE D'ADMINISTRATION Max Weber décrit un modèle de bureaucratie par idéaux types. Ces idéaux simplifient les catégories de l’administration. Ce qui frappe dans le modèle moderne est la juridicisation, la soumission au droit dans son fonctionnement interne et dans ses effets sur la société. Elle est régie par le droit et gère grâce au droit. L’administration est professionnalisée (A), basée sur une hiérarchie (B) et base sur une relation d’autorité et de secret avec le citoyen (C), en effet l’intérêt général prime l’intérêt privé.

A.  La  professionnalisation  des  fonctions  administratives  :  

Travailler dans la fonction publique, c’est travailler de façon stable et permanente, indépendamment du politique. Les fonctionnaires sont nommés à un emploi. Ils ont la possibilité de faire carrière grâce à des promotions internes, mais dans certains systèmes, on y reste tant que le poste reste dans d’autres tant que le poste existe ou tant que le fonctionnaire ne

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postule pas ailleurs. Les fonctionnaires peuvent être déplacés au gré de l’intérêt général. Il existe une sélection à l’entre pour s’assurer de la compétence et de la qualité des fonctionnaires. Cela peut se faire selon un examen (ex : magistrature) ou un concours (ex : auditorat au CE). Les qualifications sont variées selon les besoins. Les examens comprennent beaucoup de questions juridiques. Les questions juridiques sont dominantes. Il existe également des formations continues. Le fonctionnaire doit suivre des formations en interne, en externe, payées par l’autorité elle-même, car les matières évoluent vite et les connaissances sont dépassées. Dès lors, cela permet également une mobilité des fonctionnaires. Ainsi, l’accord de coopération du 10 octobre 2010 entre la Région Wallonne ou et la Communauté Française (Fédération Wallonie Bruxelles) a permis de créer une école d’administration publique qui s’assure de faire une formation initiale et continue pour les deux entités mais également pour les pouvoirs locaux. Cela confère un certificat en management public. Le fonctionnaire est soumis à un statut propre au droit public, dérogatoire au droit commun, fixant les conditions d’emploi, de rémunération des fonctionnaires. Il existe quelques contractuels à coté, bien évidemment.

B.  Une  organisation  interne  fondée  sur  la  hiérarchie  et  l'unité  

La hiérarchie des fonctions et des personnes : à chaque niveau de la pyramide, il y a des rôles différenciés. Toutes les décisions ne sont pas prises au sommet, mais chaque décision est subordonnée au niveau supérieur. Cela fonctionne sur une remontée de l’information (bottom-up) et la décision redescend (top-down) la pyramide. L’intérêt de cela est d’assurer l’état de droit, d’assurer le respect de la loi, d’éviter les décisions irrégulières. Le fonctionnaire doit se plier aux supérieurs. Cela permet de régler les problèmes en interne. Mais au dessus des fonctionnaires, l’intérêt général est décidé par le politique. L’administration doit exécuter ce que le politique demande. Le ministre est responsable politiquement des actions de l’administration. Ex : Samira Adamou est expulsée, mais refuse. Elle décède dans l’expulsion. Mais le Ministre a du démissionner. Ex : D. Reynders, ministre des finances, a été responsable pour son administration qui a compté 883 millions de recettes complémentaires qui étaient inexistantes. Le ministre a pris des ministres disciplinaires car ses instructions n’ont pas été appliquées correctement.

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L’administration fonctionne comme un tout cohérent même si il existe de la déconcentration et de la décentralisation. Il y a un Etat central avec, à coté, une subdivision territoriale (communes,…) ou par secteurs (RTT,…).

C.  Des  relations  externes  fondées  sur  l'autorité  et  le  secret  

L’administré n’a pas à interférer dans le processus de l’administration. Il est assujetti, soumis, doit s’en remettre à l’autorité qui se prononcera quand elle le voudra au nom de l’intérêt général. L’autorité utilise son pouvoir, ses privilèges dans une situation d’inégalité. L’administré ne connaît que les résultats de la décision. Les motifs ne devaient pas être fournis dans le modèle classique. De plus, les agents ont une obligation de mutisme complet. L’obligation de silence est très stricte. C’est non seulement la meilleure façon de garantir l’intérêt général mais surtout d’assujettir les gens.

§3. INFLEXIONS AU MODELE BUREAUCRATIQUE D'ADMINISTRATION Les fonctionnaires sont professionnels mais politisés. En Belgique, il n’y a plus une seule hiérarchie, mais une diversité. Il est également nécessaire d’être transparent et de garantir la qualité de l’administration.

A.  La  politisation  des  fonctions  administratives  

Pour engager quelqu’un, il faut regarder ses titres et mérites, son expérience. Mais face à ces critères, les préférences politiques ne doivent pas jouer. On doit donc rêver d’une fonction publique dépolitisée. Mais déjà dans les années 1990, on considère que cela n’existe pas et que ce serait éventuellement dangereux. Le problème d’une dépolitisation serait d’obtenir une administration qui fonctionne sur ses propres valeurs, qui penserait uniformément de la même façon. La méritocratie pourrait tourner à une forme d’élitisme voire de fascisme. L’administration sera toujours politique et inversement l’administration influence parfois le politique ! Notre société consociative force à l’admission du caractère politique du rôle de l’administration. Une certaine politisation n’est pas nécessairement négative. Inversement, les ministres sont enchainés par la politisation de l’administration : la politisation aboutit à ce que les partis politiques envahissent et lotissent l’Etat, selon des équilibres complexes. L’administration sert donc les intérêts des partis qui ont nommé. Tous les

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partis parlent d’arrêter les nominations politiques, mais demandent de commencer par un rééquilibrage. C’est un jeu sans fin. Les dossiers sont parfois traités de façons politique : si le bourgmestre a la même couleur politique, il est plus intéressant de l’aider. Certaines nominations politiques le sont uniquement sur base des couleurs politiques et pas uniquement sur base de leur compétences, parmi des personnes qui ont été jugées aptes à occuper une fonction. Il existe également une impunité à l’égard de certaines personnes qui mériteraient une sanction, car elles sont de la même couleur politique. (Cela n’arrive pas tout le temps, mais parfois). Parfois, on nomme des personnes à des postes non nécessaires, non justifiés par une charge de travail suffisante. Ce poste est uniquement créé pour les équilibrages politiques. Eradiquer cette coloration est impossible, mais la canaliser est possible. Il faut s’assurer que les personnes nommées sont compétentes. On pourrait coupler les mandats politiques avec les couleurs politiques de la direction. On distingue les fonctions de gouvernement et d’administration pourtant. On pourrait nommer politiquement sur base de mandats temporaires. Michel Moll a été nommé à la tête d’une entreprise publique autonome (Belgacom, qui est une société anonyme), ce qui est régit par une loi du 21/3/1991. Michel Moll dirige le conseil d’administration sur le quota MR, consultant d’une société chinoise depuis 2010 (Huwaei), alors que c’est interdit. Stefan De Clerck (CD&V) prendra sa place.

B.  Une  organisation  interne  caractérisée  par  la  diversité  et  influencée  par  le  management  

L’administration est caractérisée chez nous par une certaine hétérogénéité. Même dans un Etat centralisé, tout ne fonctionne pas sur le même mode : il existe différents SPF, qui ont chacun leur propre domaine d’action. Cela crée des différences. Tous les SPF n’ont pas non plus le même poids : Premier ministre, Budget, Finances sont les principaux SPF. Sans argent, on ne fait rien ! On autorise les dépenses et dégage des sommes d’argents pour les différentes politiques menées. L’Etat fonctionne de façon déconcentrée, décentralisée et défédéralisée.

-­‐ La déconcentration est le fait de remplacer un décideur central par un décideur local, qui n’est pas dans la capitale. On crée des services locaux qui relèvent du pouvoir central (Le SPF Finances dispose des bureaux de l’administration fiscale dans toutes les grandes villes). On crée inévitablement

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des différences dans les politiques de contrôles contre la fraude, la lecture des textes, … Les gouverneurs, les bourgmestres sont des exemples d’autorités déconcentrées pour certaines matières

-­‐ La décentralisation crée un pouvoir autonome qui a une personnalité distincte de l’Etat. Les communes et les provinces ont un intérêt distinct de celui de l’Etat.

