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UFR Sciences de l'homme et de la société
Département des sciences de l’Education
Mémoire Master 2 pro ICF FOAD
La représentation de la compétence au sein du
monde artisanal du BTP.
Kammerlocher Bourgeon Charlène
Sous la direction de Sylvain Lacaille
N20001444 Année 2011
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 2
Claude Fournier, Sophie Bouteiller, Michel DAVID, Traité de l’artisanat et de la petite
entreprise », Editions Educaweb, 2009.
«Dignus est intrare (il est digne
d’entrer), n’est-ce pas l’imagination construite, et non
pas la réalité journalière, qui a
fait de l’universitaire celui
qui aurait isolé dans sa « tour d’ivoire » et de
l’artisan celui qui aurait « les mains
dans le
cambouis ? »
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 3
Remerciements
Une reprise d’étude après quelques années passées dans le monde du travail est difficile pour
celui qui s’y remet mais également pour ceux qui l’entourent .Il n’est pas question que d’un
individu mais de tout un environnement, un contexte…On souhaite se reconstruire, se
réorienter, évoluer professionnellement mais il ne faut pas oublier que cette démarche ou plutôt
cette « marche » à franchir n’est pas concevable sans l’aide des autres. Mes premières pensées
vont tout naturellement vers mon fils Ugo, mon conjoint David, ma famille, qui ont été ma
première force, mes piliers dans cette aventure.
Je souhaite également remercier tous les acteurs de la CAPEB, mes collègues, le Crefab, les
artisans, Sylvain Lacaille, ainsi que toutes les personnes qui ont pu de près ou de loin
m’aiguillier dans mon cheminement.
Merci à tous….
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 4
SOMMAIRE
Introduction………………………………………………………………………………P 6
I) La Confédération des Artisans et de la Petite Entreprise du bâtiment
(CAPEB) : « Promouvoir, Défendre,
Représenter »…………………………….………P 7
I) Capeb : Histoire et implication dans le monde
artisanal…………..…...P7
II) L’artisanat du bâtiment et des travaux
publics………………….….....P10
A) « La première entreprise de France »……………………………...P10
B) Les chiffres en Haute Normandie………………………………....P12
III) Missions……………………………………………………………….P14
a) Intégration à la CAPEB…………………………………………………...P14
b) Définition et objectifs……………………………………………………..P14
c) Positionnement dans la mission …………………………………………..P16
II) « La théorie de la pratique » dans l’artisanat du
BTP »……………………...P17
I) L’artisanat : Un système
identitaire……………………………..……..P17
a) Le rôle clé de la sensorialité et de la proximité………………………..….P17
b) La transmission des valeurs : L’apprentissage, une tradition……………..P21
II) Un modèle de gestion
particulier………………………………………..P23
a) Les différents profils du chef d’entreprise………………………………...P23
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 5
b) Les différentes stratégies …………………………………………………P26
III) L’artisanat du BTP et la Gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences…………………………………………………………..P28
a) La représentation commune de la compétence…………………………....P28
b) Une représentation particulière de la compétence………………….…......P30
c) La gestion des ressources humaines………………………………….……P31
III) Le cheminement de la pensée à travers le monde artisanal du BTP...........P33
a) Questionnements………………………………………………………….P33
b) Problématique…………………………………………………………….P34
c) Hypothèses………………………………………………………………...P34
IV) Quelle mission pour quelle
méthodologie ?.........................................................P 35
I) La découverte du monde artisanal : l’enquête exploratoire…………….……P
35
a) Objectifs et définition……………………………………………………..P 35
b) L’enquête exploratoire…………………………………………………….P 38
c) Limites et ajustements……………………………………………………..P 52
II) L’enquête
complémentaire…………………………………………………........P 53
a) Choix méthodologiques……………………………………………………….P 53
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 6
b) Choix de l’échantillon…………………………………………………………P54
c) Difficultés rencontrées………………………………………………………...P55
d) Recueil des données…………………………………………………………...P56
e) Constats ……………………………………………………………………….P61
f) Vérification des hypothèses et réponse………………………………………..P62
III) La mission développement de la formation professionnelle continue dans les
entreprises artisanales du BTP……………………………………………..P64
a) Méthodologie……………………………………………………………..P64
b) Rencontre avec les artisans du BTP………………………………………P67
c) Bilans de l’action………………………………………………………….P 67
d) Limites et préconisations……………………………………………….....P69
V) Réponse et
préconisations………………………………………………………P71
a) L’artisanat du BTP : Quel modèle de logique compétence.........................P71
b) Un modèle en rupture avec l’image traditionnelle ?...................................P 72
VI) Conclusion……………………………………………………………….……….
P74
Bibliographie…………………………………………………………………………….P 75
ANNEXES………………………………………………………………………………P79
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 7
L’artisanat est « la première entreprise de France », à ce titre, elle mérite que l’on
s’y intéresse de plus près. Ainsi, dans le cadre du Master, nous avons souhaité intégrer et
explorer ce monde afin d’en dégager les représentations qu’ont les artisans du BTP de la
notion de compétence. La Confédération des Artisans et des Petites Entreprises du Bâtiment
(CAPEB) était donc la structure idéale pour effectuer un stage et mener à bien notre
recherche.
En effet, la CAPEB a pour but de promouvoir et de défendre l’artisanat en
favorisant le développement économique des entreprises du bâtiment et des travaux publics.
Dans ce contexte, il nous semblait intéressant de travailler autour de la notion de
compétences afin de contribuer au développement des TPE du bâtiment.
Cette notion de compétences est certes très redondante dans le monde de
l’entreprise notamment avec la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences
(GPEC) mais elle est très peu explorée dans ce secteur. De ce fait, il nous semblait
indispensable d’intégrer la notion de représentation et de l’articuler avec celle de la
compétence afin de comprendre quelle définition l’artisan a de cette dernière. En effet, la
question de notre étude est de savoir quelles représentations les artisans du BTP ont- ils de la
notion de compétence ?
Tout d’abord, nous présenterons le contexte, les missions, les constats qui en
découlent et notre problématique. Ensuite, nous nous intéresserons au cadre théorique et plus
précisément aux représentations de la compétence dans l’artisanat du BTP. Ce qui nous
permettra d’expliquer les différentes approches méthodologiques par les compétences que
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 8
nous avons pu mettre en place lors du stage. Enfin, nous pourrons répondre aux différentes
hypothèses et définir les limites de ce sujet.
I) La Confédération des Artisans et de la Petite Entreprise du Bâtiment :
« Promouvoir, Défendre, Représenter »
I) CAPEB : Organisation et implication dans le monde artisanal
La CAPEB est une organisation professionnelle patronale qui est née en 1962. Son objectif
premier est de défendre les intérêts matériels et moraux des entreprises artisanales du
bâtiment. En ce sens, elle met en place différentes actions qui vont aider les entreprises à se
développer économiquement.
La CAPEB est présente pour aider l’entreprise à devenir toujours plus performante. « Il n’est
jamais simple de définir en quelques termes génériques l’esprit qui anime une organisation
professionnelle comme la CAPEB mais on pourrait la résumer ainsi : la CAPEB a l’ambition
d’offrir collectivement à chaque entreprise adhérente tout le tertiaire d’entreprise qu’elle ne
peut s’adjoindre individuellement.1 »Elle s’organise en réseau puisqu’elle est une
confédération :
Il y a la CAPEB, confédération nationale et l’union régionale CAPEB Haute Normandie qui
intervient au nom des deux CAPEB départementales 76 et 27 pour les 8000 artisans de la
région Haute Normandie. Ainsi, au sein des CAPEB de départementales, nous retrouvons
ces services: Ressources humaines, Juridique et social, Technique, Développement durable, 1 Traité de l’artisanat et de la petite entreprise : Sophie Bouteiller, Michel David, Claude Fournier
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 9
Transmission d’entreprise et Formation. Ce service est celui dans lequel nous avons pu
réaliser notre mission développement de la formation professionnelle.
Schéma du réseau CAPEB
2
Le réseau est structuré par 103 syndicats départementaux qui sont organisés par un conseil
d’administration composé par des artisans adhérents à la CAPEB.
Ils fixent dans les grandes lignes les actions menées sur le plan départemental. Ces actions sont
structurées autour d’une équipe départementale managée par un secrétaire général. Le syndicat
offre des services juridiques (recouvrement, litige clients, fournisseurs…), mais aussi en
matière de formation et de suivi des entreprises. La section départementale de l’Eure fut crée en
1957 et celle de Seine-Maritime en 1995.
2 Source CAPEB
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 10
21 unions régionales, celle de Haute Normandie a été créée en 1995, elles donnent les grandes
lignes du contenu stratégique des actions menées par la CAPEB. Elles coordonnent l’action sur
la région. Elles fournissent des services à vocation plus générale et innovante (développement
durable, ressources humaines, formation…).
1 confédération nationale qui vote les propositions faites en assemblée générale.
Elle donne les grandes orientations politiques de la CAPEB. Elle ne dispose pas d’un pouvoir
de direction sur les unions régionales et les syndicats départementaux.
Elle peut se nourrir des projets intéressant qui remontent de l’action régionale pour les diffuser
ou en faire la promotion sur le plan national. Le Président de la CAPEB nationale est toujours
un artisan membre du conseil d’administration.
La particularité de cette structuration réside dans le fait que les unions régionales et les
syndicats départementaux sont indépendants de la confédération nationale sur le plan
stratégique. En d’autres termes, la dynamique de ce réseau est engagée par la base, à savoir les
unions régionales et les syndicats départementaux.
Il est important de préciser que la CAPEB s’est engagée dans des luttes syndicales qui lui ont
permis depuis sa création en 1946, d’obtenir des avancées significatives :
Accord sur les 35 heures,
La baisse de la TVA à 5.5% qui a diminué les prix de 14%, généré 2 milliards de travaux
supplémentaires et créé 53 000 emplois.
Des crédits d’impôts sur les travaux d’économie d’énergie, d’accessibilité et sur l’apprentissage.
Sur le plan interprofessionnel, la CAPEB a participé à la création de l’UPA (Union
Professionnelle Artisanale) qui regroupe trois confédérations nationales : La CAPEB, La
CNAMS (confédération nationale de l’artisanat des métiers et des services), la CGAD
(confédération générale de l’alimentation en détail). L’UPA est une organisation représentative
des 920 000 entreprises artisanales en France (soit le tiers des entreprises Françaises) qui
réalisent 270 milliards d’euros de chiffre d’affaires avec leurs 3 millions d’actifs et 2,5 millions
de salariés.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 11
Au travers de cette structure interprofessionnelle, la CAPEB œuvre pour faire reconnaître
l’artisanat en tant que secteur socio-économique à part entière.
II) L’artisanat du Bâtiment et des travaux publics
a) L’artisanat : « La première entreprise de France »
Notre sujet d’étude traite de la représentation de la compétence par l’artisan. Il est donc
important de définir cette notion afin d’en comprendre les enjeux. Ainsi, Le Conservatoire des
Arts et Métiers (CNAM) définit l’artisanat ainsi : « C’est le régime de ce qu’on a appelé aussi
du « métier », c'est-à-dire du métier indépendant, celui qui correspond en propre à l’appellation
« arts et métiers » , c’est le cas donc de tout producteur qui travaille lui-même de ses mains, soit
seul, soit assisté par des personnes de sa famille, soit même d’un petit nombre de salariés, et qui
cependant dirige et assume la responsabilité de l’ensemble de la conduite de ses affaires . »
Aujourd’hui, cette définition est toujours d’actualité même si l’usage du mot est désormais
réglementé.
Il existe une définition juridique de l’artisanat (loi N°96-603 du 6 juillet 1996) : Une entreprise
artisanale est une entreprise inscrite au Répertoire des Métiers. Ainsi, toute entreprise de
moins de 10 salariés, dont l’activité relève du champ de l’artisanat (c'est-à-dire faisant partie
des activités NAF listées dans le décret n°98-247 du 2 avril 1998), est censée y être inscrite. 3
L’artisanat en France génère 300 milliards d’euros de chiffres d’affaires selon le « Fond
national de promotion et communication de l’artisanat ».Le tableau suivant permet de se
représenter la réalité et le poids de l’artisanat en France.
3 Les chiffres clés 2011, CAPEB.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 12
Les chiffres clés de l’économie Française4
Production en milliards d’euros
Produit intérieur brut 2009 1907
Population et emploi France entière (en milliers)
Population (estimation au 1 er janvier 2009) 64 303
Population active
Salariés (Au 31 décembre 2009) 23 602
Non salariés (Au 31 décembre 2009) 2391
Chômeurs (Au 31 décembre 2009) 2 070
Taux de chômage (2ème trimestre 2010,
France métropolitaine)
9,3 %
ENTREPRISES
Nombre d’entreprises (1 er janvier 2009) 3 003 693
(dont) Industrie 248 784
Construction 399 515
Commerce 672 057
4 Source INSEE
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 13
Services 1 683 337
(dont) Entreprises sans salariés 1 812 707
Entreprises de 1 à 9 salariés 989 411
Entreprises de 10 à 49 salariés 168 281
(dont) Entreprises artisanales
937 0
b) L’artisanat du BTP en France et en Haute Normandie.
L’artisanat « Première entreprise de France » c’est donc 937 550 artisans en France en 20095.
Dans la mesure où c’est au sein de la CAPEB Haute Normandie que nous avons réalisé notre
étude, nous nous intéresserons plus particulièrement aux artisans du BTP et plus précisément
les entreprises de moins de 20 salariés que l’on nomme les « Très petites entreprises » et qui
représente 98% des entreprises du bâtiment en France.6
On dénombre en 2010, 8 103 entreprises du BTP en Haute Normandie7. Parmi ces dernières, la
répartition par taille se décompose ainsi :
Répartition des entreprises artisanales du BTP en Haute Normandie
0 salarié De 1 à 9 salariés 10 salariés et plus
3677 3826 600
Source CAPEB : Service des affaires économiques
On constate alors que la majorité des entreprises artisanales fonctionnent avec moins de 10
salariés en Haute Normandie, ce qui ne change pas des statistiques nationales dans lesquelles on
constate que le secteur du bâtiment génère 77 milliards d’euros de chiffre d’affaires. 63% de ce
chiffre est réalisé par les entreprises de 0 à 20 salariés.
5 www.Insee.fr 6 Source CAPEB, les chiffres clés , 2011. 7 Source CAPEB, service des affaires économiques, 2011
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 14
Cela signifie que ce petit « groupe » tient une place importante dans l’économie Française et en
Haute Normandie. La CAPEB dans son dossier de presse institutionnel parle même de
« colonne vertébrale de l’économie ».8
Dans les dix prochaines années, les besoins de logements vont augmenter. Les questions liées
au développement durable, mises en avant par le Grenelle de l’environnement, vont occuper
une place de plus en plus importante et être à l’origine d’une demande croissante de travaux
d’amélioration et meilleure performance énergétique. Au-delà des économies d’énergie,
l’accessibilité des logements et des bâtiments va également représenter un défi majeur pour les
entreprises artisanales du bâtiment. Ainsi, le poids économique de l’artisanat va donc peser
encore un peu plus lourd dans l économie Française. En alliant savoir-faire traditionnel et
technologies de pointe, l'artisanat a su construire les conditions lui permettant de devenir la
“Première entreprise de France”. Tourné vers l'avenir, l'artisanat s'intéresse aux innovations.
Les évolutions technologiques génèrent de nouveaux projets, de nouveaux métiers qui
construiront l'artisanat de demain.
8 Dossier de presse institutionnel de la CAPEB-mai 2011-p 5
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 15
III) Missions
a) Intégration à la Capeb
Pascal Dufour, secrétaire général de la CAPEB Haute Normandie, a proposé de nous intégrer
avant le stage en octobre 2010 afin de nous proposer une mission « exploratoire » au sein
du service des Ressources Humaines. Cette dernière avait pour objectif final de nous
entretenir avec les artisans afin de mesurer l’impact de la « démarche compétences »,
communément nommée « Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences »,
effectuée par les deux chargés de missions des ressources humaines, James Colas et Grégor
Aupaix. Cette première mission d’une durée de deux mois et dont nous relaterons les
grandes lignes, nous a permis d’explorer le monde artisanal qui nous était inconnu et ainsi
nous familiariser avec cet univers. En ce sens, il nous semblait indispensable d’en parler
dans cette étude puisqu’elle nous a permis de bâtir les « premières pierres de notre édifice ».
D’autant plus qu’elle fait partie de la commande car c’est un outil de préparation pour la
mise en œuvre de notre mission développement de la formation continue. En effet, comment
réaliser une mission dans de bonnes conditions si l’objet de notre étude nous est inconnu ?
