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Royaume du Maroc Université Mohammed V- Agdal FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES· RABAT '\ \' . ,\ l' \' " \' ' i . , HESPÉ" IS TAMUDA Vol. XLI - Fascicule Unique 2006

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Royaume du Maroc

Université Mohammed V - Agdal

FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES· RABAT

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HESPÉ" ISTAMUDA

Vol. XLI - Fascicule Unique

2006

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HESPERIS TAMUDASous le patronage

du Doyen de la Facultré des Lettres et des Sciences Humaines

Mohammed BERRIANE

* * *

Comité de Rédaction

Brahim BOUTALEBMohammed EZROURA

Mohammed KENB lBAbdelahad SEBTI

Jamaâ BAIDAMokhtar El HARRASKhalid BEN-SRHIR

La revue Hespéris - Tamuda est consacrée à l'étude du Maroc, de sa société, de son histoire,de sa culture et d'une manière générale aux sciences sociales de l'Occident musulman. Elle paraîtannuellement en un ou plusieurs fascicules. Chaque livraison comprend des articles originaux, descommunications, des études bibliographiques et des comptes-rendus en arabe, français, anglais,espagnol et éventuellement en d'autres langues.

Les textes, dûment corrigés, doivent être remis en trOIS exemplaires dactylographiés, endouble interligne et au recto seulement. Les articles seront suivis de résumés· dans une languedifférente de celle dans laquelle ils ~ont publiés. Les textes non retenus ne sont pas retournés à leursButeurs. Ceux-ci en seront avisés. Les auteurs reçoivent un exemplaire du volume auquel ils aurontcontribué et cinquante tirés à part de leur contribution. Les idées et opinions exprimées sontcelles de leurs auteurs et n'engagent en rien Hespéris-Tamuda.

Le système de translittération des mots arabes utilisés dans cette revue est le suivant:

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Pour toute demande d'abonnement ou d'achat, s'adresser au Service des Publications, desEchanges et de la Diffusion, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, BP. 1040, Rabat.

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Université Mohammed V• Agdal

FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES

,HESPERIS

TAMUDA

Vol. XLI - Fascicule unique2006

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Tous droits réservés à la Facultédes Lettres et des Sciences Humaines

de Rabat (Dahir du 29/07/1970)

Dépôt légal N° 31/19601SSN 0018-1005

Impression: Imprimerie NAlAH EL lADIDA - Casablanca

Ouvrage publié dans le cadredu compte hors budget

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Vol. XLI, Fasc. unique

HESPERISTAMUDA

SOMMAIRE

2006

• Articles - ArticalosYoussef Bokbot. - Réflexions sur le substrat Amazigh dans les villes et

'Comptoirs' Phénico - Puniques du Maghreb occidental 9

H. Ghazi-Ben Maissa. -Iugurthan ou le Maximus (118 - 105 avant J.-C) 25

Ahmed Skounti. - «L'Hospitalité Berbère», prolongements d'un récitgellnerien 41

Jilali Adnani. - A la recherche de la théorie de la segmentarité d'E. Gellner :Les origines de la Tijaniyya et de la Hamawiyya revisitées 51

Karim Rahim. - Imaginaire segmentaire et crise politique en Algerie : pourune autre approche du politique 73

Alain De Pommereau. - La criée aux tapis de Marrakech: «L'économie deBazar» revivifiée : 83

• Notes et Documents - Notos y DocumentosKhalid Ben-Srhir. - A British imperial Eye : Sir West Ridgeway's Report

on the general situation of Morocco in 1893 93

• Comptes-rendus Bibliographiques - Resenas Bibliograficas

Lotfi Bouchentouf. - Al- 'Alim wa-s-sultan. Dirasa fi intiqal al-hukm wamuqawwimat al-mashru 'iyya. Al. 'ahd as-sa 'dî al-awwal. (Le 'alimet le sultan. Etude sur la transition du pouvoir et les fondements de lalégitimité. La première époque saâdienne) Casablanca, UniversitéHassan II, Aïn-Choq, Faculté des Lettres, 2004, 488 p 161

Khalid Ben-Srhir. - Britanya wa ishkaliyyat al-islah fi-l-Maghrib,1886 -1904, Dar Abu Raqraq, Rabat, 2003, 729 p. . 165

William A. Hoisington, Jr. - The Assassination of Jacques Lemaigre­Dubreuil : A Frenchman Betwen France And North Africa ;Routledge Curzon, London And New-York, 2005, 184 p 171

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Articles · Articalos

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Hesperis-Tamuda, Vol. XLI, (2006), pp. 9·23

REFLEXIONS SUR LE SUBSTRAT AMAZIGHDANS LES VILLES ET 'COMPTOIRS'

PHENICO-PUNIQUES DUMAGHREB OCCIDENTAL

YOUSSEF BOKBOT

L'extrême rareté des habitats protohistoriques en Afrique du Nord, a amenéplusieurs historiens et archéologues à invoquer une économie pastorale nomadesuccédant à un paysannat sédentaire du Néolithique. De nombreux auteurs ancienset modernes n' hésitent pas à donner une image bien sombre des populations duMaghreb, qu'ils qualifient de sauvages, encore réduites à tailler leurs outils dans lesilex, condamnées à un état de stagnation et d'isolement que seule l'arrivée desPhéniciens et des Romains aurait rompu.

Les témoignages des auteurs classiques présentent les populations du Maghrebcomme d'éternels errants ignorant toute activité agricole et la vie sédentaire.Strabon, Valère-Maxime,· Tite-Live, Appien, et Polybe prétendentqu'antérieurement à Massinissa, la Numidie était inutile et incapable de donner desproduits cultivés. Selon Strabon, Massinissa rendit les Numides sociables, et fitd'eux des agriculteurs. En parlant de Massinissa, Appien écrit que la faveur divinelui donna de mettre en valeur une vaste contrée où auparavant les Numides senourrissaient surtout d'herbes parce qu'ils ne se livraient pas à la culture (Gsell1916, p. 187).

Suivant ce cliché, on condamne les ancêtres des Imazighen à un rôle entièrementpassif. On les imagine dès le début de l'histoire recevant de l'Orient une civilisationtoute formée; une poignée de navigateurs orientaux auraient apporté à une massesauvage et dépourvue de la moindre culture, tous les éléments d'une véritablecivilisation longuement mûrie sur la côte de la Phénicie.

Or, un passage d'Hérodote avait pourtant précisé qu' «au couchant du fleuveTriton, (Golfe de Gabès à l'extrême S-E de Tunisie ), ce sont des libyenscultivateurs...Ils ont des maisons et sont appelés Maxyes» (Gsell 1916, p. 29).Hérodote oppose donc la Libye orientale où habitent les nomades à la Libyeoccidentale habitée par des cultivateurs sédentaires qui est très montagneuse, trèsboisée et pleine d'animaux sauvages.

Quel était en fait l'état de civilisation des Imazighen avant l'arrivée desPhéniciens? Actuellement, l'évidence de l'agriculture et de l'habitat sédentaire pré-

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JO YOUSSEF BOKBOT

phénicien n'est plus à démontrer. Avec le développement de la recherchearchéologique, il est maintenant démontré qu'à l'arrivée de ces navigateurs, lesImazighen n'étaient pas de pauvres personnes, des sortes d'aborigènes encoreenfoncés dans la primitivité préhistorique.

Des témoignages rupestres provenant du Haut Atlas central représentent desscènes d'activités agricoles datant de l'Age du Bronze. Il s'agit d'une scène delabour gravée sur les hauteurs du Yaggour à Azib n'Ikkis (fig. 1) et de certains traitscoudés de l'Oukaï-madden que Jean Malhomme interpréta comme faucilles(Malhomme 1953, fig. 1,p.384).

La culture des céréales a dû s'introduire au Maroc à une époque antérieure àl'implantation des Phéniciens sur la côte. C'est une ressource évidente déjà auVIIJèll1e siècle av. J-C, pour que la faucille de fer soit fréquemment représentée parmiles offrandes funéraires des sépultures rurales autochtones de l'époque.

Les données provenant des fouilles archéologiques sont souvent en contradictionextrême avec les témoignages des textes anciens. Après confrontation des textesantiques avec les réalités archéologiques, plusieurs questions se posent: peut-onparler partout de comptoirs phéniciens? De quelle nature étaient ces établissements?S'ils ont existé, qu'est ce qui les différenciait des autres habitats? N'y a-t-il sur lacôte que des comptoirs phéniciens?

L'existence de comptoirs phéniciens est attestée par les textes, en particulier parle géographe grec Pseudo-Scylax qui énumère une série de points, villes etcomptoirs sur les côtes du Maghreb ( Gsell 1920, p.160 ). Nous avons de fortesraisons de croire que ces comptoirs ont été effectivement créés, mais à côté debourgades plus anciennes fondées par les autochtones.

Quand le Pseudo-Scylax parle du commerce phénicien avec les régions atlantiquesdu Maroc, il trace une image précise et fort différente de celle d'Hérodote. LesPhéniciens n'ont plus affaire à des indigènes primitifs et craintifs, qui fuirent toutcontact avec les peuples civilisés. Lès Ethiopiens (terme utilisé pour désigner lesImazighen), habitent une ville et reçoivent des marchandises variées, qui indiquent unniveau de vie relativement évolué (Villard 1960, p.21). Ce passage du Pseudo-scylaxpourrait se rapporter au commerce avec la ville antique de Lixus; surtout que dans unautre passage, ce même auteur indique que les Ethiopiens ont aussi une grande villeoù vont les vaisseaux des marchands phéniciens (Gsell 1920, p. 113).

Au lieu de se fonder sur des preuves matérielles que les fouilles archéologiquesmettent en évidence, les recherches modernes ont continué à nier tout caractèreurbain au monde paléo-amazigh. Dans la continuité logique de ce postulathistorique, certains chercheurs nationaux et étrangers ont continué à qualifier toutétablissement antique de phénicien, punique ou romain.

Malheureusement, les fouilles pratiquées dans ces sites, au cours de la premièremoitié du XXème siècle, n· ont pas apporté de documents valables qui permettent de

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réfuter ces thèses. Durant cette période, on s'est intéressé essentiellement àl'archéologie monumentale plutôt qu'à des fouilles stratigraphiques. Les synthèsesarchéologiques de cette époque ont été trop guidées par les écrits des auteurs grecset latins.

Pierre Cintas qui est un des grands punicisants avait soutenu une conclusion forthasardeuse et dangereuse. Selon lui, les fouilles confirment l'existence decomptoirs phéniciens assurés par les textes: «Une halte excellente à l'abri d'une île,d'un cap ou d'un estuaire ne peut avoir échappé à l'oeil des navigateurs phéniciens»(Cintas 1954).

Tout se passe comme si ces zones côtières parcourues par les phéniciens étaienttotalement inoccupées; et que ces étrangers venus des côtes libanaises, s'installèrentlà où ils voulaient sans se préoccuper de la résistance des populations locales.

Au Maroc et en Algérie occidentale le développement de la recherchearchéologique, ces dernières années a apporté de nouveaux éléments permettant dereposer la question des origines de certaines villes et comptoirs considéréshabituellement comme fondation phénicienne ou punique. Pour nous, il n y'aqu'une seule façon d'écrire l'histoire de ces sites côtiers: il faut mettre les textesanciens à l'épreuve de vérité des documents archéologiques. Pour une visionobjective et complète, il faut les étudier dans leur globalité et de l'intérieur, et nonpas à partir des influences reçues.

Déjà à partir de la 2~lne moitié du XX~Ill' siècle, l'Archéologie commença à révéler,sous les apports' puniques et romains, des niveaux d'occupations appartenant à uneculture autochtone connaissant l'agriculture, la vie sédentaire et même un débutd'urbanisme ( Camps 1960, p.49 ).

1 - La ville antique de Lixus

Les origines de la ville antique de Lixus appartiennent au domaine deslégendes.La tradition la plus lointaine se réfère à une ville parmi les plus anciennesdu bassin occidental de la Méditerranée. Les textes anciens font remonter safondation à la même époque que celle de Gadès, au XJème siècle av. Je. Cestémoignages sont en contradiction avec ce qu'apporte les fouilles archéologiques.

Les sondages effectués par Miguel Tarradell dans la ville antique de Lixus ontdonné, à la base de la stratigraphie, un niveau d'occupation caractérisé par unegrande abondance de la céramique modelée que l'auteur qualifie de «traditionnéolithique» (Tarradell 1954, p.790). Les fouilles entreprises sur le même site parMichel Ponsich ont confirmé l'existence de ce niveau archéologique distinct(Ponsich 1981, p.131). La céramique qui le compose est modelée, lisse en général,et certains tessons sont polis. La surface des vases est rarement décorée. Il existecependant parfois un décor matérialisé par une bande horizontale qui entoure le hautdu vase. Cette bande est soit en relief à impressions digitales, soit constituée d'unalignement de motifs impressionnés.

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Mais l'élément le plus intéressant est la découverte d'un type de céramiquenouveau dit « à graffito» (fig.2), jusqu'alors inconnu en Afrique du Nord (Bokbot1998, p.321), dont les analogies se retrouvent dans certains types de céramique pré­phénicienne du sud de la péninsule ibérique. Dans l'ensemble, les formes et lesdécors des poteries modelées des niveaux inférieurs de Lixus sont identiques à ceuxdes niveaux de l'Age du Bronze des grottes de Ghar Cahal et Cahf Taht el Ghar(fig.3) (Bokbot et Onrubia 1992, p.20).

Ce mobilier archéologique n'est pas un fait isolé, il est associé à des structuresd'habitat relativement archaïques. Michel Ponsich avait remarqué que certainsprocédés de construction de murs ou de murailles pré- romaines de Lixus necoïncident pas avec ceux de l'Orient phénicien, et que la ville s'ouvrait sur lacampagne par une porte, composée d'appareillage mégalithique, antérieure à laporte punique. Cette porte accède à un chemin bordé de tombes très anciennes(Ponsich 1988, p.86).

La présence de ces structures d'habitat à affinités mégalithiques, ainsi que lacéramique modelée témoignent en faveur d'un établissement pré- phénicien àLixus. Cette occupation locale s'affirme d'autant plus que le site même de Lixus etses environs immédiats ont livré des objets métalliques attribuables à l'Age duBronze.

Bernardo Saez-Martin avait annoncé, lors du 2èll1c Congrès Panafricain dePréhistoire, la découverte d'une épée en bronze à l'embouchure du Loukkos (Saez­Martin 1955, p.659). Cette épée (fig.4) a été rattachée initialement au type de«Rosnoën» qui appartient à la phase de transition Bronze moyen - Bronze final(Ruiz-Galvez 1983, p.64). Georges Souville avance qu'elle ne peut être comparéequ'à celle venant du dépôt de la Ria de Huelva et s'apparenterait au type de«Ballintober» (Souville 1995, p.248 ). Par ailleurs, Enrique Gozalbes - Gravioto asignalé la présence d'une hache plate dans les collections du Musée de Tétouan dontla provenance pourrait être le site de_ Lixus ( Gozalbes-Gravioto 1975, p.14).

Ces objets métalliques sont à mettre vraisemblablement en relation directe avecles sépultures mégalithiques du site de Lixus et de son arrière pays. Paul Pallary asignalé tellement de dolmens entre la ville de Larache et les ruines de Lixus (Pallary1907, p.308), qu'il en déduit que dans celui-ci, le mode d'inhumation dolméniqueest bien autochtone (Pallary 1915, p.195).

A Lixus, Tarradell a signalé deux sépultures composées de grands blocs depierres (Tarradell 1960, p.167). D'après la description qu'il nous a laissée, l'uned'elles pourrait coïncider avec la tombe extra muros découverte déjà au XXèll1c sièclepar le diplomate français Charles Tissot et nettoyée par Henri De la Martinière. Ils'agit d'une tombe mégalithique composée d'un couloir de grandes dalles jointesplantées verticalement, dont la couverture est assurée par cinq dalles transversalesjuxtaposées (Bokbot 1991, p.181). Dénommé localement «al- Quantara» (fig. 5), cemonument qui correspond du point de vue typologique à une allée couverte, reste

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un spécimen unique dans tout le Maroc, quoique, sur la butte où il se trouve, nousayons remarqué plusieurs grandes dalles de même type. Nous avons de fortesraisons de croire que l'allée couverte d AI- Quantara faisait partie d'un ensemble detombes mégalithiques.

II - L'établissement pré-romain de l'île de Mogador

A Mogador, Pierre Cintas avait recueilli un type de céramique modelée dans lescouches les plus profondes du site. Il en avait conclu que c'était une céramiquelocale antérieure au comptoir punique (Cintas 1954, pAl). Elle est généralementlisse ou polie. Les formes sont peu variées, de grands vases à fond plat, munis decordons appliqués, décorés soit d'impressions digitales, soit d'incisions faites àl'ongle.Ces cordons sont horizontaux autour du col et serpentiformes sur la panse(fig.6 ). Cette céramique présente les mêmes caractéristiques que celles des vasestrouvés dans les niveaux les plus récents des grottes d'EI- Khil, de Ghar Cahal, deCahf Taht el- Ghar et de Dar-es-Soltane (Jodin 1966, p.166). André Jodin aremarqué la ressemblance de cette céramique avec celle de l'Age du Bronzeeuropéen (Jodin 1957, p.37).

III - L'habitat de hauteur de Kach Kouch

Le site de Kach Kouch occupe une petite plate-forme à pentes abruptes sur lehaut d'un plateau dominant la basse vallée de l'Oued Laou et la mer Méditerranée.L'habitat était vraisemblablement composé de plusieurs cabanes aux paroisconstruites à partir d'une charpente de bois et de branchages, garnie de torchis(Bokbot et Onrubia 1995, p.222).

Dans le répertoire céramique, coexistent des types modelés autochtones et despoteries tournées de tradition phéniciennes; la céramique modelée est représentée,entre autres, par une série de jarres d'emmagasinage assez ouvertes à font plat,souvent décorées au niveau de l'inflexion de l'épaulement, d'incisions oud'impressions effectuées soit directement sur la paroi, soit sur un cordon appliqué.Certains vases sont munis d'éléments de préhension sous forme de croissantrenversé. Un petit bol caréné porte un décor à «graffito» semblable à celui de Lixus.Il a un font ombiliqué et ses parois fines sont soigneusement polies. Le site aégalement livré quelques pièces métalliques en cuivre ou bronze et en fer (Bokbotet Onrubia 1995, p.223).

En l'absence de dates absolue, la datation de l'habitat protohistorique de KachKouch pourrait se situer dans une fourchette chronologique allant du IXème au VJèmesiècle av. J-c.

IV - Les sites pré-romains d'Oran

A l'ouest de la ville d'Oran, le site des Andalouses occupe le bord d'une falaiseabrupte au fond d'une large baie. Il s'agit d'un habitat et d'une nécropolepartiellement fouillés par G.Vuillemot.

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L'un des sondages pratiqués dans l'habitat a révélé que le niveau le plus ancienrepose sur le grès de la falaise. Il y a là un habitat caractérisé par des foyers et de lacéramique modelée. Au dessus de ce niveau a été trouvée de la céramique queVuillemot date du V~me siècle av. J-c. Il en a conclu que le premier niveau semblerévéler un monde fermé sur lui même (Vuillemot 1965, pA2).

Sur les croupes du plateau qui ferme vers l'ouest la baie des Andalouses,plusieurs tumulus circulaires ont été fouillés. Ils paraissent toujours recouvrir unesépulture à incinération.

Toujours à l'ouest d'Oran, face à l'embouchure de l'oued Tafna, à 2 Km de lacôte, émerge l'île de Rachgoun, plateau d'une quinzaine d'hectares.Théoriquement, la position du site est idéale à une installation phénico-punique.Cependant, seules les données archéologiques reflètent la réalité de l'occupation.Les plus anciens fragments de céramique datables sans aucun problème proviennentd'une amphore attique de la 2~me moitié du VIFme siècle av. J-c. Les rapports defouilles mentionnent des types de céramique locale contemporaine de l'amphoreattique et même antérieure à celle-ci.

Trop influencé par les thèses de son maître Pierre Cintas, pour qui chaque pointcôtier favorable à la défense ne peut avoir échappé à l'oeil attentif des marinsphéniciens, Vuillemot qualifia ces sites de puniques, en notant toutefois que certainsactes essentiels des habitants de l'île de Rachgoun ne s'harmonisent pas avec ceuxqu'on attend d'un peuple phénicien (Vuillemot 1965, p.93). Nous avons là uneremarque très significative. Les rites funéraires des groupes humains qui ont occupéces comptoirs ne correspondent pas à ceux des Phéniciens. Ils sont plutôt le témoinde pratiques sépulcrales protohistoriques de populations amazigh.

Si on élargit notre champ d'action sur la rive nord de la Méditerranée occidentaleoù des problèmes similaires se posent, on trouvera des réponses à nos questions. Lestravaux archéologiques en Espagne et en France ont démontré la complexité duphénomène de l'hellénisation du littoral et de son arrière pays. Il y a eu certes descolonies et des comptoirs, mais il y a eu aussi de nombreuses agglomérationsautochtones où des échanges commerciaux ont été effectués et où s'est développéune civilisation originale par contact plus ou moins étroit avec le monde grec.

Dans les sites côtiers du Maghreb, à chaque fois que l'on trouve de la céramiqued'importation punique ou phénicienne, la majorité des fouilleurs pensentmachinalement à une occupation des lieux par ces marins orientaux. Il faut rendrehommage à Gabriel Camps, qui s'est violemment opposé à cette manièred'interpréter les documents archéologiques : «Que des bourgades littoralesreçoivent dès leur origine des productions méditerranéennes est un fait tellementnormal qu'il ne peut être présenté comme argumen!r scientifiquement valable surleur origine propre» (Camps, 1979, pAS).

Paul Albert Février s'est demandé si tous ces comptoirs ou petitesagglomérations avaient été réellement créés par les phéniciens et si l'on ne devait

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pas les considérer comme autochtones. Pour lui, il ne fait aucun doute que desbourgades indigènes ont été fondées bien avant la création des comptoirscommerciaux. Des comptoirs ont fort bien pu être créés, mais à côté de villes plusanciennes fondées par les autochtones (Février 1967, p. 108).

Dès la plus haute antiquité, le Pseudo-Scylax distinguait sur l'oued Loukkos,une ville phénicienne et une ville peuplée de Libyens ( Carcopino 1949, p.89). Cetémoignage s'approche d'avantage, à notre sens, de la réalité. Les Phéniciens pouréchanger leurs produits, choisissaient logiquement de s'implanter là où il y avaitdéjà une occupation humaine assez importante.

François Villard a conclu que les villes du littoral nord-africain que l'on qualifiede phéniciennes pourraient avoir une origine antérieure. Il a également noté que lanaissance de la civilisation urbaine au Maroc paraît ne pas être, à proprement parler,le fruit d'une colonisation (Villard 1960). Maurice Euzennat a, de son côté, soulignél'attention qu'il ne convenait pas de faire à l'influence punique une part trop belle(Euzennat 1965, p.261).

Dans le même ordre d'idées, Gabriel Camps a remarqué que beaucoup de villespré- romaines nord-africaines possèdent, aux portes du centre primitif, desnécropoles mégalithiques répondant à des rites funéraires totalement étrangers àceux des Romains et des Phéniciens (Camps 1974, p.3). Ces sépultures sontl'oeuvre de populations amazigh qui habitaient ces villes antérieurement à toutcontact ou implantation étrangère. Ce constat s'applique à la ville antique de Lixus.

Pour François Villard, le développement de la civilisation urbaine au Maroc, quise place dans le courant du VJème siècle av. J-c' est le résultat de l'intensification descontacts commerciaux avec les Phéniciens de Gadès, les Carthaginois et les Grecs,mais il ne semble pas le fruit d'une colonisation (Villard 1960, p.22). Selon cemême auteur, quand la tradition antique qualifie une ville de phénicienne, cela veutseulement dire que ses habitants ont adopté la langue et les moeurs des Phéniciens,mais cela n'implique pas qu'elle a été fondée par ces derniers (Villard 1960, p.23).

Ces diverses occupations protohistoriques dans les sites que l'on qualifie à tortde phéniciennes ou de puniques, nous amène à poser le délicat problème del'émergence des bourgades paléo- amazigh à caractère proto- urbain. Cetteapparition est difficile à saisir historiquement, faute de chronologie vraimentprécise. Toutefois, nous serions tentés de lier cette émergence au développement dela métallurgie.Cette dernière aurait permis une mise en culture plus vaste et unemeilleure productivité, ce qui offre les possibilités d'un essor démographiquenécessaire à tout accroissement du potentiel socio-économique des. communautés.L'ouverture sur le commerce méditerranéen est à prendre également enconsidération, même si ces échanges commerciaux sont encore mal définis.

Toutefois, les nécropoles de la campagne de Tanger ont relativement contribuéà donner une vision plus claire des groupes humains de la fin de l'Age du bronze.Elles indiquent la présence dès le VIIIème siècle av. le., d'agglomérations rurales

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où vivaient des populations encore imprégnées de traditions de l'Age du Bronze(Ponsich 1988, p.87).

Dans ces mêmes nécropoles apparaissent à côté des cistes mégalithiques duBronze moyen et final, des sépultures présentant une architecture et des ritesfunéraires quelque peu différents. Ces témoignags de coexistence sans transitionentre la civilisation libyque du Bronze tardif et celle de Libyens phénicisés du 7èll1e

siècle av. J-c. donne l'image qui correspond le mieux à l'habitat protohistorique deKach Kouch, et à l'occupation la plus ancienne de Lixus et de Mogador.

On conçoit dès lors l'urgence, pour l'Archéologie marocaine et maghrébine engénéral, d'envisager des fouilles en extension dans les niveaux pré-romains desvilles et comptoirs antiques. Ces fouilles sont indispensables au développement desconnaissances sur les civilisations protohistoriques du Maghreb.

BIBLIOGRAPHIE

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REFLEXIONS SUR LE SUBSTRAT AMAZIGH DANS LES VILLES ET «COMPTOIRS» 19

Fig. 1 : Scène de labour. Gravure rupeste de Azib n'Ikkis.(Yaggour; Haut-Atlas)

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Fig. 2 : Céramique «à graffito» de Lixus

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Céramique protohistorique de Lixus1 • Temple Il, sondage intérieur, niveau au·dessus du sol vierge.

2· Habitations à l'ouest des temples, sodage E., couche 2.

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Fig. 3 : Céramique d'Age du Bronze de Lixus,Ghar Cahal et Cahf Taht et Ghar

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REFLEXIONS SUR LE SUBSTRAT AMAZIGH DANS LES VILLES ET «COMPTOIRS» 21

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Fig. 4 : Epée en bronze de l'embouchure du Loukkos(Bronze Fihal Atlantique) ,

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22 YOUSSEF BOKBOT

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Fig. 5 : «Al-quantara» : Monument mégalithique de Lixus

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REFLEXIONS SUR LE SUBSTRAT AMAZIGH DANS LES VILLES ET «COMPTOIRS» 23

Fig.6: Céramique à décor digital de Mogador

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Hesperis-Tamuda, Vol XLI, (2006), pp. 25-39

IUGURTHAN OU LE MAXIMUS(118-105 AVANT J.-C.)

H. Ghazi-Ben MaïssaFaculté des Lettres- Rabat

l.Le nom du Roi

On l'appelait Iugurtha dans les sources latines(1) ,'IouyoupSa'21 ou 'IoyopSacr'31dans les sources grecques, mais son vrai nom fut Iugurthan'41, nom amazigh(51 qui

(1) Salluste, Bellum lugurthinum ( Bell. lug), passim; Tite Live, abrégé LXII, 2; abrégé LXIV. 1;abrégé LXV, 1; abrégé LXVI, abrégé LXVII, 4; Cicéron, Brutus, 127; Sidoine Apollinaire, Lettres,VIII, Il, Il; Id., Poèmes, IX, 256; Suétone, César, XI, 2; Eutrope, IV, 26 et 27; V, 1; Symmaque,Lettres, IV, 24, 1; Lucain, Pharsale, IX, 600; Sénèque, De la tranquillité de l'âme, XI, 12; VilleiusPaterculus, Histoire, livre II, 9, 4 et li, 1; Valère Maxime, II, 7, 2 et 7,6; VI, 9, 6; FIorus, 1, 36,2; Paul Orose, V, 15; Pseudo Aurelius Victor, De viris illustribus, Q. Caecilius Metellus Numidicus,62, 1; C. Marius, 67, 1; M. Aemilius Scaurus, 72, 4; Cornelius Sylla, 75, 2; Claudien, Guerrecontre les Gètes, l, 128.

(2) Dion Cassius, XXVI, 89, 1-6; Plutarque, L. Grachus, XVIII, 1; Marius, VIII, 3; XI, 2; Strabon,XVII, 3, 12.

(3) Diodore de Sicile, XXXIV/XXXV et XXXVI.(4) Le "1" se prononce "[" dans la langue latine et le "n" est attesté à la fin de tous les noms libyques

se terminant par "a" dans la transcription latine.(5) Nous utiliserons le terme Amazigh(s) à la place du mot Berbère(s) pour désigner les anciens

habitants de l'Afrique du nord antique. Le vocable amazigh est un terme qui peut trouver son originedans le mot mazikès et dans d'autres substantifs phonétiquement proches, attestés dans les écrits del'antiquité, comme il peut être aisément tiré de celui de leur ancêtre HMazigh (= Amazigh) Ho IbnKhldolln ne nous-a-t-il pas dit qu'il s'agit là de "~jL. ~~j - les fils de A';lazig~ " ? Les Arabes euxne tirent-ils pas leur nom de celui de leur aïeul 'Ia'roub Ibn qahtan - ù\.k.:.J JI y fi"? Mais,surtout et surtout c'est le nom que se donnent encore actuellement les descendants des autochtonesdu Maghreb actuel. 11 est important de souligner que les descendants des Anciens de l'AfriqueMineure ne se reconnaissent pas dans le mot Berbère, ils ignorent même jusqu'à son existence etc'est à l'école que leurs enfants découvrent que les autres les appellent ainsi. Le terme berbère, quin'a jamais existé, sous cette forme, dans l'antiquité, est une appellation purement intellectuelle et softqui dérive du mot arabe al-barbar ,lui-même venant, du mot péjoratif Barbari (sing. Barbarus)qui signifiait, chez les Grecs et ensuite chez les Romains, barbares, étrangers, incultes, au langageincorrect etc, et qu'utilisaient ces deux peuples pour désigner les étrangers à leur civilisation parmilesquels les Arabes voire les Perses. A la fin de l'Antiquité, les Byzantins avaient continué à utiliserce vocable pour désigner les Amazighs sortant de leur autorité et les combattant avec acharnement.Arrivés à ce moment-même, les Arabes, combattus à leur tour, ne comprenant pas leur langue, ontpu perpétuer l'appellation qu'utilisait le colonisateur grec, héritier de Rome. Ibn Khaldoun nousrapporte que c'est dans ce sens-même qu' Ifriqch les a appelés ainsi. Ce qui veut dire une fois encoreque ce ne sont pas eux qui se sont fait appeler ainsi mais ce sont bien les étrangers qui les ont taxé~

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26 H. GHAZI BEN MAISSA

veut dire textuellement "le plus grand de tous", autrement dit, celui qui dépasse tousles hommes en tout, le meilleur, le plus grand, l'Optimus ou le Maximus

2. Sa filiation

Fils de Mastanabal, mais né d'une concubine, Jugurthan est venu au monde duvivant de Masinissa'61 • Le vieux Roi laissa son petit-fils "végéter dans la vieprivée"'7' parce que sa mère était de naissance inférieure nous dit Salluste,8

'. Sesqualités personnelles qui lui valurent l'admiration de son entourage, vont luipermettre de s'imposer dans la vie publique.

3.Iugurthan face à ses cousins porphyrogénètes et cohéritiers après l'adoption

Micipsa avait plusieurs enfants'9'. On ne connaît que deux de ses fils qu'il avaiteus à un âge avancéilo

, et qu'il chérissait particulièrement, Adherbal et Hiempsal ,nous dit Diodore de Sicilellil

de ce tenne. Le tenne Africain, lui, désignait pendant l'antiquité les habitants de l'Africa,Carthaginois compris. Actuellement il désigne, comme chacun sait, les habitants de tout le continent.Son utilisation pour désigner les autochtones de l'Afrique du Nord, reste impropre. Pour plus dedétails, cf. H. Ghazi-Ben Maïssa, Et si on désignait ces fameux Berbères avec leur vrai nom ?, dansAfrica Romana, XVI, 2004 (2006), p. 737-756.

(6) On l'appelait Massinissa ou Masinissa dans les sources latines. Macrcravacrcracr (Massanassas) ouMacravvacrav (Masannasan) ou Masanasas (Macravacracr) dans les sources grecques. Son noms'écrivait, selon la transcription latine, MSNSN dans les inscriptions libyques et sur les monnaies. Si,comme l'avance L. Galand, (Id., Le Berbère et l'Onomastique Libyque, dans l'Onomastique latine(colloques internationaux du CNRS, no 564), Paris, 1977, p. 303) le prénom MSNSN ne signifie pas"leur maître", il pourrait alors vouloir dire "medianus eonlm", c'est-à-dire celui qui, par son âge,occupe la place du milieu par rapport à l'ordre de naissance de ses frères. MSNSN. groupeconsonantique, serait alors un mot composé de "amas" (=milieu) et "nsn" (=d'eux). Il pourraitsignifier aussi leur frère. si les termes composant le nom de MSNSN sont "oumas" (= frère) "nsn"(=d'eux), mais ne peut en aucun cas signifier "Memmis N'lzza -le fils d'Izza", pour deux raisons biensimples. La première est que les fils des Amazighs ne tiraient pas leurs noms de leur filiationmaternelle. La seconde est que si la lettre "Z" existait dans le nom de Masinissa, elle aurait appalUdans les inscriptions en langue et graphie grecques honorant le Roi dans le monde hellène et sur lesmonnaies du souverain en graphie punique; sachant que dans l'une et l'autre le "Z" a bel et bien existé.On le voit apparaître d'ailleurs dans les noms des membres de la famille-même de Masinissa :Oezalcès (mort printemps ou été 206 avant J.-C) , Lacumazès (fin de l'année 206 avant J.-C) pOltéau trône encore enfant en bas llge par le dynaste Mazaetullus ; tous ces trois personnages sontcontemporains de Masinissa et letlr~ ~oms sont rapportés par ces mêmes sources qui transcrivaientle nom de Masinissa avec "S".

(7) Salluste, Bell. Iug., V, 7.(8) Id., Ibid.(9) Diodore de Sicile, XXXIV/XXXV.(10) Salluste, Bell. Iug., VI, 2 : l'auteur fait une opposition entre l'âge avancé du Roi et le jeune âge de

ses deux fils.(II) Diodore de Sicile, XXXIV/XXXV, 5. Ce même texte, de l'auteur de la Bibliothèque historique

mentionne un certain Micipsa qui serait le fils du Roi Micipsa. St.Gsell considère. avec raison,cette mention sans fondement (Gsell, Histoire Ancienne de l'Afrique du Nord (= HAAN) . VII, p.

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IUGURTHAN OU LE MAXIMUS (118 - 105 AVANT le.) 27

Abherbal (118-112 avant J.-c.) fut le fils aîné de Micipsa et frère de Hiempsalpuis de Iugurthan après l'adoption de ce dernier par le vieux Roi.Trop couvé par sonpère, Adherbal arrive au pouvoir désarmé face à un Iugurthan trop expérimenté.Selon le discours que prête Salluste à Micipsa, il apparaît que le vieux Roiconnaissait bien la faiblesse de son fils et ne cachait pas son inquiétude quant à sonincapacité' 121.

Peu ou pas aimé des gens de sa nation qui l'abandonnent pour le valeureuxIugurthan, Adherbal, nous dit Salluste, devait compter "moins sur les Numides quesur l'amitié du peuple Romain"'13'.Ce sont bien les Italiens de Cirta qui l'ontdéfendu, pendant un certain temps, avant de l'obliger à se livrer à Iugurthanll4l .Cette colonie importante d'Italiens se trouvait à Cirta; "sans elle, nous dit Salluste,la guerre entre les deux Rois aurait pris fin le jour même où elle avaitcommencé",15,.

Peu ou pas considéré du Sénat, malgré ses discours de Roi vassal où il ne cessede répéter qu'il est un simple "intendant du royaume de Numidie""6l, que lesRomains en étaient "les maîtres légitimes et les véritables souverains"'!7l, cesderniers ne se précipitèrent pas à son secours, ou le firent bien mollementtl8

,.

Adherbal meurt en 112 avant J.C. t19l , tué par les hommes de Iugurthan, aprèsavoir été contraint par les Italiens de Cirta, à se livrer au Roi, son frère'20', à la suitedu siège de la ville qui dura plus de cinq mois(21'.

Hiempsal quant à lui est le fils cadet du Roi Micipsa,'221. Il était le plus jeune destrois héritiers de son trône: Iugurthan, Adherbal et Hiempsal<23,. De "nature

133. n. 2 et 138, n. 4. Le manuscrit a dû subir, à notre avis. une altération d'ordre typographique,peut-être la suivante: à la place d'un point qui devait se trouver à la fin de la phrase grecque aprèslalllpsalllon (IalJ.1tcralJ.ov) et avant Mikipsas (M'rK't\jlacr), Diodore de Sicile,(XXXIV/XXXV,1) ou le copiste, par mégarde ou par ignorance de l'histoire de cette famille, a mis la conjonctionKai (Ka't) et ensuite Mikipsan (M'tK't\jlav) à l'accusatif au lieu du nominatif; ce qui a donné lesphrases suivantes, en partie, dépourvues de sens: "Micipsa, fils de Masinissa, Roi des Numides,avait plusieurs fils. mais il chérissait particulièrement Adherbal, l'aîné, Hiempsal et Micipsa(point). C'était le plus généreux des Rois de la Libye etc.", au lieu de "Micipsa, fils de Masinissa(etc.) chérissait particulièrement Adherbal, l'aîné, et Hiempsal (point). Micipsa était le plusgénéreux des Rois de la Libye ... "

(12) Salluste, Bell. lug., X.(13) Id., Ibid., XX, 5.(14) Id.. Ibid.. XXVI.(15) Id.. Ibid.. XXI,2.(16) Id., Ibid.. XIV, 1. Cf. aussi Id., Ibid.. XXIV, 10.(17) Id.. Ibid.(18) Cf. Id., Ibid.. XV. XXII. et XXIlI.(19) Camps. Massinissa, p. 244.(20) Salluste, Ibid.. XXVI.(21) Id.. Ibid., XXIV, 3.(22) Diodore de Sicile, XXXIV/XXXY..(23) Salluste. Ibid., XI, 3.

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28 H. GHAZI BEN MAISSA

orgueilleuse"'24', ce porphyrogénète imbu de sa naissance, méprisait depuislongtemps le valeureux Iugurthan "pour l'infériorité de sa naissance du côtématernel"'25'.Insolent et provocateur, "il s'assit à la droite d'Adherbal, afind'empêcher Iugurthan (l'aîné des trois) d'occuper le siège du milieu, qui est la placed'honneur chez les Numides"126'. Sur les insistances d'Adherbal "qui l'engageait às'incliner devant l'âge, il consentit non sans répugnance à passer de l'autre côté"nous précise Salluste,27,. Perfide, il accepte, un peu trop rapidement, la propositionde Iugurthan qui consistait à "abroger toutes les ordonnances et tous les décretsparus dans les cinq dernières années, période pendant laquelle ~icipsa, accablé parl'âge n'avait pas toute sa raison [...], car c'était dans les trois dernières années quelugurthan, lui-même, avait été admis au trône par le fait de son adoption"128'.On peutle juger inconscient s'il est vrai que, comme le rapporte Salluste, il est parti aussitôtaprès les différents affronts fait à Iugurthan loger dans la maison du principal licteurde celui-ci\29'. Comparé à l'imposante personnalité de Iugurthan, tout comme sonfrère Adherbal, la médiocrité de ce personnage reste frappante. Micipsa semble bienen avoir été conscient,30).

Hiempsal sera tué par les hommes de Iugurthan en 116 avant lC.13)', à la suited'une attaque armée que ce dernier aurait lancé contre lui'321. Il aurait été assassiné,alors qu'il se trouvait dans la case d'une esclave du principal licteur de Iugurthan etsur l'ordre de ce dernier, nous dit Salluste133 '.

3. Le physique et la personnalité du Roi Jugurthan

Beau et intelligent à la fois'341, cet homme ne se laissait "corrompre ni par le luxeni par l'oisiveté", nous dit Salluste'35J.Dès son plus jeune âge, ce sportif, de grandetaille, d'une vigueur physique remarquable'36I, a pratiqué l'équitation en dédaignantla selle comme les gens de sa nation. Il s'exerçait au lancer du javelot, "luttait à lacourse avec les jeunes de son âge"(37) et "malgré les succès qu'il remportait sur tous,

(24) Id., Ibid.(25) Id., Ibid.(26) Id., Ibid.(27) Id., Ibid., XI, 4.(28) Id., Ibid., XI, 5 et 6.(29) Id., Ibid., XII, 3.(30) Cf. Discours de Micipsa dans Salluste, Ibid., X.(31) Camps, Massinissa, p. 244.(32) Tite Live, Abrégé LXII, 4. lugurthan déclarera devant le Sénat romain que "Hiempsal avait été

mis à mort par les Numides en punition de sa cruauté" : Salluste, Ibid., XV, 1.(33) Salluste, Ibid., XII, 5.(34) Cf. le portrait qu'en fait Salluste. ld., Ibid., VI, 1.(35) Cf. Id., Ibid. Salluste cherchait toujours à dénigrer Iugurthan. S'il lui arrive, donc, de reconnaître

des qualités à ce dernier, nous pensons qu'il n'y a pas lieu d'hésiter à les considérer comme vraies.(36) Id., Ibid.(37) ld., Ibid.,

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IUGURTHAN OU LE MAXIMUS (118 - 105 AVANT lC.) 29

il était pourtant aimé de tous", nous rapporte l'auteur du Bellum lugurthinum\38\. Ilaimait la chasse où il passait la plupart de son temps\391. Lors de ces sorties,Iugurthan était "toujours prompt à agir et le dernier à s'en vanter"\401 nous dit l'auteurlatin. Sa modestie lui a valu l'amour de ses compatriotes, et son courage,l'admiration de tous. Il savait combler son oncle et père adoptif" d'une affectionégale à celle de ses propres filS"1411 . Il fut, selon les propos prêtés par Salluste àMicipsa, une source de gloire pour le royaume numidel421. Ce jeune homme d'un"esprit actif et subtil "1431 d'une "intelligence supérieure"I44"était aussi un vaillantcommandant. lIra prouvé à Numance aux côtés des Romains et en Afrique contreces derniers. "Il réunissait", au témoignage de Salluste, poutant son détracteur, "lesdeux qualités les plus difficiles à concilier, la bravoure au combat et la sagesse auconseil alors que celle-ci", continue l'auteur, "transforme le plus souvent laprudence en timidité, celle-là l'audace en témérité"<451.C'est sans doute pour toutesces raisons qu'on l'a surnommé Iugurthan.

Sur trois monnaies, figure l'effigie d'un personnage jeune, diadémé , gros, aux traitsdisgracieux. Elles ont été attribuées à Iugurthan'46I. La description faite par Salluste duphysique de ce Roi qui associe la beauté du visage à un corps d'athlète ainsi que la fortepersonnalité du Numide nous incitent à rejeter l'attribution généreuse de certains auteursà Iugurthan du portrait glabre, au visage un peu trop gras, aux traits disgracieux que l'ondistingue sur les monnaies N° 73-75(471. En effet, l'homme représenté sur ces troismonnaies paraît un peu trop rond, son front est bas, l'arcade sourcilière estparticulièrement marquée, son nez, trop long, domine une bouche en retrait. Le visagebien plein et glabre, est celui d'un jeune homme bien nourri, menant une vie oisive etnon exercé aux épreuves physiques des gens de sa nation comme l'était Iugurthan.

Si ces monnaies sont numides, comme le pense Mazard'4&" le fait que lepersonnage représenté soit glabre nous incitent à penser que nous sommes enprésence d'un Roi probablement d'assez faible personnalité, qui, pour s'assimileraux Romains, à qui il cherchait à plaire, a abandonné le port de la barbe, traditionde ses ancêtres et de tous les Numides. La forte personnalité de Iugurthan admirépar les gens de sa nation, ses ennuis avec les Romains depuis pratiquement sonaccession au trône, son attitude ferme, parfois méprisante devant les différents

(38) /d., Ibid.(39) Id., Ibid.(40) /d., Ibid.(41) Id., Ibid., X, 1.(42) Id., Ibid.(43) Id., Ibid.. VII. 4.(44) Id.. Ibid., VI, 1 ; Il est arrivé à apprendre à parler le latin lors de son court séjour en Espagne. Cf.

Salluste. Ibid.• Cl, 6 et Frontin. Stratagèmes, II. 4, 10.(45) Salluste, Ibid., VII, 5.(46) J. Mazard, Corpus Nummorulll Numidiae Mauretaniaeque Paris, 1955 (=CNNM), p. 45. n°. 73.

74 et 75.(47) Mazard. CNNM. p. 44.(48) Id. , Ibid.. p. 44.

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30 H. GHAZI BEN MAISSA

avertissements et interventions de l'Urbs, nous obligent à penser que Iugurthan nedevait pas chercher, par son aspect physique, à s'assimiler à eux.

Et si ces monnaies datent vraiment de l'époque de Iugurthan, Adherbal sembleêtre tout désigné pour être celui qui y figure. Ce fut un Roi de faible personnalité"tout désigné pour les coups", nous dit Salluste, "trop craintif pour être craint"'491.L'amour que lui portait son père'50I, qui l'a eu à un âge bien avancé<.\II, a fait de lui unprince, trop douillet et un Roi sans expérience. C'est probablement en raison d'uneenfance trop gâtée qu'il est devenu à l'âge adulte un "débonnaire (sic)"<.\2 l et un "amidu repos (sic)"'S3l. Ce Roi de faible personnalité donc, a toujours cherché la faveurdes Romains en général, et celle de l'importante colonie d'Italiens et de Grecs vivantavec lui à Cirta en particulier, Italiens sans qui "la guerre entre les deux Rois auraitpris fin le jour même où elle avait commencé" nous affirme Salluste'541. Et qu'est-cequ'abandonner la tradition numide pour la mode romaine, lorsque ce même Roin'hésite pas à troquer son pays pour conserver son titre? "Disposez à votre gré duroyaume de Numidie puisqu'il est à VOUS"15.\I, a-t-il, selon Salluste, déclaré auxRomains, dans le simple but de conserver son trône. Un autre argument nousencourageant à attribuer ces monnaies à Adherbal et non à Iugurthan commed'aucuns l'ont fait, est la présence au revers et à l'exergue de ces monnaies de lalettre "A" en punique,'561 lettre qui est aussi en même temps la lettre initiale du nomdu Roi Adherbal. Quant à l'effigie laurée et barbue figurant sur certainesmonnaies(571 où sont gravées les lettres "A" et "L" et qui sont, sans doute, émisespar Adherbal, elle est celle d'un homme d'âge mûr qui ne peut en aucun cas êtreAdherbal, qualifié de "parvus" par Salluste(.lsl. Elle est identique à celle figurant surles monnaies attribuées à Micipsa et à Masinissa. Adherbal a probablement,continué à émettre, comme son père, des monnaies où figure l'effigie de Masinissa.

Les monnaies attribuées à tort au roi IugurthanDans J. Mazard, Corpus Nummorum Numidiae Mauretaniaeque,

Paris, 1955, p. 45, nOs 74 et 75.

(49) Salluste, Ibid., XX, 2.(50) Diodore de Sicile, XXXIV/XXXY.(51) Cf. Salluste, Ibid., VI, 2.(52) Id., Ibid., XX, 2.(53) Id., Ibid.(54) Salluste, Bell. lug., XXI, 2.(55) Id., Ibid., XXIV, 10.(56) Cf. Mazard, CNNM, p. 35 et NO 40..(57) Id., Ibid., p. 35 et n° 40.(58) Salluste, Bell. Iug., VI, 2.

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4. Les enfants du Roi

Iugurthan avait des enfants'~91. Un de ses fils était déjà en III en âge de conduireune délégation devant le Sénat romain'60I.Ce fut, peut-être lui, l'un des deux fils duRoi à avoir figuré avec leur père dans le triomphe de Marius le 1er Janvier de l'année104 av.J.-C'611. Le second, Oxyntas, sauvé pe la peine capitale, probablement enraison de son jeune âge, fut enfermé à Venouse.

5. Ses épouses

Tout comme les autres chefs et Rois amazighs , Iugurthan devait avoir plusieursépouses. Une de ses femmes fut la fille du Roi Bocchus 1'62' qu'il épousa vers 108av. J.-c. Celle-ci ne pouvait pas être la mère des deux fils connus du Roi, étantdonné l'âge de l'un, et le sort réservé à l'un et à l'autre par Rome. Rome ne pouvaitpas agir ainsi avec des petits-fils de Bocchus l, allié et ami du peuple romain.

6. La popularité du Roi

La popularité de Iugurthan "a dépassé la capitale, elle s'est étendue dans tout leroyaume" nous affirme l'auteur du Bellum lugurthinum'631. La réputation du jeunehomme, dont le prestige grandissait chaque jour, éclipsait celle de ses jeunescousins, Adherbal et Hiempsal, les deux fils de Micipsa. Cela commençait, selonSalluste, à déranger le vieux Roi'64' qui, faute de pouvoir l'éliminer lui-même,l'exposa au péril de la guerre.

Fort de sa popularité et du soutien de ses sujets Iugurthan ne cédait pas auxintimidations romaines. "Malgré les graves sanctions dont ils le menaçaient au nomdu sénat pour son refus de lever le siège (de Cirta), les délégués, après avoir épuiséleur éloquence, se retirèrent sans avoir rien obtenu"'6~1 .Alors qu'Adherbal pouvaitcompter" moins sur les Numides que sur l'amitié du peuple romain"'66', Iugurthan,lui, était adoré et soutenu par le peuple amazigh, admiré par la noblesse romaine, àqui il devait s'adresser en latin, langue qu'il a apprise lors du siège de Numance'67'.Villes et campagnes lui sont restées toujours attachées, malgré la terreur qu'ysemaient les officiers romains, en général, et Marius ,en particulier,'681

Iugurthan savait parler à ses sujets et éveiller leur patriotisme. A Sicca, premièreville à avoir fait sa reddition lors de la défaite du Roi, Iugurthan se rendit de nuit à

(59) Salluste, Ibid., XLVI, 2; XLVIII, 3; LXII, I.(60) Id.. Ibid., XXVIII, 1.(61) Cf. Tite Live, abrégé du livre LXVII, 4; Eutrope, IV, 27, 6 et Paul Orose, V, 15, 19.(62) Salluste, Ibid., LXXX, 6.(63) Salluste, Ibid., VI, 3.(64) Id., Ibid., VI, 2.(65) Id., Ibid., XXV, Il.(66) Id., Ibid.,XX,5.(67) Id., Ibid., CI, 6.(68) Id., Ibid., passim.

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la tête d'une élite de cavaliers. Pendant qu'il attaquait les Romains sortant de la cité,il criait "aux habitants de Sicca de cerner les cohortes par denière : que la Fortuneleur donne l'occasion du plus glorieux exploit; s'ils en profitent, ils recouvreront,lui son royaume, eux leur indépendance (sic) et la sécurité"'69'. Les habitantssuivirent les directives de leur Roi, au grand regret de Salluste<7OI.

Quant à Zama, lors de son siège par Marius, elle donna le plus bel exemple defidélité au Roi et de résistance à l'envahisseur. "Les assiégés faisaient rouler lespierres sur les assaillants les plus proches, ou lançaient des pieux, des javelots, oumême de la poix mêlée de souffre et de résine, le tout enflammé"'7!'.

Il en fut de même des habitants de Vaga, ville où Metellus avait placé unegarnison romaine au moment où Iugurthan "commençait à parler de paix"<72J."Cédant aux prières du Roi que du reste ils n'avaient pas abandonné volontairement(sic), les citoyens les plus nobles forment une conspiration"<13'. La foule, au grandétonnement de Salluste suivit.<741 Décrivant cette scène, l'auteur du Bellumfugurthinum nous dit que "les soldats romains s'agitaient confusément: la citadelle,où étaient les enseignes et les boucliers, un poste ennemi en interdisait l'accès; lesportes fermées avant l'agression lui interdisaient la fuite; de plus les femmes et lesenfants, du haut des maisons, leur jetaient à l'envie des pienes et tout ce qui leurtombait sous la main"<751. Les soldats de la garnison, à l'exception de leur préfet,furent tous tués<76'. Deux jours après, cavaliers et fantassins, dirigés par Metellus,firent irruption dans la cité, massacrèrent les habitants et "cette cité grande et richefut livrée toute entière à la vengeance et au pillage"(71'.

Autre ville qui resta fidèle à Iugurthan, Thala. Ses habitants avaient mis leur Roià l'abri en l'aidant à se sauver nuitamment avec ses enfants et une partie de sestrésors'78J. La ville entra ensuite dans la résistance<79! . Les habitants se voyantvaincus, au lieu de se rendre aux Romains préférèrent le bûcher, qui en même tempssuit le feu au palais royal et aux trésors s'y trouvant(SO).

Même sort pour la ville de Capsa qui "passait pour être", selon Salluste, " trèsattachée à Iugurtha",sl'. Après avoir résisté à Marius, la ville fut vaincue. Malgré sa

(69) Id., Ibid., LV, 4.(70) Cf. Id.. Ibid., 5.(71) Id.. Ibid., LVII, 5.(72) Id.. Ibid., LXVI, 2.(73) Id., Ibid..(74) Id., Ibid..(75) Id., Ibid., LXVII, 1.(76) Id., Ibid., LXVII, 2 et 3.(77) Id., Ibid., LXIX,3.(78) Id., Ibid., LXXVI, 1.(79) Id., Ibid., LXXVI,6.(80) Id.. Ibid..(81) Id., Ibid. ,LXXXIX, 4.

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reddition et contrairement au droit de guerre, elle fut incendiée par le Romain, et seshabitants furent massacrés ou vendus comme esclaves(82).

Les habitants d'un fortin que Salluste place, sans doute par erreur, près de laMoulouya n'étaient pas en reste. Ces "Numides, qui avaient déjà tant de foisrenversé ou brûlé nos baraques", écrit Salluste, "ne daignaient pas se renfermer dansleurs murailles, mais ils se tenaient jour et nuit sur le bord du rempart insultant lesRomains, reprochant à Marius sa folie, menaçant ses soldats de l'esclavage deJugurtha; tant le succès les avait rendus insolents !"(83)

La popularité de Jugurthan ne se limitait pas aux frontières de son royaume, elleatteignit les Maures, peuple voisin. Evoquant le stade du marchandage qui eut lieuentre Marius et Bocchus au sujet du guet-apens à tendre à JuglIlthan, Salluste nousrapporte que le Roi maure "commença par refuser obstinément; il invoque les liensde parenté, d'alliance, le traité passé entre Jugurtha et lui; sans compter la crainteque ce manquement à sa parole ne lui aliénât le coeur de ses sujets, qui chérissaient(sic) Jugurtha autant qu'ils haïssaient (sic)les Romains"(841.

