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Remerciements

Arrivée au terme de la rédaction de ce mémoire, il m’est particulièrement agréable d’exprimer

ma gratitude et mes remerciements à toutes celles et tous ceux qui, par leur enseignement, leur

soutien et leurs conseils, m’ont aidée.

Je remercie sincèrement mon directeur de mémoire, M. Hervé DAGUET, pour son écoute

attentive, son accompagnement, sa patience et ses précieux conseils dans ce travail de

recherche.

Je remercie également l’équipe pédagogique du Master 2 ICF. J’ai particulièrement apprécié

la bienveillance de chacun de ses membres.

Je tiens à témoigner toute ma gratitude à Mme

Annick BOURREZ, ma tutrice, ainsi qu’à

Mme

Sylvie FÉNELON et à l’équipe de l’IFMK pour m’avoir soutenue dans ce projet de

formation.

Je remercie MM. Alain-Michel ROZIER et Franck ESTÈVE de m’avoir encouragée et permis

d’élaborer tout ce travail de recherche au CHU - Hôpitaux de Rouen.

Mes remerciements s’adressent également à tous les étudiants du Master 2 ICF en présentiel.

La mixité des parcours fut une réelle richesse grâce à des promotions soudées, un esprit

d’équipe incomparable dans le cadre d’études universitaires. Un grand merci à tous ces

étudiants de la « génération Y » ainsi qu’à tous les « dinosaures » pour leur appui et leur

confiance.

Je remercie chaleureusement Annick et Justine qui ont soutenu mes efforts, enrichi ma

réflexion tout au long de ces deux années et apporté des « post-it positifs » dans les moments

de doutes.

Je remercie Sylviane, Bruno, Frédéric, Jean-Luc, Clothilde, Nathalie, Véronique, Claire,

Laurence et Marino pour leurs encouragements dans la concrétisation de ce mémoire.

À Christophe, Sarah et Nathan,

mes tendres merveilles, mes amours absolus,

qui donnent du sens à ma vie.

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Sommaire

Introduction .............................................................................................................................. 1

Partie I. Le contexte de la recherche ................................................................................ 3

Chapitre 1. Les professions médicales et paramédicales en pleine mutation .......................... 3

Chapitre 2. D’un projet professionnel à un projet de formation : émergence d’un dispositif de

formation ............................................................................................................... 6

Chapitre 3. Formalisation du rôle de tuteur chez les infirmiers ............................................. 13

Partie II. Construction théorique et matériaux retenus ................................................. 23

Chapitre 1. Un dispositif de formation en situation de travail : le tutorat .............................. 23

Chapitre 2. L’accompagnement : la relation entre le professionnel et le professionnel en

devenir ................................................................................................................. 32

Chapitre 3. Praticien réflexif : comment apprendre de ses pratiques professionnelles ? ....... 35

Chapitre 4. Les représentations sociales et la formation : entre interaction et évolution ....... 40

Partie III. Démarche de la recherche................................................................................. 49

Chapitre 1. Délimitation du champ d’analyse ........................................................................ 49

Chapitre 2. Question centrale de recherche ............................................................................ 50

Chapitre 3. Structuration de la recherche ............................................................................... 55

Partie IV. Analyse et résultats de la recherche ................................................................. 61

Chapitre 1. Caractéristiques de la population étudiée ............................................................ 61

Chapitre 2. Analyse ................................................................................................................ 65

Chapitre 3. Limites de notre recherche et préconisations ...................................................... 89

Conclusion ............................................................................................................................ 93

Bibliographie ........................................................................................................................... 95

Table des matières ................................................................................................................ 101

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Liste des abréviations

ANFH : Association nationale pour la formation continue du personnel hospitalier

ARH : Agence régionale de l’hospitalisation

ARS : Agence régionale de santé

CESU : Centre d’enseignement aux soins d’urgence

DGOS : Direction générale de l’offre de soins

DRASS : Direction régionale des affaires sanitaires et sociales

DREES : Direction de la recherche des études de l’évaluation et des statistiques

DRJSC : Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale

ECTS : Système européen de transfert et d’accumulation de crédits

ESI : étudiant en soins infirmiers

IDE : infirmier ou infirmière diplômée d’État

IFCS : Institut de formation de cadre de santé

IFMK : Institut de formation en masso-kinésithérapie

IFSI : Institut de formation en soins infirmiers

LMD : Licence-Master-Doctorat

MK : masseur-kinésithérapeute

OPCA : Organisme paritaire collecteur agréé

RNCP : Répertoire national des certifications professionnelles

SICS : Service infirmier de compensation et de suppléance

VAE : validation des acquis et de l’expérience

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Introduction

Dans un contexte économique difficile, le défi est de mettre en adéquation une offre de soins

de qualité et l’augmentation des besoins en soin et en santé d’une population vieillissante.

Pour tenter de le relever, le monde de la Santé est en pleine restructuration aussi bien dans le

champ des organisations, dans le champ professionnel que dans le champ de la formation.

Ainsi, « former des professionnels de santé autonomes, adaptables, réflexifs, capables

d’évaluer leurs pratiques et de développer leurs compétences » est l’une des réponses à ce

défit. Dans cette dynamique le processus de réingénierie1 des formations paramédicales voit

le jour. En 2009, la mise en application du référentiel de formation infirmière2 fût une

révolution très observée dans le paysage de la formation paramédicale : approche par

compétences, structuration autour de l’étude de situations professionnelles donnant aux

étudiants l’occasion de travailler trois paliers d’apprentissage, comprendre, agir, transférer, et

formalisation d’un dispositif tutoral. Il en sera de même pour la réingénierie de la formation

en masso-kinésithérapie qui est en cours d’élaboration.

En tant que professionnel de santé, cadre de santé dans un institut de formation en masso-

kinésithérapie, nous cherchons à comprendre notre réalité professionnelle et son évolution

pour pouvoir agir. Nos observations et nos recherches au niveau de l’ingénierie de la

formation infirmière sont le fil conducteur de ce mémoire : nous cherchons à savoir si nous

pourrons transférer les éléments retenus dans notre propre contexte professionnel.

