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    UNIVERSIT MOHAMMED V

    FACULT DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES

    HESPRISTAMUDA

    PVBLl AVEC LE CONCOVRSVU CENTRE VNIVERSITAIRE DE LA RECHERCHE SClENTIFlQVE

    VOL. IV - Fasc. 1-2

    DITIONS TECHNIQUES NORDAFRIC.AINES22, RUE DU BARN, RABAT

    1963

  • HESPRISTAMUDA

    La revue HESPERIS-TAMUlJA publie parla section de recherche de la Facult des Let-tres, est consacre l'tude du Maroc, de sonsol, de ses populations, de sa civilisation, deson histoire, de ses langues et d'une maniregnrale, l'histoire de la civilisation de l'Afri-que et de l'Occident musulman. Elle continue,en les rassemblant en une seule publication,HESPERIS, qui tait le Bulletin de l'Institutdes Hautes Etudes Marocaines, et TAMUDA,Revista de Investigaciones Marroquies, qui paraissait Ttouan.

    Elle parat annuellement en trois fasciculessimples. Chaque fascicule comprend, en prin-cipe, des articles originaux, des communica-tions, des comptes rendus bibliographiques,principalement en franais et en espagnol, et,ventuellement, en d'autres langues.

    Une revue bibliographique priodique concer-nant tout ce qui est publi sur le Maroc, com-plte pour le lecteur le tableau des rsultats del'enqute scientifique dont ce pays est l'objetde la part des savants de toutes les disciplines.

    Pour tout ce qui concerne la RDACTION DELA REVUE (insertions, publication de manus-crits, preuves d'impression, tirages part. de-mandes de comptes rendus), s'adresser. pOUlles articles en franais, au Service des Publieations, des Echanges et de la Diffusion de laFacult des Lettres et des Sciences humaines,Rabat; pour les articles en espagnol, M. leDirecteur adjoint de l'Institut Moulay elHasan,Ttouan; pour les articles en une langue autreque le franais et l'espagnol, s'adresser indiff-remment l'un des deux secrtariats.

    La Bibliothque de la Facult des Lettres deRabat est charge des changes.

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    Le systme de translittration des mots ara-bes utilis dans cette revue est celui de l'andenInstitut des Hautes Etudes Marocaines et desEcoles d'Etudes Arabes de Madrid et de Gre-nade.

    La revista HEPERIS-TAMUDA, publicadapor la seccion de investigaciones de la Facul-tad de Letras, esta dedicada al estudio deMarruecos, de su suclo, de su poblaci6n, de sucivilizaci6n, de su historia, de sus lenguas yde modo general a la historia de la civilizaci6nde Africa y dei accidente musulman. Estarevista contin'l, reunindolas en una sola pu-blicaci6n, a HESPERIS, que era el BoletindeI Institut des Hautes Etudes Marocaines, yTAMUDA, Revista de Investigaciones Marro-quies, que aparecia en Tetuan.

    HESPERIS-TAMUDA aparece anualmenteen tees fasciculos. Cada fasciculo comprende,en principio, articulos originales, vana, rese-iias bibliogrficas, principalmente en francs yen espaiiol, y eventualmente en otras lenguas.

    Una revista biliografica peri6dica, que recojatodo 10 que se haya publicado acerca de Ma-rruecos, completa para el lector el cuadro delos resultados de la investigaci6n cientifica deque es objeto este pais por parte de los espe-cialistas de las distintas materias.

    Para todo 10 que concierne a la REDACCI6NDE LA REVISTA (inserciones, publicaci6n de ori-ginales, pruebas de imprenta, seperatas, peti-ciones de reseiias), la correspondencia deberdirigirse, para los articulos en francs, al Seravicio de las Publicaciones, Intercambios y Difusion de la Faeultad de Letras y de Cicnciashumanas, Rabat; para los articulos cn caste-llano, al Sr. Director adjunto deI InstitutoMuley elHasan, Tetuan ; y para los articulosen lengua distinta al francs y al espafiol, lacorrespcndencia podr dirigirse indistintamentea cualquiera de las dos secretaras indicadas

    La Biblioteca de la Facultad de Letras CilRabat tiene a su cargo los intercambios.

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  • HESpERISTAMUDA

    Vol. IV. - Fasc. 1-2

    SOMMAIRE - SUMARIO/

    ARTICLES - ARTicULOS

    1963

    Jacques CAILL. - Ambassades et missions marocaines aux l'ays- fi-.-.Bas l'poque des sultans saadiens 5

    Pierre GRILLON. - La Chambre de Commerce de Marseille et le ~Consulat de France au Maroc pendant la mission de Louis Ch-nier (1767-1782) ,........ 6g

    Mariano ARRIBAS PALAU. - La estancia en Espafia de Muttammadibn cU~man (1791-1792) ,., .. ' , . , , , , . , . , , ,. II9

    Paul BERTHIER, - L'aqueduc de l'oued Ouaar et le bassin des Gaba Troudant , , , ".'. . . . . . . . . .. 193

    Mme OLAGNIER-RlOTTOT. - Sabre marocain de la fin du XVIe sicle 215

    ** *

    COMMUNICATIONS - VARIA

    Georges SaUVILLE, - Note sur des formations actuelles de kjoekken-moeddings aux environs de Rabat , .. "........ 223

    ** *

  • CONFRENCESDU CENTRE UNIVERSITAIRE DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

    H. BRESSOLETTE, Naissance et volution d'une ville marocaine: Fez-Jedid, p. 227. - Emile ENNOUCHI, L'homme du Jebel Ihroud. Etudede palontologie humaine, p. 229. - Daniel NOIN, La distributiongographique de la population rurale marocaine, p. 230. - Paul BER-THIER, Les anciennes sucreries marocaines et leurs rseaux hydrauli-ques, p. 231. - Tristan LE Coz, Les tribus Il guich au Maroc. Etudede gographie agraire, p. 232. - M. ROSENBE~GER, Etude de quelquessites archologiques du Haouz antrieurs la fondation de Marrakech,P233

    ** *

    COMPTES RENDUS BIBLIOGRAPHIQUES - RESENAS BIBLIOGRAFICAS

    Luis PERICOT GARCIA y Miguel TARRADELL, Manual de Prehistoria afri-cana (G. Sauville), p. 235. - Donald HARDEN, The Phoenicians (G.Sou.ville), p. 236. - Sonia COLE, The prehistory of East Africa (G.Sauville), p. 237. - Jacques TIXIER, Typologie de l'Epipalolithiquedu Maghreb (G. Sauville), p. 239. - Jehan DESANGES, Catalogue destribus africaines de l'Antiquit classique l'ouest du Nil (Henri Mores-tin), p. 241. - Ibn CIgiir, Al Bayiin al-mugrib. Nuevos fragmentasalmordvides y almohades. Traducidos y anotados por Ambrosio HuiciMiranda (Mariano Arribas Palau), p. 251. - Juan VERNET GINS,Los musulmanos espaiioles (Mariano Arribas Palau), p. 253. - RogerLE TOURNEAU, Evolution politique de l'Afrique du Nord musulmane(1920-1961) (Mariano Arribas Palau.), p. 254.

  • AMBASSADES ET MISSIONS MAROCAINESAUX PAYS-BAS

    A L'EPOQUE DES SULTANS SAADIENS {xl

    Les Pays-Bas avaient rejet la souverainet de l'Espagne et s'taient;. proclams indpendants, en 1579, sous le nom de II. Rpublique des Sept

    Pr

  • 6 JACQUES CAILL

    poudre, agrs de navires - qui leur taient absolument ncessaires pourleurs troupes et leurs vaisseaux. En effet, ils ne pouvaient demander cesfournitures aux nations catholiques, auxquelles plusieurs bulles papalesdfendaient de les procurer aux Musulmans. Ils obtiendront mme desHollandais, plusieurs reprises, des navires entirement grs et arms.

    Ainsi s'expliquent, entre le Maroc et la Rpublique des Sept Provinces-Unies, des relations diplomatiques, dont les premires sont antrieures la fin du XVIe sicle.

    / En effet, au mois d'octobre 1596, les Pays-Bas chargrent un de leursngociants, tabli au Maroc, de porter une lettre au sultan Moulay Ahmedel-Mansour, de mettre celui-ci au courant de leur politique, de lui deman-der pour les Hollandais les mmes avantages que ceux accords aux An-glais, enfin de lui faire des propositions en vue d'un trait d'alliance. Pourmieux se concilier le souverain, l'envoy des Pays-Bas lui remit un nota-ble de Fs, prisonnier des Espagnols et que les Hollandais avaient librlors du sige de Cadix, au mois de juillet. prcdent. Nanmoins, sa mIS-sion n'eut pas le succs espr.

    Aprs la mort de Moulay Ahmed el-Mansour (1603), le Maroc vit sedrouler, pendant sept annes environ, de terribles luttes intestines entre

    .plusieurs prtendants. Ce fut alors une priode Il de faim, de peste et deguerre ... (2) faire blanchir les cheveux d'un enfant la mamelle ' (3).Une telle situation ne favorisait gure les relations diplomatiques. C'estpourquoi un nouveau reprsentant des Pays-Bas, Pieter Maertensz.Coy,qui sjourna de 1605 1609 Marrakech, revint dans son pays sans avoirobtenu d'apprciables rsultats. Ultrieurement, les Pays-Bas envoyrentsuccessivement divers agents au Maroc et ils eurent un consul Sal partir de 1635.

    De leur ct, les sultans sadiens se firent reprsenter La Haye, au-prs des Etats-Gnraux Il - une assemble des dlgus des Sept-Pro-vinces -l'organe rgulier, sinon unique, du gouvernement de la Rpubli-que des Provinces-Unies et qui portaient le titre officiel de Hautes Puis-

    (2) Lettre de P.}l. Coy aux Etats-Gllraux, du 10 juin 1608, dans H. de CASTRIES, op. cit .t. l, p. 283.

    (3) EL-OUFRANI. Histoire de la dYllastie saadielllle au .}laroe. trad. Houdas, Paris, 1889, p. 389.

  • A~I13ASSADES ET l\IISSIONS MAROCAINES AUX PAYS-BAS 7

    sances ou de Il Hauts et Puissants Seigneurs. Pour ce faire, ils dsign-rent, soit des ambassadeurs ou agents permanents, soit des envoys sp-ciaux, chargs d'une dmarche ou d'une ngociation particulire.

    Mais, au XVIIe sicle, le Maroc chappa en grande partie, peu peu,Sadiens, au bnfice des corsaires et des marabouts.

    (On sait qu'au dbut du XVIIe sicle, le roi Philippe III expulsa les

    Musulmans d'Espagne. Vers r61O, un certain nombre d'entre eux vinrents'installer sur la rive gauche de l'estuaire du Bou Regreg. Ils s'tablirentd'abord dans la forteresse aujourd'hui connue sous le nom de qasba desOudaa, mais dite alors qasba de Sal: Par la suite, ils fondrent la villeactuelle de Rabat, appele cette poque Sal-le-neuf. Aprs avoir durantquelque temps assez loyalement servi le souverain du Maroc, ils se lass-rent de la tutelle, pourtant bien lgre, du cad qui le reprsentait et qu'ilschassrent en r627. Ils organisrent alors la Il Rpublique du Bou Reg-reg , qui comprit la qasba et Sal-le-neuf et o le pouvoir appartint un, puis deux cads - ou gouverneurs - et un divan - ou conseil -de seize membres. Jusqu'en r64r, cette Rpublique bnficia en fait d'unetotale indpendance et la course, laquelle un certain nombre de rengatsprirent une large part, fut alors l'activit essentielle de ses habitants, aux-quels elle procura des bnfices considr~bles. Les cads de la Rpubliquedu Bou Regreg, en lutte ouverte avec les sultans sadiens, entretinrent desrelations plus ou moins suivies avec les puissances chrtiennes et notam-ment avec les Pays-Bas (4).

    Par ailleurs, en raison de l'affaiblissement de la dynastie sadienne,certains marabouts devinrent les chefs politiques de vastes rgions et jou-rent dans le pays un rle trs important. Ceux de Dila, dont la zaoua setrouvait dans le Moyen Atlas, l'est de Khenifra, furent les plus puissants.L'u.n d'eux, Sidi Mohammed el-Hadj, battit le sultan Moulay Mohammedech-Cheikh el-Asegher en r638 et fit reconnatre son autorit Fs, Mek-ns, au Tadla. En outre, de r641 r660, il fut matre des villes de l'estuai-re du Bou Regreg, o son fils, Sidi Abdallah, qu'on appelait le prince

    (4) Sur la Republique du Bou Regreg et ses corsaires, cf. : Roger COINDREAU, Les corsaires deSal. Paris, 1948; J. CAlLLt. La ville de Rabat jllsqu'all Protectorat franais (histoire et archologie),3 vol., Paris, 1949, t. l, pp. 209-253.