Ainsi, afin d’éviter cette contrainte nous avons pu accompagner les chargés de missions sur
le terrain afin de préparer au mieux notre mission développement de la formation continue.
b) Définition et objectifs
Comme nous l’avons notifié précédemment, nous avons rédigé la commande avant l’entrée
en stage avec P.Dufour, secrétaire général de la CAPEB. Cette dernière a pour objet le
développement de la formation professionnelle au sein des entreprises artisanales du
bâtiment et des travaux publics de moins de 10 salariés de janvier 2011 à juin 2011.
L’objectif final est de travailler en direct « sur le terrain » avec les artisans afin de les
sensibiliser et les informer sur la formation continue.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 16
Dans un second temps, l’information est relayée à Dominique Biguet, responsable du service
formation, afin qu’elle puisse effectuer la recherche d’organismes de formation ainsi que la
demande de prise en charge à l’OPCA9 de l’artisan ou du salarié concerné.
En effet, une des missions de la CAPEB est d’organiser et développer la formation continue
des artisans et des salariés.
L’accompagnement en matière de formation des entreprises artisanales nécessite une
approche exigeante pour apporter des réponses concrètes qui tiennent compte de la diversité
des activités pilotées par le chef d’entreprise artisanale. Il s’agit aussi de proposer une
approche individualisée de la formation professionnelle pour tenir compte de l’organisation
spécifique des entreprises artisanales et de leurs marchés. Par ailleurs, la qualité de la
construction, notamment liée au développement durable et à l’accessibilité sans oublier les
questions de sécurité et de santé, est un enjeu très lourd pour le secteur du bâtiment.
L’élévation des compétences et des qualifications, notamment technologiques, est une
nécessité pour relever ce défi.
En ce sens, notre mission avait pour objectifs de donner les moyens aux toutes petites
entreprises de répondre aux enjeux de développement des nouvelles technologies mais
également d’être informées sur leurs obligations en matière de sécurité dans le bâtiment. Les
besoins sont existants et certaines entreprises prennent directement contact avec le service
formation de la CAPEB. En effet, cette dernière a participé et soutenu la mise en place du
FAFCEA qui est un FAF de plein exercice et pour lequel les CAPEB départementales
exercent le service de proximité auprès des entreprises. Elle contribue aux efforts qui sont
faits pour assurer une bonne coordination avec le dispositif mis en œuvre par les chambres
de métiers.
Cependant, tous les artisans ne sont pas informés sur la formation où alors « ils n’ont pas le
temps » car ils sont souvent sur les chantiers et placent leur activité en priorité. De ce fait,
nous avons fait le choix d’aller directement au contact des artisans.
9 Les OPCA concernés sont : le FAFSAB pour la prise en charge du salarié et le FAFCEA pour la prise en charge du chef d’entreprise, uniquement pour les entreprises de moins de 10 salariés. Au-delà de 10 salariés, c’est l’AREF BTP.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 17
En ce sens, notre posture est celle d’un chargé de développement de la formation
continue.10
Nous trouvons la commande détaillée ainsi que la lettre de mission dans les
annexes.
c) Positionnement dans la mission
Auparavant, dans le secteur de l’insertion, nous avons souhaité rompre avec nos anciennes
fonctions afin de nous consacrer au projet d’ingénierie de formation et ainsi, avoir un autre
positionnement dans le schéma de l'ingénierie de formation que propose T.Ardouin. En effet, nous
souhaitions évoluer et nous situer dans la famille n°2 de l'ACRE: "Concevoir, mobiliser et/ou
élaborer des dispositifs de formation " et ainsi développer des compétences telles que "concevoir,
mobiliser et/ou élaborer, mettre en œuvre une démarche d'analyse des besoins et de diagnostic de
la situation" ou encore "Concevoir, élaborer ou mobiliser des outils de recueil d'informations"11
.
Nous avons acquis des compétences sur les anciens postes que nous souhaitions renforcer. Notre
structure ne pouvant pas nous apporter ce complément, nous avons décidé d'intégrer une autre
entreprise afin de repartir sur de nouveaux socles de compétences tout en transférant les
compétences acquises dans le passé sur cette nouvelle fonction. Après une mûre réflexion sur la
construction de notre projet, nous avons désiré intégrer la Confédération des artisans et des petites
entreprises du bâtiment (CAPEB), tout simplement, car cette structure correspondait à notre profil
et nous permettait d’explorer un monde inconnu. Le contact au quotidien avec les artisans, le milieu
« artistique » des professions et l’organisation de la très petite entreprise nous intriguaient. C’est
dans cet univers inconnu que nous évoluons depuis le mois d’octobre 2010.
10 Annexe 1 : Cahier des charges et Lettre de mission. 11 Guide pédagogique Master Ingénierie de la formation, P10-11, 2010
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 18
II) « La théorie de la pratique » dans l’artisanat du BTP
I) L’artisanat : un système identitaire
a) Le rôle clé de la sensorialité et de la proximité
Lorsque nous avons intégré la CAPEB et le monde artisanal, nous avons été impressionnés
par le fonctionnement de ce système et surtout par l’emprunte qu’il dégage. L’identité est un
concept qui a d’abord été développé par la psychologie de l’individu puis utilisée dans les
sciences de gestion pour les grandes entreprises. Il s’agit d’une façon de penser et de se
représenter l’organisation qui s’inscrit dans le prolongement de l’analogie entreprise-
organisme vivant, et dans laquelle chaque entreprise a une identité qui lui est propre et qui
contribue à faire de son système de gestion quelque chose d’original et d’unique : « C’est le
sentiment d’exister en tant qu’être cohérent et spécifique assumant son passé et ayant sa
place dans la collectivité et reconnu comme tel par les autres. » .12
En effet, on remarque au
travers des différentes lectures sur l’artisanat mais également lors des entretiens avec les
artisans que cette identité est bien présente et surtout très forte. On pourrait même dire que
c’est un microcosme au sens il est un monde réduit avec ses propres codes, ses valeurs, son
langage.
Chez les artisans on parle plus qu’on écrit. On remarque que la proximité et la sensorialité
sont au centre de l’entreprise artisanale. En effet, ce qui peut fondamentalement distinguer
l’entreprise artisanale de la grande entreprise et de la PME est précisément la place
qu’occupe le sens dans le mode de management. Dans l’entreprise artisanale, le contact est
permanent parce que nécessaire à la bonne maîtrise du métier. On entend des expressions
comme « tour de main », « feeling » etc.…ce qui démontre que l’artisan fonctionne avant
tout avec ses sens.
12 R.lauter, B.Ramanantsoa, « Crise d’identité ou crise de légitimité », Revue Française de Gestion, Septembre-octobre, P18-26, 1982.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 19
Le management polysensoriel, fondement de l’entreprise artisanale13
L’OUIE
LA VUE LE TOUCHER
LE GOUT L’ODORAT
De nombreux artisans affirment avoir besoin de sentir les matériaux qu’ils travaillent (les
senteurs du bois pour le menuisier, par exemple), ou de toucher ces derniers. La proximité se
mesure par l’usage pertinent et efficace des sens. Elle est également présente avec les clients,
les fournisseurs et le personnel. Martin14
montre que les relations de face à face sont la norme
dans les entreprises artisanales alors que cela est impossible pour un dirigeant de grande
entreprise car l’effectif est trop important. Plus l’entreprise est de petite taille, plus les
capacités sensorielles du dirigeant ne semblent se substituer aux outils classiques de gestion.
On retrouve également cet appel aux sens dans le rapport entre artisans. On pourrait parler de
« reconnaissance » et de notion de « confiance » entre artisans parce que « artisans ». En
effet, chez tous les entrepreneurs de l’artisanat on retrouve de l’arrangement mutuel et de la
solidarité dans leur capacité à s’inscrire dans des réseaux de partenaires. Ceci est
particulièrement vrai dans le secteur du bâtiment où les entreprises s’inscrivent dans des
réseaux non formalisés de partenaire.
13 S.Bouteiller, M.David, C.Fournier, Le management polysensoriel de l’artisan-dirigeant, Traité de l’artisanat et de la petite entreprise du bâtiment. 14 Martin, L’économie de proximité-moteur d’un nouveau projet de société, Editions le Cherche Midi, 2008.
L’artisan-
dirigeant
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 20
Ils conseillent les collègues aux clients lorsqu’ils ont besoin. Ils renvoient ainsi l’image de
l’homme de l’art, homme de métier et non pas « touche à tout ».
Ce type de fonctionnement est surtout motivé par un principe identitaire. Ces alliances
informelles permettent alors de préserver une identité de métier dans une interdépendance de
fonctionnement. En ce sens, nous pouvons affirmer que nous avons affaire à un système
identitaire qu’il est important de comprendre avant de pouvoir y pénétrer.
Schéma : Le système identitaire artisanal adapté de J-P Larçon et R.Reitter
(1979)15
FACTEURS POLITIQUES Tutelle institutionnelle des Chambres des
métiers
et du Ministère du Commerce et de l’Artisanat.
Entrepreneur artisan Projet d’entreprendre fondé sur la maîtrise
d’un METIER.
FACTEURS STRUCTURELS
Structure organisationnelle simple Omniprésence fonctionnelle et
décisionnelle du dirigeant et hiérarchie basée sur les compétences détenues
dans le métier.
Activité centrée sur la production et l’exercice du METIER.
PRODUCTIONS SYMBOLIQUES
Structure sociale informelle et proximité sociale au sein du tryptique artisan-
compagnon-apprenti.
Culture du METIER reposant sur le mythe du fondateur et sur le partage et la transmission du savoir-faire, des techniques, gestes, tours
de main propres à l’activité.
IMAGINAIRE ORGANISATIONNEL
Image de l’entreprise, refuge, cellule familiale, petite taille garante de sécurité, de stabilité et de cohérence.
Réussite sociale dépendante de la maîtrise du METIER et de la possession des qualités requises. (obéissance, respect des traditions, du travail bien fait, de la qualité.)
Le schéma de J-P Larcon et R.Reitter montre bien cette identité de l’entreprise et les
éléments qui interagissent entre eux. Lors des entretiens, nous avons pu ainsi retrouver les
différents facteurs présentés ci-dessus. En effet, tout d’abord, l’organisation en structure
simple, la culture du métier dont l’importance du savoir-faire, des gestes propres à chaque
artisan, la conception de l’entreprise vue comme une famille partagée par les membres de
l’artisanat.
15 J-P LARCON et R-REITTER, Structures de pouvoir et identité de l’entreprise, Nathan, 1979.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 21
C’est ce que nous pouvons constater dans le témoignage N°18, artisan à Offranville (76), 12
salariés qui affirme : « Puis, je suis allé travailler dans l’entreprise de mon père artisan
électricien (…), on s’est associés et c’est devenu la SARL x »16
Il existe alors un système
identitaire commun de l’artisan qui va s’organiser autour de son métier.
Rappelons que l’artisan est d’abord un homme de métier, le plus souvent manuel, qui se
caractérise par une maîtrise de la matière et de la façon de la mettre en forme. Il est maçon,
électricien, plombier…Un artisan sans métier reconnu, comme le sont parfois les cadres
gestionnaires, suscitent la méfiance de ses collègues. L’expérience tient une place importante
dans le parcours de l’artisan. Sans oublier, l’environnement et son évolution qui vont
également influer sur cette organisation. En résumé, le comportement organisationnel de
l’artisan est déterminé par le métier, tant au niveau de la relation que l’entreprise établit avec
son environnement qu’au niveau de la manière dont elle exerce son activité. « Dans
l’artisanat, le métier est avant tout un savoir faire manuel dont l’apprentissage s’effectue
dans le temps, grâce à une pratique quotidienne, qui se transmet et se compose de tâches
diversifiées. »17 C’est également ce que nous avons pu constater lors de notre mission sur le
terrain, notamment dans le témoignage de N°27, entreprise de plomberie-chauffagiste, Le
Neubourg (27) qui affirme : « Depuis l’âge de 16 ans, je suis dans la profession. »18
16 Annexe 2, Témoignage N° 18,extrait de l’enquête « paroles d’artisan », C.Kammerlocher, CAPEB, 2011 17 S.Bouteiller, M.David, C.Fournier, Le management polysensoriel de l’artisan-dirigeant, Traité de l’artisanat et de la petite entreprise du bâtiment. 18 Annexe 2, Témoignage N°27, extrait de l’enquête « paroles d’artisans », C.Kammerlocher, CAPEB, 2011.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 22
b) La transmission des valeurs : L’apprentissage, une tradition
Cette identité, l’artisan la transmet notamment par le biais de l’apprentissage. Ce dernier trouve
ses sources dans une tradition de longue date qui remonte au XIIème siècle avec les
corporations. L’apprentissage est organisé pour répondre au besoin de main d’œuvre et réguler
le renouvellement des groupes professionnels.
Plus qu’une simple transmission du savoir-faire, c’est avant tout le transfert des valeurs, des
codes où ce que les artisans nomment « le sens du travail ». En effet, c’est une véritable identité
culturelle que l’artisan apporte à son apprenti. Ce sens du travail n’est pas figé, il s’adapte au
contexte dans lequel évolue l’artisan. Les valeurs permettent d’adopter une certaine ligne de
conduite donc une certaine constance dans l’action. Elles donnent de la cohérence au
comportement qui peut- être observé par d’autres, comme le fait de ranger, nettoyer le lieu de
travail. « Les valeurs fondent les normes et les normes orientent les actes »19
Le sens du travail
devient lisible dans des normes du comportement, mais les normes et les valeurs évoluent avec
l’activité. Ainsi, donner du sens à son travail, c’est établir un certain rapport au réel toujours
changeant. Il s’agit dans le travail toujours d’un choix de valeurs et de normes et non
d’application de lois logiques. Parler du sens du travail, c’est parler avec les autres et aux autres
de son travail. On n’impose pas aux autres le sens du travail car chacun interprète la réalité à
partir de son histoire. C’est cette représentation que les artisans vont transmettre sans avoir
réellement conscience du processus. Pour eux, cela se fait tout seul. Nous revenons alors à la
question du sens que nous avons traité précédemment. C’est intéressant du point de vue de la
compétence puisque la transmission s’effectue dans des automatismes, des évidences
professionnelles que l’apprenti n’a pas encore intégrés.
Ainsi, l’artisan ne partage pas ses valeurs avec un jeune en lui tenant des discours généraux.
C’est un processus progressif de construction d’une relation de sens avec le jeune, jour après
jour, et dans des situations repérables. D’ailleurs, Le Boterf le démontre très bien lorsqu’il
affirme que « Transférer n’est pas transporter un savoir-faire ou une compétence, comme s’il
s’agissait de transporter un objet ou faire circuler de la monnaie. Une compétence
professionnelle est inséparable de son champ d’application. (…) Etre compétent, c’est être
capable d’agir et de réagir de façon pertinente et durable dans une famille de situations. (…)
19 Rezsohaky, Sociologie des valeurs, Armand Colin, 2006.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 23
Il me semble que la transférabilité n’est pas à rechercher dans des ressources qui seraient
transférables en soi, mais dans la faculté du professionnel à établir des liens, à tisser des fils, à
construire des connexions entre deux ou plusieurs situations. »20
En effet, nous avons pu
observer cette interaction lors de nos différentes visites en entreprises. Souvent, l’apprenti et
l’artisan se choisissent mutuellement et le processus d’apprentissage s’opère naturellement. Une
sorte de contrat psychologique et social non formalisé s’effectue entre les deux personnes. Ce
qui permettra à l’apprenti de progresser dans son parcours d’apprentissage et de socialisation et
peut-être de devenir artisan. D’ailleurs, Zarca explicite très bien ce phénomène dans une étude
qu’il a mené auprès de quatre cent cinquante artisans en 1976 afin de savoir comment on
devenait un artisan. Il ressort que l’artisan qui réussit le mieux se forme par l’apprentissage
d’un métier et que bien souvent il vient lui-même d’une famille d’artisans. « Les artisans les
plus entreprenants sont souvent eux-mêmes des fils de petits patrons qui ont disposé au départ
d’un capital économique et ont acquis par l’exemple familial, les habitudes nécessaires à la
réussite des petits indépendants. »21
Ainsi, on constate qu’il existe une transmission des savoirs, ce qui fait de l’artisanat une réalité
sociologique particulière et une identité forte, notamment du fait de l’importance des rapports
humains en son sein et la conscience partagée d’une position sociale spécifique, et de la
présence de l’homme (à la différence de la machine). Ainsi, au-delà de l’identité artisanale, il y
a une identité de l’entreprise artisanale.