Afin de nourrir notre réflexion, nous avons choisi d’effectuer notre mission de stage au sein

de notre IFMK3. L’objectif était l’analyse des besoins de formation des tuteurs et des

nouveaux tuteurs dans l’optique d’émettre des préconisations pour la conception et la

réalisation du dispositif de formation au tutorat des masseurs-kinésithérapeutes. Notre

questionnement s’est donc porté sur la modification des représentations de la fonction

d’accompagnement des tuteurs IDE4

dans le dispositif tutoral défini par le référentiel

formation infirmière.

1 Terme employé par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé.

2 Arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’État infirmier (Bulletin Officiel Santé - Protection sociale -

Solidarités no 2009/7 du 15 août 2009).

3 IFMK : lire « Institut de formation en masso-kinésithérapie ».

4 IDE : lire « infirmier ou infirmière diplômée d’État ».

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Nous avons travaillé autour du concept de tutorat, du concept d’accompagnement en

définissant la relation entre le professionnel et le professionnel en devenir, du concept de

praticien réflexif qui prend tout son sens dans l’accompagnement puisqu’il permet au tuteur

cette prise de distance par rapport à l’action et, enfin, du concept de représentation sociale,

indispensable au vue de notre problématique. Notre recherche s’est construite au regard d’un

cadrage théorique et de l’environnement des professions médicales et paramédicales en pleine

mutation en centrant notre réflexion sur les infirmières et les masseurs-kinésithérapeutes dans

la formation au tutorat.

Ce mémoire comporte quatre parties. Nous aborderons tout d’abord le contexte de la

recherche ; la nécessité de le cerner et de le comprendre justifie le nombre de pages que nous

avons consacré à cette partie. Puis nous délimiterons un cadre théorique. Ensuite nous

définirons notre question de recherche et émettront deux hypothèses. Nous terminerons par

l’analyse des informations recueillies dans le cadre de notre recherche. Nous clôturerons ce

travail par l’émission de préconisations.

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Partie I. Le contexte de la recherche

Chapitre 1. Les professions médicales et paramédicales en pleine

mutation

1. Impact de la politique sociale française

1.1. Démarche de référentialisation

Grâce à la loi dite de modernisation sociale du 17 janvier 2002, tout diplôme ou titre à visée

professionnelle ou certificat de qualification est obligatoirement enregistré au RNCP5. Il s’agit

ainsi d’améliorer la lisibilité et la cohérence de l’ensemble des diplômes, titres et

certifications existants pour en favoriser l’accès. La démarche de référentialisation permet

donc une lecture entre le champ professionnel et le champ éducatif6.

L’exercice de la profession IDE est réglementé par le décret no 2004-802 du 29 juillet 2004

qui en limite les actes professionnels et, parallèlement depuis 2009, le référentiel de

formation7 d’IDE s’est construit à partir de l’écriture du référentiel d’activités puis du

référentiel de compétences IDE.

Pour les MK8, à l’heure actuelle, c’est toujours le décret n

o 96-879 du 8 octobre 1996 modifié

par le décret no 2000-577 du 27 juin 2000 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la

profession de masseur-kinésithérapeute qui est le texte de référence. Cependant une démarche

de référentialisation de cette profession est en cours de construction.

Ainsi, nous pouvons affirmer qu’actuellement nous assistons à une refonte complète de la

déclinaison des professions de santé par la mise en place progressive d’une démarche de

référentialisation.

5 RNCP : lire « Répertoire national des certifications professionnelles ».

6 En référence à la figure 7.1, « La référentialisation en formation », ARDOUIN Thierry (2010),

Ingénierie de formation pour l’entreprise, Éditions Dunod, 3e édition, p. 104.

7 Arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’État infirmier (Bulletin Officiel Santé-Protection sociale-

Solidarités no 2009/7 du 15 août 2009).

8 MK : lire « masseur-kinésithérapeute ».

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1.2. Validation des acquis et de l’expérience

La validation des acquis et de l’expérience (VAE), droit individuel instauré par la loi dite de

modernisation sociale de 2002, ouvre la possibilité d’obtenir un diplôme ou un titre

professionnel sur la base de l’expérience.

En instituant ce droit, le législateur reconnaît que l’activité de travail produit des compétences

et des connaissances égales à celles de la formation dispensée. Ceci déclencha en 2005 les

modalités d’organisation de la VAE pour l’obtention du diplôme professionnel d’aide-

soignant et en 2006 pour celui de préparateur en pharmacie hospitalière.

2. Impact de la politique européenne : universitarisation progressive

Le décret 2002-482 du 8 avril 2002 marque l’entrée du système français d’enseignement

supérieur dans le processus de construction de l’espace européen de l’enseignement supérieur.

En 2009, la Licence Santé (pour les professions médicales) s’est structurée avec une première

année commune aux études de santé (PACES) pour les filières médecine, dentaire, pharmacie

et maïeutique (sage-femme). Dans la continuité du processus de mise en conformité des

études médicales avec le format LMD9, l’arrêté du 19 juillet 2011 a créé le diplôme de

formation générale en sciences maïeutiques (grade Licence) qui sera délivré à compter de

l’année universitaire 2012-2013. Selon le conseil national de l’Ordre des sages-femmes, les

textes relatifs aux deux dernières années de formation, qui conditionnent la reconnaissance

des cinq années de formation au niveau Master, sont en cours d’élaboration.

Le processus d’ingénierie des professions paramédicales répond aussi à cette politique

européenne. Le référentiel de formation infirmier est mis en application depuis septembre

2009, celui d’ergothérapeute depuis septembre 2010. Le référentiel de formation technicien en

imagerie médicale sera appliqué dès septembre 2012. Le référentiel de formation masseur-

kinésithérapeute devait être mis en œuvre en septembre 2012 et est finalement reporté en

septembre 2013.

Le mode de construction de cette ingénierie10

des professions paramédicales utilise un même

schéma méthodologique, appliqué par tous les groupes de travail de la DGOS11

au ministère

9 LMD : lire « Licence-Master-Doctorat ».

10 Pour le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, c’est le terme de « réingénierie » qui est

utilisé, et non « ingénierie ». 11

DGOS : lire « Direction Générale de l’Offre de Soins ».