Le souvenir de Jugurthan va persister encore pendant longtemps dans le cœurdes Amazighs. En 90 avant roc. pendant la guerre sociale romaine, C. Papius aréussi à débaucher une partie des Numides de L. Julius Caesar en leur montrantOxynta, fils de Jugurthan enfermé à Venouse en Apulie'851. "Lorsque L. JuliusCaesar, avec 10.000 fantassins Gaulois, des cavaliers et des fantassins Numides etMaures, a avancé vers Acerra, Papius prit le fils de Jugurtha, autrefois Roi de laNumidie, nommé Oxynta et qui était sous la responsabilité d'une garde romaine àVenousia, le sortit de cet endroit, l'habilla de pourpre royale et le montra plusieursfois aux Numides combattant avec César. Beaucoup d'entre eux désertèrent, si bienque César se trouva dans l'obligation de renvoyer le reste vers l'Afrique, puisqu'ilsn'étaient pas dignes de confiance" .'861 Et St. Gsell de commenter "tant le souvenirde Jugurtha était resté cher aux Amazighs(871.

7.Iugurthan ou la volonté d'indépendance

Contrairement à Suphax qui, jusqu'au bout a su garder sa dignité de Roiindépendant, Masinissa, grand-père de Jugurthan, qui ira chercher son titre à Rome,est demeuré tout au long de son règne dans la dépendance et ne sera que le simplevalet de l'Urbs. Son fils Micipsa qui hérita de cette situation y végéta. La traditionétant ainsi établie, tous les Rois avaient donc à évoluer dans la vassalité; malheur àcelui qui voulait secouer le joug de la puissance dite amie. Ce fut le cas de

(82) Id., Ibid.. XCI. 6.(83) Id., Ibid.. XCIV. 4.(84) Id., Ibid.. CXI, 2.(85) Appien. Les guerres civiles, I, 42.(86) Id., Ibid..(87) Gsell. HAAN. VII. p. 262.

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Iugurthan, cette "Victim of Roma imperialism andfactional politics"'881, transforméen diable armé de l'or par un Salluste dont on connaît l'immoralité(89" la partialitédans le jugement et les erreurs d'appréciation et de géographiel9QJ

• Image sombre quecontinuent à véhiculer la plupart des historiens contemporains d'un grand chefamazigh, un des rares à avoir bien compris le but de la politique romaine enTamazghd91>. Dans le discours que lui prête Salluste, le Roi disait à Bocchus l : "LesRomains (... ] sont un peuple injuste. d'une avarice sans borne, ennemi de tout legenre humain; ils ont pour lui faire la guerre le même motif qui les a armés contrelui-même et tant d'autres nations, leur besoin de dominer qui en fait des adversairesde tous les Empires; aujourd'hui c'est lui-même, hier c'était les Carthaginois et leRoi Persée, demain ce sera quiconque leur paraîtra le plus riche qui sera leurennemi"'92J .

Iugurthan dont la perspicacité dans le jugement a été soulignée, auparavant parSalluste'931, n'était pas un homme à plier l'échine. Confiant d~ms sa popularitéauprès de tous les Amazighs, il est allé même jusqu'à défier l'Urbs. De nombreusesdélégations romaines arrivaient en Afrique et repartaient sans concession(941 .Sansdoute pensait-il tout simplement que l'Afrique devait rester aux Africains ,que lesproblèmes de Tamazgha devaient être réglés entre les Amazighs et que Romen'avait pas à s'y immiscer. Aussi cria-t-on au scandale à Rome où l'on affubla detous les maux celui qui osa vouloir sortir de la ligne tracée par Masinissa. Romeavait d'ailleurs maintes raisons d'être inquiétée. Avec un Chef pareil elle risquait deperdre, entre autres, les bras, les chevaux, les éléphants, le bois, le blé, l'huile, etle vin africains. Et c'est tout l'intérêt public" romain qui se trouvera "sacrifié"comme l'a bien dit Saliuste'9SJ. II était difficile. en effet, pour un Salluste, dont onconnaît la cupidité, qui a goûté aux richesses de la terre de Iugurthan et qui en a

(88) 1. A. I1evebare, Jugurtha: a victim of Roman imperialism and factional poli tics, dans Museumafricum, VI, 1977178, p. 43-59. L'auteur pense: "it is no longer possible to defend the view ofJugurtha as merely a barbarian prince with inordinate ambition whom Rome had to suppress if hecould not be persuaded to live in amity with Adherbal. Nor is the Sallustian theme of bribery andcorruption among the nobiles any longer acceptable", Id., Ibid., p.43.

(89) Cf Dion Cassius, infra, p ........, et notes 1Il-Il2..(90) Cf. M. Holroyd" The Jugurthan war : was Marius or Metellus the real victor?, dans Jounal of

Roman Studies (JRS), XVIII, 1928, p. 1-20. Dans cet article, l'auteur compare la guerre delugurthan à celle d'Abdelkader (1829-1847) contre la France (Id., Ibid., p. 6) et à celle des Boerssud-africains (1699-1902) contre l'Angleterre (Id., Ibid., p. 7-8). Cf. aussi R. Sym, Sallust,Berkeley, Los Angelès, 1964 :Ch, Saumagne, La Numidie et Rome, PUF, Paris, 1966; A. Berthier,La Numidie, Rome et le Maghreb, éd. Picard, Paris, 1981.

(91) Nous utilisons le mot Tamalgha à la place de celui de Berbérie, terme purement intellectuel, forgéà partir du soft-mot Berbère, utilisé par les intellectuels français pour adoucir le vocable arabe.Al-barbar, qu'ils savaient péjoratif. Cf. notre article, Et si on désignait ces fameux Berbères avecleur vrai nom ?, dans Africa Romalla, XVI, 2004 (2006), p. 737-756.

(92) Salluste, Bell. lug., LXXXI, 1.(93) Cf. surtout Id., Ibid., VII, 5.(94) Id., Ibid.. XX-XXVI.(95) Salluste. Ibid., XXIV, 3.

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profité copieusement, de comprendre pourquoi certaines voix s'élevaient pourdonner raison à celui qui se considérait Roi dans son royaume plutôt qu'à celui quise considérait un intendant seulement et qui clamait haut et fort que le royaume deNumidie devait revenir à "ses maîtres légitimes"'96' et ses "véritables souverains"'971,les Romains évidemment.

Dans tous les discours qu'on lui prêtait, Adherbal n'avait de cesse de répéter quele royaume numide était propriété de Rome et que lui, tout comme son père et songrand père n'en était que les gérants'981 .Iugurthan, lui, dans toutes les paroles qu'on luiattribuait, n'a jamais reconnu ce droit à l'Urbs. Bien plus, c'est à l'indépendance qu'ilappelait ses compatriotes.Le Roi n'avait pas besoin d'épuiser son éloquence pourdresser les Amazighs contre la présence romaine en Afrique. Les Amazighs"chérissaient IugUltha, nous rapporte Salluste, autant qu'ils haïssaient les Romains"I99'.

8. Iugurthan et l'historigraphie''OOI

A cette personnalité aux qualités exceptionnelles, reconnues même par ses plusgrands ennemis de l'antiquité, St. Gsell réserve une tirade qu'il n'a pu puiser, à notreavis, que dans ses sentiments personnels. L'auteur de ['Histoire Ancienne del'Afrique du Nord, trouve que Iugurthan, "qui paraît si capable de concevoir etd'exécuter de vastes plans, a l'esprit mal. équilibré (sic); des crises nerveusesl'abattent ou l'entraînent à des actes insensés: accès de désespoir, où sombrent soncourage, sa volonté; fureurs qui l'aveuglent et lui font commettre des fautesirréparables. Il redevient (sic) subitement un barbare (sic) impuissant à semaÎtriser"'JO'I. Ces propos venant de cet historien du XXè1l1e siècle et qui ne se basentsur aucun argument fondé sur les textes d'auteurs anciens,,021 restent déconceltants.

Par "sa grande valeur personnelle", nous dit Sallustel103 ', encore jeune homme, ilavait séduit les Romains d'Espagne et d'ailleurs. "A force de travail et de zèle,

(96) Id.. Ibid.. XIV. I.(97) Id.. Ibid..(98) Id., Ibid..(99) "Iugurtha carus et Romalli illuisi emm", Id., Ibid.• CXI. 2. Salluste, nous rapporte cette

information en nous parlant des Maures. Mais cela reste valable aussi .à notre sens pour tous lesAmazighs. d'autant plus que les Maures qui éprouvaient ce sentiment étaient jusqu'à cette date(vers 106 avant l-C.) moins exploités par Rome. par Rois interposés. que leurs voisins. lesNumides. D'ailleurs il suffit de voir l'acharnement avec lequel ces derniers combattaient lesRomains pour s'en convaincre.

(100) Nous utilisons délibérément ce terme au lieu de celui répandu. mais impropre. historiographie.lié lui à l'œuvre d'historiographes. historiens officiels.

(lOI) Gsell, HAAN, VII. p. 139-140.(102) L'auteur ne fait ici aucune référence aux sources. Le sentiment d'antipathie de cet auteur à l'égard

de ce Roi amazigh apparaît aussi. entre autres. à la page 260 de l'Histoire Allcielllle de l'Afriquedu Nord. t. VII. ; "Ce Jugurtha. écrit l'historien. qui avait. pendant sept ans. tenu tête à laRépublique et fait passer des légions sous le joug, ce barbare (sic) dont le nom devait. à traversles siècles. éveiller chez les Romains des sentiments de honte et d'effroi".

(103) Salluste. Bell. lug .. VIII. I.

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d'obéissance modeste et de mépris du danger, continue l'auteur latin, il (Iugurthan)acquit vite un tel renom qu'il devint l'idole des nôtres et la terreur desNumantins""o41. A toutes ces qualités venaient s'ajouter "une générosité et unefinesse d'esprit""o51, ce qui lui avaient fait gagner "de nombreuses et étroites amitiésparmi les Romains""o61 continue l'auteur du Bellum lugurthinum.

Paré de toutes ces qualités, énumérées par Salluste son principal détracteur, cegui leur donne encore plus de valeur et de poids, auréolé de tout ce prestige auprèsdes Romains et au sein même des hautes instances de l'Urbs, Iugurthan peut-il avoireu besoin d'un autre moyen, vil cette fois-ci, à savoir la corruption, pour conquérirle Sénat et le ramener à sa cause, sachant que ses adversaires, ses frères, à qui ilavait affaire étaient des personnages, médiocres, méconnus des Responsablesromains? Le rôle de "l'or de Iugurthan" n'a-t-i1 pas été exagéré et peut-être mêmecrée de toutes pièces par l'ennemi de la noblesse romaine et de Iugurthan, Salluste,lui-même corrompu? Gouverneur de Numidie, il a commis, nous dit Dion Cassius,"des actes de corruption (sic) et de violence, si nombreux qu'il fut traduit en justiceet couvert de honte et d'infamie pour n'avoir pas, lui qui dans ses ouvrages apoursuivi de nombreuses et amères déclamations quelques hommes coupables des'enrichir aux dépens de leur province, conformé sa conduite à son discours"'I07I. Etl'auteur de l'Histoire romaine d'ajouter: "Aussi, quoi qu'il ait été absout par César,n'en a-t-il pas moins lui-même, dans son histoire, gravé son propre arrêt comme surun monument"<I081. Les exactions commises par ce soi-disant défenseur de la moralesont restées dans les annales'I09I. "Et réduisant la Numidie en province", nous ditl'auteur grec, "il (César) lui imposa Salluste, sous prétexte de la gouverner mais enréalité pour la piller et la rançonner (SiC)"<IIOI.

D'ailleurs on se demande si ldgurthan avait à user de la corruption pourconquérir l'opinion du sénat comme le prétend Salluste. Et si le terrain romain étaitpropice à ce genre de manoeuvre, pourquoi alors ses frères, Adherbal et Hiempsal,héritiers des trésors de Micipsa au même titre que lui, donc aussi pourvus en or quelui, n'avaient-ils pas eu recours au même procédé? On sait que ce n'est pas leurmorale, ni leur fierté qui les en auraient empêchés. Adherbal n'était-il pas allé bienplus loin? N'a-t-il pas troqué son pays contre son trône?'"I'.

Quand on lit attentivement le Bellum lugurthinum de Salluste, on se rend compteque dès le début de son ouvrage, le Romain cherchait à préparer les opinions. Ainsi

(104) Id., Ibid., VII, 4.(105) Id.. Ibid.. VII, 7.(106) Id.. Ibid.(107) Dion Cassius, XLIII, 93.(108) Id.. Ibid..(109) Cet homme, nous rapporte Dion Cassius, XL, 63. fut exclu du Sénat sur un rapport des censeurs

Ap. Claudius Pulcher et Pison. pour immoralité; c'était vers 50 avant J.-C. Cf. aussi ce que ditSalluste lui-même dans La Conjuration de Calilina Ill, 3, à propos de sa propre immoralilé.

(110) Dion Cassius, XLIII. 92.(Ill) Salluste, Ibid., XIV, 1; XXIV, 10.

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il nous affirme que lors de la réunion secrète(112J de Iugurthan et de Scipion enEspagne, celui-ci mettait déjà en garde Iugurthan contre toute tentative decorruption des Romains. Ce qui paraît être tout à fait anachronique et mal placé vule contexte. Mal placé parce qu'il est difficile de penser que le général romain,Scipion, pleinement et fraîchement satisfait des exploits de Iugurthan, sa lettreenvoyée à Micipsa en est une preuve(1J3J, puisse imaginer que l'Amazigh ait besoinde corrompre pour plaire. Anachronique parce que, la personne à laquelle s'adressecette mise en garde, Iugurthan, n'était pas encore adoptée. Il pouvait ne pas l'être,donc ne pas devenir héritier, ni Roi. Ensuite, le problème de tension entre héritiersnumides, d'où Salluste fait découler l'idée de corruption, ne s'était pas encoreproduit en 135 avt l-C., et personne ne pouvait prévoir, fut-ce un Scipion, qu'ilpouvait se poser.'1141

Les inépties rapportées par Salluste quant à la pratique de corruption parIugurthan sont nombreuses. Nous en citons une des plus criantes. Iugurthan, alorsRoi, aurait corrompu son propre et principal licteur afin que ce dernier lui permettede "s'introduire dans sa maison"III~J, laquelle abritait, momentanément, Hiempsal etce, juste pour "la visiter" (sic). C'est le prétexte qu'aurait avancé Iugurthan, quidissimulait bien ses intentions selon Salluste(1J6,. Peut-on admettre, un moment,l'idée que cet homme de confiance de Iugurthan" qui avait toujours joui del'affection(sic) et de la faveur(sic) du prince", puisse s'opposer à la volonté de sonRoi de pénétrer dans sa maison pour la visiter? Et il n'aurait cédé au désir de sonmaître qu'à coup d'or et de promesses ! Marius à plusieurs reprises, selon lestémoignages de Salluste, lui-même, essaya de corrompre l'entourage(1171 deIugurthan. La corruption de Bocchus J, qui le livra au Romain enchaîné en est legrand couronnement. Mais le Romain n'en sort pas, lui, entâché, grâce à la manièredont sont présentées les choses dans le texte(1JSI et grâce surtout aux commentairesdes historiens contemporains.

Iugurthan avait bien établi sa réputation à Rome, la lettre de Scipion le prouveune fois encore, si besoin en est: "Ton cher Iugurtha a montré dans la guerre deNumance une valeur sans égale"; écrit le général romain Scipion à Micipsa;"chosequi j'en suis sûr te réjouira. Ses mérites nous l'ont rendu cher, nous travaillons detoutes nos forces à faire partager nos sentiments au Sénat (sic) et au peuple romain.Pour toi, écrit le célébrissime général, je te félicite au nom de notre amitié. Tu as làun homme digne de toi et de son grand-père Masinissa"(1191. Cela ne suffit-il pas àexpliquer la sympathie qu'avaient les Sénateurs à l'égard de ce Roi? Ayant à son

(l12) Salluste, Ibid., VIII, 2.(l13) Id., Ibid., IX, l.(l14) En réalité Salluste instrumentalisait Iugurthan pour salir l'aristocratie romaine qu'il haïssait.(lIS) Id., Ibid., XII, 3.(l16) Id., Ibid.(117) Cf. Id., Ibid., XLVI. 2; XLVII. 4, cm, 5 et 6, etc.(l18) Id.. Ibid., CII-CXl.(l19) Id., Ibid., IX, 2.

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actif ses actes et l'appui d'une si forte personnalité romaine, Iugut1han ne pouvaitqu'être entendu, cru et soutenu sans difficulté à Rome. Cette lettre prouve le désirdes responsables romains de vouloir en faire un Roi avant même qu'il n'ait eu unequelconque légitimité. Cette lettre fut un des facteurs décisifs dans l'adoption deIugurthan par Micipsa, adoption privée d'abord vers 131(20), publique ensuite en 121avant le. bien sûr. Par cette dernière adoption, Iugurthan devint, alors héritier aumême titre que ses cousins par le sang, et ses frères par l'adoption.

9. Le sort final de Iugurthan

Ironie de l'histoire, ce Iugurthan, tant accusé de corruption et de perfidie, fut lui­même,en 105, la victime d'une tromperie orchestrée par le plébéien Marius,l'aristocrate Sulla et son propre beau-père, Bocchus I. Ce dernier "fait appeler Sulla,et s'entend avec lui pour tendre une embuscade au Numide. Puis, le jour venu, nousdit Salluste, quand on vint lui annoncer l'approche de Iugurtha, Bocchusaccompagné de quelques amis et de notre questeur, s'avance à sa rencontre commepour lui faire honneur, et gagne un monticule très visible pour ceux qu'il avaitapostés. Le Numide, accompagné d'un grand nombre de ses familiers, s'y rendégalement sans armes comme il avait été dit, et sitôt le signal donné, il est assaillide tous les côtés à la fois par l'embuscade. Tous ses compagnons furent massacrés;lui-même est livré, chargé de chaînes, à Sulla, qui le conduisit à Marius"0211. Larésistance amazighe se trouva ainsi décapitée et le royaume de Iugurthan partagé.Bocchus reçoit le tiers occidental de la Numidie. La partie orientale fut accordée parles Romains à Gauda, fils de Mastanabal, prince diminué de corps et d'esprit"221.

Cette fin tragique du Roi, contraire aux règles élémentaires de la guerre, donneentièrement raison, a posteriori à Iugurthan. Elle justifie l'attitude méfiante qu'avait leNumide à la fin de son règne à l'égard de son entourage, au lendemain de l'échec du complotfomenté contre lui par son lieutenant Bomilcar, lui-même acheté par Metellus<l231 .

Iugurthan fut conduit enchaîné à Rome. Une guerre prit fin en Afrique, une autrese profilait à Rome pour savoir à qui revenait le "mérite" de la fin tragique du Roi,au plébéien ou à l'Aristocrate. Sulla "revendiqua si ardemment tout l'honneur de cesuccès qu'il fit graver sur un anneau qui lui servait de cachet la livraison déloyale(sic) de ce prisonnier" nous dit Valère Maxime0241. Marius ne le lui pardonna pas."Voila comment un homme" continue l'auteur des "Actions et paroles mémorables"parlant de Sulla, "qui devait être un jour si puissant, ne sut pas dédaigner même lamoindre apparence de gloire"cJ2.11. Ainsi, sans "son or", Iugurthan continua à opposeraristocrates et plébéiens.

(120) Ch. Saumagne, lA Numidie et Rome, Masinissa et Jugurtha, essai, éd. PUE Paris, 1966, p. 107.(121) Salluste, Ibid., XCIII, 4 -7.(122) Salluste, Ibid.,LXV, 1.(123) Cf. Salluste, Ibid., LXX-LXXII.(124) Valère Maxime, VIII, 14,4.(125) Id., Ibid.

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En 104, après avoir marché le 1er Janvier devant le char de Marius<l261, le RoiAmazigh fut conduit au Tullianum, prison qui se trouvait sous le capitole. Quelquesuns parmi ceux qui l'y entraînèrent "lui déchirèrent violemment sa tunique, tandisque d'autres, dans leur hâte à lui enlever ses boucles d'oreille en or, lui arrachèrentdu même coup les lobes des oreilles, puis on le poussa tout nu au fond du cachot,et tout troublé, il dit en y tombant avec un rire amer: "par Hercule, que vos bainssont froids!"t'271. Il resta dans sa prison pendant 6 jours sans nourriturell28

); il futensuite étranglé sur l'ordre de Mariusll291. Il devait avoir, au plus, 54 ans.

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(126) Cf. Plutarque, Marius, 12,3 qui écrit "Il étala aux yeux des Romains ce spectacle inouï: 'Jugurthaprisonnier. Personne n'aurait espéré qu'on pût venir à bout des ennemis tant que lugurtha vivait,tellement il était fertile en ressources pour tirer parti des circonstances, et tellement les ruses detoutes sortes s'alliaient chez lui au courage".

(127) Id. , Ibid., 4.(128) Id., Ibid., 12.(129) Tite Live, abrégé LXVII, 4; Eutrope, IV, 27, 6; Paul Orose, V, 15. 19; Lucain. IX, 600, Sidoine

Apollinaire, Lettres. VIII, Il, II.

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Hesperis-Tamuda, Vol. XLI, (2006), pp. 41-50

«L'HOSPITALITE BERBERE»PROLONGEMENTS D'UN RECIT GELLNERIEN

AHMED SKOUNTI(')

Introduction

Thème récurrent dans la littérature sur le Maroc, «l'hospitalité berbère» ou<<l'hospitalité marocaine» occupe une place centrale dat;ts les représentationsW quel'étranger se fait du pays et de sa population. Vincént Monteil (1962 : 189)n'écrivait-il pas à l'adresse des lecteurs de son guide surIe Maroc: «L'hospitalitémarocaine est proverbiale. Raison de plus pour n'en pas::·~buser».Définie commeun devoir social, comme une valeur ou comme un trait culturel distinctif, cettenotion mérite que l'on s'y attarde. Elle fait appel, non seulement, à une organisationsociale basée sur l'indispensable solidarité, mais à une représentation de latùzubga'21, devoir d'hospitalité, au ttâam(31, alimentation nécessaire dont elle senourrit au propre comme au figuré, à une hyper-valorisation de la commensalité.

(*) Notice biographique: Enseignant chercheur à l'Institut natio!1aI des sciences de l'archéologie etdu patrimoine (INSAP), Antenne de Marrakech établie au Parc national du patrimoine rupestre.Auteur d'une thèse à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris) en 1995 sur LeSallg et le Sol. Les implications socio-culwreles de la sédentarisation. Cas des nomades AytMerghad (Maroc). De 1995 à 1999 chargé de recherche à la Direction du patrimoine culturel(Rabat), coordinateur pour le ministère de la culture du Programme MEDA 1et de la mise en œuvrede la Convention du patrimoine mondial de 1972. A représenté le Maroc aux réunions du Comitédu patrimoine mondial (1997 - 2001) et à la réunion intergouvernementale d'experts chargée de lapréparation de la Convention du patrimoine culturel immatériel (2002 - 2003). Enseignel'anthropologie à l'Université Cadi Ayyad de Marrakech depuis 2000. A publié plusieurs étudesdans les domaines de l'anthropologie, du patrimoine culture, de la culture, de la littérature orale,de l'art rupestre et-de l'écriture amazighe ; notammet : Tirra. Aux origines de l'écriture au Maroc,Corpus des inscriptions amazighes des sites d'art rupestre (en collaboration avec A. Lemjidi et E.M. Nami), Rabat, Editions de l'Institut royal de la culture amazighe, Rabat, 2003) ; Le Sang et leSol. Nomadisme et sédentarisatioll au Maroc. Cas des nomades Ayt Merghad, Editions du CentreTarik Ibn Ziyad, Rabat (sous presse).

(1) Nous faisons référence ici à la définition des représentations sociales donnée par D. Jodelet (1994) ;«une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourantà la construction d'une réalité commune à un ensemble social».

(2) De allebgi (pl. illegawen), invité, convive. En arabe marocain, ddiafa. L'anebgi n Rebbi estparfaitement différencié, dans ces régions du sud-est marocain, de l'afalis, hôte d'honneur, ou, plusprécisément. le repas qui lui est dû: «L'hôte afalis est le nom donné en berbère à l'invité d'honneurde la taqbilt [tribu], que les habitants du qsar [village] doivent accueilir chez eux à tour de rôle»(Mezzine 1987 : 248n).

(3) Voir illfra.

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Le rappel d'un récit rapporté par E. Gellner dans Saints of the Atlas (1969), noussemble être un bon prétexte pour interroger le sens de «l'hospitalité berbère»,notamment en relation avec la sainteté. Nos exemples sont surtout tirés de notreterrain chez les Ayt Merghad, amazighophones du Sud-Est marocain'4>, mais cela nenous empêchera pas de recourir à d'autres témoignages ou documents de lalittérature ethnographique. Nous examinerons également les prolongements de cethème dans quelques récits de voyage(j) et de tourisme, notamment à travers lacérémonie du thé. Nous essayerons de montrer comment la mutation qu'elle aconnue en fait progressivement un «slogan touristique».

Figures de l'hospitalité

Dans le Haut-Atlas marocain, le devoir d'hospitalité est exigé de tous, des plusmodestes comme des plus aisés. Plus encore, l'hospitalité du ou de la pauvre estbien plus appréciée, l'effort qu'il ou qu'elle fait dépassant les moyens dont il ou elledispose. Les gens sont beaucoup plus exigeants à l'égard d'un confrère aisé qu'àl'égard d'un pauvre, d'un homme que d'une femme, d'une mariée que d'une veuveet d'un adulte que d'un jeune. Ce devoir d'hospitalité est fait d'un mélange de sacré,d'obligation, et de volonté de se conformer à un idéal social. Il n'est pas, non plus,étranger à la logique maussienne du don et contre-don. Il est entretenu et sans cesserappelé par les individus qui puisent dans la mémoire du groupe des événements,des histoires, des sagesses, des poèmes qui sont autant d'arguments convaincants.Il est également entretenu par l'effort consenti collectivement par la communautépour accueillir ses invités. Il est, enfin, parfois régi, à l'image d'autres aspects de lavie sociale, par des prescriptions d'ordre juridique.

L'hospitalité sacrée

Ainsi, chez les anciens sédentarisés Ayt Merghad de l'Imedghas, on a pu mereconter, lors d'un travail d'enquête en 1992, une histoire dont E. Gellner avait faitétat dans son ouvrage Saints of the Atlasl6l

• En voici le récit tel qu'il m'avait étéraconté:

«Un homme d'un lignage saint de Tazarine dans le Saghro étaitarrivé parmi les Ayt Merghad de l'Imedghats. Personne n'ayantvoulu l'accueillir, une pauvre femme prénommée Louhou l'invita

(4) Voir Skounti (1995). Des entretiens récents ont été réalisés en septembre 2001 à Tadighoust, dansle Sud-Est marocain.

(5) L'un des récits les plus représentatifs du genre est sans conteste dans les quatre tomes écrits parRené de Bodon de Ségonzac. dit le Marquis de Ségonzac. entre 1900 et 1910. Voyage dans le Sous(1899). Paris. Challamçl,; 1900; Voyages ail Maroc, Itinéraires et profilS. Paris. Henri Barrière.1903; Voyages au Maroc (1899 - 1901). Paris. Armad Colin. 1903; Au cœur de l'Allas. Missionau Maroc (1904 - 1905). Paris. Ernie Larose. Le dernier de ces ouvrages. Au cœur de l'Allas.Mission au Maroc. nous intéresse particulièrement ici.

(6) La version de Gellner, plus résumée que la mienne, est donnée en page 222 de la traductionfrançaise qui vient d'être publiée aux Editions Bouchène (Paris). Gellner (2003 (1969».

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chez elle et sacrifia en son honneur un agneau. Le lendemain,l'homme, qui en fait était un saint nommé Sidi Abderrahman,demanda à voir la peau de l'animal. Il la frappa d'un coup debâton et l'agneau, non seulement ressuscita, mais se transfomla enun gros mouton. En signe de gratitude, il transmit à son hôtesse sespouvoirs sacrés. Depuis, celle-ci est appelée Imma LouhouTafeqqirt».

Et E. Gellner de commenter le récit, sur son ton ironique habituel, en écrivantque la bonne femme cessa évidemment d'être vierge (2003 : 222n). Elle donna sonnom à un lignage des Ayt Merghad de l'Imedghas, les Ayt Tafeqqirt (fraction desAyt Youb). E. Gellner note justement qu'il s'agit là d'une variation sur un thèmecommun dans l'Atlas, à savoir du pauvre anonyme étranger derrière lequel se cacheun saint qui récompense son hôte hospitalier. Un thème également mis en exerguepour insister sur le devoir d'hospitalité (2003 : 223n).

La tinubga'7', ou hospitalité, est une notion qui a été spécialement forgée par cespopulations pour rendre compte de son caractère quasi-sacré. Une chambre (abanun inebgawen, tamesrit ou tanesrit) dans la maison ou le village des sédentaires estdédiée à l'accueil des invités pressentis ou de passage. Le devoir est d'autant plusobligatoire que l'hôte éventuel ne peut présumer de l'identité de l'étranger qu'il sedoit d'honnorer. Un étranger qui demande l'hospitalité dans un village ou sur uncampement dira qu'il est un anebgi n Rebbi, un hôte de Dieu, - entendons celui quela nuit rattrape chez des gens auprès desquels il n'a pas de connaissances. Il est alorshasardeux de refuser de l'héberger pour la nuit et de le nourrir'8'.

Mais la marque de l'invité, son rang, son prestige ont une incidence forte sur lamanière dont il est traité, De Ségonzac en a fait l'expérience à la zaouïa Aït Mhammedsituée à la jonction du Moyen-Atlas et du Haut-Atlas central. Il écrit : «il n'est pasfacile de s'arracher à l'hospitalité des Chleuhs.. , Quand le ciel leur envoie un hôte

(7) E. Montagne consacre quelques paragraphes à l'hospitalité qu'il introduit en écrivant: «Il n'existepas. dans les hautes vallées de l'Atlas, de maison de la tribu destinée aux réunions de l'assembléeet à l'hébergement des hôtes de passage». Le reste de la section est réservé à la description desmodalités de fixation des étrangers dans les tribus du Haut-Atlas occidental (Montagne 1989(1930) : 271 sq.). mais nullement à l'hospitalité eomme le suggère le titre de la section. J. Berque(1978 (1955) différencie la tillllbga dllll1aârif«<rite saisonnier incombant à un groupe à l'égardd'un saint» et comprenant un sacrifice sanglant, p. 279), définissant la première comme étant, chezles Seksawa. une «frairie où se rencontrent deux groupes» (p. 503) ou encore «une syssitie commeeût dit l'Antiquité classique» (p. 270). Enfin, selon l'auteur. contrairement au maârllf, la' tillllbgaserait dénuée de «portée religieuse» (p. 279).

(8) Un vers de chant du dépiquage des céréales au début de l'été incite à s'acquitter de ce devoir:Allebgi Il Rebbi IIr 1 iqqam lmal Il/WIl a ddllllitTous les biens de la terre ne peuvent valoir [le bien fait àjl'hôte de Dieu.

Voici un autre témoignage: «repousser les invités était une honte et une humiliation que même lesplus pauvres ne pouvaient supporter» (...) «CeI1ains ksars possédaient un magasin à vivres quicomportait des réserves spéciales pour noun'ir les visiteurs» (Mouhib 1999 : 57).

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d'élection, ils le traitent, sinon avec magnificence, du moins avec une abondanceexcessive» (De Ségonzac 1910 : 23). Ce n'est guère étonnant quand on sait quel'explorateur français était, lui~même et les membres de la mission, vêtu à la marocaineen plus d'être accompagné de deux marocains des Oulad Bessbaâ se présentant commedes choifas (descendants du prophète). Les hôtes de la mission étaient, du reste,habitués à recevoir des personnalités du Makhzen et n'avaient pas intérêt à refuserl'hospitalité. Pouvoir et baraka étaient ainsi les meilleurs alliés du voyageur.

Disons, enfin, un mot de l'hospitalité pratiquée par les zaouïas. Elle s'apparentebeaucoup plus à la charité envers les pélerins, les pauvres, les déshérités et lesvisiteurs de toute sorte. Nombreux sont les témoignages historiques etethnographiques qui font état de cette forme d'hospitalité largement pratiquée auMaroc. Les chefs des zflouïas y trouvent un moyen de s'élever dans l'estime du TrèsHaut en même tempsqü:'une manière de s'attacher la considération et le respect duplus grand nombre. Maintes zaouïas sont ainsi décrites comme des lieux d'agapesininterrompues, dussent-elles être frugales ou, au contraire, s'enrichir d'unegénérosité du saint qui distribue vêtements et argent'9'.

L'hospitalité communautaire

Le devoir d'hospitalité prend d'autres formes. L'une d'entre elles met en œuvre uneaction communautaire concertée et éminemment régie par des pratiques et des codespmfaitement maîtrisés par le groupe. Hammou Ou Saïd, sédentarisé Ayt Aïssa Izem"olà Amellago dans la haute vallée du Ghéris nous a raconté l'histoire suivante'!!1 :

«Nous étions en estivage à Sloult dans le Haut-Atlas oriental. Nousavions dressé nos tentes côte à côte autour de la grande prairie deSloult, constituant ainsi un énorme campement comme nous enavions l'habitude à l'époque pour des raisons de sécurité. Nousavions l'habitude, en ces temps-là, de nous mettre entre les AytHadiddou (à l'est) et les Ayt Abdi (à l'ouest), ennemis jurés les unsdes autres. Nous voulions ainsi empêcher; le temps d'un séjourpastoral. les conflits qui ne manquaient pas de surgir entre les deuxtribus. Un jour; nous devions accueillir des hôtes composés denotables Ayt Abdi. La coutume voulait que le conseil de la tribucharge deux hommes de réunir les apports en nourriture quenécessitait pareille occasion. L'un d'entre eux prenait un sac fait depeau de chèvre etfaisait le tour des tentes en demandant auxfemmes

(9) Sidi Mohammed Ou Ouissaâden (mort en 1580) était, à cet égard. selon D. Jacques-Meunié. unesorte de «Saint Vincent de Paul berbère - mais longtemps avant le Saint français - car il a unegrande pitié et tendresse pour les faibles et les pauvres» (pour rappel, Saint Vicent de Paul est néen 1576) (Jacques-Meunié 1982,1: 481 - 482).

(10) Les Ayt Aïssa Izem constituent une des cinq fractions des Ayt Merghad. Cf. Skounti (1995).(II) Entretien réalisé le 22 septembre 2003 à Tadighoust (à 18 km au nord de Goulmina. sur la même

vallée du Ghéris).

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d'y mettre une quantité égale defarine de blé ou d'orge, tandis quel'autre, muni d'un seau en bois, leur demandait à chacune unegrosse cuillère de beurre rance. Les ingrédients ainsi réunis étaientremis à deux ou trois femmes du campement connues pour leursavoirjaire culinaire et leur intégrité morale. Des femmes de cettetrempe mettaient le bout du manche de la louche en bois dans lasauce, laissaient s'égoutter sur la paume de la main pour goûter lerepas en cours de cuisson ! C'est dire qu'on n'appréciait guèrequ'elles se servent avant les convives. On leur remettait égalementla moitié d'un mouton ou d'une chèvre sacrifiés à cette occasionpour préparer un couscous à la viande. L'animal était acheté à l'und'entre nous .. son prix était réparti sur les tentes du campementsuivant la taille du troupeau de chacune. Nous choisissions parmiles hommes de la tribu les commensaux de nos convives. Les abatsde l'animal étaient découpés et grillés à la braise pouraccompagner le thé servi en quantité. Après le dîner, nous nousremettions au thé avant d'inviter les Ayt Abdi à passer la nuit».

La participation de toutes les tentes du campement à la tinubga est le point nodal decette histoire. Hammou Ou Saïd, en homme intelligent et vif, débite son récit à voixhaute, empreinte d'une fierté toute tribale et d'ue nostalgie non feinte. Nous trouvons,chez De Ségonzac un témoignage qui démontre l'étendue de la pratique. Dans le hautOued el Abid, les membres de sa mission font escale chez les Ayt Boulman.L'hospitalité est là aussi réglée par la coutume: «Le cheikh en répartit la charge entreceux des habitats que désigne le rôle des impositions. Chacun d'eux apporte son plat,en fait les honneurs et, quand les maîtres et serviteurs sont repus, s'il en reste quelquechose, il l'achève en compagnie de ses amis» (De Ségonzac 1910 : 44).

L'auteur ne précise pas comment anive le rôle d'une partie des habitants (etlaquelle, fraction? lignage ?) pour s'acquitter des impositions. On peut supposer queles groupes constituant la tribu des Ayt Boulman accordaient l'hospitalité à tour derôle. En tous cas, l'exemple est assez édifiant quant à une gestion collective de cedevoir envers l'invité de passage. D'autres témoignages mettent le point sur cecaractère communautaire de la tinubga : en haute Moulouya, plus précisément dansla région de Midelt, les habitants s'acquittaient de ce devoir soit en partageant lescharges de réception d'hôtes distingués, soit en l'assumant à tour de rôle (Mouhib1999 : 57). Et l'hospitalité «commuautaire» ne repose pas toujours uniquement surla nouniture ; la mission Ségonzac est accueillie par un ahidous (danse collectivealternant hommes et femmes caractéristique du domaine tamazight stricto sensu) qui,selon l'auteur, «s'est prolongée très avant dans la nuit» (De Ségonzac 1910 : 42).

L'hospitalité codifiée

Plus encore que l'aspect communautaire de l'hospitalité, le droit coutumiera quelquefois prévu des pénalités à l'encontre de quiconque se dérobe

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ouvertement à ce devoir. Ainsi, l'article 21 de l'azerfl2l des Aït Ouziem duHaut-Guir dans l'oriental marocain est sans appel: «Quiconque refuse dedonner l'hospitalité à son hôte: 10 mouzounas(131. De plus, il sera tenu del'héberger» (Nehlil 1915 - 16 : 192).

Il est permis de douter de la mise en pratique d'une telle prescription: comment unhomme peut-il, en effet, être obligé, sous peine d'amende, d'héberger un hôte«indésirable» ? Ce dernier se trouve lui-même dans une situation pour le moins délicateen raison de la gêne qu'il éprouverait à s'installer, ne serait-ce que le temps d'une nuit,chez un homme ouvertement sanctionné par l'assemblée du village. Mais, malgré cesréserves d'ordre psycho-social, l'inclusion d'un tel article dans un recueil juridiquedémontre la place indéniable que tient, dans ces sociétés, le devoir d'hospitalité.

De même, la taâqqitt (recueil de droit) de Lgara dans le Tafilalet dicte ceci dansson article 71 : «Les invités sont à la charge de la qabila [tribu} », mais elle faitsuivre cet engagement de principe d'une précision astucieuse: « à moins qu'unhabitant du qsar vienne trouver le cheikh et jurer devant lui avoir été laissé sansdîner dans le qsar [de ces invités]. Le cheikh leur refusera alors l'hospitalité»(Mezzine 1987: 208). L'article 73 du même document complète le précédent etressemble à celui du Haut-Guir exposé ci-dessus : «Celui qui est désigné par lecheikh pour accorder l'hospitalité à un hôte et qui ne l'honore pas, est passibled'une amende de cinq ouqias» (Mezzine : idem). Eriger ainsi l'hospitalité au rangd'un devoir passible de sanctions montre qu'elle a valeur juridique. S'y dérobersous un quelconque prétexte expose le fauteur, non seulement à une réprobationsociale, mais surtout à une compensation en numéraire.

Enfin, de la même manière qu'en droit, l'hospitalité influait sur le profil despersonnages appelés à supporter une quelconque responsabilité politique. Chezles Ayt Merghad, pouvoir faire face aux charges d'une telle responsabilité étaitun critère crucial dans le choix des membres de l'assemblée (Skounti 1995). Enhaute Moulouya, «pour devenir un ajemmaâ (conseiller) (...), être hospitalierétait l'une des conditions nécessaires. La demeure du conseiller devait êtretakhamt n ttâam, c'est-à-dire celle où l'on reçoit avec largesse les invités»(Mouhib 1999 : 57).

L'inhospitalité

Les différences caractérisant l'adhésion de chaque individu à l'idéal-type del'hospitalité ne recoupent qu'imparfaitement les inégalités socio-économiques. Il est

(12) Azerf ou izerfest le terme qui désigne le droit berbère. Ce sont «les prescriptions de la coutumetraditionnelle» selon E. Laoust (1920 : 417) et les personnes qui en étaient dépositaires etchargées de l'appliquer, Imezzurfa ou Ayt Izerf.

(13) Division de la monnaie traditionnelle. Elle «est toujours égale à 114 de dirham ou d' ouqia. Savaleur a varié tout au long du XIX' siècle; elle est fonction de la valeur du mithqal» (qui étaitl'étalon de monnaie nationale (cf Mezzine 1987: 200 n 50).

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vrai qu'une personne relativemet aisée est beaucoup plus disposée à supporter lescharges de l'hospitalité, ce qui n'est pas souvent le cas. S'il se dérobe à cetteobligation, le bruit circule dans les rues ou dans les campements, signifiant qu'il n'estpas hospitalier, ur ighiy i ttEam. Un autre récit04l illustre pmfaitement cette attitude:

«Ben Addi racontait à mon père avoir été envoyé par les Ayt AmerGwabi (ue fraction des Ayt Merghad) de Tadighoust pour alerterleurs confrères dans le Haut Ghéris. En proie à un dangerd'expulsion, les gens de l'aval appelaient à l'aide. Il était muni delettres à remettre en main propre à des personnes précises. Il devaitdélivrer le dernier courrier à un homme de la localité de Tana.Arrivé devant la maison de celui-ci, il frappa à la porte, maispersonne ne l'ouvrit. Il alla trouver un ami à lui auquel il expliqual'objet de son arrivée. Celui-ci le raccompagna sous la fenêtre dela maison du destinataire et lui dit : «Ecoute bien, n'entends-tu pasqu'on est en train de casser un pain de sucre?» -- « Tu as raison»,lui répondit Ben Addi. Son ami lui dit alors: «Je voulais seulementque tu saches que ton hôte est bien chez lui, mais qu'il n'estvisiblement pas hospitalier! Viens donc passer la nuit chez moi».

Le destinataire du cOUlTier appOlté par Ben Addi est donc considéré comme un nonhospitalier. Pire, il se dérobe à ce devoir sacré que constitue l'accueil de l'hôte de passage.Ben Addi raconte d'ailleurs qu'il dénonça de manière adroite et fOlt éloquemmentl'attitude réprouvable de cette personne devant l'assembée des gens de Tana.

Quelquefois, la méfiance vis-à-vis de l'inconnu devient assez lourde pour quel'accueil qui lui est réservé soit enthousiaste. L'élan hospitalier n'est pas toujoursspontané ni désintéressé. Arrivé à la zaouïa d'Ahansal, là-même où E. Gellnerconduira ses enquêtes plus d'un demi-siècle plus tard, De Ségonzac décrit l'accueil quileur est réservé: «Ils sont une dizaine d'hommes accroupis sur le seuil d'une médiocremaison en terre rougeâtre entourée de constnlctions plus pauvres, immobiles,énigmatiques, défiants. Il faut toute la loquacité persuasive de nos guides pour vaincreleur appréhension et forcer leur hospitalité ,. mais, dès qu'ont été échangés lescompliments d'usage, la cordialité renaît, on nous apporte de la paille, de l'orge, desdattes pilées, des pains d'orge» (1910 : 39). La mission a pour hôte Sidi HousseïnAhansal, chérif de la zaouïa, qui non seulement accorde son hsopitalité à ses membres,mais se proposa même à l'accompagner avec son escorte jusqu'à l'étape suivante.

Les nourritures de l'hospitalité

La notion de ttEam est au cœur de l'hospitalité. C'est l'une des valeurs les plusimpOitantes des populations du Haut-Atlas marocain. Il s'agit là d'un devoir quasi­sacré qui puise aussi bien dans les traditions locales que dans l'islam, où la figurearchétypale du Prophète représente l'universel et les saints locaux le particulier. Le

(14) Récit recueilli auprès de Larbi Ou Moha O. à Tadighoust le 22 septembre 2003.

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mot ttEam(I.~), emprunté d'ailleurs à l'arabe, et signifiant littéralement «nourriture»,a pris le sens d'hospitalité dans le parler amazighe des Ayt Merghad.

La réception donne presque toujours lieu à un sacrifice, l'animal sacrifié étantfonction du prestige de l'invité (cela peut aller d'un bœuf à un chevreau). Lesacrifice d'un animal est, en effet, la preuve par le sang de la solennité du moment,de la qualité de l'accueil réservé à l'invité. Dans le Haut-Atlas oriental, les abatssont, de suite, découpés selon une méthode et un ordre bien précis et grillés à labraise de bois mort ou de charbon. Le repas proprement dit, déjeuer ou dîner, est faitd'un ragoût ou de couscous à la viande de l'animal sacrifié ou des deux. Depuisqu'on peut acheter de la viande au kilo chez le boucher du village ou de la ville, lesmanières ont sensiblement changé, mais le poids du devoir reste vif: veiller à bienaccueillir un hôte sous peine d'être taxé d'inhospitalier'6'•

Un thé.matique «glocale»(I7l

L'emblème culinaire véritable de «l'hospitalité berbère» est bien le thé. Breuvagenational, le «whisky berbère» comme aiment à l'appeler les touristes, occupe uneplace de choix dans l'alimentation des marocains. Le marocain consomme enmoyenne 1 kg par habitant et par an, tandis que la consommation nationale est passéede 20200 tonnes en 1980 à 27200 tonnes en 1990 (Sebti & Lakhsassi 1999: 22). Unoffice national du thé a même été créé en 1958, supplanté par l'Office national de théet de sucre en 1963, devenu récemment Société nationale de thé et de sucre etn'ayant plus le monopole de l'importation de ce produit.

Pourtant, le thé est un produit relativement récent au Maroc, et jusqu'au XIX· siècle,il continuait à faire l'objet d'interdiction de la part de certains prédicateurs religieux(Sebti et Lakhsassi 1999: 25 - 26). Boisson importée, donc chère pour le commun desmarocains, sa consommation était limitée à une petite élite citadine puis rurale, tandisque sa généralisation ne remonte qu'aux premières décennies du XX, siècle (Miège1957 : 390). Ce caractère récent tranche de manière radicale avec sa prégnance dansles habitudes de consommation des marocains. Il est servi à tout bout de champ, sanshoraires fixes, plusieurs fois dans la journée, selon un rituel codifié, mis qui s'estlargement simplifié ces dernières décennies, notamment en ville. Préparé seul avec dusucre ou aromatisé ?i la menthe ou à d'autres herbes odorantes, il constitue presquetoujours la boisson proposée à l'invité dès son entrée et celle qui clôture un repas.

Le thé a été très tôt érigé en symbole de l'hospitalité nationale. On en encouragela consommation, dans un élan de solidarité, pour aider une région sinistrée par une

(15) Le mot est également utilisé pour nommer un plat de bouillie de grains de farine de blé roulésqu'on arrose de beurre fondu et que l'on sert lors des fêtes religieuses (tirwayin ou Anniversairedu Prophète, tafaska ou fête du sacrifice du mouton, tessi ou rupture du Ramadan).

(16) De Ségonzac écrivait il y a pratiquemet un siècle: «De tous les reproches que l'on peut faire à unBerbère celui d'inhospitalité est le plus grave» (1910 : 32).

(17) De «glocalisation», terme forgé par Arjun Appadurai, (voir 1. Asayag 1998).

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inondation, la région du Tafilalet lors de la crue de l'oued Ziz en 1965 (Sebti &Lakhsassi 1999: 24). Les ustensiles de préparation ne font défaut dans aucun foyerqui se respecte. Le thé est thème majeur de la poésie et de la chanson aussi biend'expression amazighe que d'expression arabe<l81. Le plateau sinia qui accueille lesverres et la théière a été popularisée par les chanteurs Nas El Ghiouane au début desannées 1970.

La libéralisation de l'importation du thé a produit ces dernières années unphénomène inédit: le breuvage national qui n'avait besoin, jusque-là, que d'unepublicité marginale et sporadique, a envahi les écrans de télévision, les ondes de laradio et les pages des médias de la presse écrite. Les importateurs s'ingénient parsociétés de publicité interposées à louer la qualité de leur produit. Ils rivalisentd'habileté pour trouver le nom juste, l'emballage adéquat, le message percutant. Ilsempruntent à la mémoire collective, au goût désormais unifié par la saveur du thévert, les mots «authentiques» pour nommer les produits proposés : lkamanja,lâarch, lânbar, lbellar, sinia, etc. Les sociétés envahissent également les grandessurfaces en réservant des espaces où se tient un homme habillé en costume«traditionnelle» préparant le thé «à l'ancienne» et proposant aux clients de dégusteren louant les qualités de la marque proposée. Il y a là une théâtralisation del'authenticité comme valeur, une recréation nostalgique d'une image idyllique desoi. Les initiateurs de cette démarche «marketing» ont bien compris que lesmarocains sont en train de redécouvrir des «traditions ancestrales», de se réconcilieravec un patrimoine longtemps considéré comme rétrograde et dépassé.

En cherchant sur Internet, sous l'entrée thé, on trouvera, outre des informatiosimportantes sur le thé, son histoire, ses vertus, ses sociétés de production et decommercialisation, un recensement des cérémonies de thé les plus célèbres dans lemode. Elles sont au nombre de cinq : les cérémonies chinoise, japonnaise, anglaise,russe et marocaine. La configuration de la cérémonie marocaine est immuable : unhomme d'âge mûr assis sur un tapis ou lin coussin peu surélevé du sol, devant lequelest placé le plateau d'argent avec verres et théière, ayant à son côté gauche lebraséro sur lequel fume abondamment une bouilloire, et à sa droite les boîtescontenant grains de thé, sucre et menthe. La diversité des formes de la cérémonieest sacrifiée sur l'autel d'une authenticité non authentique: on le sait, le thé estpréparé de plusieurs manière selon les régions, les époques, les groupes et lesindividus. La cérémonie est l'objet d'une ritualisation qui promeut une façon defaire, citadine, et en fait la synthèse de toutes les autres. Elle la propose enfincomme le symbole véritable de cette «hospitalité marocaine» qui tend désormais às'institutionnaliser en empruntant des canaux moins informels. Elle est utilisée pourla promotion du tourisme au point d'avoir fait du thé l'emblème d'un slogantouristique.

(18) Un corpus important est réuni par Sebti et Lakhsassi (1999).

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50 AHMED SKOUNTI

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Hesperis-Tamuda, Vol. XLI, (2006), pp. 51-71

A LA RECHERCHE DE LA THEORIE DE LASEGMENTARITE D'E. GELLNER :

LES ORIGINES DE LA TUANIYYA ET DE LAHAMAWIYYA REVISITEES

JILLALI EL ADNANIUniversité Ibn Zohr, Agadir(')

L'objet de cette étude ne vise pas à reprendre le débat autour de l'anthropologiegellnerienne ou geertzienne par un traitement systématique des notions et desconcepts qu'avaient avancé les "deux pôles" à savoir E. Gellner et C. Geertz. Maispour qui vient de la galaxie "gellnerienne", l'univers confrérique reste à découvrirsurtout dans le cas de la Tijâniyya et de la Hamawiyya. Il est temps de vérifier lescontenus des thèmes confrériques comme c'est le cas avec les "Saints de l'Atlas" etrebondir ensuite sur les grilles d'analyse pour pouvoir vérifier la pertinence des

. concepts. Le mal qui a souvent accompagné les grands travaux sur les sociétésmaghrébines trouve ses manifestations dans les fameux articles-définitionsinaugurés depuis la fin du XIX· siècle par E. Renan: Qu'est-ce qu'une nation ?<l1 etpoursuivi au XX· siècle par J. Berque: "Qu'est-ce qu'une tribu Nord africaine ?"(2),E. Gellner: "Comment devenir marabout ?"(3) ou encore D. Eickelman, "What is atribe ?"14) et C. Hamès : "Cheikh Hamallah ou qu'est ce qu'une confrérie religieusemusulmane ?"(5) Peut-on soupçonner l'approche anthropologique de broyer les

(*) Ce travail a bénéficié du soutien financier de l'Institut des études africaines, MMSH, Aix-en­Provence, (WGMI) du Wissenchaftskoleg et du Zentrum Modem Orient à Berlin, qui m'ont permisd'accomplir des missions de recherches au Maroc, au Sénégal et au Mali. Je remercie tous ceux quiont contribué à la "naissance" de ce travail. Je pense plus particulièrement à M.M l-L Triaud, 1·C Garein, M. Naciri, B. Dennerlein et tous mes collègues de l'Université Ibn Zohr, Agadir. Unepensée toute particulière au personnel du Centre des Archives d'Outre-Mer pour son soutien et sadisponibilité inestimable.

(1) E. Renan, Conférence faite à la Sorbonne, le Il mars 1882.(2) 1 Berque, 1974. "Qu'est-ce qu'une tribu nord-africaine ?" in : Jacques Berque, Maghreb. hiStoire

et société, p. 22-34. Gembloux: Duculot.(3) E. Gellner.• "Comment devenir marabout ?" - ln : Bulletin Economique et Social du Maroc, W

128/129, pp. 9-43.(4) D. Eickelman, "What is a tribe ?" in : D. Eickelman, The Middle East: an anthropological

approach, p. 85-104. Englewood Clîffs : Prentice-Hall, 1981.(5) C. Hamès, "Cheikh Hamallah ou qu'est-ce qu'une confrérie islamique (tarîqa), Archives de

Sciences sociales de religions, W 55/1, 1983.

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52 JlLLALI EL ADNANI

difficultés épistimologiques des thèmes étudiés et de les reproduire sous forme deperformances ou de scénarios méthodologiques? Nous verrons que la thèorie de lasegmentarité ne peut ni s'appliquer à la Tijâniyya ni distiller la réalité trouble dumilieu social qui a engendré sa naissance.

Notre démarche consiste à élargir le champ d'investigation sur la segmentaritéd'E. Gellner en s'éloignant du cas du grand Atlas et en englobant un espacegéographique plus large. Si. les grandes thèories ont été produites par desmonographies traitant de petites zâwiya-s, les grandes confréries, qui ont pignon surrue, ont toujours servi de base arrière notamment pour revisiter la portée de la thèoriede la segmentarité (le cas de Tamgrout et de la Nâsiriyya par A. Hammoudi)'61.

Ce qui fait défaut au travail de Gellner "The saints of the Atlas"t1I, c'est justementce manque de passerelles entre le local et le global. La "neutralité" des saints n'estpas décortiquée sous l'angle de l'alliance implicite entre Dada Ahansal (le saint) etDada Atta (le fondateur mythique de la tribu des Aït Atta). Notre propos consiste àavancer l'hypothèse d'une justification de la segmentarité locale (aux environs de lazâwiyya d'Ahansâl) par la menace globale que constitue les An Atta de la montagneet surtout ceux du Sahara. C'est dire que si la tête du serpent se trouve à la zâwiyya,sa queue quant à elle, est dans la tribu des Aït Atta. Les éléments ethnographiques etsociologiques éparpillés dans l'ouvrage de Gellner créditent cette hypothèse qui vaà contre courant de sa théorie. C'est pourquoi on va tenter d'élucider les mystères dela fondation de la Tijâniyya et de la Hamawiyya (qui est une branche ouest-africainede la Tijâniyya). L'abondance des documents, tijâni-s ou coloniaux, relatifs àl'histoire de la Tijâniyya et en partie de la Hamawiyya, a chassé le doute qui entouraitsouvent l'histoire des confréries, comme c'est le cas de la Hansâliyya et de plusieursconfréries d'avant le XVIIIe siècle, dont la rareté des archives, avait laissé en suspensdes mystères, qui rendent leur histoire insaisissable.