  • 8 JACQUES CAILL

    ou le seigneur Il de Sal, exerait le pouvoir en son nom. La possessiond'un port sur l'Atlantique permit aux Dilates d'entretenir des relationssuivies avec l'Europe. C'est ainsi qu' Sal-le-neuf, o rsidait - commeon l'a vu - un consul hollandais, ils signrent deux traits avec les Pays-Bas, en 1651 et 1657.

    La prsente tude a pour objet les ambassades ou les missions envoyes La Haye par les sultans sadiens, les corsaires de Sal, les maraboutsde Dila.

    LES AMBASSADES ET LES MISSIONSDES MEMBRES DE LA FAMILLE PALLACHE

    DE 1609 A 1649

    Les Juifs Pallache qui, de pre en fils, servent notre illustre mai-son D (5). Ainsi s'exprime le sultan Moulay Mohammed ech-Cheikh el-Asegher, dans une lettre aux Etats-Gnraux du mois d'avril 1650. Eneffet, la famille Pallache - on pourrait dire la tribu ou la dynastie - atenu un rle trs important au makh.zen des Sadiens, notamment dansses relations avec les Pays-Bas.

    " \.Isaac 1'''(;''..1'1'1

    1Samuel

    1Isaac

    1Joseph

    JacobCarolos-(fils de Samuel ou de Joseph)

    1Isaac

    le boiteux

    1Mose

    1Josu

    1Samuel

    1David

    1Abraham

    1Amalia

    L'anctre, Isaac Pallahe, rabbin Fs, d'origine espagnole ou portu-.J

    gaise, laissa deux fils, Samuel et Joseph. Samuel fut le- chef de file, qui

    (5) Lettre de Moulay Mohammed ech-Cheikh el-Asegher aux Etats-Gnraux, du mois d'avril[650, dans H. de CASTRIES, op. cit .. t. V, p. 197.

  • AMBASSADES ET MISSIONS MAROCAINES AUX PAYS-BAS 9

    ouvrit la voie aux siens, son frre, son fils et ses neveux. Successive-ment ou concurremment, son fils Isaac, son frre Joseph, plusieurs fils dece dernier, David, Isaac, dit le boiteux et Mose, celui-ci secrtaire du sul-tan, ont particip plus ou moins troitement aux ngociations diplomati-ques entre les Pays-Bas et le Maroc. On connat galement deux autresfils de Joseph, Abraham et Josu et un fils de ce dernier, prnomm Sa-muel comme son grand-oncle, mais tous les trois ne furent pas, ou trspeu, mls aux tractations avec les Etats-Gnraux. Enfin, un dernierPallache, Jacob-Carolos, fils de l'un des deux frres, Samuel ou Joseph,sans qu'on puisse prciser, fut en 1654 agent du chrif au Danemark.

    Nous n'tudierons ici que l'activit de Samuel, de Joseph, de Davidt d'Isaac le boiteux qui, seuls, peuvent tre considrs comme ayant tchargs d'ambassades ou de missions aux Pays-Bas.

    l\samUel PALLACHE, agent La Haye du sultan Moulay Zidan, de 1609_ I6I6.

    Lorsqu'il arrive aux Pays-Bas, au mois de fvrier 1609, Samuel Pal-lache n'ignore pas la diplomatie et connat dj la Hollande. En effet, ausicle prcdent - entre 1566 et 1579 - et de 1605 1608, il a, sansrsul,tat d'ailleurs, ngoci Madrid, la cession de certaines places maro-caines au Roi Catholique. D'autre part, contrairement ce qu'ont critplusieurs auteurs, il ne semble pas qu'il ait sjourn La Haye dans lesdernires annes du XVIe sicle. Toutefois, il y est dj venu au moisd'avril 1608 avec son frre Joseph et tous deux ont alors sollicit l'auto-risation de s'y tablir avec leur famille. Cette autorisation, qui leur ad'abord t accorde, leur est presque aussitt retire. Rentr au Maroc,Samuel Pallache, qui n'a pas de rancune contre les autorits hollandaises,expose au sultan Moulay Zidan la grandeur et la puissance des Provinces-Unies et russit le convaincre de l'intrt que celles-ci prsentent pourl'empire chrifien.

    En consquence, une lettre du chrif au prince d'Orange, en date du21 septembre 1608, l'accrdite comqle ambassadeur D (6) auprs des

    (6) Rsolution des Etats-Gnraux, du 21 fvrier lOOg. dans H. de CASTRIFS, op. cit .. t. I. P.31I.

  • 10 JACQUES CAILL

    Etats-Gnraux. Arriv aux Pays-Bas, ainsi qu'on l'a dit, en fvrier 1609,il va y reprsenter Moulay Zidan jusqu' sa mort, survenue le 5 fvrier16I6, soit pendant sept annes. Mais, durant cette priode, il ne fait pasmoins de cinq voyages au Maroc, en I609, I6IO, I6n, I6I2-I6I3, I6I4-I6I5 et par suite se trouve loign, durant plus de trois ans et trois mois,du pays o il doit exercer ses fonctions. Aussi, ds le 29 dcembre I6IOet sur la demande de Moulay Zidan, les Etats-Gnraux consentent ceque Joseph Pallache remplace son frre Samuel en l'absence de celui-ci.

    Qualifi parfois d' li ambassadeur - notamment par Moulay Zidanen I608 (7) - Samuel Pallache est souvent ,appel plus simplementIl agent Il (8), ou Il serviteur et agent (9), ou encore Il rsident et agentordinaire (10) du souverain chrifien. Ces derniers titres correspondentpeut-tre mieux au rle par lui tenu, du moins pendant les premires an-nes de son sjour aux Pays-Bas. Mais, ultrieurement, protg par leprince d'Orange, Maurice de Nassau, qui transmet souvent ses demandesaux Etats-Gnraux, il russit s'imposer et se donne l'allure d'un richeambassadeur A partir de I6n, il est log aux frais de la Gnralit, quiacquitte pour lui un loyer annuel de 750 florins. Il mne grand train,roule carrosse, se fait appeler Dom Samuel Pallache et peut-tre mme lecomte Pallache ; en effet, il a des armoi:ies : un cu ovale, charg d'unlion et surmont d'une couronne comtale. Un jour, son carrosse heurtecelui de l'ambassadeur d'Espagne; une violente altercation s'ensuit et lereprsentant de Philippe III doit s'incliner, la grande satisfaction destmoins de l'incident, car le diplomate espagnol est assez mal vu de lapopulation de La Haye.

    Quel qu'ait t son titre, il est incontestable que Samuel Pallache aitrempli aux Pays-Bas des fonctions diplomatiques, car il ne cesse de ngo-cier au nom du sultan Moulay Zidan, avec les Etats-Gnraux des Pro-vinces-Unies.

    (7) ID., ibid.(8) Notamment dans une Rsolution des Etats-Gnraux, du 21 dcembre 1610. dans H. de

    CASTRIES, op. cil., t. 1. p. 572.(9) Attestation des Etats-Gnraux, du 16 mars 1615. dans H. de CASTRIES. op. cit., t. II. P.504.

    (10) Lettre des Etats-Gnraux Jacques jer, du 29 novembre 1614, dans H. de CASTRIFS,op. cit., t. II. P.425

  • AMBASSADES ET MISSIONS MAROCAHS AUX PAYS-BAS Il

    Ds le mois de fvrier 1609, il demande ces derniers, pour le chrif,trois navires de guerre, afin de transporter trois cents soldats marocainsde Safi Ttouan. On lui accorde deux vaisseaux, dont le sultan se serviraselon son dsir et que le collge de l'Amiraut d'Amsterdam reoit l'ordred'quiper sans dlai, en les munissant des provisions ncessaires pour sixmois. Les deux btiments partent au mois de mai suivant pour le Maroc,sous le commandement du capitaine Wolffaert Hermansz.

    A la fin de la mme anne, Samuel Pallache revient La Haye avecle cad Hammou ben Bachir, que Moulay Zidan envoie en ambassade auxPays-Bas. Dans cette mission, il ne tient officiellement qu'un rle secon-daire et les Etats-Gnraux considrent simplement qu'il fait partie de lasuite du sieur ambassadeur du roi du Maroc (II). Mais, il n'est pas dou-teux qu'en fait il ait t le conseil trs cout du cad chrifien; d'ailleurs,c'est lui qui rdige les lettres de Hammou ben Bachir Leurs HautesPuissances (12).

    L'anne suivante, il accompagne encore un nouvel ambassadeur, lecad Ahmed ben Abdallah, que le sultan envoie La Haye pour conclureun trait d'alliance. Il prend une part trs active aux ngociations ; eneffet, les propositions du chrif, les notes et les lettres les prcisant sontsignes conjointement par ses deux reprsentants et c'est eux deux querpondent le plus souvent les Etats-Gnraux. En outre, Samuel Pallachesigne avec Ahmed ben Abdallah le trait du 24 dcembre 1610. Par lasuite, il est charg de faire parvenir Moulay Zidan la ratification de cetrait (13).

    En 1612, il entreprend, seul cette fois, une dlicate ngociation, rela-tive essentiellement La Mamora, le port de l'embouchure du Sebou, oc-cup depuis quelques annes par un certain nombre de pirates, la plupartd'origine europenne et qui chappent l'autorit du sultan. Il demandeaux Etats-Gnraux qu'ils envoient Moulay Zidan des ingnieurs pourfortifier La Mamora et Mogador et qu'ils lui fournissent quatre ou cinqnavires de guerre pour combattre ses ennemis. Ces btiments seraient

    (II) Rsolution des Etats-Gnraux, du 9 janvier 1610, dans H. de CASTRIES, op. cit .. t. 1. P.483.(12) Cf. infra, L'ambassade de Hammou ben Bachir en 1609-1610.(13) Cf. infra, L'ambassade d'Ahmed ben Abdallah en 1610-16n.

  • 12 JACQUES CAILL

    quips soit frais communs, soit par le sultan seul, mais alors celui-cidsire que les Pays-Bas lui avancent les fonds ncessaires. Les Hauts etPuissants Seigneurs de La Haye acceptent seulement d'envoyer un ing-nieur et Pallache semble renoncer son projet.

    La mme anne, celui-ci assiste auprs de Leurs Hautes Puissancesun nouvel ambassadeur de Moulay Zidan, le cad Ahmed el-Guezouli (14).

    Tout au dbut de 1614, reprennent les ngociations de 1612 relativesaux fortifications de La Mamora et de Mogador. Cette fois, il n'est plusquestion que de La Mamora. Dans ses mmoires, adresss aux Etats-Gnraux et dans ses entretiens avec leurs dputs ou commissaires, Sa-muel Pallache insiste sur l'intrt que prsente La Mamora pour les Pays-Bas. Ceux-ci devraient y envoyer quelques navires de guerre, qui enchasseraient facilement les pirates et protgeraient la place contre une at-taque ventuelle des Espagnols. De plus, ils pourraient y construire uneforteresse et, dans le port ainsi dfendu, ils seraient mme de faire uncommerce avantageux.

    Ces propositions, soigneusement tudies et discutes, sont bientt ac-ceptes. Par une Rsolution du 27 mars 1614, les Etats-Gnraux dcidentd'envoyer au Maroc une escadre de trois ~aisseaux de guerre qui, officiel-lement, n'ont d'autre mission que de faire la chasse aux pirates. En ralit,le commandant de l'escadre, Jean Evertsen, a reu des instructions secr-tes : il devra entrer dans le port de La Mamora et s'en emparer, puis yconstruire le plus rapidement possible un fort dont il dsignera le com-mandant ; celui-ci gardera la place pour le service des Pays-Bas et n'yaura que des troupes des Provinces-Unies. En consquence, les navireshollandais partent au mois de juin 1614 et emportent, outre des vivres etdes munitions, tous les matriaux ncessaires la construction du fort.

    Mais les Etats-Gnraux ont ngoci avec Samuel Pallache sans qu'au-cune lettre du chrif soit venue confirmer les dires de son reprsentant.Aussi, Jean Evertsen a-t-il des instructions formelles de se contenter de

    (14) Cf. infra, L'ambassade d'Ahmed el-Guezouli ell 1612-1613.

  • A:\1BASSADES ET MISSIONS MAROCAINES Al'X PAYS-BAS 13

    faire la chasse aux pirates, tant qu'il n'aura pas reu... l'ordre du roidu Maroc d'entrer dans le port d'EI-Mamora (15).