-­‐ La Belgique est largement défédéralisée par la création des communautés et des régions. La défédéralisation va très loin : les pouvoirs locaux relèvent depuis 2001 (réforme Polycarpe) des régions : elles s’occupent des élections communales et provinciales, elles exercent la tutelle, … Une commune flamande, wallonne ou bruxelloises connaissent chacune une règle différente. Il y a le gemeentelijk decreet, des textes d’ordonnances, et le code de la démocratie locale et de la décentralisation et pourtant on y retrouve des bourgmestres, des élus directs. De 1830 à 2005, il n’y avait qu’un seul régime juridique, mais depuis lors il faut s’inquiéter des règles régionales. Les agents des communautés et des régions ont des statuts différents des agents de l’Etat fédéral. Chaque communauté et région peut adopter ses règles propres. Les syndicats de la fonction publique ont tenu à respecter un socle commun qui se trouvent dans un arrêté royal fixant les principaux généraux de la fonction public (art 87§ 63 de la loi du 8 aout 1980, AR du 22/12/2000). Mais dans la 6ième réforme de l’Etat, on demande de supprimer le respect de cet AR : le socle commun lui-même se délite, s’effrite ! Chaque entité fédérée pourra le modifier selon ses envies ; La Belgique a utilisé des techniques de GRH, en vue d’accroitre la performance du personnel et en particulier des agents publics. On va essayer de prévoir des formes de flexibilité dans la rémunération. Le fonctionnaire, qu’il travaille ou pas, touche le même salaire. Il y a donc une tendance à la baisse dans le travail. Il n’y a pas de souci de bien faire les choses. On a donc pensé à mieux rémunérer les plus performants. Mais comment évaluer les performances ? La Belgique engage des top-managers en dessous des politiques. Ils ont des plans de gestion pour 5 ou 6 ans et gèrent un département. Le top-manager est un contractuel. Une question juridique est apparue car traditionnellement les contractuels ne sont pas censés disposer de la puissance publique. Ils devraient avoir moins de puissance que le statutaire : le contrat est précaire, a durée déterminée, … le statutaire incarne la

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permanence au contrire. Les contractuels n’avaient pas la légitimité e s’imposer aux statutaires. Ainsi, à la poste, un contractuel a du prendre une sanction disciplinaire contre un statutaire. La question est allée au CE et sur question préjudicielle à la Cour Constitutionnelle : le principe d’égalité d’impose pas d’avoir uniquement des statutaires dans la fonction publique. Pour la Cour Constitutionnelle, c’est à l’autorité compétente de choisir le moyen le plus approprié pour choisir comment exercer les missions de services publiques. Le CE, dans un arrêt d’Assemblée Générale, a considéré que un contractuel peut engager la puissance publique et donc sanctionner des statutaires. On admet donc que des temporaires soient utilisés. Il y a des lourdeurs administratives mais il faut également être critique à l’idée de la culture de performance et de résultat. On peut lutter contre l’inefficacité et le corporatisme. Mais comment apprécier la qualité d’un travail ? On s’est longtemps focalisé sur la procédure : si les procédures sont respectées, l’administration pourrait fonctionner. Mais ce n’est pas toujours efficace : on peut respecter les procédures, mais les décisions peuvent être aberrantes. Sont développées aujourd’hui par les sciences administratives les qualités des performances et des travaux.

C.  Des  relations  externes  fondées  sur  des  objectifs  de  qualité  et  de  transparence  

On ne supporte plus l’arbitraire dans l’administration. On ne comprend pas le « non », surtout si l’administration se veut au service du public. Pour se faire apprécier, l’administration doit obtenir zéro défaut dans sa production. Tout doit être de qualité. • On supprime les procédures inutiles : c’est la simplification administrative. • On s’engage à respecter des délais pour statuer. • On indique les voies de recours L’autorité tend vers la qualité tout en se rendant accessible. Elle est joignable en ligne, on peut y trouver els documents requis. On change les heures d’ouvertures (week-end, nocturnes). Le droit européen (directive Bolkenstien EU/2006/123) impose que tous les services prestés doivent être simplifiés d’un point de vue administratif pour les européens. Les Etats doivent mettre en place un guichet unique auprès duquel on peut obtenir toutes les informations. De plus, la directive impose un devoir d’information. Les procédures doivent pouvoir se faire par voie électronique. Il est nécessaire d’accepter les diplômes équivalents.

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Le secret, quant à lui, a disparu au profit de la transparence. Elle prend plusieurs formes. Au minimum, les services publics doivent communiquer et doivent faire des campagnes publicitaires promotionnelles (campagne pour tel vaccin, pour tel subside,…). Il existe un droit à l’information garanti constitutionnellement (art. 32 C°), sauf dans les cas prévus par la loi. Ce droit connaît donc quelques exceptions. Le droit de consulter et d’avoir copie est traduit dans des lois, décrets, ordonnances. On a organisé la manière de recevoir copie des documents. L’administration sait qu’il y a un risque de consultation, qu’elle vit comme une contrainte. Quelques exceptions à ce principe visent le respect de la vie privée (documents des voisins), le respect de la sécurité nationale (têtes d’ogives nucléaires à Kleine Brogel ?), du respect de la propriété intellectuelle, … L’administration refuse parfois de communiquer des documents qu’elle doit document. Il faut passer alors par un juge pour avoir accès au document. Tout cela se concrétise dans la réforme Copernic (2000). Guy Verhofstad, député européen, ancien premier ministre, a poussé a cette réforme des services publics.

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SECTION 3. LE POUVOIR ADMINISTRATIF

§1. LES MISSIONS DE POLICE ADMINISTRATIVE Ce sont des réglementations qui visent à assurer l’ordre public. On impose une règle au nom de la vie en société, mais porte quelque part atteinte aux droits et libertés. On distingue la police générale de la police spéciale. La police générale assure la tranquillité, la salubrité publique. On évite des désordres (interdictions de manifestations, destruction des poulets atteints de la dioxine, etc.). La police spéciale règle un pan seulement de l’intérêt public : le règlement de la police de la route vise au respect d’un pan seul. La police des étrangers règle l’accès au territoire, le séjour et l’éloignement des étrangers. La police des implantations commerciales impose aux grandes surfaces commerciales de s’implanter en suivant des règles particulières. Cette police était fédérale mais va être régionalisée. La police est également ce qui exerce le respect de la règle : la police fédérale, la police de l’inspection du travail, la police des douanes, … Conditions d’existence de ces polices 1) La police doit toujours avoir un fonctionnement constitutionnel ou législatif, puisqu’on porte atteinte à des droits et libertés. 2) Un contrôle de la règle et de son usage doit exister au profit des cours et tribunaux. 3) Chaque niveau de pouvoir peut adopter des règlements de police dans le cadre de ces compétences. Comment articuler les règlements de police ? a) Un seul pouvoir peut s’occuper exclusivement d’une compétence : le roi, à l’exclusion des communes, peut prendre des mesures pour protéger l’environnement et les travailleurs contre les radiations nucléaires (loi de 1994). On interdit donc à un niveau de pouvoir de s’occuper de cette compétence. b) Les textes habilitent expressément les autorités communales : un décret du 6 avril 1995 règle la conservation de la nature et de la biodiversité, mise à mal par nos activités. Les communes peuvent en Wallonie prendre des mesures plus strictes que les règles décrétales. c) Les juges statuent sur des questions telles celles-ci : une commune peut-elle interdire toute publicité pour le tabac sur son territoire ? Peut-elle interdire la mise en vente d’armes dans des vitrines, après le massacre commis par Hans Van Temsch ? Une interdiction d’ULM de décollage ?

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La commune ne peut pas interdire de telles publicités car il y a déjà une police fédérale complète en la matière, sur la santé du consommateur ? Le CE donne raison au producteur de tabac. La réponse a été la même pour la ville d’Anvers et le règlement interdisant l’exposition d’armes à feu en vitrine. Il faut changer la loi et non pas ajouter un règlement local à un règlement fédéral. Il en va de même pour l’ULM-odrôme. La police administrative peut s’exercer de façon générale ou individuelle.

§2. LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES L’administration prend des décisons, mais celles-ci ne sont pas toujours respectées. Il faut alors prévoir des sanctions. Celles-ci peuvent être de type pénales. Mais si l’on appliquait ce type de sanction, cela poserait problèmes. Il faut donc envisager des sanctions plus immédiate, moins lourde. L’administration devrait alors être capable de prendre elle-même des sanctions, sous le contrôle du juge. Il n’y a pas de base constitutionnelle, mais une profusion de décrets, ordonnances, arrêtés. La doctrine et la jurisprudence ont alors essayé de définir ces nouvelles formes de sanctions, sanctions administratives.

A.  Généralités  

Elles se basent sur la loi (caractère légal), elles revêtent un caractère répressif, sont décidées par une autorité administrative au moyen d’un acte administratif unilatéral individuel pour cause de la violation d’une règle. Ellles peuvent être de type pécuniaires, elles peuvent consister en un retrait d’un permis, d’une autorisation ou en une suspension (déchéance d’un permis d’environnement après avoir trop pollué). On peut supprimer des avantages (allocations de chômages, récupérer des subsides, …). On peut sanctionner disciplinairement les agents (retenues sur salaires voire même la révocation). Il existe des sanctions fédérales et fédérées ! La jurisprudence a dégagé l’existence de sanctions de droit civil, de sécurité ou des sanctions pénales à coté des sanctions administratives. Une sanction à caractère civil n’a pas de coté répressif mais est une mesure civile prévue par un texte pour protéger un intérêt public. C.A. 26/2003 du 29 février 2003 : il y a des situations d’erreurs administratives ou de fraudes en matière de remboursement par la sécurité sociale. Un médecin se voit demander de rembourser 1 million d’euro car il