C'est dans ce sens qu'on a opté pour le choix de deux confréries appartenant àdeux aires géographiques et culturelles différentes afin de vérifier si la théorie de lasegmentarité d'E. Gellner pourrait s'exprimer dans ces contrées. C'est dire qu'aulieu de contraindre les concepts gellneriens ou de les manier, on a préféré leurdonner la parole. Les données relatives aux composantes socio-politiques de cesrégions confirment que la fondation d'une nouvelle zâwiyya ou confrérie a ététoujours précédée de l'arrivée de tribus ou de groupes ethniques étrangers. C'est lecas de la tribu des Ait Atta, des saints d'Ahansal et du lignage saint tijânî qui achassé les Tijâjna-s (on y reviendra), originaires du Ksar de 'Ayn-Mâdî en Algérie,avec l'appui d'une tribu fraîchement installée dans la région: Larbaâ (Larbâ'). ANioro, dans le Mali actuel, la fondation de la Hamawiyya, a été d'abord un projetcolonial mais qui a été récupéré au dernier moment par des Tijânî-s hostiles aux

(6) A. Hammoudi : "Segmentarité, stratification sociale, pouvoir politique et sainteté: Réflexions surles Thèses de Gellner", Héspéris-Tamuda, vol XV, Fasc.unique, 1974, ppI47-S0.

(7) Voir la traduction française: E. Gellner, Les Saints de l'Atlas, Paris, éds Bouchène, 2003.

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A LA RECHERCHE DE LA THEORIE DE LA SEGMENTARITE D'E. GELLNER 53

autorités coloniales qui ont annulé la mission de créer une tijâniyya pro-françaisedans la région de Nioro. Sa propagation dans le sud mauritanien, le Sénégal et laCôte d'Ivoire est en grande partie liée aux conflits sociaux et à l'arrivé des élémentsnouveaux dans la région: principalement les Wolofs et quelques fractions des tribusHassânes et zwaya-s de la société bidân (Mauritanie).

Identité sociale et appartenance confrérique : pour une «cartographie» desdéchirements.

Comment devient-on Tijânî ?

Etre Tijanî, c'est rejeter toute affiliation à une autre confrérie et donc se purifierde tout attachement à un maître soufi non-tijânî. Ibn al-Mushrî, pourtant un despremiers disciples tijânî-s, rapporte dans le «Rawdh al-Muhib al-Fânî»'8J, que lamajorité des premiers disciples étaient restés attachés aux maîtres d'anciennesconfréries et qu'Ahmad al-Tijanî 1 (m. 1815), ~vait du mal à s'assurer de leurdévotion. La majorité des disciples étaient affiliés à la Wazzâniyya, à la Derqâwiyyaet à la Nâsiriyya. On a pu recueillir quelques informations sur l'attachement de cesderniers à ces confréries. H. Barrâda et at-Tayyeb as-Sufyânî'9l avaient continué àrendre visite aux maîtres de Wazzân, alors que la Tijâniyya était à vingt ans de safondation. Certains écrits tijâni-s parlaient de ce déchirement entre disciples tijâni­s et des membres de leur famille ou de leur entourage .Ce qui a obligé le fondateurà interdire la visite des maîtres non-tijânî-s.

Que peut-on dire des familles et des groupements maraboutiques ou du moins decette adhésion qui suit le système tribal ?

Le Qsar d"Ayn-Mâdî, tout comme le Sahara, avait connu de profondschangements avant et après la fondation de la Tijâniyya. La montée en puissance dela famille d'Ahmad al-Tijânî 1 avait été conjointement liée à l'arrivée de la tribu desLarb'âa qui avait chassé les Awlad Ya'qûb, à la fois clients et ennemis du Qsar de'Ayn-Mâdî. Le Qsar de 'Ayn-Mâdî était entouré de nombreuses tribusmaraboutiques qui ont vu leur pouvoir augmenter, à la fin du XVIIe et tout au longdu XVIIIe siècle, comme les Awlâd sîdî 'Attallah, les Hrâzliyya-s, Mkhalîf-s<lO' etsurtout les Awlâd sîdî ash-Shaykh. Tout au long du XVIIIe et du XIXe siècle, lesalliances entre les Tijânî-s et la tribu des Larb'âa n'ont cessé de se renforcer. La prisedu pouvoir à Laghouat par Ahmad ben Sâlem, devenu par la suite un allié desTijânî-s, n'était pas étrangère au renforcement du pouvoir tijânî face à ses ennemisde l'intérieur, les Tijâjna-s, et de l'extérieur, l'émir 'Abd al-Qâder. Pourtantoriginaires du Qsar, les Tijâjna-s allaient céder sous la contrainte, leurs maisons etleurs terres aux nouveaux arrivants, alliés des Tijânî-s. En dehors de 'Ayn-Mâdî, on

(8) Ibn al-Mushrî : "Rawdh al-Muhib al-Fânî", BGR, 02028, p192.(9) A.Skîrej, Kashfal-Hijâb, Beyrouth, 1988, p.173.(0) Voir à ce propos l'étude de R. Zannettacci : Contribution à l'étude de l'histoire et de l'évolution

des populations de l'annexe de Laghouat, CHEAM, W21O. 10 déc 1937, 56p, pp 44-5.

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54 JILLALI EL ADNANI

notera le cas de Awlâd Ziyyâd et de Awlâd Brâhîm, attachés par le passé à lasainteté des Awlâd sîdî ash-Shaykh, et qui sont devenus Tijânî-s à la suite desdissensions internes entre les fractions de la tribu de Awlâd sîdî ash-Shaykh.

Une lettre du général Texier envoyée au gouverneur général de l'Algérie, parled'une fraction des Awlâd sîdî ash-Shaykh qui s'était affiliée à la Tijâniyya. L'auteurde cette lettre commente ainsi l'événement: "...de plus la fraction la plus remuantedes oulad sidi cheikh, les oulad Brahim, ont renié leur ancêtres, pour s'attacher auxTedjini, et il serait à Craindre que cette circonstance ne réveille les vieilles haines desmarabouts»(IJ). Le conflit entre les Awlâd sîdî ash-Shaykh Shrâga (de l'Est) et Ghrâba(de l'Ouest) est derrière cette affiliation, qui avait poussé cette fraction jusqu'à rejeterl'ascendant religieux de la confédération maraboutique des Awlâd sîdî ash-Shaykh.

P. Bourdieu, disait: "En d'autres tribus, c'est l'ascendant moral et religieux desmarabouts qui a servi de ciment. Au voisinage des zawiyah-s les plus vénérées sesont formées des tribus «maraboutiques» dont les membres se considèrent commedes descendants du saint et s'attribuent, en même temps que le nom du marabout,une noblesse religieuse"t12l.

Cette question est plus complexe qu'on ne croyait et il faut l'étudier sous l'angle desalliances, surtout que 'Ayn-Mâdî est devenue plus un centre politique que religieux.

Le conflit entre les Tijânî-s et les Tijâjna-s : Quand les saints occupent le Qsar

Il est important de rappeler que le lignage des Tijanî-s, celui du saint fondateur,s'était opposé au lignage des Tijâjna-s, constitué des habitans originaires du qsar de'Ayn-Mâdî, et qui seront chassés par les Tijânî-s et leur alliés, les membres de tribusvivant aux alentours du qsar. Pour dinstinguer entre le saint fondateur et son petitfils qui porte le même nom, on a rajouté un grand 1 pour le premier et un grand IIpour le second.

Afin de montrer les différences du fonctionnment des deux lignages, il nous aparu utile de parler en quelques lignes des alliances patrimoniales des Tijânî-s quis'inscrivent dans l'exogamie et la polygamie, contrairement aux Tijâjna-s dont lesmembres étaient endogames!')'. C'est en dehors de 'Ayn-Mâdî et avec les membresinfluents du lignage spirituel, les caïds et les notables que les alliancespatrimoniales du lignage tijânî ont été effectuées. Auparavant, le fondateur étaitmarié à une femme appartenant au lignage de- ses futurs ennemis et qui sont lesTijâjna-s. Ce qui explique pourquoi le fondateur porte le nom at-Tijânî et aussicomment la rupture s'était produite entre les deux lignages.

(II) Une lettre du Texier, Gal Cdt la subdivision de Mascara au GGA, en date du14 Nov 1862,CAOM, FGGA, 16H44.

(12) P. Bourdieu: "Sociologie de l'Algérie", P.U.F, Coll.Que sais-je? 1970, 127p. pp. 75-77.(13) H. ElBoudrari : "La maison du cautionnement, les shurfa d'Ouezzane, de la sainteté à la

puissance", thèse de 3éme cycle, Paris, EHESS, 1984, 340p, p. 61.

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A LA RECHERCHE DE LA THEORIE DE LA SEGMENTARITE D'E. GELLNER 55

Les origines socio-politiques du conflit

Les Tijâjna-s ont continué à s'opposer aux Tijânî-s et à tous les étrangers avantla fondation de la Tijâniyya et cela jusqu'à la fin du XIX' siècle. C. Edouard parlede «Sidi Ahmed (at-Tijânî 1) qui avait eu à lutter contre les turcs et contre un partidissident de son ordre, quittait la zaouïa d'Aïn-Madhi pour s'établir à Fès»<l41. Cetémoignage parle à tort de la dissidence menée par les Tijâjna-s au sein de laTijâniyya. Les Tijâjna-s même s'ils portent le même nom que les Tijânî-s n'ont pasfait partie de la confrérie. C. Edouard a confondu l'identité tribale et l'appartenanceconfrérique, chose courante dans les travaux coloniaux de cette époque. Les récitsde voyage des pélerins marocains montrent que les Tijâjna-s étaient attachés à lasainteté des Awlâd sîdî ash-Shaykh et aussi à la Nâsiriyya.

Quelques années plus tard, les Tijâjna-s étaient chassés vers Tiaret et Alger. Cesderniers n'ont pas renoncé à la lutte et c'est vers 1820 et en 1822, que les Tijâjna-sappuyés par les Turcs, venaient attaquer le Qsar de 'Ayn-Mâdî. Ces attaques étaientrepoussés par les deux fils d'Ahmad at-Tijânî 1<15'. L. Rinn dit: "...Des dissidents,Tidjadjna expulsés d'Aïn-Madhi par sid Ahmed, et réfugiés dans le Djebel Amour,amenèrent avec eux, contre ce Ksar, des contingents d'Arabes de l'Ouest. L'attaqueayant complètement échouée, les Tidjajna vont implorer le secours du bey d'Oran,Hassen, qui vient mettre le siège devant Aïn-Madhi, en 1820 de J-C.(l235-1236H.).Les Tidjanya achetèrent, moyennant 100.000 Boudjou (riyyâl) d'argent.l'éloignement du bey. Ce dernier accepta l'argent, puis canonna le Ksar pendant 36heures, tenta plusieurs assauts fructueux et finalement dut rebrousser chemin aprèsavoir éprouvé des pertes sérieuses<l6'''.

Des opérations, du même genre, furent effectuées après le siège du Qsar parl'émir 'Abd al-Qâder en 1838 et après la soumission de la cité aux autoritésfrançaises'I7'. Ces opérations n'ont connu l'échec que grâce au soutien de latroisième fraction du Qsar de 'Ayn-Mâdî. constituée d'étrangers, qui se sont alliésaux Tijânî-s, et surtout grâce à l'aide des nomades qui campaient autour du Qsar.Riyyân Ibn al-Mushrî (m.188!), muqaddem tijânî et caïd de 'Ayn-Mâdî, a puformer une sorte de milice. constituée par des étrangers mais sans réussir àétouffer la contestation des Tijâjna-s ( ils ont pu garder 14 maisons et quelquesparcelles au sein du Qsar de 'Ayn-Mâdî ). Cela signifie que l'introduction de laTijânîyya dans ce Qsar, vient de l'extérieur et qu'elle est l'œuvre des étrangers,

(14) C. Edouard: "Si Ahmed Ben Mohammed Et Tidjani", pp. 289-92, L'Algérie Nouvelle, 2'''''' année,W19.9 Mai 1897, p. 290.

(15) M.Simian. op.cit, p77.Muhammad al-Kabîr meurt tué dans sa guerre contre les Turcs et trahi parses alliés la tribu de l'émir 'Abd al-Qâder en 1827.

(16) L.Rinn : Marabouts et Khoualls, p. 423.(17)Nous considérons que les conflits intérieurs avec les Tijâjna-s et extérieurs contre l'émir 'Abd al­

Qâdcr (1839-40), ont été derriére la soumission des Tijânî-s à la France. C'est en 1840, queMuhammad as-Sghîr, le fils d'Ahmad at-Tijânî 1, avait donné son concours au Maréchal Valée,voir, L.Rinn : Marabouts et Khot/alls, p 427.

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puisque Ahmed at-Tijânî 1 n'a fait que de très rares apparitions dans la citél18'. Les

mêmes difficultés se sont présentées à ses deux fils qui ont été obligés de faire desséjours intermédiaires à Tamasîn avant d'entrer à 'Ayn-Mâdî, après la mort dufondateur en 1230H1l815.

Peut-on considérer le mouvement d'Ahmad at-Tijânî 1 (m. 1815), comme étantaccompli par des étrangers? Ces derniers sont arrivés à aliéner un bon nombre deterres appartenant aux Tijâjna-s, qui ont été soumis, par la suite, à des corvées1l9

'. Lemême schéma s'applique à Laghouat où les Awlâd Sarghîn étaient Tijânî-scontrairement à leurs ennemis les Ahlâf. A. Skîrej confirme que ces derniershaïssaient le fondateur de la Tijânîyya, auparavant, alors qu'actuellement, ils sontpour la plupart Tijânî-sI20

'. Ce changement est dû à la politique des çoffs etnotamment à l'alliance entre les Tijânî-s et le chef des Ahlâf-s, Ahmad b.Sâlem quisera nommé par les autorités coloniales à la tête de la ville de Laghouat'2I '.

Avec l'exil d'Ahmad at-Tijânî II (m.1897) à Alger et en France, le conflit s'estaccentué à 'Ayn-Mâdî et dans les alentours. Ahmad at-Tijânî II recommande auMaréchal de calmer les esprits des opposants (Tijâjna-s), et lui demande en casd'impossibilité de l'autoriser à changer de localité'221

• Ahmad at-Tijânî II, n'a jamaiscessé de parler de changement de localité, cela montre les fragilités de sonattachement au Qsar et l'opposition des Tijâjna-s.

Les échos relatifs à ce conflit se sont multipliés à cette époque et le Général Cdt lasubdivision de Médéa écrit, au gouverneur général de \' Algérie, àce propos: "Depuismon voyage à Laghouat, je suis littéralement assailli par les réclamations et les lettresanonymes écrites par des habitants du Qsar ou des Qsars appartenant à l'un ou l'autredes deux çoffs qui se divisent la contrée. Il en est de même pour 'Aïn-Madhi...Car il

(/8) Depuis son inslallation à Fès. Ahmad at-Tijânî 1. s'est rendu une seule fois à 'Ayn-Mâdî.Cela estarrivé en 1813. deux ans avant sa mort. où il ne resta que quelque jours.Voir. L. Rinn.op.cit. p. 422.L. Berrady : Les C/lOrfas d'Duezzane, le Makllzen el la France, 1850·1912. Thèse de doctorat de3'"~ cycle. Université de provence. faculté des lettres et des Sc.humaines. Juin 1971. 294p.pl J Le sharif s'installe au Jbel Bûhlâl dans un climat de menaces des tribus environnantes.

(J 9) CA DM, 16H44. dans une lettre adressée par le cdt de Laghouat à Mr le colonel de la subdivisionde Médéah. rapporte que Riyyân Ibn al-Mushrî( 1796-7/13déc 1881 était le wakil de Muhammadat·Tijânî et surtout: "...son confident et son serviteur le plus fidèle. Riyyân avait trois fils,Muhammad. Ahmani et Ahmad, le premier était caïd des caïds dans le cercle de Géryville etaussi caïd de Tadjmout, ce qui veut dire que la famille de Riyyân, était sur le point d'instaurer à'Ayn-Mâdî et Géryville un système caïdal.

(20) A.Skîrej : Kashf al-Hijâb, p. 468.(21) 16H44, lettre écrite le Il Ramadan 1287H/ par Ahmad at-Tijânî Il au Maréchal Lalmah,

Gouverneur d'Alger. Ahmad at-Tijânî Il rend Riyyân responsable de sa déportation et de son exil.Pendant son exil en France et l'impossibilité de son rentrée en Algérie, Ahmad at·Tijânî li avecle consentement des Français avait désigné l'Agha 'Ali ben Ahmad ben Sâlem comme sonprocureur pour dériger ses biens à 'Ayn-Mâdî. Ce qui montre l'implantation de la famille d'Ahmadb. Sâlem au sein de 'Ayn-Mâdî.

(22) CADM, FGGA. 16H44, lettre écrite par Ahmad at-Tijânî II à Mr le Maréchal, Duc de Magenta,GGA, Alger le 1 Juin 1866.

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A LA RECHERCHE DE LA THEORIE DE LA SEGMENTARITE D'E. GELLNER 57

serait difficile pour ne pas dire impossible, de vouloir mettre d'accord les deux çoffsqui, à 'Aïn Madhi comme à Laghouat, se disputent la suprématie et ne reculent devantrien, pour noircir leurs adversaires aux yeux de l'autorité supérieure"(23).

Partant du fait que le lignage des Tijânî-s a été un parti dans ce conflit, est-ilpossible de parler d'un lignage saint qui gère à la fois Baraka et violence?

La notion du lignage saint reste équivoque, du moins pour la Tijânîyya et lathéorie de la segmentarité d'E, Gellner24' semble être dénuée de son fondement,l'arbitrage, dans un milieu ambiant, celui qui engendrera la création de la confrérieTijânîyya. Ahmed at-Tijânî l, était un saint qui fuyait les Qsars à la recherche d'unereconnaissance et des alliances qu'il n'a pas trouvées à 'Ayn-Mâdî. Le mécanisme desalliances est un élément moteur dans l'établissement de la Tijânîyya à 'Ayn-Mâdr2~'.

Conflit religieux et structure foncière

La structure foncière à 'Ayn-Mâdî a connu de profonds changements suite auxdéparts des Tijâjna-s qui ont été chassés par les Tijânî-s à l'époque des Turcs et surtoutaprès le départ d'une deuxième vague, suite au siège du Qsar par l'émir 'Abd al-Qâder.

Cependant, la situation allait changer après la soumission du qsar aux autoritésfrançaises. Le commandant de la division d'Alger fait le constat suivant: «Deux partissont en lutte: le vainqueur fait la loi au vaincu, l'expulse et confisque ses biens. AïnMadhi fait sa soumission au gouvernement français, les expulsés demandent à rentrer: pour des considérations politiques, leur demande n'est pas accueillie»(261. Muhammadas-Sghîr, le fils d'Ahmed at-Tijânî 1 (m. 1853), appelle à lui ses alliés pour habiter'Ayn-Mâdî. "Il (Muhammad as-Sghîr) rappela à lui tous les gens des environs pourrepeupler et reconstruire le qsar en ruine. Beaucoup d'étrangers se présentèrent, ilsfurent mis en possession des maisons et jardins ayant appartenu aux gens qui ontabandonné la cause de Tedjini. Ces derniers, sauf les propriétaires de quatorzemaisons plus six jardins et demi, ne songèrent à rentrer à Aïn Madhi que lorsqu'ilsnous virent maître de Laghouat, encore cette autorisation leur fut-elle toujoursrefusée, parce que l'on craignait que leur retour n'amenât de graves désordres"(271.

Voici le témoignage des protagonistes: Ibn al-Mushrî caïd du qsar et tijânî convaincuparle du départ des Tijâjna-s à l'époque des Turcs, les désigne comme des intrigants et

(23) CAOM, FGGA, 16H44, le Gal Cdt la subdivision de Médéa au GGA, en date du 19 Nov 1879.(24) E.Gellner : Saints of the Atlas, Chicago, 1969. Idem: "Cornent devenir Marabout", pp. 1-44,

B.E.S.M, W128, 1975, traduit de l'anglais en français par P.Coatalen. La théorie de lasegmentarité a été largement révisée, voir à ce propos le travail d'A. Harnmoudi : "Segmentarité,stratification sociale, pouvoir politique et sainteté: Réflexions sur les Thèses de Gellner",Héspéris-Tamuda, vol XV, Fasc.unique, 1974, ppI47-80.

(25) Voir à ce sujet D. Robinson: lA guerre sainte d'al-Hâjj 'Umar, Paris, éd Karthala, 1985.(26) CAOM, FGGA,16H44, le Gal de Div, Cdt la Div d'Alger au Maréchal Duc de Malakoff, GGA,

Alger, Août 1882(27) CAOM, FGGA.16H44, le Gal de Div, Cdt la Div d'Alger au Maréchal Duc de Malakoff, GGA,

Alger, Août 1882

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,.

affirme que le domaine a vendu les maisons et Jardins des Tijâjna-s aux brâwiyya-s,étrangers alliés des Tijânî-s1281

• Contrairement à ce témoignage, les opposants Tijâjna-sdénoncent dans une lettre adressée au Maréchal gouverneur d'Alger, le caïd Riyyân,qu'ils considèrent comme un étranger venant du Shallala, de la province de Géryville.Les Tijâjna-s se présentent comme des originaires du Qsar et ils ont même parlé del'historique du Qsar et de la venue des ancêtres du fondateur de la Tijânîyya. Cette lettrea été envoyée par la Jmâ'a, assemblée, de 'Ayn-Mâdî (les Tijâjna-s).

Voici un extrait de cette importante lettre où les Tijâjna-s· dénoncentl'appropriation de leurs terres et maisons par les Tijânî-s et leurs auxiliaires, lesétrangers, et vont jusqu'à contester les titres de sharifisme et de sainteté aux Tijânî-s.Ces derniers sont à chaque fois nommés par le terme marabout, mrâbet et jamais parcelui de sharîf ou de saint:

"Monsieur le Maréchal, Gouverneur de la province d'Alger (... )ceci est un écrit de la part des Tijâjna-s, du Qsar du désert, nommée'Ayn-Mâdî, dans la province de Laghouat et son caïd Riyyân, quiest un étranger, lui et sa famille, originaire de Shallala du«Gouvernement» d'Al-Riod (Géryville). Ceci est l'histoire deschangements survenus depuis les anciens temps jusqu'à la venuedes Français. Depuis longtemps, nous vivons écrasés par l'injusticeet aujourd'hui nous vous informons de l'affaire. La famille duM'râbet (at- Tijânî ) est venue s'installer, à 'Ayn~Mâdî, à l'époquedes Turcs. Des maisons et des jardins leur étaient offerts par lesgens du pays (les Tijâjna-s ). Des étrangers, des voyous et des gensdu Sahara se sont approchés des Tijânî-s et se sont mis d'accordcontre les gens du pays (les Tijâjna-s ). Une guerre a éclaté et afaitcinq morts parmi les gens du pays qui ont quitté le qsar et ils sontallé à Alger pour demander le secours du Sultan d'Alger, à l'époquedes Turcs. Un sultan, nommé le Rey Hassan d'Oran, nous est venuen aide. Une fois au courant, les M'râbet-s (les deux fils dufondateur: Muhammad al-Kabîr (m. 1827) et Muhammad as-Sghîr(m. 1853)) sont partis chercher le secours des gens du désert,arabes et qsouriens, pour venir avec leurs armes combattre lesultan. Après cela, on est sorti avec nos armes et on a combattu lesultan, mais une fois le sultan parti après la victoire du M'râbet, cedernier nous a ordonné de satisfaire les besoins des combattants,venus du Sahara, et de les prendre en charge, car dit-il, une partiede nos frères ont fait venir le sultan contre les M'râbet-s. Aprèscela, le M'râbet est allé s'installer à Laghouat pendant trois ans.Au cours de la quatrième, il a commencé à mobiliser les qsourienset les bédouins pour nous combattre. Il nous a détruit nos cultures

(28) CAOM, 16H44. d'Ibn al-Mushrî Riyyân au colonel Nervil, 10 Rabî' II, 1279H.

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et si notre vie est sauve, c'est grâce aux remparts, sans cela il nousaurait anéantis. Après une trêve de deux mois (... ) il est revenu deLaghouat et il a appelé les qsouriens, qui sont rentrès au Qsar enprofitant du moment de la paix et a pu emprisonner tous les gens dupays, puis il a choisi vingt-cinq personnes et il les a tués. Ils étaienttous des notables, des gens du pays, des membres de la Jamâ'a etdes tolba-s (savants et faqîh-s ).

«Après cela, ils ont hissé les drapeaux, Sanjâqât-s, et il(Muhammad al-Kabîr ) est allé à Mascara combattre le BeyHassan. Ce dernier est arrivé à le tuer, lui et ses compagnons, etc'est son frère (Muhammed as-Sghîr) qui lui a succédé. Ce dernierest mort (... ) à Laghouat et a laissé deux enfants (Sîddî al-Bashîr(m. 1911) et Ahmad at-Tijânî 1/ (m. 1897)) qui sont avec le caïdRiyyân. Deux années après la mort du M'râbet, ce sera l'arrivée desFrançais, que Dieu les rend toujours victorieux. Avant celd29

!,

c'était le début du mouvement d'al-Hâjj 'Abd al-Qâder (l'émir 'Abdal-Qâder) dans le Tell et le M'râbet (at-Tijânî ) dans le désert où ila essayé de soumettre les Qsars de Tawîla au Jbel Amour, puis il estvenu au Qsar de Stîtan, puis au pays nommé al-Ghîcha au JbelAmour, qui ont évité le combat et l'évacuation de leur pays par leversement de quarante mille francs.

«Quant à nos frères, ils sont partis par crainte de représailles et ilsse sont installés à Tiaret et se sont soumis aux autorités françaisesafin d'éviter un nouveau massacre. Nous avons déjà parlé dumassacre de nos frères dans les Qsars du Sahara, ce qui les apoussés à fuir vers le Tell. Ce qui a permis au M'râbet des'approprier beaucoup de leurs jardins et de leurs maisons et il afait pareil avec nous. Quand al-Hâjj 'Abd al-Qâder a entenduparler du M'râbet, il est venu dans le Sahara et il lui a demandé lasoumission. Mais ce dernier avait lui répondu: «Tu es sultan et jele suis aussi...

«L'année (des Tijânî-s) a subsisté grâce au blé déposé dans les silosde 'Ayn-Mâdî, par les arabes (bédouins et gens extérieurs au Qsarpour préserver leurs récoltes.)

«(... ) Ensuite, ils nous ont chargés de servir les 'visiteurs de lazâwiyya qui viennent de Tunis et Fès. On prend en charge mêmeleurs bêtes. Les pauvres, panni nous, qui se plaignent de cesexactions, voient leurs terres et maisons confisquées et sont chassésen dehors du Qsar. A l'arrivée du Gouvernement des français, on adéposé plainte auprès du Gouverneur Dubarail, mais ce dernier a

(29) La lettre des Tijâjna-s ne respecte pas l'ordre chronologique des événements.

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soutenu Riyyân. Il (Dubarail) est allé, même, jusqu'à nousemprisonner pendant cinq mois à Laghouat, puis trois mois à Djelfa enplus des amendes à payer (. .. ) Quant aux terres et maisons de nosfrères qui sont dans la province de Tiaret, Monsieur le Gouvemew; lesa soustraits à Riyyân qui les avait exploités auparavant. Ce qui a faitmonter la tension entre nous et Riyyân, qui nous menace de vendre nosterres et maisons. Les emprisonnements et les amendes sont devenusnotre lot. Pire encore, Riyyân est arrivé avec l'aide de Krouss à vendreles terres et les maisons de nos frères à Tiaret ,. demandez à cesderniers, ils habitent encore dans la région. A l'arrivée de De Sonis, ona pu récupérer quelques propriétés, mais Riyyân est parvenu à nous lesenlever. Certes, vous croyez aux propos de Riyyân etjamais aux nôtres.Aujourd'hui, les pauvres ne pourraient se plaindre, Riyyân pouvait toutanéantir. Il a l'argent et connait le juge,. seuls ceux qui ont de l'argent,pourraient parler aux gouvemeurs, et avoir accès à la justice. Tout lemonde est délivré de l'injustice, les Juifs, les esclaves et nous attendonsde l'être aussi. Dieu vous a permis le trône et nous vous demandons denous trouver un endroit pour nous installer. Sachez que tout le mondeest resté dans son Qsar et que nous sommes les seuls à qui notre Qsara été pris, par Riyyân qui afait venir des étrangers"I.IO).

Ce témoignage prouve que l'installation des Tijânî-s à 'Ayn-Mâdî étaitimpossible sans le soutien des étrangers au Qsar. Cela montre, encore une fois, lechangement radical survenu au Qsar de 'Ayn-Mâdî avec l'émergence de laTijânîyya. Ce bouleversement sera accentué par le senatus-consulte de 1863,facilitant le partage et la commercialisation des terres de type 'Arsh'3I '. La politiquedes alliances avec des familles étrangères au Qsar allait sans doute pousser Ahmadat-Tijânî II à déposer une demande auprès des autorités militaires afin d'obtenirl'autorisation pour l'installation à 'Ayn-Mâdî de 30 familles d'AI-Ghîsha du Jbel'AmoUl~32'. L'Agha ad-Dîn, un des grands notables de la région, s'est opposé audéplacement des 30 familles et les autorités militaires n'ont pas donné suite à lademande d'Ahmed at-Tijânî Hm,.

On ne pourraît donc que mesurer à quel point le choc entre le système social etfoncier «endogame» des Tijâjna-s et le système «exogame «des Tijânî-s abouleversé la vie au sein du Qsar, permettant ainsi la fondation et la diffusion de laTijâniyya. Il faut dire aussi que l'administration coloniale qui a étoufé lesaspirations des opposants tijâjna-s, a contribué largement à l'implantation de lajeune confrérie tijâniyya.

(30) CAOM, FGGA, 16H44, lettre sans date écrite par les Tijâjna-s vers 1870.(31) P. Bourdieu: Sociologie de l'Algérie, P.U.F, Que sais-je? 1970, 127p, p. 71.(32) CAOM, FGGA, 16H44, du Gal de Div, Cdt la pee d'Oran, au Maréchal, GGA, Oran, le Il Avril

1866,IOp, p. 2.(33) Idem, pp. 4-8.

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La Tijâniyya d ses ramifications en Afrique de l'Ouest : les origines de laHamawiyya

Le passage de la Tijâniyya vers le sud

Les contextes de la fondation de la Tijâniyya et de la Hamawiyya sont différents;les raisons de leur création ne sont pas les mêmes. La confrérie Tijâniyya avaitrevêtu divers aspects du vivant du fondateur avant qu'elle ne soit marquée parl'empreinte personnelle des successeurs, bien que ces derniers aient continué à sedéclarer très attachés aux préceptes de la confrérie. Ces continuateurs appartenaientdans la plupart des cas au lignage spirituel. Ce qui montre que l'évolution d'uneconfrérie ne pourrait que s'étouffer au sein d'un lignage saint.

Je pense qu'une grille de lecture opposant une Tijâniyya algérienne soumise auxautorités coloniales et une Tijâniyya 'umarienne opposée à ces mêmes autoritésn'est pas satisfaisantel

)41. Il faut rappeler que la Tijâniyya 'umarienne dotée d'unvaste empire couvrant presque toute l'Afrique de l'Ouest allait chuter suite à laconquête française et surtout avec la prise de Timbuktu et de Ségou entre 1890et1893. La ville de Nioro, dernier bastion des 'Umariens, va voir la naissance de laHamawiyya qui va faire de l'ombre à la Tijâniyya 'umarienne. Dans la traditiontijânîe ouest africaine, la distinction entre Tijâniyya «douze grains», la 'Umarienne,et la Tijâniyya "onze grains", la Hamawiyya, est basée sur la lecture d'une prièreconnue sous le nom de la Perle de la Perfection. Les 'Umariens la lisent douze foiset les Hamawî-s onze fois. Cependant, les raisons de la fondation de la Hamawiyyaet son opposition à la Tijâniyya 'umarienne ne reposent pas uniquement sur cettedifférence spirituelle. Il faut chercher les raisons de la fondation et du conflit dansla configuration sociale et aussi dans les enjeux politiques et religieux de laTijâniyya maghrébine et de la politique musulmane française.

Nous proposons donc une relecture de la fondation de la Hamawiyya sousl'optique de la concurrence entre lignage saint et lignage spirituel et suivant lesmodalités de l'entreprise individuelle et des conflits tribaux où allait s'implanter lanouvelle confrérie. Il faut rappeler que la Hamawiyya est parmi toutes les confrériesreligieuses musulmanes, celle qui a le plus à voir avec l'histoire.

Je vais tenter dans cette étude de suivre le fondateur de la Hamawiyya,Muhammed Lakhdar (m. 1909) à travers ses périples, essentiellement à partir destraces laissées dans les archives coloniales. Le nom de la confrérie ne porte pas sonnom mais celui du shaykh Hamallâh (mort en exil à Montluçon en France vers1843) initié à la Tijâniyya «onze grains «par Muhammad Lakhdar vers 1905-6.

(34) Voir mon introduction in Robinson. D et Triaud.J.-L, Réflexions sur la naissance de la Tijâniyya,in La Tijâniyya : une confrérie musulmanne à la conquête de l'Afrique, pp. 19-33. p. 27, édsKarthala, 2000 et ma thèse, Entre Hagiographie et histoire, les origines d'une confrériemusulmanne maghrébine: la Tijâniyya, thèse de doctorat N.R, Université de Provence, Aix-En­Provence, 1998).

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Peut-on dire que lorsque la politique musulmane française touche au spirituel,les agissements des acteurs religieux sont perçus comme des assauts contre cettemême politique, comme dans le cas de la Hamawiyya ? Ainsi en est-il du rapportde R. Arnaud (1906) sur Muhammed Lakhdar'35). Je vais utiliser ce rapport parmid'autres sources coloniales, pour avoir une meilleure connaissance de MuhammedLakhdar et montrer à quel point ce dernier s'est nourri du projet colonial, et desuivre ses pérégrinations jusqu'à son arrivée à Nioro, où il va jeter les bases de laHamawiyya. On verra ainsi l'écart qui sépare les antécédents du mouvementfondateur, que je tente de mettre en évidence, et les modes d'implantation etd'essaimage de la Hamawiyya(36)..

Le projet d'envoi d'un émissaire tijânî au sud du Sahara

Notre point de vue est qu'au départ, vers 1896, il Ya eu un projet des autoritéscoloniales françaises de fonder une tarîqa tijâniyya en Afrique de l'Ouest, rattachéeà la Tijâniyyya algérienne, pour contrer l'influence de la Tijâniyya 'umarienne dansla région de Nioro, et limiter l'influence de la Tijâniyya marocaine, à une époqueoù le Maroc est encore indépendant. Ce projet colonial peut paraître étrange. Maisla documentation disponible montre pourtant qu'il a existé.

L. Rinn avait constaté en 1884, date de la parution de son ouvrage Marabouts etKhouans, que la Tijâniyya pourrait constituer un ordre confrérique « national» quiserait en mesure de rendre divers services à l'administration coloniale et de réduirela marge de manœuvre des autres confréries dites anti-françaises(31,. De leur côté,Depont et Coppolani parlent du projet de faire intervenir la Tijâniyya dansl'entreprise de rattachement de l'Afrique de l'Ouest à l'Algérie, et leur idée quiconsistait à se servir de la Tijâniyya pour faciliter la pénétration française enAfrique sub-saharienne ou encore au Maroc était à l'ordre du jour. C'est dans cetteperspective qu'il faut comprendre les divers envois, sur ordre de l'administrationfrançaise, de lettres et de personnages des zâwiyya-s algériennes vers ces contrées.

Le nombre et la nature de ces envois étaient toujours déterminés par uneinquiétude permanente de tout ce qui pourrait nuire aux intérêts de la France et parl'ambition de mettre à contribution la Tijâniyya pour soumettre les régions agitéesou celles à conquérir. Louis Rinn parle de l'envoi de lettres des zâwiyya-s d"Ayn­Mâdî et Tamasîn au shaykh Ahmadou, fils d'al-Hâj 'Umar (m. 1864), en Octobre eten Décembre 1882, lettres qui étaient demandées par le gouverneur général del'Algérie Tirman pour être remises au colonel Borgnis-Desbordes en mission àSégou et au Fouta dans le Soudan français.

(35) Je remercie M. B. Soares d'avoir attiré mon attention sur l'importance de ce rapport.(36) Voir la thèse de Savadogo. B, Confréries et pouvoirs. La Tijâniyya Hamawiyya en Afrique

Occidentale, Thèse de doctorat N.R, 2 vols, 1998. Brenner. L, Réflexions sur le savoir islamiqueen Afrique de l'Ouest, Centre d'étude d'Afrique Noire, lEP, Université de Bordeaux 1, 1985,103p., Hamès. C, "Cheikh Harnallah ou qu'est-ce qu'une confrérie islamique (tanqa), Archives deSciences sociales de religions, N° 5511, 1983. Soares. B. F, "The spiritual Economy ofNioro duSahel : [slamic discourses and practices in a Malian Religious Center", Ph. D. diss.,Northwestem University, 1997.

(37) Rinn. L, Marabouts et Khouans, Alger, A. J Libraire, 1884, 552p, pp. 436-440.

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C'est dans ce contexte que le gouverneur général de l'Algérie décida d'envoyerun émissaire ou plusieurs au Sénégal et au Soudan pour implanter une Tijâniyya anti­'umarienne, et pour rattacher la Tijâniyya ouest-africaine aux zâwiyya-s algérienneset réduire ainsi l'influence de la Tijâniyya marocaine jugée anti-françaisef381.

Le projet avait été conçu après la prise de Ségou en 1893, et surtout à un momentde vives tensions avec les autres puissances coloniales, notamment l'Angleterre etl'Italie. Le gouverneur général de l'Algérie, Jules Cambon, avait demandé au ministrede France à Tanger de lui envoyer des renseignements sur les rapports entre les tijânî­s algériens et marocains, et notamment sur les hizb-s et wird-s tijânîs de la zâwiyya deFès et sur les différences qui existaient avec ceux des zâwiyya-s algériennesC39J. Legénéral Collet Meygret qui avait mené cette enquête avait conclu "qu'il était difficilede connaître les tendances de certains moqaddems à professer des doctrinesdifférentes de celle de si Ahmed Tidjeni"(40l. Un autre rapport avait souligné lesrelations entre les régions de l'A.O.F hostiles à la conquête, et la zawiyya de Fès, etse demandait si les Tijânî-s algériens pourraient : "envoyer vers le Sénégal, un oùplusieurs émissaires auxquels le gouvernement pourrait assurer aide et protection"(4Il.

Après de longues enquêtes sur les différences entre les zâwiyya-s et leurs wird-sdans tout l'Ouest de l'Afrique (Algérie, Maroc, Soudan français), le choix des autoritéscoloniales s'était porté, pour le réaliser, sur Muhammad ben Ahmad al-'Abdellâwî parl'intermédiaire de Ahmad at-Tijânî II, de la zâwiyya de 'Ayn-Mâdî. Mais ce dernier nesera pas envoyé comme émissaire tijânî en Afrique de l'Ouest (On y reviendra).

Muhammad Lakhdar as-Suhaylî

Au moment même où se préparait la mISSIon d'Abdellawî, en avril 1898(presque cinq mois avant l'arrivée d'al-'Abdellâwî de Fès), est arrivé deConstantinople un certain Muhammad Lakhdar as-Suhaylî, déjà en contact avec lesautorités françaises. C'était un Algérien originaire de TaybetC42'. MuhammedLakhdar as-Suhaylî était à Constantinople en 1897 en compagnie de son beau-frèreMustapha ben Mahmoud et de son beau-père Muhammed al-'Ubaydî, un cousin deMâ' al-'Aynayn qui n'a pas pu s'imposer au sein de la confrérie Fâdiliyya (fondée

(38) Ce projet est aussi lisible dans les traditions orales de la Hamawiyya qui : "...soutiennent queshaykh al-Akhdar voyagea au sud du Sahara, à la recherche du nouveau khalifa, appelé à succéderà al-Hâjj Umar. Brenner. L, Réflexions sur le savoir islamique en Afrique de l'Ouest, op. cit, p. 41.

(39) C.A.O.M, P.G.G.A, 16H51, du gouverneur général de l'Algérie au ministre de France à Tanger,9 août 1896.

(40) Idem.(41) C.A.O.M, P.G.G.A, 16H51, du général Pédoya, cdt la division d'Alger à M. le GGA, Alger, le 27

sept. 1899.(42) Cette localité se trouve non loin de Guemmâr dans la région d'El Oued et compte deux z.âwiyya-s

dirigées par les membres de la famille de La'rûssî. Voir C.A.O.M, F.G.G.A, 10H24, Noticedescriptive et statistique sur le cercle de Touggourt, adressé le 29 janv. 1903 au bureau Arabe deTouggourt par le lieutenant adjoint de deuxième classe.Déjà en 1870, les marabouts de cette localité ont tenté de s'émanciper de la zâwiyya de Tamasîn.Voir C.A.O.M, F.G.G.A, 16H45. Et une lettre datant de 1882 envoyée par Cajard, général cdt lasubdivision de Batna au général cdt la division de Constantine, parle d'une tentative de créer unezâwiyya dissidente à Taybet El Guebliyya.

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par le père de Mâ' al-'Aynayn Muhammad Fâdel). En effet, à Constantinople al­'Ubaydî avait tenté de fonder une zâwiyya tijânîe. La comespondance entre legouverneur général de l'Algérie et le chargé d'affaires de France en Turquie parle decette tentative et c'est alors qu'on se préoccupa d'al-'Ubaydî, cqnsidéré à tortcomme sujet algérien (de Constantine). Les zâwiyya-s de Tamasîn et Guemmârfurent mises au courant de cette affaire, et les chefs des deux zâwiyya-s nièrent quele personnage ait été affilié à la Tijâniyya. Or, Muhammad Lakhdar reconnaîtra aucours de son interrogatoire par L. Arnaud en 1906 (on y reviendra) la sympathie deson beau-père pour la Tijâniyya et sa reconnaissance de la supériorité de celle-d 4J1

A leur arrivée en mois d'Avril 1898 en Algérie, les voyageurs furent arrêtés.Muhammad al-'Ubaydî fut arrêté et mis sous surveillance, àcause de ses allures loucheset de son mutisme sur ses origines. Le rapport du gouverneur général de l'Algérie statuesur la vraie identité d'al-'Ubaydî : "En effet tout ce qu'il nous a été possible d'apprendrede lui sur ces points c'est qu'il se nommerait El Hadj Mohamed ben Larbi (...) mais ilest à remarquer àce sujet qu'il voyageait porteur de papiers, notamment d'un passeportétabli en langue turque et délivré sous un autre nom que celui qu'il se donne»'44J.

Muhammad Lakhdar de son côté fut arrêté et interrogé par les autoritéscoloniales qui voulaient savoir s'il connaissait al-'Ubaydî. Lakhdar nia toute relationavec lui et feignit d'avoir été accompagné par son beau-frère et par une troisièmepersonne restée en Tunisie. C'est ainsi que Lakhdar réussit à éviter qu'on établisseun quelconque rapport entre lui et al-'Ubaydî, qui était son compagnon àConstantinople. Le complot de Lakhdar est visible puisqu'il a partagé les rôles avecson beau-père : Lakhdar se présentait aux autorités françaises pour accomplir unemission favorable aux autorités coloniales en Afrique et al- 'Ubaydî fut chargé decréer une zâwiyya tijânîe à Constantinople. Le refus des zâwiyya-s algériennes duprojet de création de zâwiyya àConstantinople et leur ignorance de la personne d'al­'Ubaydî considéré par les autorités coloniales comme un intrigant ont réduit à néantce projet. Muhammad Lakhdar al-Suhaylî n'avait donc pas le droit de compromettresa mission en se présentant avec son beau-père lors de sa venue en Algérie.

A Constantinople Muhammad Lakhdar avait fait la connaissance du consul deFrance (il exhiba à son arrivée en Algérie une carte de ce consul le recommandantaux autorités coloniales). Et durant cette même année 1897, de Constantinople, ElHadj Muhammed Lakhdar al-Suhaylî qui se donnait le titre de sharif, avait envoyéune lettre au Ministre des affaires étrangères et au Président de la République, enson nom et au nom de son beau-frère Mustapha ben Mahmoud. Dans cette lettre,Muhammed Lakhdar se plaignait du mutisme des autorités françaises qui nerépondaient pas à des lettres qu'il leur avait envoyées. Il écrivait: «Nous n'avonspas d'amitié pour d'autres que vous; car s'il en était autrement, nous aurions rendu

(43) CAOM, 75APOM 9/13, R. Arnaud, mission de 1906, Kayes, Rapport sur le marabout MohammedMoktar ben Abdallah

(44) C.A.O.M, F.G.G.A, 16H45, du gouverneur général de l'Algérie au général, cdt la division deConstantine, Alger le 20 Juillet 1898.

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à l'Angleterre un service qu'elle nous demandait. En effet, l'ambassadeur de cettepuissance, à Constantinople, ayant appris notre liaison avec notre ami, AhmedTidjeni El Abbasi, l'un des chefs de tribus du Soudan (anglais), nous demanda unservice, nous promettant en retour de nombreux dons et cadeaux. Mais nous luirépondîmes que nous ignorions ce qu'il voulait nous dire et nous le quittâmes". Ilcontinuait: " Nous prions Dieu de nous dédommager des frais que nous avons subisdurant 20 mois, et des fatigues de voyage que nous avons éprouvées. Le devoir desrois était de marcher sur les traces de leurs prédécesseurs ; car les souverainsd'autrefois répondaient à ceux qui s'adressaient à eux, soit par la négative, soit parl'affirmative. Actuellement, nous nous rendons à Alger pour visiter notre cheikh (lecheikh d'Ayn-Mâdî ou celui de Guemmâr ?); de là nous reviendrons à Tunis".

Un rapport désigne en effet les voyageurs comme Tunisiens résidant au Il, rueBab Souika, à Tunis, et voyageant avec des passeports délivrés par le représentant dela France à Beyrouth. Par les mentions du passeport, nous connaissons leur trajet,Tripoli 24 février 1898, Kairouan 8 avril.

Lors de l'arrivée des deux hommes en Algérie (Avril-Mai 1898), ils furent doncarrêtés. Muhammad Lakhdar fut photographié et on lui fit passer une visitemédicale. Le rapport médical mentionne : "C'est un homme jeune, aux cheveuxchâtains, à la barbe noire, et si peu fournie près des oreilles qu'il semble exister ence point une solution de continuité entre la barbe et les cheveux; il souffre des yeuxque le médecin a déclaré atteints de kératite infiltrée ancienne, il ne semble pasporter plus de 35 ans, mais en accuse 40, sa taille est de Im60, (il) a plutôt le typesémite que le type arabe.". Cette fiche a été établie à Alger le 10 Mai 1898. Par lasuite, le passeport indique le trajet suivant: Thala 31 Mai, Tébessa 9 Juin, Batna 21Juin, Biskra 2 Juillet, El Oued 14 Juillet.

Ils se rendirent à la zâwiyya de Guemmâr au mois de Mai 1898 dans le butd'obtenir des crédits pour rattacher les tribus du Soudan anglais (des Tijânî-s selonLakhdar) à la cause française, ce qui montre bien, on y reviendra, que les gens deGuemmâr le connaissaient. On trouve sans doute l'écho des projets de Lakhdar de serendre au Soudan anglais, dans un ouvrage d'Hampaté Bâf4~). Ces deux "Tunisiens"ayant fait état de leurs rapports avec le Soudan, les autorités françaises se rendantcompte du caractère louche des deux personnages, menèrent une enquête sur leurprojet de voyage et sur leurs rapports avec les dignitaires du Soudan anglais; ilsconclurent que «ces gens n'ont jamais voyagé dans le Soudan et qu'ils paraissents'ingénier à nous faire illusion afin de voyager et de se recréer à nos frais".

Néanmoins les autorités coloniales demandèrent à Muhammad La'rûssî, deGuemmâr, de se renseigner sur le personnage pour savoir s'il pourrait êtreéventuellement envoyé en mission avec al-'Abdellâwî. On s'interrogeait sur le faitde savoir s'il fallait choisir entre les deux missionnaires ou s'ils pourraient êtreenvoyés tous les deux. La'rûssî déclara que Muhammed Lakhdar et son compagnon

(45) Vie et enseignement de 7ierno Bokar. p. 59.

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étaient : " ...des exploiteurs de la charité publique ; mais ( il ) ne les croit passusceptibles de rendre le moindre service dans les missions qu'ils disent solliciterde notre part"'46'.

Et pourtant, Muhammad La'rûssî dut estimer qu'il pouvait s'en servir pour sespropres projets. et il apposa son cachet sur J'ijâza de Muhammed Lakhdar, ijâzaobtenue. selon ce dernier, d'un Tijânî en Syrie. Muhammad La'rûssi lui donnaégalement une ijâza avec la version "onze grains". Pourquoi La'rûssî, qui avait dit auxautorités coloniales que Lakhdar et son beau-père étaient incapables de mener à bienune mission, lui a-t-il donné une nouvelle ijâza, et surtout une ijâza onze grains?

Cette conduite contradictoire suggère une récupération du projet colonial parGuemmâr. On peut penser en effet que, dès cette date, La'rûssî a décidé d'exploiteret de détourner le projet colonial, en fondant une Tijâniyya "onze grains", contre les'Umariens (en fait pro-Français) en Afrique de l'Ouest, et en rattachant cetteTijâniyya "onze grains" à la zâwiyya de Fès, ce qui était aussi contraire au projetcolonial. Les deux hommes furent autorisés à quitter Guemmâr.

On ne sait pas si, de son côté, Muhammad al-'Abdellâwî reçut une ijâza avec laversion "onze grains". On sait seulement, selon L. Rinn, que son père délivrait desUâza-s avec la version "douze grains"'471, et que les sources arabes font état de sonappartenance à la Tijâniyya "douze grains".

Les difficultés de la stratégie française et l'échec du projet

Après quatre années de recherches sur les failles, les différences et l'influencespirituelle et politique de toutes les zâwiyya-s tijânîes au Maghreb et en Afrique del'Ouest, le projet d'envoi d'émissaires au Sénégal et au Soudan avait pris unecertaine consistance. Mais la logique coloniale s'est heurtée à la stratégie ducolonisé. Et de ce fait, le gouverneur de l'Algérie et les commandants desubdivisions se sont trouvés dans une situation délicate.

En effet, les renseignements donnés par Sîdî al-BashÎl",48 1 d"Ayn-Mâdî niaienttout rapport permanent entre la zâwiyya de Fès et celles de l'Afrique de l'Ouest etespérait ainsi prendre en charge la mission envisagée par les autorités coloniales.Les autorités françaises n'avaient pas compris que le chef d' 'Ayn-Mâdî n'était pasle chef d'un ordre centralisé et qu'il était ignorant des affaires de la Tijâniyya endehors des Tijânî-s qui lui étaient dévoués.

D'autre part, dans la zâwiyya de Guemmâr Sîdî Muhammed La 'rûssî quin'avait pas raté l'occasion de montrer son savoir, supérieur à celui de sîdî al-Bashîrd"Ayn-Mâdî, et d'afficher nettement sa volonté de servir le projet français,donnait, contrairement à Sîdî al-Bashîr, des renseignements concrets sur les

(46) Du général Dechizelle. cdt la division de Batna. à M. le général. cdt la division de Constantine.Batna. le 17 déc. 1898.

(47) Rinn. L. Marabouts et Khouans. Alger. 1884. pp. 416-418.(48) Il s'agit du chef de la zawiya d"Ayn-Mâdî qui a succédé à son frère en 1897.

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rapports réels entre la zâwiyya de Fès et l'Afrique de l'Ouest: "L'action desTidjania marocains s'exerce surtout au Sénégal et au Soudan français occidental oùles khouans de l'ordre sont bien plus nombreux que dans l'oued Guir et auSOUf'»1491. Mais le chef de Guemmâr n'avait pu donner satisfaction en ce quiconcernait ses rapports avec les Tijânî-s ouest-africains, qu'il ignoraitcomplètement. Le jeu de La'rûssî était de nier toute relation avec les Tijânî-s deces régions pour signifier aux autorités qu'il y avait là une mission à tenter et quipourrait lui revenir. En effet, Depont et Coppolani disaient en 1897 : "Il (La'rûssî)est le seul membre de sa famille qui ait entretenu des relations suivies avec lesaffiliés éloignés de la zâwiyya-mère, particulièrement avec les Ahbab (disciples)du Sahara et même du Soudan)",501.

Les contradictions entre les déclarations du chef d' 'Ayn-Mâdî et celles de Guemmârallaient nourrir un doute chez les autorités françaises qui avaient une troisième sourcede renseignements. En effet, les ministres et les gouverneurs des colonies en Afriqueaffirmaient l'absence de toute influence de la Tijâniyya algérienne en Afrique de l'Ouestcontrairement à la zâwiyya de Fès dont la présence était reconnue.

Quelle suite donner au projet après quatre années d'investigation ? Etait-ilpossible que l'administration coloniale suscite l'envoi d'un émissaire lié à 'Ayn­Mâdî alors que Sîdî al-Bashîr ignorait quels étaient les Tijânî-s influents et mêmeles noms des Tijânî-s au Sénégal et au Soudan français ? Il avait fallu aussil'intervention du gouverneur de l'A.O.F pour se renseigner et établir une liste demuqaddem-s tijânî-s, qui pourraient être contactés par les chefs des zâwiyya-sd' 'Ayn-Mâdî et de Guemmâr. Le shaykh de Tamasîn avait demandé également "quel'autorité (coloniale) lui fit connaître les noms des cheikhs ou muqaddems influentsdu Soudan et du SénégaL",5I,. Comment les zâwiyya-s algériennes pourraient-ellesmener un projet visant à déstabiliser l'emprise de la zâwiyya de Fès en Afrique del'Ouest et à changer le visage de la Tijâniyya 'umarienne anti-française et liée à laTijâniyya marocaine?

Devant une telle confusion et surtout devant la logique de la politiquemusulmane française qui fonctionnait selon l'opposition entre pro-français et anti­français, le gouverneur général de l'Algérie se résolut au dernier moment àsuspendre le projet d'envoyer des émissaires au Sénégal et au Soudan.

Muhammad ben'Abdellah Lakhdar à Nioro : un saint peut en cacher un a.utre !

Le nom du missionnaire Muhammad Lakhdar a été souvent présenté sous lagraphie "Sîdî Muhammad ben Ahmad ben 'Abdallâh", par les sources

(49) C.A.o.M. F.G.G.A, 16H51, rapport des affaires indigènes de Constantine adressé à M. legouverneur général de l'Algérie, 16 fèv. 1897.

(50) Depont. 0 et Coppolani. X, Les confréries religieuses musulmanes, Alger, 1897, p. 436.(51) C.A. a.M, F. G. G.A, 16H51, rapport des affaires. indigènes de Constantine adressé à M. le

gouverneur général de l'Algérie, 16 fèv. 1897.

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contemporaines de 1906 à 1916'52'. Arnaud ajoute "Lakhdar" en 1906, comme lessources tardives, telles que A. Traoré et F. Dumont. La position des historiens de laHamawiyya jusqu'ici est que cette confrérie a été fondée par un certain sharîfMuhammad Lakhdar venu du Touat vers 1900-1901, et rattaché à la zâwiyya deTlemcen par Tahar Ben Bûtayyeb (A. Hampaté Bâ/A. Traoré 1J. Abun-Nasr).

Muhammad Lakhdar n'est pas venu du Maroc mais sans aucun doute de l'Adraroù résidait son beau-frère al-'Ubaydî. Il faut retracer l'itinéraire de MuhammadLakhdar depuis la Tunisie en passant par le Taybet EI-Guebliyya, le pays Touareget enfin le Soudan français. La Tunisie était le lieu de refuge de MuhammadLakhdar après son départ de l'Algérie, Taybet El Guebliyya était sa région d'originede même que le pays Touareg est considéré comme la région qui était en rapportpermanent avec La'rûssî et Guemmâr et dont les serviteurs Touaregs ont toujoursjoué le rôle d'intermédiaire entre ces derniers et les disciples soudanais. Enfin, leSoudan français était le lieu choisi pour l'accomplissement de la mission.