    Arriv devant ce port le 21 juin, le commandant de l'escadre poursuitsa route jusqu' Sal, o doivent lui tre remis les ordres de Moulay Zidan,mais il n'y trouve aucun message. Il crit alors au sultan, Samuel Palla-che, qui l'a prcd au Maroc et envoie mme un peu plus tard un de sesbtiments Safi. Pelldant le mois de juillet, il court sus aux pirates le longdes ctes, s'empare de quelques navires et en dtruit plusieurs autres. Audbut du mois suivant, il n'a encore reu ni instructions, ni rponse duchrif et son escadre se trouve au large de l'embouchure du Sebou. Le 3aot 1614, il voit apparatre une flotte espagnole de plus de cent naviresqui, trois jours plus tard, s'empare du port de La Mamora, dont les piratess'enfuient par terre Sal.

    La ngociation de Samuel Pallache aboutissait un chec complet dontl'Isralite tait responsable. Eri effet, il parat tabli que ses propositionsaient singulirement dpass ses instructions. Trs vraisemblablement, iln'tait charg que de demander aux Pays-Bas l'envoi d'un ingnieur pourdresser les plans d'une forteresse et l'aide de quelques navires pour luttercontre les pirates. Mais il prit sur lui de proposer l'occupation de La Ma-mora et la construction d'une forteresse. Sans doute pensait-il, d'abordque le sultan, en raison du danger espagnol, donnerait son accord aucommandant de l'escadre hollandaise, puis que les Etats-Gnraux sau-raient lui tmoigner leur reconnaissance pour le service rendu. Il n'en futrien, tout au contraire ; quand Moulay Zidan apprit l'occupation de LaMamora par la flotte de Philippe III, il voulut faire arrter son reprsen-tant La Haye, mais celui-ci avait dj quitt le Maroc (16).

    La participation de Samuel Pallache aux ambassades de Hammou benBachir, d'Ahmed ben Abdallah et d'Ahmed el-Guezouli, sa ngociationrelative La Marnora ne reprsentent pas tout son rle diplomatique LaHaye. En effet, il est l'intermdiaire habituel entre Moulay Zidan et les

    (15) Instructions secrtes pOlir Jean Evertsen. du 28 avril 1614. dans H. de CASTRIES, op. Clt .t. II. p. 288.

    (16) Sur l'affaire de La l\lamora. cf. J. CAILLt, Les Pays-Bas et l'occupation de La Mamoraen 1614. dans Bulletin de l'Enseignement public au Maroc ". nO 184. janvier-mars 1946.

  • 14 JACQUES CAILL

    Etats-Gnraux maintes reprises, il transmet ceux-ci des lettres deson souverain ou bien effectue prs d'eux diverses dmarches.

    C'est ce qui arrive notamment propos de l'affaire du capitaine VanRysbergen. Celui-ci commandait une escadre de trois navires cds Mou-lay Zidan et dont les quipages taient composs d'officiers et de matelotshollandais. Au cours d'une rencontre avec une flotte espagnole, deux deses btiments s'taient chous sur la cte et il ava~t ramen aux Pays-Bas, le troisime, le Soleil. Il s'ensuit toute une srie de procdure : desmarins de Van Rysbergen, qui rclament des salaires et des indemnits Samuel Pallache, en tant que reprsentant du sultan; de Samuel, qui ac-cuse des matelots d'avoir vol des caisses de sucre, appartenant au chrifet d'une valeur de 8 000 florins; de divers particuliers, notamment d'unHollandais, Pieter Courten et d'un pirate franais, Jean Le Comte, quifont pratiquer des saisies sur les marchandises du Soleil, saisies dont Sa-muel Pallache - lui-mme menac de contrainte par corps - demandela mainleve. A l'occasion de ces multiples instances, le reprsentant deMoulay Zidan intervient sans cesse auprs des Etats-Gnraux et faitvaloir sa qualit Il d'ambassadeur de Sa Majest Impriale dans les Pays-Bas (17).

    D'autres dmarches de Samuel Pallaehe ont pour but d'obtenir deLeurs Hautes Puissances: l'arrestation de matelots marseillais ; le paie-ment de sommes dues par des Hollandais, la suite d'un accord sur larestitution d'un navire charg d'huiles et captur par des Marocains, avantqu'ait t connu le trait du 24 dcembre 1610 ; l'appui de leur ambassa-deur Londres, pour faire lever une saisie pratique en Angleterre surdes marchandises appartenant Moulay Zidan ; enfin et surtout, pourle chrif, l'quipement de navires et la fourniture d'armes et de munitions,mousquets, fusils, mches, poudre canon, lances en bois et balles deplomb.

    Mais, le ID avril 1614,. Samuel Pallache et son frre Joseph doiventsigner, tant en leur nom personnel qu'en celui du souverain du Maroc,une reconnaissance de dette, en faveur des Etats-Gnraux, de 20000

    (17) Rsolution des EtatsGnraux, du 14 juin 1612, dans H. de CASTRIES, op. cit., t. II, p.85.

  • Al\IBASSADES ET l\IISSIO~S l\IAROCAHS Al'X PAYS-BAS 15

    florins, reprsentant la valeur de l'armement et des munitions de deuxnavirs, le montant des frais relatifs au Soleil et d'avances eux faites enespces.

    On ne saurait passer sous silence le rle d'homme d'affaires tenu parSamuel Pallache La Haye, rle intimement li ses fonctions diplomati-ques, que d'ailleurs il invoque souvent pour faciliter ses oprations. Du-rant tout le temps qu'il reprsente Moulay Zidan auprs des Etats-Gn-raux, il ne cesse de faire du commerce pour son compte personnel. IIimporte et vend aux Pays-Bas des marchandises provenant des prisesfaites par les corsaires marocains sur les Espagnols, ou bien traite avecdes commerants hollandais, dont il coule les produits dans l'empire ch-rifien, ou encore, avec l'aide du sultan, arme des navires en course. Cesdiffrentes activits nous sont surtout connues par les difficults et les pro-cdures qu'elles entranent. Deux exemples en donneront un aperu.

    En 1609, c'est l'affaire du bois de brsil. Des ngociants d'Amsterdam,les sieurs de Jonge et Cie, avaient remis Samuel Pallache diverses mar-chandises, d'une valeur de plus de 10000 livres flamandes, chargepar lui de les vendre au Maroc et la condition formelle d'un rglementcomptant et en espces. L'Isralite cda ces marchandises Moulay Zidan,mais fut oblig d'accepter en paiement diffrents articles, dont uI.1e impor-tante quantit de bois de brsil. Or ce bois, proprit l'origine de laCl Socit du bois de brsil D, provenait d'un navire portugais,captur pardes corsaires marocains, qui l'avaient vendu au sultan. Quand il est ap-port aux Pays-Bas, la Socit en obtient la saisie et intente un procs de Jonge et consorts. Naturellement, ceux-ci dposent aussitt une de-mande en mainleve. En mme temps, ils assignent en garantie leur man-dataire Samuel Pallache et celui-ci est alors arrt pendant quelques jours.Puis, les magistrats d'Amsterdam renvoient la cause devant les Etats-Gnraux qui, par une dcision du 1er dcembre 1609, dclarent la Socitnon-recevable en sa demande, lvent la saisie pratique et compensentles dpens.

    En cette affaire, Pallache fut fortement appuy par l'ambassadeur deMoulay Zidan alors La Haye, Hammou ben Bachir, qui dclara auxEtats-Gnraux ne pouvoir retourner au Maroc tant que n'aurait pas t

  • 16 JACQCES CAILL

    leve la saisie du bois cd par son souverain. A la mme poque, Ham-mou ben Bachir intervient encore auprs de Leurs Hautes Puissances pourqu'elles mettent fin rapidement un litige pendant entre un sieur JeanCornelisz. et Samuel et Joseph Pallache. Samuel avait alors plusieurs r-glements en suspens avec des commerants hollandais et il semble bienqu'il ait voulu profiter de la prsence La Haye du cad chrifien, pourles terminer au mieux de ses intrts.

    En 1614, il tait parti des Pays-Bas pour le Maroc avec deux vaisseaux~t un yacht, que les Provinces-Unies avaient cds Moulay Zidan. Peuaprs son arrive dans l'empire chrifien, le sultan l'invite Il reprendrela mer pour des affaires de son service Il (18) et lui enjoint de capturer lesEspagnols et sujets du roi d'Espagne Il (19). Sans tarder, l'Isralite parten croisire et s'empare bientt de deux btiments appartenant des Por-tugais (20). Mais la flotte de Philippe III l'empche de retourner au Marocet il se dirige vers les Pays-Bas. Aprs avoir fait escale Plymouth, ilreprend la mer et, tandis que ses prises gagnent des ports hollandais, doiten raison des vents contraires aller jeter t'ancre Darmouth. A la fin dumois d'octobre, il y est arrt par les autorits britanniques et transfr Londres. La mesure a t prise la requte de l'ambassadeur du RoiCatholique, Diego de Cufia, qui l'a d?onc comme un Chrtien, sujetespagnol, converti au judasme et devenu pirate avec les Maures.

    D~s le 2 novembre, Samuel Pallache sollicite la protection des Etats-Gnraux et les prie instamment d'crire en sa faveur au roi d'Angleterreet leur ambassadeur Londres car, dit-il, sa qualit de diplomate devaitle mettre l'abri d'une arrestation. Son frre Joseph, alors La Haye,prsente de son ct maintes requtes Leurs Hautes Puissances. Mais langociation Londres est lente et difficile, en raison de l'acharnement deDiego de Cufia. Aussi notre Isralite ne peut.-il regagner les Pays-Basqu'au dbut du mois d'avril 1615. Encore a-t-il fallu que les Etats-Gn-raux lui dlivrent une attestation certifiant que sa commission du roy

    (18) Rsolution des Etats-Gnraux, du 29 avril 1615, dans H. de CASTRIES, op. cit., t. II, P.544.(19) 10., ibid., p. 545.(20) On sait qu' la suite de la bataille des Trois Rois ou d'E1-Qsar el-Kebir (4 aot 1578). o

    le roi Sbastien mourut sans postrit, le Portugal fut runi l'Espagne, dont il ne se spara qu'en1640. Les Portugais taient donc en 1614 des sujets du roi d'Espagne.

  • AMBASSADES ET l\IISSIOl'
  • 18 JACQCES CAILL

    La liquidation des difficults occasionnes par les prises portugaisesmarque la fin de l'activit de Samuel Pallache. Il tombe malade l'au-tomne r6r5 et semble bien s'tre alors trouv dans la gne, sinon dans lamisre. En effet, le 25 janvier r6r6, il sollicite des Etats-Gnraux unesomme d'argent, en attendant le secours que Moulay Zidan va lui envoyer.Une somme de 600 livres lui est accorde le 5 fvrier suivant, mais il meurtle mme jour et ses obsques sont clbres le 9 fvrier, en prsence deLeurs Hautes Puissances et du Conseil d'Etat.

    Joseph PALLACHE, de I609 I6I6, agent du sultan Moulay Zidan Am-sterdam et remplaant de son frre Samuel Pallache quand celui-ciest absent des Pays-Bas; de I6I6 I638, agent La Haye des sul-tans du Maroc. .

    Par une Rsolution du 22 dcembre I609, les Etats-Gnraux avisentles bourgmestres et gouverneurs d'Amsta.rdam que Joseph Pallache, tablien cette ville, est charg, comme son frre Samuel, des affaires du roidu Maroc Il (22). En consquence, ils les invitent lui tmoigner leur bien-veillance et leur faveur. Une autre Rsolution, du 29 dcembre I6IO,prise la requte de Moulay Zidan, autorise Joseph Pallache, comme onl'a vu, remplir les fonctions de son frre Samuel, en l'absence de celui-ci.

    Tant que vit Samuel - jusqu'au 5 fvrier r6r6 - Joseph n'est queson charg d'affaires II (23) ou son supplant et ne prend gure d'ini-tiatives. II n'apparat pour la premire fois dans la correspondance diplo-matique que le r9 octobre r6n. Ce jour-l, en effet, d'une part il remetaux Etats-Gnraux la ratification par Moulay Zidan du trait sign LaHaye le 24 dcembre r6IO et, d'autre part, il les prie d'avancer la soldedue aux marins du Soleil, le navire ramen aux Pays-Bas par Van Rys-bergen. L'anne suivante, il obtient l'autorisation d'exporter au Maroc pour le service de Sa Majest li (24), 2 000 3 000 livres de poudre etune centaine de mousquets. La mme anne, c'est lui qui prsente au

    (22) Rsolution des Etats-Gnraux, du 21 dcembre 1609, dans H. de CASrRIEs. op. cil., t. I,P462.