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5

du Travail, de l’Emploi et de la Santé, pour construire le référentiel de formation et les

modalités du diplôme12

.

Il en sera de même pour le référentiel de formation MK : « Nous allons passer d'un

enseignement modulaire, cloisonné, à une formation où l'entrée se fera par les

compétences. »13

Les nouveaux contenus de formation sont à présents liés à dix compétences : cinq

compétences dites « cœur de métier » ; cinq compétences dites « transverses », communes à

certaines professions paramédicales. Les cinq compétences transverses faciliteront les

passerelles entre les diverses professions et permettront aux futurs professionnels de s’adapter

au marché de l’emploi.

Les échanges avec les différents acteurs locaux de la formation montrent que la dixième

compétence, « informer et former des professionnels et des personnes en formation »,

interroge certains MK et IDE. Il est donc nécessaire de travailler et de redéfinir les rôles

professionnels de chacun. Cette dixième compétence du référentiel de formation doit

permettre d’acquérir, dès la formation initiale, les fondamentaux de la transmission des

savoir-faire afin par exemple d’assurer une mission de tutorat auprès d’un stagiaire étudiant

ou d’un nouvel arrivant professionnel dans une structure de soins. Ceci induit qu’à l’heure

actuelle nous risquons de mettre en présence des étudiants formés aux fondamentaux de la

transmission des savoir-faire face à des professionnels, qui actuellement assurent leur

encadrement, sans avoir bénéficié d’aucune formation. Comment peuvent-ils aider à

construire des savoirs et des compétences sans qu’ils aient réfléchi sur leurs pratiques, aux

concepts pédagogiques qu’ils mobilisent pour créer de la connaissance ? Comment engager

les professionnels de terrain à développer ces nouvelles compétences ? Comment les

accompagner dans l’identification de leurs besoins de formation ? Pouvons-nous être

accompagnateur alors que nous allons être nous-mêmes impliqués dans cette réforme de la

formation initiale ?

Tout ce questionnement nous a amené vers un projet de formation en Master 2 Ingénierie et

Conseil en Formation qui, par le biais de son stage professionnel, vise à nous permettre d’être

dans la posture de questionner notre contexte professionnel.

12

Livret I, Annexe 1 : « Élaboration d’un référentiel de formation et construction d’un diplôme ». 13

http://www.cnks.org/philippe-sauvageon3.html, consulté le 4 décembre 2010. SAUVAGEON Philippe (2009), À propos de la réforme des formations initiale et cadre.

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Chapitre 2. D’un projet professionnel à un projet de formation :

émergence d’un dispositif de formation

1. Contexte actuel professionnel et contexte de formation des masseurs-

kinésithérapeutes

En septembre 2009, une étude de l’Observatoire national de la démographie des professions

de santé (ONDPS) a caractérisé le métier et la formation de masseur-kinésithérapeute : 80 %

des MK ont un statut libéral, 20 % un statut salarié. Le niveau actuel reconnu par le

Répertoire national des certifications professionnelles est le niveau III. Le programme de

formation actuel date de 1989. « La formation initiale en masso-kinésithérapie doit être la

seule à n'avoir pas subie de réforme en 20 ans si ce ne sont quelques modifications

concernant le diplôme d'État », affirme P. SAUVAGEON14

, directeur d’IFMK. Cette réforme

est donc très attendue, même si les instituts de formation ont su s’adapter aux évolutions de la

profession.

Actuellement la formation dure trois ans, 4 200 heures, se structurant sur le mode de

l’alternance dite « associative »15

entre un IFMK et les établissements ou structures de santé :

2 730 heures sont consacrées à la formation théorique qui est encore modulaire avec des

évaluations validant des connaissances ; 1 470 heures à la formation clinique, maintenant

nommée « parcours de stage » de l’étudiant. Depuis 2009, en deuxième et troisième années

un minimum de 980 heures de stage sont à effectuer, soit 28 semaines dont 20 semaines qui

doivent obligatoirement s’effectuer dans cinq champs cliniques établis (musculo-squelettique,

neuromusculaire, pédiatrie, gériatrie, cardio-respiratoire et viscéral).

De plus, depuis 2009, pour qu’une structure de soins soit validée comme « terrain de stage »

par le conseil pédagogique, la présence d’un cadre de santé MK n’est plus obligatoire : seule

la présence de MK volontaires avec un véritable projet d’encadrement est nécessaire. Devant

l’augmentation du quota du nombre d’étudiants, l’IFMK doit être en lien avec des nouveaux

terrains de stages. Nous sommes donc confrontés au fait que parfois les MK de ces structures

de soins n’ont jamais encadré d’étudiant. Plusieurs questions se posent. Comment

accompagner ces professionnels de proximité (de terrain) qui vont devenir nos partenaires de

formation ? Comment garantir la qualité du cursus de formation des étudiants ?

14

Ibid. 15

MALGLAIVE Gérard (1993), « Alternance et compétences », Les Cahiers pédagogiques, no 320,

p. 28.

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Dans cet arrêté du 29 avril 2009 comme dans celui de 2011, le mot « tuteur » n’apparaît pas

seul : l’intitulé « un référent masseur-kinésithérapeute » est notifié à l’article 13.

Ce référent prononce la validation du stage clinique au vu de l’assiduité au stage et la

participation de l’étudiant à l’activité de MK en fonction de l’objectif de formation établi

conjointement par l’IFMK et le lieu d’accueil du stagiaire et l’étudiant. Depuis l’arrêté du

23 mai 2011, une démonstration pratique est adjointe à cette validation en accord avec le

directeur de l’IFMK. Une convention de stage contractualise cette période de formation de

l’étudiant. Aucun dispositif pédagogique d’accompagnement de l’étudiant lors de cette

période de stage n’est formalisé dans le texte de loi.