20 Le Boterf Guy, Repenser la compétence, Eyrolles, 2010. 21 Bernard Zarca, Le Cheminement professionnel des artisans, Centre de recherche pour l’étude et les conditions de vie.
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II) Un modèle de gestion particulier
a) Les différents profils du chef d’entreprise
« Il importe bien de comprendre que l’entreprise artisanale est avant tout l’entreprise d’une
femme ou d’un homme qui a mobilisé un ensemble de ressources. »22En effet, c’est ce qui a de
propre et de commun aux artisans.
Cependant, même si effectivement on constate un système identitaire commun à l’artisanat, on
remarque également qu’il existe deux types d’artisans à l’intérieur de celui-ci que PICARD23
représente très bien, ici.
L’artisan traditionnel L’artisan entrepreneur
STRATEGIE
METIER
ENVIRONNEMENT
En effet, ces deux catégories n’ont pas la même représentation de l’organisation de l’entreprise.
L’artisan traditionnel se caractérise par une perception très artisanale du métier dans laquelle le
savoir détenu est considéré comme rare, pas ou peu reproductible, long à acquérir et difficile à
transmettre. L’environnement n’est pas perçu comme déterminant dans le fonctionnement de
l’entreprise. L’artisan entrepreneur, quant à lui, est vigilant sur l’évolution de l’environnement
et notamment sur celle qui est susceptible d’affecter la technique et l’exercice du métier.
22 Boutillier, Fournier, 2006. 23 Picard, La dynamique d’évolution de l’entreprise artisanale à la PME, Thèse de doctorat en Sciences de Gestion, Savoie, 2000.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 25
Le plus souvent, on rencontre le profil de l’artisan traditionnel qui représenterait plus de 70 %
des entreprises24. Il est important de tenir compte de ces deux profils d’artisans car leur
représentation de la compétence va nécessairement différer.
Marchesnay25 caractérise très bien la toute petite entreprise, selon :
L’importance du dirigeant qui prend en main l’ensemble des opérations et qui décide souvent
seul des décisions stratégiques.
La faible formalisation de la structure de l’entreprise : l’organisation du travail est peu
formalisée.
La forte sensibilité à l’environnement : les petites entreprises sont plus vulnérables mais
peuvent en percevoir les évolutions rapidement. Leur proximité avec le marché, les clients, les
fournisseurs, leur permet d’être très réactive.
On remarque alors que la spécificité de l’artisanat et la clé de beaucoup de questions se situent
au cœur du métier. Ce lien très fort existant entre l’entreprise et son dirigeant est à articuler
avec le lien savoir-faire et métier. Marchesnay montre très bien cet aspect et affirme que
l’entreprise artisanale est dotée d’une organisation basée sur les compétences des individus et
sur l’adhésion aux objectifs de l’entreprise. Cette organisation semble se fonder sur la notion de
confiance qui s’explique par une proximité de l’entreprise et de l’artisan et de ce dernier avec
ses salariés. On parle souvent « d’entreprise familiale ».
Enfin, toujours selon Marchesnay, la gestion s’appuie sur l’existence d’un système de
production où la ligne hiérarchique est déterminée par les compétences d’un triptyque : maître-
compagnon-apprenti dans lequel les relations se basent sur le savoir-faire : « L’artisan
s’estimant incompétent dans le métier de comptable, il répond aux contraintes de
administratives par l’utilisation d’un professionnel mais n’intègre pas ou peu les informations
dans sa propre gestion technique.
De même, il préfère employer son conjoint dans les formalités réglementées, perçues comme
improductives, pour se consacrer à la production, domaine privilégié de l’exploitation de son
savoir-faire. 26»
24 Picard, La dynamique d’évolution de l’entreprise artisanale à la PME, Thèse de doctorat en Sciences de Gestion, Savoie, 2000. 25 Marchesnay M. Management stratégique, Eyolles Université, Paris.
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On constate alors que l’artisan a plusieurs façons de concevoir la gestion de l’entreprise. Soit
il la considère comme « une corvée » qu’il repousse à la fin de la semaine car « il faut bien le
faire pour que ça tourne » où il la considère comme un plaisir qui lui procure une certaine
satisfaction. D’ailleurs, pendant notre mission, c’est le premier cas que nous avons le plus
souvent rencontré. Cependant, être artisan c’est maîtriser l’art et la gestion, il n’y a pas le
choix. Mais selon les personnes, l’accent est mis sur un point plus qu’un autre. On peut donc
distinguer trois types de modèles de gestion27 dans l’artisanat du bâtiment. L’artisan
gestionnaire, qui équilibre l’investissement dans le métier et le souci de la rentabilité
économique de son activité sans recourir à une mobilisation d’une force de travail sous-
rémunérée (femme-enfants-parents-travail non déclaré). Il met tout de même la main à la
pâte quand il le faut mais il ne sacrifie pas son amour du métier à l’enrichissement de son
entreprise en cherchant à maximiser ses profits. Nous avons pu rencontrer ce type de
gestionnaire lors d’un entretien. C’est le témoignage N°18 qui a une entreprise d’électricité
de 12 salariés à temps partiel une partie du temps.
L’autre partie du temps, il le consacre à son autre métier de sculpteur28
. Il affirme aimer son
métier mais ne pas vouloir le développer davantage puisque la gestion actuelle lui convient
parfaitement.
L’artisan « homme de l’art », est animé par la tradition. Il passe son temps sur les
chantiers dont il est le seul acteur. Il travail souvent en solitaire et se refuse à embaucher. Le
management des hommes ne l’intéresse pas, c’est le résultat concret qui compte et le travail
bien fait. Pour lui, la gestion est une corvée. Nous avons pu rencontrer beaucoup d’artisans
de ce type lors de notre enquête terrain. En effet, on le remarque au niveau du planning des
rendez-vous pour nos entretiens puisqu’ils ne mettent pas l’accent sur ce type de rendez-vous
pensant que cela relève de l’ordre administratif. De ce fait, nos entretiens se déroulaient
souvent en fin de journée ou en tout début de journée.
26 Marchesnay.M, L’artisanat dans un monde hypermoderne, Constructif n°9, Novembre, 2004 27 Traité de l’artisanat et de la petite entreprise, Sophie Bouteiller, Michel David, Claude Fournier, Editions Educaweb, 2009 28 Annexe 2, Témoignage 18, extrait de l’enquête « paroles d’artisan », C.Kammerlocher, CAPEB, 2011
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 27
Les chefs d’entreprise : ce profil accorde beaucoup d’importance à la dynamique
entrepreneuriale. Le développement de leur entreprise est un élément essentiel. Ce qui les
intéresse avant tout c’est d’être indépendant. Ils sont prêts à changer de métier si la
conjoncture évolue.
Ils passent plus de temps à gérer leur entreprise qu’à participer directement à la production.
Ils citent volontiers des collègues dont l’activité à sombré car ils n’accordaient pas
d’importance à la qualité de gestion de l’entreprise. Nous avons pu également rencontrer un
chef d’entreprise qui venait du secteur industriel et qui avait repris une entreprise de second
œuvre. La priorité de ce chef d’entreprise était de s’adapter à la conjoncture actuelle et de
développer son entreprise.
a) Les différentes stratégies de développement de l’entreprise artisanale
Comme nous l’avons vu précédemment l’artisan met toujours en avant le cœur de son métier
mais comme tout chef d’entreprise, il met en place différentes stratégies de développement de
son entreprise afin d’évoluer avec son environnement et s’adapter au marché qu’il ne perd pas
de vue même si le profit n’est pas son objectif premier. Ce qui va nous permettre de
comprendre encore mieux le fonctionnement de l’entreprise artisanale du BTP. Ainsi, dans le
Traité de l’artisanat et de la petite entreprise29
, les auteurs mettent en avant trois stratégies :
Collective :
C’est une stratégie non indépendante car elle correspond à la politique commerciale mise en
avant pour un groupe d’entreprise. Par exemple, le marché des électriciens où les diagnostics
sont obligatoires ainsi que la participation au développement de la télé-numérique. Cependant,
on constate que l’action collective est plus une somme d’actions individuelles traitées en partie
collectivement qu’une véritable action portée par l’ensemble des participants.
Individuelle :
Elle nécessite une bonne analyse de l’entreprise, du marché et une parfaite connaissance de son
métier. Pour se faire, le chef d’entreprise devra mobiliser toutes les ressources de son potentiel.
29 Claude Fournier, Sophie Bouteiller, Michel DAVID, Traité de l’artisanat et de la petite entreprise », Editions Educaweb, 2009.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 28
Hybride :
Suivant leur potentiel de ressources, les entreprises auront un penchant naturel pour l’une ou
pour l’autre de ces stratégies mais dans les faits les artisans ne sont ni libres ni égaux car ils
appartiennent à une filière professionnelle que bien souvent ils ne maitrisent pas en totalité.
Ces différentes stratégies, les artisans les utilisent en fonction de leur potentiel de ressources
mais ils ne semblent pas toujours avoir conscience de l’organisation dans laquelle ils se
trouvent. Il résulte qu’ils sont tout de même dans l’une de ces trois stratégies dans le but de se
positionner au mieux sur le marché et de s’adapter aux nouvelles technologies.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 29
III) L’artisanat du BTP et le concept de compétence
a) La représentation commune de la compétence
« Le terme « compétence » est présent dans tous les discours, dans tous les domaines. C’est
une notion complexe, un concept multifacette. 30
», qui depuis les années 1990 ne cesse d’être
explorée. L’objectif pour nous, ici, n’est pas de juxtaposer toutes les théories sur ce concept. Le
but est d’explorer la notion afin de dégager ce qui nous intéresse par rapport à notre étude.
D’après notre expérience terrain et suite aux différentes lectures sur cette notion, nous avons pu
déterminer une première approche de la notion de compétence. La définition de Guy Le
Boterf31
, dans un premier temps, distingue plusieurs types de compétences : « Savoirs
théoriques (comprendre et interpréter), procéduraux (procéder), expérientiels (savoir y faire,
savoir se conduire), sociaux (se comporter), savoir-faire procéduraux (procéder, opérer), savoir
faire cognitifs (traiter l’information, raisonner)". On remarque que la définition est certes très
précise mais encore large pour notre sujet d’étude.
En effet, dans l’esprit de l’artisan, la représentation semble se tourner, voire est axée sur le
métier, la technique, le savoir-faire. Ainsi, l’analyse de Katz32
, semble se rapprocher de la
représentation de l’artisan puisqu’il découpe la notion en trois : La compétence conceptuelle
(analyser, comprendre, agir de manière systémique), les compétences techniques (méthodes,
processus, procédures, techniques d’une spécialité), les compétences humaines (dans les
relations intra et interpersonnelles.). On retrouve alors cette idée traditionnelle de savoirs,
savoir-être-savoir, savoir-faire.
30 Dejoux Cécile, gestion des compétences et Gpec, Dunod, 2010 31 Le Boterf Guy, De la compétence, essai sur un attracteur étrange, Paris, Edition d’organisation, 1995. 32 KATZ, Skills of an administrator, Harvard business review,vol 51, 1974
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 30
Mais c’est dans la définition de Thierry Ardouin33
qui résume les différents courants de pensée
de cette notion, que l’on retrouve un aspect important qui est l’interaction entre l’individu et son
environnement, notion essentielle pour un artisan du BTP :"La compétence est la formalisation
d'une dynamique complexe d'un ensemble structuré de savoirs (savoirs, savoir faire, savoir
être, savoir agir, savoirs sociaux et culturels, savoirs expérientiels) mobilisés de manière
finalisée et opératoire dans un contexte particulier. La compétence est la résultante reconnue de
l'interaction entre l'individu et l’environnement.»
Cette idée d’interaction est un complément à la définition de Katz puisqu’on la retrouve dans la
conception artisanale de la compétence. Surtout, on constate que dans l’univers du BTP,
l’environnement est un point essentiel quant à l’organisation du travail.
Ainsi, si l’on ajoute la dernière définition de Guy Le Boterf34
, « La compétence n’est pas une
addition : considérer la compétence comme une somme ou une simple addition de ressources,
c’est raisonner en termes d’assemblages et non de combinatoire (…) Prenons un exemple
simple et tout aussi familier : savoir rouler en bicyclette sur une route suppose de savoir
pédaler, de savoir freiner, de savoir accélérer, de connaître le code de la route…Il est possible
de décomposer ces savoirs faire élémentaires, mais la compétence globale (savoir rouler en vélo
sur une route) ne se réduit pas à cette addition. Il existe une dynamique interactionnelle entre
ces éléments. «, À celles que nous venons de décrire nous obtenons alors une vue d’ensemble
intéressante du concept de compétence dans l’artisanat du BTP. En effet, certes, l’artisan
s’attache à la notion de savoir faire et à son environnement mais il y a cette « dynamique
interactionnelles » qui s’opère et dont il est nécessaire de prendre en compte pour tenter de
cerner le caractère insaisissable de ce concept.
Notre objectif, ici, n’est pas d’enfermer la notion, de la catégoriser mais plutôt de voir comment
elle se manifeste au sein de l’artisanat et surtout de savoir s’il influe sur son identité, son
organisation, son microcosme.
33 Ardouin.T, Cours « Analyse du travail, des emplois, des compétences », 2010. 34 Le Boterf Guy, Repenser la compétence, Eyrolles, 2010.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 31
b) Une représentation particulière de la compétence
Comme nous l’avons vu précédemment, l’image traditionnelle de l’artisan associe trois
dimensions : le métier, la petite entreprise et l’inscription locale. C’est en tenant compte de ce
contexte que l’on peut définir sa représentation de la compétence.
D’ailleurs, Jean-Claude Abric 35 montre que l’artisanat est un système complexe malgré les
apparences qui nécessite une approche particulière si on veut étudier les pratiques de ce monde.
Il définit la représentation sociale comme « le produit et le processus d’une activité mentale par
laquelle un individu ou un groupe d’individu reconstitue le réel auquel il est confronté et lui
attribue une signification spécifique ». Ainsi, la représentation se révèle être un véritable guide
pour l’action, elle est un système de « pré-codage » de la réalité car elle détermine un ensemble
d’anticipations et d’attentes. Ce qui signifie que l’artisan n’a pas une représentation commune
de la compétence mais qu’il lui attribue une spécificité qui va le guider dans ses actions.
Dans son étude sur les pratiques commerciales des artisans, il montre que ces derniers ont une
représentation bien à eux de la réalité du marché, cette réalité est « décodée, réappropriée et
aboutit finalement à un système de représentations qui est en partie explicatif des actes de ceux-
ci. Système individualisé, mais aussi, pour partie, collectivement partagé et élaboré. » Lorsqu’il
évoque la notion de collectivité, ici, il faut le lire comme « famille d’artisans » puisque c’est un
langage commun, une représentation commune mais propre à leur monde.
L’artisan semble alors être dans un monde à part avec des pratiques différentes des grandes
entreprises. A ce propos, J.C Abric a effectué une étude sur la représentation que le monde a de
l’artisan. Les mots qui reviennent le plus souvent sont « Travailleur manuel, amour du métier,
travail personnalisé, travail de qualité, apprenti ». Ces cinq mots formeraient, selon lui, le noyau
central (élément qui caractérise l’objet de la représentation sociale) de l’artisan.
Notre travail préparatoire à travers des entretiens et des enquêtes terrains nous permettra
d’analyser les pratiques de ce secteur et de comprendre quelle représentation précise l’artisan a-
t-il de la compétence et surtout qu’est ce qu’il attend de cette dernière pour organiser son
travail ?
35Abric Jean-Claude, Pratiques Sociales et représentations, PUF, 1994.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 32
c) La gestion des Ressources Humaines
Tout comme dans les grandes entreprises, les toutes petites entreprises artisanales sont
confrontées à des pratiques de Gestion des Ressources humaines. « La gestion des ressources
humaines est un ensemble de pratiques sociales qui participent à la quête de la
performance. »36
Ainsi, même si elles n’ont pas les mêmes moyens et les mêmes outils que
les grandes entreprises, les entreprises artisanales n’ont pas d’autres choix que de s’intéresser
à l’humain lorsqu’elle emploie des salariés justement pour satisfaire aux critères de
performance.
La plupart du temps, l’artisan a tendance à externaliser cette gestion des ressources humaines
puisqu’elle ne fait pas partie de son fonctionnement. Cette particularité de la petite entreprise
est paradoxale puisque d’un côté, on a une emprunte, une sorte de tradition « familiale » et
en parallèle, on gère cette notion de « compétences » à l’extérieur de l’entreprise. Entendons-
nous sur ce terme « GRH » dans la toute petite entreprise. L’artisan voit cette notion
purement comme la gestion administrative sans outils formels pour recruter, évaluer, ou faire
évoluer. Dans leur tableau des modèles de gestion, Pichault et Nizet37 montrent que le
dirigeant de la TPE fonctionne sur un modèle arbitraire. En effet, l’artisan, ne se réfère à
aucun critère prédéfini pour recruter ou évaluer.