    (23) Rsolutioll de l'Amiraut de Zlande, du 2 juin 1612, dans H. de CASTRIES, op. cil., t. II,P75

    (24) Rsolution des Etats-Gnraux. du 16 aot 1612. dan~ H. de CASTUIES, op. cil., t. II. p. 141.

  • AMBASSADES ET MISSIONS l\IAROCAII"ES AUX PAYS-BAS 19

    nom de son frre une demande d'exemption de droits sur des caisses desucre, demande qui d'ailleurs est rejete. En outre, on a vu que, le 10avril r6r4, il signe avec son frre une reconnaissance de dette de 20000florins. F;n r614 galement, il s'inquite auprs des Etats-Gnraux del'activit d'un Hollandais, Paul van Lippelo, qui intrigue alors au Marocet semble marcher sur les brises de la famille Pallache. Enfin, quand sonfrre Samuel est arrt en Angleterre, il s'occupe activement des prisesportugaises amenes dans les ports des Provinces-Unies, en mme tempsqu'il insiste plusieurs reprises auprs des Etats-Gnraux pour qu'ilsinterviennent Londres.

    Lorsque Samuel meurt, le 5 fvrier r6r6, Joseph Panache devient leseul reprsentant du sultan aux Pays-Bas. Le 19 avril suivant, il compa-rat devant les Etats-Gnraux, en sa qualit d'agent du roi du Maroc,qualit que lui conserveront jusqu' sa mort, en r638, d'abord MoulayZidan, puis les trois souverains qui rgneront aprs celui-ci, Moulay Abdel-Malek (r627-r63r), Moulay EI-Oualid (r63r-r636) et Moulay Moham-med ech-Cheikh el-Asegher (r636-r655). Mais il fait de nombreux et longssjours au Maroc, o il demeure notamment de r628 1632 et de r634 r637 et il obtient en r626 que son fils David le remplace dans ses fonctionsen son absence.

    Ds le moi de mai 16r6, il est l'objet d'une mesure de dfiance de lapart des Etats-Gnra.ux. Ceux-ci en effet l'obligent faire, devant unnotaire public, une dclaration attestant qu'ils ne l'ont jamais empch dese rendre en Turquie ou d'y envoyer des prsents. C'est que son frreSamuel avait nettement laiss entendre le contraire dans une correspon-dance avec le capitan-pacha de Constantinople et il s'en tait suivi quel-ques difficults entre la Sublime Porte et les Provinces-Unies.

    De mme que Samuel Panache a particip plusieurs ambassades,Joseph Panache est plus ou moins ml trois missions que Moulay Zidanenvoie La Haye, celles de Jacques Jancart (r617), Jacques Fabre (r6r9-r620) et Youssef Biscano (r624-r625).

    En 16r7, le Franais J ancart vient aux Pays-Bas pour rgler lescomptes du sultan avec la succession de Samuel Panache et avec JosephPanache. Ce dernier a dclar, Marrakech, ne rien connatre de la.

  • 20 JACQVES CAILL

    situation de son frre vis--vis du chrif. Pour rpondre aux demandesde J ancart, il fournit, comme on le verra, plusieurs notes ou mmoiresaux Etats-Gnraux (25).

    Deux ans plus tard, c'est Fabre qui arrive La Haye. Il a l'ordre deMoulay Zidan de faire fondre des canons et de remettre aux Etats-Gn-raux plusieurs esclaves hollandais que le chrif a rachets des Turcs (26).Son arrive inquite Joseph Pallache, peut-tre avec raison, car LeursHautes Puissances suspendent alors l'indemnit de loyer qu'elles lui ver-saient jusque-l. Joseph craint d'tre supplant dans ses fonctions par leFranais ou, tout au moins, d'tre oblig de les partager avec lui. Dansses mmoires aux Etats-Gnraux, il ne cache pas son hostilit - on amme dit ses sentiments de rivalit haineuse)} (27) - l'gard de Jan-cart. Leurs Hautes Puissances, qui veulent videmment mnager les deuxhommes, chargent chacun d'eux de porter une lettre au sultan.

    L'ambassadeur Youssef Biscano, qtli vient aux Pays-Bas en 1624, aessentiellement pour mission de protester contre de graves excs commispar divers Hollandais au prjudice de Marocains (28). Quand ~l a sa pre-mire audience des Etats-Gnraux, Joseph Pallache se trouve ses ctset, ultrieurement, s'efforce de participer ses ngociations. Le 24 sep-tembre 1624, il prsente une requte Leurs Hautes Puissances, leurdemande de rpondre un mmoire antrieur de Biscano et sollicite lui-mme un entretien avec plusieurs de leurs dputs, pour discuter unefourniture de salptre que, d'aprs lui, le sultan est dispos faire auxPays-Bas. Mais l'ambassadeur, entendu ce sujet par les dputs, dclarequ'il n'est point charg de passer un contrat pour l'exportation du salp-tre. Il semble bien qu'en l'espce Joseph ait cherch tromper les Etats-Gnraux; il essayait de donner cette affaire un caractre officiel,alorsqu'il n'agissait sans doute que pour son compte personnel et sans mandatdu chrif. D'autre par~, il intervient plusieurs reprises pour rclamer -comme d'ailleurs Biscano - des sanctions contre le Hollandais AlbertRuyl, qui revient du Maroc et dont lui-mme et ses fils ont eu se plain-

    (25) Cf. infra, La mission de Jacques Jancart en 1617.(26) Cf. infra. La mission de Jacques Fabre en 1619-1620.(27) H. de CASTRIES. op. cit., t. III, p. 137.(28) Cf. infra, La mission de Youssef Biscall en 1624-1625.

  • A:\IBASSADES ET MISSIONS MAROCAINES AUX PAYS-BAS 21

    dre. Nous reverrons plus loin cette question. Enfin, au mois de novembre1624, Joseph Pallache se plaint d'tre tenu l'cart des ngociations encours, alors que depuis seize ans il reprsente le sultan aux Pays-Bas. Ce grand affront D(29), crit-il aux Etats-Gnraux, va l'obliger regagnerson pays, si on ne lui donne pas satisfaction. Il veut qu'on le traite com-me agent du roi du Maroc D (30 ), qu'on le charge de porter une lettre son souverain et qu'on lui offre (1 une chane d'or de 200 florins commecadeau, en prsence de l'ambassadeur du roi du Maroc D. Leurs HautesPuissances veulent viter un incident; elles s'inclinent, lui donnent unechane d'or, d'une valeur de 208 florins, 9 stuyvers et y ajoutent mme,quelques semaines plus tard, une mdaille d'or, d'environ 60 florins.

    Al'occasion de ces missions et de cette ambassade, Joseph Pallachen'a jou qu'un rle diplomatique assez effac.' Par contre, il tient uneplace plus importante dans une autre ngociation, relative la laguned'Aer.

    En 1621, il est charg par Moulay Zidan de communiquer au princed'Orange quelques affaires secrtes D (31), qui intressent la fois lesultan et les Provinces-Unies. Accompagn d'un capitaine hollandais,Outger Claesz.Buysman - qui, comme lui, revient du Maroc - il estreu, dans les premiers jours du mois de septembre 1621, par Mauricede Nassau et celui-ci invite les Etats-Gnraux dsigner plusieurs deleurs membres pour confrer avec le reprsentant du chrif. Moulay Zidanveut faire amnager un port la lagune d'Aer, entre Safi et Mazagan etdsire que les Pays-Bas lui procurent les hommes ncessaires cette entre-prise. Pour obtenir l'accord des Etats-Gnraux, il les autorise exporterdu Maroc tout le salptre dont ils ont besoin. De plus, Joseph Pallacheinsiste sur les avantages que les Provinces-Unies retireront de la crationdu port, dont ils pourront obtenir la concession et qui permettra l'exploi-tation d'importantes salines, sises dans le voisinage. Les pourparlers du-rent de longs mois et les Etats-Gnraux dcident d'envoyer au Maroc,

    (29) Requte de Josebh Pal/ache aux Etats-Gnraux. du 27 novembre 1624, dans H. de CAS-TRIES, op. cit., t. IV, p. 6r.

    (30) Cette citation et la suivante sont tires d'une Rsolution des Etats-Gnraux. dans H. deCASTRIES, op. cit., t. IV, pp.6g et 70.

    (31) Rsolution des Etats-Gnraux, du 31 aoo.t 1621, dant H. de CASTRIES. op. cit., t. III, p. 179.

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    situation de son frre vis--vis du chrif. Pour rpondre aux demandesde Jancart, il fournit, comme on le verra, plusieurs notes ou mmoiresaux Etats-Gnraux (25).

    Deux ans plus tard, c'est Fabre qui arrive La Haye. Il a l'ordre deMoulay Zidan de faire fondre des canons et de remettre aux Etats-Gn-raux plusieurs esclaves hollandais que le chrif a rachets des Turcs (26).Son arrive inquite Joseph Pallache, peut-tre avec raison, car LeursHautes Puissances suspendent alors l'indemnit de loyer qu'elles lui ver-saient jusque-l. Joseph craint d'tre supplant dans ses fonctions par leFranais ou, tout au moins, d'tre oblig de les partager avec lui. Dansses mmoires aux Etats-Gnraux, il ne cache pas son hostilit - on amme dit ses sentiments de rivalit haineuse 1) (27) - l'gard de Jan-cart. Leurs Hautes Puissances, qui veulent videmment mnager les deuxhommes, chargent chacun d'eux de porter une lettre au sultan.

    L'ambassadeur Youssef Biscano, qui vient aux Pays-Bas en 1624, aessentiellement pour mission de protester contre de graves excs commispar divers Hollandais au prjudice de Marocains (28). Quand ~l a sa pre-mire audience des Etats-Gnraux, Joseph Pallache se trouve ses ctset, ultrieurement, s'efforce de participer ses ngociations. Le 24 sep-tembre 1624. il prsente une requte Leurs Hautes Puissances, leurdemande de rpondre un mmoire antrieur de Biscano et sollicite lui-mme un entretien avec plusieurs de leurs dputs, pour discuter unefourniture de salptre que, d'aprs lui, le sultan est dispos faire auxPays-Bas. Mais l'ambassadeur, entendu ce sujet par les dputs, dclarequ'il n'est point charg de passer un contrat pour l'exportation du salp-tre. Il semble bien qu'en l'espce Joseph ait cherch tromper les Etats-Gnraux; il essayait de donner cette affaire un caractre officiel,alorsqu'il n'agissait sans doute que pour son compte personnel et sans mandatdu chrif. D'autre part, il intervient plusieurs reprises pour rclamer -comme d'ailleurs Biscno - des sanctions contre le Hollandais AlbertRuyl, qui revient du Maroc et dont lui-mme et ses fils ont eu se plain-

    (25) Cf. infra, La mission de Jacques fancart en 1617.(26) Cf. infra, La mission de Jacques Fabre en 1619-1620.(27) H. de CASTRIES, op. cil., t. III. p. 137.(28) Cf. infra, La mission de Youssef Biscano en 1624-1625.

  • A~IBASSADES ET MISSIONS MAROCAINES AUX PAYS-BAS 21

    dre. Nous reverrons plus loin cette question. Enfin, au mois de novembre1624, joseph Pallache se plaint d'tre tenu l'cart des ngociations encours, alors que depuis seize ans il reprsente le sultan aux Pays-Bas. Ce grand affront (29), crit-il aux Etats-Gnraux, va l'obliger regagnerson pays, si on ne lui donne pas satisfaction. Il veut qu'on le traite com-me agent du roi du Maroc (30), qu'on le charge de porter une lettre son souverain et qu'on lui offre une chane d'or de 200 florins commecadeau, en prsence de l'ambassadeur du roi du Maroc . Leurs HautesPuissances veulent viter un incident ; elles s'inclinent, lui donnent unechane d'or, d'une valeur de 208 florins, 9 stuyvers et y ajoutent mme,quelques semaines plus tard, une mdaille d'or, d'environ 60 florins.

    A l'occasion de ces missions et de cette ambassade, joseph Pallachen'a jou qu'un rle diplomatique assez effac.' Par contre, il tient uneplace plus importante dans une autre ngociation, relative la laguned'Aer.