Les propos tenus par Lakhdar lors de son arrestation à Bamako en 1906, sontconcluants. R. Arnaud rapporte que Muhammed ben 'Abdellah dit Lakhdar lui a ditqu'il venait tout récemment de prendre le wird tijânî et qu'au départ, il n'était qu'unsimple chasseur à Taybet El Guebliyya.

Selon Arnaud, Muhammad Lakhdar était allé vers le Maroc et l'Adrar. Avait-t­il rencontré alors Muhammad al-'Abdellâwî à Fès?

Quoi qu'il en soit, le rapport d'Arnaud, datant du 16 Mai 1906, confirmel'arrestation de Muhammad Lakhdar à Bamako et en fait une description quiressemble à celle déjà donnée dans la fiche médicale établie à Alger en 1898 :"Cet indigène de race blanche, a toute l'apparence d'un ksourien du sudalgérien ... ". R. Arnaud lui donne alors environ 50 ans (s'il accuse 40 ans selon lafiche établie en 1898, il aurait donc 48 ans en 1906). Des tensions, sans doute àpropos des ziyâra-s (qu'il ramassait, selon Arnaud) s'étaient déjà manifestées, onl'a vu, avec les Tijânîs "douze grains". n avait attiré des disciples (il dit à Arnaudqu'il avait le don d'attirer la sympathie) et avait commencé à donner le wird "onzegrains". Il confirma à Arnaud qu'il était originaire de Taybet (El Guebliyya), maisil lui dit aussi qu'il souhaitait retourner dans le Sud mwocain qu'il présentaitcomme son pays d'origine. Il disait qu'il était affilié à la zâwiyya de Tlemcen parTahar Ben Bûtayyeb (m. 1878), qu'il avait résidé à Fès, et qu'il s'était installé parla suite dans l'Adrar, au côté de son beau-père Muhammad al- 'Ubaydî, mortdepuis deux ans (vers 1904)'-531.

(52) Archives nationales de Bamako (Kouloubà), 4H19, rapport sur les confréries religieuses. Nioro,le 12 juin 1913, adressé par Bernard, l'administrateur du cercle de Nioro à M. le gouverneur duHaut-Sénégal Niger, 10 p. Dans un autre rapport, l'administrateur Bernard parle de "sidiMohammed ben Ahmedou ben Abdellah", 4E4, 1916.

(53) Selon les déclarations faites à Arnaud par Muhammad ben'Abdellah Lakhdar. Ce dernier déclareque sa femme, donc la fille d'al- 'Ubaydî, s'appelle Lalla Mariem. De ce mariage naîtra sa fillequi s'appelle Khadija mint (fille de) Lakhdar.

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On retrouve dans les propos qu'il tint à Arnaud des thèmes financiers déjàabordés dans la lettre écrite à Constantinople en 1897 : il trouve "que la Francequoique n'ayant pas beaucoup d'argent est plus forte, tout de même, que Ma el'Aïnine (Mâ' al-'Aynayn), qu"Abdoul Hamid (le sultan turc) est plus fort et plusriche que la France (... ) il n'y a qu'un souverain au monde qui puisse battre laFrance, c'est le sultan Abdoul Hamid, dont la richesse et la puissance sontincalculables"'54'. Et R. Arnaud n'a pas manqué d'attirer l'attention sur la nature despropos qu' "il (Lakhdar) met en circulation sur les événements de l'Adrar (Mâ' al­'Aynayn) et la puissance du sultan (turc et qui) sont de nature à tromper la crédulitédes noirs". Muhammed ben 'Abdellah Lakhdar confirme à R. Arnaud en 1906, qu'ils'est heurté à Murtadâ Tall, le fils d'al-Hâjj 'Umar, sur la question de la validité dela version "douze grains" et de la version "onze grains". Lakhdar dit que la version"douze grains" n'est pas valable et s'attaque aux Tijânî-s 'umariens qui exploitentleurs disciples en exigeant ziyâra-s et cadeaux. On trouve dans les archives deBamako un rapport de P. Marty sur les confréries religieuses en 1916, qui note :"Soutenu par les traitants ouloufs (Wolofs), assez nombreux et fort riches, il formaun petit cénacle et lutta contre les 'Umariens, qui lui tinrent tête"LI51, ce qui confirmeque les heurts entre les partisans de la Tijâniyya "onze grains" et ceux de laTijâniyya "douze grains" avaient déjà commencé peu avant son interrogation parArnaud en 1906. La chronologie de la mission Muhammad Lakhdar et son arrivéeà Nioro doit être corrigée. Lakhdar est venu du Touat en 1900. Il aurait déclaréHamallâh khalife en 1902. On ne peut pas être d'accord avec cette version. Etant néen' 1886, Hamallâh n'avait que seize ans en 1902. Ceci mérite d'être mentionné pourbien saisir l'aspect bizarre d'une mission qui a visé un jeune «saint» (Hamàllâh), àla fois peu savant et inexpérimenté. Les sources coloniales contemporaines de lamission affirment qu'il a commencé sa prédication à Nioro en 1906-7, et cela nousparaît valable. De fait, un rapport datant de 1905 signale l'arrivée de "Muhammedben 'Abdellah" dans la région de Nioro et conclut que: "les marabouts ambulantsse prétendent en général possesseurs des hauts titres tantôt dans la hiérarchie de leurordre religieux, tantôt dans celle de l'étole soufique... '561 ".Une autre fiche derenseignements sur Hamallâh, datant de 1911, parle ainsi de son choix : "Il(Hamallâh) a été fait moqaddem des Tedjeni par cheikh sidi Mohammed, chérifvenu du nord-est en 1905; son maître est mort depuis trois ans"'571. La même noticeaffirme que Hamallâh a été: "reconnu cheikh des Tidjania par tous les Maures etquelques Soninkés; il n'en tire aucune fierté et affirme qu'il n'y a qu'un seul chef

(54) CAOM, 75APOM 9/13, R. Arnaud, mission de 1906, Kayes, Rapport sur le marabout MohammedMoktar ben Abdallah

(55) Archives nationales de Bamako (Koulouba), 4H4, rapport sur les confréries religieuses, Nioro,1916.

(56) Archives nationales de Dakar, 15GI03. "Rapport de l'administrateur de Satadougou à M. legouverneur des colonies écrit en 1905" mais rapporté par ce même gouverneur de colonies le 22juin 1906.

(57) Archives nationales de Dakar, 15G103, "Fiche de renseignements concernant le nomméHamallâh", 31 déc. 1911.

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des Tidjania, celui qui est à Fès, et dont il ignore le nom",58,. Ceci montre que laguerre des ziyâra-s en Tunisie et en Algérie, qui avait opposé Guemmâr à 'Ayn­Mâdî, avait trouvé son catalyseur, "la version onze grains", et s'était transférée duMaghreb vers la région de Nioro.

Ainsi la mission de Muhammad Lakhdar, qui a passé sous silence le rôle deGuemmâr, s'inscrit dans la situation de la Tijâniyya au Maghreb et en Afrique del'Ouest. Lorsque Lakhdar et La'rûssî ont compris que la Tijâniyya 'umariennecollaborait avec les autorités coloniales sur place, Lakhdar a cherché dans lazâwiyya de Fès, classée comme anti-française, une source de légitimation pour fairepasser la version "onze grains" et s'attirer des adeptes et des ziyâras. La version"onze grains" légitimait l'adhésion à la Hamawiyya. D'autre part, si on admet quela version "onze grains", donnée d'ailleurs aux autorités coloniales et à MuhammadLakhdar, était une pure invention de La'rûssî, la stratégie suivie par MuhammadLakhdar contre la Tijâniyya 'umarienne , est bel et bien la stratégie françaisecomme le montrent clairement les sources coloniales.

Tel est le profil de Muhammed Lakhdar qui n'a pas eu de succès auprès desautorités coloniales mais qui a réussi à reprendre le projet de la mission un momentenvisagée par ces autorités. Ainsi, il a jeté les bases d'une Tijâniyya "onze grains"imaginée, semble-t-il, par les autorités coloniales et Guemmâr pour contrecarrerl'influence de Fès, et il l'a fait au contraire, sans rompre le contact avec les Tijânis"douze grains" de Fès. Comment faire la part chez cet homme, dans cedétournement du projet primitif, entre l'ambition de créer sa propre confrérie etl'esprit de résistance à la colonisation?

Les propos tenus par Lakhdar à R. Arnaud confirment cet esprit de résistancechez cet homme qui ne cessait pas de parler de Mâ' al- 'Aynayn, et surtout du sultan'Abd al-Hamîd, capable selon lui de battre la France. Ces propos ne confirment t-ilspas le fait qu'il y avait un décalage entre la résistance du "cœur", celle de Lakhdaret de Guemmâr, et la collaboration par le "calame" dans la Tijâniyya algérienne?

Conclusion

On a essayé de montrer comment la fondation de la Tijâniyya est survenue dansun climat de tensions au sein de 'Ayn-Mâdî et comment la création d'une confrériea permis àdes groupements sociaux de rompre avec un passé social et culturel. C'estpourquoi on a traité la question dè l'affiliation à la Tijâniyya au niveau individuelet tribal. Ce rattachement, on l'a vu, ne s'est pas effectué sans difficultés. Ainsi, nila théorie de la segmentarité d'E. Gellner ni la théorie de l'emprise symbolique del'espace de H. El Boudrari (pour le cas de la Wazzâniyya), ne sont applicables auxorigines de la Tijâniyya, notamment à 'Ayn-Mâdî.

Les origines de la Hamawiyya montrent que la Tijâniyya n'est pas un ordre, ausens colonial du terme, qui "marche d'un seul pas"'591 , et que les conditions socio-

(58) Idem.(59) L'expression est de J.-L Triaud.

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politiques propres à un espace défini engendrent toujours une manifestationreligieuse particulière. Le cas de la Hamawiyya nous renvoie au caractère spirituelde la Tijâniyya, considéré comme définitif par son fondateur, et qui a été pourtantremis en question par les disciples et les chercheurs d'une sainteté et d'une barakaparticulière.

Nous pensons avoir montré que par le biais de la mission de "Muhammed benAhmed ben 'Abdellah", c'est une partie du projet français qui a été réalisé, à savoirla création d'une Tijâniyya différente de la Tijâniyya 'umarienne. Cependant, lescraintes de la politique musulmane française au sujet des Tijânî-s 'umariens allaients'amplifier avec la naissance de la Hamawiyya, qui fut la conséquence d'unepolitique musulmane française avec ses défauts et son acharnement. C'est cettemême politique qui a provoqué un demi-siècle de répression à l'encontre desdisciples de la Hamawiyya. Du secret spirituel, Hamallâh ne retiendra que lesconséquences d'un projet colonial récupéré par Muhammad Lakhdar.

On pourrait dire que c'est une première dans l'histoire du soufisme : laHamawiyya n'a pas pu produire une hagiographie liée à la démarche de son"fondateur" mais seulement un ensemble de louanges rendues au martyr(Hamallâh). On comprend mieux maintenant pourquoi la Hamawiyya repose surune simple opposition aux "douze grains»et reste donc prisonnière de cette grille delecture coloniale opposant les pro et les anti-français. On peut dire que Hamallâhn'a pas posé d'acte fondateur, mais qu'il a subi les conséquences d'une missionmenée par "Muhammad ben Ahmed ben 'Abdellah" agissant dans les conditionsque l'on a exposées.

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Hesperis-Tamuda, Vol. XLI, (2006), pp. 73·82

IMAGINAIRE SEGMENTAIRE ET CRISEPOLITIQUE EN ALGERIE : POUR UNE AUTRE

APPROCHE DU POLITIQUE.

KARIMRAHEM

C'est bien sûr avec beaucoup d'intérêt que nous nous sommes plongés dans lalecture des Saints du Haut Atlas de Gellner. Lecture tardive, malheureusement, quiaurait pu nous aider à éclaircir certains points d'un travail mené sur une population duNord Constantinois en Algérie. Lacune, certes, mais n'engageant pas le fond de notreproblématique. Non pas que nous n'ayons pas trouvé pertinent la description queGellner propose de l'Etat Ahansal du Haut Atlas marocain, ni même que nousrécusions le modèle théorique de la nécessité structurale dans un «systèmesegmentaire pur» à voir surgir en son sein des groupes religieux, asymétriques, ayantdes valeurs antagoniques aux laïcs, que dans une certaine mesure ils encadrent, idéesdéjà présentes chez Evans-Pritchard en la figure des hommes à peau de léopard chezles Nuers, ou celle des Senoussi en Cyrénaïque. Non pas non plus que nous fassionsnôtres les critiques archi-connues à l'encontre du modèle segmentaire, à savoirprincipalement que les sociétés segmentaires n'existent pas en soi, mais qu'elles sedéveloppent à la marge d'Etats centralisés, dont elles sont en quelque sorte larésultante, ni même que leur structure soit relative et oscille entre l'anarchie organiséeet la tyrannie (point soulevé par Gellner à propos de certains groupes berbèresmarocains), ou encore que la compréhension du système, et donc de ses équilibres,passe par la nécessité d'en relativiser la structure à chaque point de segmentation: lesystème n'active pas les mêmes ressources ni les mêmes principes à chaque niveau.

En fait, nous avons deux critiques à émettre qui, finalement, se rejoignent. Toutd'abord, le système segmentaire, dans la description qu'en fait Gellner, est étudié sousl'angle de sa seule dimension sociétale. Ce qui ressort aux imaginaires qu'ilprésuppose, selon notre point de vue, est éludé, bien que parfois effleuré. Gellnerramène les «institutions» du système segmentaire à ses seules nécessitésfonctionnelles, elles-mêmes inscrites dans sa structure: ce n'est pas parce qu'ilscroient à la malédiction possible des saints que les co-jureurs tendent à respecter leserment, mais bien parce que leurs actes les engage dans le long terme face aux autresgroupes; ce n'est pas parce qu'ils sont porteurs de baraka que les saints sont respectésmais parce que leur présence est un impératif du fonctionnement immanent de lasociété. Bien que parfois l'auteur nous affirme que «du point de vue d'un observateurextérieur ayant une approche sociologique, il semble que si les saints n'existaient pasoù ils se trouvent on aurait dû les inventer, et que du point de vue de ses membres, la

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74 KARIM RAHEM

sacralité du saint a permis l'arrangement », il reste que c'est la première perspectivequi est privilégiée. Les systèmes symboliques, les valeurs, les croyances des individusqui composent la Ahallsalya, et conditionnent, croyons-nous, leurs actions sont doncécartées de l'analyse: tout se passe comme si le système social fonctionnait en lui­même et pour lui-même, autour de sa seule structure. Quid de la manière dont sontproduits, façonnés même, les «guerriers segmentaires» et les «Saints ». La secondecritique, concerne, en fait la question de la pertinence actuelle du modèle gellnerien,et du modèle segmentaire en général, non pas d'un point de vue théorique ouépistémologique, mais concernant la manière dont il peut servir d'outillageintellectuel dans la compréhension des réalités contemporaines des sociétésmaghrébines. Cela nous amène à la problématique que nous avions soulevée dansnotre thèse, intitulée Le sillage de la tribu, imaginaires politiques et histoire enAlgérie, 1843 -1993. Nous tentions dans ce travail de mettre en évidence le fait qu'onne pouvait réduire les antagonismes politiques algériens à deux projets idéologiques,islamiste contre démocrate, ni même à des dimensions économiques, mais bien qu'enfiligrane était à l' œuvre un imaginaire, que nous n'avions pas hésité à qualifier, peut­être un peu rapidement et imprudemment, de segmentaire, héritage d'un passé tribal,refusé par les protagonistes, et occulté des travaux universitaires depuis longtemps.Tout se passait comme si de l'Algérie des tribus chère à la vulgate coloniale de laconquête à celle des années 1990, une discontinuité radicale s'était opérée, sans qu'ilsoit besoin de l'analyser. Camille Lacoste Dujardin regrettait déjà, au début desannées 1960, dans un article La modernité par excès de segmentarité, l'artefact créépar l'absence de corrélations entre les communautés paysannes 'et les fonctionnairescitadins dans les analyses des sciences humaines de l'époque, comme si lasegmentarité, c'est-à-dire la tribu, était renvoyée à un passé inéluctablement révolu.Pourtant, l'irruption dans les années 1980 et 1990 de mouvements politico-religieuxà fortes connotations identitaires allait briser les évolutionnismes implicites servant degrille de lecture à la sociologie de l'Algérie.

Pour nous, l'élucidation des ces phénomènes impliquait le retour à une lecturede l'histoire qui ne soit plus celle des partis, ni des mouvements idéologiques, nimême des événements cruciaux qui l'avaient rythmée, mais une observation au «rasdu sol» des supports anthropologiques, dans leurs procès de transformation, surlaquelle elle venait s'étayer. Peu nous importait alors le recours à la méthodestructurale, bien incapable de penser le mouvement de création historique, enferméequ'elle était dans le postulat de la synchronie, producteur d'un formalisme fixiste etdéterministe, qui à la limite ne donnait à voir de l' histoire algérienne qu'unempilement de sociétés se succédant de manière discontinue. Ce qu'il nous fallaitsaisir, c'était non seulement comment une société segmentaire produisait lesindividus et les groupes nécessaires à son fonctionnement (et de quels types, parquels schèmes etc.), mais aussi comment ceux-ci avaient trouvé les resscurces pours'adapter et produire de nouvelles configurations sociales (et donc de nouveauxtypes d'individus). Nous avions donc fait le pari d'un certain individualismeméthodologique, tempéré toutefois par la prise en considération des cadres

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sociologiques, et inscrit dans une macro histoire locale, en mêlant sourcesarchivistiques et données ethnographiques. C'est donc l'histoire d'un lignagealgérien des montagnes du Nord Constantinois, à travers une approcheprosopographique des individus le composant, qui a servi de topos à notre étude.

Ce lignage provenait d'une confédération tribale, les Zerdeza, ayant peu ou prou,avec quelques fluctuations suivant les époques et le hasard des armes, échappé aujoug de l'Etat ottoman jusqu'à la conquête française en 1843. Agropastoraux, enguene contre le makhzen et les tribus environnantes, alliées à celles plus lointaines,ils ne disposaient ni de chefferies héréditaires ni d'institutions spécialisées, et étaientcomposées d'un amalgame de tribus arabes et berbères venues se réfugier à diversesépoques dans la région. De nombreux groupes maraboutiques, implantés tant enplaine qu'en montagne, assuraient l'enseignement à une maigre élite rurale etpermettaient la protection et l'accueil des étrangers et des Turcs de passage. Lesconfréries, déjà en voie d'être absorbées par les marabouts, avaient fait leurapparition. La colonisation ne touchera les Zerdeza que sur les marges, leuradministration, jusqu'à la guene d'Algérie, se faisant sur un mode indirect.Contrairement aux groupes de la plaine, dépossédés de leurs meilleures tenes dès lesannées 1850-1860, ils conserveront pratiquement jusqu'à l'indépendance unecertaine cohésion sociale et des valeurs vivaces. Malgré les découpagesadministratifs en douar, les djemaa tribales continueront à fonctionner parallèlementà celles instaurées par le pouvoir colonial, les caïds seront choisis le plus souventparmi les gens du crû, leur arbitraire sera tempéré par les antagonismes locaux, etbien souvent ils n'eurent d'autres choix que de s'allier à l'un des soifdu douar dontils avaient la charge. Les cas de caïds assassinés furent fréquents et sont éloquents àce sujet. Le rapport à la colonisation, dans une société véritablement segmentaire, adonc été vécu de manière active et a produit des dynamiques spécifiques.

Passée la période de la conquête, et des révoltes, c'est dans un premier tempsl'introduction de la propriété individuelle qui modifie progressivement la structuresociale. Certains individus, cheikh ou kebar, parfois anciens militaires, ou ayantbénéficié d'un poste dans l'administration, profitent du senatus consulte de 1863 etdes lois sur la propriété foncière pour se tailler des domaines et vassaliserprogressivement leurs 'assabiyin. C'est le cas de Bou Ramoul, un personnage centralde notre étude. Né en 1889, orphelin à 12 ans, cadet de sa phratrie, il profite de lasolidarité active qui anime les membres de sa famille, et du fait qu'à la générationprécédente la plupart des oncles sont décédés jeunes, ce qui a empêché lemorcellement des tenes familiales, pour étendre ses propriétés. Il rachète avec sesfrères toutes les tenes des proches qui viennent de décéder ou celles des femmes dulignage mariées à l'extérieur. L'accumulation aidant, il étend son pouvoir dans ledomaine politique, devenant tout d'abord kebar de son lignage, puis de son clan,dont il possède déjà la majeure partie des tenes, puis enfin de sa tribu. Il en profitepour se créer un soif qui dépasse les frontières du douar et de la tribu et contracterdes alliances avec d'autres chefs de soff Cela passe notamment par des échangesmatrimoniaux. L'introduction de la propriété foncière a donc modifié la donne des

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hiérarchies dans l'espace tribal, les autres lignages sont vassalisés et aux générationssuivantes ne pourront pas espérer devenir à leur tour des kebar ; les soif, qui sont icilabiles et reposent sur le prestige et l'habileté d'un seul homme, vont avoir tendanceà se solidifier et devenir héréditaires. Bou Ramoul poursuit ses stratégiesd'expansion, en s'implantant à partir des années 1930 en plaine, dans le village decolonisation, achetant une maison et des terres. De maquignon, il devient exploitantagricole produisant du blé et des oliveraies, il modernise son exploitation, et ayantacquis une fortune suffisante, il partage avec ses frères les propriétés à l'exceptiondes terres ancestrales du douar. Il y a donc bien un mouvement d'incorporation desvaleurs économiques (expansion, souci de productivité) qui s'accompagne d'unprocès d'individualisation sociale (séparation d'avec les frères). Pourtant, c'estencore en termes segmentaires que sont légitimées les actions et le pouvoir de BouRamoul, même à l'heure actuelle par une de ses filles: c'est bien parce que c'est unhomme d'honneur, et qu'il a du courage, que Bou Ramoul est devenu chef de tribuet que les gens le choisiront un temps comme président de djemaa, et non parce qu'ilpossède toutes les terres ou, comme nous le supposons, parce qu'il emploie laviolence à l'égard des lignages les plus faibles et profite aussi de l'usure (rania ettsenia). Ce sont donc des traits intermédiaires que laisse entrevoir sa biographie:solidarité avec les frères, discours de l'honneur, emploie de la violence, alliancesmatrimoniales variées, et en même temps considérations économiques.

La génération suivante née en montagne, est tout d'abord éduquée selon desvaleurs tribales. La mère leur transmet la saga des anciens: ils se doivent d'être fiersde leurs ancêtres, d'imiter leur geste et d'assurer la défense de leur mémoire dansj'espace social. Ils sont inscrits d'emblée dans des cercles de solidarités etd'inimitiés, marqués par le degré d'affinité agnatique. La filiation conditionne lesentiment d'être de la même tribu, quand bien même l'introduction de la propriétéfoncière a modifié la nature de la compétition en son sein et divisé la société enkhammès et propriétaires. Les leurs se sont tout d'abord ceux du lignage, puis ceuxde la ferga, du clan, et enfin ceux de 1"arch, de la tribu. Au-delà de ces trois cerclesprimordiaux débute le monde des ennemis potentiels. Les récits des origines lesrelient à une chaîne d'ascendants, dont il faut être digne, et à une foule de cousinsauxquels on se doit, quelles que soient les causes et les circonstances, d'êtresolidaires. A travers la geste des anciens, récitée par leurs mères, ce sont les valeursde l'honneur, de la défense du nom et de l'identité lignagère qu'incorporent les petitsmontagnards. Le patriarcalisme qui hante encore la société s'alimente à la sourced'une économie affective de la cellule familiale spécifique. Le père est tout à la foisdistant et omnipotent, la sœur est possessive et dépendante à l'égard du frère, la mèreest fusionnelle et protectrice, tout en incitant au danger. C'est elle qui attise chez sesfils le sentiment du déshonneur qui, telle une épée de Damoclès, menace enpermanence leur intégrité morale et entraîne des compensations paradoxales parl'affirmation de la virilité et la promptitude aux querelles. L'angoisse de la castrationest inscrite avec intensité au cœur même des individus: ne pas répondre à l'insulte,c'est perdre le nif, le «nez », métaphore à peine voilée de l'attribut masculin, et la

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considération des siens. La geste des ancêtres, récitées par les femmes, surdétermineencore cette dimension en les enjoignant d'être à la hauteur des figures idéalesqu'elle décrit tout en les orientant, presque comme dans la pensée mythique, vers unpassé instituant tout autant qu'inaccessible. Bou Ramoul, devenu chef de soif,reproduit et transcende la geste des ancêtres, s'en accapare les attributs. Il serapproche par ses façons d'être, où ce qu'il en laisse paraître, où plutôt même par lamanière dont on le décrit, de l'archétype de l'homme tribal parfait. Il devient à sontour une figure de l'instituant à laquelle doivent se référer ses descendants, c'est dumoins ainsi que ceux-ci le perçoivent. Image patriarcale, autoritaire et lointaine. il lesinscrit dans une nouvelle «dette de sens», laquelle conditionne les valeurs dont ilssont porteurs en tant «qu'héritiers / débiteurs» du fondateur. Ils se doivent d'être dansleurs actions à la hauteur des valeurs de l'honneur, et ils restent toute leur vie sousl'injonction imaginaire de sa figure castratrice. La compétition entre eux estconditionnée par l'ombre de son souvenir qui en influence les normes: il fautacquérir son prestige, apparaître comme le plus digne de lui succéder. C'est direqu'elle commence à l'intérieur même du groupe familial, même si elle estcontrebalancée par la nécessité de s'affirmer solidaires à l'extérieur. On peut doncpresque proposer une typologie des schèmes de la «pensée segmentaire». Il y a toutd'abord omnipotence du patriarche et soumission des descendants à la normeinstituante. Les comportements sont mus par le souci de l'unité et le primat dugroupe sur l'individu. La temporalité est mythique, le passé est à la fois lointain,indistinct, épique par éloignement de la figure instituante (l'ancêtre fondateur), etmodèle à suivre; le présent est une dégradation, comme le montre par exemple lesrègles des prénoms où en tentant de s'accaparer ceux des ancêtres prestigieux, oncherche à reproduire la structure du groupe à l'identique. Les schèmes, qui découlenttous de celui, primordial, de l'honneur, sont constitués par un égalitarisme de tousdans l'institué; la lutte contre la hiérarchie, et pour la guerre, l'injonction à ladéfense du nom qui entraîne honneur viril et comportement pudique des femmes, laréférence et la manipulation au nom de l'ancêtre fondateur, véritable figurecharismatique. Le pouvoir, à la fois labile localement, tout en reproduisant le systèmesous les mêmes formes, se dégrade par déficit d'institution, négation del'institutionnalisation [la coercition des chefs est limitée, le procès de hiérarchisationbloquée], par la fragmentation des groupes si la démographie augmente ou unequerelle éclate, et la dissolution dans le temps des figures fondatrices. Cela entraîneune reproduction fragmentée à l'identique du système avec expansion prédatrice.

La geste du saint protecteur du groupe, Bou Tayeb, inscrit le personnage, maisaussi l'islam, dans l'univers du merveilleux. Par ses prodiges, sa karama, il incarnela vérité de l'Islam, il est la preuve de sa légitimité et de sa supériorité. Le mondevisible fait corps avec le monde invisible, celui des djinn, lequel conditionne lesattitudes et les pratiques. Bou Tayeb est un intermédiaire entre la nature et leshommes, entre le naturel et le supranaturel, un intercesseur avec la Transcendance,comme si le monothéisme de l'islam était obligé de t!"ansiger avec les vestiges d'unimaginaire, panthéiste et immanent, adapté aux réalités d'une société peu

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différenciée et tribale. Le sacré marque de sa présence le quotidien, mille signesl'attestent, Dieu n'est pas une entité abstraite et inaccessible et il n'y a pas dedédoublement entre l'Ici-bas et l'Au-delà fondateur. C'est donc une religiositéencore empreinte de magie et de superstition qui anime les montagnards zerdeza.Les pratiques de sorcellerie et d'exorcisme, la croyance en la possession, attestentdes tentatives de manipulation du sacré et témoignent d'un état d'esprit qui n'est pascelui d'un monothéisme pur, d'une soumission totale à l'absolu. Cela va de pairavec, non seulement un étagement du sacré, mais aussi son morcellement, chaquegroupe tribal se revendiquant de la protection d'un saint spécifique, qu'il idolâtrepresque. L'ethos segmentaire s'accorde donc avec l'islam magique des santons etdes marabouts. Ou plutôt, le marabout est une figure intermédiaire entre lesdifférentes formes radicales - «idéales typiques» - du sacré, entre un sacréimmanent et un sacré transcendant, entre le monde des ancêtres et celui de la loidivine. Figure paradoxale en ce sens que, presque contre la loi du monothéisme, parles rites et les pratiques idolâtres qu'il encourage, il en favorise en même temps ladiffusion, l'inscription dans les imaginaires locaux. Ce qui fait donc lacaractéristique de la société montagnarde, c'est la tension entre le pôle del'immanence et du segmentaire, institué par le 'orf, le droit coutumier, lui-mêmeincarné par les anciens, et celui de la transcendance «shari'que». Ce n'est donc passimplement par des nécessités fonctionnelles, celle de maintenir un état d'anarchieéquilibrée, sur lesquelles il s'articulerait que le système segmentaire est possible,mais bien parce qu'il est sous-tendu par un imaginaire instituant, une façon d'êtreau monde, où il puise ses schèmes et qui produit les individus qui l'incarnent.

La scolarisation, la vie dans le village de colonisation, implique la découverted'autres univers de signification, dont les enfants vont décrypter les codes de manièreparadoxale. Il y aura d'un côté identification à l'instituteur républicain, «sévère maisjuste », et à travers lui incorporation des valeurs des Lumières, et de l'autre révoltecontre la France réelle, celle du quotidien colonial. Mais, cette révolte se fera au nomdes valeurs républicaines et non pas au nom d'un djihad messianique, bien que cetteattente eschatologique anime une large part de la population rurale de la région: c'estainsi que Messali Hadj lors de son passage en 1952 est perçu comme le mahdi. Lecadet, le plus imprégné par l'école française, devient un fervent nationaliste, épris desvaleurs de Rousseau. Le père, poursuivant ses stratégies lignagères, marie l'aîné deforce à dix-huit ans avec la fille d'un petit propriétaire foncier, le destinant à reprendrela ten-e, le benjamin est à la medrasa franco-musulmane de Constantine, tandis que lesfilles, qui n'ont pas le droit d'aller à l'école, sont mariées à des cousins maternels. Leprocès de différenciation sociale et professionnelle est en cours, mais ne s'accompagnepas, pour reprendre les catégories de Louis Dumont, d'un «individualismeidéologique». Des lignes de clivage, porteuses d'ambivalences et d'attitudesparadoxales, se font jour, et c'est chez le cadet qu'elles sont le plus perceptibles. Ils'oppose à son père, auquel il reproche les stratégies ambiguës, et tient pour désuètesles valeurs de la société rurale, il s'unit à d'autres jeunes musulmans issus de tribusautrefois ennemies au sein du parti nationaliste, il développe un discours revendicatif,

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et donc réactif. Pourtant, dans sa praxis, et malgré l'éthique qu'il revendique, il resteprisonnier d'un «ethos segmentaire» : rixes avec les rejetons du prolétariat agricolelocal afin de les enrôler et se créer une clientèle, adhésion aux valeurs de l'unitéfamiliale, interdiction faite aux sœurs de se rendre à l'école, échanges de violenceréguliers et code du nifetc. L'autoritarisme contrebalancé par un égalitarisme affiché ­on ne délègue qu'à celui qui a du prestige et a fait ses preuves dans les joutesphysiques, mais possède aussi de l'éloquence - est peut-être à la source du zaïmisme,du clientélisme ainsi que du patriarcalisme hagiographique des fondateurs de la nationà l'indépendance. Il faut dire, qu'au sein de la population rurale, la pensée orale esttoujours à l'œuvre: c'est en terme mythique que l'on vante l'épopée des premiersmaquisards de la région, c'est l'héroïsme de leurs exploits, la dimension épique de leurgeste qui est contée au rythme des métaphores et des assonances du récit des témoinsde l'époque, et non pas la dimension rationnelle et idéologique de leur combat ; c'estencore contre le roumi que l'on se bat et non pas contre le système capitaliste colonial.La lecture du fait colonial et de la lutte pour l'indépendance est encore tributaire deschèmes segmentaires parmi les ruraux - mais pas seulement car s'y intercale desdimensions messianiques, lesquelles selon Max Weber émergent dans les sociétésissues de la tradition en crise. C'est ainsi, que l'écrasante majorité des harkis viennentdes zones du canton les moins pénétrées par le colonisateur. Quand bien même la tributend à devenir une fiction sociale - en voie de morcellement, elle est divisée enpropriétaires et khammès - les solidarités à l'échelle du lignage et de la grande familleindivise continuent à fonctionner. A certains moments, et malgré le chaos de la guerre,les soffse réactivent, poursuivant leurs stratégies propres, et viennent s'enchâsser dansun conflit dont la portée réelle leur échappe. Autant que guerre d'indépendance, leconflit est aussi une guerre civile entre modernité et passé tribal.

Après l'indépendance, le procès d'individualisation de la société va sepoursuivre. Pleinement inscrit dans la continuité des schémas évolutionnistes ducolonisateur, il se heurte aux réalités mentales de la population et engendrera àterme anomie et aliénation. Le retour des figures locales du nationalisme favorisede nouveaux clientélismes qui entrent en résonance avec les schèmes locaux.Lorsque ce système entre en crise, au détours des années 1970, ce n'est pas parcequ'il apparaît injuste (absence de démocratie, «passe droits », absence de critèreshiérarchiques basés sur la compétence), mais parce que le nouveau beylik (c'est leterme employé encore pour désigner l'Etat par de nombreux ruraux) ne remplit plusson rôle de redistribution de ressources, comme si une régression du politique parrapport aux années d'avant-guerre s'était opérée. Paradoxalement, contrairement aumythe d'une algérianité de toujours, indemne de contamination et qui exalte lefellah, la dépréciation du rural, du «paysan dépaysanné», se poursuit. Le Zerdeziest, dans la région, décrié comme un «sauvage «attardé, plus ou moins harki. Il netransmet plus les traditions orales et la geste des ancêtres à ses enfants. La guerre aprojeté des pans entiers de lignages, quand ils n'ont pas disparus, directement desmontagnes vers les villes du littoral et en France ; les camps de regroupementspendant sept longues années ont fini de casser les solidarités lignagères et les

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hiérarchies tribales ; la révolution agraire, décidée en 1971, achève le processus.C'est à la même époque que les processions rituelles des groupes sur les tombeauxdes saints, les zerda et les ziara, disparaissent: «koul wahad, wahdou, les gensn'ont plus besoin d'être solidaires pour travailler ensemble» disent les témoins del'époque. La terre n'est plus un enjeu des stratégies sociales, les mariagesendogames ont tendance à disparaître au profit de critère professionnels etd'appartenance loco-régionale. Pourtant, malgré cette dislocation brutale dessolidarités de fait, l'esprit d' 'assabiya se maintient au niveau des familles élargies.Les fils de Bou Ramoul, malgré des destinées hétérogènes, n'osent pas affirmer leurdésir d'indépendance. L'aîné, paupérisé par la collectivisation, reste jusqu'au décèsde son père sous la dépendance de celui-ci, et vit chez lui avec son épouse et sesenfants ; le benjamin, directeur de collège dans une ville du littoral, ne vient plusque rarement, mais se justifie malgré tout et affirme être soucieux de l'unitéfamiliale ; le cadet envoie de l'argent de France, où il est devenu médecin, ets'inquiète quant à l'avenir de la famille. Ils sont écartelés entre le souci de l'unité(pour des raisons culturelles et affectives - où interviennent les schèmes del'honneur et du prestige) et la nécessité de poursuivre une carrière professionnelleet une vie privée individualisée. A la mort de la mère, au début des années 1980,ces contradictions feront éclater le discours de l'unité et les descendants de BouRamoul se disputeront son héritage. L'aîné se plaignant d'avoir été sacrifié auxvolontés du père, vivant au seuil de la misère, refuse de partager avec le benjaminet ses sœurs (le cadet est décédé peu avant leur mère). Après les décès de l'aîné etdu benjamin, la lutte se poursuit mêlant désormais les petits-enfants et leurs tantes,et à travers les arguments et les menaces dont ils usent peuvent se lire lesantagonismes et les paradoxes de la société algérienne. Ceux (celles) du villagetraitent leurs cousines de la ville de hizb frança, voire de m 'tournia, de renégatesayant adopté les valeurs de l'ancien colonisateur ; au regard de ces dernières, lespremières, qui portent le hijab et ont des sympathies islamistes, sont des attardées.Pourtant toutes, que ce soit les «modernistes» ou les «traditionalistes» s'affirmentmusulmanes, aucune n'oserait se proclamer athée. Toutes aussi revendiquent le nif,le point d'honneur, et la horma, la pudeur. Celles du village sont aussi les premièreslettrées de leur famille, elles peuvent lire le Coran en arabe, et les premières àtravailler en dehors de l'espace familial. L'islam dont elles se revendiquent, demême que leurs cousines citadines, n'est pas celui du merveilleux de leurs grands­parents, il est même légitimé pour la portée scientifique, rationnelle, de sarévélation. Leur pudibonderie est le produit de l'urbanité et tranche avec lescomportements plus souples des anciens ruraux. Leurs frères eux-mêmes sont trèspeu prosélytes et pratiquent un islam débonnaire. Ce qui est en jeu, c'est malgrél'individualisation de fait du fonctionnement social, le maintien d'une idéologiecommunautaire et ce sont les femmes, plus que les hommes, qui en cristallisent lescontradictions. On les tient pour redevables de la réputation de leurs familles, ellesdoivent se soumettre à la loi du groupe etc. Ces contradictions échappent à lamajorité. Ainsi, les jeunes hommes rêvent de s'affranchir de leur famille, d'épouser

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un femme «évoluée », mais aux bout du compte s'accommodent des choix de leurmère, et épousent des «bent elfami/a» afin d'être «tranquille avec la vieille», de nepas s'exposer aux remarques des autres concernant leur femme etc. Au village, ceparadoxe peut se lire dans le maintien de la coutume du drap de la mariée : lavirginité de la fille est la garantie de l'honneur de son groupe. Le patriarcalismecontinue donc à hanter la société et les individus qui la composent, un ethos del' honneur dévoyé, sans les régulations sociales qui en assurait autrefois les limites,produit de l'anomie et de l'aliénation: les individus aspirent à autre chose etcontinuent à produire malgré eux ce qui l'empêche d'émerger. Il n'est pas jusqu'audiscours politique qui ne soit atteint et, comme jadis, ne pas être d'accord sur le plandes idées c'est être un ennemi, penser la politique, c'est la penser en termesclientélistes et utilitaristes : l'émergence d'un champ autonome, démocratique,n'est pas avalisé au niveau des inconscients. Finalement, la guelTe civile qui émergeau tournant des années 1990 trouve ses racines dans les contradictions d'une sociétéqui ayant tou~né le dos à son passé, mais au sens péjoratif, s'est inventée uneidentité fictive et décalée d'avec sa réalité. Le passé tribal évacué officiellement,c'est néanmoins en terme de 'assabya que l'identité algérienne s'est perçue malgrétout: l'altérité, pourtant au cœur même de la genèse de la nation, est niée; lesantagonismes sociaux inhérents à toute société étatique sont exprimés en termed'irréductibilité culturelle et pas seulement de la part des seuls islamistes: au hizbfrança fait écho l'anathème de harki jeté à la face des barbus. Malgré tout,l'individu est en marche. La figure patriarcale (Messali, Ben Bella, Boumediene etdans une moindre mesure l'essai de réactivation avec Bouteflika) accompagne lagenèse de l'Etat et marque l'apparition d'une hiérarchie dans un monde jusqu'icipeu stratifié - et en ce sens, nous sommes en accord avec Marcel Gauchet pourlequel le passage à l'Etat n'est pas rupture totale avec l'ordre mythique premier,celui des ancêtres démiurges. Il induit, cependant, l'introduction d'un principehiérarchique à l'intérieur de la société par la sacralisation de la figure du pèrefondateur, énonciateur de la loi -, l'islamisme, c'est-à-dire la revendication dutranscendant, d'un islam purifié de l'immanence maraboutique, prend en chargel'apparition de l'individu, la difficile transmutation de l'univers mythique de latribu à une société autonome. En effet, la transcendance inscrit les individus dansun nouveau type de dette. Par son éloignement extra mondain, contrairement aupatriarche fondateur posé dans la proximité et qui dicte le faire et le non-faire sansrecours possible, la source du sens n'est plus le monopole de quelques-uns etdevient potentiellement accessible à chacun. II y a contestation de l'ici au nom del'ailleurs fondateur, ou de l'altérité fondatrice. En ce sens, l'islamisme prend encharge, malgré lui, la modernité qui s'annonce. La référence à l'unique fondateurfavorise ainsi paradoxalement le multiple mondain, ouvre l'espace au débat et au«champ démocratique», le droit à l'expression de «l'Autre soi» et à un lieuconflictuel commun. Le processus est entamé, il passera à n'en pas douter parJ'éviction des vestiges d'un patriarcalisme essoufflé, des pâles figures qui('incarnent encore et tentent de le maintenir debout.

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C'est donc l'érosion du système segmentaire qui a servi de fil directeur à notreanalyse. Celle-ci a tenu compte des modifications de la structure sociale sous lescoups de boutoirs d'un individualisme sociologique qui, la pénétrant peu à peu, apermis sa disparition. Cependant, cette érosion nous avons tenté aussi de la lire dupoint de vue des valeurs, conscientes ou inconscientes. Cela nous a amené à ne pasadhérer totalement au modèle proposé par Gellner sur la réalité segmentaire. Eneffet, comme tente de le montrer notre travail, il y a eu maintien d'un imaginairesegmentaire au-delà de la disparition de la structure segmentaire ; plus que lastructure sociale, c'est l'univers monde symbolique qui nous paraît essentiel et quila présuppose. La difficile émergence du nationalisme, puis d'un Etat véritablementpolitique, en sont les stigmates, bien que cet imaginaire ne soit pas seul en jeu: il ya un imaginaire musulman avec lequel il ne se confond pas - et peut-être cela était­il vrai dès les débuts de l'islam comme Hisham Djaït le montre dans son étude delafitna el kubra - ; il Ya aussi un imaginaire républicain qui est venu se juxtaposersur des univers anciens sans qu'on puisse parler de métissage, mais plutôt d'unegreffe partiellement réussie. Aussi, n'est-ce pas tant le modèle structuralo­fonctionnaliste de la segmentarité qui nous a importé que l'idée d'une lutte contrela différenciation et des valeurs inconscientes qu'elle produit. En ce sens, nosréférences sont plutôt du coté de Pierre Clastres, Claude Lefort, ConéliusCastoriadis, Max Weber et Marcel Gauchet, à une critique près cependant: c'estque pour radicale qu'elles soient dans les principes, les discontinuités ne peuvents'effectuer dans la réalité sociale qu'en tenant compte des contraintes que le soclesociologique déjà là leur impose. Ce sont, croyons-nous, ces dynamiques, ou plutôtces approches en termes dynamiques, qu'il faut étudier pour penser les enjeuxanthropologiques actuels et non pas la recherche de modèle pur, formaliste etsynchronique.

KarirnRAHEM

Nantes le 06.10.2003

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Hesperis-Tamuda, Vol. XLI, (2006), pp. 83-90

LA CRIEE AUX TAPIS DE MARRAKECH:«L'ECONOMIE DE BAZAR» REVIVIFIEE

ALAIN DE POMMEREAU

En 1940, Jacques Berque évoquait la criée publique de Fès, la dellala, commeune institution «bien vivante»<1I. Trente ans plus tard, Clifford Geertz parlait au passéde celle de Sefrou. Dans cet intervale de temps, le nombre de dellal-s (crieurs) àSefrou s'était réduit à son cinquième. Il n'en restait qu'une dizaine, «survivantsdéguenillés d'une profession autrefois colorée et florissante»'21. La criée, Geertz n'afait que l'effleurer, se contentant de répertorier le dellal parmi les acteurs du souk, etne s'attardant guère sur les causes de son déclin. Il aurait été probablement surpris,trente-cinq ans plus tard, d'assister à une criée dans le contexte d'une industriemoderne comme le tourisme, aujourd'hui, dans le sud marocain. Y aurait-il vu uneétape dans un processus d'évolution vers un modèle économique moderne, ou plutôtun îlot représentatif et pérenne de ce qu'il appelait «J'économie de bazar» ?

Quelques criées au Maroc sont encore «bien vivantes». La criée aux effetsusagés, chaque après-midi, au Souk J'Ghzal de Salé; la criée aux tapis à Rabat. leslundi et jeudi matins, ou celle de Marrakech, chaque après-midi sauf celle duvendredi. Assiste-t-on aux ultimes soubresauts de J'un des derniers bastions d'ue vieéconomique «indigène» ? C'est tout le contraire : la criée aux tapis de Marrakechrépond à une conjoncture nouvelle. Elle est née il y a une vingtaine d'années dans unsecteur économique en expansion lié à un marché occidental. Depuis lors, commetout marché de notre économie, la production tapissière n'a cessé d'évoluer, tant parson organisation que par la nature des articles qu'elle met surIe marché. Lesboutiquiers-acheteurs de la criée de Marrakech ont été les premiers à en suivre 1esmétamorphoses, et la criée n'en a été en rien menacée. Elle n'est d'ailleurs le faitd'aucune folklorisation. Toute moderne qu'elle est, elle reste étonnament conformeau portait de la criée publique de Fès brossé par Jacques Berque.

Un système d'évaluation qui survit par l'économie féminine

Pressentant le déclin de la dellala, Berque rappelait J'ampleur qu'avait conu cemode de transaction, quotidien, appliqué à toutes sortes de denrées ou d'objets et

(1) Jacques Berque et G.H. Bousquet. «La criée publique à Fès. Etude concrète d'un marché». Revued'économie politique. 3.1940. pp. 320 - 345. Rééd. in Opf'ra minora. II, Bouchène, 2001. pp. 17- 33.

(2) Clifford Geertz. Le souk de Sefrou. Bouchène. 2003. p. 83.

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répandu dans le nombre musulman. Quelle marchandise n'avait pas sa criée? Lesproduits usinés dans la médina, les matériaux apportés de la campagne (bois, tanin,charbon, corde, fils, huile, etc.) avaient chacun la leur. Celtaines criées s'adressaientaux particuliers. Elles s'improvisaient sur la place publique pour vendre touteschoses: des reliquats d'héritage, des objets trouvés dans la rivière, des gibierschassés du jour, des manuscrits... Elles «naissaient spontanément», précisaitBerque, «en dehors de tout ordre».

La criée aurait été inhérente à la vie corporative. Elle était un passage obligépour tout objet sorti de l'atelier, fût-il racheté par son fabricant lui-même, expliquaitLouis Massignon en 1925')1. Par elle, l'amîn (prévôt) de la corporation contrôlait lesmalfaçons de la marchandise, gérait les conflits, et le mohtasseb (contrôleur desmarchés émanant du makhzen) prélevait la taxe. Les délaineurs vendaient ainsi auxtanneurs, les tanneurs aux babouchiers, et ces derniers aux boutiquiers. Lesmaraîchers vendaient aux fruitiers, les orfèvres au bijoutiers, etc. Instituée, en lieuet à heure fixes, la dellala se tenait en divers lieux: près des échoppes des acheteurs,dans la cour d'un fondouk; sur une place, ou, comme à Sfrou, sur l'aire du souk.

L'enchère, comme le marchandage, servait à la fixation des prix, car les cours detoutes choses étaient instables. Ils variaient selon la saison, l'ampleur des stocksproposés, le nombre de renchérisseurs, l'ambiance ou le climat du jour ; ilsgrimpaient à l'approche des fêtes, à la saison des mariages, différaient d'une vie àl'autre, etc. Le cours particulièrement mouvant de la laine chutait quand celle-ciabondait, dès les premières tontes d'avril ou au lendemain de l'Aïd el-Kebir. Unetelle précarité donnait d'ailleurs lieu à toutes formes de spéculations'41.

Dans une écononomie aux valeurs si fluctuantes, la criée apparaît comme unsystème régulateur éminemment moral. Deux corporations s'y affrontaient, et nondeux individus. L'enchère, par opposition au marchandage, aplanissait un rapportsouvent inégal entre acheteur et vendeur, ce que Geertz qualifiait d'asymétrie deJ'information'II. Elle mettait les producteurs, paysans ou artisans, à l'abri des rusesdes négociants, mieux informés des cours. En faisant jouter ceux-ci entre eux,l'enchère révélait d'elle-même une juste valeur du produit, sans excès, ni dans unsens, ni dans l'autre. Aujourd'hui encore à Marrakech, la criée aux tapis protègeceux qui y apportent des tissages du bled, moins au fait des subtilités du goût de laclientèle occidentale que les boutiquiers-acheteurs de la médina.

Déjà en 1940, au contact du gros négoce industrialisé, l'enchère corporative étaitmenacée. Berque a expliqué par le menu comment, dans la médina de Fès,l'intervention d'acteurs européens la rendait peu à peu caduque (p. 31). Puis, après

(3) Louis Massignon. Enquête sur les corporations musulmanes d'artisans et de commerçants ailMaroc. Paris, 1925, p. 92.

(4) Robert Le Tourneau. Fès avant le Protectorat. Institut des hautes études marocaines. Casablanca.1949. p. 442.

(5) Cf. l'étude de Geertz sur le marchandage. op. cit. p. 129.

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la Seconde guerre mondiale, les cours ne sont affermis et, comme l'observaitGeertz, les intéressés, «artisans et producteurs primaires», en ont été davantageinformés. Le dellal, qui avait été leur doublure commerciale, s'est avéré de moinsen moins nécessaire (p. 84). A la criée s'est substituée la chaîne des négociants, dugrossiste au détaillant. L'enchère a néanmoins perduré, ça et là.

Ni Berque ni Geertz n'avaient le recul nécessaire pour mettre le doigt sur le faitque la criée subsisterait là où l'économie mettait en jeu, d'une façon ou d'une autre,les femmes. La criée se justifie encore, cel1es, comme procédé d'évaluation d'uneproduction artisanale aussi peu instituée que l'est le tissage féminin ; mais aussiparce qu'elle permet d'éviter une négociation directe entre femmes-ouvrières etboutiquiers-acheteurs. Tel est encore le cas à la criée aux tapis de Rabat, rue desConsuls, où de nombreuses femmes, tisseuses ou commerçantes, apportent leurspropres ouvrages ou ceux de la région Zemmour voisine. Dans les années 1960, ausouk de Se{rou, seules la mercerie, la friperie et la brocante avaient encore leurcriée, disait Geertz. Par mercerie, il fallait entendre les produits lainiers du travaildomestique, apanage féminin : laines dessuintées, fils (naturels ou teints) ettissages. Quant à la friperie et la brocante, constituées surtout de vêtementsd'origine européenne et d'ustensiles domestiques, les femmes y intervenaient nonpas comme productrices mais comme clientes.

Le souk l'ghzal (marché de la laine filée), dans chaque médina était un hautlieu du commerce pour les femmes. A Fès, il était le théâtre de trois criéessimultanées en trois coins de la place, respectivement pour la laine brute, la lainefilée et les tissus(6'. A Salé, sur une placette arborée, il s'animait deux matinées parsemaine et, deux après-midi, s'y tenait une criée aux tapis où les femmes portaientleur ouvrages; Kenneth Brown en fut témoin dans les années 1960111

• Devenuequotidienne et généralisée aux objets de seconde main, cette dellala attireaujourd'hui une clientèle largement féminine. Elle trahit la précarité d'uneéconomie qui se fait au jour le jour pour faire face au manque d'épargne. La foules'y presse pour acheter ou pour vendre à la hâte, souvent pour assurer lasubsistance du lendemain, des objets usagés : vêtements, casseroles, services àthé, housses de coussin, roues de vélo, etc. Les jours qui précèdent l'Aïd el-Kebir,des téléviseurs, du mobilier, aparaissent à l'encan pour financer l'achat dumouton.

Dans la médina de Marrakech, le souk l'ghzal s'est pareillement transmué enmarché aux puces, sans criée, la vente comme l'achat étant le lot presque exclusifde femmes. Des herboristes, marchands de couleurs, occupent les boutiquesadjacentes. Tout proche, se trouve le souk zmbi (marché aux tapis) où là, enrevanche, se tient une criée. Les femmes n'y apparaissent pourtant pas, si ce n'est,

(6) Robert Le Tourneau. op. cit. p. 307.(7) Kenneth L. Brown. Les gens de Salé. Les Slawi : traditions et changements de 1830 à 1930, Eddif,

Casablanca, 200 l, p. 190.

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bien sûr, à travers leurs tissages. La présence d'une commerçante, venue de larégion ZemmoUl",81, m'a été signalée un jour comme un fait d'exception.

La criée aux tapis de Marrakech n'a guère plus de deux décennies mais elle a unantécédent. Le souk auparavant était dédié aux tissus du bled (draps pour burnous,haïks, djellabas) et une criée s'y tenait, approvisionnée par des colporteursprovinciaux. Touchant un produit et une clientèle indigènes, ce marché et sa criéesurvivaient à la tempête coloniae mais se mouraient dans les années 1970 faute declients. Un marché sauvage de djellabas de seconde main en tissus synthétiques s'ygreffa, ce qui valut à la place l'appellation de Joutiya(91 ; il perdure aujourd'huiencore dans un coin de la place. Quelques boutiquiers se reconvertirent alors dansle souvenir touristique (bijoux, fossiles...) avant que tous ou presque, à l'aube desannées 1980, ne se rallient au tapis. Car c'est alors que Marrakech, en passe dedevenir la capitale touristique du pays, draina le gros de la production marocaine detapis.

Cette reconversion du souk répond en effet à la mutation que l'industriemarocaine de tapis a connu au cours des années 1970. Cette-ci a progressivementdéserté les grosses manufactures coloniales des villes du Nord pour se diffuser versles campagnes, devenues plus accessibles au trafic routier et où l'indigencemaintenait abondante la main d'œuvre De complexes réseaux d'intermédiaires­colporteurs se sont constitués pour acheminer les tissages des douars vers les soukslocaux, puis de ceux-ci vers les nœuds touristiques. A Marrakech, les tapis ontnaturellement convergé vers le vieux souk au burnous, coutumier d'un tel systèmed'approvisionnement. Cette organisation nouvelle a été rendue possible par le faitque le Souk Zrabi, avec sa criée, constituait une entité à part au sein de a profession.

Un mode de transaction qui requiert un climat corporatif

Fondu dans le dédale marchand de la médina autour d'une placette qu'abrite unciel de tôles, le Souk Zrabi compte une quarantaine d'échoppes d'une dizaine demètres carrés ainsi que quelques boutiques plus vastes. Les quatre venelles qui ymènent se ferment le soir par des portes de fer. Une mosquée, simple salle de prièreouvrant sur la place, se remplit à l'appel du muezzin du 'asr des divers acteurs quela criée met en scène, des gens humbles pour la plupart : de vieux assidus quimarchandent entre eux quelque djellaba ou tissu usagé en marge de l'enchère auxtapis, des colporteurs venus à Marrakech le temps d'écouler un stock de tissages,des crieurs et enfin des boutiquiers du Souk, notables du lieu. La prière collectiverésonne dans la place, introduisant la criée sous des auspices religieux.