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n’était aps en ordre administrativement. Il y a une espèce de répétition de l’indu et le médecin demande les garanties procédurales des sanctions administratives. La Cour considère que la sanction est civile, quelque soit le montant. L’article 1382 autorise des montants très importants. Il existe des mesures de sécurité et qui ne sont pas des sanctions administratives car il n’y a pas de véritable violation de la voie. Exemple : accès à des stades. On peut interdire l’accès pendant 3 mois à un stade à certains spectateurs pour éviter les débordements. La Cour considère qu’il ne s’agit pas d’une sanction administrative car un chapitre de la loi est consacré à ce sujet, qui plus est. Il existe des sanctions pénales, caractérisée comme un mal infligé par la justice répressive pour une violation de la loi. Le législateur a le choix entre ces différentes mesures, parfois il existe deux régimes en parallèle ! Les sanctions administratives ont été amenées à subir le régime du droit pénal en partie, avec toutes les garanties procédurales du fait des juges et des conventions internationales, bien qu’à la base on désirait créer des normes plus légères à appliquer. Il y a donc un rapprochement des régimes, alors qu’on désirait les dissocier. Le même phénomène existe en France. Il existe un régime applicable à toutes les sanctions administratives : -­‐ L’autorité doit être impartiale -­‐ L’autorité doit motiver sa sanction -­‐ La sanction doit être prise en respectant les droits de la défense, en

entendant la partie (devoir d’audition). -­‐ La sanction doit être proportionnée -­‐ La sanction doit être adoptée dans un délai raisonnable

Certaines sanctions administratives revêtent un caractère pénales, parce qu’il est apparu qu’il existait parfois de fausses sanctions administratives. Ainsi, elles acquéraient parfois un montant tel que A Bruxelles, il existe un dispositif pour lutter contre les nuisances sonores, en particulier en ce qui concerne les avions. On désirait donc sanctionner les compagnies aériennes qui ne respectent pas les règles de bruit. Il existait des sanctions pénales (poursuites devant le juge) d’un montant de 1250 euros maximum. A défaut de poursuites par le procureur, il existe des sanctions administratives : on envoie une amende de 625€ qui peut monter jusqu’à 62000€ et en cas de récidive jusqu’à 125.000€. Ou la véritable sanction pénale ? La peine limité du juge ? Ou la sanction administrative ?

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La jurisprudence belge et sous l’influence de la CEDH, a considéré que certaines amendes administratives ont un caractère pénal. Il existe des critères à caractère autonome, sur base de l’article 6 : -­‐ on doit regarder la dénomination en droit interne -­‐ quel est le comportement que l’on désire réprimer : cela trouble-t-il fort

l’ordre social ? -­‐ quel est le type de la sanction (amende ? prison ?) ? Quel est le montant

et l’importance de la sanction ? La sanction est administrative au sens belge mais pénale au sens des normes internationales. D’une façon générale, une sanction non pécuniaire et non privative de liberté n’est pas pénale. Des sanctions pécuniaires élevées non indemnitaire ont un caractères pénal. On va demander des respecter des critères complémentaires, en plus des critères déjà énoncés : -­‐ principe de légalité des incriminations et des peines (nulla poena sine

lege) -­‐ offrir une voie de recours de pleine juridiction : le juge doit pouvoir

examiner tous les aspects factuels et juridiques du dossier, en ce compris le montant de l’amende, de sorte à ce que la sanction puisse être réformée. Le recours devant le CE est-il de pleine juridiction ? Le CE annule la sanction et l’administration devra prendre une nouvelle décision. La Cour Constitutionnelle a considéré que le CE fait un contrôle qui équivaut à celui d’un juge judiciaire même s’il n’y a pas de réformation possible. Aujourd’hui, on propose que le CE puisse réformer les sanctions administratives, de sorte à renforcer le carcatère de pleine juridiction du CE, même si ce n’était pas nécessaire.

-­‐ Assurer le principe non bis in idem : interdiction de punir deux fois pour le même fait. Ce principe consacré par des textes internationaux (art4 du protocole additionnel n°7 de la CEDH, PIDCP) n’interdit pas d’avoir à la fois des sanctions pénales et administratives pour réprimer une même infraction. Ce qui est interdit est d’appliquer ces deux types de sanction en même temps pour des éléments de faits identiques.

C.C. Arrêt 67/2007 du 26 avril 2007 : droit agricole. Un paysan flamand est poursuivi pour ne pas respecter les règles sur le lisier, qu’il n’avait pas traité et a épandu une quantité supérieur d’engrais sur les champs à ce qui avait été autorisé. L’AFSCA a été fondé après la crise de la dioxine pour assurer la traçabilité

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dans la chaine alimentaire. L’AFSCA impose une amende de 7900 euros à cet agriculteur pour avoir violé le décret flamand sur la gestion des engrais animaliers. Mais, en même temps, il est poursuivi devant le tribunal correctionnel de Ypres. On demande une amende pénale, la confiscation de 5000€, qui auraient été économisés par le non-transport des engrais ! Il y a donc une triple condamnation et une question préjudicielle est posée à la C.C., qui considère qu’il y a une violation du principe non bis in idem. -­‐ Individualisation de la peine (application du mécanisme des circonstances

atténuantes). Il existe des sanctions administratives dans tous les domaines (banque, environnement, santé, …) . Souvent, il y a priorité donnée au pénal. Lorsqu’il y a inertie du pénale, l’administratif prend le relai.

B.  Les  sanctions  administratives  communales    

Les communes ont toujours pu prendre des règlements, avec des sanctions pénales, avec un maximum de peine de police. Mais on s’est rendu compte que ce système pose problème car la justice ne donnait pas suite aux infractions. On a alors décidé de mettre en place des sanction administratives locales. On a alors adopté en 1999 cela dans la nouvelle loi communale (NLC), en combinaison avec des règles fédérées. Une loi du 24 juin 2013, publiée au M.B. du 1 juillet 2013, confirme que les communes peuvent prendre des règlements et des S.A.C. (art. 119bis). Cette loi ne rentre en vigueur qu’au premier janvier 2014.

1)  Les  objectifs  :  

Il n’y a rien de pire dans un état de droit que la règle qui est ineffective. Mais pour y remédier, il faut soit embaucher des armées de juristes soit la retirer. On a alors décidé que chaque commune puisse décider quelles incivilités méritent une sanction administrative qu’elle prévoit dans son règlement. On a choisi d’actualiser, de sanctionner les comportement et de prévoir de nouvelles sanctions : prestations citoyennes, amendes, … Elles sont applicables à des mineurs âgés de 16 ans et la nouvelle loi autorise des sanctions pour les mineurs de 14 ans. On essaye de sanctionner localement, adéquatement et rapidement pour restaurer la sécurité juridique. On essaye d’améliorer la qualité de vie dans les grandes villes.

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2)  Quant  à  la  compétence  du  législateur  fédéral  

En 2001, on a défédéralisé les matières communales. Mais qui va être compétent ? La question se pose en 2004 : le fédéral peut-il est compétent pour améliorer le système ? Le texte de l’article 6, §1, VIII, de la loi du 8.8.80 attribue aux régions le droit d’organiser les pouvoirs locaux mais cela comporte une exception, l’article 135,§2, de la NLC. Cet article traite de la sécurité et de la police. Le CE a considéré que l’article 135,§2, comportait également l’article 119bis. En effet, un amendement de la LS incluant cet article 119bis a été rejeté car c’était considéré comme superflu ! Cela n’empêche pas que les régions, par leurs décrets, habilitent les communes à adopter des sanctions administratives, notamment pour respecter des décrets !

3)  Les  lignes  directrices  

a)  Compétences  communales  :    

Les infractions administratives communales ne peuvent pas être adoptées s’il existe déjà une norme supérieure (loi/décret/ordonnance), sauf pour les infractions mixtes qui permettent de sanctionner pénalement et administrativement si la commune le veut. La liste des sanctions peut être différente entre chaque commune. - Infractions purement administratives : pour lutter contre des incivilités au niveau communal - en dérogation au principe de sanctionner des comportements déjà sanctionnés, il y a les infractions - mixtes graves (art 3,1) : Coups et blessures, injures, destruction de véhicules à moteurs peut être administrativement sanctionné. - mixtes légères (art3,2). Vol simple, graffitis, bris de clôture, jet d’objets, 563bis du Code pénal (port du voile niquab) C.C. 6.12.12 : la Cour constitutionnelle a considéré que cette interdiction était justifiée par des ordres d’intérêt public. Il y a une double incrimination autorisée dans ces cas là uniquement. En outre, la nouvelle loi autorise des infractions administratives pour le roulage (double file, …) . On peut prévoir des amendes amendes administratives ou des sanctions pénales.