Notre futur référentiel de formation MK favorisera le mode de l’alternance « intégrative »

avec un tutorat formalisé. En tant que cadre de santé formateur MK, référent pédagogique de

troisième année et référent des stages, notre institution nous a donc demandé :

de recenser et analyser les besoins de formation des tuteurs et nouveaux tuteurs de

stage cliniques en masso-kinésithérapie en lien avec l’évolution des textes

législatifs et la réforme des diplômes paramédicaux ;

d’établir des préconisations pour la construction d’un projet de formation

spécifique pour les masseurs-kinésithérapeutes salariés et libéraux de la région

Haute-Normandie qui se voient confier le tutorat des étudiants en masso-

kinésithérapie.

Cette commande institutionnelle nous a permis par la reprise d’un cursus de formation de

faire cette recherche et de pouvoir questionner ce contexte professionnel.

2. Apport de l’ingénierie de formation dans notre réalité professionnelle

Le stage de mise en situation professionnelle du Master16

se déroula pendant 17 semaines

dans notre espace quotidien professionnel et nous permit d’expérimenter la posture

d’apprenti-ingénieur en formation. Cette posture nous plaça vis-à-vis de notre institution en

tant que « chargé de mission » en apprenant à avoir une vision transversale tout en étant dans

le système et à utiliser les outils de l’ingénierie de formation.

La construction de notre méthodologie de travail s’est appuyée sur la définition de l’ingénierie

de formation selon T. ARDOUIN. Il s’agit d’« une démarche socioprofessionnelle où

l’ingénieur-formation a, par des méthodes appropriées, à analyser, concevoir, réaliser et

16

Livret I, Annexe 2 : « Convention de stage ».

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évaluer des actions des dispositifs et/ou des systèmes de formation en tenant compte de

l’environnement et des acteurs professionnels. L’ingénierie de formation (niveau

organisationnel) se trouve à l’interface de l’ingénierie des politiques (niveau stratégique et

décisionnel) et de l’ingénierie pédagogique (niveau pédagogique) »17

.

Cette approche nous a permis d’organiser notre mission d’investigation18

en mettant en œuvre

les deux premières « étapes » de l’ingénierie de formation :

analyser, pour faire un diagnostic du contexte et en déduire les besoins en

formation ;

concevoir, pour établir un guide de préconisations et concevoir l’ébauche du

dispositif de formation.

La phase d’analyse nous a permis de comprendre les enjeux et stratégies qui se trouvent à

trois niveaux :

macro : l’impact de la politique européenne ;

mezzo : l’impact de la démographie régionale qui se traduit par une offre sanitaire

libérale en dessous de la moyenne nationale, la Haute-Normandie se trouvant dans

le quart des régions les moins bien dotées. L’offre hospitalière est en dessous de la

moyenne nationale en soins de suite et de réadaptation (SSR). Plus de 9 % des

patients haut-normands sont hospitalisés à l’extérieur de leur région19

. Le rapport

de l’Agence régionale hospitalière (ARH) de Haute-Normandie 2008-2015 et le

comité régional de l’Observatoire national de la démographie des professions de

santé portent leur réflexion sur les métiers de rééducation et du soin. Ils étudient

les problèmes d’attractivité des professionnels de santé dans notre région ;

micro : une problématique de terrain de stage au sein de l’IFMK.

Outre l’utilisation d’une recherche documentaire appropriée, l’analyse des besoins de

formation des nouveaux et anciens tuteurs de stage de l’IFMK s’est concrétisée par une

enquête réalisée en 3 semaines sous forme d’entretiens semi-directifs de 30 à 45 minutes

auprès d’un échantillon représentatif composé de 32 professionnels de la Région Haute-

Normandie (voir Tableau 1 ci-dessous). Notre visée était de recueillir le discours des tuteurs

17

ARDOUIN Thierry (2001), « Évaluation et Ingénierie de formation ; histoire d’une relation », Les interactions entre formation et évaluation, ADMEE, Aix-en-Provence, 11-12-13 janvier 2001. 18

ARDOUIN Thierry (2010), Ingénierie de formation pour l’entreprise, Paris, Éditions Dunod, 3e

édition, p. 37. 19

Étude ARH, 2009, recueil d’indicateurs régionaux : offre de soins et état de santé des populations.

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afin de connaître leurs représentations du tutorat, de l’évaluation, du partenariat avec l’IFMK

et de leurs connaissances sur la prochaine réforme de la formation MK.

Tableau 1. Composition de l’échantillon interrogé.

Seine-Maritime Eure Total

MK libéraux 4 3 7

Cadres MK managers salariés 5 3 8

MK salariés (tuteur expérimenté) 7 2 9

MK salariés (jeune tuteur) 7 1 8

Total 23 9 32

3. Des résultats d’une enquête à la conception d’un dispositif de

formation

Le contexte professionnel dans lequel nous évoluons nous a invitée, dans notre analyse de

besoins, à faire une présentation synthétique des résultats de cette enquête sous forme de

tableau. Il en ressort les conclusions suivantes :

les MK ont des difficultés à mettre des mots sur leurs pratiques tutorales ;

la notion d’évaluation-contrôle est très ancrée dans leurs valeurs ;

le contexte de pénurie des MK fait qu’un jeune diplômé se retrouve très

rapidement tuteur ;

les MK expriment un besoin de formation en pédagogie et en communication que

nous traduirons par une problématique de transmission de savoirs.

Cette première phase d’ingénierie de formation déboucha sur une proposition de conception

de dispositif de formation au tutorat pour les MK, constituant la deuxième phase d’ingénierie.

Cette formation destinée aux partenaires de l’IFMK fait l’objet d’une collaboration IFCS-

IFMK20

.

Les objectifs de cette formation au tutorat étaient doubles :

Pour le commanditaire IFCS-IFMK

Permettre aux MK de développer et ou de perfectionner des fonctions

d’accompagnement dans un dispositif tutoral (pour les étudiants) dans le cadre du

20

IFCS : lire « Institut de formation de cadre de santé ».

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10

processus de soins masso-kinésithérapiques21

et de l’élaboration du diagnostic MK

(selon la Classification internationale du handicap, du fonctionnement et de la

santé).

Développer des projets professionnels d’encadrement (tuteur et cadre de santé).

Contribuer à la connaissance et la reconnaissance mutuelles des deux groupes

professionnels (MK salariés et MK libéraux).

En favoriser la promotion auprès des étudiants et des terrains de stage avec une

visée d’attractivité régionale.