Avant que l'âmin des crieurs ne prononce les rituels versets coraniques quiouvrent la séance, de discrets trafics ont déjà eu lieu. Le vendeur comme l'acheteur

(8) Les femmes de la région Zemmour tiennent une place active dans le commerce tapissier.contrairement à celles du Haut-Atlas, totalement absentes du négoce.

(9) Terme qui signifie au Maroc «marché aux puces».

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évitent ainsi l'aléa de l'enchère. L'un d'eux sera perdant. L'enchère procèdepareillement à celle que décrivait Jacques Berque à Fès en 1940. Le vendeur confieson bien à un crieur. Celui-ci avise le premier marchand venu qui fixe le prix dedépart. Le tapis jeté sur l'épaule, le crieur fait d'un pas vif le tour des échoppes,guetté d'un œil distrait par les boutiquiers assis sur leur pas-de-porte. S'ils sontintéressés, ceux-ci arrêtent le crieur, observent la pièce, surenchérissent ourepoussent l'offre. Le dellal poursuit ainsi sa ronde jusqu'à l'adjudication et metalors le boutiquier-acheteur en contact avec le vendeur. Si ce dernier juge l'enchèreinsuffisante, il peut reprendre son bien. Sinon, il rémunère le dellal environ deuxpour cent du montant de la vente, généralement entre 10 et 15 dirhams. Rares sontles particuliers qui viennent vendre un tapis de famille. Ceux-là doivent solliciter lagarantie d'une tierce personne, un marchand patenté obligatoirement, qui saura lesretrouver en cas de vente frauduleuse. C'est le fameux témoins fiable, «si crucialdans la vie marocaine», dont parlait Geertz au sujet de l'âmin (p. 95). Car rien de latransaction n'est écrit.

Intermédiaire tampon entre vendeurs et acheteurs, le dellal, ou plutôt sacorporation, est le pivot de la criée. Son rôle est pourtant quasi mécanique. La seuleparole qu'il prononce au cours de sa ronde furtive est le montant de l'enchèremurmuré en rials' 10'. Sa respectabilité silencieuse coupe court à toute protestation ouà toute interaction directe entre les boutiquiers. Le portrait affiné que Berque aconsacré au dellal de la criée publique de Fès correspond trait pour trait au profil del'actuel crieur du Souk Zrabi. C'est un homme d'âge mur, humble et honnête, quiprésente toutes les garanties de la moralité. Vêtu traditionnellemet d'une gandouraou d'une djellaba et coiffé d'un tarbouch'"', il est, comme l'écrivait Berque, «lemeskin, c'est-à-dire le paisible et inoffensif compère» qui jouit a-priori d'ueprésomption favorable. Le souk zrabi en compte à peu près vingt-cinq.

Le souk zrabi a, lui aussi, une fonction pivot dans le cursus commercial du tapis.Le tissage y bascule d'une catégorie marchande vers une autre, voire d'un modevers un autre. L'estimation que donne la criée, selon les critères d'une clientèleoccidentale, fait référence. C'est là, disent fièrement les boutiquiers du Souk encomparant la criée à la Bourse, que se jouent les cours du tapis marocain. Il est, eneffet, peu de marchandises au Maroc dont le cours fluctue autant. Ces variationsdépendent certes des produits mis à l'encan, mais surtout du marché occidental. Lacote des tapis oscille selon les saisons touristiques; à Marrakech, les prix chutenten juin pour remonter à l'automne. Elle varie aussi au gré des modes de la clientèle.Le marché hier encore dominé par le tapis à points noués, zarbia (qui a donné sonnom au souk), s'est enrichi il y a une quinzaine d'années des tissages ras (hanbel ouakhnif, couramment désignés kilim), puis des couvertures tissées main (handiras)et, plus récemment, des tapis de soie synthétique (sabra). Les ouvrages d'édition

(10) Unité de monnaie couramment usitée au Maroc; un rial vaut 0,05 dirham.(II) Bonnet tricoté ou crocheté plaqué sur le crâne.

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occidentale authentifiant ces tissages en les estampillant de leur origine régionaleou tribale participent de ces engouementsil2J

• Largement documentés et tenusinformés par les enchères quotidiennes, les boutiques doivent pressentir cesvariations pour stocker un produit en hausse ou, au contraire, déstocker à temps enremettant à l'encan un type de tissage qui se décote. Ce mode traditionnel d'épargneéchappe à l'usure, réprouvée en Islam.

Le commerce ici semble fait de bienséance. On est loin du trafic avilissant du«bazariste» qui alpague le vacancier, l'embobine et le roule. La «criée berbère», quesignalent les meilleurs guides, ne fait guère l'objet de publicité touristique et,d'ailleurs, aucune mise en scène folkloriste n'y est susceptible d'arrêter le badaudétranger. Les boutiquiers visent davantage une clientèle de professionnels : lesgrands marchands des boulevards achalandés de la médina, ou des Occidentaux.commerçants en Europe ou résidents au Maroc, hôteliers, décorateurs, etc. Lerapport commercial suppose une connaissance de l'autre. Les boutiquiers évoquentvolontiers les relations suivies qu'ils entretiennent avec leurs clients étrangers, leurs«amis» comme ils disent, Leur conversation semble n'aborder qu'accessoirementles affaires. Leur appréciation des tissages s'exprime sur un registre culturel danslequel transparaissent des manières bien parisiennes. Ils se distinguet nettement deleurs confrères de la médina.

Ce souk m'est apparu comme un havre d'éthique dans un univers sans foi ni loique serait celui des «bazaristes». Je m'y suis immiscé avec précautions. Un boncontact s'est vite instauré avec un boutiquier. Posté à ce qui est vite devenu maplace, un tabouret sur le seuil de la boutique de mon hôte, j'étais heureux deretrouver ce tumulte plein de coutumes et ces marchands paisiblement assis sur leurpas-de-porte guettant la ronde des crieurs. J'ai compris plus tard que j'avais aperçuce qu'aurait été jadis la corporation.

Si elle en eût jamais, la corporation n'a plus aujourd'hui d'existence juridique.Il y a bien un âmin à la criée, garant de la bonne marche des affaires, mais il estl'âmin des crieurs, non ceui des boutiquiers. Ce qui entretient ce climat corporatif,ce qui fait de ce souk un tout et non une arène de la concurrence, ce qui soude lesmarchands entre eux, ce qui «permet encore ce vaste échange de sentimentscollectifs», comme disait Berque, c'est la criée.

Les marchands du souk savent, comme l'écrivait Berque au sujet d'unecorporation de babouchiers de Fès, «qu'il leur faut demeurer dans leur groupe, sansgain excessif, ni préjudice subi ou porté, démesuré d'aucune sorte». Ma présencequotidienne auprès d'un marchand aurait pu susciter les protestations des autres. Si

(12) Citons par exemple le luxueux catalogue autrichien de Kurt Rainer intitulé Tasnacht.Teppichkllnstllnd Traditionnelles Handwerk des Berber Südmarokkos (Adeva, 1999) qui identifieles styles propres à chaque tribu de la région des Aït Ouaouzguit (sud du Haut-Atlas). L'ouvragefait référence localement car aucun marchand ni aucun autochtone n'aurait su assigner un telpedigree à chaque tissage.

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j'avais acheté par l'etremise de mon interlocuteur, cela aurait constitué une sorted'entorse à la règle. La criée est publique certes, mais seuls les boutiquiers de laplace ont le droit d'acheter. Aucun n'a même tenté de rentrer en contact avec moi,par égard peut-être pour celui qui m'accueillait. Mieux vaut laisser filer une affaireque de compromettre une relation.

La bonne entente est de rigueur. Aucune ligue entre boutiquiers n'estconventionnellement possible lors des enchères. Aucune alliance de clan ne diviseces rivaux quotidiens du négoce. Le devoir de cohésion transcende leur affinitéspersonnelles; Ces marchands ont en commun de revendiquer des origines deMarrakech ou de sa région, et d'être chacun propriétaire de leur pas-de-porte. Euxou leur père étaient là avant que le souk ne se spécialise dans le tapis. Mais legroupe n'est pas pour autant homogène. Il y a des marchands de tous âges et de tousstyles : certains portent la robe et la barbe, d'autres le jogging. Leurs revenusrespectifs sont différents, leurs clientèles aussi. Quelques-un, spécialisés dans lestapis de Rabat ou les criards tapis d'Qulad Bousbaâ, vendent essentiellement à desMarocains, d'autres proposent encore des tissus de djellaba et des burnous, etd'autres, plus ambitieux, s'attachent à tisser un réseau international declientèle.Certains ont des liens de parenté, ou de complicité affective. Chaque jour,quelques marchands voisins interrompent leur joyeuse partie de cartes le temps quedurent les enchères. Pourtant, quand l'un d'eux donne une fête familiale (naissance,départ au pélerinage...), tous sont invités.

Ce consensus corporatif est tenu par un impératif économique autant que social.Si la criée venait à disparaître et le souk à se disloquer, les boutiques sedévaloriseraient(i31. Malgré leur situation privilégiée du fait de l'approvisionnementquotidien qu'assure la criée, l'équilibre financier des commerçants reste tendu. Lesmarchands ne sont ps particulièrement fortunés, sauf quelques-uns dont la fameusefamille Jouti. Le volume des ventes reste limité, il peut atteindre deux cents piècesles samedi et dimanche, jours où la marchandise afflue. Toute la gamme des prix etdes qualités y est représentée. Et l'enchère rend peu probable les plus-valueexceptionnelles dont rêve chaque antiquaire.

«Le problème du maintien de la criée se ramène à celui du maintien del'artisanat», prophétisait Berque en 1940. Certes, l'artisanat s'est maintenu mais, engénéral, il s'est conformé au mode de production de l'économie capitaliste. Lacorporation s'est dissoute, la criée n'a plus lieu et le cœur de la médina deMarrakech bât aujourd'hui au rythme d'un immense centre commercial proche dumodèle occidental.

Ce que redoutait l'administration du Protectorat, dès son instauration, s'estproduit: au contact de l'économie occidentale, le commerce a pris le pas surl'artisanat au détriment des métiers, de la qualité, et au péril de la vie urbaine. Les

(13) Une échoppe de 10 mètres carré vaut actuellement entre 200000 et 300 000 dirhms.

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commerçants se sont implantés un à un dans les zones de chalandise, faisant éclaterles groupements d'artisans, s'octroyant même leurs attributions. Ce sont euxaujourd'hui qui détiennent les métiers à tisser où se nouent les précieux tapis deRabat.

Restent néanmoins, çà et là, en coulisses, des métiers, des usages, oùl'organisation traditionnelle transparaît, anachronique, comme un frein à unethéorique modernisation. Ainsi, une vieille corporation de commerçants a périclitéà défaut d'avoir su se diversifier et, peut-être, se désunir. Elle s'est trouvé unemarchandise archaïque comme elle, par son mode de production, et qui, atypiquedans sa commercialisation, se prêtait au vieux mode de négoce qu'est l'enchère.Cette marchandise, le tissage féminin en l'occunence, s'est avérée être l'une desplus raffinées de celles que propose la médina et, ironie de l'Histoire, elle a touchéle gratin d'une clientèle occidentale de plus en plus nombreuse. Contrairement auxentrepreneurs d'aujourd'hui, qui visent le profit immédiat, la corporationprivilégiait sa perpétuation. C'est ce que nous rappellent, dans leur discrètetranquilité, les patentés du Souk Zrabi. «L'économie pure n'est pas tout», disaitBerque.

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Notes et DocumentsNotas yDocumentos

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Hesperis-Tamuda, Vol. XLI, (2006), pp. 93-157

A BRITISH IMPERIAL EYE :SIR WEST RIDGEWAY'S REPORT

ON THE GENERAL SITUATIONOF MOROCCO IN 1893.

KHALID BEN-SRHIR

Britain was one of the major European Powers interested in the destiny of thecountry at least from 1704 to 1904. During these two long centuries, Anglo­MOI'occan relations witnessed very active exchanges'11

• However. it is clear that themost important period of this relationship was the years of the second half of theXIX century. Morocco was of great importance to Great Britain because ofstrategical and economical reasons .And so was Great Britain for the MoroccanSultans so as to help them up holding the telTitorial integrity of their country.especially when the French and Spanish colonialist's schemes towards Moroccobecame gradually more and more serious at the end of the nineteenth century.

The period from 1845 to 1886, was covered in an extensive study writtenoriginally in Arabie and published recently in an English version. This bookfocused on the period where The Queen Victoria was represented by Sir JohnDrummond Hay. who was the contemporary of three Moroccan Sultans, and whotook a great part on ail the crucial issues of the periodl21

After 1886, John Drummond Hay retiredt3" and William Kirby Green tried to

follow his policy'41 in dealing with the Moroccan authorities during his four years ofservice until his sudden death in Marrakech on the 25th February in 18911~1.

Salisbury decided the appointment of Charles Euan-Smith who has a very longmilitary career as the new British representative in Morocco. It worths to mentionthat before his arrivaI in Morocco, Euan-Smith has succeeded in annexing Zahzibarto the British crown.

(1) P.G. Rogers. A History ofAnglo-Moroccan Relations to 1900. London. n.d [1975].(2) Khalid Ben-Srhir. Brilain and Morocco During the Embassy ofJohn Drummond Hay, 1845-1886,

translated by Malcolm Williams and Gavin Waterson. Routledge Curzon. Taylor and FrancisGroup, 2005. 375p.

(3) 77le Times ofMorocco, Mareh 21, 1891. p3.(4) A.J.P. Taylor. "British Poliey in Moroeeo. 1886-1902". English Historical Review. v. 66, July

1955.(5) Confidelltial Prim (6137). White to the MarqUIS of Salisbury. (Telegraphie), Tangier. Mareh

2. 1891

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The policy adopted by this diplomat, and the nature of his character were verydifferent from those of his predecessors. For, since his arrivaI in Tangier he decidedto act very energicaly towards the Moroccan govemment.

Charles Euan-Smith became so famous, in the long history of the relationsbetween Morocco and Great Britain, for causing an unprecedented crisis betweenthe two countries. During his mission at the Moroccan Court in Fez in 1892 hedecided to urge the Sultan Moulay El Hassan and his ministers to sign a very liberalcommercial treaty to open Morocco on to the European enterprises and to acceptmany propositions'6J conceming the creation of Mixed tribunals, the revision ofMadrid Conference, the opening of a British vice-consulate in Fez etc... I1>.

The issue became very interesting when Charles Euan-Smith accused theMoroccan ministers and even the Sultan himself of an attempt of bribing him withthe sum of 100.000 or even 150.000 riyal (the equivalent of 20.000 f) if he acceptsto suppress sorne clauses which contains sorne commercial advantages forEuropean trade mentioned in the originally text of the proposed CommercialTreaty,g,

The crisis reached its climax when this British diplomat made the unpardonablemistake of tearing into small pieces a copy of the proposed treaty in the presence ofthe Sultan 's ministers during the negotiations held in Fez in 1892(9'. It is true that theintrigues plotted by the representatives of France, Germany and Italy contributedlargely in the failure of the British mission in Fez.

Consequently, Charles Euan-Smith left the capital on July 15th 1892 to comeback to Tangier' 10'. Immediately, the Sultan sent an urgent letter to the QueenVictoria, to confirm to Her Majesty his deep desire to maintain the long traditionalfriendship that existed between Morocco and Great Britain. But in the same letter,he complained against the misconduct of her representative during his last missionin Fez:

"The Sultan of Morocco to the Queen(lIl.

(6) The Times of Morocco, June 4, 1892, p.3.(7) For more details about this mission, see Khalid Ben-Srhir, Britain and the Problematic ofReforms

in Morocco (1886-1904), (2003). pp. 49-93 (In Arabie).(8) Confidelltial Prints (6290), Letter 69, confidential, Euan Smith to Salisbury, Camp Rabat, July 21,

1892 ; The Times ofMorocco, August 20, September 3, September 10 1892.(9) COllfidential Prinls (6290), Letter 69, confidential, Euan-Smith to Salisbury, Camp Rabat. July 21.

1892; The Sultan to Mohammed Torrés, 20 Dhu el Hijja 13091 July 16 1892, General Library inTetuan, file 10/document 184.

(10) For more details about Charles Euan-Smith's Mission in Fez. sec Khalid Ben-Srhir, Brifaill alldthe Problematic of Reforms in Morocco (1886-1904).2003 (ln Arabie), pp. 23-118.

(Il) The original copy of this letter is to he found in F.O. 99/294, but its English version is printed inCOllfidential Prints ( 6290), Letter III, the Sultan to the Queen, (17'· July, 1892). lt is important tomention that this letter was forwarded to the Queen via the French Embassy in London. Inclosedin the same letter, the tom document mentioned above, to he found in the collection F.O. 174.

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A BRITISH IMPERIAL EYE : SIR WEST RIDGEWARY'S 95

ln the name of God the Merciful, the Blessed

There is no power and strength but in God, the Great and Sublime.

This is from us, the servant of God, who relies on God, and intrusts his affairs toGod, the Commander of the True Believers, and the descendant of otherCommanders of the True Believers.

May God preserve the honour and Glory of Her beloved, exalted, respected, andglorious Majesty, who has inherited the Government from her illustrious ancestors,the Queen of Great Britain, the Great Empress of India, the excellent and beautifulQueen Victoria, the possessor of nobility, genius, and splendour.

After giving praise to God, the omnipotent, Who restores us to life, and doeswhat He thinketh fit, 1 inform you that the object of my writing this letter is to letyou know that my friendship for you continues to be on the firmest foundation,and that my cordial good-will and fidelity have never diminished one moment, and1 have adhered to the firm Treaties existing between us, which the lapse of time hasnot impaired.

The Minister, Charles Euan-Smith, came into out Royal presence as an Envoy,and was received with the greatest kindness, attention, consideration, and respectthan the Ambassadors of the Great Powers owing to his coming from and on behalfof your Majesty, and in retum for this, he did what your Majesty will not like andwill not approve of, but 1 tolerated this out of consideration for you. We receivedhim with kindness, attention, and honour for your Majesty's sake, and no doubt hewill confirm the truth of that to your Majesty.

1 pray God that He may assist us, and that you may remain in the most perfecthealth and happiness and return our friendship.

Sealed on 20th of the month Zil Hijjah, in the year 1309 (17th July, 1892)."

When this letter of complaint reached London, the general elections led to thecoming back of the liberal party under the leadership of Gladstone. The Makhzencircles were very happy to leam about this political change. After the nomination ofEarl of Rosebery at the head of the Foreign Office, he decided to recall Charles Euan­Smith from his post in Tangier and to send Sir West Ridgeway as an ExtraordinaryEnvoy with the crucial mission of putting the relations between Britain and Moroccoon the best footing. The result of his short stay in Morocco was the redaction of avery long and interesting report which we propose to publish herewith :

The report written by West Ridgeway was considered by the Foreign Office asvery confidential for a long period. Its content was only known by the officiaIs ofthe different departments belonging to the Foreign Office who were directlyconcemed with Moroccan Affairs. Its publication in the collection of "ConfidentialPrints" made of its text a very important document about Morocco during the lastyear of Moulay El Hassan reign.

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However, it seems very essential that before using the contents of this report asa source or as a reference to write a part of the Moroccan history during the pre­colonial period, we need to ask sorne questions about il.

The first question is, to what extent has Sir West Ridgeway the necessaryqualifications to write such long and deep report? The second one is, to what extentwas the reporter reflecting the reality of the detailed facts and of the verycomplicated issues that he mentioned in his report? The third and the last importantquestion, is to what extent did Sir West Ridgeway succeed in elucidating sornemysteries in relation with the mission of Charles Euan-Smith in Fez?

In consequence of the unsatisfactory condition of the relations between GreatBritain and Morocco after the failure of Charles Euan-Smith mission in Fez, theEarl of Rosebery decided as mentioned above to send colonel the Right HonourableSir J. West Ridgeway, K.C.B. who was the Under-Secretary to the Government ofIreland, on a temporary special mission to Morocco with the object of placingmatters on a better footing,'2,. The Foreign Office sent letters of notification to aIlthe British Ambassadors in the principal European capitals to explain the object ofRidgeway's mission in Morocco,13,.

But before the arrivaI of Ridgeway in Tangier, a British Subject from Gibraltar namedTrinidad was shot on the night of the 1SI December in the streets of Tangier, the accused ofthis act were sorne soldiers in the service of the Sultan. Eliot who was acting as thetemporary head of the British Legation tried to obtain a redress for this murder but in vain.

It seems from the beginning that the task of the Special British Envoy Sir WestRidgeway was not easy. By publishing the integral text of this repOlt, our mean goalis to make it available at the disposaI of the searchers in different fields of humansciences, so as to give them the opportunity to ask more questions about it, and toappreciate its value by criticising or questionning its arguments.

Khalid BEN-SRHIRFaculté des Lettres,

Université Hassan II - Mohammedia.

(12) COllfidelllial Prinl (6384), ParI 7, Furlher correspondence respecling Morocco, letter 15*, P.CUlTie, Foreign Oftice to Treasury, January 6, 1893; lettcr 34, Treasury to the Foreign Oftice,January 12. 1893; Letter 19, Rosebery to the Marquis of Dufferin the British Ambassador inParis, Foreign Office, January 9, 1893: "That her Majesty's Govemment have determined not toscnd Sir C. Euan-Smith back to Tangier (00') They are the more impelled to this course, becausethcy have recently found by cxperience that it is impossible to obtain from the MoorishGovernment proper attention to the representations of Her Majesty's Legation, or the bearestjustice to British subjectso Sir West Ridgeway will receive instructions to act in close cooperationwith the other representatives of foreign Powers. and especially with that of France (0)"

(13) COiifidenlial Prim (6384), letter 38, Rosebery to Eliot, January 13, 1893: "Sir Wesl Ridgeway willreceive instructions to act in close co-operation with the other representatives of foreign Powers.because Her Majesty's Govemment are convinced that in the delicate and critieal condition of theMoorish Empire, and in the present temper of the Sultan and his advisers, it is only by a sincere andunselfish co-operation of al the Powers that a favourable result can be obtainedo You shouldcommunicate the substance of this dispatch to your foreign colleagues in general terms".

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Sir West Ridgeway to the Earl of Rosebery.

REPORT ON GENERAL QUESTIONSCONNECTED WITH MOROCCO(14)

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Tangier, July 10, 1893.

My lord,

The period of my Special Mission as Her Majesty's Minister Plenipotentiary andEnvoy Extraordinary to the Sultan of Morocco will expire on the 20th instant, andconsequently it is desirable that I should submit to your Lordship my Report on themanner in which I have performed the duties imposed upon me.

Your Lordship's instructions to me on the eve of my departure stated that"S'''HerMajesty's Government were at the end of last year painfully impressed with the factthat it was impossible to obtain proper attention to the representations of HerMajesty's Legation, or the barest justice to British Subjects;" and the main object ofmy Mission was to "ameliorate this state of affairs, and to restore the more cordialrelations which formerly existed between the two countries."

I was further instructed as soon as I was sufficiently informed "to report on thegeneral situation, so complicated by intrigue, fanaticism, and misgovernment."Your Lordship anticipated that I should have the benefit of the advice andexperience of Sir John Drummond Hay, who had been nearly half-a-century HerMajesty's Minister in morocco, and who was still resident in that country; but thatdistinguished officer, I much regret to say, was obliged by severe ilIness to leave forEurope soon after my arrivaI, and consequently I have been deprived of the valuableassistance which I found him so ready to give me.

The announcement of your lordship's intention to dispatch a Special Envoy toMorocco was the subject of much comment in the press. It was at once assumed thata Mission essentially of persuasion and conciliation, was to be a Mission of menaceand coercion, and that it would, at the least, be my duty to wring from the Emperorby threats, if not by force, the Treaty which Ris Majesty had refused to grant to mypredecessor. The foreign, and especially the Spanish, press were much agitated, andthe necessity of counter-demonstrations in defence of the independence of Moroccowas freely discussed.

The publication of the reassuring communications which your Lordship madethrough Rer Majesty's Ambassadors and Ministers as to the true nature of myMission greatly allayed this excitement, except in Spain, where probably forelectoral purposes, the ambitious designs of England continued to be discusses with

(14) Confidenlial Print (6384), in c10sure 1 in N° 15, Tangier july 10, 1893.(15) COllfidelllial Print (6384), letter 38, Rosebery to Ridgeway, Foreign Office, January 18, 1893,

general instructions for his guidance.

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vigoUl-<161. Accordingly, by your Lordship's instructions, l made a short stay atMadrid on my way to Tangier, and there through the kind assistance of herMajesty's Ambassador, Sir Henry Drummond Wolff, l was honoured by aninterview with Her Majesty the Queen-Regent'171, and also with the Minister for

(16) Confidential Prim (6384), Letter 9i, Drummond Wolf to Rosebery, secret and confidential.telegraphic, Madrid, January 24, 1893: "At the reception in the Palace yesterday aftemoon inhonour of the King's fête-day, and at the banquet in the evening, 1 had the honour of twoconversation with the Queen-Regent on the subject of Morocco. Her Majesty expressed hersatisfaction in reference to the termination of the recent excitement in respect of Morocco,especially as the French Govemment had been endeavouring to bring about dissensions. Shethought that Her Majesty's Govemment would get full satisfaction for their daims against theMoorish Govemment, and she trusted that everything would be done to maintain good relationsbetween Spain and England in Moorish affairs. 1replied that such were the view of your Lordshipand Her Majesty's Govemment.Her Majesty having mentioned to me in the morning how pleased she would to receive Sir WestRidgeway on his passage through Madrid, she desired me in the evening, after consulting withthe Minister of State, to ask for an audience for him. This 1 think may have a good effect uponpublic opinion.At present the press is occupied with Egyptian affairs, and articles have appeared advocating theneutralization of the Straits of Gibraltar."

(17) Ibid, Letter 113, Drummond Wolf to Rosebery, secret and confidential, Madrid. January 27,1893" : Yesterday the Queen Regent was pleased to give an audience to Sir West Ridgeway andmyself. It last an hour, and Her Majesty very frankly discussed with us the question of Morocco.Her Majesty strongly advocated the status quo as the only possible policy for the immediatefuture. Il was absolutely impossible for either Great Britain or Spain to admit the pretensions ofFrance in Morocco. Already had that country advanced her railway supported by block-houses asfar Tlemsen. She was gradually pushing on towards Figuif, and had already crossed theboundaries of Morocco.ln 1885 and 1887, France had made pretensions on that country incompatible with the interestsof other States, and Her Majesty intimated that in order to resist the advance of that Power inMorocco, a firm Agreement was essential between the United Kingdom and Spain.At the same time, Her Majesty added there were other countries that also had designs uponMorocco; Germany which was now almost monopolizing the trade, and Italy. which has sornegrounds for her pretensions as being a Mediterranean Power.( ... ) Her Majesty made to Sir WestRidgeway many suggestions on the subject of Morocco, mentioning one gentlemen especially, theSpanish Military Attaché at Tangier, as able to furnish valuable information, and Her Majestydisplayed her complete command, both in policy and detail, of the very complicated question";letter 114, Drummond Wolf to Rosebery, Madrid, January 27, 1893: "Yesterday 1called with SirWest Ridgeway, on the Austrian, German, and French Ambassador, whose acquaintance HerMajesty's Minister at Tangier had made the day before at the Embassy. Sir West Ridgeway wasperfectly open with these gentlemen as to the objects of his mission. (... ) Sir West Ridgewayadded that he had no particular instructions as to the negotiation of a Treaty with the Emperor;but naturally, if he found any disposition on the part of His Majesty to condude such aninstrument, he would ready to discuss it, and the provisions would be as a matter of course, beapplicable to the interest of ail other Powers. He did not as yet know whether or not he shouldproceed to Fez (... )"

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Foreign Affairs(18) and other leading statesmen' 19\. 1 thus had the opportunity ofrepeating in unmistakable language that the object of my Mission was to alleviatethe existing state of affairs in Morocco, and to restore the more cordial relationswhich had existed between the two countries. And 1 further explained that myinstructions were to act in accord with the Representative of Spain and of the otherfriendly Powers in aIl questions affecting our common interests.

1 arrived in Tangier on the 1" February, in her Majesty's ship "phaeton" and wasreceived on landing with the usual honors and ceremonies by the Moorish officiaIs,including Cid Mohammed Torres, the Commissioner for Foreign Affaires, theGovemor of the town and other high functionaries'20 ). Many of the foreign Legations

(18) Ibid, Letter 111, Drummond Wolf to Rosebery, Confidential, Madrid, January 26, 1893:"Yesterday 1 called by appointment on the Marquis de la Vega de Armijo to introduce Sir WestRidgeway to his Excellency (... ) Sir Ridgeway explained to the Minister that he was about toproceed to Tangier without any fixed plan, his instruction being generally to place the relationsof Great Britain and Morocco on a satisfactory footing, to settle sorne outstanding c1aims, and tocultivate the best understanding with the Representatives of other foreign Powers. The Marquis'de la Vega de Armijo answered at sorne length, pointing out that the one object of Spain was tomaintain the status quo. France had, he understood l'rom the newspapers, lately extended herfrontier into the territory of Morocco, but the policy of Spain was to refrain l'rom the acquisitionof territory herself, and to promote such a friendly understanding with the other Powers interestedas to maintain intact the present confines of the Empire. His Excellency, though M. Figuera wasshortly to proceed to Constantinople, would instruct him to remain sorne time longer at Tangierso as to give to Sir West Ridgeway ail the assistance at his command, which would be valuablel'rom his long experience of the country"; Inclosure 1 in 111, Extract l'rom the "Imparcial" ofJanuary 26, 1893; Inc10sure 2 in 111, Extract from "El Pais" of January 26, 1893.

(19) Ibid letter 115, Drummond Wolf to Rosebery, secret and confidential, Madrid, January 28, 1893:"Yesterday 1 called with Sir West Ridgeway on Senor Moret, (... ) The Minister expressed hisregret at non-acceptance of the proposai he had made in 1888, when Foreign Minister, for aCongress on Morocco. He thought the intended guarantee of the integrity of that country wouldhave satisfied the Sultan, who would then have looked with less suspicion on proposais made topromote the trade and civilization ofhis dominions. His Excellency considered that any movementmade by England in connection with Morocco would always agitate the public mind in Spain. Forsorne unaccountable reason Spain always looked with jealousy on the policy of England, and withfavour on that of France, although the former had invariably proved to be the better friend. Thecause of thus disposition might be the idea that England promoted Constitutional methods inpreference to Absolutist of Republican principles of govemment favoured respectively by ex.tremepoliticians. (... ) For his own part, the association of England and Spain in the affairs of Moroccowas an absolute necessity, and he would always do his best to promote this combination (... )." .

(20) Ibid, letter 30, Ridgeway to Rosebery, Tangier, February 1, 1893; letter 121, Rosebery to Cid EmfadlGharneet, Foreign Office, February l, 1893: " Sir, The Queen my august Sovereign, having beenpleased to appoint Sir 1. West Ridgeway to Her Majesty's Envoy Extraordinary and MinisterPlenipotentiary on a specill mission to your Imperial Master, the Sultan of Morocco, 1 take theopportunity of recommending Sir West Ridgeway to your favourable consideration. 1 feel convincedthat your Excellency is, Iike myself animated with a sincere desire of the promotion of tiiendly relationsbetween the two nations, and that your Excellency will give dlle weight to the communications whichit will be the duty of Sir West Ridgeway to lay before you, and that your ExcelJency will do what liesin your power to enable his to can)' out the mission with which he has been intrusted, to the satisfactionof the Queen, my sovereign, and His Impetial Majesty the Sultan (... )"

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were also represented. Under ordinary circumstances one of the first visits l madeshould have been to the Sultan's Representative, Cid Mohammed Torres,Commissioner for Foreign Affairs, the astute and venerable gentleman who,resident in Tangier acts as the channel of communication between the Sultan andthe Corps Diplomatique. Unfortunately l was here confronted by a difficulty. Therelation of Great Britain and Morocco when l landed were still in a critical state. lmay be allowed to summarize, as rapidly as l can, the main facts of the case.

In December 1892 a British subject named Trinidad was mudered in the streetsof Tangier2l

', and careful judicial inquiry proved beyond doubt that he had been shotby one of the Sultan's military guard, on dutY in the streets, without anyjustification. The Moorish Government, through its Representative, CidMohammed Torres, refused aIl redress whatever - refused even to arrest the personscharged or to give an opinion as to their guilt. The arguments of Her Majesty'sChargé d'Affaires could not shake the determination of this usually reasonableofficial, and Sir John Hay, rising from a sick bed visited his old Moorish colleague,and in vain urged upon him the necessity of complying with the demand for thearrest of the accused. But so low had British prestige fallen that Cid MohammedTorres, though no doubt desirous to do what he knew to be right, feared lest heshould bring upon his head the Sultan's displeasure if he were to afford to theRepresentative of England the redress which he would not have hesitated to give toany other foreign Representative.

The matter was one of paramount importance. The position of the Europeancolony at Tangier is often a position of sorne danger. The European residents havebeen more than once at the mercy of the Sultan's unruly troops when quellingrevolution in the neighbourhood. There are no police, nor have the local authorities,however good their intention, the means of preserving the peace should there be anyformidable outbreak. The safety of the Europeans chiefly lies in the prestige whichsurrounds the Corps Diplomatique, and the conviction that an outrage to any of itsmembers or of its dependants will inevitably be followed by punishment swift andsevere. These circumstances must have been evident to aIl the foreignRepresentatives in Tangier. One and aIl must have seen the necessity of the vigorousaction which was taken by her Majesty's Government for an ultimatum was at oncesent to Fez to be delivered by Mr. de Vismes de Ponthieu, the Interpreter of theLegation, who had been sent there a few days before to obtain an answer to a letteraddressed by your Lordship to the Sultan's Minister, Cid Gharneet, so far back as

(21) Confidential Print (6290 J, Part 6, Further eorrespandence respeeting Maraeea, lnclosure 1 inletter 288, Eliot to Torres, Tangier, December 2, 1892: "Juan Trinidad, a British subject, andthree Spanish subjects had been drinking in various tavems, and were creating Jisturbance in thestreet by singing and dancing. Sorne Moorish guards came up and an altercation ensued. theguards attempting to arrest them: they ran away with the intention of going out the town to theirhouses, but the gatekeeper. by direction of the guards, shut the door, so that they could not pass.Juan Trinidad then ran down the main street and was shot in the groin, bleeding to deathimmediately."

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September. but of which no notice had been taken. This ultimatum demanded thatwithin forty-eight hours of its receipt orders should be issued:

1. For the arrest of the offender;

2. For the payement of an indemnity to the family of the murdered man, and

3. That a reprimand should be administered to the Sultan's Representative, CidMohammed Torres.

Your Lordship's ultimatum speedily brought the Sultan to his senses. He at onceordered the arrest of the murdered and the payment of the indemnity, but he did sounder protest, and as ungraciously as possible. His Majesty, however, took no noticeof the demand for a reprimand of the Minister responsible in the eyes of the publicfor the miscarriage of justice and the affront to Great Britain. He was accordinglyinformed that this demand also must be promptly complied with. When 1 landed atTangier the Sultan's reply had not been received, and accordingly 1 postponed untilits receipt the visit of ceremony which under ordinary circumstances 1 should haveat once made to the Minister - much to my regret, for 1 should have preferred tohave found the incident closed, and to have been in a position to inaugurate mymission of conciliation by friendly intercourse.

Fortunately the Sultan's reply, submitting to the demand, was not long delayed,and 1 was then in a position to caU upon the Minister. He received me courteously,but spoke with much emotion of the reprimand which his Royal Master hadadministered to himl22

', for he contended he had merely declined to take uponhimself the responsibilty of deciding the case, and had referred the whole matter toFez. Since this somewhat ill-omened opening my relation with this gentleman havebeen of a friendly nature, and a few days later he and the Govemor were present ata bail in the Legation.

Meantime, my inquiries had satisfed me that at the root of the Sultan's insolentattitude towards England lay the conviction that he had nothing either to fear or tohope from her - that the existence of Morocco was essential to the safety ofEngland, and however much His Majesty flouted and ignored her reasonabledemands, no punishement would follow, for she would stiU be obliged, in her owninterests, to uphold the integrity and independence of his Empire. Accordingly, 1took the opportunity, when acknowledging His Majesty's submission tb the terms ofthe ultimatum, to express my great satisfaction at the termination of an incidentwhich had threatened to distrub the friendly relations of the two countries. 1 assuredHis Majesty that England desired to see Morocco an independent nation, wiselyadministering its own affairs, free from the control of any foreign Power. But, 1reminded His Majesty, friendship must be reciprocal, and if at any time Morocco

(22) Confidential Print (6384), Ridgeway to Rosebery, Tangier. February 6. 1893: "( ... ) The SultanAgent, who is weil known for the vagueness of his language, said nothing definite in reply. Theonly important point in his conversation was that he alluded to the reprimand sent him by theSultan. which had apparently much pained him. He said it was unmerited ( ... )".

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should show -which Gad forbid!- that she did not desire or value the frienship ofEngland, then it would be for England ta safeguard her own interests. 1 understandthat this letter produced a very good effect.

On aIl sides 1 was told that the influence of England, once sa predominant, wasa thing of the past. There was much anxiety among my colleagues ta know whatcourse 1 proposed ta take, but my ply invariably was that my first duty was tacollect information as ta the true stateof things, and then ta make my report andsuggestions ta Her Majesty's Government.

It was generally assumed that 1 should proceed ta Fez, but your Lordship haddirected that 1 should not do sa "unless events should take a new and different turn" ­a change which would be indicated, as 1 was afterwards instructed, by a cordial andspontaneaous invitation from the Sultan- 1 had fully concurred in this policy when ithad been dictated ta me, but my ideas on the subject underwent sorne change afterlanding. 1 had supposed that 1 should be able ta reach the Sultan through hisRepresentative at Tangier, and that if 1could inspire the latter with a conviction of thegood-will of England and of confidence in her policy towards Morocco, he wouId beable, in his turn, ta influence the Sultan. But 1 saon found that 1 was mistaken. CidMohammed Torres is not a channel of communication; he is a buffer. He is merely anadditional wheel in the machinery, unnecessary except for obstruction. His duty is taobstruct and evade as much as possible, and thus put off the evil day when the Sultanmust give a direct reply ta a foreign Minister. He has no power of initiative, nor canhe act in any matter on his own judgment. He is the first of the many doors at whicha foreign Minister must knock before he gains the presence of the Sultan. Thehelplessness of Cid Mohammed Torres is now sa weil recognized that foreignMinisters, in matters of importance, dispense with him as a channel ofcommunication, and address themselves direct ta the Court. There is Iittle or no socialintercourse between the Minister and the European Representatives; indeed, if CidMohamed Torres were to throw away the mantle of reserve and isolation in which hewraps himself, he wouId lose ail influence with and perphaps excite the suspicions ofthe Emperor. His Majesty's policy is ta keep the foreign Representatives as far awayas possible, and to interpose as many obstacles as he can, in order to break the forceof their demands and remonstrancef, and this is the reason of their being crowded ina distant corner of this dominions instead of being resident in his capital. Until theforeign Legations are established in Fez, the Sultan will occupy an impregnableposition for evasion and obstruction. There is a veil of impenetrable darkness betweenthe ports of the coast, including Tangier, and the rest of Morocco.

Notwithstanding Military Missions at Fez, and travelers continually on themove, the foreign Representatives at Tangier have very Httle information as to whatis going on at Fez, and still less as ta the course of events in the more distant partsof the Empire. They are at the mercy of every wild rumour which flies aboutTangeir, but 1 will here incidentally remark that 1 am making arrangements whichwill, 1 trust, place the British Legation in a better position in this matter.

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This being the state of things, 1 found my OpInIOn for the collection ofinformation and for the amelioration of our relations with Morocco to be muchmore difficult than 1 had anticipated, and 1 was driven to the conclusion that onlyby visiting Fez could 1 obtain the opportunities 1 desired of collecting information,of discovering the true state of things, and, above aIl, of conciliating, persuading,and giving confidence to the Sultan.

Your Lordship, however, adhered to your original opinion that it was notdesirable to send another mission so soon to Fez unless the Sultan volunteered acordial and spontaneous invitation. This has not been forthcoming. The Sultan hasmore than once expressed to kaïd Maclean his surprise that 1 did not corne, and hisdesire that 1 should do so, but when at last Kaïd Maclean suggested that I was notlikely to visit Fez unless requested to do so, His Majesty said it was unusual toinvite the foreign Ministers. They corne as a matter of course, but, he added, hewould consider whether he could not send an invitation. EventuaIly he decided thequestion in the negative, for, he argued, if he invited me aIl the other Ministerswould demand the same compliment.

On the whole, I think that His Majesty was right. In the military Missions at Fezhe has ample justification for his fears. In 1877 he engaged the services of kaïdHarry Maclean, a retired officier of the Britsh army, to drill the infantry. Franceimmediately demanded that his artillery should be placed under a French officer,and eventuaIly the appointment of this solitary English officier was the excuse forthe establishment at the cost of the unfortunate Sultan (or rather at the cost of hissoldiers, for the cost of the Missions is deducted from their pay) of the existingmilitary Missions at Fez, namely: France, five officers; Italy, three officers; Spain,four officers; Germany, one officer at Rabat. In addition to these there are threeSpanish officers at Tetuan, a Spanish military doctOI' at each port, and five Frenchofficers (two commissioned and three non-cornrnissioned) at Rabat.

With the exception of the Chief of the Italian Mission, Colonel Bregoli, who isHead of the Arms Factory, and of Dr. Linares, the medical officer of the FrenchMission, who is practically the French Diplomatic Agent at Fez, none of theseofficers has any duty or employment or special means of obtaining information, forthey are regarded by the Sultan as spies. Theil' presence, on the other hand, is astanding rerninder to the Sultan of the jealousies and rivalries of the Powers ofEurope as regards Morocco, as weIl as a waming that any concession to one Powermust be atoned for by at least as great concessions to the other Powers. Under thecircumstances stated 1 have been dependent during the period of my mission forinformation on frequent conversations with every class of person, whatever theirnationality. I have listened to aIl with as unprejudiced a mind as possible, and a veryuseful tour along the coast from Tangier to Mogador has enabled me greatly tomultiply my sources of information.

No sooner had I entered on my duties than I painfully realized the truth andabsolute accuracy of the passage in my instructions which referred to the

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impossibility of obtaining "proper attention to the Legation or the barest justice toBritish subjects." 1 was everywhere assured by my colleagues, as weIl as by Englishresidents, that British influence, once so predominant in Morocco, had descendedto zero. The explanation generally accepted of this unfortunate change was thecircumstances connected with the break-down of the recent commercialnegotiations, and the inference which the Sultan had drawn that England was nolonger to be feared, and that her representations might be safely ignored.

1assumed, however, and as events proved 1assumed correctly 1 think, that if theSultan ever did entertain the wild ideas attributed to him he must have beenundeceived by the prompt and vigorous action of Her Majesty's Govemment in theTrinidad affair. He must then have leamed that there was a limit to the patience andforbearance of England which he couId not transgress with impunity. But it wasnecessary to analyze the causes which had brought matters to this pass, and theresult of my examination has been to convince me that though the feelings of theSultan towards England were no doubt embittered during the recent negotiations,yet the decay of English influence dates from a much earlier period; that it hassynchronized with the attempts of England to wring commercial and otherconcessions from the present Sultan, and to force upon him the payment of claimsof merchants for debts due by his subjects.

During the greater part of the half-century when Sir John Drummond Hay wasRepresentative of England in Morocco English influence was paramount, greatlyowing to the skilful management of that accomplished diplomatist. It is too oftensaid that the policy of Sir John Hay was merely a policy of masterly inactivity, andthat he gained his influence by co-operating with the Sultan in excluding Europeanenterprise from Morocco. Nothing could be further from the truth, Sir John Hay nodoubt realized the fact that, even if it were justifiable to use force towards Moroccoin order to induce her to adopt a more enlightened policy, such a step was not withinthe scope of practical politics. So intense are the rivalries and jealousies of Europeas regards Morocco, that no Power would believe in the unselfishness of ourmotives; and, indeed, if we were allowed to embark in such a crusade we should beprepared to undertake, as its inevitable result, the Protectorate of Morocco.

As Sir John Hay could not act, he did not threaten, for in dealing with anuncivilized people there is nothing more dangerous, nothing more fatal to prestigeand influence, than to be discovered in recourse to an empty threat. Sir John Hay'spolicy was therefore one of patience. He obtained a personnel influence over theSultan, at any rate the late Sultan, and he used that influence wisely and weIl for thebenefit of the civilized world in general, and of Morocco in particular.

To Sir John Hay Europe is indebted for the Commercial Treaty of 1856, bywhich not merely England, but every other Power who had relations with Morocco,gained their present commercial privileges, insufficient no doubt at the present day,but a triumph of diplomacy at the time when they were yielded by Sultan of the day.

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His successor, Sir William Kirby Green, truly wrote "there is hardly animprovement which has been effected during the past half-century that cannot bedirectly attributed to the action of Her Majesty's Government carried out by my ablepredecessor, Sir John Drummond Hay .... He was never able to assume a tone ofapproval of the system of government followed, yet by patience and judiciouscounsels he maintained his influence over the Moors."

If circumstances had permitted the continuance of this policy of patience,Morocco might have developed slowly -very slowly- a wiser policy and a lesspernicious administration, though it must be doubtful whether in the end Moroccowould have proved to be an exception to the rule that a Mohammedan Empire,whenever brought in contact with a civilized Nation inevitably crumbles to pieces.But this was not to be -Europe would not wait- she was not content that this richcountry, in sight of her, with its magnificent climate, its abundant agricultural andmineraI treasures -a country about the size of France, capable of being made thegranary of Europe as it was in old days the granary of Rome-she would not wait tillMorocco opened its doors of its own accord. British enterprise was particularlyimpatient, and Sir John Hay's influence before his withdrawal was seriouslyimpaired by the establishment of an English Company at Cape Juby, a districtclaimed by the Sultan as his own -a somewhat but not unreasonable pretensionwhich the British Government were obliged to contest in the interest of theCompany. This has ever since rankled in the Sultan's mind, and he has neverforgotten or forgiven what he regards as an act of spoliation. English influence hasnever recovered the ground which it lost when this question arose, andunfortunately the Cape Juby question, as will afterwards be shown, has never sinceceased to be a subject of continuaI discussion between the two Governments.

Another cause of friction was the negotiations of 1885-86 between Sir John Hayand the Shereefian Government, when Sir John, loyally supported by the Frenchand German Representatives, vainly endeavored to induce the Sultan to accept aCommercial Treaty, the same Treaty which Sir Charles Euan-srnith in 1892 againpressed upon the Sultan, with such unfortunate results.

The claims of British merchants on account of debts due to them andcompensation for robberies accumulated between 1872 and 1886 to a large extent,and the last few years of Sir John Hay's tenure of office were embittered bycontinuaI and generally unsuccessful attempts to extract a settlement from theShereefian Government. Thus, when Sir John Hay retired from office the decay ofBritish influence had already begun. Another reason was that the present Sultan,Mulai Hassan, who had now ascended the throne, proved to be a much lessenlightened and more bigoted Ruler than his predecessor. In his address to theLondon Chamber of Commerce shortly after his retirement, Sir John Hay said:

"My sueeessor Sir W Kirby Green, is a very able man, ofwhieh hehas given proofs wherever he has been employed, either as adiplomatie or Consular officer, especially at his last post, when

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Chargé d'Affaires and Consul-General in Montenegro. He is also aman ofenergy and decision, but 1 have no hesitation in saying that1do not expect he will be able to bring about the desired refomzs orthe removal of existing restrictions on commerce under the presentsystem ofgovernment in Morocco, for the same reasons which hadprevented me; and 1 will go so far as to add that even if the lateLord Stratford de Redec.liff, under whom 1servedfor many years atConstantinople, the ablest diplomatist ofhis time, could be broughtback to life and was sent to Morocco, his great talents andextraordinary energy would be ofno avail if he had to treat with aGovernment constituted like that ofMorocco".

The régime of Sir William Kirby Green was able and vigorous, but his tenure ofoffice, unfortunately prematurely closed by death, was, owing to circumstancesbeyond his control, stormy throughout. First, he had to exact reparation on a largescale on account of an attack on the Cape Juby Seulement; secondly, he continuedthe suspended commercial negotiations inherited from his predecessor; and lastly,he was forced by the Sultan's unreasonable attitude to insist on the laying of thecable between Europe and Morocco, and afterwards on its repair. On the latteroccasion the work had to be done under the guns of our fleet, so intense was theopposition of the Sultan to establishing telegraphic communication with Europe.

In August 1888, l find Sir William Kirby Green writing:

"The system ofignoring remonstrances is not one specially adoptedby the Moorish Government with me; it is one of long growth, andthe whole question of the disregard of diplomatie representationshas been coming forward for years standing well back in the timeofmy predecessor. "

And again, on the 4th MaTch, 1889, he wrote, with absolute accuracy, that:

"Injustice to myself1think if right to recall to your Lordship's mindthat this irritating and unfriendly policy of the Shereefian Courttowards Her Majesty's Minister commenced in the time of mypredecessor, and cannot be attributed solely to my action. It may,however, no doubt be largely attributed to the Sultan's Orientalsusceptibility to a display of strength and energy by attachinghimselfto the support ofGermany and !taly, who have quite dazzledhim by their apparent disregard of French susceptibilities. Francehaving hitherto been considered, owing to its possessions ofAlgeria. as the strongest Power in existence. "

At the present time the influence of Germany and Italy are not much greater thanthe influence of England. AlI are overshadowed by France, the only Power interritorial contact with Morocco, and therefore the only Power which can at a

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moment's notice make her power felt, not by harmless demonstrations of iron-dads,which by repetition have becorne innocuous, if not ridiculous, but by the occupancyof sorne prized territory, additionally prized because not yet tainted (Iike Tangierand the other ports) by contact with the infidel. France, too, does not offend theShereefian susceptibilities like England. She does not preach to him or read himlectures regarding the evils of his administration; she does not demand largecommercial concessions from him, but courteously accepts whatever he is inclinedto give. She does not fritter away her influence, but reserves it for importantoccasions such as a cession of territory, when she at once takes a bold and decidedline. More than this, it was France that came to the Sultan's rescue when the recentdifficulties occurred with England, and 1 am assured on reaIly reliable authority,and, indeed, 1 am convinced by my own observations, that the Sultan is sincerelygrateful to France for the moral support which she gave, and the material supportwhich His Majesty supposes her to have been ready to give at a critical moment.

The undoubted predominance of France at the present time is the result of thismingled fear and gratitude, but it is not the growth of a night- it is not to be whollyor mainly attributed to the recent negotiations, for it has been creeping upward formany years, and, indeed, it is the inevitable result of the French advance in Algeria.Whatever the cause may be, 1 undoubtedly found on my arrivaI at Tangier that theinflue.nce of England, and indeed of aIl other Powers except France, had practicallydisappeared. Dnder such circumstances the most dignified policy was one of coIdbut courteous reserve, and this was the policy which your Lordship desired me toadopt.

This policy would have been comparatively easy in any other Court but that ofMorocco. But in Morocco, owing to the restrictions on trade, and especially owingto the system of protection, questions daily arise between the ShereefianGovemment and the Representative of England. A merchant is robbed; one of hisemployés is murdered in a wild part of the country; a debtor evades payment of hisobligations; protégé is arrested; a British subject desires to repair his house, or ­most futile expectation- asks permission to build a home for himself .Or, theShereefian Govemment brings unfounded accusations against sorne British Nabothwhose vineyard it covets. Add to this the ancient daims which are continuallycropping up and crying for settlement, and your Lordship will observe that it isimpossible for the British Representative to refrain from intercourse or even tomateriaIly restrict his intercourse with the Shereefian Court. He has continuaIly tobe appealing for assistance or demanding redress.

There is invariably evasion and procrastination on the part of the ShereefianofficiaIs. Evasion is one of the most cherished institutions of the country, butwhether it exceeds (as it had exceeded in the case of England when your Lordshipdetermined on this Mission) the limits of pos~ible toleration depends on theinfluence which the country represented commands.

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Having thus sketched -at undue length l fear- the general situation when l arrivedat Tangier, l proceed to deal with the various items which composed the Moroccoquestion. l shall attempt to be as concise and precise as possible, but in arder tojustify and explain the conclusions at which l arrived, and the suggestions which lmake, it will be necessary for me to tread paths which have been often troddenbefore, and to summarize facts which have been already the subject of officialReports.

The questions to be dealt with may be divided into two classes: (1) those whichconcern Europe in general; (2) those which concern England in particular.

The former class may be conveniently subdivided under the following heads:

a) The policy and administration of the Sultan.

b) The system ofprotection.

c) The commercial question.

d) The dangers which threaten Morocco from within.

e) The policy of Europe as regards Morocco, and the dangers which threatenMorocco from without.

The administration of The Sultan has been often described by official and non­official pens. There is practically no administration. There is merely a machineryfor raising money. None of the officiaIs, except the Minister for Foreign Affaires atTangier and the Customs officiaIs receive salaries. On the contrary, a governor buys-often by money borrowed from the Jews- his right to administer a province. AGovernor will give perhaps 1O,000l., a Collector of land revenue 500/., theSuperintendent of a Custom-house something over 2.000l., and a very subordinateofficer will pay his superior a sum in shillings. AIl ranks rely on the power theiroffice gives them for extorting presents and bribes from the people. They know thatany offence, however grave which cornes to the ears of a superior, or even of theSultan himself, can be wiped out by the payment of a sum proportionate to itsgravity. So long as a Governor satisfies the greed of the Sultan he may exact whathe chooses from the people, but if he becomes rich the Emperor will hear of it, andhe will be summoned to the court and made to disgorge. Possibly he may be castinto a dungeon to accelerate the process of extraction. But so long as he is in powerhe can do what he likes; he is under no control.

The character of the administration depends, therefare, not so much on thecharacter and nature of the Sultan as on the character and nature of the Governor arKaïd. As a rule, the latter is not cruel, and if the people pay weIl he willleave themalone. If a man is poor and known to be poor, he may live happily even under theSultan of Morocco.

Morocco is an advanced democracy. AH men are equal except those who haveinherited sanctity. Every Moor considers himself to be as good as another moor, and

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far superior to any European, be he Englishman, Frenchman, or of any othernationality. During the commercial negotiations of 1886 the Sultan had recourse toa plébiscite as to whether he should make the concession required. In his address tohis people His Majesty stated that he was merely one of them, and would do nothingimportant without consulting them. The policy of appealing to the people is a newdeparture on the part of the present Sultan, and has been resorted to by him on otheroccasions; for instance, when cessions of territory have been demanded by Spainand France. We occasionally hear of the council, of the "Ulemas" as an importantinstitution, as a Court of Appeal or Privy Council, which the Sultan summons oncritical occasions. This is a mistake. The Ulemas are leamed men who act as aCouncil of Advisers on religious questions. They have nothing to do with, and arenot consulted regarding political or commercial affairs.

The sultan is religious, hardworking, economical, with ability abave the average. Hehas a dignified presence and a courteous address. He is said to he proud, sensual andsensitive, crafty, weak, obstinate, and vindictive. He is also superstitious, and relies muchon astral combinations. For superstitious reasons he is averse to capital punishment, buthe frequently orders tortures to he inflicted which end in death. Avarice is generally themotive. He is very jealous of a powerful kaïd; for instance, during a recent expedition tothe Soos, the Sultan managed to get into his hands a very powerful Shereef, who wasknown as the Sultan of the South. The Shereef was compelled to drink a cup of poisonedcoffee in the Sultan's presence. Occasionally an obnoxious person is requested not to seethe sun rise again. He invariably oheys this invitation to poison hirnself.

The Sultan is not impervious to ferninine influence. His favorite wife, aCircassian, is powerful, and many an affair of State is arranged through her andother inmates of the harem. A govemor or kaïd often sends a beautiful girl to theharem in the hope that she may become the favorite of the Sultan and his ownprotectress. Communication is kept up with her through her mother, who canalways obtain access to her. In this way the Sultan has often been influenced withstartling effect. For instance, a disgraced Govemor, summoned for punishment, hasbeen known to retum loaded with honors to the scene of these iniquities.