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b)  Sanctions  possibles  :  

A partir de janvier 2014, on peut sanctionner jusqu’à un montant de 350 euros (au lieu de 250 précédemment). Le montant plafond pour les mineurs est de moitié. On peut sanctionner des mineurs de 14 ans (au lieu de 16 précédemment). On peut suspendre, retirer des autorisations, fermer des établissements, boites de nuit… En amont de ces mesures sanctionnatrices, les communes peuvent prévoir des mesures alternatives : on peut faire une médiation pour réparer le dommage. On peut également exiger des prestations d’intérêt général, …

c)  Procédure  spécifique  (fonctionnaire  sanctionnateur)  :  

Il faut faire un constat de l’infraction (administrative ou mixte). Si l’infraction est mixte, seuls certains agents de police et gardes champêtres peuvent dresser un constat. Si la sanction n’est que administrative, il y a également des agents communaux voire régionaux, des agents de société de transport public, des agents de gardiennage qui peuvent déclarer les infractions. Ces personnes peuvent demander la carte d’identité si elles assistent à une infraction. On augmente les agents qui peuvent constater les infractions, on crée un Etat policier. On envoie cette infraction au PR (mixte) ou au fonctionnaire sanctionnateur (purement administrative). Le fonctionnaire sanctionnateur est désigné par le conseil communal. Il doit être impartial, ne peut avoir lui-même constaté l’infraction. Depuis la loi de 2013, on peut avoir plusieurs communes pour un seul fonctionnaire sanctionnateur. Le fonctionnaire sanctionnateur ne peut prononcer que les amendes. Les autres mesures sont prononcées par le collège communal*.

d)  Distinction  entre  sanctions  administratives  et  pénales  

Le PR prend en compte la distinction que l’infraction mixte soit grave ou légère. Si elle est grave, il faut attendre deux mois : si le PR poursuit, la procédure pénale suivre son cours. Si le PR ne poursuit pas, l’autorité administrative dépend du PR pour savoir s’il faut poursuivre ou non. Par contre, si elle est moins grave, il suffit d’attendre une inertie du PR pendant deux mois, ou si le PR se prononce en défaveur de poursuites avant. La procédure est prévue et son irrespect est sanctionné par la nullité. On prévient le contrevenant qui peut consulter le dossier. Au bout de 15 jours, on propose une médiation, une acceptation de réparer le dommage ou d’indemniser. Pour que cela fonctionne, il faut également l’accord de la

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victime. En cas d’échec, on peut proposer une prestation citoyenne de maximum 30 heures au bénéfice de la commune ou proposer de suivre une formation particulière.... Le contrevenant peut refuser. En cas de succès, pas d’amende. En cas d’échec, l’amende peut avoir lieu dans les 6 mois. Si il y a prestation citoyenne ou médiation, le délai est de maximum 12 mois.

e)  Les  voies  de  recours  

La sanction est notifiée par lettre recommandée et est exécutoire un mois après, délai de recours devant le tribunal de police (légalité de la peine ? proportionnalité de l’amende ? le juge de police peut confirmer ou réformer la sanction). La décision du juge de police n’est susceptible que d’un recours en Cassation. L’amende doit être payée dans les 5 ans à la commune, sauf motifs d’intervention de la prescription. Les communes disposent de registres avec l’ensemble des sanctions administratives données au cours des 5 dernières années. Il y a un casier judiciaire administratif. Ce registre doit être détruit ou anonymisé après 5 ans. Pour les fermetures et retraits de permis, seul le Collège est compétent. Les contrevenants ont le droit d’être entendu. Le recours a lieu devant le CE. L’article 47 de la loi de 2013 introduit un article 134sexies qui attribue une nouvelle compétence au bourgmestre. On peut interdire temporairement à une personne ou à plusieurs personnes l’accès à des lieux publics particuliers lorsqu’elles ont causé des troubles à l’ordre public. Cette mesure adoptée par le bourgmestre doit être confirmée par le Collège après audition du contrevenant. Elle est de 1 mois maximum et renouvelable deux fois. Si on ne respecte pas cette interdiction, alors une sanction administrative (amende) peut intervenir.

f)  La  question  des  mineurs  

Le mineur de 14 ans peut être sanctionné. Mais la commune qui choisit de sanctionner les mineurs de 14 ans (c’est au libre choix des communes !), ces mineurs doivent être informés de cette possibilité d’être sanctionné. De plus, en cas d’infraction, il y a une implication parentale. Avant la médiation, on convoque les parents et le mineur quant aux mesures éducatives à prendre. Si les mesures éducatives présentées sont suffisantes, alors le dossier est clos. Pour les mineurs, la médiation est obligatoire et les prestations citoyennes sont réduites à 15 h, à exécuter dans un délai de 6 mois.

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Si ces mesures ne fonctionnent pas, alors une sanction pécuniaire peut être envisagée. Un recours devant le tribunal de la jeunesse est offert. Le juge de la jeunesse peut remplacer l’amende par une mesure de garde, ... Si il réforme la décision, alors celle-ci est susceptible d’Appel. Beaucoup d’associations critiquent l’abandon de l’idée de la protection des délinquants ! Un mineur qui transgresse les règles justifie une mesure d’encadrement plutôt qu’une mesure de sanction ! Il doit exister un équilibre. Des sanctions à l’égard d’un jeune de 14 ans peut être excessive.

4)  Réflexions  pour  aller  plus  loin  

Le Parlement demande que le ministère de l’Intérieur fasse un rapport sur l’application de la loi. On demande des statistiques sur les sanctions… Le législateur est prudent et va faire le bilan dans deux ans pour voir si la loi ne mérite pas des amendements. A Bruxelles, il y a un système bizarre : on pourrait avoir 19 comportements communaux (ex : Niquab) différents. Il a donc été prévu que les 19 communes puissent se concerter pour adopter une règle commune. Ce n’est pas la Région qui est compétente, mais bien les communes.

§3. LES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC : La mission de service public est une de clé du fonctionnement de l’Etat. C’est une idée fondatrice à la française. Cette pierre angulaire doit être définie. Les SP remontent à il y a longtemps : la Poste était au départ un système de relai pour faciliter les communications royales. Mais on a décidé de profiter de ce véhicule pour diffuser d’autres courriers, y compris pour les privés, moyennant rémunération. On crée ainsi le service postal qui s’exerce en monopole. Ces services se sont développés dans le cadre de la doctrine française du service public (Léon Duguy, Gaston Gèse, …) . L’activité du service public est considérée comme indispensable à la vie en société, à l’interdépendance sociale et qui, par nature, ne peut être exercée que par la force gouvernante, par l’autorité publique: créer des routes, des prisons, un service de police, de l’enseignement, … La théorie de Duguy s’applique aux trois grands pouvoirs : la justice est un service public, il n’y a pas de justice privée. Le parlement est au service des citoyens en adoptant des lois les plus conformes à l’intérêt général. Il en va de même pour l’exécutif qui doit être au service du public.

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Outre ces services, il y a une liste plus particulière : enseignement, poste, transports,… Cette théorie pose néanmoins des questions : que doit-on considéré comme indispensable et que seule l’autorité publique doit exercer par nature? Existe-t-il des missions régaliennes ne relevant que du roi ? Ou bien en réalité y a-t-il des évolutions ? La téléphonie était un service public avant la libéralisation européenne (RTT), d’autant qu’il y avait un développe technologique important. Chacun peut à présent choisir son opérateur. Une activité du service public ne l’est plus. La poste est-elle ou doit-elle être un service public ? Il y a peu, la poste était en monopole. Mais L’Europe a considéré qu’il devait exister des services expresses, des services de colis, … Mais la poste reste un service public car chacun a droit à recevoir le courrier, y compris au fond de la campagne. La poste reste donc dans l’idée du service public. Dès lors, même si on a mis fin à un monopole, on a imposé aux privés des obligations de service public (OSP). Il n’existait il y a peu qu’une seule société de chemin de fer par état ? Pourquoi des firmes privées ne peuvent-elles pas aussi se lancer dans ce secteur ? On a mis des OSP en droit européen en contrepartie de l’ouverture à la concurrence… Certains vont plus loin : pourquoi la gestion des prisons ne doit-elle pas se faire par des privés, alors que leur état est catastrophique ? Cela se fait aux USA, en Angleterre, … De même la justice n’est pas un service public absolu : on autorise l’arbitrage … La notion de service public est évolutive. On est passé d’un critère organique à une conception fonctionelle du service publique. Quelle est la fonction sociale que l’on désire assurer ? On fait peser des OSP à des privés.

A.  Les  lois  du  service  public  :  

Cette théorie du SP existe car des règles particulières s’applique à ce service. Un régime particulier de protection des biens qui servent au SP, des régimes particuliers en matière de contrats,… Parmi les règles particulières,on trouve les 3 lois du service public. Ce sont des lois forgées par la doctrine et la jurisprudence, déduites de la nature du service fourni, tant dans le secteur public que privé. Il y a la loi de continuité, de mutabilité et égalité.

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1)  La  loi  de  continuité.    

L’Etat est permanent, doit pouvoir fonctionner tout le temps, même s’il ne fonctionne pas en permanence. La justice doit fonctionner, mais ne doit pas fonctionner les week-end, … L’état a le droit de réquisitionner : dans le cadre de la crise de la dioxine, l’Etat a réquisitionné les fours à chaux des cimenteries belges. On a pensé à la même chose lors de la grippe aviaire.On désirait imposer aux médecins de prendre des mesures prioritaires. Au nom de la continuité, l’Etat a une immunité d’exécution sur ses biens, même s’il peut prendre des biens. Il existe aussi la théorie du fonctionnaire de fait : il existe des situations où personne ne peut engager l’Etat. Il existe des possibilités de “faire fonction” (lors de la guerre, …). Si un fonctionnaire est nommé et que sa nomination est annulée ultérieurement, alors les actes posés ne sont pas réputés nuls. Ce qui a été fait reste au nom de la continuité. Dans des entreprises publiques, il existe des mandats temporaires (4 ou 6 ans): quand le mandat est échu, ces personnes doivent continuer à prester tant que le successeur n’a pas été désigné. Certains restent parfois pendant 18 mois : ils continuent à prester (et à etre rémunéré), meme sans mandat. La théorie des affaires courantes est aussi une application de ce principe : si un gouvernement démissionnaire ou si une Chambre est démisionnaire, alors l’exécutif doit gérer les affaires courantes. Entre juin 2010 et 541 jours plus tard, il a fallu nommer un nouveau gouverneur de la Banque Nationale : Luc Coene a été nommé au nom de la continuité de l’Etat. Il n’est pas possible de mener une nouvelle politique monétaire sans gouverneur qui représente la Belgique auprès de la BCE. Cette nomination a été validée par le CE. L’autorité a non seulement le droit d’assurer la continuité mais aussi le devoir : certains fonctionnaires se voient interdits du droit de grève. L’armée ne peut pas faire grève car il y a une continuité de la défense nationale. En période de grève, l’Etat doit assurer un éventuel service minimum. C’est une question qui se pose lors des grèves de la SNCB par exemple. Les individus revendiquent un droit à la continuité du service. En cas e grève ds enseignants, cela pose des problèmes aux aprents : on se demande s’il y a un droit d’acceuil et de garde sur le service public enseignement, au nom de la continuité du service. (ce qui n’est pas le cas!).