Il fonctionne selon un mode informel, une culture esprit-maison avec un recrutement par
connaissances. Les artisans disent manquer de temps pour tout cela donc ils font appel à des
intervenants extérieurs pour gérer cette partie. Quant au recrutement, il délègue peu puisqu’il
a tendance à privilégier les liens de proximités dans sa gestion du personnel. Les relations et
le bouche à oreilles semblent être le premier recours de l’artisan. Ce type de comportement
est tout à fait rationnel car une recommandation par un proche est un gage de confiance.
Ainsi, le concept de ressources humaines n’a de sens, ici, que dans une dimension familiale
(conjoint, associés, enfants..).
36 Galambaud, Et si la GRH était de la gestion, Essai (Broché), 2002. 37Pichault et Nizet, Introduction à la théorie des configurations. Du « One best way » à la diversité organisationnelle, De Boeck, 2001.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 33
Pourtant, on constate à la CAPEB, que les artisans s’accordent avec le service RH qui
propose un accompagnement dans le recrutement mais ce n’est pas uniquement pour trouver
le candidat idéal mais pour gagner du temps. En effet, ils souhaitent avoir des outils pour
préparer un entretien et savoir quelles questions il est judicieux de poser car ce n’est pas leur
métier et ils le reconnaissent volontiers.
Ce qui nous conduit à penser que la motivation principale de l’artisan n’est pas de faire du
profit mais de vivre de son travail et de l’exercer en toute autonomie même s’il a un profil
traditionnel comme nous l’avons vu précédemment.
Ce qui semble être commun aux deux profils, c’est que l’artisan n’est pas étranger au marché
puisqu’il évolue avec son environnement.
Il se représente ce dernier d’un autre regard. Il analyse au « feeling ». C’est ce regard de
l’artisan qui va nous donner la clé d’entrée pour aller au cœur des métiers du bâtiment et
ainsi tenter de déterminer une logique compétence sachant qu’il ne semble pas être réticent à
laisser entrer des intervenants extérieurs à son entreprise.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 34
III) Le cheminement de la pensée à travers le monde artisanal du BTP
a)Questionnements
Au départ, notre premier questionnement portait principalement sur la démarche
compétences dans l’artisanat du BTP. En effet, ce que l’on nomme la démarche compétences
ou Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences, représente un dispositif de
GRH, encadré légalement, qui poursuit trois directions complémentaires : « Lire les besoins
RH en emplois et compétences et les comparer aux ressources humaines actuelles, anticiper
les besoins en emplois et compétences, dialoguer avec les partenaires sociaux sur les moyens
à mettre en œuvre. »38
. Ainsi, notre réflexion était celle-ci : Comment introduire une
démarche compétences dans une très petite entreprise ? C’est sur cette question que nous
avons pu construire notre enquête terrain. Puis au fil du temps et des entretiens avec les
artisans du BTP, notre vision a évolué. En effet, ne connaissant pas notre terrain, nous avons
appris à le découvrir et à nous poser d’autres questions du fait de nos différents constats
énoncés ci-dessus. En effet, nous avons donc pu effectuer trois grands constats basés sur la
recherche et en partie sur l’enquête terrain. D’une part, l’artisanat adhère à un système
identitaire qui fonctionne selon ses propres codes et dont le fonctionnement tourne autour de
la notion de « savoir-faire ».A partir de là, comment peut-on explorer un système identitaire
sans appartenir à cette « famille » ? De plus, son fonctionnement semble être complexe
puisque l’entreprise artisanale fonctionne selon un modèle de gestion particulier et
traditionnel. Donc, est-il possible et si oui comment modifier ou faire évoluer une
organisation déjà en place ? Enfin, on constate que la gestion des ressources humaines ne fait
pas partie de l’organisation interne de l’entreprise artisanale. De ce fait, comment intégrer
une démarche compétences si l’artisan, lui-même, ne l’a déjà pas intégré dans sa propre
organisation ? Ces différentes questions nous ont amené à faire évoluer notre problématique
et à nous rendre compte que la question de départ était trop restreinte puisqu’elle n’englobait
toutes les données (les valeurs, le langage, l’organisation, l’identité) de ce microcosme. En
effet, ne se contenter que de parler de la GPEC dans la structure organisationnelle artisanale
ne représente, qu’un champ, qu’une possibilité, qu’un seul côté de ce vaste monde complexe.
38 Dejoux Cécile, Gestion des compétences et GPEC, DUNOD, Paris, 2008
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 35
Bien évidemment, on ne peut pas tout explorer et étudier, il faut délimiter notamment
lorsque l’on traite des représentations. En ce sens, nous parlerons de « logique
compétences » au lieu de « démarches compétences » afin de mettre en lumière les
différentes possibilités liés à ce concept.
b) Problématique
L’entreprise artisanale du BTP est une TPE, cela implique qu’elle
fonctionne selon son propre modèle de gestion des ressources humaines
puisque cette dernière est issue d’un modèle traditionnel, avec ses codes et
ses valeurs. En ce sens, on peut dire qu’elle adhère à un système identitaire
spécifique qui fonctionne selon ses propres représentations de la notion de
compétence et qui se différencie de la PME. Un des objectifs de
l’entreprise artisanale en termes de logique compétence est de mettre en
place des stratégies qui lui permettent de concurrencer les grandes
entreprises afin de s’adapter à l’évolution du marché. La difficulté, ici, est
de savoir quelle logique compétence l’artisan adopte - t’- il pour
concurrencer la PME ? Comment fait-il évoluer sa représentation de la
compétence sans rompre avec le modèle traditionnel que lui confère sa
qualité d’artisan ?
B) Hypothèses
Hypothèse 1 :
L’artisan du BTP fait évoluer sa représentation de la logique compétence en utilisant
les stratégies RH des PME (Introduction de la GPEC, Formation aux nouvelles
technologies). Ainsi, développer un modèle de logique compétence, c’est introduire un
langage, une méthode, un savoir structuré et structurant qui conditionne les chefs
d’entreprises à une nouvelle représentation de l’usage de la notion de compétence et
donc qu’ils s’engagent vers un nouveau mode de management.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 36
Hypothèse 2 :
L’artisan du BTP souhaite garder son modèle traditionnel de logique compétence qui
est celle de l’apprentissage d’un métier ou de la transmission intergénérationnelle des
savoirs et il l’a fait évoluer à l’intérieur de l’entreprise. C’est une stratégie qui lui
permet de s’adapter au marché.
IV) Quelle mission pour quelles méthodologies ?
I) La découverte du monde artisanal
a) Objectifs : Connaître la cible /son environnement/les pratiques de
l’organisation.
Dans la mesure où nous ne connaissions pas notre terrain, nous avons participé au préalable
à une action au sein du service ressources humaines nous permettant de nous familiariser
avec notre public qui est le chef d’entreprise de la très petite entreprise du bâtiment.
L’objectif, ici, était de réaliser une action de mutualisation et de communication sur la
gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les entreprises du bâtiment.
Ainsi, nous avons pu assister à certaines étapes de la Démarche Compétences qui est, dans
les grandes lignes, un ensemble de dispositifs qui permet, par l’évaluation des compétences
des salariés, d’adapter l’entreprise à son marché. L’objectif pour nous était de comprendre le
fonctionnement de cette démarche dans le but de réaliser notre mission. Pour cela, nous
avons pris connaissance de l’outil utilisé par les chargés de missions auprès des entreprises.
L’outil d’évaluation des compétences39
L’outil d’évaluation est construit sur le logiciel Excel, ce qui est la plus grande difficulté
pour les artisans, en effet la progression dans une démarche d’évaluation est intuitive et
linéaire.
Le premier pas de la démarche consiste à définir les métiers de l’entreprise, c’est un
inventaire des tâches à effectuée dans l’entreprise.
39 Outil CAPEB Haute Normandie
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1 : Extrait de l’outil de la démarche compétences : source CAPEB
Cette première étape permet de découvrir l’architecture de l’outil. Les lignes surlignées en
marron répertorient le ou les métiers de l’entreprise, en bleu il s’agit des missions, en jaune
les activités et enfin en blanc nous avons les tâches. L’entrepreneur peut modifier à l’infini
ses métiers.
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2 : Extrait de l’outil de la démarche compétences : source CAPEB
Cette seconde étape consiste à définir le profil de poste, il s’agit des compétences attendues
par le chef d’entreprise. On retrouve les quatre modalités d’évaluation (notion élémentaire,
en cours d’acquisition, pratique courante, autonomie). Par la suite le salarié se positionne sur
le profil. Le chef d’entreprise part de la vision du salarié et peut effectuer des modifications
qu’il pourra expliquer au salarié pendant l’entretien professionnel. Par exemple, si un salarié
se positionne en autonomie sur une tâche et que le chef d’entreprise n’est pas d’accord, il
s’accordera avec le salarié sur les raisons de ce changement lors de l’entretien individuel.
Ainsi, depuis 2007, de nombreuses entreprises ont été accompagnées dans le cadre la GPEC
avec cet outil. A ce jour, 35 entreprises ont mis en place des entretiens professionnels et plus
de 40 des plans collectifs de formation, d’autre encore ont travaillé sur l’anticipation de
départ à la retraite, la réorganisation de leur structure RH ou la transmission de leur
entreprise. Pour la CAPEB, Il apparaissait nécessaire de mutualiser et de communiquer sur
ces actions en vue de toujours être au plus près des besoins des entreprises.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 39
Dans un premier temps, nous avons travaillé sur le recueil de témoignages de 28 entreprises.
Pour cela, il a été nécessaire de créer un guide d’entretien40
, contacter et prendre rendez vous
avec les différentes entreprises concernées, mener les entretiens et rédiger les témoignages.
Dans un second temps, nous avons mené une étude sur l’accompagnement GPEC proposée
par la CAPEB dans ces mêmes entreprises. Nous avons alors dû rédiger un guide d’enquête
de satisfaction, recueillir l’ensemble des enquêtes terrain, organiser et animer 3 réunions
d’échange avec les artisans, analyser les résultats et proposer un plan d’action. Nous avons
nommé ce recueil « paroles d’artisans » car l’objectif était de rédiger « mots pour mots » ce
que nous racontaient ces derniers. Nous souhaitions garder l’esprit de ces derniers.
La définition de cette première action était importante puisqu’elle nous permet d’établir les
prémices de notre mission développement de la formation continue. En termes d’apports,
cette mission a été très riche et bénéfique puisqu’elle nous a permis dans un premier temps
d’adopter le langage et les codes de l’artisan par le biais des échanges lors des témoignages.
Ensuite, le récit du parcours des artisans nous a donné des indications sur les orientations
formatives des toutes petites entreprises ainsi que sur leurs organisations. Enfin, la
Démarche Compétences proposée par la CAPEB permet au chargé de mission de définir les
axes principaux des besoins en formation. En résumé, cette expérience nous a ouvert le
chemin pour organiser notre mission.
b) L’enquête exploratoire
o Choix méthodologiques
Nous avons souhaité opter pour une méthode qualitative appuyée sur des entretiens semi-
directifs pour plusieurs raisons :
Tout d’abord, notre objectif est « d’expliquer en compréhension un problème »41, c'est-à-dire
recueillir le point de vue de professionnels dans des situations précises.
40 Guide d’entretien présenté ci-après 41 Lescouarch.L, Approches méthodologiques, Cours Master 2 Pro ICF, 2010.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 40
D’autant plus que nous sommes dans le champ des représentations, ce qui nécessite des
explications, des récits, des situations. « Les entretiens se distinguent par la mise en œuvre des
processus fondamentaux de communication et d’interaction humaine »42
Il nous semblait donc
indispensable de nous entretenir avec les artisans du BTP et d’adopter cette démarche.
Ensuite, les artisans ont peu de temps à nous consacrer, de ce fait, en optant pour ce choix
méthodologique, nous pouvions proposer des thèmes qui leur permettaient d’aller à l’essentiel.
Le recueil de témoignages faisait partie de notre commande, le choix de la méthode était
évident et en même temps discuté avec P. Dufour lors de la rédaction de la commande. En effet,
l’un des objectifs de cette enquête était de nous laisser mener l’entretien dans le cadre de notre
recherche afin qu’elle puisse nous orienter dans la mission. Nous étions donc autonomes sur le
choix des questions et les méthodes d’entretien.
Enfin, le fait de poser des questions semi-directives permettait à l’artisan de s’exprimer
librement, de nous faire découvrir leur métier. Nous obtenions ainsi cette spontanéité que l’on
retrouve dans la culture artisanale. Le chercheur « facilite cette expression, évite qu’elle
s’éloigne des objectifs de la recherche et permet à son vis-à-vis d’accéder à un degré maximum
d’authenticité et de profondeur. »43
o Choix de l’échantillon
L’identification de l’échantillon a été facilitée par le lieu du déroulement du stage puisque les
dirigeants rencontrés avaient été accompagnés par la CAPEB pour un recrutement ou dans le
cadre d’une démarche compétences. De ce fait, le contact était plus aisé.
La taille : Les entreprises ciblées sont des TPE de moins de 10 salariés. Ce sont, en effet les
professionnels, qui sont le moins sollicités en ce qui concerne la gestion des ressources
humaines. En effet, dans les grandes entreprises, la gestion des RH est interne.
Le secteur géographique : Les professionnels rencontrés se situent dans les départements de
l’Eure ou de la Seine maritime, dans des secteurs ruraux ou urbains. L’objectif était d’avoir un
vaste échantillon pour avoir une vue d’ensemble générale sur l’organisation de l’entreprise
qu’elle soit située à la campagne ou en ville.
42 Quivy.R, Campenhoud.R, Manuel de recherche en sciences sociales. 43 Ibidem
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 41
Le public : Nous avons rencontrées 28 dirigeants d’entreprises du Bâtiment et des Travaux
Publics, de tout corps d’état et de tous âges, hommes ou femmes. Nous n’avons pas consultés
leurs salariés pour une question de temps mais aussi car notre étude porte sur la représentation
de la compétence par l’artisan lui-même, au sein de son organisation.
Tableau récapitulatif des dirigeants rencontrés en 2010-201144
N° Effectif
salarié
Activité et Zone
géographique
Age Sexe
1 3 Peinture, 27 50 H
2 2 Plomberie, 76 46 H
3 11 Plomberie, 76 45 H
4 9 Plomberie, 76 40 H
5 1 Electricité, 76 46 H
6 1 Couverture, 27 37 H
7 5 Clôtures et portails 33 H
8 1 Plomberie, 27 48 H
9 4 Couverture, 27 42 H/F
10 1 Plomberie-
Electricité, 76
35 H
11 3 Maçonnerie, 76 46 H
12 6 Electricité, 27 52 H
13 1 Peinture, 76 46 H
14 10 Maçonnerie, 76 44 H
15 10 Plomberie, 76 42 H
44 Annexe 2 : Retranscription des 28 entretiens.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 42
16 3 Isolation naturelle,
76
47 H
17 5 Métallerie, 76 50 F
18 12 Electricité, 76 41 H
19 2 Plomberie, 27 42 H
20 4 Peinture, 76 45 H
21 3 Energies
renouvelables, 76
25 H
22 3 Peinture, 76 33 H
23 6 Plomberie, 27 36 H
24 1 Maçonnerie, 76 26 H
25 2 Electricité, 76 41 H
26 10 Peinture, 27 53 H
27 10 Plomberie, 27 52 H
28 5 Plaquiste, 76 46 H
o Recueil des données
Guide d’entretien
Notre guide d’entretien porte sur l’accompagnement au recrutement ou à la démarche
compétences proposées par la CAPEB Haute Normandie. Nous avons donc élaboré trois grands
thèmes : Le contexte dans lequel se trouvait l’entreprise avant l’intervention de l’organisation
professionnelle, le déroulement de l’intervention et le développement de l’entreprise.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 43
I) Contexte de l’entreprise avant l’intervention de l’organisation professionnelle
Questions Reformulations possibles
Q1 :Pouvez-vous me parler de votre
parcours ? Etes-vous issu d’une famille d’artisans ?
Pour quelles raisons avez-vous crée votre
entreprise ?
Pouvez-vous me parler de votre entreprise ?
Q2 : Dans quel contexte avez-vous fait
intervenir l’organisation
professionnelle ?