The Sultan takes considerable interest in European politics so far as they affectMorocco directly or indirectly. The information he obtains is more or less distortedaccording to the prejudices of his informant. After the rupture of the recentnegotiations, when he supposed himself to be threatened with hostilities fromEngland, he did not merely look to France for protection, but felt sure that America-who cou Id not desire to see the cultivation of wheat extended to Morocco- wouldalso come to his rescue. The British occupation of Egypt, and the crueltiesperpetrated by her there, are also a favorite theme of conversation. The defeat of theGerman Army Bills, and the embarrassment to the Triple Alliance, and a possiblealliance between France, Russia, and Turkey, hav~ given His Majesty much food forreflection, and the distorted glimpses which he obtains of these and otherquestionsno doubt influence his policy.

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The Sultan supervises aIl details. No Minister can send a letter which has notbeen read and passed by him. He is not accessible, even to his Ministers, and no onedare initiate a topic, even of business. If he does aIlude to sorne pressing affair, theSultan will probably wave him away, particularly if it refers to "those Christians."

The Sultan is supposed to be very rich. His treasure, which is concealed in Fez,Tafilelt, and Morocco, has been estimated at 13,000,0001, but this, no doubt, is avery great exaggeration. It is difficult to estimate the Sultan's revenue. Judging bythe exports and imports of 1892, his receipts from customs during that year shouldhave been 425,7001., and altogether his revenue is probably not less than1,000,0001. He has no administrative expenses, for his Governors and their staff paythemselves by what they can screw out of the people. His expenditure is chiefly onhis women and soldiers. He has about 1,500 or 2,000 women in his Palaces. Thefollowing is a rough estimate of his annual expenditure obtained by me from atrustworthy source:

Army .

Allowances to 2.000 relatives and pensioners ..

Presents to wives and others .

Household expenses .

Building and extraodinaries ..

Total ..

70,000f:

14,000

15,000

50,000

20,000

169,000f:

The Sultan spends a great deal of money on his arms factory, and on theformidable, but, for aIl practical purposes, useless, battery armed with Krupp gunswhich he is erecting at Rabat, under the superintendence of a German engineer; alsoon the iron-clad which is being constructed for him in an Italian dockyard. Theseare sops which His Majesty throws to friendly nations who, probably by abstainingfrom unpalatable advice, have earned their reward. On one occasion the Sultanpointed out to Sir William Green the folly of England, who, by her ill-timedcounsels, deprived herself of similar crumbs of consolation.

Administration ofjustice

Criminal justice is administered by the Minister for Justice, the Governors andtheir Deputies, on no principle, and according to no law, rule, or procedure, thereare no Iimits to the powers of the judge. Offenders are never sentenced to fixedterms of imprisonment. They are merely thrown into prison and left there until sorneone buys their release. The same is the case as regards prisoners under trial. Theyare thrown into geol and often forgotten. There is an appeal to the Sultan personaIly,but nearly always it must be backed by money. The Governors also exercise asummary civil jurisdiction, but the most important cases are tried by the Kadi, orJudge (with the assistance of the Adools, or Notaries), according to Shraa, which iscustom based on the Koran. According to Shraa, only the evidence of

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Mohammedans can be accepted. A curious feature in every town is the sanctuary,where every criminal or debtor can take refuge, and no one, not even the Sultan, cantouch him. The sanctuary is part of the town, separated by gates. The sanctuary atSaffi, which l visited, occupied the space of one-third of the town, and exactlyresembled it as regards streets, shops, mosques, &c. It has a population of about5,000 souls. In the port towns these sanctuaries are very inconvenient for trade.

The Sultan goes on tour, or Harka, every year. It is not supposed to he a militaryexpedition, but simply a tour in state through different parts of his dominions.Everybody en route is supposed to welcome him. The whole Court and Govemmenttrave1 with him, and ordinary business is not supposed to be interrupted. It isattended to between the hours of 4 P.M. and 7:30 P.M. every evening -the tentsserving for offices. He takes only a few of his wives- about sixty. No other womenare supposed to be allowed into camp. His escort consists generally of about 15,000infantry, 5,000 mounted men, and 500 artillery, with about 10 mountain guns.

Besides these, aIl the district Govemors, who travel with him, bring a rabble ofmounted and, foot men with them. A market is held every day, and excepting forthe Sultan's immediate household, provisions are paid for. But when tribes do notpay up their taxes the soldiers' pay is stopped, and they are let loose to plunder andkill -unless the tribe is powerful. In that case the Sultan simply camps in the midstof tribe, and by intrigues sow's dissensions between its members and between itselfand neighbouring tribes. When the tribe is sufficiently weakened, he lets loose hisarmy among them. For a Harka in the north of Morocco the Sultan invariably startsfrom Fez; for the centre of the kingdom from Mequinez, and for the south fromMorocco city- these three being his chief residential towns.

Succession

In the natural course of events, the successor to the present Sultan would beselected from the family of the present dynasty, and thus there might be hundredsof possible competitors. But the throne will probably fall to one of three men, viz:the Sultan's uncle, Mulai Ismail (residing at Fez), his eldest son, Mulai Mahomed,goveming in Morcco, or his younger and favorite son, Abdul Aziz, aged about 14years (also at Fez). A good deal would depend on the Sultan's wish. After his deaththe Ministers will meet and elect the successor. The Viceroys at Morocco andTafilelt (and at Fez, if the Court is away) will probably declare themselves Sultan,and then the matter will be fought out, as it was on the succession of the presentSultan. The victory will probably be to him who gets the treasure, for the arrny willfollow the competitor who can pay it best. The Sultan's favourite son is rich, and hisfather continually confers gifts on him. l observe that when in 1887 the Sultan'sdeath was 'expected, Spain reinforced the Ceuta garrison, with the avowed intentionof supporting the Sultan's nominee by force of arrns. Such a step would be a greatmistake, for the Moors should be allowed to settle the question for themselves. TheEuropean who live in the ports would probably be safe, but the handful who live inMorocco and Fez might be in sorne danger. Protégés, however, might fare badly.

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Taxation

The ordinary taxation is :

1. The dime, or 10 per cent, on aU property, real or personal, with the exceptionof buildings.

2. A tax of 33/4 per cent, on aH transactions connected with the buying or seHingof aH animaIs and aH kinds of goods and produce.

3. Tax for the maintenance of the army. Besides supplying its quota of men, eachtribe has to subscribe 1112 dollar (5s.to 6s.) a month for each soldier thusrecruited from it during the time the man is wanted.

There are also the extraordinary taxes :

1. When the Sultan proceeds on an expedition - which is generaHy annual - aheavy tax is levied, part of which is remitted to the sultan. The greater part,however, is retained by the kaïd, whose expenses are very heavy when he alsohas to join the Sultan with a large contingent.

2. AH expeditions dispatched to coHect taxes or to suppress risings levy "muna"(provisions), by order of the Sultan, on aH the countries they pass through.Sometimes this amounts to a heavy tax on the inhabitants, for the latter have,in addition, to make large presents to the various Commanders (e.g., theadvanced guard of nearly 3,000 men which was recently sent ahead of theSultan to Tafilelt).

3. When the Sultan gets married (which is generaHy once a - year), when any ofthe Sultan's sons are married, when His Majesty recovers from an illness- onaIl these occasions a heavy tax is levied.

4. When a foreign Representative passes through a district on his way to Court,the people of the district are heavily taxed, having to furnish him withsupplies, and also to make large presents to the kaïd of the escort and to theGovernor of the district.

5. When the pecuniary daims of any European Power are paid, a heavycontribution is always levied on the people of the districts concerned.

The amount and incidence of taxation is left to the kaïd. If he does not remit whatis considered as sufficient, or if he or the people of his district becorne tooprosperous, he is soon brought to book. It is soon known in his district if a kaïd hasamassed wealth, and then an offer is made for him. That is to say, sorne wealthyspeculator writes to the Sultan offering to pay so much for the kaïd. The Sultan maythen either teH the kaïd that the offer has been made, and give him the chance ofpre-emption at the same price, or he accepts the offer. In the latter case thespeculator becomes kaïd, and gains bodily possession of the ex- kaïd, with whomhe can do whatever he likes; he generaHy imprisons him until he disgorges aH themoney he has.

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The kaïd collects his taxes through his Oomana, or Collectors; there are,perhaps, three or four Oomana to a district, but the district is not divided amongthem. No Governor or kaïd would trust an Oomana alone; he always sets spies ­generally sorne of his own slaves - to watch him. The Oomana are, moreover, sentout together, so that one may be a check on the other. They annually examine theproduce and property of every person in the district. The grain has to be spread outand the animaIs and property have to be colIected before them; they then assess thevalue, of which one-tenth has to be paid during the year. The amount of grain dueis taken at once in kind, whilst the remainder due is paid in four installments.

AlI buying and selling transactions, if not reported by the parties, soon come tathe knowledge of the Oomana through his spies, and a heavy punishment wouldfolIow the omission to pay the tax.

As regards the extraordinary taxes, the kaïd is warned from the Court that acontribution is expected. He immediately assesses the inhabitants of his districtsaccording ta their capabilities, and remits to the Court the amount which fit. If it isnot sufficient he is promptly told so.

The Governor or kaïd has complete power over every one in his district. He cansummon any one, and demand what he likes. The man has to pay or to go to prison.The theory is that everything that a man possesses -even his wife- belongs, not tohimself, but to the Sultan, for whom he hoJds it in trust.

Prisons

The condition of the prisons is certainly startling to the European who has notbecorne callous by habit or indifferent through the conviction that he can do nogood. The prisons 1 have seen are on the coast. You pass through a guard-room andlook through a window into a large room or courtyard, dark and noisome, more orless crowded with men, most of them chained and fettered in varying degrees. Ali-rich and poor-debtor and criminal- are thrown into this inclosure, and out of thisthey never move till death or a bribe, or (more unlikely) the mercy of the men whoput them there causes them to be reJeased. Probably none of the prisoners have beentried, and certainly none of them have been sentenced to a fixed period ofimprisonment. A man may be released to-morrow, or he may be there for life. Hedoes not know, probably no one knows. This is the dark side of the picture. On theother side may be found certain advantages and privileges. The authorities cannearly always be bribed. The weight of the chains, for instance, depends on thewealth of the prisoner. On entering the geol, he is shown, if condemned to wearchains, a collection of fetters varying in weight, each with its price affixed. Theweight of his chains will be in an inverse proportion ta the price he is willing to pay.There is no solitary confinement. Every one is free to move about, so far as hisfetters permit, and talk and play, and (if a friend supplies him with tobacco) smokewith the other tenants of the prison. Friends may supply food, or even articles offurniture of any description - in this way Moorish prisoner has aIl the advantages of

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a tirst-class misdemeanant in an English geoI. Those who have not friends tosupport them may make living by any handicraft, for they are allowed to use theirhands as they like, and to sell the product at the window of the gaol. those who haveno friends, and who cannot work, are supplied with food by their fellow-prisoners,or by sorne mosque, or by a daily allowance of bread from the prison authorities.There is seldom or ever starvation. Taking into consideration the standard of livingto whieh the generality of the prisoners are accustomed to when at liberty, 1 shouldnot be surprised if they would regard with dissatisfaction a transfer to an Englishprison, with its isolation, discipline, and monotony.

The prisons in the interior are much worse, 1understand, than those in the townswhere Europeans reside. The latter enjoy the light of day (to a limited extent) andthe air of Heaven (more or less tainted), but in the interior the prisons are generallyunderground, and are veritable dungeons. Prisoners, sometimes forty in number, arefastened together at night by a single chain, in addition to the fetters on their hands,feet, and perhaps necks. They may die of starvation, and it is said, but 1can tind noevidence of the fact that their corpses sornetimes remain among the living forseveral days. No attempt is ever made to clean out the dungeon, which is one fouIcesspool. Such is reported to be the condition of these dungeons, and the substantialtruth of the description was admitted by Sir William Green when called upon for aReport. He added that he was helpless, and that this and other administrative evilsin Morocco "were beyond the power of simple diplomatie representation."

The reform of the Morocco prisons is a subject which might surely be taken upby the combined European Powers. They have the right to do so, for many of theunfortunate men who are lingering in these dungeons owe their incarceration toEuropean diplomacy exerted on behalf of their trading protégés. The cleansing ofthis Augean stable should be the tirst car and thought of an English Representative.

Jews

The Jews of Morocco number about 300,000, but many of these are in themountain districts absorbed in the general population, with whom they fare equallyweil. The position of the others is much improved for the better by the exertions ofthe Anglo-Jewish Association and the "alliance Israélite Universelle de Paris."Indeed, on the whole, the treatment of the Jew is better than that of the Moor. Mostrich Jews enjoy protection, and even the poor Jew, who is still a Moorish subject, isexempt from taxation, excepting the "jeziah" or yearly tribute, which is paid solelyby the rich, and military service, and in civil matters between Jews he is practicallysubject to his own laws administered by his Rabbi. On the other hand, the Jew issubject to certain disabilities in the interior; for instance, he is obliged to wear aspecial costume, such as a black skullcap and black shoes, and he is not allowed taride through the Medina or Moorish quarter of the town. But these disabilities donot exist in Tangier or in any of the coast towns where Europeans reside. The Jewis always a trader, and generally a money-Iender, and in this way he gains much

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influence. In the interior his position is not so good as in the coast towns, but on thewhole he is weIl treated.

Still, the Jewish association do weIl to be vigilant, for doubtless theimprovement which has taken place in the status of the Jew, and the comparativesecurity which he enjoys, are greatly due to the energy and watchfulness of hiscountrymen in London and Paris. On several occasions when sorne anti-Semiticofficial has distinguished himself by excesses towards the Jews in his charge, theAssociations in question have made the civilized world ring with their denunciation,and the result has been that the Sultan has awoke from his apathy and hastened toally the storm.

The last occasion on which this occurred was in December last, when the Chargéd'Affaires of Great Britain and the Minister of Italy sent identic notes to the Sultanprotesting against the flogging and ill-treatment of Jews in Morocco city, wherethere is a Governor who is exceptionally hostile to them. The Sultan rebuked thetyrannical Governor, and a temporary amelioration followed, but 1 was informed onmy recent visit to Mogador that the Governor had again reverted to his cruelpractices. 1 have sent for further information, and on its receipt 1 shall submit it toyour Lordship for instructions.

The Sultan is believed to be personally well-disposed towards his Jewish subjects,more particularly as the Koran denounces ill-treatment of them. The Jews are obligedto live in the interior in "Ghettos", which in the towns are known as Mellahs, butnearly every town is divided into three quarters: the Kasbah, or official quatter; theMedina for Moors and Europeans (where the rich Jews also generally live); and themellah, or Jewish quarter. 1doubt if this is or should be a grievance. The Jews preferto live together and practically to rule themselves. Their quarters are securely walled,and the gates are guarded, so they are comparatively safe in the event of one of thosesavage uprisings against them which occasionally disgrace even Europe.

The principle of the separate Mellah is, 1 think, generally good, but 1 havenothing to say in defense of the particular Mellah of Mogador. 1carefully examinedit on my recent visit to that town. 1 have seldom, if ever, in the course of my variedexperience contemplated anything more revolting. 1 can vouch for the truth of thefollowing description in a letter from the Anglo-Jewish association,dated the 20thNovember, 1890, to the address of Sir William Kirby Green:

"In many instances from eighteen to twenty persons work, eat, anddrink in a small, dark, and dirty room; that the average number ofpersons occupying one room is six; that they are huddled togetherwithout regard to age or sex; that in some instances as many asthree generations are found closely packed together in one noisomeand pestilential dwelling"

Far from being exaggerated, this statement does not adequately describe thefrightful condition of things. The "small, dark, and dirty room" has often no

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window, but is pitch dark, and its floor is soaked in filth, while the only door opensinto a noisome pateo, or covered courtyard, where the cesspool is in close proximityto the drinking water; this in its tum is crowded with rniserable fragile huts, and isdependent for light and air on a door opening on a narrow street or alley runningwith filth. The stench is so terrible that no European stomach could endure itunmoved. And the marvel of it is that there does not appear to be a proportionateamount of death or sickness, and the people, as a rule, look well-fed contented, andoften well-dressed.

The Moorish authorities explain that the state of things 1 have tried to depict isdue to the grasping avarice of the landlords - aIl rich Jews- who obtain high rentsfor this miserable accommodation, but do nothing for their clients. There, indeed,appears to be room for additions to the existing houses, and means of improvingthem. In deference to expostulation, the Sultan has allotted a new quarter for theJews, but it is feared that this land will fall into the same hands, and that the peoplewill not benefit much. 1 think the matter is weIl worth the consideration of theAnglo-Jewish Association.

There ought to be sorne way out of the difficulty, by appointing, for instance, theRabbi and a few Jews of character to take the supervision of the building of the newquarter. 1 have directed Mr. Allan Maclean, the new Consul, from whose energy andexperience 1 expect much, to take this matter in hand so soon as he assumes chargeof his office.

Agriculture

Agriculture is extremely primitive. The rudest implements are used, and there isno tendency to take advantage of scientific or mechanical improvements. There aregreat capabilities in Morocco, for there are vast tracts which could be easily broughtunder cultivation, but there is no inducement to the people to reclaim. The benefitwould not he to them, but to the grasping local officiaIs, who would speedily robthem of the fruits of their labour. Without European enterprise and capital thesepossible comfields will remain barren.

21,500

The army

The strength of the regular army of the Sultan is as follows :

Men15,000

5,000

500

1,000

Infantry .

Mounted men .

Engineers ..

Artillerymen ..

Total .

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There are eighty guns (different patterns, from 4-pounders to 15-pounders) andten machine-guns for rifle ammunition.

The Chief in Command is the Sultan, and the Generais any one, civilian orsoldier, whom he may appoint. Any one is given command of an expedition.

Infantry (15,000 men) - Five thousand of these serve constantly with the colors,and are enlisted voluntarily. The remaining 10,000 are recruited by conscriptionfrom the tribes in submission to the Sultan, and are called Government tribes.Regiments are named after the district in which they are raised, or from the nameof the Colonel commanding. There are about 1,000 men in each regiment, with thesame proportion of officers as a British battalion. Officers purchase their position,and each step, from the Minister for War.

No attention is paid to fitness, efficiency, or station in life. Colonels andCaptains are mounted, and carry a rifle in active service, but not on parade. Aboutfive battalions are armed with the Comblein rifle (Belgian pattern). The rest havethe Martini-Henry. Each man carries a bayonet -with or without scabbard- and anammunition pouch with about ten rounds of bail cartridge. Excepting in tworegiments -which have been instructed in French- ail words of commend are givenin English.

The dress is a loose short coat, waistcoat, cotton shirt worn inside, loose baggycotton knickerbockers, red fez cap, yellow slippers.

The pay is nominal. Every man follows a trade. Every officer lives on bribes forexcusing men under him from attending to their duties. Each man rations himself.The transport is two mules per 100 men served out by Government, but men taketheir own donkeys. &e., with them on expeditions. Officers supply their own extratransport. Colonels and other officers provide their own tent accommodation. Foursmall tents, bell pattern, are issued to each 100 men. The bands of regimentsconsists of company buglers and drummers.

There are practically no trenching tools.

There has been no drill for three years. In the whole infantry 500 men knowbattalion drill; 5,000 men know company drill; two officers are capable of brigadedrill. Excepting under Kaïd Maclean's personal command, in time of fighting, aIldrill would be quite forgotten.

Physically, the infantry are fine body of men, with powers of pluck andendurance. They are capable of marching eighteen consecutive hours -say 60 miles­without knocking up. They have plenty of dash. They will go anywhere for loot orreligion. They are treacherous, and their morality is Oriental. Unofficered byEuropeans they are no more use than the same number of untrained natives. But itmust always be remembered that a boy in Morocco is born with a gun in his hands,and that to die in bed is considered a disgrace.

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The Mounted Men (5,000) - they cannot be caUed Cavalry - are mostlyvoluntarily enlisted, father succeeding son frequently. Otherwise they aredetachments from different tribes. There is hardly any organization at aU. A colonelwill have a Major, five or six Captains, and from 100 to 500 men under him,sometimes more, sometimes less.

Each man carries a sword (which he cannot draw except with great difficulty,and does not know how to use) and a rifle. These men have about 1,000 Winchestercarbines and 500 Martini-Henrys. The rest have long-barreled flint-Iocks. The dressare the long robes of the country, with a taIl red cap. The cavalry, or rather mountedmen, are an absolutely useless body of men, who could be repulsed by shouts andblank cartridge. They are hardly paid at ail, but are used as policemen andmessengers, and live by extortion.

The Engineers (500) consist mostly of men who have been to Europe and havebeen partially trained in military or scientific schools. They are useless, as they haveforgotten everything that they have ever learnt.

The Artillery consists of eighty guns of different sizes and patterns; sorne arecarried on pack mules, sorne slung between camels, and sorne on wheeled carriages(in extremely bad order). Of ammunition there is very little, and it often gets mixed.There are ten machine-guns of different patterns, but there is no Moor who canwork them. The strength is 1,000 artil1erymen, not organized in batteries, andrecruited from infantry and from coast detachments. They can serve muzzle-Ioadersvery weIl. Moorish artillery has a good moral effect in tribal wars, but they need notbe taken into account by a European enemy.

Those enlisted by conscription are recruited territoriaIly, battalions bearing thename of their respective districts. A theoretical system exists, but is not practiced.The method of recruiting is as follows:

A Sultan's letter, indorsed by the Minister of War, is sent to the Kaïd of thedistrict, instructing the latter to send certain number of men to serve with thecolours. The Kaïd promptly selects the richest men in his tribe and wams them thatthey must serve in the Sultan's army. These men lodge objections with the Kaïd. Hemulets them each of a sum of money, and tells them to arrange for substitutes. Thisthey do. Then the Kaïd gather the chief men of the tribe and explains thatGovernment pay is so small il is necessary that the whole tribe should subscribe inorder that each recruit may be given a sum of money to enable him to live while heis on service. Accordingly a subscription is made. Of this a recruit will receiveabout 20 dollars. The remainder of the fund, plus a portion of the sum collectedfrom the originally selected recruits (who are excused), is sent to the Minister ofWar as a perquisite.

Each recruit has made his own arrangement with the man he is substitute for, andaccording to the amount of money he has received he will remain with the colorsfor three or six months. He is not al10wed to leave until he has "squared" the

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Minister of War, unless he deserts. At ploughing or harvest time these men desertin companies at one time. But they are not generally called out until harvest is over.

Reserves-Every able-bodied man is bound to serve in case of national danger.This might, in the case of a jehad, or holy war, it has been estimated, mean 800,000men, of whom 200,000 have been through a good source of drill; 150,000 would bearmed with breech-loaders (very little ammunition), 250,000 would be mounted. Itmust be remembered that aH these men regard war as a recreation, and have beenbrought up in the saddle with guns in their hands.

Not more than 200,000 of these could be brought up to one spot; this 1 aminformed on good authority, could be managed in three weeks. After a month awayfrom their own district they would quarrel amongst themselves, so there would beno cohesion, and in a short time a great many would retum to their own homes.

To sum up, the regular army as a whole is a rabble, but it is equal to the Sultan'sdomestic requirements. It would he absolutely useless as a trained force against aEuropean army. One general action wouId exhaust the ammunition for artillery andbreech-Ioading small-arms. The men have forgotten what drill they ever know. Atpresent no drill is allowed. The general population or reserves fighting in theirhomes might keep up a desperate guerilla war, at least so long as their ammunitionlasted.

Slavery

About one twenty-fifth of the entire population of Morocco are slaves, thoughmany of them are to aIl intents and purposes free.

The Sultan is by far the greatest slave-owner in the country. He possesses largelocations, or farms, where they are allowed to intermarry. After satisfying his ownrequirements in the way of servants and concubines, he sells the surplus stock.

Other rich men who own a number of slaves follow his example, and this is theprincipal source of supply for the slave-markets throughout Morocco. Families aresold in one lot, or separately, whichever appears the more profitable course. Slavesas a mie are weil treated (the Sultan's being an exception), it being to the interest oftheir masters that they should be in good condition.

They are generally contented, and if they consider themselves ill-treated theyhave the right to demand that they should be sold in the market. The beating ofslaves is riot considered ill-treatment unless it results in their being bed-ridden.

They are never worked in gangs or driven by overseers, as used to be the casewhen slavery was an institution in America.

There are public markets in which slaves are sold in every town and districtexcepting in those coast ports where Europeans reside, and the sales are carried onprivately.

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About 1.000 fresh slaves are introduced every year from the interior of Africa.They are bought at Timbuctoo in exchange for European and Moroccanmerchandize. Thence they are conveyed by caravans to Soos. The annual market atM'Gool in Soos is the principal depôt. They arrive thin-Iooking, but in pretty muchthe same condition as the people who bring them-the long desert journey beingtrying to slaves and freemen alike. Occasionally they are badly treated on the road-but it is to the self-interest of sellers that their human wares should be in goodsaleable condition.

These slaves are generally quite young children. In Soos the average price of ayoung negress on her first arrivaI from the interoir, who is quite healthy, and about7 years old, would be 50 dollars. A boy under the same conditions, about 25 dollars.If sold again, almost immediately, in a town, a profit of about 30 pel' cent would berealized.

Girls reach their best value -from 90 to 150 dollars- on arriving at a marriageableage.

As a rule a lower-class Moor will purchase a quite young negress as aninvestment. During her childhood she will work for his wife and learn to performhousehold duties, and tben when she arrives at the desired age he will sell her at alarge profit.

Merchants from ail corners of Morocco attend tbe M'Gool market, sorne to buyon commission, sorne to invest on their own account.

On his return to his own town or district the trader will warn the localSuperintendent of the Slave-market of his approaching arrivaI, and will give aglowing account of his purchases in order to incite curiosity and expectancy.

On arriving he will hawk his newly-acquired maidens round to the houses ofrich people, and try to sell them privately at fancy priees. Fainting in this he willplace them on the market to be sold by auction.

The principal points in a girl a purchaser looks to are teeth and soundness in limband body. They argue that bad teeth denote a feeble digestion and ailing health. Inboys they look for health, physical strength, and capability for work of a general ortechnical kind.

Negroes and negresses (slaves) perforrn aIl offices of servants in Europe.

Another description of slavery applies to those girls, who are stolen fromcountry villages, or are taken in war, and afterwards sold as slaves There are aconsiderable number of these, and sorne of them are very beautiful.

They are usually bought to be used as concubines, and they are generally cleverenough to make, comparatively speaking, good positions for thernselves, oftensuperior to that of legally married women.

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Their market value, when still virgins, amounts to sums varying from 200 to1,000 dollars.

Sometimes pilgrims on their retum from the Prophet's tomb in Mecca willpurchase white females in Stamboul, Egypt, or Tunis. They smuggle them intoMorocco, often under the noses of European Consuls, as their wives. Once in thecountry they command a high priee -from 300/.to 1,000/,- according to the extentof their charms and accomplishments.

Sometimes these girls marry their masters - as happened to a Cil'cassian, who isthe favorite wife of the present Sultan, and was his slave, acquired by purchase,before she became his wife.

There are not more than 150 eunuchs in Morocco, and they are aIl owned by theSultan and his relations. They are immensely prized, and, consequently, spoilt andpampered. They live to great ages, and aIl of them have wonderful constitutions,probably because it is only the fittest who could have survived the frightfuloperation they have undergone.

The mortality among slaves does not seem to differ with that of the othercommunities in Morocco, excepting in regard to boy slaves employed about theRoyal Palaces. Numbers of these children die of pulmonary complaints, the resultof semi-starvation, cold, general neglect, and cruelty. They are quite at the mercy ofthe eunuchs, who are the hardest of ail taskmasters.

Masters are allowed by Korannic law to cohabit with their female slaves. If afemale slave have a child by her master, such child is free, and in the same positionas his other children born to his wives. The mother cannot be sold, and becomes freeon the death of her master.

Were slavery in Morocco abolished, 300,000 people, thoroughly accustomed tobeing looked after, and provided for without any thought for themselves, would behomeless and resourceless.

Slaves are admitted to the same privileges as free natives, and practise theMahommedan religion.

Moors contend that to own slaves is permitted by Korannic law, and thattherefore those who seek to do away with the institution of slavery are attacking thereligion of the country.

Morocco did not sign the Brussels Convention, though Persia and Turkey did.

About ten years ago, British protégés were forbidden to hold slaves, and aIl suchwere supposed to be manumitted. Practically this order had no effect, as the slaves,when existent, remained as servants.

There is a considerable resemblance between Afghanistan and Morocco. Boththese so-called nations or Empires are merely a collection of unruly independenttribes loosely held together, whieh readily use their right of revolution when their

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rulers displeases them. The situation in each country has been greatly changed bythe institution of standing armies equipped with breech-Ioaders. The Ruler has thusbeen strengthened, and the tribes have been proportionately weakened. In the matterof the successions, for instance. these armies threaten to the Praetorian guards whowill settle this question, which .I\'as formerly decided by the people, perhaps after asuccession of sanguinary fights.

Both Afghanistan and Morocco are in contact with one or more Great Powers,and both Empires are shriveling up before the friction which inevitably follows thatcontact. Both countries are fanatical, and hate, and would exterminate if they could,ail Christians. But so far as 1 have been able to judge, the fanaticism of the Moor isnot nearly so bitter and violent as that of the Afghan. In Morocco 1 find Britishtravelers freely moving about, and even missionaries (with admirable tact anddiscretion it is true) preaching Christianity without molestation or, generallyspeaking annoyance. Although the danger to Europeans in Afghanistan is greatlyexaggerated, the same security does not exist.

The population of Morocco has been variously estimated. One estimate-framedby a careful and experienced officer-reckons the population at 4,500,000, in thefollowing proportions:

Moors ''''''''' ,..... ,." .."'' .."'''""..".""" ""."''".,, ....,,,,.,,''''."".".....".... 1,750,000

Berbers ",.,.,., ,.,,,.,.,,.,', ... ,.,.,.,,,.,,.," ... ", ,'.,,.",,,,,,,.,.,,.,,.,,,,,.,,,,,,,,.,,,,, 2,000,000

Arabs .""".,." .. ", ...",,,,,,.,,,.,.,.,,,,,,.,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,""..".".,.,,,.,,.,,.,,,,,,,,,,,.. 250,000

Negroes .,.,., ... ,.,."",."."."."'".,.'"",",, ,,,',,",.,, ,,'".""..".",,,,,,, .. , ,,. 200,000

Jews , "."." " " "."" ".. 290,000

Christians " " " "." "."." "." ".. 10,000

Another estimate is 8,000,000. Whatever the total is, more than half arepractically independent, contributing not a penny or a man to the Sultan'snecessities. These practically select their own Govemors, and, like the Angheratribe in the close vicinity of Tangier last year, would quickly get rid of a Govemorwho did not suit them. The population which live in the ports where the influenceof European civilization is felt do not suffer much, so there only remains thepopulation of the plains in interior who are at the mercy of the Sultan's agents, andeven they, as 1 have remarked above, are left alone so long as they have not thereputation of having money in their pockets.

ln fact, the Sultan's secular power and prestige are limited and restricted to asmall portion of his so-called Empire. His chief authority lies in the fact of his beingPope as weIl as Emperor of Morocco. He is of holy lineage, but unfortunately forhim there are others still more holy. There are other Popes in Morocco. For instance,the Shereef of Wazan, who can also trace his descent to Fatma [Fatima], the beloveddaughter of the prophet, is facile princeps among the Popes of Morocco. Indeed, as1 write these lines, 1 hear the reports of guns and fireworks and the ringing

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acclamations of an excited crowd who are welcoming back after a brief absencefrom Tangier the sacred progeny by an English Christian wife of drunken saint -thelate Shereef Wazan- who was wont te deck himself in the uniform of a FrenchGeneral. For no crime or even an apostacy in the individual can extinguish the halowhich adorns him in consequence ofhis holy descent. 1 shaH have more to say aboutthis family later when 1deal with dangers which threaten Morocco from within, but1have written enough, 1 think, to show that the Sultan is by no means an omnipotenttyrant, and that, bad as is the administration of his Empire, the fate of his subjectsis not so black as light reasonably be imagined.

There is, of course, much, and 1 believe increasing, discontent, but though thepopulation should, sua si bona norint, long for deliverance, 1 am confident that ifanother plébiscite were taken there would be an overwhelming verdict against anyChristian interference with the present state of things.

There are only two ways of reforming the administration, first, graduaHy by theinfluence of European ideas, which will slowly but surely make itself felt ascivilization and commerce find their way in the country. The other way is by forcingon the Sultan, by the will of Europe, the reforms which are necessary. The latter iscertainly the policy which should be adopted, but is it possible? Who is to be themandatory of Europe? Certainly not England. Rer interference would indeed causethe storm to burst, and if she undertakes this chivalrous role she must be ready notmerely to quell a rebellion in Morocco, but to face the resistance of more than oneGreat Power, and then to assume the Protectorate and perhaps administration of thisvast and unruly Empire. Sorne enthusiasts may hope that the European Powerscould be induced to act in concert, but the age of crusades is over. Europe mightintervene if she had great common material interests to serve, but a mere sentiment,such as the reform of Moorish prisons or the abolition of domestic slavery, whichthe slaves themselves wouId probably resist, will never bring about combinedEuropean interference in the affairs of Morocco. Under these circumstances there isno option but to trust to the tact and patience of England's Representative; to choosea man who can be trusted to acquire influence, and by advice (in season but not outof season) gradually to bring about the reforms which are so desirable. The soonerBritish commerce and philanthropy understand that in the present state of Europethis is the only feasible policy, the better for the prosperity of Morocco and for thepeace of the world. England's Representative would not then be forced by theclamour of in-esponsible enthusiasts into impossible enterprises and unnecessaryhumiliation.

1 understand that the Sultan, who has great charms of manner, has little sense ofhumour, notwithstanding that Irish blood flows in his veins. Nevertheless, 1 feelsure that he and his astute Minister for Foreign Affairs would enjoy a hearty laughif they were threatened with a combined movement on the part of the EuropeanPowers. Their policy is and always has been based on the jealousies and rivalriesamong these Powers which they so thoroughly understand and utilize. Their policy

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is one of isolation and obstruction, and they perfectly understand that it is only byplaying off one Power against another that they can preserve their equilibrium.They have sorne fear that France, practically their only neighbour on land, mayprove stronger than aIl Powers put together; hence their present attitude towardsFrance. But there always have been these ups and downs in their relations with theEuropean Powers, and 1 do not believe, as sorne do, that there is any danger of theSultan accepting a French Protectorate. So long as a superficial submission toFrance insures him immunity from encroachment, so long perhaps may the presentattitude continue, but sooner or later the Sultan will probably again seek thefriendship of England and other Powers.

When the Sultan desires to conciliate a Power, his policy is to make sorneconcession to it, the smaIler the better, so long as it serves its purpose; indeed, HisMajesty was heard to say that the late English Mission was the only case in whicha foreign Minister had gone away empty-handed. A foreign Representative seldomif ever gets aH he asks for, but he always obtains sorne advantage for his country,such as a commercial concession, a settlement of daims, or an important contract.These concessions mount up, and in time make a sum total of advantages by whichcommerce greatly benefits, and 1 fear that so long as Europe cannot act in unisonthis is aH that can be done.

Indeed, the great difficult in the situation is the jealousy which divides the EuropeanRepresentatives at Tangier. The negotiation of a Commercial Treaty is the blue Ribbonof a diplomatie career in Morocco. The Minister who succeeds is distinguished abovehis fellows. At present, Count Tattenbach, the German Minister, occupies that proudposition. There is no national excuse for this jealousy, for the concessions obtained forone nation are equally enjoyed by aU others under the "most-favoured-nation" clauses.This point will, however, he more appropriately dealt with when 1 come to considerCommercial Treaties, and 1 merely refer to it here to show the difficulty, indeedhopelessness, of getting the Corps Diplomatique of Tangier to act unselfishly andsingle-mindedly for the good of Morocco. If such a policy is to he inaugurated, it musthe forced on the different Representatives by their respective govemments, who mustrequire them to discard deep-rooted prejudices, suspicions, and rivalries, and workwith one accord for the removal of the frightful abuses among which they live.

At present there is no sign of this millennium; certainly it is not to be found inthe Council-room of the "Conseil sanitaire" or, in other words, the CorpsDiplomatique, to which the Sultan has delegated the sanitary control, as regardsquarantine, &c., of Tangier and the other ports. In order to understand this action ofthe Sultan, it must be explained that His Majesty's interests in Tangier and otherports open to trade is comparatively slight. They are frequented by Europeans andChristians, and consequently His Majesty attaches much less value to them than toother towns and provinces which remain untainted. The Sultan probably receivesReports of the debates and doings of the "Conseil Sanitaire", and no doubt he oftensmiles at their divisions and collisions of interests.

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Recently he seized an opportunity of throwing an apple of discord among them.The sanitary condition of Tangier is, as your Lordship is aware, most unsatisfactory.The Sultan has been repeatedly pressed to improve this state of things, but he is notinclined to spend Shereefian money in making Tangier a more healthy residence forChristians. However, last year Count d'Aubigny, the French Minister, succeeded inextracting from the Sultan a series of concessions by which the municipaladministration was practically placed in the hands of the "Conseil Sanitaire", or ofa body to be appointed by them.

These concessions gave the Corps Diplomatique power to provide for and levytaxes on account of the construction of abattoirs, the draining and cleaning of thestreets, and, above all, for the supply of drinking water, a want which is grievouslyfelt among the poorer classes, who include several thousands of Spaniards. Morethan a year has passed, and nothing has been done beyond repeated discussions,which have only proved, what was only too well proved before, that internationaland personal jealousies will for ever prevent the Representatives of Europe fromjoining hands even to battle with the dirt, disease, and misery amongst which theylive.

The Sultan fully appreciates this; indeed, he would never have offered theseconcessions had he not anticipated the result, and he again consoles himself with theconviction that European diplomatists who cannot act together in the cause ofbenevolence and personal self-interest, where no political element need enter, arenot likely to combine in forcing him to make commercial concessions, which willbe to the greater advantage of one than of the other, or to introduce reforms which,by giving a new lease of life to Morocco, will defeat the designs of the moreaggressive Powers. Divide et impera is the key-note of the Sultan's external andinternai policy.

Protection

l next approach the question of Protection, that institution which has been somuch and so long abused. The conclusion to which a dispassionate study of itsworking has led me is that protection isa pernicious system which has fullydeserved the abuse heared upon it, even by the most enthusiastic ofphilanthropists.No one has a good word to say for protection, though its existence is often (and withreason) justified on the ground of necessity.

By protection is meant the system by which Moorish subjects of the Sultan areremoved by the stroke of pen of sorne Minister, Consul, Vice-Consul, or evenmerchant, from the jurisdiction of the Sultan, and subjected solely to the jurisdictionof foreign Consuls. They are thus exempted from liability to pay taxes or fromservice to the State, and what is perhaps worse than anything else; they are entitledby custom to the support of the country which protects them in the claims whichthey bring forward against other Moorish subjects.

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Originally only foreigners enjoyed these privileges, and no great inconvenienceseems to have been experienced. Indeed according to Sir John Hay, there was nodifficulty before the days of protection in obtaining redress when the employés ofmerchants were arrested or interfered with, but that was in the halcyon days whenSir John Hay's influence was paramount, and when another and wiser King reignedover Morocco.

Concerning this point Sir William Kirby Green wrote in January 1888 :

"The system which 1shouldfavour would be the entire abolition ofprotection of natives engaged in the service offoreigners for thepurposes of commerce, agriculture, &c. 1 would rnaintain theprotection of aU natives employed by the DiplomatieRepresentatives, andfix the number ofnatives entitled to protectionfrom being in the service of Consular officers. "

It cannot, however, be doubted that if protection were suddenly abolishedwithout any adequate safeguards a deadly blow would be struck at commerce.

The reason why the fanatical Moor seeks protection from the Christian isbecause under his own Government there is no security for life or property. Both areat the mercy of any grasping Governor. In Morocco trade is not carried with theinteriOf by the merchant at the port. This is not allowed by the ShereefianGovemment. Accordingly he must employ Moorish agents, and send them withmerchandize to sell to, or with money to buy from, the inhabitans of the country.Even now, when these agents enjoy protection, they are occasionaly arrested androbbed by unscrupulous officiais. What chance of safety would they have if theywere placed beyond the pale of protection, unless sorne other means of obtainingjustice for them can be devised?

Again, under the present Sultan Europeans are practical1y forbidden, in the teethof Treaties, to hold land. This disability is often evaded (foHowing the analogy ofthe Roman Catholics in Ireland in the time oUhe Penal Laws) by entering intopartnership with a Moor who, ipso facto, becomes entitled to protection.

This is the favourable aspect of protection, but when we look at its reverse side,and realize the disgrace and humiliation which the system brings upon civilizationand Christianity, and the grave political dangers bred by it, which are now comingto maturity, 1 am almost incIined to agree with those who contend that it should bedestroyed quickly root and branch.

It is notorious that protection has become an object of traffic, and that merchants,Vice-Consuls, and Consuls have made handsome incomes, if not fortunes, bysel1ing il. Only the rich Moors are, as a rule, protected. Once a Moor amasses wealthhis aim is to obtain protection. He has no cIaim to it, for he has never been out ofMorocco, he has no connection with any European firm; perhaps, indeed, he hasmade his money by the Slave Trade. But there are quarters where men such as hecan buy protection, it is merely a question of the price to be paid.

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There is also the system of selling back a protected Moor. A Governor anxiousto seize the wealth of a protected Moor, and baulked in his desire so long as the manis protected, will offer a sum of money to the protecting Consular officer ormerchant if he will cause it to be withdrawn. In most cases such a proposaI will ofcourse be indignantly repudiated, but in others it will be accepted or made theexcuse for securing more money out of the protégé. But if 1 were to enlarge on theevils of the system, the scope of this Report would be enlarged beyond aIlreasonable limits. Volumes have been written, and the archives of the ForeignOffice contain official Reports which in dry and judicial language fully justify aIlthe abuse which has been heaped on the system by passionate and indignantphilanthropist.

When the subject has been discussed by the Cabinets of other Powers not onehas denied the evils of the system, though its existence and continuance aredefended on the ground that in the present demoralized state of Morocco it is anecessary evil, unless the dream of aIl Moorish Sultans is to be realized and thedoors of Morocco, barely opened, are again to be closed on European enterprise andcommerce.

Protection was legalized by the French Agreement of 1863. Until then it hadbeen sanctioned by no Treaty or convention nor even by the practice of England. Itsprung up out of the decay of Moorish authority and prestige, more especially afterthe campaign of 1844, when the superiority of Europe was finally established by thebombardment of Tangier and Mogador by the Prince of Joinville and by thecrushing defeat of the Moors in the battle of Isly.

Its origin has been thus explained in a foreign official document:

"When the prestige of the local authorities was diminishing inconsequence of these events, that of the Representatives andConsuls of the European Nations was increasing. Encouraged bysuccess, and not having important interests of their own to protect,owing to the small number of their nationals and the limitedcommunication with Europe, the Ministers and Consuls began touse their authority in favour of the subjects of Morocco. Nor wereplausible reasons wanting injustification ofthese proceedings. Thelack ofEuropean houses ofbusiness suggested extending protectionto native firms in order to open and develop commercial relations.ln the absence ofa native colony of its own, it seemed favourableto the influence of a nation to have a fictitious colony. The abjectcondition in which the Jews of the Empire were kept made itdifficult to resist the appeals ofnative Interpreters and Secretaries,most ofwhom were Jews, when they invoked the aid oftheir chiefsin favour of their relatives. A sense of justice would sometimesprompt the Consul to place under the protection of his flag somerich and influential Moor who had been made the victim of the

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caprice and rapacity ofthe Governors. But it cannot be denied thatvenality now and again played a part in the concession ofprotection. Sorne of the foreign representatives were so mean as totrade in it, and where the head of a Mission would have beeninaccessible to corruption there were subordinate officiais whowere more easily tempted. "

The system gradually developed, especiaIly during and after the Spanish War of1859, when the authority of the Sultan was still further weakened. Then the evilbecame so acute that a reaction set in, which led to the French Agreement of 1863,the object of which was to limit protection by restricting it to the employés ofConsulates and Legations, and to the commercial agents, of whom two wereallowed to each firm or branch of a firm. But this Agreement had not the desiredeffect. Protection leaped the barriers and flourished more than ever, till at last SenorCanovas deI Castillo, then Spanish Minister of State, declared in the Cortes on the13lh February, 1880, that:

Hifthe right ofprotection continues to develop as it has been doingfor the last few years, the Emperor ofMorocco will awake some daywithout a single subject. "

This statement owes much of its significance to the fact that it was reluctantlyextored by the force of incontrovertible facts from a Spanish Minister, but it was nonew discovery. For many years before this Sir John Hay had protested against thefurther development of a system which tended "to deprive the Sultan of his rightsas an independent Sovereign, and to render aIl government in this countryimpossible." In 1865 he expressed his opinion that unless the matter was arrangedit would not only prevent the progress of civilization and the increase of trade. butwould sooner or later produce a state of anarchy.

Even after the Convention of 1863, England refused to adopt the practice, and itwas not until after the Convention of Madrid, when the system was formallyadopted and sanctioned by united Europe, that Sir John Hay was reluctantly obligedto extend its operations to British trade, which would otherwise have been at aserious disadvantage. More than that, in 1883 he was instructed:

"That so long as any other Governments insist upon extendingforeign protection beyond the limits laid down in the MadridConvention, and are suffered to do so by the Sultan, Her Majesty'sGovernment are not disposed to debar themselves from claimillgsimilar benefits in aU cases where the interests of British subjectsmay be illvolved. "f

The Shereefian Court continued to make energetic remonstrances, and finally aConference was held in Madrid in 1880 to consider the whole question. At thisConference only the English, Spanish, and Austrian were in favour of restricting thepractice, and accordingly the result was that the convention of 1880 has much

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aggravated and intensified the evil which it was intended to mitigate and restrict, ifnot extinguish.

The Convention legalized the grant of protection to aIl employés of a Legationand Consulate, and in a limited degree to those in the personal service of Diplomatieand Consular officers, and also to a limited number of commercial agents of forgeinmerchants established in Morocco. AlI employés of foreigners or of protectedpersons were to he entitled to certificates exempting them from arrest withoutprevious notice to the authority which issued the certificate. Finally (under ArticleXVI) each Power was entitled to give protection, on account of special servieesrendered, to natives of Morocco not exceeding twelve in number.

Later, when I have to deal with the dangers whieh threaten Morocco, I shall haveto refer in more detail to this mischievous provision which now overshadows theindependence and integrity of Morocco.

On the other hand, all foreigners and protected persons possessing or rentingcultivated land were made liable to the agrarian tax -which notwithstanding theyhave never paid- and all foreigners or protected person owning beasts of burdenliable to the gate tax, whieh, however, has been since abolished by the Sultan.

By former Treaties foreigners possessed the right of holding real property inMorocco. This right was affirmed, but the astute Representative of Morocco,dealing with a body offoreign diplomats who were unaquainted in practiee with thequestion referred to them for decision, succeeded in inserting a proviso that thepurchase of real property must be made with the previous consent of the Sultan.

This in pratice has deprived Europeans of a valuable and essential privilege, fornever since the Convention of 1880 was signed has the Sultan given his consent tothe purchase of real property by Europeans except in the vicinity of Tangier.

This harmful provision and the mischievous article XVI, have been almost theonly Articles of the Convention which have not been a dead letter.

Protection with aIl its evils continues to develop, the limits imposed to it arehabitually ignored, taxes are not paid by foreigners, and, in short, the question ofprotection is in much the same condition as it was before the Conference of Madrid.No doubt the miscarriage of the Convention is in sorne measure due to the' apathyand indifference of the Moorish Govemment, who are accustomed to quote the evilsof protection as an argument against commercial concessions, for they plausiblyurge that the extension of commerce means a great influx of Europeans, and aconsequent increase of the system of protection, whieh by general admissiontheatens to plunge the country into anarchy.

The negociations of 1885-86 were broken off on this ground, for the Sultanrefused to continue them till the Convention of 1880 should be revised. This led toan interchange of views between the Powers interested, and it was proposed bySpain that another Conference should he held. After much negotiation, when at last

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the assembly of the Conference seemed to be assured, there was a change ofMinisters in Spain. The new Foreign Minister (the Marquis Vega deI Armijo) washostile to the Conference, and he caused it to be postponed for a few months.Meantime, the Sultan, at the instigation, it is believed, of the Spanish Minister inMorocco, wrote a letter withdrawing his demand for the revision of the Conventionof 1880, and claimed instead that its provisions should be strictly adhered to.

Thus stands the question of protection. There can be no doubt that it should beabolished, for aH attempts at improving the system must fail as they invariably havefailed. Of course a substitute must be found, and can be found, in the shape ofMixed Tribunals. Their constitution should be adapted to the peculiar needs andcondition of Morocco, a difficult, but by no means impossible, task. It may beobjected that a Mixed Tribunal may prove to be the hotbed of intrigue. This ispossible, but no pessimist imagination can evoke the nightmare of a Mixed Tribunalwhich could breed evils so disastrous, moraHy, economicaHy, and politically, as thepresent system of protection.

Sir William kirby Green, who had great experience in such matters, was a strongadvocate of the change. He wrote:

"Mixed Tribunals would prove the thin edge of the wedge wherebyMoorish authoroties would learn the meaning ofthe word 'justice'.They would quickly perceive the hold it would give them over theirown people, and the advantage of levying fixed fees instead ofdepending on the largess of the litigants or having recourse tocorruption. It would be the second great success scored by adoptinga European form of administration, and would perphaps at lastopen the door for a general reform in al! branches of theGovernment structure. "

There are indications that the present Sultan wouId be sorry to see protectionabolished, as it would deprive him of his favourite and plausible excuse for refusingthe extension of commercial concessions. Hitherto the two subjects have beentreated together, and we have continued to travel in a vicious circle. The Sultan hasrefused to grant commercial concessions unless protection is abolished, and Europehas refused to abolish protection unless commercial concessions are simultaneouslymade.

This, 1 venture to submit, is a mistaken policy. The abolition of protection andthe creation of Mixed Tribunals are called for by morality and policy, and should betreated on their own merits. The Sultan prefers protection to commerce, and theconsequent influx of Europeans; the only equivalent which he will accept forcommercial concession is a guarantee by Europe of the independence and integrityof Morocco.

In conclusion, 1 would add that the abolition of protection would not beunacceptable to English merchants, for one result of the system is to throw the trade

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of the countries into the hands of protected natives, particularly of Jews. There willbe opposition from the latter, but, as Sir John Hay has pointed out, of the 300,000Jews in Morocco, only about 300 are protected, and the saftety of these can beadequately insured.

Commercial Concessions.

In 1856 fixity of commercial relations was frrst secured by Sir John Hay'sConvention which was negotiated with great difficulty, and in spite of muchopposition. Before that date a policy of "monopolies, favouritism in trade, and theconstant lowering and increasing of duties without notice to merchants," terriblyfettered commerce. Duties were sometimes lowered or raised three times a-year, andspecial terms even were given to special favourites. The effect of this Treaty, and of theSpanish Treaty of 1861, which followed the lines of the English Treaty, was to establishcustoms duties of 10 per cent ad valorem on imports, very heavy export duties, and thepower of the Sultan to prohibit the exportation of any produce of Morocco.

Consequently, among the articles excluded from exportation remained wheat,barley, flour, argan oil, cork, bones, mineraIs, horses, and many other articles. Withgreat difficulty Her Majesty's Minister obtained the insertion in the Tariff of Exportsof maize, beans, &c., but he failed altogether to induce the Sultan to agree to theexport of wheat and barley.

In 1878 Sir John Hay proposed a revision of the Convention. The proposaI washis own, and did not originate from, nor was it seconded for sorne years by, anymercantile bodies or traders. In consequence of America being now the granary ofEurope, the export duties in Morocco -from 50 to 70 per cent. of the value of thegoods shipped- were prohibitive.

It was, moreover, most desirable to open Morocco for the export of wool, oil,cattle, &c. Negotiations dragged on till 1882, when Sir John visited the Court, andhad interviews on the subject with the present Sultan, whom he found very averseto any concession. The British Minister quoted the opinion of His Majesty'spredecessor, Sultan Cid Mohammed, who, ten years after the Convention of 1857,had warmly thanked the British Minister for the services he had rendered toMorocco in negotiating the Treaty, adding:

"The trade had trebled, and the receipts ofcustoms had sufficed topay the interest ofdebt to the English loan contractors, and halfofthe customs (due to Spain on account ofthe war indemnity), and thesurplus from the receipt ofcustoms excceded the revenue before theConvention was signed. "

These arguments had no weight with the Sultan, Mulaï Hassan, who remainedobdurate, his principal arguments being that aIl surplus production in grain wasalready exported, and that, therefore, if the duties were reduced by half, the revenuenecessarily would also be reduced in the same proportion.

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Another evil which Sir John Hay attempted to have removed was the prohibitionof the free shipment of home-grown grain from Morocco port to another. Grain,when carried from one port to another, must pay export duty (50 to 70 per cent. onits value), and consequently there may be an enormous difference in the price ofgrain in ports a few hours distant from each other. This is known as the cabotagequestion.

At last, in 1855, after Sir John Hay had used language which, as he reported,"could not have been stronger or more decided unless l had resorted to terms ofmenace," the Sultan consented to appoint Commissioners to examine the wholequestion of a Commercial Treaty.

France and Germany (the latter had no Treaty of any kind with Morocco) joinedin these negotiations by their own desire, but the co-operation of other Powers wasdeclined, on the ground that there would be obvious inconveniences if there weretoo many concemed in the negotiations. There is every reason to believe that sorneof the Representatives thus excluded from the negotiations did their best to dissuadethe Sultan from bringing them to a successful issue.

A draft Treaty was prepared and laid before the Sultan by this Commission. HisMajesty then issued an Edict to his subjects, inviting their opinion. This plébisciteproduced the impression that the Powers had threatened war, and a "Jehad" or holywar, was said to be proclaimed in consequence in different parts of the Empire.

The result was apparently unfavourable to the Treaty, for the Sultan afterwardsinformed the Ministers of England, France, and Germany that "ail the great anddistinguished men of the realm", presumably the masses, were opposed to theTreaty. The negotiations, however, continued to linger on until January 1887, whenthe Moorish Govemment finally declared that they would not continue them unlessthe Madrid Convention of 1880 was revised.

l have above referred to the negotiations which ensued for the assembly of aConference at Madrid to revise the Convention of 1880, and have explained howthe Sultan, apparently at the instigation of Spain (where the Marquis Vega deiArmijo has succeded Senor Moret), withdrew his request for a revision of theprotection system, and demanded instead that the Convention of 1880 should bestrictly enforced. The negotiations were consequently shelved until 1890, when theSpanish Chamber of Commerce reopened the question.

Sir William Kirby Green (who had succeeded Sir John Drummond Hay in 1886)consulted his French and Italien coIleagues and found themaIl in favour of jointaction in preference to isolated action by Spain. He was accordingly instructed toexchange views with his colleagues as to a joint note to be addressed to the Sultan.

AlI, however, stated that it would be quite impossible for them to take so seriousa step without explicit instructions from their respective Govemments, for "theycouId not overlook that an understanding should first becorne to between the two

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Govemments as to the manner of enforcing their view of the matter should theSultan be indisposed to accept it."

Meantime, the German Minister, count Tattenbach, had proceeded to Fez, andthe following month had retumed with a Treaty. When leaving Tangier he hadinformed Sir William Kibry Green that his mission was merely a complimentaryone, and that he intended to avoid the subject of a Treaty altogether, but in deferenceto the views of the British Minister he agreed to wam the Sultan as to the danger ofcontinuing to ignore the proposaI of 1886.