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2)  La  loi  de  mutabilité  ou  du  changement  

Si les circonstances changent, l’autorité peut modifier son organisation, les prestations de ses services, de façon unilatérale sans s’adresser aux syndicats, aux usagers … Cette loi permet à l’autorité de prendre des mesures exceptionnelles, au point de rompre des contrats pour un motif d’intérêt général. Les concessions sur le domaine public (terrasse d’un café sur un trottoir, …) peuvent être levées à tout moment. Il y a un risque d’abus : il existe des contrôles sur l’usage fait par l’autorité de ce pouvoir (motif d’intérêt général admissible ?) et sur la rupture (indemnité ?). Le droit de changer pèse parfois comme une obligation : l’Etat est obligé d’avir des services de qualité. L’Etat doit changer vers cela. La Justice est parfois arriérée dans la mesure où parfois on autorise (au Luxembourg…) le dépôt de pièces que pendant certaines heures au lieu de l’envoyer par mail (à toute heure !)

3)  La  loi  d’égalité  

C’est l’expression des articles 10 et 11 de la Constitution. Le service public doit profiter à tous. Chacun est dans la même position, sans privilège accordé. La rupture d’égalité est l’absence de justification objective dans un différence de régime. Arrêt du CE, 4 juillet 2013 en matière médicale : différence de remboursement dans un médicament contre l’asthme. La société Novartis n’a pas été consultée. Le CE n’aperçoit pas pourquoi cette société pharmaceutique n’a pas été interrogée. On oublie souvent que ce principe oblige des personnes qui sont dans des positions différentes d’être traitées différemment. C’est ainsi qu’on admet des tarifs différenciés dans les transports en commun.

4)  Les  nouvelles  lois  du  service  public:  

Les lois du service public connaissent une évolution vers fiabilité, qualité, équité. Le droit européen a imposé des libéralisations dans lesquelles il a mis des OSP qui tournent autour de ces 3 éléments fiabilité, qualité, équité. Ces règles qui valent pour le secteur marchand émigrent vers le secteur non financier des activités de l’Etat. L’Etat dans ses activités régaliennes doit connaître des mêmes lois de fiabilité, qualité, équité. Plutôt que la continuité, il faut des réseaux fiables pour les transports en commun, de gaz… La fiabilité est plus exigeante que la simple continuité. La mutabilité existe sans qu’on puisse opposer des droits acquis, mais cette

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mutabilité doit aller vers une meilleure qualité environnementale, technologique des réseaux de transport mais aussi des autres services de l’Etat. L’égalité s’est transformée en une équité : le privé doit donner accès à toute personne à du gaz et de l’électricité. Il y a un minimum à fournir dans l’équité du service ! Chacun a le droit d’être appelé, même s’il n’a pas l’argent pour appeler ! L’autorité ne doit pas seulement être égalitaire mais également équitabe.

B.  Les  modes  de  gestion  du  service  public  

Un service public n’est pas un autre. Les services publics sont organisés de différentes manières. Au sein du noyau dur, on trouve des régies communales. Ce sont des entitiés qui servent à gérer un service particulier au sein de la commune. Ex : la régie foncière (gestion des biens communaux,…). A coté du noyau dur, on crée une régie communale autonome, distinct du noyau dur. Cette régie communale a une personnalité juridique, avec un conseil d’administration. On lui donne la possibilité de gérer une fonction de l’administration : ex : gestion des parkings. A coté, on crée des établissements publics où les entités fédérales et fédérées créent des personnalités juridiques qui s’occupent d’une fonction publique particulière : elle est plus ou moins autonome et doit gérer un tache d’intérêt général. Cf. loi du 16 mars 1954 sur les OIP. Cette loi contient différentes catégories d’établisement en degré croissant : A : peu autonome :IBGE, AFSCA, Bruxelles Propreté, Régie des bâtiments, Institut du patrimoine wallon, zorgverzekeringfonds. B : AWIPH (Agence wallonne pour l’intégration de la personne handicapée), TRM, Orchestre National de Belgique, Ecole d’administration publique. En 1991, on crée les entreprises publiques autonomes : Belgacom, B-post, Groupe SNCB (SNCB, Infrabel, SNCB Holding), Belgocontrol. On a créé cela en 1991 car ce sont des secteurs ouverts à la concurrence. On désirait donner de la flexibilité pour pouvoir rivaliser. Il existe aussi des sociétés ad hoc, taillées sur mesures pour certaines besoins de l’intérêt général : BOZAR (S.A. de droit public à finalité sociale). Il existe aussi des formes d’associations : les intercommunales (asbl de pouvoirs publics) : ex : ramassage des déchets. On a créé d’autres êtres juridiques : AAI (autorités administratives indépendantes) : on désire réguler et organiser certains secteurs de la vie économique : CSA en Commnauté Française, FSMA (ancienne CBFA qui régule

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les marchés financiers), CREG (Commission de régulation de l’éléctricité et du gaz). Parfois le secteur publique est internalisé, parfois il est externalisé. Le controle peut etre hiérarchique ou de tutelle voire même un controle par contrat de gestion,… le controle hiérarchique est le plus direct (régie communale), le controle de tutelle accorde une certaine autonomie (Belgacom). Le contrat de gestion peut exister telle entre la RTBF et la Communauté Francaise. Le service public peut parfois etre complètement privatisé, mais alors pèsent des OSP. Les banques sont-elles un service public ? Elles sont à tout le moins redevables d’un services universel pour tous les clients.

§4. LES PREROGATIVES EXORBITANTES DE L'ADMINISTRATION ET

LES SUJETIONS PARTICULIERES AUXQUELLES ELLE EST SOUMISE L’administration a des privilèges du préalable, d’exécution d’office et d’immunité. C’est ce qu’on appelle l’administration impérieuse. Mais il y a des règles strictes qui limitent ce pouvoir. L’administration ne peut pas abuser du pouvoir qui lui est donné.

A.  Le  privilège  du  préalable  

L’administration peut adopter des actes juridiques unilatéraux qui s’imposent aux citoyens, sans le consentement de ceux-ci. Ces actes bénéficient de la présomption de légalité, il y a une présomption de choses décidées. Les recours ne sont pas en eux-mêmes suspensifs. L’administration ne doit pas passer par un juge, ce qui lui permet d’agir rapidement. L’administration s’explique a posteriori au besoin. Ce pouvoir peut même être confié à des personnes privées qui exercent une mission de service public (arrêt 75/2009 de la C.C.). Une SPRL n’a pas payé ses cotisations sociales. Elle est en litige. La caisse privée, l’asbl, prend une mesure de contrainte contre l’entreprise et intervient immédiatement. Le litige se noue sur le point de savoir si la Caisse privée dispose du droit de saisir l’argent sans passer par un juge. Le problème vient d’une loi de 2005 : la Cour répond par l’affirmative. Les personnes privées exercent une mission de service public, contrairement aux autres personnes privées. Dès lors, on admet que la récupération des sommes impayées se fasse en dérogation au droit commun ; les sommes sont dues à l’INASTI, caisse étatique qui récupère les montants. La Cour considère que cette contrainte n’est pas disproportionnée car le débiteur peut faire un recours devant les juges de l’ordre judiciaire.

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B.  Le  privilège  de  l'exécution  d'office  :  

L’administration peut exécuter de manière forcée, sans autorisation du juge. Plusieurs mécanismes sont donnés dans les lois : l’administration peut compenser, peut imposer des amendes. Pour les expropriations, l’autorité doit passer par un juge (de paix) pour expulser. Dans des cas d’urgence, il y a des mesures qui sont acceptées avec contrôle a posteriori. Certains auteurs considèrent qu’il s’agit de la prolongation du privilège du préalable.

C.  L'absence  de  voies  d'exécution  forcée  contre  l'Administration  

L’administration peut agir contre les citoyens, mais elle est elle-même protégée. Les biens de l’administration sont utiles à l’administration et sont donc insaisissables. Cette règle non écrite a posé des problèmes dans les années 1990 : l’Etat a été condamné en justice et n’a jamais payé. En octobre 2013, la Région Flamande a été condamnée à payer 40.000 euros à un bourgmestre non nommé. Le titre obtenu n’aurait pas été exécutoire. Mais de nombreuses personnes ont trouvé cela anormal. Les juges ont admis que l’on puisse saisir certains biens. Le législateur est intervenu en 1994 en insérant l’article 1412bis dans le code judiciaire. L’ali. 1 prévoit que tous les biens de toutes les personnes morales de droit public sont insaisissables. L’al.2 prévoit que les biens peuvent faire l’objet d’une saisie ou d’une mesure d’exécution si elles sont inscrites sur une liste que chaque personne morale de droit public doit dresser. Mais aucun pouvoir n’a jamais établi aucune liste. L’al.3 prévoit qu’à défaut de liste, peuvent être saisis les biens qui ne sont manifestement pas utiles pour la continuité du service public. Si ce n’est pas utile, alors cela peut être saisi. Les autorités publiques peuvent s’opposer à la saisie et proposer de remplacer les biens saisis. Dans la jurisprudence, on a trouvé la saisie de tableaux d’un CPAS : ces biens sont saisissables et ne sont pas absolument utiles. Par contre, on ne peut pas saisir les biens d’une fabrique d’église (gestion du temporel). Il y a des situations incertaines : peut-on saisir les comptes en banques des personnes morales. La Cour du Travail condamne une personne à payer 30.000 euros à l’ONSS. Un pourvoi est introduit : la décision est cassée. L’ONSS garde l’argent et l’entreprise fait une saisie du compte de l’ONSS. Ce compte est-il saisissable ou manifestement utile ? L’ONSS a des millions avec plusieurs comptes ! Le juge des saisies de

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première instance considère que ce compte est une exception de 1412bis. La Cour d’Appel a réformé .