Pour les participants

S’inscrire dans une démarche d’accompagnement tutoral :

comprendre le dispositif de formation ;

appréhender le rôle d’interface du tuteur dans la construction du partenariat

(terrains de stage-étudiant-institut de formation) ;

prendre du recul par rapport à ses propres pratiques professionnelles et

savoir parler de ses pratiques d’accompagnement (praticien réflexif).

Contribuer à la construction des compétences des étudiants en formation :

problématiser les situations de travail ;

construire des situations d’apprentissage quel que soit le secteur

professionnel (authenticité de la situation de travail) ;

évaluer les acquis de l’étudiant.

4. Création du dispositif de formation des tuteurs en masso-

kinésithérapie

La réalisation de la troisième phase de l’ingénierie de formation débuta par la mise en place

d’un partenariat IFCS-IFMK et d’une collaboration avec le département des Sciences de

l’éducation de l’université de Rouen.

Une campagne d’information auprès des différentes structures de soin et de rééducation fut

réalisée par l’envoi postal et électronique d’une plaquette intitulée « Formation de tuteur en

21

Processus MK : examen, interprétation, diagnostic, pronostic, intervention, réévaluation.

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11

masso-kinésithérapie : une nouvelle approche de l’accompagnement des étudiants en

stage »22

.

Le dispositif de formation comprend trois modules :

module 1, sous forme de débat avec trois animateurs, dont un professeur des

Universités. Travail sur les représentations des tuteurs à partir de trois questions

les amenant à lire leur réalité professionnelle à l’aide des concepts théoriques :

alternance, apprentissage, compétence, tutorat, accompagnement, praticien

réflexif ;

module 2, avec deux animateurs : la formation MK de 1989 à 2013, changement

de paradigme. En quoi une situation professionnelle peut être une situation

d’apprentissage pour l’étudiant ? Que veut dire évaluer ? auto-évaluer ? pratiques

réflexives ? Quelle est la responsabilité en tant que tuteur ?

module 3, avec deux animateurs : qu’est-ce qu’un projet ? Ébauche d’écriture du

projet tutoral comprenant un livret d’accueil de l’étudiant, les situations

professionnelles emblématiques, le référentiel de compétence du tuteur, la

construction d’une grille d’auto-évaluation du tuteur. Travail interactif en sous-

groupe, restitution à l’ensemble du groupe en formation.

Deux travaux d’intersessions sont programmés :

chercher des situations professionnelles emblématiques. En quoi sont-elles

apprenantes pour l’étudiant ?

à la suite de la création d’un référentiel de compétences du tuteur, réfléchir à la

grille d’auto-évaluation du tuteur.

Trois sessions de formation-action de 21 heures ont été programmées pour 2011-2012 avec

des groupes hétérogènes (salariés-libéraux) de 12 à 15 personnes. Trente MK ont été formés

au tutorat.

5. Évaluation « à chaud » des deux premières sessions de formation

La quatrième phase de l’ingénierie de formation, « l’évaluation », se fera en deux temps, « à

chaud », à la fin de chaque session, et « à froid », un an après ces sessions de formation.

22

Livret I, Annexe 3 : Plaquette d’information « formation de tuteur en masso-kinésithérapie : une nouvelle approche de l’accompagnement des étudiants en stage ».

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12

L’intérêt de l’évaluation « à chaud » de la formation est, d’après A. MEIGNANT23

, d’évaluer

le degré de satisfaction des participants mais surtout de repérer les domaines dans lesquels des

améliorations doivent être apportées comme par exemple le processus pédagogique, la

logistique. Bien sûr, la limite de l’évaluation « à chaud » de la formation est que l’opinion du

stagiaire ne préjuge en rien de la réalité de ses acquis, ni de son application.

Au vu de nos contraintes professionnelles, l’évaluation « à chaud » des deux premières

sessions a été traitée par cibles d’évaluation, comprenant trois thèmes subdivisés en deux ou

trois critères (voir Tableau 2 ci-dessous), avec une échelle d’évaluation graduée de 0 à 10

pour chaque critère.

Tableau 2. Évaluation « à chaud » : thèmes et critères évalués.

Thèmes Critères

Organisation Durée

Rythme de la formation

Environnement pédagogique

Animation en trinôme et binôme

Échanges stagiaires/formateurs

Contenu

Méthodes pédagogiques

Alternance travaux dirigés / cours magistral

Travaux intersessions

Supports pédagogiques

Chaque participant est invité à se positionner sur cette échelle. Les différents points obtenus

sont reliés par les animateurs de la formation afin d’en modéliser une forme graphique. Deux

représentations graphiques des résultats des cibles d’évaluation des sessions 1 et 2 ont pu être

construites sous forme d’un radar et d’un histogramme. Elles se trouvent Livret I, Annexe 4.

Toutes les personnes présentes à ces deux sessions de formation ont rempli les feuilles

d’évaluation. Les résultats sont globalement satisfaisants : une note moyenne de 7,3/10 pour

la session 1, une note moyenne 7,8/10 pour la session 2. Il est intéressant de noter que le

critère « travaux intersessions » était le moins bien noté en session 1 mais que cela ne se

retrouve pas à la session 2. Nous avions pris plus d’attention à expliciter l’importance de ce

genre de travaux dans une formation-action, les MK n’ayant pas l’habitude de ce genre de

23

MEIGNANT Alain (2009), Manager la formation, Éditions Liaisons, p. 309.

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13

formation. Les stagiaires avaient la possibilité de s’exprimer librement au verso des feuilles

d’évaluation s’ils le souhaitaient ; aucun ne l’a fait.

Ces résultats ont été présentés au conseil pédagogique de l’IFMK, devant les représentants de

nos tutelles (Région, ARS24

, DRJSCS25

, Direction des Formations du CHU) ainsi qu’au

conseil technique de l’IFCS.

Une évaluation différée, « à froid », permettra d’évaluer le transfert en situation de travail et

les effets de la formation des tuteurs MK.

Dès 2010, un autre dispositif de formation au tutorat a été mis en place au CHU de Rouen

pour accompagner des professionnels, partenaires de formation dans la mise en œuvre du

référentiel de formation IDE de 2009. Il était et est destiné « aux IDE candidats au tutorat (des

ESI26

) et aux cadres de santé (maître de stage) »27

.