Count Tattenbach now explained that he had "suddenly determined to carrythrough with Mulaï Hassan a commercial Convention of simple form and modestscope," but he added that if the British Minister had been with him the Sultan wouIdhave been induced to accept the draft Convention of 1886.

Sir William Kirby Green added, "1 have no doubt that the GermanRepresentative availed himself of his knowledge of my proceedings for bringingabout the unconditional acceptance by the Sultan of the draft Convention to urgeHis Majesty into making his present concession." There can be little doubt that theSultan yielded the minor concession required by Count Tattenbach in order to avoida complete surrender to the three powers.

Count Tattenbach's Treaty (dated the Ist June, 1890) is the first Treaty betweenGermany and Morocco, It provides for the reduction of duty on a few articles of nogreat importance, and the translation of Article VI runs thus:-

"In order that the High Contracting Parties may have groundsfornegotiating regarding further improvements which might becalculated to promote the interests of the subjects of their States,and to facilitate and extend their mutual commercial intercourse,they (the High Contracting Parties) have agreed that five yearsafter the ratification of this Commercial Convention each of themshall have the right to move for a revision to the other. Until such arevision shall take place, and a new Convention be concluded andratified, the present one shall remain in full force and effect. "

The Sultan, however, made the ratification of the Treaty conditional· on itsacceptance by the other Powers. This was granted, and on the 4th November, 1891,Sir William Kirby Green was informed that Her Majesty's Government did not raiseany objection to the ratification of the Convention, but he was directed, whencommunicating this decision to the Sultan, to add that Her Majesty's Govemmenttook the opportunity of reminding His Majesty that Commercial agreements on abroader basis would conduce to the prosperity and safety of the Sultan's kingdom.

l have stated this point in detail as it affects the contention afterwards raised bythe Sultan that England, having accepted the Treaty, was bound by Article VI not toreopen the question for a period of five years.

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The really important concession which Count Tattenbach obtained was notcontained in the Treaty, but in a Shereefian letter annexed, permitting theexportation of wheat and barley, for a period of three years, at a rate of duty whieh,in the case of wheat, has proved prohibitive, and which, in the case of barley, haspermitted its profitable exportation when, owning to special causes, the price ofbarley in Europe (and especially in England) rises above its normal priee.

Thus, in 1892 the local price of wheat and barley was 20s. and 6s. per quarterrespectively. The duty under the Tattenbach Treaty was 16s. on wheat and 6s. onbarley per quarter. Nevertheless, the concession has proved to be very valuable, forthe Sultan has admitted by it that he could do what he had always said he could notdo-permit the exportation without being false to his subjects and breaking hisCoronation oath, or whatever its Moorish equivalent may be.

The chapter of commercial negotiations was accordingly closed, but only to bereopened when Sir Charles Euan-Smith proceeded to Fez in 1892. 1need not enlargeon the negotiations which followed, for they are fresh in your lordship's mind.

It is sufficient here to remark that it was entirely left to the discretion of theBritish Minister "to content himself with minor amendments to existingarrangements, with a view to remedy the most pressing complaints and grievances,or to negotiate a new Treaty on the basis of Sir John Hay's draft, with his ownmodifications to it"; and he was informed that "if, without raising the suspicion ofthe Powers or the Sultan, you can succeed in obtaining useful stipulations, you willhave done good work."

Final1y, he was told:

"with regard to the language which you should hold to the Sultanin the event ofhis refusing to accept your proposais, 1 should wishyou to abstain from anything in the nature of a menace, whichwould be doubly dangerous, because, if resisted, it might bring ona serious crisis, and, if successful, would place Her majesty'sGovernment in the position of having to understake the protectionof Morocco. You should therefore confine yourself to urging yourrecommendations in moderate and friendly terms, supporting themby such arguments as may best show to the Sultan that his ownintersts would be promoted by their adoption. "

The principal reforms prosed in the draft Treaty were -permanent permissions toexport wheat and barley, and the reduction of the duty on the former from 3s., andon the latter from 1s.2d, the strike fanega -a measure varying from 104 to 108 lbs.­to 9 3/4d. in each case; the exportation of, and reduction of, export dutYon grain,wool, oil, gums, almonds, horns, caule, eggs, and many other articles; cabotage, orfree transit of produce from port to port in Morocco; unrestricted right of Britishsubjets (Article XIII) to purchase and hire land, houses, stores, and otherimmovable property, also to repair, rebuild, and enlarge existing houses and stores.

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The co-operation of aIl Powers interested was sought and obtained inrecommending the Treaty to the Sultan, with the exception of France, to whom theTreaty was only communicated after the Mission had left Tangier for Fez. TheSpanish Minister, however, expressed his fear that the Sultan should throw himselfin arms of France if the Treaty were pressed on him.

It is significant, bearing in mind one of the causes of the collapse of thenegotiations of 1885-86 -namely, the intrigues of other Powers- that Sir CharlesEuan-Smith attributes the breakdown of his negotiations to the machinations ofFrance, and perhaps of sorne other Power or Powers, by whom he was supposed tobe supported.

When the British Minister opened the subject, the Sultan at once refused tonegotiate, basing his refusaI on Article VI of the German Treaty above referred to,and on an alleged personal promise by the German Minister. The matter wasreferred to Her Majesty's Government, but 1do not think that the Sultan's argumentsand objections, which at least were plausible, and which were repeatedly urged withmuch persistence and emphasis, were ever adequately communicated to them.

In reply to his telegram Sir C.Euan-Smith was told that the Sultan's objection,"founded on an alleged promise of German Minister," had caused much surprise toHer Majesty's Government, and could not be accepted by them. Count Tattenbachafterwards denied having made such a promise, but there seems to me to have beenconsiderable force in the Sultan's objection, in so far as it was founded, not on thisalleged promise, but on Article VI of Treaty.

A similar clause in the Treaty of 1856 had been heId to bar further negotiationsduring the period of limitation. It seems to me that though there might be noobjection to our recommending the Sultan to make further modification of theConvention in his own interests as much as in ours, yet we were prevented byArticle VI in the German Treaty from putting pressure on him, and certainly fromusing threats.

1cannot find that the question was ever discussed with the Sultan from this pointof view. It appears that he was merely told that Her Majesty's Government could notaccept his objection as valid, and that he yielded under protest, no doubt nursing afeeling of rancour at the supposed breach of faith.

FinaIly, as your Lordship is aware, the negotiations broke down, for the onlyTreaty which the Sultan would accept was quite inadequate, and was rightlyrejected by the British Minister. It contained no concessions as regards thepermanent exportation of, or reduction of duties on the temporary exportation ofwheat and barley, or regarding cabotage, and it materially whittled away theproposed provision securing the right of British subjects to build or repair theirhouses. Moreover, it contained an Article which barred the reopening ofnegotiations for a period of five years, a limitation which, in the present unsettledstate of Morocco, it is very inexpedient that England should accept.

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Sir Charles Euan-Smith returned to Tangier in July, and French Missionprocceded to Fez in September 1892. Count d'Aubigny succeded in obtaining thereduction of duty on a few comparatively unimportant articles, but he explains thathe did not press for more, and that the object he had in view was to obtain a fewconcessions which would justify the French Chamber in applying the MinimumTariff to imports from Morocco. This has been done.

Thus stands the question of commercial relations with Morocco. The inferenceto be drawn from the failure ofthe negotiations of 1886 and 1892 is that no attemptto force adequate commercial concessions on Morocco will be successful until ailthe Powers interested act in unison and demand them with a firm and united voice.1doubt whether by Article VI of the German Treaty the Powers which accepted thatTreaty are not morally disqualified from putting pressure on the Sultan. But whetherthis be so or not, it is certain that England has no intetion of throwing the Moroccoquestion in the crucible by using or threatening to use force.

Under these circumstances, it is a mistake, 1 venture to say, to irritate the Sultan,and to diminish our influence by attempts at negotiations doomed to failure. It isbetter, until Europe is prepared to act together and to insist on the opening out ofthis rich country, to content ourselves with gradually extracting from the Sultansuch concessions as he may be induced by persuasion to give.

Trade

ln 1892 the value of the export trade was 1,526,0001., and of the import trade1,866,0001; total, 3,392,0001. Of the export trade 52 per cent., and of the importtrade 56 per cent, were British.

The principal articles of import, and the countries whence principally exported,were:

Articles Value Where from

f.

Cottons ...................................... 691,000 EnglandLoaf sugar ................................ 361,200 FranceTea ................................................ 95,500 EnglandRaw silk .................................... 63,600 Italy

GermanyCloth ........................................... 53,400 Austria

46,600England

Candies ..................................... England

28,200Germany

Hardware .................................. AustriaEngland

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The principal articles of export, and the countries to which they wre exported,were, in 1892 :

Articles Value Where tof

Beans............................................. 329,832 EnglandPeas ............................................... 160,938 Spainwool .............................................. 154,067 France.

Spain.Barley .......................................... 138,332 England.

Gibraltar.France.

Skins ............................................. 123,770 England.United States of America

England.Maize ........................................... France.

64,044Oxen ............................................. Gibraltar.

Spain.64,040

Almonds ..................................... EnglandGermany.

Beeswax ..................................... 58,364 France.Italy.

Eggs .............................................. 40,307 Gibraltar.Spain.

Canary seed .............................. England.38,549 Portugal.

Guns ............................................. England.33,346 Germany27,975

England, it will he seen, is the chief customer of Morocco; France, Spa.in, andGermany come next. Trade has almost continuously increased during thelast six or sevenyears, and England, in spite of the efforts of other nations, preserves her predominance.

The ports stand as regards the value of their trade as follows :

Tangier .Dar~al-Baida ..Mogador .Mazagan .Laraiche .Safi .

f770,980744,075491,060480,612319,125291,825

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Rabat .Tetuan .

235,40072,544

The order in which the concessions stand as regards importance seem to meto be :

1 - Removal of restrictions on the building and repairing of houses, andacquisition of immovable property by British subjects.

2 - Exportation of barley and wheat, and reduction of duty on the same.

3 - Reduction of duty on certain other articles of export.

4 - Cabotage, or free transit of produce from port to port in Morocco.

5 - Improvement of ports.

1 have not included the improvement of the administration in the above list, forit would be useless for England to make any such demand. It is, however, of the firstimportance, for everything hinges on it. Until Europe can unite in cleansing thisAugean stable, nothing can be done except by persuasion. It should therefore be theconstant and eamest endeavour of every British Minister to induce the Sultan tointroduce the reforms which are so essential to the prosperity of the country, thehappiness of his subjects, and the stability of his mIe.

1. 1 consider that the removal of restrictions on the holding of real property byEuropeans is the next most important requirement. The wheat and barley producedin the country are little more than sufficient for the wants of the people, and thesurplus only exists in years of plenty.

There are however, large tracts of land which can be cultivated, but no subjectof the Sultan will cultivate more than is necessary for his wants so long as hisproperty is Iiable to confiscation and his person to imprisonment by sorne greedyand tyrannical govemor. Protection would do something towards meeting this, butif the commerce of Morocco can only be improved by the extension of that evil withits attendant dangers it would be better to leave it stagnant.

We have a right to insist on the concession of the right of the Europeans to holdproperty, for under the Treaty of 1824 British subjects are entitled to buildwarehouses, and Article IV of the Treaty of 1856 admits the right of British subjectsto hire on lease, or otherwise, dwelling and warehouses, and if a British subjectcannot find a suitable building the Moorish authorities are under that Article boundto assist him in finding a site.

The convention of 1880 recognized the right of foreigners to hold property, butunfortunately a clause was inserted to the effect that the purchase of real propertymust be made with the previous consent of the Moorish Govemment. As theGovemment invariably refuses to give its consent -there is no instance of its havingbeen given since 1880 outside of Tangier- the right of British subjects under Treatyhas been abolished.

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This was not intended by the Convention of 1880, and 1 doubt if such an effectcan be held even technically to flow from it. But, whether it be so or not, theMoorish Govemment should be forced to abandon the position it has taken up, forthe position of British subjects in this matter, and, indeed, of all Europeans, isintolerable.

They cannot acquire land or build on land already in their possession. There is,indeed, an arrangement in force, introduced in 1863, by which the MoorishGovernment undertake themselves to build houses when required, charging theoccupier 6 per cent. on the outlay. But, as may be imagined, this arrangement doesnot work, and it requires the intervention (not always successful) of the Ministerbefore the Shereefian authorities will give it effect.

The same difficulty exists as regards repairs, on account of which 5 per cent. isadded to the rent; Europeansare not even allowed to repair their own houses, formasons and labourers are imprisoned if they work for them. This difficulty might insorne places be overcome by employing Spanish labour -there are 6,000 Spaniardsin Tangier- and if the Moorish Govemment were to continue abdurate it would beworth considering whether the necessary làbour should not be sent periodically toeach port to do al! necessary repairs, of course at the expense of the house-owners.If once that were done, the Govemment would give in; in order to prevent itsrepetition. The grievance is real and substantial, and should engage the earlyattention of the new British Minister, who may be able by personal persuasion toinduce the Sultan to redress it.

2.It was anticipated that the provision of the Tattenbach Treaty for the export ofwheat and barley would be a dead letter. The anticipation has been realized asregards wheat, for the duty is prohibitive, but not so as regards barley. As shownabove, during the two years the convention has been in force the value of barleyexported has been 363,0001. or one-tenth of the total exports. Of this, 65 per cent.are exported to Great Britain, and the balance principal!y to Spain. The tradepromises to increase in years of good harvest. Much of the barley exported is,however, the produce of tithes, and is shipped, of course without paying duty, by theSultan himself.

The concession will expire in October or November next, and it wlll be alamentable retrogression if it be not continued. The great value of the concessionwas its admission of the principle, for the first time, that wheat and barley might beexported from morocco. Unfortunately, the Sultan's interests in this matter are atvariance with those of his subjects, for, as above stated, he is accustomed to exportbarley on his own account through private agents. As he pays no duty, his profitsare large.

1 learn from M. Gentile, of the Italian Legation, now at Fez that the Sultan isdisinclined to continue the concession, and 1 have suggested to Her Majesty'sGovernment a combined representation by the Powers interested to the Sultan.

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3. Cabotage.- 1 have already referred to this subject. Lately there was a scarcityof fiour at Tangier, and sickness and distress were threatened. At the same timethere was abundance of wheat at Laraiche and Rabat, a few hours distant, but theexport rate of duty, 50 per cent. on its value, prevented its being utilized even forthe relief of the Sultan's own subjects in Tangier. The whole Corps Diplomatiquemade an appeal to His Majesty to allow cabotage -as he had done in previous yearsin time of scarcity- but His Majesty refused, and contented himself with sorne veryinsufficient measures for the relief of the population. There is therefore everyreason to believe that the Sultan is more opposed than ever to the concession.

4. The articles on which a reduction ofduty is particularly desirable are (besideswheat and barley) cork, eggs, fowls, grain, gums, horns, oil, wool, and salt in aIl itsforms. It should, however, be borne in mind that the present duties are nominal. TheCustom-house officers are nearly aIl corrupt; and 1 believe that an examination oftheir books would show that merchants rarely pay more than 50 per cent. of theduty, plus a douceur -about another 20 per cent- to the Custom-house official.

5. lmprovement ofports.- There are no ports in morocco. There are merely openroadsteads, more or less unsafe when certain winds prevail. At sorne places, such asRabat and Saffi, landing-piers and breakwaters are much required, for it would beeasy to make a good harbour at places such as Tangier and Mogador. At one or twoports steam-tugs are provided fully equipped, but they never leave their anchorage,as their commanders are afraid of wrecking them. 1 addressed the Sultan on thesubject on after my recent tour on the coast. 1 have suggested minor improvements,and my recommendations have been supported by my French colleague. 1am happyto say that they have been accepted by His Majesty.

Dangers which threaten Morocco from within.

Next cornes the question, What are the dangers which threaten Morocco fromwithin? Revolution is the first danger which suggests itself to the mind, but 1do notthink that there is much risk of the present Sultan being dethroned by any suchmovement. The powerful tribes are practically independent, but, like the EuropeanPowers, their jealousies and rivalries will prevent their combining against theSultan, even if they had sufficient provocation to do so. For the Sultan's policy isDivide et impera. He plays off one tribe against another; he has treasure, and canalways manage this, and as a consequence he contrives to preserve his equilibrium.

So long as the Sultan retains his health and life there is no fear of the break-upof Morocco through dissolution, disturbed as its condition may be. The danger islest in the course of these disturbances there should be loss of European life andproperty on a large scale. If, for instance, there were a massacre of Europeans,Europe would certainly interfere, and the Morocco question would reach an acutestage. So far as can be seen, there is liule risk of this; but with a fanaticalMahommedan population the unexpected often happens.

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The great danger to Morocco will arise when the Sultan dies, and the questionof the succession has to be settled. 1 have described in an early passage of thisReport how this question stands. There are always war and tumult when a Sultan ofMorocco dies, and if the Moors were left alone they would settle the question forthemselves.

This might still be the policy of Europe in general, but will France adopt it? Willshe be content to see fighting and tumult along the whole length of her frontier, andlook on with clasped hands? She will have plenty of excuse for interfering if shedesires to do so, both on the frontier and in other directions where she has subjectsand protégés whom she is entitled to protect. For the phantom of protection hererises in another shape to threaten the independence of Morocco.

1 have pointed out how it may produce anarchy. But it also may be the cause ofinvasion. Morocco is now covered with French subjects, or, in other words,protégés. Colonies of Aigerians have settled down near Fez and elsewhere; theywill, doubtless, be held to he entitled to French protection. A member of thisLegation traveling, a few days ago, in the vicinity of Laraiche, came across aFrench-protected village of 250 souls, of whose existence we had not had theslightest information. There may he many more similar cases, and each one of themgives an excuse for interference and is a danger to the independence of Morocco.

As an instance of the length to which protection may be carried, there was at onetime, if there is not now, a village of several hundred souls under Americanprotection because they assisted in hoar-hunting.

It is rumoured, and generally believed, that on the death of the present Sultan theFrench will encourage the Shereef ofWazan to daim the succession. He would havelittle chance of success if he stood by himself, but how far will he be assisted by theFrench, and how far will they allow him Ca French protégé) to be roughly used hythe contending parties? And no doublt it is heId that not only the Shereef and hisfamily, but aIl his religious followers, are entitled to French protection.

Thus it appears that, first, protection and its attendant evils, and, secondly, theinternai disorders, especially the disorders on the French frontier which will followthe demise of the Sultan, are the chief dangers which threaten the independence ofMorocco from within.

Policy ofEurope as regards Morocco, and the Dangers which threaten Moroccofrom without

1 next have the honour to submit to your Lordship certain reflections on thepolicy of the interested European Powers toward Morocco, and the dangers whichthreaten the independence of that country from without. 1 trust that in doing so 1amnot overstepping the legitimate limits of the report which your Lordship'sinstructions require me to make, but it seems to me that a Report on the situation inMorocco would be very incomplete without a review of this vital question.

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l need not dwell on the importance of Morocco, or rather of its northern andwestern coasts, commanding in the one case the entrance to the Mediterranean, andin the other -although much more remotely- the alternative route to India by theCape of Good Hope. The Power which obtains possession of Tangier and the northcoast of Morocco can close the Straits to commerce and altogether neutralize theadvantage attaching to the possession of Gibraltar.

It is a prevalent idea, and l think a fallacy, that the possession of Gibraltar willenable England to anticipate any other Power which has designs on Tangier. In thefirst place, England is seldom prepared for a coup de main. There is rarely a man­of-war in Gibraltar Bay, and never a field-gun in that fortress. A force could not belanded in Tangier except under the protection of the guns of an English squadron,able if necessary, to silence the shore batteries of Armstrong guns. If we were rashenough to send over transports unescorted there wouId be foreign Representativeswho would not allow such an opportunity to slip of inflicting a humiliation onEngland.

When the death of the Sultan was anticipated in 1887 Spain sent over additionalforce of 6,000 men to Ceuta, but l cannot discover that any precautions were takenby England.

Again, when Tangier is taken it will probably be taken under cover of atemporary occupation, in order to recover reparation for sorne insult or injury, realor imaginary, from the Moorish Government. Once troops have been landed it mayrequire a declaration and active operations of war to oust them.

For this reason, l submit that, whatever the provocation may be, we shouldhesitate long before we seek redress in this manner, and thus set a very dangerousexample and precedent. The question how to extract reparation from this decayingGovernment, which threatens to crumble away when touched, becomes moredifficult every day, for naval demonstrations, once so effective, have now throughexcessive repetition become ridiculous. The apparent intention of the Sultan tohave one or more iron-clad men-of-war may provide a way out of the difficulty, forthey will be something to seize.

Another fallacy is the idea that the town of Tangier can be held by itself. In orderto occupy Tangier it will he necessary to hold the heights which command il. Thiswould require a force of at least 5,000 men. In order to hold Tangier it will benecessary to have within our influence -but influence depends on the power toenforce obedience- a belt of country sufficient to furnish the required supplies, notmerely for Tangier but for Gibraltar, which, in case of war with Spain and France,would be dependent on Tangier.

Moreover, tribes must not be split up. The whole of a tribe or none of it must beincluded in the zone of our influence, and so the circle keeps widening, and in theend it will be found that the occupation of Tangier will involve the employment ofa considerable force. Therefore, it is a matter of grave importance that the integrity

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of Morocco should be respected, and that Tangier should continue to be in theinoffensive hands of a Ruler whom no one fears.

The chief enemy of the status quo in Morocco is undoubtedly France. England,Italy, and Germany are the only sincere friends of this policy, for they fullyappreciate the fact that if France were possessed of Morocco, Aigiers, and Tunis ­Egypt being evacuated by England- the Mediterranean would indeed be a Francelake. It is therefore a fact of much significance to find France pressing for theevacuation of Egypt, and at the same time showing her determination not to bindherself in any way to respect the integrity of Morocco.

The relations of Morocco with France, England, Spain, Italy, Germany and sorneother Power are govemed by Treaties which all contain the favoured-nation clause.According to these Treaties the Powers in question have the right to be representedby consular officers in any town of Morocco, their subjects are free to trade, travel,and reside (subject to the precautions of police which are practiced towards thesubjects or citizens of the best-favoured nations) throughout Morocco. They areentitled to build, hire, or lease houses. Missionaries are free to exercise their calling,the rights of property are guaranteed, and Europeans are declared to be liable to thejurisdiction of their own Courts only.

The frontier of Morocco, as regards the north and west, is the sea. On the souththe point where it terminates is still a matter of dispute between England and theSultan, as l have pointed out in my remarks on Cape Juby, but it is very desirablethat the question should be settled by our recognition of the Sultan's sovereignty asfar as Cape Bojador, else other Powers may step in. The southem frontier, borderingon the Sahara, is quite undefined.

The eastem frontier is imperfectly defined by the Treaty of 1845, negotiatedafter the battle of Isly, between France and Morocco. Article l states that the frontieris to be the same as it was when Turkey held Aigeria. Article III lays down thefrontier for about 80 miles, leaving Figuig to Morocco. Article VI says that thecountry south of the point where definition ceases in Article III is desert, and thatits delimitation is consequendy unnecessary.

Apparently the negotiators of that Treaty, or at least the Moorish negotiators,were not aware that the Oasis of Tuat, peopled by 200,000 Arabs, Berbers, andNegroes, lay 420 miles to the south of that point. This oasis -or rather these oases­is now a question of dispute between France and Morocco.

The Sultan, whose ideas of geography are very wild -he has claimed to the eastthe Nile and Kordofan, and to the south Guinea, as the boundaries of his Empire­asserts his right to Tuat on the ground that it belonged to Morocco when Turkey washer neighbour in Aigeria, and that, consequently, under Article l of the Treaty of1845, it should remain hers. .~

The Sultan also appeals to a map published by the French War Office in 1848,which showed Tuat to be on the Morocco side of the new frontier. The French,

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however, decline to discuss the question. They contend that Morocco has no rightwhatever, to the oasis, that the question is one of police for the Administration ofAlgeria to settle, and that, in short, when France is ready to annex Tuat she intendsto do so.

The reason why France is particularly desirous to occupy Tuat is that theprojected railway which is to join her Algerian with her Niger settlement must passthrough Tuat, or sufficiently near to Tuat to make its possession by France mostdesirable.

As to the rights of the case there is little to be said. Tuat might have belongedonce to Morocco, but so far no proof has been produced. No importance can beattached to the fact that in 1886, after they had incurred by their aggression andmisconduct the anger of France, the inhabitants of the oasis made overtures to theSultan which were greedily accepted by him. But their allegiance is (as in manydistricts indisputably within Morocco) purely nominal, and the Sultan has nocontrol over the inhabitants, otherwise France would hold him responsible for theplotting of the massacre of the Flatters Mission in 1881, of the murder of Palat in1886, and for the wholesale massacre of the followers of a French adherent inSeptember 1891, and for harbouring the offenders.

There is also evidence of French encroachments on Figuig, a locality which hasbeen aptly termed by Consul-General Playfair "the Rerat of Morocco". This oasisis inhabited by about 15,000 Berbers, mostly, agriculturists and merchants. It is atrade centre between the Sahara and the north. It is easy of access (30 miles) fromthe French fortified post at Jenan Borzig, to which place the railway is beingcontinued from Ain Sefra.

Refugees from Algiers are continually flying into Figuig, and are harboured bythe inhabitants, and fanatics stir up religious rebellion in Algeria, where the Frenchappear to have acquired little or no hold on the affection of the people. Rence thereare continually disputes with the French authorities, who do not now hesitate tocross the frontier in pursuit. The Sultan's authority in this oasis is merely nominal,he cannot give redress.

In 1886 the French annexed the district of Genan Abu Reg or Borzig referred toabove, though it indisputably belongs to Morocco by the Treaty of 1845. Thecession was made secretly by the Sultan, though the district commands the mostimportant passes in Morocco, without any communication to England,notwithstanding the promise which he hade made in 1882 to Sir John DrummondHay, that if France, or any other Power, put forward a demand for cession ofterritory, the British Minister would be informed and consulted before any replywas given.

As the Spanish Minister, Senor Diosdado, remarked, the step thus gained byFrance was disastrous :

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"For it marked, first, the determination of France to advance;secondly, the inability ofthe Sultan to resist that determination; andthirdly the platonic nature of the opposition of other Powers toFrench encroachment on Morocco,"

This cession was negotiated at Fez by the French minister, M, Feraud, and it isnoteworthy that when leaving Tangier for Fez he assured Sir John Hay (no doubtwith perfect truth) that he had no important question to discuss there. BesidesGenan Borzig, the Sultan was reported to have ceded a large district betweenMagaura and Ain shair, on the signification condition that there should be no formaIcession, and that he should not be held responsible for the opposition of theinhabitants. About this time there was an outbreak in Morocco territory at Ouj-da,which is quite close (about 5 miles) to the French frontier, and the Frenchcomplained loudly of the disturbances in their neighbourhood, and claimed arectification of the frontier.

North of the Atlas also the French had meanwhile been busy. In 1883 [1884] theFrench Minister had, in the most arbitrary way, taken the Shereef of Wazan and hisfamily under French protection, or, in other words, had made this holy man a Frenchsubject. The Shereef is a descendant of the Idrissite dynasty, which reigned sorne200 [sic] years ago, and which is more popular than the present dynasty. Hisstrength is chiefly in Wazan, where he could muster sorne 3,000 fighting men. Histemporal authority is lirnited to Wazan, and even there he is merely entitled to thedues from the sanctuary.

The wild tribes in the vicinity have little respect for him. His revenue, which isvery large, is made up by offerings from the religious and superstitious throughoutMorocco. For the Shereefs followers or disciples "Taum" [Touhamiyya?Taïbiyya?]are dotted over the country, and number perhaps 50,000 souls. They extend also intoAigeria and Tripoli. Without foreign assistance he would have no chance in acontest for the throne.

In 1884 the Shereef was induced to send an emissary to the Soos country to stirup a rebellion, and of late years he has repeatedly been made use of in order toextend French influence. For instance, in March 1892 he went, accompanied byeight French officiais and a French escort, to Tuat, in order to win over to theFrenchthe inhabitants of that oasis, but he was not successful. '

The Shereef died in September 1892, and his eldest son has succeeded him, thoughhis younger brothers claim equal rights. He is a man of better character and, inappearance at least, more true to his saintly reputation. But he also is practically aFrench subject. The English widow of the Shereef, after having in vain sought Englishhas accepted French protection, and is to receive an allowance from the FrenchGovemment on condition that she resides and has her two sons educated in France.

The other European Powers have not contemplated the encroachment of Francewith complete indifference. A collective note, signed by the Ministers of England,

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Spain, and Italy, was addressed to the Sultan on the 12th March, 1887, whichexpressed the solicitude of those Govemments for the independence and integrity ofMorocco, and requested the Sultan formally to engage not to consent to any futurecession of territory without previously consulting the three friendly Govemments.

His Majesty hesitated before answering, for he considered the proposedarrangement one-sided, and at last, on the 16'h August, 1887, he repIied, but insteadof giving a direct answer, he demanded the neutralization of Morocco. The proposaidid not commend itself to Her Majesty's Govemment. They were of opinion that itwould be imprudent to guarantee the neutrality of a country which would justifyaction on the part of other Powers. Morocco was not in this position. Her Majesty'sGovemment were, however, of opinion that a Self-denying Agreement would nothave been open to a similar objection had the Sultan, on his part, been willing toundertake to make no further cession of territory without the consent of the Powersconcemed.

It was afterwards proposed to make an attempt to negotiate a Self-denyingAgreement at the Conference of Madrid, but the idea of course fell through whenthe proposed Conference collapsed.

About this time rumours were rife regarding a proposed partition of Moroccobetween France and Spain, and it is certain that sorne such scheme was proposed tothe Queen and to Senor Moret, the Spanish Minister for Foreign Affairs, in 1887,by M. Cambon, the French Ambassador. Although these proposais were notseriously treated by Senor Moret, a strong supporter of the status quo, it is by nomeans certain that they were not favorably regarded by his successor (the MarquisVega dei Armijo), who is responsible for the abandonment of the proposedconference.

It is certain that about this time rumours of Spanish designs on Tetuan and otherplaces grew rife, and in 1887, before the ink on the collective note of England,Spain, and Italy was dry, Spain was detected in clandestine negotiation with theSultan for the cession of the Island of Peregir [Perejil].

Again, in 1890, it transpired, and it was adrnitted by the Spanish Minister, thatSpain, with the knowledge of France and the Sultan, had exchanged, unknown toher co-signatories of the note of March 1877 - which about this time was acceptedby the Sultan - proposais for acquisition of territory (which Spain caIIed anexchange) on the left bank of the Muloya. The negotiations fell through, for theywere discovered by Sir William Green, who strongly advised the Sultan againstyielding.

In compliance with the note of 1887 the Sultan more than once appealed to thethree Signatory Powers to assist him in resisting the French claim to Tuat. He wastold, in reply, that he should calI upon France to give in writing her reasons forsupposing Tuat to be within the AIgerian frontier. Accordingly, His Majesty causeda note to be addressed in this sense to the French Minister on the 9'h January, 1892.

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He received a curt reply to the effect that Morocco had no right to Tuat, and thatFrance would not even discuss the subject with her. This reply was notcommunicated to the three Govemments until Sir Charles-Euan Smith, when at Fezin May 1892, extracted it from the Moorish Minister for foreign Affairs. There canbe little doubt that the Sulatn, despairing of any material assistance -an uncivilizedRuler does not attach much value to "moral" support- from the other EuropeanPowers, has made up his mind to give up Tuat when France demands the cession.He is now merely putting off the evil day; when it cornes he will bend his head, butthe blow will be very severe, for the Sultan values his tenitories to the south farmore than he values those to the north.

He anticipates the day when the pressure of European Powers, which he is sostubbomly and astutely resisting, will drive him southwards, and consequently heregards with special disfavour any loss of tenitory in that direction. He complainsbitterly of the arrangement of August 1887 between France and England regardingthe French zone of influence in North Africa, which, in his opinion, has cut off hisretreat and hemmed him in between two advancing forces. There is, however, nofoundation for the construction which he has placed on the Agreement in question.

From the above sketch is appears clear that England, Italy, and (in a lessinterested degree) Germany are the only sincere friends of the status quo. Spain isnominally one of its supporters, but only so far as it is binding on other nations andnot on herseIf. Because she expelled the Moors from Spain she thinks that she hasan hereditary c1aim to Morocco. Absurd as the pretension undoubtedly is, it isdeeply rooted in the mind of every Spaniard, and when the time cornes for realizingit no Minister will be strong enough to stem the CUITent and keep his feet.

A distinguished Spaniard speaking a few days age expressed the nationalsentiment when he said: "Morocco rightfully belongs to us. We are at present not ina position to c1aim our heritage, but at sorne future day, perhaps in fifty years, wemay be in a position to do so". Meantime, her policy has been aptly described as "lapolitique du chien du jardinière" [sic].

In pursuance of this policy, Spain is averse to the extension of her commercialrelations by Morocco, and to the reform of her administration, for by the formerpolicy Morocco wouId encourage an influx of merchants, probably English,certainly not Spanish, and by the latter she would strengthen herseIf against foreigninvasion. Neither of these results would assist the Spanish conquest of the future.

Spain fears England and France, especially France, and with reason, for herposition would be awkward if she were hemmed in by France in the Pyrenees andFrance in Morocco. But it is possible that she might be bribed by France, whowould be willing to let her have her way for the present north of the Atlas, whileshe (France) was engaged south of that great mountain range, where at present herinterests are chiefly concentrated. No reliance can therefore be placed on Spain, forshe,may yield to temptation.

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France however, is the only Power which can apply the match to the powdermagazine. She is the only Power in contact by land -unless Ceuta and other SpanishSettlements are taken into consideration- with Morocco, and her advance is ascertain there as the advance of England and Russia has been in Asia.

Frontier troubles will arise, and the Sultan will be unable to give redress. France,whatever the intention of her rulers, will be pushed on in spite of herseIf, andgradually she will creep on with practical impunity. Each encroachment will nodoubt be made the subject of unavailing protest by the other European Power, andsoothing promises will be made by the Central Government, and promptly brokenby the local officers.

In Central Asia the similar silent and piecemeal of Russia in time of peace wasstopped by the delimitation of the Russo-Afghan frontier. The best hope forMorocco would lie in a demarcation of the eastern frontier. France might be inducedto accept this on the understanding that Tuat and other doubtful provinces would beincluded in her frontier; and if dei imitation were made, it might be possible toobtain the Self-denying Ordinance contemplated by Lord Salisbury, especially if itsadoption were a condition antecedent to our evacuation of Egypt. In return for thisthe Sultan wouId certainly be ready to make commercial concessions, and perhapsproper arrangements under foreign officers for the reform of his administration andfor the control of this frontier.

To sum up, a possible policy is as foUows:

1 - The abolition, of protection, and constitution of Mixed Tribunals.

2 - The delimitation of the frontier of Morocco.

3 - The guarantee by Europe of the integrity and independence of Morocco, or aSelf-denying Ordinance, accompanied with a demand for the reform of theadministration and for the grant of commercial concessions.

The programme may be ambitious, but the situation is dangerous. ÀI anymoment it may become critical. France must he allowed to encroach, or she mustbe resisted. The alternative policy is to temporize until the long-expected Europeanwar takes place, and the map of Europe is remade. This may be the only practicablepolicy, but when war breaks out England must take Tangier under her guardianship,and therefore it will still be necessary to fix a limit to French encroachment in timeof peace, and to prevent her occupation of the zone which is necessary for a Britishoccupation of Tangier, and for the provisioning of Gibraltar.

The extent of that zone must be decided by military and local experts. If Franceand French influence could be kept, out of that zone in time of peace, we should nothave much to fear from the side of Aigeria in time of war, for the army of Aigeria,instead of being reinforced, will be then probably reduced, and internai troubles arealmost certain to occur. But in this case England must make up her mind toacquiesce in the eventual annexation by France of aU Morocco with the exceptionof its northern coast.

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The questions which concern England and Morocco in particular may be statedunder three heads:

1 - The Cape Juby question.

2 - The pecuniary claims of British subjects.

3 - The difficulty of obtaining the transaction of ordinary routine business.

1. The Cape Juby question.- Cape Juby is situated on the West Coast of Africa,between Wad Draa and Bojador, a district which is inhabited by nomad Arab tribes.The Settlement was founded in 1879 by Mr. Donald Mackenzie, who obtained agrant of the strip of land on the coast (8 by 2 miles) in which Cape Juby is situatedfrom the Sheikh of Wad Noon, a disaffected subject of the Sultan of Morocco. TheCompany have since claimed the whole strip from Wad Draa to Cape Bojdor, butthere is no evidence whatever to support this pretension. Indeed, 1 observe that theSheikh of Wad Noon, whose territory is asserted by them to extend to Cap Bojador,himself admits in his letter of the 15'h November, 1879, to Lord Salisbury that it onlyreaches as far as Cape Juby.

The Sultan was greatly incensed at the proceedings of the Company, anddemanded the removal of the building which it erected, for he claimed the tractsouth of Wad Draa as Moorish. territory. Her Majesty's Government, however,disputed this claim on the ground that the Map of North Africa showed Wad Draato be the southern extremity of the Empire, and the Sultan was warned against anyact of aggression on the property of the Company.

In 1880 the stores of the Company were burnt by a hostile tribe in theneighbourhood, who were supposed to have been instigated by the Sultan. Indeed,the history of Cape Juby till1886 is a series of complaints by the Company, and ofwarnings addressed by Her Majesty's Government to the Sultan. In 1886 theCompany adopted the advice which had been given to them in 1880 by Sir JohnHay, and sent an agent (Mr. Fergusson) to Fez to negotiate the sale of theirSettlement to the Sultan. They were then ready to accept 50,0001. The Sultan,however, would not discuss the subject, and the same state of things continued.

At last, in 1888, the Manager of the Company was murdered by sorne men whowere proved to be soldiers in the service of the Sultan. A long and vexatiousdiscussion followed. The Company claimed from the Sultan compensation for thesupposed loss to their trade. As weIl as compensation for the widow of the Manager.The Sultan eventually paid over 4,0001. on the latter account.

In 1891 Sir William Green tried to negotiate a settlement on the basis of therecognition of the Sultan's sovereignty, on condition of his engaging not to allowany other Power to establish itself between Wad Draa and Cape Bojador; but HisMajesty, rather than admit the implied fIaw in his sovereignty over the territory inquestion, agreed to pay the Company 50,0001. in five annual installments. ASettlement very advantageous to the Company, which had been ready in 1886 to selltheir Settlement outright for that sumo

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ln 1892 Sir Charles Euan-Smith, on his Mission to Fez, tried to negotiate asettlement, but the negotiations were not successful. The Sultan then admitted thathe had used his influence with the Neighbouring tribes to prevent their trading withthe Company. The fact is that the Sultan believes that he has been very badly treatedin the matter, and, as 1 have stated above, 1 believe that the loss of British influenceis greatly due to this grievance. My instructions were not to reopen the question, andto content myself with seeing that the. installments due were paid. That has beendone, the third annual installment having been remitted to the Company in May last.

As regards the future, 1 am of opinion that if Cape Juby is worth keeping itshould be retained; but, as 1 understand, it has been pronounced by experts to beuseless as a port, and if, as is the generaI impression, the prospects of trade are poor,and are likely to remain so under even more favorable conditions, 1 am of opinionthat it would be better to give up Settlement which serves no useful purpose, andwhich embitters our friendly relations with the Sultan of Morocco.

A careful examination of the locality and of the Company's books by expertswould alone supply the information which is required. But whatever the fate of theSettlement, the Sultan sovereignty over the rest of the district should 1 think, berecognized as quickly as possible, else other nations will follow, not necessarily forcommercial reasons, the example of the Cape Juby Company. Your lordship willremember that in 1885 Spain annexed the tract between Cape Bojador and CapeBlanco.

2. The British Pecuniary Claim. - 1have made the difficult and intricate questionof pecuniary daims against the Morocco Govemment the subject of a separateReport. These daims, aggregating over 24,000/. vary in amount from five shillingsto thousands of pounds. Sorne of them are thirty or forty years old. 1 have madecareful inquiry into them, both at Tangier and at the ports, when 1made a tour alongthe coast in May last, for all the daims originate in the ports where alone theEuropean residents reside.

The manner in which business is transacted in Morocco is as follows: a merchantcannot visit the interior, nor can he send his European assistants there to sell hisgoods. He accordingly employs a Moorish agent or broker, and commits to hischarge the goods which he desires to sell. A document is generally first recordedbefore the public notaries and countersigned by the Kadi or Judge, in which theagent acknowledges the trust and its value. Or the merchant desires to buy wool orgrain or other produce. He instructs money to the Moorish agent for this purpose,and receipt of the money is also acknowledged in a notarial document.

Very often it is remunerative to buy a crop or other produce in advance of theharvest, for the cultivator is willing to sell it cheap in order to obtain money for thepayment of his taxes or other pressing liabilities. This transaction is also carried intoeffect by a Moorish agent. It is not difficult to imagine how, under thesecircumstances, daims arise. An agent is robbed, and a daim is made on the

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Morocco Govemment. An agent absconds or dies a defaulter, a daim is made onthe Moorish Govemment.

A cultivator fails to carry out his contract, perhaps owing to no fault of his own;for instance, the great bulk of daims under this head date from the famine of 1878­79, and the inevitable daim follows.

These daims are forwarded by the Legation to the Shereefian Govemment witha request for inquiry, for if, on inquiry, the robbery is proved, the Sultan would beheld responsible on the ground that his police arrangements are defective or (tospeak more correctly) non-existent. Or if the daim is on account of debts by aMoorish subject in the interior, where the European trader cannot follow him, theShereefian authorities are expected to proceed against his property or person, or, ifhe cannot be found, against the property or person of his relations, who, inMorocco, are held responsible for the debts of a defaulter.

The Moorish Govemment almost invariably neglect to reply, and fail to inquire,partly owing to habits of natural apathy and deep-rooted obstruction, and partlyowing the reluctance in any way to assist commerce, which is their great enemy, asit tends to defeat the policy of isolation. Time passes on. Evidence disappears in thenatural course of events, or, if documentary, it is lost probably by the MoorishGovemment, to whom it has been sent for inspection in support of a daim, and sodaims accumulate.

Then they are taken up by a Minister when a good opportunity (such as aMission to Fez) presents itself, and perhaps the daims are compromised for a 50 percent. payment, which the creditors as a rule gladly welcome. It is easy to suspect,but difficult to prove, the fraud which taints many of these daims. If the MoorishGovemment exercised due diligence when the cases originated or were first broughtto their notice, they would be in a position to reject the daims which are worthless,and, by fulfilling their obligations and bringing the debtor before the properauthorities, they would relieve themselves of all further responsibility.

Not having done so, the Govemment itself becomes liable, and this result has soinvariably followed that the creditor has become accustomed to regard the Sultan asbound to pay all his bad debts. The system has encouraged fraud. A traderfalselyalleges that his agent has been robbed, or he makes a daim for a debt which hasbeen paid or which has never existed. The notarial document referred to above maybe of little value, for it often records the transfer of money and goods which hasnever taken place.

The consideration very often is the "protection" which the native obtains as thepartner -for so he is regarded- of a European merchant, and whereby he evadespayment of taxes and military service. Again, the certainty that daims will becompromised and not paid in full induces many (Q exaggerate the amount due tothem. For example, the agent of a merchant of Gibraltar is robbed of 550 dollars -1quote a case which actually occurred- the merchant writes accordingly, claiming

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550 dollars, but at the same time, without his knowledge, his branch firm at the portnear which the robbery occurred institutes a c1aim on the same account for 1,100dollars, thereby anticipating a reduction of 50 per cent.

Another evil is this. The Moorish Government hold the relatives of a debtor(dead or absconded) responsible for his debts. When the Moorish Government ispressed on account of c1aims for debts by the British Legation, if it takes any noticeat all of the reference, it will probably issue orders for the arrest and imprisonmentof the debtor, or, if he is not forthcoming, of his father, brother, or even son, and theunfortunate man, whoever he is, remains in the filthy dungeon, treated exactly thesame as a murderer, until the money is paid. l find a case on record in this Legationwhere a boy of 14 years of age was found to have been in prison for two years on .account of a debt due by his dead father to the British Vice-Consul-trading Vice­Consul.

l have in my separate Report dealt fully with the subject, and made suggestionswhich l trust will mitigate, if they do not stamp out, the evils of the present system.Much will depend on the Moorish Government, whether they can be galvanizedinto sorne kind of comparative promptitude when cases in question arise; much willdepend on the British Legation, whether it will cease to record and support claimswhich have not been carefuUy examined; and much; perhaps more than anything,will depend on the willingness of Her Majesty's Govemment to provide thenecessary machinery for inquiry.

l refer to the traveling expenses of officers who may be sent to examine locaUyinto c1aims preferred, for l have tried this in two or three cases with most excellentresults, but, above aU, l refer to the reversion to the old system of paid instead oftrading Consuls. The trading Consuls are often, indeed generally, c1aimantsthemselves. In one locality, of the total amount of 7,3001. c1aimed .5,3001. were onaccount of the c1aims of the Vice-Consul and his staff. How, l submit, can tradingVice-Consuls be expected to act fairly and fearlessly, or to apply mIes vigorously,and create precedents impartially, with the certainty that the same rules andprecedents will rise up in judgment against them when they themselves appear asc1aimants?

Moreover, they have their own affairs to look after, and they cannot act withpromptitude or give up their time to local inquiries without serious loss tothemselves.

These c1aims are a shadow which is ever creeping up between the BritishMinister and the Sultan. Nothing can do influence of the Minister more harm thanhaving continuaUy to dun the Sultan for money - money which the Sultan and theMinister too well know to be often unjustly c1aimed. l do not know any reformwhich wouId more tend to the comfort (indeed, the self-respect) of the BritishMinister at Tangier, or to the rehabilitation of British credit and influence, than hisremoval from the false position which he now occupies. And l believe that if my

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proposaIs are accepted, this can be done without any danger to trade and commerce.It should be noted that the few British firms of standing and reputation seldom ornever appear as claimants for debts.

The third question which particularly concerns England in its relations withMorocco is the difficulty of obtaining replies or attention from the ShereefianGovernment. Not that this is a grievance peculiar to England; other nations sufferas much or more from the apathy and obstruction of the Moorish officiaIs, partly theresult of constitutional apathy, and partly the offspring of deliberate poliey.

When a foreign Representative frrst arrives, even when he cornes from aEuropean Court least remarkable for promptitude, he is much exercised by thesilence and evasive, tortuous replies and ways of this cynical Court. His impatiencefinds vent in repeated protests, and perhaps threats, but these are all received witha compassionate smile by the hardened Minister for Foreign Affairs.

He understands the case thoroughly, and its familiar symptoms do not alarmhim. It is a process of acclimatization which every new Minister must undergo, foracclimatized he becomes sooner or later. Thus claims and unredressed grievancesaccumulate, until, perhaps, by a visit to Fez; the now more philosophicalRepresentative manages to obtain a modicum of relief.

These tactics of the Sultan are not new. Even Sir John Hay, with all his influence,could not induce the Court to move at a less sluggish pace, and consequently hissuccessors have inherited the mass of British claims which are such a heavy dragupon them. Of course, there are times when things are worse or better than at othertimes. For instance, when this Mission was sent to Morocco things were at theîrworst. No justice could be obtained for British subjects, no replies, however evasiveor frivolous, were vouchsafed to letters from this Legation.

1 was assured by one of the most sagacious and impartial of my colleagues thatthe Shereefian Government, finding that they could thus treat England withimpunity, were extending the policy of absolute silence to other European Powers.The murdered Trinidad proved to be a Deus ex machina, for the vigorous actionthen taken, followed by the dispatch of a Special Mission, startled the Sultan, andsince then things have much improved as regards England, but other {>owers, 1understand, still endure the same treatment of indifference.

Even as regards us, the Sultan will very probably relapse into his old ways. If so,patience is the only policy. An affair like that of Trinidad is comparatively easy totreat, for it is so outrageous as to justify the strongest measures. But a Governmentcannot issue an ultimatum on every trifling occasion, and the only alternative is bytact and patience to break down the passive resistance which cannot otherwise beovercome. Things would be different if the Corps Diplomatique resided at Fezinstead of Tangier, but this is a change which at present is impossible. The next bestarrangement is a responsible officer resident at Fez, a trained and capable man ofstanding who can represent the Minister.

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The fruit of Sir Charles Euan-Smith's Mission was the appointment of a Vice­Consul to reside at Fez. The present temporary incumbent of the post is a Scottishtrader in Fez [Mac Iver Mac Leod), a shrewd and honest man, weB qualified to lookafter the trading interests, if there were any, of British subjects, but quite unfitted bytraining and instinct for the discharge of delicate political duties. Necessarily hecarries little weight with the Shereefian Ministers. He should, 1 submit, be replacedby a qualified officer. If this were done the hands of the British Minister at Tangierwould he greatly strengthened.

Indeed, if it had not heen for the assistance kindly given to me by Kaïd HarryMaclean the difficulties of my situation would have been greatly increased. KaïdMaclean has often served as a channel of informaI communications with theShereefian officiaIs, with whom he is popular. He is a loyal and straightforwardgentleman, eager to be of use to his countrymen, but he is entirely in the service ofthe Sultan, and therefore it follows that he cannot fiB the place of a responsible andindependent officer of Her Majesty's Govemment.

1 submit, too, that the visits of the English Minister to the Court should be morefrequent. Only by personal intercourse can he gain influence over the Sultan and hisMinisters. However popular he may become with them, the Court will always beglad to wish him good-bye, and in order to hasten the leave-taking they will settlequestions which would otherwise occupy years of abortive and irritatingcorrespondence. These visits, however, should not be on the same scale as visits ofceremony. Excepting on the latter occasions the Minister should proceed to theCourt with one, or perhaps two, officers, and !ittle or no retinue. His visit would notbe then regarded by the people in the same light as a flight of locusts, and he wouIdbe much more likely to attain his ends. This was the procedure of M. Feraud, themost successful Minister who has ever represented France in Morocco

1 have heard several complaints regarding the manner in which the Sultanreceives a foreign Minister when he makes a visit of ceremony. The Sultan ismounted, and the Minister stands bareheaded, in an open court-yard filled withtroops. My inquiries have not induced me to sympathize with the complainants. InMorocco, the Sultan's warcharger is his throne. AB great ceremonies take placebefore the army, consequently they must be held in the open air. The Minister needonly uncover when he first addresses the Sultan, and His Majesty's promptly begshim to replace his hat or helmet. 1 do not see how this is more undignified thanbacking out of a throne-room. Certainly 1am of opinion that it should be left to theRepresentative of sorne less practical nation to raise an irritating question such asthis.

ln Conclusion, it is my duty to review the results which have been attained bymy Mission.

By those who expected that during the six months, of my stay in Morocco 1should be able to wring from the Sultan valuable commercial concessions and

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important administrative reforms, including the abolition of slavery, theregeneration of the prison system -and this is but a fraction of the programme whichwell-meaning, but over-sanguine, critics sketched for me- by those who expected somuch my Mission will doubtless be condernned as a failure.

But your Lordship is aware that heroic diplomacy was outside the range ofpossibility, and was not, therefore, within the scope of my instructions. The dutywhich was imposed upon me, which 1 trust 1 have discharged to the satisfaction ofRer Majesty's Govemment, was of a humbler nature. 1 may perhaps be permittedagain to quote from the instruction which were issued to me on the eve of mydeparture, in so far as they define the object to be attained by the Mission. Thereason for dispatching my Mission was because "it was impossible to obtain properattention to the representations of Rer Majesty's Legation, or the barest justice toBritish subjects". It was with the object "of ameliorating this state of things and ofrestoring the more cordial relations which formerly existed between the twocountries" that Rer Majesty's Govemment deputed me as Minister Plenipotentiaryand Envoy Extraordinary to the Court of Morocco. 1 was further instructed, when 1felt myself sufficiently informed, to report on the general situation in Morocco, "socomplicated by intrigue, fanaticism, and misgovemment."

Whether 1 have adequately discharged this latter duty must be decided by thosewho read this Report; but whatever its shortcomings, 1 hope that its length ­approaching, 1 fear, to tediousness- will be accepted as a proof of my conscientiousdesire to omit no subject of interest or importance when reviewing the situation inMorocco.

As regards the amelioration of the state of affairs which 1 found existing on myarrivaI, and the restoration of friendly relations with the Shereefian Govemment, 1think 1 can report that my mission has been as successful as any reasonable criticcould expect.

When 1 arrived in Morocco 1 found the Sultan sulky and suspicious, while mycolleagues were naturally anxious and disquieted. 1 think 1 may truly say that 1leavethe Sultan in a much more friendly mood, and with his confidence in theunaggressive intention of England revived. Ris Majesty has, indeed, admitted to aforeign diplomat that the conduct of the Mission has to a great extent restored theconfidence in the good-will and good faith of England which, he stated, he hadrecently lost.

There is no doubt that at the time of my arrivaI Ris Majesty, like the foreignpress, believed that my Mission was to threaten and intimidate, with the view ofextorting commercial and other concessions, and relying on the assistance promisedby irresponsible Agents of certain foreign Powers, he was prepared to maintain anattitude of stubbom resistance. The Sultan considers Morocco to be the pivot onwhich the whole world tums. Courted as he has been by foreign Powers, he believeshis friendship to be essential to the peace of mind, if not to, the prosperity, of the

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Powers represented at Tangier. Accordingly, the attitude of cold but courteousreserve which, under your Lordship's instructions, was assumed towards HisMajesty seemed to puzzle him, for it was entirely at variance with his preconceivedideas. AlI the prophecies of the foreign prophets hostile to England, who so readilygain his ear, were falsified, in itself a happy result, and the harbinger, l trust, of thedecay of their mischievous influence.

It seems to me that at an early period, when his first fears were passing away, theSultan determined to adopt the wise policy of abstaining from anything which could giveEngIand reasonabIe cause for offence. Certainly, during the time l have been in Moroccol have had no reason to find serious fauIt with the Sultan or his officiaIs. Mycommunications on various subjects have been attended to promptly, and in a reasonabIespirit, if aIlowance is made for the apathy and obstruction naturaI to his Court.

Indeed, l do not think that any communication l have made to the Sultan -and lhave made many- has been ignored, or that any demand has been refused, or evenquestioned, without sorne plausible reason. On a recent occasion, when aIlRepresentatives of Europe in Tangier addressed identic notes to the Sultan on thesubject of cabotage, His Majesty only vouchsafed replies to the Minister of Franceand to myself, and, as l have stated, my suggestions for the improvement of theports have been accepted.

This is a state of things which is decidedly satisfactory, but l doubt whether itwilliast. It is, l fear, merely a phase which will soon pass away. But l hope that ifthe proposaIs are accepted, which l have made in separate dispatches, regarding thesettlement of claims -the most vexatious of questions- and the improvement of theConsular Service, permanent and valuable results will follow my Mission, and willmake the path of my successor Iess rough and difficult than it has been for mypredecessors.

As to my colleagues, l can speak with more certainty, for my relations with oneand all of the courteous gentlemen who compose the Corps Diplomatique at Tangierare, and have been throughout, of a very friendly nature. Any forebodings of evil,or any feelings of jealousy, with which sorne of them may have regarded thisMission on its inception, ha\'e disappeared; and though one or two may bedisappointed that a more high-handed policy has not been adopted -or, in otherwords, that England has not pulled the chestnuts out of the fire for them- still, allacknowledge that the mission has been successful (to quote an important memberof the Corps Diplomatique) "in removing all asperities."