    En 1621, il est charg par Moulay Zidan de communiquer au princed'Orange quelques affaires secrtes (31), qui intressent la fois lesultan et les Provinces-Unies. Accompagn d'un capitaine hollandais,Outger Claesz.Buysman - qui, comme lui, revient du Maroc - il estreu, dans les premiers jours du mois de septembre 1621, par Mauricede Nassau et celui-ci invite les Etats-Gnraux dsigner plusieurs deleurs membres pour confrer avec le reprsentant du chrif. Moulay Zidanveut faire amnager un port la lagune d'Aer, entre Safi et Mazagan etdsire que les Pays-Bas lui procurent les hommes ncessaires cette entre-prise. Pour obtenir l'accord des Etats-Gnraux, il les autorise exporterdu Maroc tout le salptre dont ils ont besoin. De plus, joseph Pallacheinsiste sur les avantages que les Provinces-Unies retireront de la crationdu port, dont ils pourront obtenir la concession et qui permettra l'exploi-tation d'importantes salines, sises dans le voisinage. Les pourparlers du-rent de longs mois et les Etats-Gnraux dcident d'envoyer au Maroc,

    (29) Requte de Joseph Pal/ache aux Etats-Gnraux, du 27 novembre 1624, dans H. de CAS-TRIES, op. cit., t. IV, p.6I.

    (3) Cette citation et la suivante sont tires d'une Rsolutioll des Etats-Gnraux, dans H. deCASTRI1!S, op. cit., j:. IV. pp.6g et 70.

    (31) Rsolution des Etats-Gnraux, du 31 a011t 1621. dant H. de CAST.RIES, op. oit., t. III, p. 179.

  • 22 JACQUES CAILL

    sur un navire de guerre, un commissaire qui tudiera sur place la possi-bilit de crer un port Aer et emmnera quelques tailleurs de pierresdemands par le chrif. L'chevin de la ville d'Enkhuizen, Albert Ruyl,est dsign cette fin et Joseph Pallache va l'accompagner durant toutesa mission.

    Les deux hommes partent ensemble des Pays-Bas le 17 septembre 1622et y reviennent sur le mme navire le 19 juillet 1624. Les Etats-Gnrauxespraient que le Hollandais et Pallache allaient Il vivre en bonne intelli-gence (32 ) et que le second appuierait les dmarches du premier. Malheu-reusement, il n'en fut rien et, dans sa correspondance comme dans sonJournal, Ruyl ne cesse de se plaindre avec la plus grande amertume del'attitude et des agissements, non seulement de Joseph Pallache, maisencore de son fils Mose, secrtair.e de Moulay Zidan. Il stigmatisme Il l'au-dace et l'effronterie des Juifs Il, qui Il ne cherchent qu' le mortifier (33)et qui prtendent avoir plus de pouvoirs que lui pour ngocier et s'enten-

    dre avec le chrif. Il dnonce maintes reprises Joseph Pallache ; celui-ci,dit-il, malgr ses Il protestations quotidiennes (34) de l'intrt qu'il affirmeporter Il la prosprit et aux affaires de Leurs Hautes Puissances... , aIl le front de dire que personne d'autre que !ui n'est capable d'entretenirl'alliance (35) et Il cherche par tous les moyens nous rendre odieux Sa Majest (36). Dans ces conditions, il n'est pas tonnant que la mis-8ion confie Ruyl n'ait eu aucun rsultat, si ce n'est de compromettre labonne entente qui existait auparavant entre Moulay Zidan et les Etats-Gnraux.

    Leur retour aux Pays-Bas ne met pas fin la rivalit entre le Hollan-dais et Joseph Pallache. Celui-ci en effet se plaint, d'une part, d'avoir t,sur le navire qui le ramenait en Europe, Il trait comme le plus bas esclave

    (3Z) Cette citation et la suivante sont tires d'une Lettre d'Albert Ruyl aux Etats-Gnraux,du 23 juin 1623, dans H. de CASTRIES, op. cit., t. Ill, P.274, n. 4.

    (33) Lettre d'Albert Ruyl aux Etats-Gnraux, du 25 mai I6z3, dans H. de CASTRIES, op. cit.,t. lU, p. 30Z, n. 3.

    (34) Cette citation et la suivante sont tires d'une Lettre d'Albert Ruyl aux Etats-Gnraux,du 17 fvrier I6z3, dans H. de CASTRIES, p. cil., t. Ill, p. Z70, n. 3.

    (35) Jounlal d'Albert Ruy/, dans H. de CASTRIES, op. cit., t. Ill, p.289, n.2.(36) ID., ibid., p. 293, n. I.

  • MIBASSADES ET MISSIONS MAROCAINES AUX PAYS-BAS 23

    du monde Il (37) et, d'autre part, que deux de ses fils, Isaac et David,aient t, l'un bord et l'autre l'arrive du btiment Amsterdam,l'objet de graves violences, bastonnade et mise aux fers. Il reproche ga-lement Ruyl d'avoir fait saisir ses bagages et ses provisions et d'avoirdit publiquement qu'il avait ordre de Sa Majest Il (38) Moulay Zidande le jeter la mer. Il renouvelle ses rclamations durant plusieurs moiset regrette encore le 17 dcembre 1624 le peu d'empressement de LeursHautes Puissances lui faire rendre justice.

    En 1627, Joseph Pallache intervient auprs des Etats-Gnraux, l'occasion de la mission de Yamin ben Remmokh et Jacob ben Roch,envoys La Haye par Moulay Zidan pour lui procurer des armes et desmunitions (39).

    Au mois d'aot 1632 et au nom de Moulay EI-Oualid, il fait LeursHautes Puissances une nouvelle proposition, relative La Mamora. Ils'agit d'une attaque commune entreprendre contre le port de l'embou-chure du Sebou. Le sultan dsirait qu'une flotte hollandaise vnt bloquerLa Mamora du ct de la mer Il (40 ), tandis que ses troupes assigeraientla place du ct de la terre Il. Mais les Etats-Gnraux, qui se souvien-nent de l'chec de 1614, ne veulent pas s'engager la lgre et la ngocia-tion dure plus d'un an. Ils dsignent plusieurs commissaires pour discuterles ouvertures du chrif avec son reprsentant, puis refusent de s'engagerCl avant d'tre plus amplement renseigns sur la situation de ladite placeet aussi sur les intentions du roi du Maroc ce sujet Il (41). Enfin, le 12novembre 1633, aprs une nouvelle demande de Joseph Pallache, ils cri-vent Moulay EI-Oualid qu'ils ne peuvent faire droit sa requte, carl'opration envisage ncessiterait des forces navales considrables, alorsque les circonstances les obligent employer ailleurs contre le roi d'Espa-gne leurs vaisseaux de guerre.

    (37) Requte de Joseph Pal/ache allX Etats-Gnraux. du 24 juillet 1624. dans H, de CASTRIES.Op. cit . t. III. p. 566.

    (38) Memorandum de Joseph Pal/ache. du 28 aot 1624, dans H. de CASTRIES, op. cit., t. IV,P567.

    (39) Cf. infra, La mission de Yamin ben Remmokh et de Jacob ben Rouch en 1624-1628.(40) Cette citation et la suivante sont tires d'une Lettre des Etats-Gnraux Moulay el-

    Oualid. du 12 novembre 1638, dans H. de CASTRIES. op. cit .. t. IV, P.338.(41) Rsolution des Etats-Gnraux. du 8 a011t 1633. dans H. de CASTRIES, op. cit . t. IV, P.333.

  • 24 ACQUES CAILL

    L'activit du reprsentant du chrif ne se borne pas ces importantesngociations. Comme l'a t son frre Samuel, il est l'intermdiaire habi-tuel entre les Etats-Gnraux et les souverains du Maroc.

    Il transmet leurs lettres respectives et leurs rclamations rciproquescontre les actes de piraterie, commis aussi bien par les Hollandais que parles Marocains. A plusieurs reprises, il demande Leurs Hautes Puissan-ces, mais parfois sans succs, des navires, des canons, des munitions pourles chrifs. En r627, il sollicite l'autorisation de visiter tous les navirespartant des Pays-Bas destination de Sal, pour s'assurer qu'ils ne trans-portent pas des munitions de guerre ou des matriaux, car les Saltinsviennent de rejeter l'autorit de Moulay Zidan, mais sa requte est repous-se. Parfois, il se fait le conseil des Etats-Gnraux: quand un nouveausultan est proclam Marrakech, il leur suggre de lui envoyer un ambas-sadeur pour le fliciter de son avnement; deux ou trois occasions, illeur adresse un memorandum pour leur dire ce qu'ils doivent crire au

    chrif.

    Enfin, Joseph Pallache fait maintes dmarches auprs des PuissantsSeigneurs de La Haye dans son intrt personnel ou dans celui des mem-bres de sa famille. A de nombreuses repriss , il sollicite d'eux une aidepcuniaire, par exemple la fin de r6r4, pour aller Londres o sonfrre est emprisonn ou bien en r6r6, pour dsintresser ses cranciersavant de partir au Maroc. Deux fois, il insiste pour qu'ils interviennentauprs du roi d'Angleterre, en r6r6 pour que soit jug rapidement unprocs intent par son frre l'ambassadeur d'Espagne et en r627, afinque soient restitues son fils David des marchandises qui ont fait l'objetd'une saisie. Trs frquemment, il demande pour lui et ses enfants, deslettres de recommandation auprs du sultan ou de certaines autorits hol-landaises. Quand le roi de France, dans des circonstances que nous ver-rons plus loin, demande l'arrestation de David Pallache, en r634, Josephmultiplie ses efforts en faveur de son fils, le dfend ardemment et faitcarter les accusations portes contre lui.

    Il meurt entre le r9 mai r638 et le r7 fvrier r639, sans qu'on puisseprciser davantage. De mme qu'il a succd son frre, c'est un de sesfils, David, qui va le remplacer.

  • AMBASSADES ET MISSIONS MAROCAINES AUX PAYS-BAS 25

    David PALLACHE, de 1620 1638, agent par intrim La Haye des sul-tans du Maroc, en l'absence de son pre Joseph Pallache; de 1638 1649 (42), agent du sultan Moulay Mohammed ech-Cheikh el-Asegher.

    Du vivant de son pre, David Pallache assure l'intrim de la reprsen-tation des chrifs quatre reprises : du 23 novembre 1620 au mois d'aot1621, du 17 septembre 1622 au 20 juillet 1624, du mois d'avril 1628 au16 aot 1632 et du mois de juin 1634 au 21 juillet 1637.

    En 1623, il est autoris par les Etats-Gnraux exporter Sal, auprofit de Moulay Zidan et sans verser aucun droit, des armes et des muni-tions.

    Son second intrim se termine mal en 1624. A l'arrive d'Albert Ruylet de Joseph Pallache, il reproche au premier d'avoir fait saisir les vte-ments et les provisions que le second apporte du Maroc. Irrit de cetteremarque, le Hollandais le fait battre par ses serviteurs, au point que lepauvre David crache le sang pendant quarante-huit heures.

    Durant le sjour La Haye de l'ambassadeur Youssef Biscano, il estl'objet d'une saisie Amsterdam. L'ambassadeur plaide sa cause auprsdes Etats-Gnraux, qui crivent en sa faveur aux autorits de la ville.Mais, par la suite, il en court un blme de Leurs Hautes Puissances, pourleur avoir crit, au nom de Biscano,. une lettre rdige en termes peudfrents.

    En 1626, les Etats-Gnraux l'envoient Bruxelles, pour ouvrir despourparlers relatifs un change de prisonniers demand par les Espa-gnols. Mais, quand on en vient aux ngociations proprement dites, ilsdsignent le fiscal de Hollande pour discuter avec les reprsentants du roiPhilippe IV. Un peu plus tard, David Pallache leur crit qu'il va se rendre Bruxelles et qu'il peut leur tre utile dans une question douanire. LeursHautes Puissances lui dfendent de rien faire en leur nom et de se donnerl'apparence d'avoir reu d'eux une mission.

    (42) On vient de voir qu'on ne connaissait qu'approximativement la date du dcs de Joseph~allache. li en est de mme pour David Pallache, qui mourut entre le 15 juillet 1648 et le dbut de1 anne 1650.

  • 26 JACQUES CAILL

    Au mOlS de novembre r634, le charg d'affaires du roi de France La Haye demande aux Etats-Gnraux l'arrestation et l'extradition deDavid Panache, auquel il reproche de s'tre donn faussement auprs deLouis XIII pour un envoy du sultan, d'avoir altr des lettres chrifien-nes et d'avoir ainsi Il t cause de grands inconvnients Il (43). Les Etatssont quelque peu embarrasss, car il ne s'agit rien moins que de mcon~natre l'inviolabilit d'un agent diplomatique. Ils procdent une longueenqute et sollicitent l'avis du chrif, qui leur rpond de Il livrer ce Juif la justice Il (44). Ils ordonnent alors, le 9 fvrier r636, l'arrestation deDavid Panache, mais celui-ci s'est enfui Cologne. Sur les entrefaites,Moulay El-Oualid est assassin le 2r fvrier r636 et le nouveau souverain,Moulay Mohammed ech-Cheikh el-Asegher crit Leurs Hautes Puissan-ces, le 9 novembre suivant, que les accusations portes contre l'Isralitene reposent sur aucun fondement et qu'il le considre comme son repr-sentant. En consquence, le 3 aot r637, les Etats-Gnraux reconnaissentde nouveau David Panache sa qualit d' Il agent du roi du Maroc Il (45).