Comment êtes vous entré dans une démarche compétences ?
Pour quelles raisons avez-vous fait appel à
une intervention extérieure ?
II) Déroulement de l’intervention
Q3 : Comment cette intervention s’est
elle déroulée ?
Remplacement du mot « intervention » par
« recrutement » ou « démarche
compétences » en fonction de ce qui a été
réalisé par l’entreprise.
Q4 : Comment les salariés ont-ils perçu
cette démarche ?
Qu’avez-vous pu constater ?
Les salariés ont-ils compris la démarche ?
III) Développement de l’entreprise
Q5 : Quels sont les projets de
l’entreprise ?
Comment envisagez-vous l’avenir ?
Aujourd’hui, où en êtes vous ?
Q6 : Qu’est ce que cette intervention
vous a permis de découvrir sur vos
salariés ?
Avez-vous découvert de nouvelles compétences chez vos salariés ?
Q7 : Depuis, avez-vous mis en place
une autre organisation ?
Que retirez-vous de cette expérience ?
Difficultés rencontrées :
Les difficultés rencontrées ont été moindres. En effet, les dirigeants nous ont consacrés le temps
nécessaire à la bonne réalisation des entretiens. Ils ont été très accueillants et ont montré leur
fierté de représenter leur métier.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 44
Nous avons enregistré et effectué la retranscription de chaque entretien. La durée variait de 30
minutes à 2 heures. Ensuite, nous avons fait valider ces derniers par chaque dirigeant en leur
envoyant la retranscription par mail. Il était important de retranscrire au plus proche chaque
entretien afin de ne pas dénaturer les propos.
Les seuls points de difficultés notés sont :
Ce sont les conjointes d’artisan qui ont parfois répondu à notre interview. Nous avons
également eu le cas de couple, famille (dirigeants et enfant salarié de l’entreprise) ou plusieurs
dirigeants d’une même entreprise. Cependant, nous avons souhaité garder ses quelques entretiens
car ils ont confirmé l’importance de la famille dans l’organisation de l’entreprise.
Le dictaphone mettait certains artisans mal à l’aise. De ce fait, nous avons du rédiger les
propos et arrêter l’enregistrement afin d’obtenir une interview davantage spontanée.
Il est arrivé également que certains artisans nous disent que les mots employés tels que
« nos gars » ou « apprendre sur le tas » ne leur semblaient pas représenter le statut du chef
d’entreprise. Nous les avons rassurés en leur indiquant qu’il était important de ne pas changer leur
propos afin de ne pas « fausser » l’entretien. Nous avons également ajouté que la majorité des
artisans interrogés utilisaient le même langage.
Il est nous est arrivé de devoir aller sur le chantier car l’artisan ne pouvait pas se rendre
disponible hors temps de travail. Nous pensions que l’entretien allait être difficile mais ce fût une
expérience intéressante car l’artisan est dans son environnement et s’exprime plus aisément.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 45
Objet de l’entretien et indicateurs
Le premier thème portait sur la situation de l’entreprise avant toute intervention extérieure. Les
questions sous-jacentes visaient à connaître les origines de l’entreprise en générale afin
d’observer son mode de fonctionnement et plus précisément la représentation de la gestion des
ressources humaines. L’objectif était d’observer quelle était la représentation de la compétence
avant l’intervention de l’organisation professionnelle. De plus, nous souhaitions savoir si le
chef d’entreprise organisait son entreprise selon son parcours, ses origines et s’il y avait une
représentation commune à tous les artisans de l’organisation de l’entreprise.
Quant au second thème, il nous a permis de connaitre le ressenti du chef d’entreprise mais
également du salarié à travers son regard, sur l’accompagnement mis en place par l’organisation
professionnelle. On peut nous reprocher de ne pas avoir interrogé les salariés, cependant,
mobiliser les salariés auraient été une tâche difficile pour une question de temps. De plus,
l’objet premier de cette enquête est d’explorer l’organisation de l’entreprise artisanale du point
de vue du dirigeant.
Ainsi, cette seconde partie nous a permis d’observer un changement ou non validé par le dernier
thème qui porte sur les projets de l’entreprise suite à l’intervention de l’organisation
professionnelle. En effet, connaître les projets de l’entreprise nous indiquaient si l’entreprise
avait changé sa représentation et si elle avait envisagé des formations pour ses salariés.
o Analyse des données
L’enquête exploratoire n’a pas pour but de valider les hypothèses ou de répondre à notre
problématique puisque nous n’avions pas encore élaboré une problématique précise à l’époque
de la passation de ces entretiens. Elle nous a permis d’élaborer des constats. Ainsi, lorsque nous
avons construit notre enquête complémentaire, nous avons conservé certains éléments de
réponses puisque une fois la problématique élaborée, nous avons pu observer que nous avions
également des réponses dans cette première enquête. De ce fait, lorsque nous traiterons
l’enquête complémentaire, nous utiliserons également cette première source.
Chaque entretien retranscrit a été analysé question par question en fonction des trois thèmes
cités précédemment dans la grille d’entretien de manière longitudinale.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 46
Nous avons alors repris les éléments du discours qui nous ont permis d’élaborer les constats
suivant selon les méthodes d’analyses qualitatives de Philippe Wanlin45
: « L’opération de
catégorisation consiste en l’élaboration ou en l’application d’une grille de catégories, c'est-à-
dire des rubriques rassemblant des éléments ayant des caractères communs sous un titre
générique, et en la classification des données du corpusiv dans celles –ci. »
Thème 1 : Contexte de l’entreprise avant l’intervention de l’organisation professionnelle
Constat 1 :L’artisan du bâtiment est souvent issu d’une famille d’artisan et/ou est formé par
le biais de l’apprentissage.
La plupart des artisans interrogés sont issus d’une famille d’artisans ou ont travaillé en tant que
salariés dans l’artisanat suite à un apprentissage. En effet, on remarque à travers les éléments du
discours énoncés ci-dessous que les artisans accordent une importance et une crédibilité aux
origines. On remarque également qu’ils choisissent d’appartenir à cette famille dont ils
semblent être fiers. L’apprentissage du savoir-faire s’effectue dès leur plus jeune âge ou par la
transmission des savoirs par la famille.
Eléments du discours46
:
N°3 : « A 15 ans, j’ai commencé mon apprentissage en plomberie. »
N°6 : « J’ai un CAP de couverture. J’ai travaillé pendant 15 ans dans une entreprise de
rénovation. »
N° 7 : « J’ai décidé de rejoindre mon père artisan dans la pose de clôtures et de portails en tant
qu’ouvrier.»
N° 10 : « J’ai un CAP/BEP qui m’a permis de travailler chez un artisan électricien. »
N°11 : « Dès mon plus jeune âge, j’ai voulu être maçon »
N°15 : « J’ai travaillé dans l’entreprise que j’allais reprendre par la suite »
N°20 : « J’ai commencé avec un CAP de peinture dans le pays de Caux. »
N°21 : « Nous avons crée la société à deux, mon frère et moi »
N°27 : « Depuis l’âge de 16 ans, je suis dans la profession.
45 Philippe Wanlin, L’analyse de contenu comme méthode d’analyse qualitative d’entretiens : Une comparaison entre traitements manuels et l’utilisation de logiciels, Recherche qualitative, Hors Série, numéro 3, Association pour la recherche qualitative, 2007 46 Se référer aux numéros de la grille récapitulative des dirigeants rencontrés.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 47
Constat 2 : L’organisation de l’entreprise artisanale est basée sur la notion de « savoir-faire »
du fait de ses origines. La gestion des ressources humaines n’est pas inhérente à l’entreprise.
L’artisan affirme qu’elle ne relève pas de sa compétence.
Notre enquête montre, en effet, que la compétence tourne autour du métier et du savoir-faire.
Lorsque le chef d’entreprise décide de recruter un salarié, il fonctionne au feeling et axe son
entretien sur le savoir-faire. Il en a conscience puisqu’il l’exprime et affirme même qu’il est
nécessaire de faire appel à des intervenants extérieurs pour recruter, d’une part car « c’est un
gain de temps », d’autre part car la gestion des ressources humaines ne fait pas partie de leur
domaine de compétences.
N° 3 : « Le chargé de mission a une technicité autre que le cœur de notre métier. »
N°4 : « On ne sait jamais comment faire car on n’a pas les méthodes, ce n’est pas notre fer de
lance. Ce n’est pas du tout mon truc, je vois une personne qui a une bonne tête et je me dis que
cela va le faire. »
N°6 : « J’ai eu le Cv d’un jeune de 22 ans que j’ai reçu en entretien. Je lui ai surtout posé des
questions techniques. »
N°9 : « Je ne sais pas recruter. On ne sait pas toujours poser les bonnes questions. »
N°11 : « Mon avis est professionnel, plus technique alors que le chargé de mission va s’occuper
de tout le reste. C’est important car avant je recrutais au feeling et ce n’était pas forcément
bon. »
N°12 : « C’est une autre méthode d’analyse, les gens ne peuvent pas tout savoir. »
N°24 : « Je suis un gars du bâtiment, j’ai tendance à tester les personnes « en leur rentrant un
peu dedans », pour voir si elles sont caractérielles alors que le chargé de missions fait les choses
avec diplomatie, on sent que c’est son métier, il met les formes. »
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 48
Thème 2 : Déroulement de l’intervention
Constat 3 : La gestion des ressources humaines lorsqu’elle est externe à l’entreprise, rassure
le dirigeant et ses salariés sur leur organisation. Les salariés se sentent alors valorisés.
Les entretiens ont montré que les salariés des entreprises artisanales du bâtiment se sentaient
rassurés par la démarche compétences proposée par l’organisation professionnelle. En effet, au
premier abord, on pourrait penser que cela va être difficile d’entrer au cœur d’une entreprise
soudée par les liens de l’artisanat. Cependant, les résultats montrent au contraire que les salariés
apprécient cette démarche car elle les valorise. De plus, elle démontre l’intérêt que porte le
dirigeant à ses salariés. Ces derniers peuvent ainsi prendre le temps d’exprimer par le biais de
l’écrit leur souhait, leur projet ainsi que de référencer toutes les compétences. De ce fait, le
dirigeant découvre parfois des compétences « cachées » ou des projets d évolution qu’ils
n’auraient jamais pu connaître sans cette méthode. Pour certains, cette intervention fût une vraie
révélation (N°18) et une réelle prise de conscience de l’importance d’avoir une méthodologie
qui permette de faire évoluer les compétences des salariés.
N°1 : « La démarche compétences peut-être une feuille de route pour les jeunes apprentis. »
N°2 : « La démarche a confirmé ma vision de l’entreprise. »
N°5 : « Ils ont vu que ce n’était pas un jugement, ils l’ont bien perçu. Cela les a fait s’auto-juger
dans le bon sens. Cette démarche les a valorisés. »
N°8 : « Je souhaitais leur faire prendre conscience d’un éventuel développement en vue
d’organiser des équipes et de les responsabiliser. »
N°10: « Il a eu confiance et a compris que c’était pour lui. »
N°13 : « Cela les a fait avancer. Ils se positionnent un peu mieux. »
N°14 : « Ils veulent se perfectionner et persévérer dans leur boulot. »
N°15 : « Il est important de penser au quotidien des gars même si le but de l’entreprise est de
gagner de l’argent. »
N 17 : « Ils ont compris que le but n’était pas de les surveiller mais d’évaluer leurs compétences
et de comprendre quels étaient leurs besoins. »
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 49
N°18 : « Je me suis aperçu qu’il y avait des gens dans l’entreprise qui faisaient des choses que
je ne savais pas. »
N°21 : « Cette démarche a permis de pointer les éléments qui valorisent les salariés. »
N°22 : « La démarche compétences consistait à évaluer les compétences de mes salariés, mettre
en valeur mes salariés, voir ce qu’ils savent vraiment faire et surtout faire un plan d’avenir avec
eux. »
N° 25 : « Ce travail nous a permis d’évaluer les besoins en formation des salariés, et surtout de
palier le décalage entre ce qu’on pensait des salariés et ce qu’ils savent réellement faire. »
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 50
Constat 4 : Le chef d’entreprise à la volonté de faire évoluer les compétences de ses salariés
Nous avons vu que les artisans du bâtiment avaient découvert ou pris conscience de
l’importance d’une méthodologie qui leur permette de faire une sorte d’état des lieux des
compétences des salariés et ainsi d’organiser des plans de formation. Cette méthode de travail
leur manquait car elle ne fait pas partie de leur spectre de compétences. Cependant, on
remarque que pour la majorité, leur principale préoccupation était de faire évoluer les
compétences des salariés mais qu’ils ne savaient pas vraiment comment s’y prendre. La
démarche compétences ou l’accompagnement au recrutement proposé par l’organisation
professionnelle leur a permis de structurer leur organisation et de permettre aux salariés
d’effectuer des formations.
N°1 : « Je voudrais leur donner des tâches en amont du chantier pour qu’ils soient plus autonomes. »
N°7 : « Elle a trouvé de bons organismes de formations qui m’ont permis d’améliorer mes
compétences. »
N°10 : « Mon but est de le former à l’image de l’entreprise pour le garder le plus longtemps
possible. »
N°11 : « Les gars vont effectuer des formations : Le brevet de secourisme et le permis E. »
N°12 : « Certains ont effectué des formations, à savoir : habilitations, CACES, installation
antenne TV, secourisme… »
N°13 : « L’avantage des formations, c’est de pouvoir actualiser nos connaissances et nos
méthodes de travail. »
N°14 : « On essaie d’être à l’écoute et de répondre à leurs attentes. »
N°17 : « J’ai pu également faire évoluer un de mes salariés qui a des difficultés à lire et à
écrire. »
N°19 : « Mon ouvrier a fait une formation « code de gaz » pour qu’il puisse m’aider au
quotidien. »
N°20 : « Il a fallu que j’aille bosser avec lui sur le chantier pour qu’il devienne autonome. »
N°28 : « On a commencé à mettre en place le suivi des salariés et un plan de formation a été
programmé. »
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 51
Thème 3 : Développement de l’entreprise
Constat 5 : Une méthode de gestion des ressources humaines permet à l’entreprise du
bâtiment de mettre en place des stratégies qui permettent aux artisans de s’adapter au marché
et à son environnement.
Plus loin que la gestion des ressources humaines, les dirigeants ont pu envisager de nouvelles
perspectives pour leur entreprise. En effet, en développant les compétences de leurs salariés, ils
peuvent élaborer de nouvelles stratégies qui leur permettent d’évoluer avec leur environnement
et de conquérir de nouveaux marchés. L’objectif est souvent d’agrandir l’entreprise, de recruter
ou d’envisager de nouveaux marchés, non pas pour devenir une très grande entreprise, mais
plutôt pour être aussi performant que les grandes entreprises en formant une sorte de corps
d’état complet d’où le slogan « L’artisanat, première entreprise de France ».
N°5 : « Nous souhaiterions développer notre chiffre d’affaires et pourquoi ne pas recruter de
nouveau. »
N°6 : « Mon objectif serait d’arriver à 4 ou 5 salariés. »
N°8 : « Elle nous a permis de gagner du temps sur l’organisation des chantiers car ce n’était pas
clair. »
N°10 : « Le but est de nous agrandir et développer l’entreprise sur d’autres activités. »
N°11 : « A l’ avenir, j’aimerais que l’entreprise grandisse un peu. »
N°12 : « Je voulais avoir une stratégie pour l’entreprise. »
N°13 : « Il faut impérativement le faire pour que les entreprises puissent évoluer »
N°16 : « Le but est de développer l’activité. Le marché s’ouvre et l’activité ne peut
qu’augmenter. »
N°17 : « On aimerait obtenir le label Handibat47
. On va travailler dans ce sens afin d’être les
premiers sur ce type de marché. »
47 HANDIBAT : Label attribué aux entreprises qui souhaitent se positionner sur le marché de l’adaptation des logements aux personnes à mobilité réduite.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 52
Constat 6 : La gestion externe des ressources humaines structure l’organisation et conduit le
dirigeant à une nouvelle représentation de son mode de management.
Précédemment, nous évoquions une certaine prise de conscience du besoin en « méthodologie »
au niveau des ressources humaines. Cette prise de conscience amène l’artisan à reconsidérer son
organisation de départ et ainsi revoir certains modes de fonctionnement, redistribuer les rôles,
mettre un cadre dans l’organisation de l’entreprise. En analysant les discours, nous avons
décodé une envie des dirigeants d’aller vers un renouveau de l’organisation de l’entreprise en ce
qui concerne le management.