Chapitre 3. Formalisation du rôle de tuteur chez les infirmiers

Le présent chapitre résulte de données collectées lors d’entretiens exploratoires avec la

déléguée régionale de l’ANFH28

et notre tutrice de stage de Master dans le but de nous créer

une culture soignante.

1. Les infirmiers et le tutorat d’adaptation à l’emploi de jeunes

professionnels

1.1. Le plan ministériel Psychiatrie et Santé Mentale 2005-2008

Avant 1992, existaient deux types de diplômes infirmiers : le diplôme d’État d’infirmier en

soins généraux et le diplôme infirmier de secteur psychiatrique. En 1992, avec la réforme de

la formation infirmière, le ministère impose un diplôme d’État unique et une formation unique

de référence permettant des lieux d’exercices indifférenciés.

Malgré l’existence de quatre modules de psychiatrie lors de la formation initiale et suite aux

constats des associations professionnelles comme le CEFI Psy29

, il fut nécessaire d’instaurer

24

ARS : lire « Agence régionale de santé ». 25

DRJSCS : lire « Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale ». 26

ESI : lire « étudiant en soins infirmiers ». 27

Termes utilisés dans les fiches d’information publiées par la Direction des Formations du CHU de Rouen. 28

ANFH : lire « Association nationale pour la formation continue du personnel hospitalier ». 29

CEFI Psy : lire « Comité d’études des formations infirmières et des pratiques en psychiatrie ».

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14

un dispositif de formation complémentaire pour les nouveaux infirmiers exerçant pour la

première fois en psychiatrie. L’objectif était de former 3 000 infirmiers par an30

. Le dispositif

envisagé prévoyait un contenu de formation théorique pour consolider les savoirs infirmiers

en psychiatrie et surtout un accompagnement professionnel par le biais d’un tutorat de terrain.

Ce tutorat fut formalisé par la circulaire31

du 16 janvier 2006.

Les tuteurs furent des IDE ou des cadres de santé ayant une expérience d’au moins cinq ans

en psychiatrie. De nombreux tuteurs ont bénéficié d’une formation afin d’accueillir les

tutorés. Le pilotage de ce projet fut confié à l’ARH32

en lien avec la DRASS33

. Les crédits

pour ce dispositif furent stoppés en 2009 avec l’instauration du référentiel de formation IDE

et la formalisation imposée d’un tutorat dès la formation initiale des étudiants.

Ce que nous pouvons retenir de cette première expérience de « tutorat en secteur de soins »,

c’est l’introduction de l’idée que « pour apprendre de son expérience afin de consolider ses

savoirs et ses pratiques », cela nécessite un accompagnement et que « pour être tuteur et

accompagner des jeunes professionnels », cela nécessite de se former.

1.2. Le projet PACTES

D’avril 2008 à janvier 2009, vingt-sept établissements de santé ont participé à un projet piloté

par l’OPCA34

« ANFH des régions Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d’Azur »

afin d’améliorer les conditions de travail. Ce projet a permis :

de mener une réflexion sur l’attractivité et la fidélisation des personnels dans la

Fonction publique hospitalière, notamment par rapport aux problèmes

managériaux soulevée par les adhérents ;

d’engager les établissements de santé dans cette démarche en assurant le suivi du

projet en interne.

L’un des thèmes, « le tutorat », déboucha sur l’élaboration de support de capitalisation sous

forme d’un livret35

étayant la mise en place d’un tutorat d’intégration d’un nouveau

professionnel dans un établissement de santé.

30

BOURDEUX Christian (2006), « Tutorat pour les nouveaux infirmiers exerçant en psychiatrie », Soins Psychiatrie, n

o 242, p. 5.

31 Circulaire DGOS/P2/O2DGS/6C n

o 2006-21 du 16 janvier 2006 relative à la mise en œuvre du

tutorat pour les nouveaux infirmiers exerçant en psychiatrie. 32

ARH : lire « Agence régionale de l’hospitalisation ». 33

DRASS : lire « Direction régionale des affaires sanitaires et sociales ». 34

OPCA : lire « Organisme paritaire collecteur agréé ». 35

http://www.anfh.fr, consulté le 4 décembre 2010. « Livret Tutorat ».

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15

2. Les infirmiers et le tutorat d’apprentissage au métier

2.1. L’activité d’encadrement : une notion floue

L’encadrement est non formalisé. L’IDE, dans ses fonctions, encadre l’étudiant (ESI) pendant

son stage.

Cette notion reste floue dans les textes régissant la profession d’IDE :

dans le cadre de son rôle propre, l’IDE est habilité à faire des encadrements auprès

des ESI. « L’infirmier propose des actions, les organise ou y participe dans les

domaines suivants : formation initiale et continue […] des personnels de santé et

encadre des stagiaires en formation » ;

l’IDE participe « à la formation initiale et continue du personnel infirmier, des

personnels qui l’assistent et des étudiants en soins infirmiers ».

Dans le programme (de formation initiale) de 1992, aucun enseignement spécifique à la

pédagogie et à l’accompagnement des ESI ou aux concepts d’évaluation n’est prévu. Le

programme de 1992 n’évoque la pédagogie que dans le cadre de l’éducation thérapeutique ou

l’éducation à la santé (module 4 : démarche éducative dans le module soins infirmiers).

Cependant l’encadrement des ESI est, dans les faits, une mission quotidienne des IDE qui est

chronophage. Les ESI sont mis en « immersion » dans leur futur milieu professionnel, les IDE

ont une posture de « montreurs de soin », de « modèles à imiter ». Il n’existe pas de mot

formalisé qualifiant l’IDE pour cette activité d’encadrement. Dans certains services les termes

« IDE référente » et « IDE qui encadre » sont utilisés.

L’ESI est évalué par le formateur IFSI36

et le cadre de santé de l’unité de soins37

sur son lieu

de stage par une mise en situation professionnelle (MSP). C’est le terrain de stage qui

prononce la validation de stage.

Le terme « référent de stage » est réservé au cadre-formateur de l’IFSI.