    Mais le reprsentant du chrif n'a pas attendu cette reconnaissancepour rentrer aux Pays-Bas. Ds le mois d'avril ou de mai r636, les Etats-Gnraux lui ont accord un sauf-conduit po.ur venir se dfendre contreles accusations dont il tait l'objet et il a aussitt repris ses fonctions.

    Avant de se retirer Cologne, il a fait plusieurs dmarches en 1634 etr635 en faveur des Saltins, qui se plaignaient d'actes de piraterie commis

    (43) Lettre de Louis XIII aux Etats-Gnraux, du 25 octobre 1634, dans H. de CASTRIES, op.cti., t. IV, p. 356. Cette affaire est la consquence lointaine de la capture par un Franais, en 1630,d'un navire frt par les Panache et transportant de la contrebande de guerre. A la demande deson frre Mose, secrtaire du sultan Moulay El-Oualid, David Panache se rend Paris et obtientla restitution du navire. Puis il accompagne au l'laroc une ambassade franaise qui, le 17 septembre1631, conclut un trait avec Moulay El-Oualid. Il revient alors en France avec les envoys du roiLouis XIII, qui ratifie le trait et le charge de porter la ratification au chrif. Mais David Panacheretourne La Haye et ne se proccupe pas de la mission qu'il avait accept de remplir. Le sultanattend en vain durant un an et demi des nouvelles du Roi Trs Chrtien et croit que celui-ci l'atromp. Il laisse recommencer la guerre de course et fait mme emprisonner le consul de Louis XIII.En juillet 1634 seulement, la cour de France apprend l'infidlit de David Pallache et c'est alorsqu'elle demande son arrestation aux Etats-Gnraux. Il semble bien toutefois que l'Isralite n'aitpas t un imposteur et qu'on ne pouvait lui reprocher que de n'avoir pas fait parvenir MoulayEl-Oualid la ratification du trait du 17 septembre 1631; toutefois son omission avait eu de trsgraves consquences pour les Franais (cf. H. de CASTRIES, Les relations de la France avec le Marocde 1631 1635. Les Pal/ache, dans H. de CASTRIES. les sources indites.... Ire srie, France, t. III.Paris, I9II, pp. 391-396.

    (44) Lette de Moulay El-Oualid aux Etats-Gnraux, du 13 juillet 1635, dans H. de CASTRIES.op. cit., t. IV, p. 380.

    (45) Ordonnance des EtatsGnraux, du 3 aot 1637, dans H. de CASTRIES, op. cit., t. IV, p. 444.

  • A:\IBASSADES ET MISSIONS MAROCAINES AUX PAYS-BAS 27

    par de,s Hollandais et pour lesquels un envoy des cads de Sal devaitvenir La Haye demander rparation (46). Ces interventions tonnentd'ailleurs quelque peu, car David Pallache est l'agent du sultan, dont lescorsaires du Bou Regreg ont rejet l'autorit. Quoi qu'il en soit, il obtintque des poursuites fussent engages contre les auteurs des prises irrgu-lirement faites; mais ces procdures semblent bien n'avoir jamais abouti,malgr ses rclamations sans cesse renouveles de 1636 1639.

    D'autre part, au dbut de 1638, David Pallache rappelle aux Etats-Gnraux que son pre leur a dj signal le dsir du nouveau sultan,Moulay Mohammed ech-Cheikh el-Asegher de recevoir un reprsentantdes Provinces-Unies l'occasion de son avnement. Leurs Hautes Puis-sances ajournent d'abord leur rponse, puis dcident d'envoyer une am-bassade Marrakech. Celle-ci sera confie au capitaine Antoine deLiedekerke, qui se rendra au Maroc la fin de r640' mais sans que DavidPallache l'y accompagne.

    Celui-ci, aprs la mort de son pre, manifeste beaucoup moins d'acti.;.vit dans son rle diplomatique ; c'est que le pouvoir du sultan de Marra-kech ne cesse de se rduire, tandis que les marabouts s'imposent de plus

    .. en plus. En r639, il demande aux Etats-Gnraux d'interdire l'envoi demunitions de guerre Sidi EI-Ayachi, un santon matre d'une grandepartie du Gharb, tandis qu'il en sollicite pour le chrif quelques mois plus'tard. L'anne suivante, sa requte, les Etats-Gnraux prennent uneordonnance qui dfend aux Hollandais de se livrer aucune dprdationsur les biens ou les personnes des sujets marocains. En 1642, il se rend Marrakech pour obtenir du sultan l'autorisation d'exporter aux Pays-Basdes bls du Maroc et, en r645, il assiste La Haye un envoy de MoulayMohammed ech-Cheikh el-Asegher, le cad Mohammed ben Askar (47).Enfin, le 10 juillet 1648, il effectue auprs des Etats-Gnraux sa derniredmarche, au nom du cad de Sal, qui offre d'observer une neutralitbienveillnte l'gard des Pays-Bas D (48).

    (46) Cf., infra, La mission de }eronimo Enriquez en 1636 U).(47) Cf., infra, La mission de Mohammed ben Askar en 1645,(48) Rsolution de l'Amiraut d'Amsterdam, du JO juillet 1648. dans H. de CASTRIES, op, cil"

    t. V, p, 14I.

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    David Pallache meurt en 1649 et laisse, si l'on en croit le chrif, Il uneimmense fortune (-19), acquise dans ses oprations commerciales auxquel-les il consacra une grande partie de son activit, mais dont on ne saitpresque rien. Il fut, aux Pays-Bas, le dernier reprsentant permanent dessultans sadiens qui, du reste, ne rgnaient plus sa mort que sur Marra-kech et ses environs.

    Isaac PALLACHE, le boiteux, charg d'une mission en I647.

    En 1647, Isaac Pallache remet aux Etats-Gnraux deux lettres deMoulay Mohammed ech-Cheikh el-Asegher. Dans la premire, le chrifrecommande Leurs Hautes Puissances Il son serviteur Isaac Palla-che (50), qui est en procs avec la Compagnie des Indes Orientales. Dansla seconde, il se plaint que les Etats-Gnraux aient chang d'attitude son gard et semblent vouloir rompre le trait qui les unit. En effet, crit~il, son envoy, Mohammed ben skar, n'a pu remplir sa mission (51) ; deplus, les marchands hollandais abandonnent ses ports pour ceux de sesennemis; enfin, un Juif portugais, tabli Sal, y fait venir des Pays-Bastoutes sortes de marchandises et mme des munitions.

    Par une requte du 27 mai'1647, Isaac Pallache insiste pour obtenirune rponse aux demandes du chrif. Le mme jour, les Etats-Gnrauxdcident de faire procder une enqute sur ces demandes.

    Le 31 mai suivant, Isaac dpose une nouvelle requte. Il sollicited'abord de Leurs Hautes Puissances une lettre de recommandation pourles autorits d'Amsterdam, au sujet de son diffrend avec la Compagniedes Indes. Puis il leur suggre de se faire concder par Moulay Moham-med ech-Cheikh el-Asegher l'exploitation de mines de cuivre et d'tainrcemment dcouvertes au Maroc et leur signale que, par l'intermdiairedu chrif, ils pourraient obtenir la dlivrance d'un certain nombre deHollandais, que dtient en esclavage le marabout Ali ben Moussa. De

    (49) Lettre de Moulay j\

  • AMBASSADES ET MISSIONS MAROCAINES AUX PAYS-BAS 29

    plus, il se plaint de l'attitude des marchands d'Amsterdam, qui continuentd'envoyer de la contrebande de guerre aux sujets rebelles du sultan; enconsquence, il prie les Etats-Gnraux d'interdire aux Hollandais l'ex-portation, destination du Maroc, des armes et des munitions. Cette der-nire rclamation est communique aux commerants amstellodamiens,qui rpondent qu'on ne procde aucun envoi d'armes ou de munitionssans une autorisation particulire de Leurs Hautes Puissances.

    On ne sait rien de plus sur la suite donne aux demandes d'IsaacPallache.

    L'esprit d'intrigue et d'aventure des Pallache, leur ambition habile ettenace, leur instinct du commerce ont fait que, de 1609 1649, ils ont tenuun rle considrable dans les relations du Maroc avec les Pays-Bas.

    De tous, Samuel Pallache, la fois agent diplomatique et grand bras-seur d'affaires D, si l'on peut ainsi s'exprimer, est le plus marquant. Il ale sens de la famille et procure une situation son fils, son frre, sesneveux. Bien entendu, il cherche avant tout son intrt personnel et neddaigne aucun profit; c'est ainsi par exemple qu'en r612, il sollicite desEtats-Gnraux, mais en vain, d'une part, l'attribution d'un logementgratuit Amsterdam, avec une indemnit, lorsqu'il y sjourne pour sesaffaires et, d'autre part, l'exemption de droits de douane quand il importe

    'if

    du sucre aux Pays-Bas. Ami et courtisan du prince d'Orange, Maurice deNassau, il russit s'imposer et se rendre presque indispensable.

    Ngociateur obstin, il sait attendre son heure quand il le faut et trompeun peu tout le monde, aussi bien Moulay Zidan que Leurs Hautes Puissan-ces. Celles-ci, nanmoins, ne lui en veulent pas aprs l'chec de l'affairede La Mamora et, l'anne suivante, interviennent vigoureusement en safaveur quand il est arrt en Angleterre. Toutefois, le sultan se plaindra,mais seulement aprs sa mort, qu'il ne lui ait jamais ren,du de comptes (52).Homme d'affaires peu scrupuleux et procdurier impnitent, qui a connu

    (,52) En dehors des sommes dont il pouvait tre redevable au sultan et dont le rglement seral'objet de la mission de Jacques Jancart en 1616-1617, Samuel Pallache devait des sommes impor-tantes au prince de Nassan, auquel il avait emprunt: 15000 florins, en dcembre 1610, conjointe.ment avec le caid Ahmed ben Abdallah, l'ambassadeur du chrif et 1 000 florins, seul, en 1614.'Le Conseil des Domaines de la maison de Nassau constatera en 1632 que 6 000 florins seulement ontt rembourss et se proccupera de rcuprer les 10 000 florins encore dus.

  • 30 JACQUES CAILL

    maintes saisies et la contrainte par corps, Samuel Pallache apparat com-me un diplomate assez singulier et une curieuse figure ; il n'en a pasmoins t son poque le principal artisan des relations nerlando-maro-cames.

    L'AMBASSADE DE HAMMOU BEN BACHIREN 16091610

    Dans les derniers jours du mois de septembre 1609, un ambassadeurde Moulay Zidan arrive aux Pays-Bas. C'est le brave et distingu cadHammou ben Bachir Il (53), que le sultan prsente aux autorits des Pro-vinces-Unies comme Il un des principaux serviteurs de notre maison Il (54).Il arrive de Safi, accompagn de Samuel Pallache, bord de l'Utrecht,un des navires du capitaine Wollfaert Hermansz. Le 2 octobre, il est Rotterdam et, le lendemain, le Etats-Gnraux dsignent deux de leursmembres pour aller au-devant de lui et le conduire La Haye, l'aubergede l'Aigle double, o il va tre log leurs frais.

    Le 5 octobre, cinq heures du soir, en prsence du prince d'Orangeet du stathouder de Frise, l'envoy de Moulay Zidan est solennellementreu par les Etats-Gnraux, auxquels il remet une note prcisant lesdsirs de son souverain. En outre, au nom de celui-ci, il offre aux mem-bres de l'assemble divers cadeaux, notamment un coffret renfermant dela civette et de l'ambre gris, que se partagent les dputs prsents. Le 8octobre, on dsigne trois de ces dputs pour ngocier avec lui. Les dis-cussions sont rapides et, ds le 12 octobre, les Etats-Gnraux dcidentde remercier Moulay Zidan pour ses offres concernant la libert de com-merce dans ses royaumes et Etats et de lui offrir la mme libert pour sessujets dans les Pays-Bas )l (55). Il est dit galement dans la mme Rso-lution : Quant l'autre demande de Sa Majest, il y sera rpondu qu'onagira d'aprs les circonstances. Il

    (53) Lettre de Je/oulay Zidall aux Etats-Gllraux, du 21 juillet 1609. dans H. de CASTRIF.S, op.cit., t. l, p. 356.