N°1 : « Ma vision de l’entreprise a évolué. Je suis confiant et conforté dans mes perspectives. Grâce à la démarche, je fais évoluer la gestion de mon équipe. »
N°4 : « On casse un système établi naturellement. On essaie de perdre les mauvaises habitudes
prises au départ. J’essaie de suivre une base construite pour m’aider. »
N°16 : « Cette démarche m’a permis de poser un cadre. »
N°12 : « La réorganisation devrait permettre une plage hebdomadaire de l’activité
professionnelle plus large afin de répondre à une demande de plus en plus pressante de nos
clients. »
N°16 : « Cela a permis de clarifier les choses et de ne pas aller dans tous les sens. Il y a une
trame, on va vers quelque chose, on ne va pas dans le vide. »
N°17 : « La GPEC est une démarche intéressante car elle aide à situer qui doit faire quoi. »
N°18 : « L’organisation interne a également changé(…) On ne changera rien fondamentalement
mais on va s’améliorer. »
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 53
c) Limites et ajustements
Nous avons réalisé une enquête exploratoire qui nous a permis d’élaborer notre problématique.
Ainsi, même si nous avons obtenu des éléments de réponses aux hypothèses, notamment à
l’hypothèse 2, cette enquête ne nous permet pas de répondre à la problématique dans sa totalité
puisque la question de départ était : « Comment introduire une démarche compétences dans une
très petite entreprise ? » et qu’elle a évolué pour arriver à une problématique réellement
structurée.
Ainsi, dans un souci de transparence et de crédibilité par rapport à cette enquête, nous avons
relevé les failles de cette précédente afin d’ajuster et de construire sur cette base une nouvelle
enquête qui pourra vérifier nos hypothèses dans leur intégralité.
Nos ajustements se sont portés sur :
Le choix du public : Nous nous sommes entretenus qu’avec les artisans ayant bénéficiés d’un
accompagnement au recrutement ou d’une démarche compétences proposées par l’organisation
professionnelle dans laquelle nous avons effectué le stage. Nous avons donc décidé de
compléter l’enquête avec des entretiens de dirigeants n’ayant pas nécessairement bénéficiés de
cette intervention.
Le concept de compétence : Lors de cette enquête nous n’avons pas interviewé les artisans sur
leur représentation de la compétence. En effet, même si nous nous en avons une première
interprétation et nous savons que cette notion tourne autour du savoir-faire, nous n’avons pas
une définition précise de cette dernière. Or, comment traiter notre problématique si nous
n’avons pas comme point de départ la représentation du dirigeant sur cette notion de
compétence ?
La question de la logique compétence n’est pas traitée en totalité puisque lorsque nous avons
réalisée cette enquête, nous sommes nous sommes entretenus avec des dirigeants qui étaient
entrés dans une telle démarche. Or, il aurait été intéressant de les interviewer avant une
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 54
quelconque intervention afin d’avoir une vue objective et complète de leur représentation. De
ce fait, nous prendrons en compte cet aspect dans notre nouvelle enquête.
II) L’enquête complémentaire
Nous avons réalisé l’enquête complémentaire lors de notre mission. Cependant, cette dernière
ne correspond pas au sujet de notre recherche. De ce fait, nous avons souhaité poursuivre avec
l’enquête complémentaire afin de montrer le lien entre les deux enquêtes et ainsi pouvoir
répondre à la problématique de recherche.
A) Choix méthodologiques
- L’analyse longitudinale
Comme dans l’enquête exploratoire, nous avons décidé d’utiliser une méthode qualitative. Cela
nous semblait justifié puisque nous avions pour objectif de compléter cette enquête afin de
vérifier les hypothèses. Cependant, notons que dans l’enquête exploratoire, nous n’avions pas
toutes les données nous permettant de répondre à la problématique de base, de plus, les
catégories exposées sont censées vérifier les hypothèses de départ. Or, nous ne les avons pas
vérifiées puisque cette dernière nous a surtout permis d’élaborer des constats et de construire
notre problématique. De plus, nous ne pouvions pas nous servir en totalité de cette enquête pour
répondre à la problématique de recherche car elle était incomplète.
Ainsi, nous avons suivi la méthode proposée par L.Lescouarch48
en ce qui concerne l’enquête
qualitative. Nous avons tout d’abord procédé par une analyse longitudinale dans laquelle
« chaque élément du corpus est analysé à partir de catégories permettant d’en interroger le
contenu. ». Nous avons donc construit 17 fiches d’entretiens49
selon le modèle suivant :
Catégories Propos Analyse
48 L.Lescouarch, Méthodologie de l’enquête qualitative, Cours Master 2 ICF, 2010. 49 Annexe 3 : L’analyse longitudinale : Les 17 entretiens
B) Choix de l’échantillon
La taille : Comme dans la première enquête, nous avons ciblé des TPE de moins de 10 salariés.
Le secteur géographique : Nous avons sélectionné les secteurs 27 et 76, villes ou campagne afin
d’avoir un large échantillon.
Le public : La plupart sont des hommes de tous les âges, il y a également un couple d’artisans.
Nous n’avons pas eu l’opportunité de rencontrer des femmes chefs d’entreprises pour cette
enquête car elles n’étaient pas disponibles.
Tableau récapitulatif des artisans du BTP rencontrés :
Numéro Sexe Age Nombre de
salariés
1 H 32 3
2 H 57 2
3 H 27 1
4 H 50 4
5 H 40 2
6 H 43 8
7 H 30 4
8 H 45 3
9 H 56 4
10 H/F H/36
F/35
4
11 H 40 2
12 H 42 3
13 H 45 3
14 H 43 4
15 H 39 3
16 H 50 8
17 H 60 5
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 56
C) Difficultés rencontrées
La question : « Qu’attendez-vous d’une personne compétente » a suscité beaucoup
d’incompréhension et de redondance car les artisans répondaient le plus souvent
« Bah…qu’elle soit compétente. ». De ce fait, nous avons reformulé cette question par
« Selon vous, qu’est-ce qu’une personne compétente ? ». Les artisans ont eu des
difficultés à répondre car c’est une notion abstraite pour eux, les réponses n’étaient donc
pas spontanées.
L’enregistrement des entretiens ont souvent été interrompus car les artisans étaient mal à
l’aise et moins spontanés dans leur réponse. De ce fait, nous avons, à leur demande,
arrêté l’enregistrement et nous avons pris des notes.
Comme dans la première enquête, le temps était imprévisible. Nous avions prévu 30
minutes environ mais il nous est arrivé de rester 2 heures avec un artisan soit car nous
étions interrompu par la vie de l’entreprise soit parce que certains artisans nous
présentaient leur atelier, leur métier ou leur entreprise, ce qui était très enrichissant.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 57
D) Recueil des données
- L’analyse transversale
Les 17 fiches construites précédemment, nous ont permis d’entrer dans la seconde phase
d’étude qui est l’analyse transversale et qui permet de comparer les éléments entre eux et de
réduire les données qualitatives sans en perdre la complexité. Nous avons donc opéré
comme le préconise L. Lescouarch, selon une méthode artisanale avec des codes couleurs.
Légende :
Parcours et origines – Modèle de logique compétence traditionnel- Représentation de la
compétence-Modèle de gestion-Représentation de la formation
Puis, nous avons organisé les données plus générales qui nous ont permis de conceptualiser.
Cette méthode nous a donné une véritable vue d’ensemble sur les éléments à mettre en
lumière pour la vérification des hypothèses.
Opération de codage :
Codage Critères
BS Formulation d’un besoin de structure dans le développement
des compétences.
MT Formulation d’un sentiment lié à l’appartenance d’un modèle
traditionnel dans le développement des compétences.
FS La formation est une stratégie pour répondre au marché.
Nous avons tenu à présenter les tableaux de résultats d’analyse des données ci-dessous afin de
pouvoir s’y reporter lors de la vérification des hypothèses.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 58
Entretien 1
BS/MT
Entretien 2
BS/FS
Entretien 3
BS
Entretien 4
BS/FS
Cet artisan n’est pas issu d’une culture artisanale.
Niveau d’étude supérieur à la moyenne des artisans qui lui permet d’avoir les bases de la gestion d’entreprise.
Volonté de liberté.
Expérience confirmée.
Autonomie dans la gestion globale de l’entreprise.
Besoin d’une structure en ce qui concerne la gestion de la formation.
La gestion de l’entreprise n’est pas un plaisir mais une nécessité.
La compétence c’est le savoir faire.
Mise en évidence du relationnel avec le client et de la notion de confiance. Mise en évidence de l’importance de la sécurité dans l’entreprise.
Manque de temps pour la formation.
Apprentissage sur le tas
Mise en place d’un encadrement interne.
Cet artisan n’est pas issu d’une culture artisanale.
Niveau d’étude moyen dans l’artisanat.
Volonté de laisser un héritage culturel.
Expérience confirmée.
Autonomie dans la gestion globale de l’entreprise.
Besoin d’une structure en ce qui concerne une partie de la gestion du tertiaire.
La gestion de l’entreprise est un plaisir.
La compétence c’est le savoir faire.
Mise en évidence de l’importance d’un cadre pour le bon maintien de l’entreprise.
Expression de valeurs importantes.
La formation permet de répondre au marché.
Place importante de la formation et prise d’informations externes.
Cet artisan n’est pas issu d’une culture artisanale.
Niveau V
Culture familiale
Jeune créateur.
Besoin d’une structure en ce qui concerne la gestion du tertiaire.
La gestion de l’entreprise n’est pas un plaisir mais une nécessité.
La compétence c’est l’autonomie dans le travail.
La bonne gestion de l’entreprise est un point important.
Manque de temps pour la formation.
Informations extérieures sur l’évolution des nouvelles technologies.
Non issu d’une culture artisanale.
Niveau III
Expérience confirmée
Gestion des RH en interne pour le recrutement et en externe pour la formation.
L’artisan a besoin d’une aide externe pour gérer son entreprise car sa compétence tourne autour de la notion de métier.
La compétence c’est le savoir faire et l’autonomie.
Mise en évidence de l’écoute et du savoir-faire.
Pas de distinctions compétence de l’artisan et compétences du salarié.
La formation est une stratégie pour répondre au marché.
Mise en place d’un encadrement interne informel.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 59
Entretien 5
BS/MT/FS
Entretien 6
BS/MT
Entretien 7
BS/MT
Entretien 8
BS/MT/FS
Cet artisan n’est pas
issu d’une culture
artisanale.
Niveau d’étude atypique.
Culture familiale.
L’objectif principal de
l’entreprise est d’aider les personnes en
situation de handicap.
Création d’entreprise récente.
Besoin d’une structure
en ce qui concerne la
gestion globale de l’entreprise.
La gestion en externe
permet à l’artisan
d’avoir plus de temps pour organiser ses
chantiers.
La compétence c’est le
savoir faire.
Mise en évidence de
l’importance d’une
gestion structurée de
l’entreprise.
L’importance du savoir
faire est une fois de
plus mise en lumière.
Besoin d’une structure extérieure pour
répondre aux besoins
en formations.
Importance de la
formation pour des
raisons stratégiques.
L’autonomie des
salariés leur permet d’apprendre sur le
terrain.
Cet artisan n’est
pas issu d’une
culture artisanale.
Niveau IV
Artisanat =
indépendance.
Expérience
confirmée.
Autonomie dans
la gestion globale
de l’entreprise avec sa femme.
Besoin d’une
structure en ce qui
concerne la formation.
La gestion de
l’entreprise se
partage entre le mari et la femme
car le chef
d’entreprise
n’apprécie pas cette partie.
La compétence
c’est l’amour du
métier.
Importance du
rapport
qualité/prix.
Pas de compétence
définie pour le
salarié : Notion de
« feeling ».
Manque de temps
pour la formation.
Volonté
d’effectuer des formations.
Apprentissage et
transmission des
savoirs.
Cet artisan n’est
pas issu d’une
culture
artisanale.
Niveau d’étude
supérieur à la
moyenne des
artisans qui lui permet d’avoir
les bases de la
gestion d’entreprise.
Volonté de
liberté.
Expérience confirmée.
Autonomie dans
la gestion
globale de l’entreprise.
Besoin d’une
structure en ce
qui concerne la gestion de la
formation.
Délégation du
savoir-faire pour se consacrer
uniquement à la
gestion de
l’entreprise.
Compétence=cré
ativité
Mise en évidence
du savoir-être.
Pas d’idées de
formation.
Apprentissage sur le terrain
Cet artisan n’est pas
issu d’une culture
artisanale.
Niveau V
Volonté de liberté.
Expérience
confirmée.
Gestion globale interne.
Besoin d’une
structure en ce qui concerne la gestion
de a formation.
La gestion n’est pas
un plaisir mais une obligation.
Compétence=autono
mie
Mise en évidence du relationnel avec le
client pour le salarié
et du savoir-faire
pour l’artisan.
Formation=répondre
aux obligations en
matière de sécurité.
Apprentissage sur le tas
Mise en place d’un
encadrement interne.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 60
Entretien 9
MT/FS
Entretien 10
MT/BS
Entretien 11
MT/BS
Entretien 12
BS/FS
Cet artisan n’est pas issu d’une culture artisanale.
Niveau V
Volonté de liberté.
Expérience confirmée.
Gestion globale interne.
Besoin d’une structure en
ce qui concerne la gestion
de a formation.
La gestion n’est pas un
plaisir mais une
obligation.
Compétence=autonomie
Mise en évidence du
relationnel avec le client
pour le salarié et du
savoir-faire pour l’artisan.
Formation=répondre aux
obligations en matière de
sécurité.
Apprentissage sur le tas
Mise en place d’un
encadrement interne.
Culture artisanale.
Niveau V et niveau III
Choix naturel.
Entreprise familiale.
Autonomie dans la gestion globale de
l’entreprise.
Besoin d’une
structure en ce qui concerne une partie de
la gestion du tertiaire.
La gestion de
l’entreprise est en partie gérée par la
femme de l’artisan.
La compétence
=autonomie.
Mise en évidence de
l’importance du
savoir-être.
Formation= Pas de besoins exprimés et
manque de temps.
Formation sur le
terrain.
Cet artisan n’est pas issu
d’une culture
artisanale.
Niveau V
Mise en
évidence de
l’amour du
métier.
Expérience
confirmée.
La gestion
globale de l’entreprise
est traitée à
l’extérieur.
La gestion de l’entreprise ne
relève pas de
la compétence
de l’artisan.
La
compétence
c’est le savoir
faire et l’autonomie.
Mise en
évidence du relationnel
avec le client
et de l’amour
du métier.
Manque
d’information
s sur les
dispositifs de formations.
Manque de
temps.
Apprentissage sur le tas
Volonté d’un
encadrement
externe en ce qui concerne
la formation
Cet artisan n’est pas issu d’une
culture artisanale.
Niveau V
Volonté de liberté
Mise en avant du
côté manuel.
Expérience
confirmée.
Autonomie dans
la gestion globale
de l’entreprise.
Besoin d’une structure en ce qui
concerne la
gestion du
tertiaire.
La gestion de
l’entreprise est
déléguée à des
organismes externes.
La compétence
c’est
l’organisation des chantiers
Mise en évidence
du relationnel avec le client.
Reprise de la
notion de
compétence dans la définition des
compétences.
Formation=s’adap
ter à l »évolution du marché.
Manque
d’informations sur
les formations.
Transmission de
savoirs par le
biais des
formations.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 61
Entretien
13
BS/FS
Entretien 14
MT/BS/FS
Entretien 15
MT/BS/FS
Entretien 16
MT/BS
Entretien 17
MT/BS/FS
Non issu
d’une culture
artisanale.
Niveau IV
Artisanat=fierté
Expérience
confirmée.
Autonomie dans la
gestion
globale de
l’entreprise.
Besoin
d’une
structure en
ce qui concerne la
gestion du
tertiaire.
La gestion de
l’entreprise
est en partie
déléguée car elle ne
relève pas
des
compétences de
l’artisan.
La
compétence = savoir
faire.
Mise en
évidence de l’amour du
métier.
Formation=
moyen de concurrence
r les
grandes
entreprises.
Artisanat=
Tradition familiale de
père en fils.
Niveau II
Tradition familiale.
Expérience
confirmée.
Autonomie dans la
gestion
globale de
l’entreprise.
Besoin
d’une
externe en
ce qui concerne la
gestion du
tertiaire.
La gestion de
l’entreprise
est
déléguée.
Compétence
=autonomie
Mise en
évidence du savoir-être.
Formation=
Stratégie
pour concurrence
r les grandes
entreprises.
Accompagnement sur le
terrain.
Non issu
d’une culture artisanale.
Niveau IV.
Culture
familiale.