D.  Les  contraintes    

• L’autorité est soumise à la transparence (constitution, l de 1994), • Elle doit respecter la loi, doit motiver ses décisions pour éviter l’arbitraire

(l.1991), même à vote secret (C.Constit), • Elle doit passer des marchés publics et ne peut pas choisir librement ses

cocontractants • Elle est contrôlée par les cours et tribunaux et par le Conseil d’Etat.

§5. LES THEORIES DU SERVICE PUBLIC ET DE LA PUISSANCE

PUBLIQUE COMME EXPLICATIONS D'UN DROIT ADMINISTRATIF

AUTONOME Il faut trouver des règles qui assurent l’équilibre entre la puissance de l’Etat et les droits du citoyens pour éviter les abus de pouvoir. On a alors développé un droit spécifique sanctionné par un juge particulier : le juge administratif. Il existe un droit différent du droit privé, malgré que parfois le vocable soit similaire : servitude de bien en droit privé, servitude légale en droit public, la tutelle familiale ou administrative, … Il y a donc une raison d’être pour ce droit, mais il est remis en cause, en fonction de la place que l’on désire accorder à l’Etat.

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SECTION 4. LES GRANDS TRAITS DU DROIT ADMINISTRATIF

§1. UNE ADMINISTRATION SOUMISE AU PRINCIPE DE LA LEGALITE :

ETAT DE DROIT ET ETAT DE POLICE Il faut respecter la loi. Toute action adiministrative n’est pas libre, elle doit respecter la loi. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Les décisions doivent-elles être compatibles ou bien conformes à la loi ? la conformité signifierait que l’autorité a des compétences liées et donc que lepouvoir d’appréciation est réduit. Ex : Le traitement des fonctionnaires doit être calculé sur une base objective, … Pour déterminer la pension, on calcule sur une base matéhématique. La loi offre peu de marges d’interprétation. Mais si la décision doit être compatible simplement, il y a un pouvoir discrétionnaire : l’autorité dispose de plusieurs décisions conformes à la loi et doit choisir l’une d’elle. Ici, outre la légalité, un choix en opportunité est ouvert. Ex : pour construire un nouveau logement, l’autorité a le choix d’autoriser de bâtir et le nombre de bâtisses, tout en respectant les règles d’urbanisme. L’autorité est sous contrôle du juge. On retient que la compétence liée de l’autorité accorde une sorte de droit subjectif dans le chef du citoyen. Dès lors, pour les droits subjectifs, ce sont les cours et tribunaux sont exclusivement compétents (article 144 de la C°). Le juge ne peut alors valider que la validité. Par contre, s’il y a un pouvoir d’appréciation discrétionnaire, alors c’est le CE qui sera compétent : il vérifie la légalité de la décision tout en analysant marginalement l’opportunité de la décision. N’y a-t-il pas d’erreur d’appréciation ? Néanmoins, le juge administratif ne peut pas se mettre à la place de l’administration, pour ne pas porter atteinte à la séparation des pouvoirs.

§2. LE DROIT ADMINISTRATIF EST UNE BRANCHE DU DROIT PUBLIC Il existe un continuum entre le droit constitutionnel et le droit administratif. Le droit constitutionnel est vague, flou, a besoin d’une mise en œuvre. Le droit administratif précise le contenu des libertés, les pratiques mises en œuvres. Ce qui compte ce n’est pas le grand principe, mais bien l’application, ce qui se passe sur le terrain.

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§3. LE DROIT ADMINISTRATIF EST NEANMOINS (DE PLUS EN PLUS)

INFLUENCE PAR LE DROIT PRIVE En France, on distingue fort le droit public du droit privé. Mais aujourd’hui et ici, c’est de moins en moins vrai. Il y a une porosité instutionelle et relationnelle. L’Etat s’est retiré de nombreux secteurs relevant du droit public économique. La sphère de l’Etat se retire des secteurs dérégulés : transport, télécom, énergie… On a crée des entreprises publiques autonomes (EPA), qui sont en concurrence avec des privés. Ce régime est de moins en moins administratif mais influencé par le droit privé, bien que certaines relèvent du service public ! Le droit privé tend à s’imposer de plus en plus au droit public. On trouve de plus en plus de contractuels en lieu et place de statutaires. On applique aux agents de l’Etat l’article 18 de la loi sur le contrat de travail. C’est une dérogation à 1384 du code civil : la responsabilité des commettants et des préposés. Les tiers sont victimes d’une faute commise par un prépose dans le cadre d’un contrat de travail. Le tiers peut attaquer le commettant (1384) mais celui-ci peut-il introduire une action récursoire à l’encontre de son ouvrier ? Jusqu’en 1978, il y avait une possibilité de se retourner contre les préposés. Il y a une immunité relative : elle n’existe pas en cas de faute intentionnelle, en cas de faute grave ni en cas de faute légère habituelle. Ce régime a été adopté pour les préposés, les agents de l’Etat depuis une loi de 2003. Le droit administratif s’est aligné sur le droit du travail. En matière de responsabilité des pouvoirs, l’arret Flandria a condamné l’exécutif pour sa responsabilité sur base de 1382 du Code civil ; L’arret Anca a fait de même le 19/12/1991 avec le pouvoir judiciaire. Le pouvoir législatif a été condamné sur base de 1382 (arrêt Ferrara) le 20/09/2006. Les trois pouvoirs de l’Etat sont soumis au trois pouvoirs de l’Etat. Tout régime exorbitant, exceptionnel se voit donc relativisé !

§4. EN BELGIQUE, LE DROIT ADMINISTRATIF EST ECLATE ENTRE LE

DROIT ADMINISTRATIF FEDERAL ET CELUI DES ENTITES FEDEREES Le droit administratif a connu un régime exponentiel en raison de la fédéralisation. Chaque entité a son propre corps e règle pour l’administration, les fonctionnaires, le fonctionnement économique, les communes. Cela évolue de façon différente dans chaque entité, qui prennent des directions équivalents.

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L’urbanisme, l’environnement sont des droits régionaux. Les médias sont communautaires. Il faut donc parfois faire du droit régional comparé !

§5. LE DROIT ADMINISTRATIF EST UN DROIT AUTONOME,

RELATIVEMENT JEUNE, FORTEMENT JURISPRUDENTIEL ET EN PLEINE

EVOLUTION Le droit se dévelope dans de nouvelles directions. Le droit se développe vers la régulation : l’Etat a une nouvelle fonction d’arbitre qui doit faire des compromis entre des objectifs d’intérêts généraux et des valeurs économiques. L’Etat va essayer de créer des marchés compétitifs : on a donc un droit de la régulation, en partiuclier pour l’énergie, les médias, … Il y a des éléments administratifs et économiques. Des instances autonomes vont alors réguler les marchés de manière impartiale pour essayer de faire fonctionner le marché : Creg, Fsma, … Un arrêt de 2010 considère que la CREG est une AAI qui bénéficie d’une large autonomie et qui empêche toute tutelle ou contrôle hiérarchique, parce que l’Europe l’a désiré. Parfois, parmi les opérateurs du marché sont parfois l’Etat. Il a donc fallu un régulateur indépendant. On a donc plus besoin de l’Etat, mais simplement d’un arbitre. Mais qui contrôle le contrôleur ? Il y a des mécanismes de contrôle juridictionnel : recours spécifiques devant la cour d’appel de Bruxelles. Le droit tend parfois à s’organiser autour de codes. Cela n’est pas possible en droit administratif en raison de l’éclatement du droit. Les entités fédérées adoptent des codes de l’environnement, du logement, de la démocratie locale, … car ce sont des entités émergentes qui ont besoin d’un symbole fort. L’Etat fédéral ne fait pas de code à défaut de volonté et de compétences. Mais il y a un code de DIP, du droit des sociétés et bientôt un code de droit économique ! Ce droit administratif est jeune, mais il se complique et se diversifie en vue d’assurer l’intérêt général, paticulier ou global. L’administration restera néanmoins toujours soumise au droit et aux contestations éventuelles. Le droit n’est pas toujours clair pour autant : il fonctionne sur des idées vagues, des notions ambigues voire contradictoire. Le juriste doit donc proposer les meilleurs solutions possibles.

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SECTION 5. LES SOURCES FORMELLES DU DROIT ADMINISTRATIF

§1. LE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ET LE DROIT EUROPEEN : En beaucoup de matières administratives, le droit international trouve application.