    (54) Autre Letlre de Moulay Zidall aux Etats-Gllraux, du 21 juillet I6Gg, dans H. de CASTRIfS.op. cil., t. l, pp. 357-358.

    (55) Cette citation et la suivante sont tires d'une Rsolutioll des Etats-Gllraux, du 12 octo-bre 160g, dans H. de CASTRIES, op. cil., t. l, p. 369.

  • AilIBASSADES ET l\nSSIO~S MAROCAINES AUX PAYSBAS 31

    Les ngociations de Hammou ben Bachir taient termines, mais leurobjet ne nous est qu'imparfaitement connu.

    Comme on vient de le voir, le Marocain devait convenir de la libertrciproque du commerce entre les deux Etats. Mais la question ne prsen-tait gure de difficults, car les parties taient d'accord sur ce point etMoulay Zidan l'avait dj crit aux Etats-Gnraux ou l'avait dit de vivevoix leurs reprsentants, Wollfaert Hermansz. ou Pieter Maertensz.Coy, qui venait de passer quatre ans Marrakech, d'o il tait revenu surle mme navire que l'ambassadeur.

    Ce n'tait donc pas cette seule fin que le sultan avait envoy auxPays-Bas le cad Hammou ben Bachir, dont la prsence La Haye intri-guait tout le monde (56). D'ailleurs, la Rsolution du 12 octobre viseexpressment l'autre demande de Sa Majest . Si l'on en croit Ahmedben Abdallah, un autre ambassadeur marocain qui vint aux Pays-Basl'anne suivante, Hammou ben Bachir aurait t charg de proposer auxEtats-Gnraux le prt d'un million ou un million et demi. Peut-tre aussidevait-il ngocier l'envoi ventuel au Maroc d'un secours en hommes recruter dans les Provinces-Unies. A cette poque, Moulay Zidan projetaitla formation d'une ligue contre l'Espagne avec les Pays-Bas et les Mo-riscos de la Pninsule. Ceux-ci, en effet, au printemps 1609, lui promet-taient de se rvolter contre le roi Philippe III et de lever 200 000 hommes,mais lui demandaient son assistance et l'assuraient qu'il lui serait facilede s'emparer de l'Espagne. Dans des conve~ations tenues Marrakechen juin ou juillet 1609 avec P.M. Coy et Wol1faert Hermansz., le chrifleur aurait demand si les Pays-Bas pouvaient lui fournir 22000 hommeset des navires pour transporter ceux-ci en Espagne. Les Hollandais luiauraient rpondu que non seulement on lui prterait assistance, maisqu'on lui ferait mme un pont de bateaux pour lui permettre de passer entoute scurit (57). Evidemment, toutes ces ngociations taient essen-tiellement secrtes et l'on comprend qu'on n'en trouve pas trace aux archi-ves de La Haye. Cependant, il est absolument certain que la mission de

    (56) Lettre dB J.A. de la Torre Fernando de Matos. du 1er octobre 1609, dans H. de CASTRIES,op. cil., t. J, p. 369. n. 3.

    C57l Luis CABRERA DE CORDOBA, Relaciones de las cosas sucedidas en la corte de Espaiia desde1599 hasto 1614. Madrid. 1857. cit par H. de CA5TRU!5. op. cit. t. J. p.369. n.3.

  • 32 JACQUES CAILL

    Hammou ben Bachir avait pour objet principal les desseins contre l'Es-pagne de Moulay Zidan, qui souhaitait une alliance avec les Pays-Bas.Mais ceux-ci avaient, au mois d'avril I609, sign une trve de douze ansavec les Espagnols. Le chrif, peu au courant des subtilits de la diploma-tie europenne, pensait que cette trve empchait les Etats-Gnraux detraiter avec lui. C'est pourquoi sans doute Hammou ben Bachir devaitsimplement s'informer et se rendre compte de la situation, afin que sonsouverain pt ultrieurement faire ngocier et conclure l'acord qu'il dsi-rait.

    Quelle qu'ait t la nature exacte des ngociations dont il tait charg,l'ambassadeur du sultan avait rempli sa mission La Haye ds le I2octobre I609. Il se rend alors Amsterdam pour remettre aux autoritslocales une lettre du chrif. Sur sa demande, les magistrats de la ville fontarrter un Espagnol et un Hollandais, auxquels il reproche d'avoir contre-venu aux ordonnances du sultln en matire de prises. Mais, peu aprs,Hammou ben Bachir retire sa plainte et les deux hommes sont remis enlibert. Puis. il revient La Haye.

    Le I7 octobre, les Etats-Gnraux prennent une Rsolution confirmantcelle du I2 octobre prcdent; relative la libert du commerce entre leMaroc et les Provinces-Unies. Le mme jour, ils rdigent dans le mmesens une lettre Moulay Zidan et un memorandum qu'ils remettent Hammou ben Bachir et Samuel Pallache.

    Avant la fin du mois d'octobre, l'ambassadeur marocain cherche prolonger son sjour La Haye. C'est qu'il a reu de mauvaises nouvellesde son pays: la reprise de Fs par les adversaires de Moulay Zidan et lamort du pacha Mustafa, qui commandait les troupes de ce dernier. Ham-mou ben Bachir, qui redoute le pire, demande aux Etats-Gnraux d'en-voyer un navire au Maroc pour s'informer de la situation. Les Hauts etPuissants Seigneurs lui rpondent qu'il est prfrable qu'il aille lui-mmese renseigner sur place, ce quoi il finit par consentir.

    Le 3 novembre I609, les Etats-Gnraux le reoivent et lui remettent,avec sa lettre de cong, un cadeau qui consiste en une pice de toile d'unevaleur de 2 000 florins. Puis, ils donnent des instructions, d'une part aucommandant du navire qui va le reconduire dans son pays et, d'autre

  • AMBASSADES ET l\IISSIONS l\IAROCAI:'oIES AUX PAYS-BAS 33

    part, Wo1lfaert Hermansz. afin de payer les sommes dues l'htelier del'Aigle double.

    Mais le Marocain dcide alors de retarder son dpart jusqu'au rgle-ment de l'affaire du bois de brsil, dans laquelle nous avons dit le rletenu par Samuel Pallache et qui l'intresse au plus haut point. En effet,de Jonge et consorts ont demand se saisir de la personne ou des biensdudit ambassadeur du seigneur roi du Maroc (58), s'il ne verse pas unecaution suffisante. Cette affaire, on l'a vu, est dfinitivement rgle aumilieu du mois de dcembre 1609. Les Etats-Gnraux envoient alors Hammou ben Bachir une nouvelle lettre de cong et chargent Wo1lfaertHermansz. de prparer son dpart, mais il exprime le dsir d'tre reu nouveau par Leurs Hautes Puissances. Celles-ci dclinent sa propositionet dsignent trois dputs pour aller souhaiter bon voyage Sa Seigneu-rie (59). Enfin, le 26 janvier 1610, elles envoient Wollfaert Hermansz.saluer l'ambassadeur en leur nom, lui exprimer leurs regrets de le voiroblig de retarder son dpart cause du mauvais temps et des vents con-traires et lui offrir une somme de six cents florins. Quelques jours plustard, le navire met enfin la voile et, le 6 mars 1610, Moulay Zidan critaux Etats-Gnraux pour leur annoncer le retour de Hammou ben Bachiret de Samuel Pallache et les remercier de la faon dont ceux-ci ont treus.

    L'AMBASSADE DE AHMED BEN ABDALLAHEN 16101611

    Au milieu du mois de juin 1610, le navire qui a reconduit Hammouben Bachir au Maroc ramne Rotterdam un nouvel ambassadeur deMoulay Zidan, le cad Ahmed ben Abdallah. Ce dernier est, lui aussi,accompagn de Samuel Pallache. En outre, parmi les gens de sa suite setrouve, en qualit d'interprte, Mose Pallache, un des neveux de Samuel.

    (S8) ReqUt(J de trafiquants d'Amsterdam, antrieure au 12 novembre 1609, dans H. de CAS'TRlIs, op. cit . t. 1. p. 395.

    (59) Rsolution des Etats-Gnraux, du 21 dcembre 1609. dans H. de CASTRIES, op. cit. t. 1.P460.

  • 34 JACQUES CAILL

    Immdiatement aviss, les Etats-Gnraux envoient un agent saluerl'ambassadeur et l' amener. .. La Haye en voiture couverte avec uneou deux voitures dcouvertes pour les gens de sa suite Il (60). Ils dcidenten mme temps que le cad sera log La Haye, l'auberge du LionRouge - appele aussi du Lion d'Or - et qu'une somme de vingt-quatreflorins par jour lui sera alloue pour ses frais d'htel:

    Le 23 juin, Ahmed ben Abdallah, accompagn de Samuel Pallache,est reu officiellement par les Etats-Gnraux, en prsence du princed'Orange. Il leur remet ses lettres de crance et leur fait connatre l'objetde sa mission, qu'ultrieurement il prcise par crit dans plusieurs lettres,notes ou memorandums, signs de lui et de Samuel Pallache.

    Les reprsentants du chrif manifestent d'abord le dsir de se procurerplusieurs navires de guerre pour le service de leur souverain. Satisfactionleur est aussitt donne. Ds le 26 juin une rsolution des Etats-Gnrauxdcide qu' ce sujet on leur-offrira ... toutes les commodits Il (61) ; ilspourront faire construire aux Pays-Bas trois ou quatre vaisseaux d'envi-ron deux cents tonneaux chacun et les munir des marins et des picesd'artillerie ncessaires. Trois navires sont alors quips, les matelots tant levs au son du tambour dns la ville d'Amsterdam ou ailleurs Il (62) etles capitaines choisis par le prince d'Orange. L'un de ces derniers, Martinvan Rysbergen, est dsign comme commandant en chef; tous les troisdevront Il soutenir l'honneur et la rputation des Pays-Bas et. .. mnagerla vie de leurs hommes Il (63).

    D'autre part, Ahmed ben Abdallah et Samuel Pallache offrent auxEtats-Gnraux une somme d'un million ou un million et demi, commel'a fait l'anne prcdente le cad Hammou ben Bachir. Mais leur propo-

    (60) Rsoluti.on des Etats-Gllraux, du 19 juin 1610, dans H. de CARTRIES, op. cit t. l, p.5I6.(61) Rsolution des Etats-Gllraux. du 26 juin 1610, dans H. de CASTRIES. op. cil., t. J, p.520.(62) Rsolution des Etats-G'lraux. du 2 novembre 1610, dans H. de CASTRIES. op. cil.. t. J,

    P547.(63) Rsolution des Etats-Gnraux, du 29 octobre 1610, dans H. de CASTRIES, op. cit., t. J,

    p.545. L'escadre ainsi forme pour le sultan du Maroc partira du Helder le 21 janvier 16n pourarriver Safi le 23 mars suivant. Mais. au mois de septembre de la mme anne, une flotte espagnolel'attaquera aux environs de Mogador; deux des btiments rlu chrif s'choueront sur la cte etVan Rysbergen ramnera le troisime aux Pays-Bas. On a dj mentionn (supra) l'histoire de cetteescadre et les difficults qui en rsultrent pour Samuel Pallache, au retour de Van Rysbergen dansson pays.

  • Al\lBASSADES ET MISSIONS l\1AROCAI~ES AUX PAYS-BAS 35

    sition est faite en termes trs vagues et l'on ne sait mme pas s'il s'agitd'un prt ou d'un don et quelle est l'unit montaire envisage : ducat,florin, once. Malgr leurs demandes, les Etats-Gnraux ne peuvent obte-nir de rponse ce sujet. D'ailleurs, au mois de dcembre 16ro et lasuite d'une question plus prcise de Leurs Hautes Puissances, les reprsen-tants du chrif supplient celles-ci d'accepter que le rglement de l'affairesoit report l'poque de la ratification du trait.

    En effet, l'objet principal de l'ambassade d'Ahmed ben Abdallah estt la conclusion d'un trait d'alliance et de commerce entre Moulay Zidan

    et les Provinces-Unies. L'accord dsir par le sultan du Maroc doit pr-voir : la libert du ngoce entre les deux pays, Il les droits d'entre et desortie, la protection rciproque, les dfenses de saisie et de reprsail-les D (64), le libre accs, pour les navires de chaque pays, des ports del'autre, enfin la possibilit pour le chrif, de se procurer aux Pays-Bas desIl gens d'quipage, des vaisseaux et des munitions D.