Expérience
confirmée.
Autonomie
dans la gestion
globale de
l’entreprise.
Besoin d’une structure en
ce qui
concerne une
partie de la gestion.
La gestion de
l’entreprise =
nécessité
Compétence
= autonomie
Mise en
évidence de l’importance
du savoir-
être.
Formation= répondre aux
besoins de
l’entreprise.
Les salariés n’expriment
pas leurs
besoins en
formations.
L’artisan
prend en
charge les
manquements des savoir-
faire des
salariés.
Non issu d’une
culture artisanale.
Niveau V
Volonté de
liberté.
Rapport
artistique
Expérience
confirmée.
Autonomie
dans la gestion
globale de
l’entreprise.
Besoin d’une
structure en ce
qui concerne
la gestion du secteur
tertiaire.
La gestion de
l’entreprise est devenue un
plaisir.
La
compétence = travail bien
fait et savoir-
être.
Mise en évidence du
relationnel
avec le client
et du savoir-faire.
Manque de
temps
Manque d’informations
sur la
formation.
Apprentissage sur le terrain.
Cet artisan
est issu d’une culture
artisanale.
Niveau V
Artisanat= culture
familiale.
Expérience
confirmée.
Autonomie
dans la
gestion
globale de l’entreprise.
Besoin d’une
structure en
ce qui concerne la
gestion du
secteur
tertiaire.
La gestion
de
l’entreprise
n’est pas un plaisir mais
une
nécessité.
Compétence= Amour du
métier.
Mise en
évidence de l’importance
du savoir-
être.
Formation= évolution du
marché
Importance
du coût de la formation
mis en avant.
Formation
externe.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 62
E) Constats de l’enquête complémentaire
Constat 1 : La compétence c’est le savoir-faire et l’amour du métier.
Tout comme dans la première enquête, on remarque que la compétence tourne autour de la
notion de savoir faire et de l’amour du métier. Le savoir-être est également important pour
l’image de l’entreprise.
Cependant, on remarque que dans cette représentation de la compétence, la notion de gestion
des compétences n’appartient pas à cette définition : « La gestion de l’entreprise ne relève pas
des compétences de l’artisan. », Entretien N°13. C’est intéressant car la majorité des artisans
n’apprécient pas le côté gestion d’entreprise et le délèguent soit à leur conjointe soit à des
cabinets extérieurs. Certes, on parle, ici, de gestion en général, mais l’enquête exploratoire
précise que l’artisan du BTP considère que la partie gestion des ressources humaines ne fait pas
partie de ses compétences.
Constat 2 : Le savoir-faire est un héritage culturel.
Cette enquête démontre que même si l’artisan du BTP n’est pas issu d’une famille d’artisan, il
conserve une image de l’artisanat qui vient d’un héritage culturel puisque la compétence tourne
aussi autour de cette notion de savoir-faire comme dans l’entretien n°5 dans lequel l’artisan a un
parcours d’études atypique et n’est pas issu d’une famille d’artisan.
L’artisanat symbolise la liberté, l’amour du métier, l’autonomie, la fierté ainsi que
l’apprentissage. En effet, ces termes sont majoritairement présents dans tous les discours de
cette enquête que les artisans soient issus ou non d’une famille d’artisans.
Constat 3 : Le développement des compétences est une stratégie qui répond
aux besoins du marché.
On remarque aussi dans cette enquête que la formation externe ou par le biais de l’apprentissage
permet aux artisans de s’adapter au marché. Les acteurs de cette enquête ont une représentation
de la formation en ce sens. Certains expriment le fait qu’elle soit méconnue (Entretien n°16,
« Manque d’informations ») où le fait qu’ils manquent de temps mais en général, ils affirment
qu’elle est importante pour développer les compétences de leurs salariés.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 63
Constat 4 : Le modèle traditionnel de logique compétence est ancré dans l’héritage culturel :
Beaucoup d’artisans ont montré qu’ils avaient une organisation interne et un modèle de gestion
des compétences propre à leur héritage culturel, soit par le biais de l’apprentissage, par
l’information qu’ils cherchent en toutes autonomies, ou par la formation « sur le tas ». Certains
inventent même des systèmes « informels », entretien n°4, pour essayer d’être au plus proches
des besoins de leurs salariés.
Constat 5 : L’entreprise artisanale exprime le besoin d’un modèle structuré de gestion des
compétences :
Le constat n°1 nous a montré que la compétence tournait autour de la notion du métier, de la
technique et non de la gestion de l’entreprise. Dans cette enquête, l’artisan du BTP a exprimé le
besoin d’avoir un modèle de logique compétence structuré notamment concernant la formation
(Entretien n°11) car ce n’est pas une compétence qui le caractérise au départ. Bien évidemment,
l’apprentissage est un outil qu’il utilise régulièrement puisqu’il fait partie intégrante de son
modèle mais il ne suffit pas à lui seul à répondre aux attentes du marché.
F) Vérification des hypothèses de recherche:
Rappel :
Hypothèse 1 :
L’artisan du BTP fait évoluer sa représentation de la logique compétence en utilisant les
stratégies RH des PME (Introduction de la GPEC, Formation aux nouvelles technologies).
Ainsi, développer un modèle de logique compétence, c’est introduire un langage, une
méthode, un savoir structuré et structurant qui conditionne les chefs d’entreprises à une
nouvelle représentation de l’usage de la notion de compétence et donc qu’ils s’engagent vers
un nouveau mode de management.
Hypothèse 2 :
L’artisan du BTP souhaite garder son modèle traditionnel de logique compétence qui est
celle de l’apprentissage d’un métier ou de la transmission intergénérationnelle des savoirs et
il l’a fait évoluer à l’intérieur de l’entreprise. C’est une stratégie qui lui permet de s’adapter
au marché.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 64
Dans la première hypothèse, on peut effectivement affirmer que l’introduction d’un modèle de
logique compétence structuré permet à l’artisan de faire évoluer sa représentation de la notion de
compétence car il introduit un modèle qu’il ne connaissait pas et qui n’appartient pas à son
héritage culturel.
Cependant, on note qu’il en a conscience dès le départ du fait de ses origines et de l’image
culturelle de l’artisanat qu’il souhaite véhiculer. Il n’est pas réfractaire mais plutôt en demande
de structure afin de répondre aux exigences du marché. Il évolue avec son temps et son
environnement mais n’oublie pas et ne souhaite surtout pas rompre avec son modèle
traditionnel. En effet, il conserve cette notion de savoir-faire et de métier. L’introduction d’un
modèle de logique compétence structuré le rassure, lui apporte d’autres qualités qu’ils ajoutent à
sa représentation de la compétence (le savoir-être) mais la base reste la même. On remarque
qu’il souhaite compléter ce modèle, lui apporter de nouveaux outils de développement de
compétences qui vont l’aider à consolider son entreprise.
De plus, nous avons remarqué que l’objectif principal de l’artisan du BTP n’était pas de
concurrencer les PME. En effet, même s’il utilise les mêmes stratégies de développement des
compétences (accompagnement au recrutement, GPEC, formations), son objectif est d’évoluer
avec son environnement et de conserver son identité culturelle (Apprentissage). L’artisan ne
souhaite en aucun cas devenir ou ressembler à une PME. Leur but n’est pas de s’agrandir mais
de montrer un savoir-faire de qualité qu’ils sont prêts à développer.
Ainsi, on remarque que les deux hypothèses de recherche se complètent mais nous ne pouvons
pas donner raison à l’une ou l’autre.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 65
III) La mission développement de la formation continue
Comme nous l’avons notifié précédemment, nous avions pour objectif principal de rencontrer
120 entreprises artisanales de moins de 10 salariés dans le but de les sensibiliser et les informer
sur la formation professionnelle continue car ces derniers ont une méconnaissance du système
formatif.
A) Méthodologie : Evaluation du projet par étapes
Etape 1 : Etude du projet
Une fois la commande passée et les objectifs définis, nous avons étudié le projet et établi une
« mise en perspective »50
du projet avec un plan directeur qui prétend répondre au cahier des
charges selon le modèle du diagramme de Gantt, « qui permet d’ordonnancer les activités à
conduire sur une échelle de temps, avec les dates prévues de début et de fin de tâches »51
.
Actions MOIS
O N D J F M A M J INDICATEURS CRITERES REUSSITE
Mise en place du projet
- Enquête exploratoire
- Création des outils
Lettre de mission
Cahier des charges
Connaissance terrain
d’action.
Entretiens avec les entreprises Rapport des entretiens. Tableau de
suivi des visites en
entreprises.
Bilans Ajustements
intermédiaires
Evaluation du projet Nombre
d’entrées en formations.
50 « Le projet une méthode pragmatique », Conduite de projet, Didier Possoz 51 Ibidem
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 66
Etape 2 : Préparation des outils de pilotage
Loin de nous la prétention de dire que l’enquête exploratoire nous a permis de connaitre le
fonctionnement complet d’une entreprise artisanale. Cependant, elle nous a réellement permis
d’adopter un langage commun et surtout de comprendre l’organisation d’une toute petite
entreprise et ses éventuels besoins en formation. Une fois ce terrain acquis, nous avons pu
entrer dans le vif de notre commande et préparer les outils.
Nous avons alors suivi la méthodologie de Didier Possoz52
afin d’esquisser les plans de notre
projet et surtout d’anticiper les éventuelles difficultés. Didier Possoz, montre que « le projet
nécessite d’être dessiné »53
. En ce sens, nous avons commencé par « esquisser » le plan
ainsi :
-Connaissance des formations : objectif : maîtriser l’information
Dans un premier temps, nous avons pris connaissance des formations essentielles à
l’organisation de l’entreprise. Ces dernières concernent notamment les formations sur la
sécurité ainsi que les formations dites « innovantes », essentielles au développement de
l’entreprise54
.
Nous avons fait intervenir les différents acteurs de la CAPEB, notamment Jérôme Brard qui
s’occupe du service technique et qui connaît les nombreuses formations en sécurité ainsi que
l’organisme de formation de la CAPEB qui se nomme le CREFAB55
. Nous nous sommes
également documentés sur le sujet sur Internet 56
.Enfin, nous avons réalisé une synthèse des
informations recueillies.
- Préparation d’un déroulé d’entretien : Objectif : Evaluation des risques
Avant d’intervenir sur le terrain, nous avons dû préparer des outils afin d’anticiper les
éventuelles difficultés. De ce fait, nous avons rédigé un déroulé d’entretien57
qui nous a
donné un fil conducteur pour mener les entretiens sur le terrain, ce qui nous a permis
d’anticiper certaines réponses et de pouvoir y répondre.
52« Le projet une méthode pragmatique », Conduite de projet, Didier Possoz 53 « 3.1, Le projet une méthode pragmatique », Conduite de projet, Didier Possoz 54 Annexe 4 : Synthèse des formations sur la sécurité, C.Kammerlocher, CAPEB. 55
CREFAB, organisme de formation de la CAPEB où sont dispensées certaines formations en sécurité ainsi que les formations FEEBAT, qui sont les formations aux économies d’énergie. 56 Site internet : www.APAVE.com 57 Annexe 5 : Déroulé d’entretien, C.Kammerlocher, CAPEB.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 67
- Outils de la prospection téléphonique : Objectif : Planification temporelle
Nous avons rédigé un argumentaire58
dont les objectifs sont d’une part, de maîtriser le
discours adopté et éviter de s’égarer, d’autre part, d’obtenir un rendez-vous avec l’entreprise.
A cet argumentaire, s’ajoute la conception de la fiche d’appel téléphonique 59
qui nous
permet de noter les informations essentielles dès le premier contact avec les entreprises.
- ISABAT : logiciel de données : objectifs : sélectionner les entreprises
La CAPEB dispose d’un logiciel de gestion des données des entreprises du bâtiment et des
travaux publics. Ainsi, nous avons sélectionné les entreprises de moins de 10 salariés
adhérentes ou non à la CAPEB et par secteurs (L’objectif est d’informer tous les artisans de
la région qu’ils soient adhérents à la CAPEB ou non): Rouen, Evreux, Louviers comme
indiqués dans le cahier des charges. Ce logiciel nous permet d’avoir toutes les coordonnées
des artisans et ainsi gagner du temps pour créer un fichier.
- Fiche d’entretien60
: Objectifs : Synthétiser la commande et relayer
l’information.
Enfin, nous avons réalisé une fiche de synthèse des entretiens, dont la durée moyenne a été
fixée à 30 minutes par entretien, nous permettant d’analyser les besoins en formation des
entreprises selon deux grandes familles différentes : les formations dîtes « obligatoires »(en
lien avec la sécurité au sein de l’entreprise) et les formations dîtes «innovantes» (en lien avec
le développement durable) dont certaines sont réalisées au sein de l’organisme de formation
de la CAPEB. Cette fiche est essentielle car elle permet de noter toutes les informations et les
besoins de l’artisan et de ses salariés et de les relayer au service formation de la CAPEB afin
qu’il traite la demande dans les plus brefs délais.
- Tableau de suivi : Objectif : Suivre et évaluer
Nous avons réalisé un tableau de suivi sur Excel, afin de suivre et gérer l’avancement du
projet et d’avoir un retour sur les formations demandées. Nous ne pouvons joindre ce tableau
de suivi pour des raisons de confidentialité.
58 Annexe 6 : Argumentaire réalisé par C.Kammerlocher et P. Dufour. 59 Annexe 7: Fiche d’appel réalisée par C.Kammerlocher et P.Dufour. 60 Annexe 8 : Fiche d’entretien
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 68
Cependant, il se présente sous cette forme :
Date /Entreprise/Coordonnées/ Formations salariés/Formations artisans/Relai
Ainsi, nous pouvions avoir un bilan visuel et quantitatif mensuel des formations engagées.
Nous pouvions également voir quelles étaient les formations les plus demandées.
B) Rencontre avec les artisans
Une fois, toutes les clés en main pour réaliser la commande, nous sommes allés au contact
des artisans de la région Haute-Normandie en suivant la méthode mise en lumière au
préalable. Nous avons procédé ainsi :
1-Découverte de l’entreprise
2-Analyse des besoins
3-Information sur la prise en charge du FAFSAB et du FAFCEA et sur la
procédure administrative via la CAPEB.61
4-Information et sensibilisation aux formations obligatoires
5-Information sur les formations innovantes (liées au développement durable)
6-Récapitulatif des besoins
7-Relai au service formation (D.Biguet) qui effectue la recherche d’organismes
de formations et la demande de prise en charge.
Le temps variait en fonction de l’entreprise. Nous sommes déjà restés 3 heures chez un
artisan qui avait beaucoup d’attentes et de demandes par rapport à la CAPEB.
C) Bilan de l’action
Nous avons fait un bilan qui répond à certaines questions posées dans « Bilan du projet »62
du
cours de D.Possoz.
61 La CAPEB est le correspondant du FAFSAB et du FAFCEA qui sont les OPCA du bâtiment. 62 Possoz Didier, « Bilan du projet »p.67, « Le projet une méthode pragmatique », Conduite de projet.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 69
Notre objectif final était de rencontrer 120 entreprises en 6 mois afin de les sensibiliser et de
les informer sur la formation professionnelle continue. 50% de cet objectif est réalisé à ce
jour car notre action a réellement débuté en février du fait de la préparation de la boîte à
outils mais aussi il est nécessaire de prendre en compte l’interruption de la mission terrain au
profit des relations administratives d’une durée de 3 semaines.
En ce sens, nous avons vu effectivement, 60 entreprises sur 3 mois. 90% de ces entreprises
ont effectué des formations ou envisagent un plan de formation au cours de l’année 2011.
Les formations les plus demandées sont celles qui concernent la sécurité et le développement
durable.
On constate que les dispositifs de formation sont méconnus. Les artisans sont peu informés
notamment sur la prise en charge des OPCA dans leurs parcours de formation.
Lorsqu’ils sont informés, ils s’engagent dans des dispositifs de formation sans aucune réticence.
Le manque de temps peut être le seul frein à la formation. Cette dernière est un réel besoin pour
répondre aux évolutions du marché.
P.Dufour63
, est satisfait de notre action qui a permis de consolider l’intervention du service de
proximité dans la gestion des plans de formations de l’entreprise artisanale de moins de 10
salariés. Comme nous le montre le schéma ci-dessous, les artisans font de plus en plus appel à la
CAPEB pour la gestion de leur plan de formation.
63 Annexe 9 : Compte rendu du bilan de stage
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 70
Evolution des demandes de dossiers de prise en charges par la CAPEB en Haute Normandie.