Indeed, l think l am justified in repeating the opinion of a colleague, theRepresentative of a Power unquestionably friend to England, who a few days sinceemphatically stated to me that the policy pursued by Her Majesty's Govemment inthe dispatch and conduct of this Mission had undoubtedly been highIy successful,that the situation had greatly improved for the better, and that Her Majesty'sGovemment could not do better than to continue to prosecute the same policy.

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Such, my Lord, are the humble results of my Mission, and 1 trust that RerMajesty's Govemment will consider them to be as much as could be reasonablyexpected, considering my lirnited means and opportunities, and also, 1 fear, mylimited capabilities for the delicate duty confided to me.

West Ridgeway.

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Comptes-rendus bibliographiquesReseiias bibliogrâficas

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Hesperis-Tamuda, Vol. XLI, (2006), pp. 161-164

BOUCHENTOUF, Lotit Al-'Alim wa-s-sul1in. Dirisa fi intiqil al-l)ukm wamuqawwimit al-mashra'iyya. Al- 'ahd as-sa 'dî al-awwal. (Le 'ilim et lesultan. Etude sur la transition du pouvoir et les fondements de la légitimité.La première époque saâdienne) Casablanca, Université Hassan II - AïnChok, Publications de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines,série « Thèses et mémoires », 2004, 488 p.

La transition entre les dynasties wattaside et saâdienne semble bénéficier d'unvéritable privilège historiographique qui a renouvelé de manière substantielle l'étatde nos connaissances, probablement parce qu'il s'agit d'une articulationfondamentale dans la périodisation encore largement en usage, entre un Maroc«médiéval», associé aux grands «empires berbères», et un passage aux «Tempsmodernes», associés aux dynasties sharifiennes. Au départ une véritable vulgate,qui conçoit l'arrivée des Saâdiens au pouvoir comme étant le résultat d'uneconfiguration de facteurs : résistance à l'occupation ibérique, «révolutionmaraboutique», soutien du soufisme jazoulite aux premiers saâdiens promus chefsdu jihad. Or depuis les années 1970, différents travaux ont apporté de nouveauxéclairages. On a mis en relief le rôle de la conjoncture éco-démographique qui adurement affecté «le royaume de Fès» et les plaines atlantiques, et épargné le Sud­Ouest, région de départ du mouvement saâdien. On a souligné l'importance del'outil militaire, et re-questionné l'idée selon laquelle le nouveau pouvoir s'estdispensé de la 'Mabiyya, qui pouvait aussi correspondre à celle des tribus Jazouladu Sous. A un autre niveau le sharifisme a été perçu comme phénomène antérieursuscité par la stratégie de légitimation mérinide, et la montée du pouvoir saâdienaurait été le fruit d'une alliance entre «le soufisme militant» des campagnes et lessharlf-s de la périphérie. Selon une autre lecture, les Saâdiens auraient plutôtmobilisé et substitué un paradigme culturel associant trois figures, à savoir lemahdi, le sharlfet le murabH Ajoutons aussi les apports «latéraux» importants quefournissent les études fondées sur l'utilisation des archives ottomanes, et quipermettent d'observer la nouvelle dynastie dans le cadre des enjeux à dimensionrégionale. .

Dans ce livre, conçu à l'origine comme une thèse de doctorat d'Etat soutenueen 2001, Lotfi Bouchentouf se propose de reprendre le dossier sous un anglenouveau, à savoir la position et le rôle des 'alim-s, les procédés de légitimation, etdonc les composantes symboliques et idéologiques dans la prise du pouvoir par lanouvelle dynastie. Et pour cerner de près son objet, l'auteur s'en tient à la premièremoitié du 16· siècle, ce qui correspond aux trois premiers chefs saâdiens, c'est-à­dire Muhammad ibn 'Abd ar-Ral;lmin, et se~ deux fils Al).mad al-A 'raj etMul).ammad ash-Shaykh.

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L'ouvrage est construit en trois parties. La première décrit le processus selonlequel les 'a/im-s du Sud ont facilité l'accès des Saâdiens au statut du «GrandImamat». Ce fut un soutien actif à un acte de fondation politique. L. Bouchentoufprête une attention soutenue aux récits liés au premier serment d'allégeance obtenupar MuJ:tammad ibn 'Abd ar-RaJ:tmân. Il y eut des motivations, tels que la vacancedu pouvoir wattaside, l'offensive ibérique sur le littoral, le brigandage et laperturbation des axes d'échange.

L'aide des 'alim-s fut précieuse pendant certains moments critiques tels quel'événement de Tamdult, la révolte de Saïd al-l:tâJ:ü, et le conflit qui éclata en 1541entre les deux frères saâdiens AJ:tmad al-A 'raj et MuJ:tammad ash-Shaykh.

L'auteur présente le milieu lettré de la région, des «maisons de science», et leursrapports avec les premiers Saâdiens. Nous voyons se dessiner des profils deformation, des réseaux liés aux carrières d'enseignement dans le Sous et le Drâa, etémerger quelques figures de proue, comme 'Ali as-Suktâni, Al-l:tasan at-Tâmuli,AJ:tmad al-Akhssâssi, 'Abdallâh al-Madaghri. Saïd al-l:tâJ:ü, AJ:tmad al-Masjdâdi,MuJ:tammad ad-Dar'i, MuJ:tammad ibn Ibrahim at-Tamanârtï, et Saïd al-l:tamidi.

Le soutien apporté par ces 'alim-s à la dynastie naissante n'allait pas sanscontrepartie: des fortunes foncières, des nominations à différentes fonctions tellesque la khi.Caba, la judicature, la supervision de la scolarité des princes, et lesecrétariat du souverain. Ces données permettent de rectifier l'image stéréotypéeque véhicule la littérature biographique, et qui attribue à ces mêmes personnages lesvertus d'austérité et de refus des privilèges

La deuxième partie nous permet de suivre la progression du nouveau pouvoirvers le Nord, de Marrakech à Fès, et les prises de positions des 'alim-s par rapportau conflit entre Wattasides et Saâdiens. L. Bouchentouf suit de très près l'avancéedes saâdiens, faite d'épisodes militaires, de trêves, de temporisations, et de partageterritorial légalisé, notamment celui qui suivit la bataille de Bu 'Aqba, et quiattribua aux Saâdiens l'ensemble des régions situées au Sud de l'Oued Oum erRebia.

A l'arrivée, nous suivons avec l'auteur les deux «crises de Fès», liées àl'occupation de la ville, et au refus opposé par certains 'alim-s qui déclarentfermement être liés moralement par la bay'a wattaside. La première crise de Fès setermine avec la liquidation physique de 'Abd al-WâJ:tid al-Wansharisi, fils d' AJ:tmadal-Wansharisi auteur du Mi 'yar, vraisemblablement confiée à des suyyab de la ville.L. Bouchentouf dessine le profil du personnage, et nous livre, à propos de sa finsanglante, pas moins de cinq versions que les sources en question ont laissées.Quant à la seconde crise, elle se termina avec la liquidation physique de 'Abd al­Wahhâb az-Zaqqâq, AJ:tmad et MuJ:tammad at-TaITÜn, al-l:tassan et MuJ:tammadl:tarzüz al-Maknâsi.

Entre les deux crises, l'auteur aborde celle des zaouias. Nous suivons de manièreconcrète le retournement opéré par la nouvelle dynastie contre les forces

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confrériques, les mesures de rétorsion, et les différentes attitudes adoptées par les'a/im-s face à ce conflit qui s'est déclaré entre les alliés de la veille. Ainsi dans ladéfense des zaouias, nous trouvons Musa al-Wazzanï, et dans le côté pro-saâdien,on trouve Muhammad at-Tamanarti, et MuJ:tammad al-KhaITÜbï dans sa polémiquecontre Abu 'Amrü al-Qas~aIï.

Enfin la troisième partie de l'ouvrage est intitulée «lieux de divergence et portéesde l'affrontement». Elle constitue un moment de récapitulation et d'interprétation.L'auteur y revient sur une question qui semble centrale, à savoir cette constante queconstitue la résistance tenace de Fès face aux nouvelles dynasties. Il réexaminequelques antécédents qui avaient marqué la mémoire des 'alim-s de Fès, et quiavaient posé le problème de la légitimité du pouvoir en situation de conflit violent,et en termes de «conditions de l'Imamat». Ce fut notamment le coup d'Etat idrissidede 1465 qui mit fin à la dynastie mérinide, la révolte de l'émir nasride MuhammadZghal contre son frère aîné 'Ali ibn Saïd en 1477, et la révolte des Banu Râshid,émirs de Chafchauen, contre le sultan wattaside en 900 (H.).

Concernant le rapport de Fès avec le pouvoir saâdien naissant, L. Bouchentoufadopte deux hypothèses. C'est d'abord le centre contre la périphérie. L'attitude deFès face aux Saâdiens, c'est la cité contre la 'Mabiyya, la ruralité, et la coutume.D'un autre côté, c'est la vieille école de Fès opposée à la jeune école du Sud (Souss,Drâa). La première signifiait le conservatisme, la seconde l'innovation, et ce clivageconcernait les niveaux institutionnels, pédagogiques aussi bien que le niveau de lapratique juridique.

C'est donc un ouvrage fouillé, bien documenté et stimulant. De par sa richesse,il suscite de notre point de vue quatre types de questions. D'abord celle de larésistance que Fès opposa au nouveau pouvoir. L. Bouchentouf nous sembleprivilégier à outrance l'argument de la différence culturelle, sans distinguersuffisamment entre éléments liés aux constantes, et éléments liés aux particularitésde la conjoncture en question. Pourquoi le thème de Fès affichant sa citadinitéhautaine face à la dynastie bédouine apparaît-il de manière plus accentué dans lecontexte saâdien ? Le même type de questionnement comparatif peut être fait parrapport à l'initiative de MuJ:tammad ash-Shaykh qui nomma des 'alim-s du Sousdans différentes fonctions importantes à Fès. D'un autre côté, concernant ladichotomie ville-campagne, il faudrait rappeler que les villes marocaines ont connuà l'époque un processus de ruralisation, perceptible dans différents domaines.

A un autre niveau, il s'avère que cette transition dynastique présente des traitsd'une grande originalité. C'est surtout une situation de double légitimité longtempsassumée par les protagonistes wattasides et saâdiens, et qui est vraisemblablementà l'origine de la double appellation des «royaumes» de Fès et de Marrakech.Rappelons que les Saâdiens ont bénéficié d'une allégeance locale fondée sur unconstat de vacance de pouvoir en situation de péril extérieur. Et jusqu'à latransgression du principe du partage territorial, les Wattasides ont continué àdialoguer et à reconnaître le nouveau pouvoir fondé dans la région du Sous.

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Le second point concerne les 'alim-s comme acteurs dans une situation detransition politique. Il ne s'agit donc pas d'une catégorie qui se contente delégitimer après coup un changement politique négocié ou imposé dans d'autressphères. L. Bouchentouf enrichit notre connaissance du milieu en question, à traversses réseaux, ses valeurs, et sa culture. Mais l'auteur a éludé une question qui noussemble importante, celle de la distinction entre 'alim-s et faqih. La littérature del'époque aborde -t-elle cette distinction? De laquelle de ces deux catégories s'agit­il dans les événements objets de cette recherche?

Il Y a aussi la question fondamentale des sources. L'auteur a utilisé un corpusdense de sources marocaines et européennes. L'épisode étudié nous met devant desprofils qui ne manquent pas d'originalité. Léon l'Africain apporte de nouveauxéclairages ; il est présent comme acteur, il raconte des missions de négociation auprofit du souverain saâdien. Nous rencontrons aussi deux cas a-typiques par rapportà la tradition historiographique marocaine: celui de Jannabill ', chroniqueur syriendont le récit est pris à partie dans le détail par A1).mad al-Mansour, et la chroniqueanonyme, pamphlet qui permet de recouper la version officieuse reconstruite auprofit du nouveau pouvoir. Mais on peut regretter que dans sa présentation dessources, L. Bouchentouf s'est limité plus ou moins au genre des chroniques. Orl'intérêt de l'ouvrage réside dans cette histoire mouvementée du processus delégitimation, une histoire qui nous permet de suivre de manière compréhensive lelangage, les concepts et les arguments mobilisés à différents moments et pardifférents protagonistes. Il aurait été utile de définir les différents types de textes«doctrinaux» produits au cours de l'époque étudiée, et de les situer par rapport auxgenres juridiques traitant du pouvoir politique en Islam.

Soulignons pour terminer qu'au-delà de l'apport strictement monographique, ils'agit d'un travail important qui nous rappelle que l'intérêt accordé au rapport entresainteté et pouvoir tend à occulter la nécessité d'une histoire sociale du milieu du'ilm et dufiqh '2 '. L. Bouchentouf ouvre ainsi des perspectives qui pourraient aiderà éclairer d'autres épisodes dynastiques, y compris ceux de l'époque médiévale.

Abdelahad SEBTIFaculté des Lettres-Rabat

(1) Signalons la présentation de l'ouvrage, avec la publication de l'extrait relatif au Maroc, dansAbdelhafid Tbaïli, « Une source ottomane sur l'histoire du Maroc saâdien : Al-bahr az-zakhkhtIrwa-'- 'aylam aHayyar de Mostati. al-Jannâbi» At-T8.rikh al- 'arabf (Rabat), n° 12, automne 1420/1999, pp. 197- 233.

(2) Parmi les rares recherches solidement documentées concernant ces milieux, citons un travailuniversitaire inédit, AbdelTahmane Housni, Les 'ulama dans la société marocaine au JC)' siècle, enarabe. Diplôme d'Etudes Supérieures. Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Rabat,1993- 1994, dactylog., 502 p.

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Hesperis-Tamuda, Vol. XLI, (2006), pp. 165-169

BEN-SRHIR, Khalid, Brf!inyi. wa ishkiliyyat a{-illihfi-{-Maghrib, 1886 -1904,(Dar Abu Raqraq), Rabat, 2003, 729 p.

Depuis la thèse magistrale et contestée de Jean-Louis Miège, l'histoire desrapports entre le Maroc et l'Europe au 19· siècle est devenue un véritable champhistoriographique. Certains auteurs ont choisi de cerner de plus près des processusde pénétration proto-coloniale, des transformations induites par cette pénétration,ou des réactions de résistance. D'autres ont choisi de focaliser leur intérêt surl'évolution des rapports avec certaines puissances européennes. C'est notamment lecas de K.Ben-Srhir qui a réalisé une accumulation remarquable de travaux sur le casde la Grande- Bretagne.

Ce fut d'abord une étude des relations maroco-britanniques entre 1856 et 1886(1,.Ensuite ce fut la publication d'un corpus de documents du Public Record Office,couvrant la période allant de 1845 à 1886, et centré sur la correspondance dureprésentant anglais John Drummond Hay avec l'Etat marocain'2', mais aussi sur lethème de la réforme. Celui-ci revient dans le sous-titre de l'ouvrage que nousprésentons, conçu à l'origine comme thèse de doctorat d'Etat soutenue en 2001,publié en 2003, et couvrant la période allant de 1886 à 1904. L'auteur y annoncedéjà qu'il envisage d'aborder dans un prochain livre le même thème maroco­britannique pour la période qui se situe entre 1904 et 1937, et qui se termine par lerenoncement de la puissance britannique à ses privilèges au Maroc. Parallèlement,l'auteur a publié un certain nombre de textes importants dans différentes livraisonsde la revue Hespéris- Tamuda. Au pris d'une persévérance méritoire, K. Ben-Srhirs'est «installé» dans un territoire d'archives qu'il découpe selon une périodisationqui épo:.Jse l'évolution globale de la présence britannique au Maroc.

Dans le présent ouvrage, l'auteur commence par rappeler que le Maroc a failliêtre une colonie britannique au sens plein ; il a quand même fait partie de cet«empire informel». Pourquoi alors la Grande-Bretagne a-t-elle sacrifié laprépondérance économique, politique et militaire qu'elle avait acquise au Maroc, auprofit des ambitions françaises?

Le livre est construit selon un plan qui combine périodisation et approchethématique. Les deux séquences principales sont déterminées par trois événementsmarquants, à savoir le départ de J. D. Hay (1886), la mort de Hassan 1·' (1894), et

(1) Soutenu en 1989, publié en 1990, Casablanca. éd. Wal1ada, réédité en 1997 (Rabat, Publicationsde la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Rabat), il a fait J'objet d'une traductionanglaise, Britain and Morocco During the Embassy ofJohn Drummond Hay, 1845- 1886, trad. M.Williams & G. Waterson, London 1 New York, Routledge, 2005.

(2) Le Maroc dans les archives britanniques: La correspondance de John Drummond Hay avec leMakhzen, 1845 - 1886 (en arabe), Casablanca, Wal1ada, 1992.

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l'établissement de «l'Entente Cordiale» entre la France et la Grande- Bretagne (1904).Du côté marocain, il y a les changements de règnes, et dans chaque règne lasuccession de personnages influents tels que l'homme fort Ba Hmad (1894-1900), lesministres influents et représentatifs de clans liés à différentes puissances européennes,comme le ministre pro-britannique de la Défense Mehdi Mnebhi, ou le ministre pro­français des Affaires Etrangères Ben Slimane, deux hommes qui ont marqué lapolitique au cours des premières années qui ont vu le jeune sultan Abdelaziz prendreles rênes du pouvoir. Du côté britannique, il y a la présence à distance de ministres desAffaires Etrangèrestels que Salisbury, Rosbery et Lansdowne, et nous suivons de trèsprès la succession des hommes à la tête de la représentation diplomatique, tels queKirby Green , Charles Euan Smith, Satow, et plus particulièrement Nicholson quidirigea la politique britannique au Maroc pendant une période commençant en 1895et allant au-delà de l'époque étudiée. Cette énumération peut paraître fastidieuse, maisil s'agit d'acteurs importants, et de producteurs d'une bonne partie des archives quiont permis l'investigation de K. Ben-Srhir.

Du côté thématique, nous pourrions distinguer quelques dossiers significatifs. Ils'agit d'abord de questions territoriales. Le chapitre, intitulé «La présence anglaisedans le Sud marocain (1876- 1895)>>, traite de la question de Tarfaya. L'aventurierécossais Donald Mackenzie s'installe dans la région sans autorisation du Makhzen,se lie à des tribus locales, obtient la complicité de la puissante famille Bayrouk, ettente de créer un comptoir commercial. K. Ben-Srhir cerne le dossier depuis sesprémisses ; il en raconte les péripéties et les retournements. Hésitations dureprésentant britannique, attitudes du Makhzen et des puissances européennes,initiatives et recul des Bayrouk. Après de longues négociations, le Makhzend'Abdelaziz finit par récupérer le territoire en litige.

L'auteur relate aussi longuement la guerre de Mellilia (1893- 1895). C'est unconflit armé qui opposa les Rifains aux espagnols de ce préside, suite au refusespagnol de la construction du borj de Sidi Ouariach. Espagnols et britanniquess'efforcent de convaincre le Sultan pour qu'il freine l'ardeur des Rifains. Le princeArafa est chargé de discuter avec les Rifains, il négocie aussi avec les Espagnols.Ceux-ci durcissent leur attitude, ce qui amène l'intervention diplomatique despuissances allemande et britannique. Le conflit trouve une issue, le Maroc s'engageà verser une indemnité.

C'est enfin la crise liée aux frontières orientales. Il s'agit des initiativesd'occupation militaire que la France entama depuis le début de l'année 1900. Leprocessus commença par l'oasis d'Aïn Salah, puis la région d'Igli, et le Nord-Est deFiguig. Les populations locales ne tardent pas à résister par les armes. Le Makhzensollicite à maintes reprises le secours de la diplomatie britannique, et celle-ci nemanqua pas d'ambiguïté. K. Ben-Srhir décrit dans le détailles différents momentsde ce dossier. Le Makhzen se retrouve dans une véritable impasse, il demande unedélimitation des frontières, alors que les Français s'emparent de nouveaux pointsstratégiques tels que Timimoun.

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K. Ben-Srhir s'est aussi interessé à certains personnages représentatifs. Unchapitre entier est consacré à Boubker Ghanjaoui (pp. 119- 171), déjà entrevu dansle travail de Mohamed Kenbib sur les protections consulaires, et qui semble mériterà lui seul un travail biographique. Personnage haut en couleurs, secret,symptomatique, haï et respecté. Il commence par une carrière de chamelier sur lesroutes reliant Marrakech aux ports d'El Jadida, Safi et Essaouira. Au début desannées 1870, il se lie d'amitié avec un négociant britannique, puis s'adonne aucourtage, se fait recruter par la représentation britannique à Marrakech, et obtient laprotection de ce pays. Il bénéficie en même temps de la protection du khalifa etfutur sultan Hassan 1er, et parvient à tenir tête au gouverneur Ben Daoud. Chargépar les anglais de missions de négociations secrètes avec le Sultan, Ghanjaoui seretrouve introduit dans le milieu et les luttes de clans dirigeants du Makhzen.Certaines sources lui attribuent une fortune qui rivalise avec les plus grandes dupays. K. Ben-Srhir, décrit son ascension, mais aussi la tension qui l'oppose auMakhzen, puis à certains milieux britanniques qui l'accusent de pratiquesesclavagistes et d'activités liées à la prostitution. Campagnes de presse, débats auparlement anglais, et poursuites en justice qui aboutissent à un jugement en règle àGibraltar. Ghanjaoui finit par prendre une retraite anticipée, et meurt en 1905.

La question des réformes revient à différents moments de l'ouvrage, elle croisedifférentes péripéties dans l'évolution des relations objet de l'ouvrage. Dans lechapitre intitulé «Crise des relations maroco-britanniques» (1886-1894), nousvoyons Kirby Green succéder à Hay, et tenter sans succès de négocier une révisiondu traité de 1856. Puis Charles Euan Smith lance un programme de réformes,auquel le sultan oppose réticence et tergiversation.

Ensuite K. Ben-Srhir aborde et suit de près le programme de réformes conçu parle sultan Abdelaziz. Au niveau du canevas annoncé, retenons la place centrale qu'yoccupait la réforme fiscale. Nous suivons le processus d'annonce destiné auxreprésentants européens, mais aussi les premières opérations de mise en œuvre, les« zones-pilotes », mais aussi l'éviction de nombre de caïds dont la conduite n'étaitpas compatible avec l'assainissement en vue. Le projet de réforme semble pluscohérent que par le passé, mais piétine. Un détail qui retient l'attention : le sultanenvisage de contracter des emprunts européens pour construire des voies ferrées,Nicholson lui conseille de donner plus de priorité à la réforme de la situationintérieure et à l'instauration de l'ordre et de la sécurité.

La question de la réforme est aussi un élément important dans le processusdécisif qui, entre les années 1902 et 1904, aboutit à la conclusion de «l'Ententecordiale», et à l'abandon par la Grande - Bretagne de sa position hégémonique auprofit de la France. K. Ben-Srhir décrit cette évolution de manière circonstanciée.D'un côté, il y a les consultations entre puissances, l'inquiétude du sultan, le doublelangage de la diplomatie britannique. D'un autre côté, il y a la révolte de Bouhmaradont l'ampleur semble avoir été sous-estimée par le Makhzen, et dont nous suivons[es péripéties à travers les échos et les contacts du côté britannique. Et en même

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temps c'est la crise financière, la recherche fébrile d'emprunts auprès de partenairesfrançais, espagnols et britanniques. Ainsi au gré de ces événements, la France sepréparait à instaurer son hégémonie au Maroc, mais devait veiller à respecterquelques principes de base, à savoir la liberté commerciale, et la légitimation de ladomination par les réformes et la sauvegarde du régime politique traditionnel.

Dans la conclusion de l'ouvrage, K. Ben-Srhir se félicite de l'exhaustivitéthématique et chronologique, et de la précision qu'il a réalisées par rapport auxdifférents dossiers et questions abordées. Ceci dit la solidité de la documentation, etune certaine fascination de l'archive, peut-être par certains côtés problématique. Lelecteur suit souvent l'évolution de l'événement d'une manière qui suit de très prèsla production de l'archive diplomatique anglaise. Correspondances, rapportsd'audiences, consultations. La perspective et le discours des seuls acteursdiplomatiques britanniques sont souvent dominants.

Prenons quelques exemples. D'abord l'affaire de la disgrâce du ministre MehdiMnebhi au retour de sa mission en Europe en 1901. K. Ben-Srhir nous permet desuivre le contenu de documents où il est question de rumeurs contradictoires. Onpourrait penser soit que l'événement ne méritait pas d'être abordé dans le détail, soitqu'il nécessitait un effort d'interprétation qui mette une distance par rapport à laperspective de l'archive britannique, notamment au moyen de l'archive marocaine.Il s'agirait alors d'envisager éventuellement la manipulation par la rumeur, ou deposer la question de la prise de décision dans les sphères supérieures du Makhzen.

Il y a aussi le dossier des tensions et révoltes populaires abordées par K. Ben­Srhir. Dans le langage de l'archive diplomatique, ces mouvements collectifs sontsouvent envisagés dans une perspective de manipulation et de réseaux, ce qui n'estpas toujours convaincant. La révolte des Rehamna au début du règne de Abdelazizest un cas représentatif. L'événement est entrevu à la lumière de la confrontationentre deux forces, le gouverneur de Marrakech Ben Daoud, et les deux protégésbritanniques Ghanjaoui et Maslouhi. Or que penser de l'analyse déjà proposée parPaul Pascon dans Le Haouz de Marrakech, èt qui invoque des problèmes detranshumance et des enjeux de pouvoir entre le milieu caïdal et les hautes sphèresdu Makhzen ?

Il Y a aussi la question de la réforme, supposée être la question centrale del'ouvrage. L'auteur énonce entre autres que Hassan 1cr n'a pas adopté lespropositions de réformes en raison des positions adoptées par les britanniques parrapport aux questions territoriales du Sud marocain. L'argument aurait mérité plusde nuances, et l'époque du sultan Abdelaziz aurait aussi mérité une interprétationd'ensemble.

Enfin, last but not least, relevons que l'auteur nous avertit dès l'introduction del'ouvrage que la comparaison avec la politique britannique en Egypte, en Inde oudans l'Empire ottoman était une chose tentante, mais c'était aussi une «aventure»incertaine qu'il a préféré «éviter», et ce parce qu'il était convaincu de la spécificité

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de l'expérience marocaine par rapport au reste du monde arabe et musulman. Or lepoint de vue comparatif, et une connaissance de l'histoire du colonialismebritannique dans son ensemble, auraient justement été très utiles pour mieux définirla spécificité de l'expérience marocaine.

Dans l'ensemble le travail de K. Ben-Srhir, très instructif, nous fait aussi sentirqu'au-delà des péripéties de la présence britannique, les archives et les sourcesanglaises pourraient susciter encore d'autres lectures qui pourraient varier lesapproches de la situation proto-coloniale marocaine, avec ses transformations et sesblocages, et aussi avec le discours britannique qui, par certains côtés, semblepréfigurer l'approche «réformiste» française, de même que le modèle de JohnDrummond Hay pourrait être envisagé comme un précurseur de Lyautey, avec desdifférences évidentes de contextes, d'objectifs et de moyens.

Abdelahad SEBTIFaculté des Lettres-Rabat

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Hesperis-Tamuda, Vol. XLI, (2006), pp. 171-173

William A. Hoisington, Jr. - The Assassination ofJacques Lemaigre-Dubreuil :A Frenchman Between France And North Africa ; Routledge Curzon,London And New-York, 2005, 184p.

L'historien américain William Hoisington, Jr., l'auteur de CasablancaConnection : French Colonial Policy, 1936 - 1943 et de Lyautey and The FrenchConquest ofMorocco, vient de consacrer une nouvelle étude à un pan de l'histoiredu Maroc au XXèllle siècle. Cette fois-ci, c'est par le biais de la biographie d'unindustriel français, Jacques Lemaigre-Dubreuil, que l'auteur a choisi d'aborder sonsujet. L'engagement politique de Lemaigre-Dubreuil au Maroc, dans les rangs deslibéraux fançais, a fait couler beaucoup d'encre et... son propre sang. L'homme esttombé sous les balles des ultras, à Casablanca, en 1955.

L'intérêt de Hoisington pour Lemaigre-Dubruil n'est pas récent; il remonte à1968 lorsqu'il a effectué sa première visite au Maroc en quête d'informations etd'archives pour le préparation de son Phd. Mais le hasard de la recherche a fait queles résidents généraux Lyautey et Noguès ont eu la priorité dans le calendrier duchercheur, tandis que le dossier de l'industriel était mis en veilleuse pendant plus detrente ans.

Publié par Routledge Curzon, en 2005, simultanément aux Etats-Unis et auRoyaume-Uni, le nouvel ouvrage de Hoisington vient apporter, exactementcinquante années après la disparition tragique de l'industriel, un éclairage nouveausur l'itinéraire de l'homme et sur son action politique; ce qui complète utilement etnuance l'information qu'avait déjà fournie au public, depuis 1977, François Brochedans son livre intitué L'assassinat de Lemaigre-Dubreuil (Editions Balland).

Ayant accompli des investigations la longue haleine dans des archives privées depremière main (Fonds familiaux : Lemaigre -Dubreuil, Noguès, ...) et ayantcompulsé une bibliographie dense et riche qui replace l'action dans son contexte,Hoisington, professeur émérite de l'Université de l'Illinois à Chicago, a misl'accent sur trois étapes capitales dans la carrière politique de l'homme:

- la révolte en France des contribuables en 1934.

- la période de Vichy et la défense de la France en Afrique

- l'engagement au Maroc au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.

Lemaigre-Dubreuil, ayant succédé en 1931 à son beau-père, Georges Lesieur, àla tête d'une entreprise spécialisée dans le commerce des huiles d'arachide, allaitpeu de temps après descendre dans l'arène politique. En février 1934, à l'occasionde l'émeute provoquée à Paris par des forces de droite et d'extrême droite,Lemaigre-Dubreuil avait décidé d'apporter son concours au projet de la FédérationNationale des Groupements et Syndicats des contribuables qui exerçait de fortes

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pressions (manifestations, campagnes de presse,...) sur les milieux politiques en vued'une révision de la fiscalité en France. La Fédération, dont le président n'étaitautre que le maréchal Franchet d'Espérey, entendait contrôler et orienter lesdépenses de l'Etat et des municipalités, avec des ambitions politiques de droite àpeine déguisées.

Bientôt Lemaigre-Dubreuil prit la prédidence de la Fédération des contribuableset flirtait avec le groupe d'extrême droite La Cagoule, sans pour autant en fairepartie ; d'où son soutien au journal l'Insurgé en 1937. Deux ans plus tard,Lemaigre-Dubreuil était propriétaire de l'hebdomadaire Le Jour-Echo de Paris,mais ce ne fut pas une réussite sur le plan des affaires.

Avec la Seconde Guerre Mondiale, le positionnement politique de l'industrieldes huiles Lesieur allait connaître un changement capital. Avec la guerre, l'hommeavait commencé en Afrique du Nord un nouvel épisode de sa vie qui était demeurée,jusqu'à présent, assez obscure. L'historien W. Hoisington, a parfaitement réussi,dans le présent ouvrage, à l'aide d'archives inédites et par une analyse pertinente, àlever le voile sur bien des aspects de l'action de Lemaigre-Dubreuil en faveur dudébarquement américain en Afrique du Nord (novembre 1942). Ayant des intérêtsd'affaires incontestables en Afrique, notamment les arachides du Sénégal,Lemaigre-Dubreuil était en contact avec toutes les parties susceptibles desauvegarder ses intérêts, aussi bien à Alger qu'à Paris et à Vichy. Sa perspicacité lepoussa à prendre très tôt contact avec le diplomate américain Robert Murphyauquel il prodiguait de précieuses informations qu'il détenait de personnalités hautplacées, civiles et militaires, à Vichy comme à Alger. Ainsi, fut-il l'artisan des«accords Giraud-Murphy» qui constituaient une pièce importante dans lapréparation du débarquement américain en Afrique du Nord. Pour diverses raisons,Lemaigre-Dubreuil avait fait un choix que ne partageait pas le général de Gaulle etses partisans dans le Comité de Libération Nationale; d'ailleurs l'homme du 18 juineut ce propos qui en dit long au sujet de ses sentiments à l'égard de l'industrielfrançais: «Quelle scie, ce Lemaigre-Dubreuil, avec les intérêts de safirme d'huile.C'est... le scieur [Lesieurj de service 1» (cité, p. 82).

Après la Deuxième Guerre Mondiale, «Monsieur Lesieur» avait choisi la villede Casablanca pour abriter le siège de son entreprise; ce qui lui a permis de faireconnaissance de plus près avec la réalité marocaine. La crise franco-marocaine,aggravée en 1953 par la déposition du Sultan Mohammed Ben Youssef, avaitexacerbé les attitudes des protagonistes, mais Lemaigre-Dubreuil demeuraitconvaincu que «les différents qui se soldent par des cadavres ne résolvent rien».Après quelques tergiversations, il fit cause commune avec les libéraux français duMaroc qui étaient décidés à s'opposer aux ultras et à engager des passerelles dedialogue avec le mouvement national marocain pour sortir de l'impasse. Il achetaun journal, Maroc-Presse, qu'il érigea en tribune pour la cause des libéraux, avecun dévouement bravant tous les dangers. Cette activité dérangea certains milieuxextrémistes européens qui montèrent un complot pour mettre brusquement fin, dans

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le sang, le l1juin 1955, à l'engagement politique de l'industriel français. Mais sadisparition n'avait fait en réalité, que renforcer les chances de ses idéaux pourdénouer la crise franco-marocaine;

En historien averti, qui a déjà fait ses preuves dans des ouvrages et des étudesprécédentes, Hoisington a réussi patiemment, dans ce travail consacré à Lemaigre­Dubreuil, à retracer avec clarté et concision (184p.) les méandres d'une carrièresouvent obscure et insaisissable. La brièveté du texte est certainement motivée parles exigences de l'édition et le souci de toucher un large public. Cependant, cela nerisque point de frustrer les lecteurs universitaires spécialisés puisque l'auteur a prisla précaution de leur offrir quelque 535 notes et références susceptibles de répondreà bien des interrogations et d'éargir le champ de la réflexion sur des pages peuconnues de l'histoire contemporaine de France et d'Afrique du Nord.

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26

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RESUME

On a généralement considéré que ['autodafé du livre de Ghazzali, «Larevivisence des sciences de la religion» a été provoqué par les fuqaha qui domi­naient dans la cour almoravide. L'auteur de cet article démontre qu'il n'enest rien. Des penseurs de la trempe d'Ibn Rushd ont condamné ce livre qui,à leurs yeux, faisait dévier l'Islam de sa ligne générale, faite de la symbiosede la foi et de la raison, vers un imaginaire irrationnel et émotionnel.

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.Lb.>~J ~.,lç. J~ Js­«Quand il s'agit de rétablir l'ordre, elle [la France] emploie les llÙtrailleuses làoù les bâtons suffisent et où l'autorité d'un chef marocain énergique suffit»

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~ d,jl J '0}5~jÎ ..::.J~ (f lfjÎ J>- ~J.;;· ... t\ ..::.J\)~\ oh c.;k: t ~\: ;>':>WI ~~ Jl>- 0LJ d,j~ J>-

«C'est avec une grande joie et un grand honneur que S.M. notre souverainvient de me faire parvenir ses idées personnelles quant à l'avenir de sonEmpire, et ceci pour qu'elles vous soient transmises en toute sincérité»,

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32

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33

LETTRE ADRESSEE PAR ABDERRAHMANE EL MNEBHIA WINSTON CHURCHILV2

)

Tanger, le 17 juillet 1943

A Monsieur Churchill, Premier Ministrede Sa Majesté Britannique

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de soumettre à Votre Haute connaissance que le peuple marocainentier et uni derrière son'souverain porte tout son espoir vers votre gouvernementpour ne pas l'oublier lors des règlements de compte après la victoire finale.L'accueil que vous aviez réservé à notre souverain lors de la conférence d'Anfa quis'est tenu sur notre sol était allé droit au cœur de tous les Marocains depuis lesouverain jusqu'au goumier qui se bat en Cécile (sic). Pour que ces cœursmarocains continuent à battre auprès des cœurs britanniques pour la victoire finale,le sultan et tout son peuple sont désireux d'avoir en temps de guerre des contactsdirects et officiels avec les représentants de S.M. Britannique et de l'Amérique enAfrique du Nord. Ce contact est très nécessaire pour que tous les Marocainsparticipent mieux avec cœur et acharnement dans la conduite de la guerre delibération. Ces contacts ne seront qu'une suite renforçant l'optimisme laissé par laconférence d' Anfa dans l'esprit de tout le peuple marocain.

Avec ce contact réalisé, S.M. le souverain sera en mesure aux yeux de son peuplede faire une déclaration de guerre totale à l'Axe, ce qui fournira plus d'effortmarocain pour la conduite de la guerre.

Sachez bien, Monsieur le Président, que le peuple marocain met tout son espoiren vous et attend aussi sa libération vers un régime meilleur qui lui permettraitd'entretenir des relations très cordiales, comme par le passé, avec le gouvernementde S.M. Britannique.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, ma considération très distinguée avectoute on admiration sincère et dévouée.

(Signature de Mnebhi)

(2) Lettre manuscrite originale; Public Record Office, London, F.O. 371/36249, File: Z9891

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MEMORANDUM ADRESSE PAR EL MNEBHI AUREPRESENTANT BRITANNIQUE A TANGER,

LE 20 JUILLET 19433(3):

Tanger, le 20 juillet 1943

Monsieur le Ministre et ami,

Comme suite aux quelques idées que je vous avais présentées et qui interprètentles véritables sentiments de notre peuple désireux d'être sauvé par le Gouvernementde S.M. Britannique après la prochaine Victoire des Alliés.

J'ai l' honneur de vous infOlmer que les sentiments d'amitié et de sympathie quiavaient toujours existé entre la Grande-Bretagne et l"Empire Chérifien se ranimentde nouveau dans tous les cœurs marocains. C'est avec un optimisme et uneespérance sûre que toutes les classes marocaines en ce moment attendent leur salutdans la victoire prochaine.

C'est avec une grande joie et un grand honneur que S.M. notre Souverain vientde me faire parvenir ses idées personnelles quant à l'avenir de son Empire, et cecipour qu'elles vous soient transmises en toute sincérité. Depuis le débarquement desAlliés au Maroc, S.M. a pris totalement la situation en mains. Toutes les classes segroupent unies sous son autorité. Aussi bien les grands chefs pachas, confrériesreligieuses, ainsi que tous les partis nationalistes. L'attitude énergique de S.M. le 8novembre 1942 en refusant de résister avec Noguès et de quitter la capitale pourFez. Le même jour, S.M. avait renvoyé le conseiller français du Gouvernement quiest un Ministre Plénipotentiaire, et avait informé le général Noguès que leGouvernement Chérifien suspend toute collaboration avec la Résidence tant que ceMinistre français reste en fonction. Le ministre Marchat partit, mais le Souverainreste à Rabat attendant les événements. C'est pendant ces deux ou trois jours derésistance du Général Noguès que tous les Marocains attendaient vainement que les

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Armées américaines une fois arrivées à Rabat signeraient peut-être un traité avec leSouverain, que lui même attendait un geste pareil en reconnaissance à son attitudecontre la résistance et le plan Noguès. Les événements suivants se sont passés d'uneautre façon, imposés peut-être par des raisons militaires.

Auparavant, pendant deux ans, S.M. a lutté seul et sans aucune aide qu'unconseil de Ministres vieillards, incapables et complaisants de la Résidence. S.M.s'opposait toujours de tous ses moyens aux lois dictées par Vichy et Berlin. Pour lesmesures contre les Juifs, le Souverain avait lutté pendant six mois en s'échangeantdes projets et contre-projets avec la résidence. Et finalement, il a fallu des menacesde Vichy et un voyage de M. Xavier Vallat de Vichy à Rabat pour que le Souverainse décide à décréter le dahir du 5 août 1941 qui est d'une largesse et d'unemodération sans comparaison aucune avec les lois appliquées dans l'Algérie et la

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Tunisie. Les Juifs marocains, par ce dahir, n'ont jamais été soumis à livrer leursfortunes à des légionnaires pour soi-disant les gérer comme il est arrivé en Algérieet en Tunisie. Au Maroc, les grosses fOltunes seules étaient déclarées. Quant à laproduction marocaine pendant ces deux années d'occupation par les commissionsallemandes, elle était totalement raflée pour l'Europe et la Libye. Le Souverain,toujours seul et sans aucun appui, si ce n'est celui de certains grands chefs derégions qui protestaient également, comme le Glaoui dans le sud, s'opposait de tousses moyens contre ces procédés qui ont failli nous ruiner s'ils avaient continué uneautre année de plus. Mais ce temps a été nécessaire et suffisant pour le peuplemarocain et particulièrement pour certains esprits erronés qui ont eu tout ce tempspour juger les procédés allemands vis-à-vis des peuples faibles comme nous. Avecces souffrances, tout le peuple marocain a déconsidéré l'autorité française qui ad'ailleurs perdu tout équilibre de bon sens, de justice et d'honnêteté. La majorité desfonctionnaires français, et Dieu sait s'ils sont nombreux, sont tombés dans lesbassesses de la corruption et du vol. Ils avaient perdu tout espoir de redressement etchacun profitait de sa fonction pour faire de l'argent et être toujours prêt au départ.Un centre de vol et d'exploitation des consommateurs .a été crée sous le nom de«Direction Générale du Ravitaillement Général». Cette direction accaparait toute laproduction marocaine : huile, beurre, animaux de toute espèce, céréales, et en unmot tout ce que peut produire le Maroc agricole, commercial et artisanal.L'organisation de ce centre collaborait dans nos malheurs avec les groupementséconomiques qui étaient composés de commerçants véreux et sans scrupules, et ilfallait qu'ils soient ainsi pour pouvoir travailler de pair avec les gros fonctionnairesde la résidence qui s'empressaient de s'enrichir pour partir heureux. C'est contrecette situation lamentable que le jeune et énergique souverain lutta seul et sansappui.

Le Général Noguès se contentait de transmettre les protestations de S.M. àVichy, mais ne prenait aucun scrupule pour exécuter les ordres de songouvernement et des fois poussant l'insolence jusqu'à exécuter directement sesarrêtés résidentiels sans prendre avis du souverain. Par ces arrêtés résidentiels, tantd'exigences allemandes ont été satisfaites au Maroc. Tenant compte de toutes cesconsidérations, le débarquement des Alliés a été un grand soulagement deMarocains et surtout de notre vénéré Souverain. Mais la mauvaise administrationfrançaise continue sous des formes plus vexatoires et cherchant surtout à créer desmalentendus entre les Marocains et les troupes alliées.

Il est évident et tout à fait naturel que les Marocains qui sont des guerriers negardent plus de respect à l'armée française et à ses officiers qu'ils ont pu juger surles différents fronts d'Europe et d'Afrique. Les officiers, par leur conduite, ontperdu tout prestige et toute autorité aux yeux des Marocains. Leurs divisions et leursluttes intérieures ont eu des conséquences désastreuses et très déplorables dans lesadministrations du Protectorat. Cette situation gêne beaucoup l'effort que peutfournir le Maroc à la guerre et continuera certainement à gêner même la marche de

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la guerre, si une intervention Anglo-Saxonne ne vient pas remédier à la situation. Sicette intervention ne peut avoir lieu en ce moment pour des raisons de guerre ou degéographie, il est plus urgent que jamais que le Gouvernement britannique et leGouvernement américain prennent un contact direct ou indirect avec S.M. leSouverain qui est très désireux de ce contact qui lui permettra de confirmer à sonpeuple toute la confiance et la foi qu'il met en lui pour sauver le pays.

Il est à remarquer que les français intriguent beaucoup et d'une façon honteusedans les relations amicales et compréhensives qui peuvent exister entre lesMarocains et les Anglo-Saxons. Ils évitent par tous les moyens les contacts entre lesgens du pays et les Américains. Toute personnalité qui prenne contact avec unAméricain ou un Anglais est considéré comme anti-français. Le Sultan et certainschefs marocains sont plus surveillés en ce moment que pendant qu'étaient lesAllemands au Maroc. Toutes ces précautions françaises et ces craintes font penseraux Marocains du peuple si les Français [sont] des amis ou encore des ennemis desAlliés. Pour remédier à cette situation lamentable, les Alliés devraient demanderavant tout [la] reconstitution du Ministère de la Guerre Marocaine qui grouperaitsous son autorité toutes les mehallas de goums marocains. Les effectifs peuvent êtredoublés au début ou même triplés. Avec ce ministère reconstitué et qui n'a étésupprimé que bien après le Protectorat par le Maréchal Lyautey par économie soi­disant, le souverain peut assurer l'ordre dans tout l'Empire. C'est d'ailleurs leschefs marocains qui maintiennent l'ordre dans le pays, non la police ou l'armée.L'armée française et la police existent sans se rendre compte ni connaître l'étatpsychologique, ni matériel des différentes classes de la population. C'est les pachasdes villes et les caïds des régions qui maintiennent l'ordre et vivent en contactcontinu avec leurs sujets. L'armée a toujours vécu en marge. Et quand des fois ellea eu à intervenir, ce n'était que pour compliquer des situations et commettre desvexations mal placées contre des faibles. Les événements de Meknès et Fez sontune preuve ( en 1937) éclatante de la carence et de l'ignorance de l'armée française.Quand il s'agit de rétablir l'ordre, elle emploie les mitrailleuses là où les bâtonssuffisent et où l'autorité d'un chef marocain énergique suffit. Mais comme laplupart des chefs sont des complices de certains hauts fonctionnaires français dansl'exploitation du peuple, il n' y que certains grands telle Glaoui qui comprennent lagravité de la situation et qui se sont groupés en ce moment sous l'autorité de S.M.pour essayer de redresser le Maroc en comptant sur les Alliés. Une fois l'ordreassuré au Maroc par une armée chérifienne encadrée d'officiers français, anglais etaméricains sous forme d'instructeurs pour le matériel moderne de provenanceanglo-américaine, le Souverain peut déclarer la guerre à l'Axe, ce qui motiveraitune conscription au moins des tribus de tout le Maroc et porterait probablementl'effectif des goumiers marocains à 250.000 hommes au moins. Effectifs pouvantêtre instruits en une durée de 4 mois au maximum à condition d'avoir des officiersanglo-américains comme instructeurs. En plus de cet effectif, on peut avoir uneréserve de 150.000 hommes comprenant 50.000 de garnison et de garde municipaledans toutes les régions du Maroc. Les Marocains, très convaincus en l'esprit de

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l'égalité, de liberté et de justice, et sont prêts à se battre pour la libération mondialeavec une confiance absolue en l'avenir de leur pays. Si cet avenir est assuré, nousne garderons aucun esprit de vengeance ou d'animosité envers la France ou lesFrançais, malgré le résultat néant de trente années de protectorat. Nous sommes aucontraire prêts à faire cause commune avec les Alliés et à aider de notre mieux pourla libération de la France comme de notre libération nous-mêmes. Mais ce que nousvoulons surtout, c'est que le Gouvernement britannique se rende bien compte queles trente années de protectorat n'ont nullement profité au peuple marocain, ni aupeuple français d'ailleurs. Bien au contraire, ce régime a profité à certains groupesfinanciers dont les plus importants sont entre les mains d'un grand magnatmarocain, ami personnel de Laval et chef absolu de la production minière etindustrielle marocaine (Epinat).

L'évolution tant attendue par les Marocains ne leur apparut que sous forme deméfiance et d'oppression morale qui blessent au cœur tout être humain qui serespecte. Le budget marocain dépense dix fois plus pour l'instruction des Italiens etdes Espagnols qui sont nombreux au Maroc, ainsi que pour les petits Français quisont privilégiés, que pour les Marocains qui sont les contribuables alimentant cebudget. Un programme d'instruction ridicule a été arrêté pour les Marocains. C'estavec beaucoup de difficulté que les étudiants obtiennent des passeports pour laFrance même. Bref, c'est tout un passé sur lequel il y a tant de détails révoltants etqui motivent les sentiments anti-français des Marocains.

En ce moment, tous les espoirs marocains sont dirigés vers la Grande-Bretagneet l'Amérique. Depuis la conférence d'Anfa, un vent d'espoir souffle sur le Maroc.Le Souverain, très optimiste, promet à son peuple un avenir meilleur et prospèreaprès la victoire. Le Souverain a su calmer les esprits de toutes classes et formerautour de lui une unité inébranlable et qui a des conséquences très heureuses dansla zone espagnole. Dans cette zone, il est inutile de dire que les Espagnols ont étéplus mauvais organisateurs que les Français. Depuis la Guerre, les espagnols decette zone n'ont été que des exécutants d'ordres allemands. Lors de l'annexion deTanger par les Espagnols, le souverain n'ajamais été consulté qu'indirectement parle khalifa qui le mit au courant des pressions qu'il subit pour consentir cetteannexion au protectorat espagnol.

A cette époque, le khalifa de Tétouan avait demandé une consultation généraleà la population de la zone et aux Riffains en particulier. Ces derniers, ainsi que tousles autres éléments de la population, avaient formulé le vœu de voir un Maroc unisous l'autorité d'un seul Souverain et non encore une fois morcelé et divisé. Cessentiments sont en ce moment unanimes dans tout le Maroc, et les Marocains sousl'influence espagnole le souhaitent de plus en plus que le reste de leurscoreligionnaires. Ce qui les a trompé au début et les a livré à la politique desolidarité avec le Général Franco, c'était surtout les promesses fallacieuses ducolonel Beigbeder qui promettait une indépendance aux jeunes et même au khalifapour acquérir le plus d'aide possible et de troupes pour la guerre espagnole civile.

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Une fois Beigbeder parti, les autorités musulmanes et les jeunes ont été déçu parune politique phalangiste désastreuse et ruineuse pour le Maroc.

La campagne colonialiste qu'avait mené la Phalange sur la revue Africa etArriba avait soulevé un mécontentement général dans les milieux jeunesnationalistes de Tétuan. Après leur collaboration loyale avec Beigbeder, ils se sontaperçus qu'ils se sont laissés entraîner par les promesses de Beigbeder qui aussi, lui,avait rompu avec la Phalange et avec sa collaboration avec l'Axe. Il est évident queces nationalistes de Tétuan, après l'armistice franco-allemand, leurs sentimentsanti-français se sont ranimés et la réalisation de l'idéal leur a paru plus prochaine.Les Allemands ont exploité cette situation et ont pris contact avec eux pourorganiser un centre plus important de propagande allemande au Maroc avec commecentre Tetuan. Les Allemands avaient prévu un projet très vaste et avaient fait venirEl Hilali de Berlin pour diriger cette propagande. Ce projet n'a jamais été exécuté.Et Torrès seul suivit le courant jusqu'au moment où sa situation inquiéta leSouverain qui a fait part au khalifa de Tetuan pour que les jeunes nationalistes cessetoute relation avec les étrangers et suivent l'exemple de leurs camarades de Fez etdu reste du Maroc. Le khalifa intervint surtout auprès de Torrès pour que celui-cicesse ses relations avec l'Axe et s'unisse avec Naciri pour l'intérêt du pays. Cetteintervention a été la base d'une note présentée par les deux groupes aux légationsétrangères de Tanger. Il est à remarquer que les deux chefs nationalistes de Tetuanne peuvent garder une certaine popularité dans la foule, étant donné leur attitudecompromettante et très intéressée dans ce conflit. Aussi, ils se contentent en cemoment de manifester leur loyalisme à la dynastie, au Sultan et au khalifa. LeSouverain, qui avait accordé des audiences à tous les leaders nationalistes duprotectorat récemment libérés, leur avait conseillé le calme et beaucoup de patienceavec une grande certitude que le pays est entre les mains des Alliés et que les Anglo­Saxons ne nous laisseront pas tomber une seconde fois. Ce langage a eu desrépercussions très heureuses sur les foules nationalistes et tout le monde s'attend àla victoire avec une libération juste et un régime meilleur. Cette attitude énergiquedu Souverain, avec sa préoccupation actuelle des problèmes de l'instruction, del'évolution de la femme musulmane dont il est le grand instigateur actuellement enAfrique du Nord, fait remarquer à la population que le Souverain marche à pas sûrsvers la réalisation de la partie essentielle du programme nationaliste jeunemarocain. Le grand discours qu'a prononcé le Souverain récemment lors de sonséjour à Fez a été très significatif à ce sujet. En résumé, l'idéal vers lequel doits'acheminer le Souverain et qui serait pour la voie la plus sûre pour notreindépendance, serait au début un régime de mandat international pour tout le Marocen ne laissant à l'Espagne que ses deux enclaves de Ceuta et Melilla. Ce mandatinternational doit être exécuté et dirigé par les Anglais et les Américains, tout enreconnaissant aux Français leur droit de propriétés privées et même en leur laissantune participation à ce mandat qui ne leur permettra plus, bien entendu, depoursuivre leur plan de colonisation et d'expropriation qu'ils ont commencé aumépris des engagements du traité du protectorat. Quant à la ville de Tanger, elle

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redeviendra internationale qu'elle était par le passé, avec une représentation duSouverain plus efficace et énergique dans l'ordre marocain ainsi que les relationsinternationales. Le Souverain et tout le peuple s'attendent avec joie à ce que laGrande-Bretagne et le Gouvernement américain nous aident de tout cœur à mieuxexploiter les richesses de notre pays et à mieux évoluer vers le progrès. LeSouverain a également des collaborateurs très dévoués dans les deux zones et qu'ilappellera le cas échéant pour former auprès de lui un gouvernement plus compétentet plus désintéressé pour la cause commune: le pays. Un gouvernement pareil, aidédans sa tâche d'évolution par des conseillers compétents anglais et américains,saura, avec l'autorité morale et politique du Souverain, surmonter toutes lesdifficultés et arriver à une collaboration loyale et franche avec les Anglo-Saxons.

La conférence d'Anfa nous a laissé beaucoup d'espoirs pour la réalisation denotre désir patriotique très naturel. L'accueil qu'y avait rencontré S.M. auprès duPrésident Roosevelt et du Président Churchill est allé droit au cœur de tous lesMarocains. S.M. symbolise tous les Marocains sans distinction. Mais pour que cetespoir dure et que tous les cœurs continuent à vibrer pour la victoire prochaine enpriant de tout cœur et en combattant avec dévouement et acharnement: il faut qu'ily ait un contact permanent officiel ou même officieux, mais direct entre lesreprésentants anglais et américains en Afrique du Nord avec le Sultan. Une fois cecontact réalisé, nous pourrons tous nous engager en simples goumiers pour lutterpour la libération mondiale. Ce contact n'est pas impossible. surtout avant que leGouvernement de Londres et celui de Washington ne reconnaissent le Comitéd'Alger.

Par ce contact, le peuple verra que son chef aimé peut expliquer directement etfranchement aux Anglais et aux Américains sa situation. ses souffrances et sesdésirs. Le Souverain seul compte en ce moment et seul peut dicter ses ordres quiseront exécutés avec joie et discipline. Il est évident que ce contact ne sera pas vouludes Français, mais ils ne peuvent l'empêcher officiellement étant donné la situationmarocaine du Protectorat et non colonie, et particulièrement la situation américainetrès avantagée.

Voilà les idées de Sa Majesté qui sont les idées et les désirs de tous lesMarocains. Comptant toujours sur l'amitié sincère et loyale qui unit notre famille àl'Angleterre, j'espère comme tout Marocain avoir l'occasion de servir avecdévouement la cause de S.M. Britannique en suivant une tradition paternelle.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, ma considération très distinguée avec messentiments de dévouement.

(Signature en caractères latins) (Signature en arabe)

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Cartas Marruecas : documentos de Marruecos en archivos espafioles (siglosXVI - XVII) . - éd. Mercedes Garcia-Arenal, Fernando RodriguezMediano, Rachid El Hour - Consejo Superior de InvestigacionesCientHicas; 2002 - 432 p.; - (Estudios àrabes e islàmicos.Monografias; 3) Madrid.

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