    Mais, ds le mois de juillet, les ngociations sont interrompues, carAhmed ben Abdallah exprime le dsir d'aller suivre les oprations del'arme hollandaise. L'ambassadeur est absent de La Haye du II juilletau 17 aot 16ro et, durant cette priode, assiste au sige de Juliers.

    Les changes de vue reprennent son retour. Puis, au mois d'octobre,les Etats-Gnraux demandent l'avis du Conseil d'Etat. Celui-ci examineavec soin les propositions marocaines qu'il approuve dans l'ensemble.Toutefois, il suggre quelques adjonctions, notamment en ce qui concernele droit d'aubaine et le droit d'pave. Les Puissants Seigneurs acceptentces additions et, le rs dcembre, dsignent une commission des trois dpu-ts pour terminer les ngociations avec l'ambassadeur - qui est all passerquelques jours Amsterdam au mois de novembre - et avec SamuelPallache. L'entente est bientt complte sur les clauses de l'accord et, le24 dcembre 16ro, le trait est sign, d'un ct par trois commissaires desEtats-Gnraux et, de l'autre ct, par Ahmed ben Abdallah et SamuelPallache.

    (64) Cette citation et la suivante sont tires d'une Rsolution du Conseil d'Etat, du 1er octo.bre r610, dans H. de CASTRIES, op. cit., t. I. p. 542.

  • 36 JACQUES CAILL

    Trois jours plus tard, l'ambassadeur vient prendre cong des Etats-Gnraux, en prsence du prince d'Orange. Il le fait en termes courtoiset avec des remerciements pour l'accueil et l'excellent traitement qu'il areus D (65) ; on lui rpond par des compliments semblables en lui sou-haitant bon voyage IL Le soir mme, les Puissants Seigneurs lui font porter son htel un prsent qui consiste en une chane d'or valant seize centsflorins et une mdaille d'or. Ils offrent en mme temps : Samuel Palla-che, une chane d'or - de six cents florins seulement - et une mdailled'or; Mose Pallache, une mdaille d'or de moindre valeur.

    D'autre part, la requte de ce dernier, ils dcident de commanderdes voitures pour le dpart d'Ahmed ben Abdallah. En effet, dit leur Rso-lution, puisqu'on a fait de si grands frais pour conclure le trait avec lesieur ambassadeur, il convient de passer aussi sur ces menues dpen-ses Il (66). En outre, ils chargent le dput Thiman Barentsz. de veiller audpart de l'envoy du sultan ~t de l'accompagner jusqu' bord de sonnavire, mais avec le moins de frais possible D. Malgr cet esprit d'cono-mie, la note du sieur Van Venendael, l'htelier du Lion d'Or, est rglepresque sans difficult. On lui verse le montant de la pension de l'ambas-sadeur et de ses cinq compagn.ons au prix convenu - vingt-quatre florinspar jour - et une somme de plus de cent vingt-deux florins Il pour lesrgals et les dners offerts par les dputs Il (67) aux Marocains. Toutefois,on rduit de quatre cents deux cents florins l'indemnit rclame par lepropritaire de l'htel, qui un serviteur d'Ahmed ben Abdallah a volune importante quantit de linge, ce qui lui aurait valu d'tre pendupour vol manifeste D (68). Par ailleurs, les Etats-Gnraux paient gnreu-sement Van Venendael une somme de 855 livres de XL gros la livreen ddommagement des dpenses extraordinaires faites ... par Mose Pal-lache et autres compagnons du sieur ambassadeur du roi du Maroc D (69).

    (65) Cette citation et la suivante sont tires (l'une Rsolution des Etats-Gnraux, du 29 d-cembre 1610, dans H. de CASTRS, op. cil., t. l, pp. 591-592.

    (66) Cette citation et la suivante sont tires d'une Rsolution des Etats-Gnraux, du 30 d-cembre 1610, dans H. de CASTRIES, op. cit., t. l, p. 595.

    (67) Rsolution des Etats-Gnraux, du 8 fvrier 1611, dans H. de CASTRIES, op. cil., t. I, p. 611.(68) Requte de Willem van Venendael aux Etats-Gnraux, du 29 janvier 1611, dans H. de

    CASTRIES, op. cit., t. l, p. 605.(69) Oydonnance des Etats-Gnraux, du 8 janvier 1611, dans H. de CASTRIES, op. cit., t. I,

    p.598.

  • A:\IBASSADES ET MISSIONS MAROCAINES AUX PAYS-BAS 37

    Dans les premiers jours du mois de janvier 16II, l'envoy du chrifarrive au Helder, o il doit s'embarquer et d'o il crit aux Etats-Gn-raux pour les remercier de la faon dont ils l'ont reu. Mais son dpartest retard par des vents contraires et c'est seulement le 21 janvier qu'ilmet la voile pour arriver Safi le 23 mars suivant.

    f L'ambassade d'Ahmed ben Abdallah est sans aucun doute la plus im-\ portante de toutes celles venues du Maroc aux Pays-Bas l'poque des

    sultans sadiens. En effet, elle a entran la signature du premier traitintervenu entre les deux pays.

    Ce trait (70 ) convient d'une a ferme, sre et inviolable amiti D (71)entre les Provinces-Unies et le Maroc. En consquence, il proclame la li-bert absolue, pour les sujets des deux Etats, de la navigation et du com-merce. Diverses clauses prcisent entre autres: que les navires hollandaiset marocains ne pourront s'attaquer rciproquement en mer; que les priseshollandaises faites par des tiers ne seront pas vendues au Maroc ; que lesbtiments de guerre d'une des parties contractantes auront la facult dese procurer, dans les ports de l'autre partie, les navires et les munitionsdont ils auront besoin; qu'on n'accordera a aucune lettre de marque oude reprsaille D (72) ; que les Hollandais dans l'empire chrifien et lesMarocains dans les Provinces-Unies jouiront des mmes privilges oufranchises que les habitants du pays et qu'ils n'auront souffrir d'aucunmonopole. D'autre part, le droit d'aubaine est supprim, aussi bien pourles sujets du sultan aux Pays-Bas que pour les Hollandais au Maroc. Enoutre, les Provinces-Unies promettent de fournir au chrif, a autant quel'occasion, commodit et disposition des affaires de leur Etat le pourrapermettre D (73), les navires, pices d'artillerie et munitions qu'il dsirera.De son ct, Moulay Zidan s'engage relcher les sujets des Pays-Bascaptifs en son royaume et donner les ordres ncessaires pour qu' l'ave-nir aucun Hollandais ne soit rduit en captivit ni vendu dans l'empirechrifien.

    (70 ) Voir le texte du trait dans H. de CASTRIES, op. cie., t. I. pp. 577-585 et 6I~-621 y;(7I) Prambule du trait.(72) Article IX du trait.(73) Article XV du trait.

  • 38 JACQUES CAILL

    .La signature d'un tel accord constitua un vnement dans les milieuxdiplomatiques europens. En effet, c'tait la premire fois qu'un payschrtien concluait un vritable trait avec le Maroc. Tous les reprsentantsdes Puissances accrdits auprs des Etats-Gnraux en informrent aus-sitt leur gouvernement et lui envoyrent une copie de la convention du24 dcembre 16ro.

    L'AMBASSADE D'AHMED ELGUEZOULIEN 16121613

    Un grave incident franco-marocain fut la cause de cette ambassade.En 1612, le sultan Moulay Zidan, chass de Marrakech par le maraboutAbou Mahalli, se rendit avec ses femmes, quelques fidles et ses biens lesplus prcieux Safi, o le sieur Jean Philippe Castelane tait consul duroi de France et possdait un nflvire, le Notre-Dame-de-la-Garde. Le ch-rif affrta ce btiment moyennant 3 000 ducats, pour transporter Agadirses richesses et notamment sa bibliothque, d'une trs grande valeur. Ar-riv en rade d'Agadir, Castelane ne voulut pas dcharger' sa cargaisonavant d'avoir reu le prix coITvenu. Comme le paiement ne se faisait paset que ses vivres s'puisaient, le Franais mit la voile et se dirigea versMarseille. Il se proposait d'y remettre les richesses du sultan au duc deGuise, gouverneur de Provence et de demander tre indemnis. Mais,au large de Sal, le Notre-Dame-de-la-Garde fut captur par les Espagnolset dclar de bonne prise.

    Cette malheureuse affaire irrita profondment Moulay Zidan, qui d-cida d'envoyer au roi de France Louis XIII un ambassadeur, chargd'obtenir la restitution de ses biens. Pour remplir cette mission, le chrifdsigna le cad Ahmed el-Guezouli, qui se fit accompagner de diversespersonnes, notamment d'un eunuque du sultan, Nasser Carta et de plu-sieurs serviteurs.

    Le rcent trait du 24 dcembre 16IO avait cr des liens d'amiti entreles Provinces-Unies et le souverain du Maroc. C'est pourquoi celui-ci d-cida que son ambassadeur, avant de se rendre Paris, passerait par LaHaye et demanderait l'appui des Etats-Gnraux.

  • AMBASSADES ET MISSIONS MAROCAINES AUX PAYS-BAS 39

    Ahmed el-Guezouli et ses compagnons arrivent aux Pays-Bas dans lespremiers jours du mois d'aot 1612. Le 10 de ce mois, l'ambassadeur etl'eunuque du souverain, assists de Samuel et de Mose Pallache, sontreus par Leurs Hautes Puissances et le cad chrifien leur remet une lettrede son souverain, qui demande leur assistance auprs du Roi Trs Chr-tien. Le jour mme, les Etats-Gnraux s'empressent de faire droit cetterequte. Ils crivent d'une part au roi Louis XIII et, d'autre part, leurambassadeur Paris, Franois van Aersen. Sur le conseil de Samuel Pal-lache, ils prient ce dernier d'obtenir un sauf-conduit pour Ahmed el-Gue-zouli et sa suite. Ds le mois suivant, Van Aersen rpond que, malgr sesvives instances, le Roi Trs Chrtien a refus absolument le sauf-conduitdemand. Au mois de novembre de la mme anne, l'ambassadeur hol-landais fait une nouvelle dmarche auprs de la cour de France, mais sansplus de rsultat.

    Inform de la situation, Moulay Zidan invite son ambassadeur reve-nir au Maroc. Les Etats-Gnraux reoivent celui-ci en audience de congle 14 aot 1613 et lui offrent une chane d'or et une mdaille, d'une valeur Jde six cents florins.

    Quelques jours plus tard, Ahmed el-Guezouli et ses compatriotes s'em-barquent sur un navire que commande le capitaine Abbe Willemsz. et quiles conduit en rade d'Agadir.

    LA MISSION DE JANCARTEN 1617

    Le 20 aot 1616, Moulay Zidan crit aux Etats-Gnraux qu'il envoie La Haye son serviteur, Jacques Jancart, Franais (74) etleur deman-de d'aider celui-ci dans la mission qu'il lui a confie. Le reprsentant duchrif est charg de faire une enqute sur la conduite antrieure (75)de feu Samuel Pallache et de Joseph Pallache, ainsi que sur l'tat de

    (74) Lettre de Moulay Zidan aux Etats-Gnraux. du 4 novembre 1616. dans H. de CASTRIES.op. ct. t. 1. p. 7'ZO.

    (75) Cette citation et les suivantes du mme paragraphe sont tires d'une Rsolution des Etats-Gnraux. du 18 janvier 1617. dans H. de CASTRIES. op. cit. t. III, pp. 5-6.

  • 4() . JACQUES CAILL

    leurs affaires ,de li: faire valoir les droits et lgitimes revendications deSa Majest sur les prises amenes de la mer par ledit Samuel Pallache etfaites sur les ennemis de Sa Majest, d'tablir le montant de ce qui est dpar Sa Majest aux Pays-Bas et de s'informer des raisons pour lesquellescette dette n'a pas t paye Il.

    En effet, le sultan prtendait : avoir donn Samuel Pallache desfonds considrables afin d'acheter des navires qui devaient tre quipspour le makhzen ; lui avoir confi un navire charg de cent vingt caissesde sucre et de plus de mille quintaux de bois de brsil ; lui avoir remisune importante quantit de bas de chausses et autres objets propres l'habillement des Chrtiens J) (76), ainsi que du corail et neuf ou dix kilo~grammes de civette. D'autre part, on a vu qu'avec des navires hollandais,quips et arms en r6r3 pour le compte du chrif, Samuel Pallache avaitfait deux prises qu'il avait amenes aux Pays-Bas ; Moulay Zidan rcla-mait la part lui revenant dans la vente de ces prises. Enfin, Samuel etJoseph Pallache s'taient reco~nus dbiteurs envers les Etats-Gnraux,au nom de Moulay Zidan, d'une somme de 20000 florins, avance parl'Amiraut de Rotterdam, savoir 9 500