PROGRESSION DES DOSSIERS
FAFSAB REGION
135161 177
310
383334
459
580
100
150
200
250
300
350
400
450
500
550
600
650
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Source CAPEB Haute Normandie, 2011.
L’équipe de la CAPEB semble être satisfaite du travail réalisé et des retombées en termes de
formations. Certains chefs d’entreprises expriment leur satisfaction quant à l’implication de
la CAPEB sur cette action.
En effet, ils n’ont pas toujours le temps de se déplacer pour avoir des informations sur la
formation, de ce fait, ils apprécient qu’on vienne les voir pour les informer et surtout que la
recherche d’organismes de formation et la prise en charge soient effectuées directement par
la CAPEB.
Cette procédure représente un réel gain de temps pour eux. En termes d’apports, cette
mission nous a permis d’élargir notre expérience et surtout de fonctionner avec méthode en
suivant un plan défini au départ avec des outils. Cette démarche nous a permis de connaître
les formations en sécurité et sur le développement durable.
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La plus riche expérience reste tout de même le contact avec les artisans qui nous ont vraiment
bien reçus et qui nous ont fait découvrir leur métier. Ainsi, nous avons pu acquérir
rapidement un « certain »langage technique (il est évident que nous ne sommes pas des
techniciens) qui nous a permis de comprendre l’environnement dans lequel évolue l’artisan
du bâtiment. De ce fait, le besoin en formation est plus aisément décelable lorsqu’on connaît
le fonctionnement de l’entreprise.
De plus, l’équipe gestionnaire du projet (P.Dufour et D.Biguet), les acteurs des CAPEB
départementales ainsi que le CREFAB nous ont permis de mener efficacement ce projet grâce à
leur communication et aux informations qu’ils nous ont fournis. Ce qui nous amène à dire que
l’efficacité d’un projet dépend essentiellement de l’équipe qui porte ce dernier, de la
transparence de l’information et de la communication entre les différents acteurs. Ce projet a été
mené dans un cadre idéal avec une réelle préparation des outils et des intervenants très
impliqués.
D) Les limites de la mission, préconisations
Comme dans chaque conduite de projet, des ajustements ont été nécessaires notamment sur
les outils employés et au sein même de la mission. En effet, c’est en réalisant l’action que
nous nous sommes aperçus de quelques points à améliorer.
Tout d’abord, les fiches d’appels téléphoniques nous faisaient perdre du temps. De plus, nous
ne pouvions pas 64
analyser les besoins par téléphone car le contact était bref et cette analyse
s’effectue sur le terrain. De ce fait, nous avons directement procédé à l’aide d’un tableau
Excel en notant un commentaire et le nombre d’appels effectués pour chaque artisan.
Il en est de même concernant les fiches de visites qui nous semblaient trop détaillées et que
nous devons revoir prochainement. En ce qui concerne la mission en elle-même, nous avons
décidé de l’ajuster en la complétant par le côté administratif de la formation pendant 3
semaines.
Ainsi, nous avons pu réaliser les recherches d’organismes de formation pour les entreprises
ainsi que leurs demandes de prise en charge. Ce qui fût très intéressant car nous avons pu
comprendre le fonctionnement de la formation dans sa totalité.
64 Sur La fiche d’appel, il y a un encadré « identification des besoins » qui ne peut être complété car le contact est trop bref.
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En ce qui concerne le cahier des charges, la méthodologie et le travail en équipe, nous
pensons que tout était réuni pour répondre favorablement à la commande. En effet, le cahier
des charges est détaillé et présente clairement les objectifs et l’équipe a su mettre à
disposition les éléments essentiels au bon déroulement de la mission. Cependant, certains
outils comme la fiche d’appel téléphonique sont trop lourds à gérer et ralentissent la
planification des rendez-vous. En effet, il faut sélectionner une liste sur le logiciel ISABAT
de la Capeb puis appeler chaque entreprise, noter le compte rendu de l’appel avec les
coordonnées de l’entreprise sur la fiche et sur l’agenda puis remplir le tableau de suivi.
Ce qui représente beaucoup d’étapes pour une prise de rendez-vous. De ce fait, il semble
essentiel, c’est d’ailleurs ce que nous avons ajusté dans les outils, de simplifier la procédure
d’appel afin d’augmenter le nombre de rendez-vous pris en notant directement les
informations sur la liste des entreprises via Excel. En effet, la conduite de projet nécessite la
planification et des étapes définies mais ces dernières ne doivent pas être compliquées à
mettre en place.
De plus, l’organisation de la gestion de l’information est très bien encadrée car le processus
mis en place (entretien-synthèse-fiche relayée à 1 interlocuteur-relai des informations dans
les différents services de la CAPEB- recherche d’organismes de formation-dossier de prise en
charge) se révèle être efficace pour l’entreprise. En effet, il y un interlocuteur terrain et un
interlocuteur technique qui prend le relai. Cependant, le temps entre ces deux grandes étapes
nous semble trop long si nous prenons en compte le manque de temps pour l’artisan ou la
démotivation à effectuer la formation pendant ce laps de temps. En effet, une fois que
D.Biguet a la fiche récapitulative que nous lui amenons lorsque nous pouvons nous libérer du
temps, elle rappelle l’entreprise pour valider les besoins en formation avec cette dernière.
Cependant, il arrive que l’entreprise ne soit plus disponible pour effectuer cette formation ou
qu’elle ne soit plus joignable. Ainsi, pour cette action, il semble indispensable d’effectuer la
partie administrative directement sur le terrain pour gagner du temps.
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V : Réponse à la problématique et préconisations
A) L’entreprise artisanale du BTP: Quel modèle de logique compétence ?
Précédemment, nous avons pu vérifier nos hypothèses et nous sommes arrivés à la conclusion
que les deux constituaient une réponse car l’artisan du BTP ne souhaite conserver son modèle
traditionnel tout en le complétant par une logique structurée lui permettant d’évoluer avec son
environnement. En effet, notre expérience nous montre que les artisans ont une représentation
commune de la compétence (savoir-faire) qui leur permet d’organiser leur travail ou de le
réorganiser selon cette représentation. Il existe consciemment ou inconsciemment une logique
compétence qui leur vient d’un héritage culturel qu’ils soient issus ou non d’une famille
d’artisans. Cette logique se traduit par la formation sur « le tas », l’apprentissage ou
l’information sur les nouvelles technologies par les fournisseurs. Ainsi, même si cette logique ne
semble pas être structurée, organisée au premier abord, elle appartient tout de même à un
système identitaire traditionnel qui est celui de l’artisanat. On pourrait la qualifier de logique
compétence « naturelle ».
Cependant, nos expériences nous montrent que cette logique compétence n’est pas suffisante
pour répondre aux besoins du marché. En effet, les artisans expriment un réel besoin de structure
extérieure car ils n’ont pas la compétence de gérer une entreprise. Ils ont conscience que ce n’est
pas inné et que leur première compétence c’est leur métier. La première enquête révèle cette
prise de conscience lorsqu’ils ont pu bénéficier d’une logique compétence structurée extérieure.
En effet, ils affirment que le recrutement, la formation, les entretiens professionnels ou encore
l’évaluation des compétences appartiennent à un métier propre qui n’est pas celui de l’artisan
mais du chargé de missions des Ressources Humaines.
Ainsi, appliquer un modèle de logique compétence structuré permet à l’entreprise artisanale de
répondre aux exigences du marché.
Le modèle que propose Zarifian dans, Le modèle de la compétence, 65
le travail redevient
l’expression directe de la compétence possédée et mis en œuvre par le sujet agissant.
65 P.Zarifian, Le modèle de la compétence, Trajectoire historique, enjeux actuels et propositions, Editions liaisons, 2001.
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Etre compétent répond à la question « Que dois-je faire quand on ne me dit pas comment
faire ? ». L’initiative et l’autonomie sont ici mises en avant. Même si Zarifian met en avant un
modèle applicable aux grandes entreprises, il semble être aussi transposable sur l’entreprise
artisanale du BTP car ce que recherche avant tout le chef d’entreprise, c’est l’autonomie de ses
salariés comme le montre notre seconde enquête.
Zarifian propose une démarche de mise en œuvre de ce modèle :
1 : Expliciter la stratégie : « L’entreprise doit fixer le cadre et l’orientation à donner aux
compétences développées au sein de cette entité. »
2 : « Expliciter les choix lourds d’organisation »
3 : « Définir des principes simples qui caractérisent ce que l’on entend par compétences. »
4 : « Opérer une première définition des domaines de compétences. »
5 : « Mener une analyse des situations avec les intéressés. »
Zarifian précise alors que son modèle dépasse la cadre strict d’une entreprise si l’on considère le
développement des compétences comme des séquences organisées en une chaîne
d’apprentissages. Celle-ci commence par l’acquisition de routines professionnelles, se poursuit
avec la mise en question des routines66
par une réponse actualisée aux événements, puis par une
inventivité décalée d’avec le travail ordinaire et la découverte de champs nouveaux, suivie par
une démarche de réflexivité sur l’action produite avec au final une situation formative
caractérisée par la mise en forme d’un savoir acquis transmissible.
Nous ne pouvons pas affirmer que le modèle de Zarifian soit le meilleur modèle applicable à la
TPE mais il se rapproche du modèle culturel de ce dernier car il privilégie le dialogue entre les
acteurs de l’entreprise, l’autonomie et l’expression directe de la compétence au sein du sujet
agissant.
66 Les routines constituent des schémas de comportements réguliers stables, des règles de décisions spécifiques à la firme, ayant trait à des domaines techniques, productifs et stratégiques.
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B) Un modèle en rupture avec l’image traditionnelle ?
Nous ne pouvons pas dire que l’artisan du BTP soit en rupture avec l’image traditionnelle qu’il
véhicule. En effet, il n’est pas en contradiction avec son identité parce qu’il accepte d’introduire
un nouveau modèle de logique compétence. Bien au contraire, on remarque qu’il enrichit son
mode de fonctionnement.
On pourrait même affirmer en analysant le modèle proposé par Zarifian que ce sont les grandes
entreprises qui retournent vers un modèle de logique compétence traditionnel car il favorise
l’échange et la transparence dans le développement des compétences. Or, ces valeurs, les
artisans les véhiculent déjà. En ce sens, le modèle de Zarifian ou tout autre modèle structuré de
logique compétence ne vient que compléter et non détruire cette identité tout comme nous l’ont
montré les enquêtes.
D’ailleurs, nous avons été surpris par l’expression du besoin des artisans de faire intervenir une
structure extérieure dans leur mode de fonctionnement. Au premier abord, nous pensions qu’il
serait difficile d’entrer dans ce système identitaire. Nous avons été agréablement surpris par leur
demande.
Cette démarche nous montre alors que c’est l’image de l’artisan véhiculée par l’extérieur qui
change et non l’identité de l’artisan lui-même. D’ailleurs, en discutant de notre sujet avec
P.Dufour celui-ci nous a exprimé son désaccord avec l’emploi du mot « traditionnel » au sens
ou ce dernier véhicule l’image de l’artisan qui n’évolue pas, lui préférant le terme « culturel ».
Cette étude nous permet de comprendre ce point de vue et de dire que la question : « Un modèle
en rupture avec l’image traditionnelle ? » est une fausse question quand on connaît le système
identitaire artisanal. En effet, l’artisan du BTP à pour objectif d’évoluer avec son
environnement, ce n’est pas un chef d’entreprise réfractaire aux nouvelles technologies, bien au
contraire.
Cependant, il souhaite conserver son modèle de logiques compétences identitaire, en gardant les
valeurs de l’artisanat. En ce sens, c’est bien une « culture :»67
« n.f. ou Culturel adj. (sociologie)
: Ensemble des aspects intellectuels propres à une civilisation, une nation. Ensemble des formes
acquises d'attitudes sociales, de mœurs, dans les sociétés humaines. »
67 Dictionnaire de sociologie, www.psychobiologie.glossaire.fr
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Ainsi, nous pouvons dire qu’introduire un modèle de logique compétence structuré n’est pas
contraire à la culture artisanale du BTP mais correspond aux stratégies de l’artisan qui a pour
objectifs d’évoluer avec son environnement et de répondre aux attentes du marché. Les
compétences étant un « flux à piloter et non un stock à conserver »68
, au sens ou l’entreprise
artisanale les valorise et les enrichit et combine son capital technologique propre avec les acquis
de l’extérieur dans ses processus d’innovation.
Quant à la représentation de la compétence, elle ne change pas radicalement par l’introduction
d’un nouveau modèle, elle tourne toujours autour du métier et du savoir-faire. Nos enquêtes
nous permettent d’affirmer que c’est le mode de management qui évolue mais en aucun cas la
notion de compétence ne change, elle est agrémentée d’apports qui vont l’enrichir.
VI) Conclusion générale
« Nous considérons l’artisanat comme une forme exemplaire de l’activité humaine »69
. Cette
citation reflète l’identité culturelle de l’artisanat qui est une véritable fierté.
En effet, notre étude a montré que ce système est un microcosme avec ses valeurs, ses codes et
sa représentation de la compétence qui tourne autour de la notion de savoir-faire et du métier,
noyau central de la représentation : « Cela permet de définir la représentation comme une
vision fonctionnelle du monde, qui permet à l’individu de donner un sens à ses conduites, et de
comprendre la réalité, à travers son propre système de références, donc de s’y adapter, de s’y
définir une place. »70
Aussi, les artisans se définissent volontiers comme des acteurs concepteurs de leur entreprise et
de leur vie. Pour eux, concevoir, c’est créer leur propre autonomie.
Au départ, il nous semblait difficile d’entrer dans ce système identitaire mais indispensable de le
cerner à l’aide d’une enquête exploratoire : « Rappelons tout d’abord que conseiller un artisan
(…) concevoir un programme de formation (…) supposent au préalable une bonne connaissance
de la réalité du marché, en particulier du poids de la stratégie des concurrents ainsi que des
atouts et lacunes des professionnels concernés. »71
. Au fil des mois et des entretiens, nous avons
eu l’opportunité de nous plonger et de nous imprégner de cette identité très enrichissante.
68
Alcouffe, A, Kammoun.S, Cahier de recherche les Notes du Lirhe, n°307, 2000. 69 Simone de Beauvoir, La force de l’âge, 1960. 70 J-C Abric, Pratiques sociales et représentations, PUF, 1994. 71 Ibidem
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Ainsi, nous avons pu découvrir des métiers, un savoir-faire traditionnel mais également un
besoin d’évolution perpétuel à travers notre mission et nos enquêtes. En effet, dans l’artisanat,
la transmission des savoirs passe par l’apprentissage et le compagnonnage. Le processus de
transfert des connaissances tacites et du savoir-faire assure le maintien de la tradition.
Cependant, on constate que les métiers évoluent avec l’acquisition de nouvelles machines et
l’utilisation de nouvelles matières comme dans le menuisier qui ne travaillait qu’avec le bois et
qui maintenant doit avoir des connaissances en électricité car les automatismes l’exigent.
On ne peut pas affirmer qu’il y a une réelle tension entre l’innovation et la tradition car l’artisan
greffe les nouvelles technologies sur des pratiques anciennes. Les artisans rencontrés semblent
davantage communiquer sur les valeurs de leurs produits ou de leurs prestations tout en
valorisant leur capacité à intégrer le meilleur des nouvelles technologies.
Leur objectif premier est d’évoluer avec leur environnement tout en conservant l’esprit artisan.
Ils font de même avec leur modèle de logique compétence. En effet, ils conservent l’esprit de
l’apprentissage tout en acceptant une structure leur permettant de développer leur compétence.
Ainsi, en sollicitant un modèle de logique compétence structuré, une nouvelle répartition des
rôles et des fonctions en découle. Elle offre à l’artisan l’opportunité de découvrir chez ses
salariés, des compétences ignorées de lui et à renforcer la confiance en eux. Les rôles classiques
de l’artisan sont alors en mutation puisque ce dernier intègre un rôle managérial et s’attache à
animer une équipe. La représentation de la compétence ne change pas, elle évolue et s’enrichit.
Lorsqu’il anime son équipe, le chef d’entreprise développe les compétences de ses salariés et
découvre la gestion des ressources humaines. La répartition traditionnelle des rôles est changée.
L’autonomie acquise par les salariés permet au dirigeant de déléguer des tâches en toute
confiance. Lui-même peut s’investir dans des tâches extérieures pour développer l’entreprise.
L’artisan du BTP se destine alors à un nouveau mode de management qui combine le savoir-
faire et l’innovation. Introduire un modèle de logique compétence structuré se révèle être un
bienfait pour l’entreprise artisanale du bâtiment.
C.kammerlocher, Master 2 ICF, 2011 Page 78
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