A.  Les  traités  internationaux  :  

La convention de Aarhus donne une protection du citoyen en matière environnementale ainsi que le comité de suivi permanent. Le comité n’a aucun pouvoir mais sert de référence.

B.  Le  droit  de  l'Union  européenne  :  

Les libertés fondamentales du droit primaire n’est pas nécessairement administratif mais y trouve des applications. L’article 41 de la Charte des droits fondamentaux est essentiel par contre ! Le droit secondaire connaît d’innombrables décisions européennes. Il existe des directives européennes en matière de marchés publics. Les directives 2004/17 et 2004/18 sont finalement transposées en droit européen en 2013, alors qu’2014 de nouvelles directives devraient apparaître. Le droit de l’environnement (déchet, eau, responsabilité, …) est influencé largement par le droit européen. Le droit économique administratif est également influencé (puisque souvent, ce sont des secteurs libéralisés). Le droit administratif des Etats influence le fonctionnement européen. Il existe dès lors un véritable droit administratif européen sur le fonctionnement des institutions européennes.

C.  Le  droit  du  Conseil  de  l'Europe  (CEDH  non  comprise)  

Le conseil de l’Europe ne s’occupe aps que de la CEDH. Il a adopté de nombreuses chartes, dont la convention de protection des minorités, non ratifiée par la Belgique suite à un contentieux entre francophone et néerlandophones. Il y aussi une charte sur l’autonomie locale qui a été ratifiée par la Belgique et qui influence le statut des élus locaux notamment.

§2. LA CONSTITUTION COMME BASE DU DROIT ADMINISTRATIF : La Constitution donne des droits et libertés (titre 2). Les articles 144, 145,158,160,161 donne des pouvoirs administratifs. Les articles 105, 107, 108 donne le pouvoir délégué à l’exécutif, …

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La réglementation des pouvoirs locaux est basée surles articles 41 et 162 et suivants de la constitution. L’article 159 assure le principe de la légalité : les cours et tribunaux n’appliqueront les arrêts et les décisions émanent de l’administration que si elles sont conformes aux lois ! Il y a un contrôle diffus de légalité ! La Cour constitutionnelle vérifie la validité des règles législatives par rapport aux nomes supérieurs. Tout juge judiciaire et le CE peuvent par contre vérifier la conformité de normes réglementaires avec les normes supérieures. De plus, ce contrôle peut avoir lieu sans limitation sans le temps, ce qui pose parfois des questions de sécurité juridique.

§3. LA LOI (LE DECRET ET L'ORDONNANCE)

A.  L'absence  de  codification  du  droit  administratif  

Cf. supra en raison de l’éclatement du droit.

B.  Lois  spéciales  et  lois  ordinaires  :  

Ce sont des règles particulières adoptées par la chambre ou le sénat.

C.  Lois  cadre  et  lois  d'habilitation  

On peut conférer un large pouvoir de délégation à l’exécutif. Cela peut nécessiter d’être validé, …

D.  Les  lois  purement  formelles  

Ex : loi de naturalisation

§4. LES REGLEMENTS

A.  Les  arrêtés  royaux  et  les  arrêtés  des  Gouvernements  communautaires  et  régionaux  

Les AR nécessitent des contreseigns ministériels. Dans les entités fédérées, par contre, les actes sont collégiaux sauf délégation. Cela doit être publié dans le MB, et entre en vigueur 10 jours après sauf disposition contraire.

B.  Les  arrêtés  ministériels  

On admet des délégations pour adopter des mesures de détails. On veut vérifier si le ministre ne tient pas son pouvoir directement de la loi. On confère parfois au ministre un pouvoir réglementaire. On peut se demander si un acte signé par fonctionnaire est valable. Le fonctionnaire n’avait-il qu’une délégation de signature ? Ou une véritable délégation ? Pouvait-il recevoir cette délégation ? (arrêt du 9 mai 2012) Ce

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sont des questions techniques ennuyeuses, mais essentielles. La décision ne peut pas être illégale !

C.  Les  arrêtés  d'organismes  publics  et  d'autorités  administratives  indépendantes  

On a vu des AAI faire elles-mêmes des règlements. Mais en vertu de quoi ? la constitution est dépassée à ce point de vue. La section législation du CE a considéré longtemps que ces règlements sont inconstitutionnels : pas de publication au MB, pas de contrôle parlementaire. Mais le fait l’emporte sur le droit : le législateur a continué à accordera ces autorités indépendantes de plus en plus des compétences, et elles s’y connaissent dans leur secteur. Il serait étonnant que ce soit quelqu’un d’autre que le régulateur qui fasse la régulation. Mais la Cour Constitutionnelle a considéré qu’en raison de la technicité de la matière et moyennant certaines conditions (publication au MB ou sur internet), on pouvait permettre ces AAI d’adopter des règlements. On a proposé de moderniser le pouvoir réglementaire. H. Dumont a preché dans le désert pour modifier la Constitution, pusique le pouvoir administratif est aujourd’hui éclaté.

D.  Les  arrêtés  et  règlements  des  pouvoirs  locaux  :  

Les communes adoptent des règlements (sur les SAC, par exemple). Il y a des règlements locaux, des règlements d’administration intérieure, … Ce sont des sources du droit administratif et doivent respecter les règles supérieures.

§5. LA JURISPRUDENCE ET LE ROLE CREATEUR DU CONSEIL D'ETAT La jurisprudence est une source importante du droit administratif : la matière est complexe mais donne lieu a beaucoup de litiges : plus il y a de textes, plus il y a de litiges. Les textes sont additionnés mais non pas harmonisés ! Les arrêts du CE d’annulation valent erga omes, contrairement aux décisions des juges judiciaires. La norme disparaît alors. La jurisprudence du CE est donc très importante ; le CE a multiplié les décisions en assemblée générale en vue d’unifier la jurisprudence car les différentes chambres n’avaient pas une jurisprudence convergente. On avait intérêt donc à être dans un rôle linguistique ou un autre ! Ex : les conseillers d’Etat se sont réunis pour l’interdiction du voile dans les écoles publics. L’arrêt 210.000 déboute la demande d’une dame qui a été

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licenciée suite au port de son voile. Sur une telle question, il est impossible d’avoir une jurisprudence divergente !!

§6. LES PRINCIPES GENERAUX DU DROIT ADMINISTRATIF Le droit est plus vaste que la loi. Les codes s’épaississent, mais il existe des règles non écrites. Ou les met-on dans la hiérarchie des normes ? Supra legem ? Supra constitutionnelle ? Infra réglementaire ? Certains PGD sont à différentes places ! Mais en droit administratif, les PGD sont extrêmement développés par la jurisprudence qui a construit à partir des textes. Les PGD sont des règles que le juge estime juridique, déduites d’un textes, inscrites dans le système juridique, même si elles ne sont écrites dans aucun texte. L’administration est tenue de s’y conformer.

A.  Les  principes  patere  legem  :  

« Souffre la loi que tu t’es donnée » date de 1949, mais controversée par la Cour de Cassation. L’autorité doit respecter sa propre ligne de conduite qui se trouve dans un règlement. Il faut appliquer la même règle pour tous. C’est une application du principe d’égalité. Ex : un examen dont la réussite est fixée à 65%. Mais en interne, on admet qu’entre 60 et 65, un autre examinateur réexaminera la copie. Mais dans le cas d’espèce, la personne obtient 62,5%, mais il n’y a pas de réexamination. Elle va au CE, mais se voit déboutée car la seconde lecture n’est que soft, n’est pas une règle fixée ; Un acte individuel ne peut déroger à un autre acte individuel. Un acte réglementaire à un autre acte réglementaire. Les Cours et tribunaux considèrent que l’article 159 ne s’applique qu’aux cours et tribunaux. L’administration qui serait face à une règle illégale devrait alors la changer ! Elle ne peut pas l’écarter elle-même ! Nb : en droit européen, la CJUE impose aux autorités et y compris à l’administration d’écarter les règles qui sont contraires au droit européen. Comment combiner cela avec ce qui a été dit ci-dessus ?

B.   La  non  rétroactivité  des  actes  administratifs  :  

L’article 2 du code civil prévoit de la sécurité juridique : il faut être conscient de ce qu’on pose et de la règle applicable à ce moment là. On ne peut pas revenir en arrière. Cette règle n’a pas de valeur absolue. Elle n’est pas constitutionnelle, elle a une valeur législative ! On a donc multiplié les exceptions et l’AR peut donc être rétroactif si on respecte certaines conditions :

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-­‐ il faut que la rétroactivité soit indispensable au bon fonctionnement de la continuité du service public

-­‐ il ne faut pas porter atteinte à des droits acquis. C’est la même jurisprudence à la Cour constitutionnelle qu’au Conseil d’Etat. On voit souvent des rétroactivités dans des annulations après une mise en œuvre du contrôle de tutelle ou du CE.