36

IFSI : lire « Institut de formation en soins infirmiers ». 37

Une infirmière ayant encadré l’ESI peut être parfois présente.

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16

2.2. Changement de paradigme dans la formation initiale des infirmiers : le

référentiel de formation de 2009

Dressons une brève description du référentiel de formation IDE de 2009 :

une formation en trois ans, organisée en semestre, dix compétences à valider (cinq

dites cœur de métier, cinq transversales), des ECTS38

, débouchant sur un diplôme

d’état, grade Licence ;

une formation basée sur la logique de compétences, la construction de savoirs, la

reconnaissance de la situation professionnelle comme situation d’apprentissage et

l’analyse réflexive des pratiques, l’ESI construisant lui-même, progressivement,

l’acquisition de ses compétences ;

une formation structurée autour de l’étude de situations professionnelles

emblématiques où l’étudiant travaille trois paliers d’apprentissage (comprendre,

agir, transférer) afin de devenir un praticien autonome et réflexif ;

le changement de posture pour les formateurs. Les formateurs deviennent « des

facilitateurs » qui accompagnent l’étudiant dans son parcours de

professionnalisation. L’apprentissage du métier se fait dans les lieux

d’enseignement et sur les lieux de l’apprentissage clinique ;

l’espace clinique doit dorénavant investir son rôle propre de formation, sans avoir

été formés à l’accompagnement et à l’évaluation ni par la formation initiale, ni par

une sensibilisation particulière ;

un dispositif tutoral « maître de stage, tuteur, professionnel de proximité » avec

des outils d’accompagnement : charte d’encadrement, livret d’accueil de l’étudiant

spécifique au stage, portfolio, fiches de suivi ;

la commission d’attribution des crédits (CAC) prononce la validation du

« parcours de stage de l’étudiant ».

La formation IDE dure trois années, 4 200 heures, soit six semestres de vingt semaines

chacun : 2 100 heures de formation théorique et 2 100 heures de formation clinique (deux

stages par année d’une durée de cinq à quinze semaines). L’approche des stages est donc

différente dans ce référentiel de formation IDE : ils sont plus longs et moins nombreux par

rapport au programme de formation de 1992.

38

Système européen de transfert et d’accumulation de crédits.

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17

Les nombreux changements induits par la réforme de la formation IDE conduisent chaque

professionnel à réinterroger sa posture. Ainsi pour les stages, le tutorat a été formalisé et

reprend tout son sens quand il est pratiqué dans les systèmes de travail nous dit

T. ARDOUIN39

: « le tutorat correspond aux activités d’un professionnel, en situation de

travail ou de production, ayant en charge l’accompagnement d’une personne en cours de

formation ou d’intégration dans l’entreprise ». L’apprentissage en situation de travail réel est

donc un mode de formation qui se déroule dans un contexte et un environnement particulier,

au sein d’une structure de soins par exemple, où l’accompagnement va être mis en œuvre.

Les objectifs du stage et le rôle de chacun sont définis dans le référentiel de formation (le

maître de stage, le tuteur de stage, les professionnels de proximité, le formateur de l’institut

référent de stage). Le référentiel de formation a pour objet de professionnaliser le parcours des

étudiants : les stages permettent à chaque étudiant infirmier d’acquérir, de développer et de

construire des habiletés au regard de chaque compétence et d’apprendre aussi à s’auto-

évaluer. Toute cette nouvelle logique vise à rendre les étudiants acteurs de leur formation, en

lui donnant du sens et en individualisant un parcours de stage Ainsi la place du stage et du

tuteur est prépondérante.

L’analyse des réalités professionnelles est aussi favorisée sur des temps de retour

d’expérience en IFSI (laboratoire, supervision, exploitation de stage, jeux de rôle…). Les

étudiants apprennent à confronter leurs connaissances et leurs idées, travaillent sur la

recherche de sens dans leurs actions. L’auto-analyse devient un mode d’acquisition de

connaissances et de construction de compétences. Une large place est faite à l’étude de

représentations, à l’analyse des conflits sociocognitifs par la médiation du formateur, aux

travaux de groupe, à l’évaluation formative et à l’autoformation.

2.3. Le dispositif tutoral formalisé « maître de stage, tuteur, professionnel de

proximité »

Le référentiel de formation décrit les trois responsables de l’encadrement et stipule que

chaque étudiant est placé sous leurs responsabilités. Ces trois fonctions peuvent être exercées

par la même personne selon l’organisation du lieu de stage.

39

ARDOUIN Thierry (2003), « Le tutorat : mission ou métier », in : ASTOLFI Jean-Pierre, Éducation et formation : nouvelles questions, nouveaux métiers, Paris, ECF, pp. 257-272.

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18

Le maître de stage représente la fonction organisationnelle et institutionnelle du stage. C’est

souvent le cadre de santé. Il est garant de la qualité de l’encadrement et assure le lien avec

l’institut de formation. Il règle les questions de litige et accueille l’étudiant.

Le tuteur de stage représente la fonction pédagogique du stage. C’est un professionnel

expérimenté. Ces missions doivent être décrites dans le livret d’accueil. Il est volontaire pour

exercer cette mission et peut le faire temporairement. Il connaît le référentiel de formation

IDE. Il facilite l’accès aux divers moyens de formation proposés sur le lieu de stage. Le tuteur

assure l’accompagnement des étudiants et évalue leur progression dans l’acquisition des

compétences lors d’entretiens réguliers. Le tuteur formalise celle-ci sur le portfolio après

avoir consulté l’avis des professionnels de proximité. Le tuteur est placé sous la responsabilité

d’un cadre de santé. Le tuteur a des relations régulières avec le formateur de l’IFSI référent du

stage. En cas de difficultés ou de conflits il propose des solutions.

Le professionnel de proximité représente la fonction d’encadrement pédagogique au

quotidien. Il est présent avec l’étudiant lors des séquences de travail. Il accompagne l’étudiant

dans sa réflexion et facilite l’explicitation des situations et du vécu de stage. Il est en contact

avec le tuteur. Il consulte le portfolio. Plusieurs personnes peuvent assurer ce rôle.