C.   Les  droits  de  la  défense  et  le  principe  du  contradictoire  :  

Ces deux principes tendent à se confondre. Le CE n’est pas toujours rigoureux dans son expression. Le contradictoire est fait dans l’intérêt de l’administration alors que la défense existe dans l’intérêt de l’administré. Ces deux principes ont en commun le devoir d’entendre la personne (hoorplicht) à chaque fois que l’on prend une mesure considérée comme grave (réorganisation d’un service, retrait d’agrément, d’autorisation, mutation, …). Dans l’intérêt de l’autorité, elle doit être bien informée pour prendre une décision adaptée ; le droit de la défense a plutôt lieu dans un caractère disciplinaire lorsqu’il y a des sanctions. Cela inclut le droit de se faire assister par un avocat. On peut consulter le dossier, avoir un délai raisonnable pour obtenir une décision,… Si on demande une dépollution sans entendre l’entreprise propriétaire du site pollué, alors il y a problème ! Ces deux éléments sont donc liés ! L’administration fait e plus en plus usage de ce droit, tout en gardant son pouvoir discrétionnaire d’appréciation.

D.   L'impartialité  et  l'objectivité  :  

L’autorité doit être impartiale objectivement et subjective : Selon les apparences, l’autorité doit prendre la décision de façon impartiale. Cela s’applique même à des organes consultatifs ! L’autorité ne doit pas susciter un doute légitime dans le chef de l’administré sur l’aptitude de l’autorité à examiner le dossier en toute impartialité. On ne peut cumuler la fonction d’instruction et de jugement. Mais cela doit se concilier avec la structure de l’organisation active. Une commune qui condamne un agent et qui voit sa décision annulée pourra à nouveau connaître cela, tout en prenant en compte le motif d’annulation. L’annulation subjective doit montrer que l’autorité a déjà pris parti en des déclarations sur le dossier. Ces personnes doivent se déporter. A défaut, elles pourront être considérées comme ayant eu une influence déterminante dans le choix.

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Ex : le recteur de l’université de Liège s’est exprimé sur les accidents du baptême alors même qu’il devrait se prononcer a posteriori sur ce cas. Il sera sans doute récusé. Il faut donner toutes les impressions que l’administration a été impartiale (sur base du PGD de l’art 6 de la CEDH). L’autorité pourrait avoir violé une norme supérieure. Affaire Ebens : urbanisme : construire une villa fermette. La Commune autorise le permis de construire. Le fonctionnaire délégué de la Région Wallonne fait un recours pour que le permis soit refusé. La RW examine le dossier et Madame Y leur refuse ce permis de bâtir. Les consorts EBENS vont devant le CE : on considère que Madame Y n’était plus indépendante dans la mesure où le fonctionnaire délégué était, entre temps, devenu chef de service. Il y avait donc une atteinte à l’apparence d’impartialité objective. Affaire Fastre (217.156 11/01/2012 et 223.414 7/5/13) : Dans deux décisions qui impliquent les mêmes faits, le CE va se prononcer dans deux sens contradictoires.

Le projet Trilogiport est un projet de combinaison des moyens de transport (eau, rail, route). Ce projet risque de prendre des proportions importantes. Les riverains s’opposent à ce projet.

Le DG Mobilité SPWallonnie demande un permis, accordé par la commune. Les riverains (Fastre) font un recours à la RW, qui confirme le permis accordé. Il y a un recours en suspension et en annulation devant le CE :

1°) le ministre Henry qui a confirmé le projet est objectivement biaisé puisque c’est son propre SP Mobilité qui avait demandé le permis initialement. La décision aurait du émaner de l’ensemble du gouvernement wallon.

2°) Le CE va dire l’inverse dans le cadre du recours en annulation : l’apparence de partialité du ministre ne disparaît pas si cela avait été décidé par le gouvernement, car il existe une solidarité. De plus, le gouvernement avait de toute façon la possibilité d’évoquer le dossier si cela avait paru sensible. Le CE conclut que, de toute façon, l’administration est ainsi structurée et qu’on ne peut rien y faire.

E.   L'obligation  de  comparer  les  titres  et  mérites  des  candidats  à  un  emploi  public  :  

C’est une application de l’article 10, al.2, de la Constitution : il existe une égale admissibilité des belges aux emplois publics. On essaye d’établir des critères objectifs et égaux pour les postes. On traite ensuite les dossiers des candidats de manière égale. On doit ensuite comparer ces dossiers, au regard du profil recherché : que privilégie-t-on ? Langues ? Grades ? Expériences ? Il faut ensuite expliquer, motiver les raisons du choix d’un candidat, même si le vote a été secret. Si le vote ne suit pas la proposition de motivation, il faut motiver a posteriori !

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F.   Principe  du  délai  raisonnable  :  

Une bonne administration respecte les délais. Dans les textes, on trouve de plus en plus de délais imposés à l’administration. Le non-respect de ce délai est parfois sans conséquence (délai d’ordre) mais parfois il y a des effets explicités dans le texte (délai de rigueur) : une demande est réputée refusée à défaut de réponse dans un tel délai, une demande de confirmation par tutelle peut être réputé confirmé au bout d’un délai déterminé. Le délai raisonnable s’applique lorsque rien n’est précisé : en matière disciplinaire, ce délai dépend de la complexité de la cause, du comportement de l’agent, de l’autorité, … Arret du 15 avril 2008 (Sellami) : un agent travaillait au SPF intérieur et on avait constaté une série de manquements sérieux dans son chef. L’autorité avait décidé de le révoquer, mais cela va prendre plus de deux ans et demi de procédure. Ce faisant, on a offert à cet agent un moyen sur un plateau pour aller au Conseil d’État : le délai raisonnable. Il n’y avait aucune raison qui justifiait que cela prenne deux ans et demi de le révoquer. Le Conseil d’État va lui donner raison et annuler la sanction (réintégrer l’agent ou lui verser des dommages et intérêts). Bien qu’elle ne sache pas quand le délai devient déraisonnable, il est très important pour l’autorité de faire diligence.

G.   Les  principes  de  bonne  administration  :  "beginselen  van  behoorlijk  bestuur"  :  

Ces principes viennent des Pays-Bas. Cette théorie des Pays-Bas, appuyée par la doctrine, a reçu des échos dans la jurisprudence. L’idéal de bonne administration va se décliner en une multiplicité de principes. -­‐ Principe de l’audition préalable (hoorplicht) -­‐ Principe du raisonnable (redelijkheid beginsel): face à plusieurs choix,

l’administration ne peut pas prendre un choix qui apparaît aberrant, inexplicable, que n’importe quelle autre administration placée dans les mêmes circonstances n’aurait pas pris.

Denef 17/1/13 : nomination à l'IBPT (c'est une OIP): on fixe les critères de sélection, et on exclut la manière dont les sortants ont exercé leur mandat. Mais pourquoi devrait-on se priver de la possibilité pour les candidats de faire valoir leur bilan ? Denef trouve cela d'autant plus absurde que les mandats sont renouvelables ! Si c'est renouvelable, Denef désire faire valoir son bilan dans l'évaluation de sa candidature. Le CE lui donne raison, car ce n'est pas conforme au raisonnable de ne pas en tenir cmpte, et c'est contraire à la volonté du législateur. Le gouvernement fait valoir que cela permettait de ne pas rompre l'égalité, mais le CE considère que ce n'est qu'un élément ! -­‐ Principe de proportionnalité : si 'autorité doit être raisonnable, en cas de

conflit, elle doit prendre des décisions proportionnées par rapport aux buts à atteindre et aux moyens mis en œuvre. Le CE doit contrôler ce

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moyen de proportionnalité. Le CE rejette uniquement ce qui est manifestement disproportionné. Ex : Le CE laisse ensuite encore à l'autorité le choix de la sanction, car le jugement risque d'être en opportunité !

-­‐ Sécurité juridique (recht zekerheid): l'administration doit respecter ses promesses légitimes, même si elle désire changer les choses. Cela ne peut donc se faire que pour l'avenir, sans remise en cause des situations passées et pour autant qu'elle ait suscité des attentes légitimes. Ainsi, en matière fiscale, on hésite entre le respect de la loi et de la sécurité juridique: la loi est complexe et il y a une situation de faits tolérée par l'administration pendant plusieurs années. L'administration peut-elle faire rétroagit ses impositions ? Mais laisser faire risque d'être problématique ! Il faut donc une erreur sans motif grave et qui a suscité une attente dans le chef de l'administré.

Le CE refuse le moyen de la sécurité juridique dans l’affaire du foulard à Charleroi : (arrêt 210.000 du Conseil d’État). L’enseignante avait invoqué le principe de la sécurité juridique, car cela faisait des années qu’elle donnait cours avec son foulard. Le Conseil d’État l’a déboutée en disant que la confiance dans une attitude de fait d’une autorité n’empêche pas l’autorité d’adopter une nouvelle règle. -­‐ Principe de prudence (voorzichtigheid beginsel) : même en l’absence de

disposition législative, l’administration doit rester prudente. La Cour constitutionnelle insiste sur ce principe

-­‐ L’autorité doit être minutieuse (zorgvildugheid beginsel) : l’administration doit examiner tous les éléments pertinents avant d’adopter une décision. Cela oblige à regarder tous les éléments importants d’un dossier ! Si certains éléments n’ont pas été examinés, il faut attendre avant de décider. 222.543 (18/02/2013) : projet urbanistique à Herentals : construire un centre pour la jeunesse et sportif sur un site biologique important. Il faut faire une étude d’incidence sur l’environnement (EIE) : des experts photographient la situation biologique et étudient ensuite l’impact du projet, et spécialement, dans cette étude, une espèce de fourmis rouge est recensée sur le site et posait des problèmes par sa rareté. L’autorité ignore cet aspect. Le CE considère que l’autorité a ignoré une partie du dossier et n’a pas respecté le principe de minutie.