Pour des raisons de simplification, nous utiliserons le terme générique de « tuteur » dans la

suite de nos propos. Ce terme de « tuteur » regroupe les appellations du référentiel de

formation correspondant à « tuteur de stage » et « professionnel de proximité ».

Le tuteur voit donc son rôle évoluer. Il doit développer ses propres compétences et s’inscrire

dans un processus d’évaluation d’acquisitions de compétences en induisant une démarche de

questionnement et de raisonnement chez l’étudiant. Tout ceci exige une grande adaptabilité et

un accompagnement très personnalisé pas toujours aisé à réaliser dans le contexte

professionnel actuel (manque de personnel, fermeture de lits, augmentation des quotas

d’étudiants…). Ces contraintes exigent de la part du tuteur une grande adaptabilité et une

individualisation dans l’accompagnement de ces futurs professionnels.

Le tutoré construit ses compétences « professionnelles » en travaillant en situation. Le tuteur

est, par l’exercice du tutorat lui-même, invité à revisiter des savoirs enfouis, à réenclencher

chez lui et pour lui des processus d’apprentissage qui bénéficieront certes à l’apprenant mais

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19

aussi à l’organisation selon G. BARNIER40

. C’est un « professionnel expérimenté »,

possédant les compétences cliniques professionnelles requises, qui a développé des capacités

intuitives de compréhension et de résolution de situations cliniques et qui sait gérer avec

efficacité des situations complexes. Il est en capacité d’analyser et de questionner sa pratique

et en capacité d’améliorer son processus de décision. Le référentiel de formation IDE le décrit

aussi comme celui qui a « développé des capacités ou des compétences spécifiques et de

l’intérêt pour l’encadrement des étudiants ».

En effet, le tuteur connaît très bien l’unité de soins, le pôle d’activité et l’institution en

général. C’est lui qui va assurer le suivi de l’étudiant, lui proposer une écoute personnalisée et

l’orienter dans ses réflexions en instaurant des entretiens formels réguliers. Il a un rôle

d’évaluateur (dimension formative du tutorat) en amenant l’étudiant à s’auto-évaluer, à

mesurer sa progression, à les formaliser lui-même dans le portfolio et à mesurer ses besoins

de renforcement. Mais le tuteur a aussi à se prononcer sur la validation des compétences

acquises par l’étudiant sur le portfolio (dimension certificative du tutorat). Il est également le

point d’articulation entre le formateur IFSI-référent de stage et les professionnels de terrain

qui prendront en charge l’étudiant au jour le jour.

Le tuteur est donc la « cheville ouvrière » de l’alternance intégrative constituant un véritable

défi dans une formation construite sur le concept de compétence. Cependant bien que la

formation et l’encadrement des étudiants soient codifiés dans le référentiel de formation

infirmier, bien que le tuteur soit nommé sur la base du volontariat avec une réelle envie

d’aider et d’accompagner, celui-ci peut néanmoins se trouver confronté à certaines difficultés

dans le cadre de la prise en charge des étudiants. En effet, « la logique de compétences est à

double sens, compétences infirmières à développer pour l’étudiant-stagiaire et compétences

de travail pédagogique, de formation, d’évaluation à développer chez le professionnel IDE-

tuteur »41

. Donc « devenir tuteur » semble signifier savoir passer aisément de la posture de

« praticien expérimenté » à celle de « formateur qualifié ».

Plusieurs questions se posent alors. Construire une relation tuteur-étudiant, à la frontière entre

la pédagogie et de la didactique, n’est-ce pas une nouvelle compétence pour le tuteur ?

40

BARNIER Gérard (1996), « Interactions de guidage entre pairs », Revue Éducations, no 9, pp. 45-

47. 41

GONZALEZ-MANGE Claudine (2009), « Nouveau programme de formation et tutorat », Objectifs soins, n

o 180, pp. 24-26.

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Comment engager les professionnels de terrain à développer ces nouvelles compétences ?

Faut-il organiser une formation adaptée aux nouveaux rôles des tuteurs ?

3. La formation des tuteurs infirmiers

3.1. Le dispositif de formation

Dès la parution du décret d’application du référentiel de formation infirmière (31 juillet

2009), de nombreux dispositifs de formation ont été montés rapidement afin de pouvoir

accompagner les tuteurs dans leur changement de posture.

En région Haute-Normandie, l’ANFH a réalisée une analyse des besoins auprès des IFSI, des

responsables de formation des établissements adhérents. Il en résulte à la fois un besoin

important d’informations sur le référentiel de formation IDE et un besoin important de

formation au tutorat. Il est décidé que l’information sur le référentiel IDE serait géré par les

IFSI et que le public-cible des formations au tutorat serait des IDE informées sur la réforme et

ayant déjà une expérience de l’encadrement des ESI.

Ainsi, en lien avec le projet d’établissement 2008-2012, les plans de formation 2010 et 2011

du CHU de Rouen ont proposés des sessions de formation professionnelle continue destinées

à préparer les infirmiers à leurs rôles de tuteur en lien avec le référentiel de formation.

Ces formations-actions, validées par l’ANFH Haute-Normandie, durent 21 heures. Chacune

d’elles s’effectue en deux modules : une session de deux jours (module 1) et une session

d’une journée décalée dans le temps (module 2). Les objectifs pédagogiques (précisés dans le

Livret I, Annexe 5) ont pour but de permettre aux participants de « mettre en place un

accompagnement tutoral »42

, de les amener à participer à l’écriture du livret d’accueil de

l’étudiant et de formaliser leur projet dans le cadre du tutorat des ESI.

Le public visé (selon nos deux entretiens exploratoires) était tout d’abord un public devant

être déjà informé sur le référentiel de formation IDE et ayant une expérience de l’encadrement

des ESI. Ce public visé pouvait être composé, soit d’IDE, soit de cadres de santé. L’idéal visé

était d’avoir des binômes tuteur-maîtres de stage formés.

42

Terme utilisé par l’organisme de formation retenu par l’ANFH Haute-Normandie.

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21

3.2. Immersion dans un groupe en formation

Nous avons suivi une session complète de trois jours de formation « tutorat IDE » afin de

nous imprégner de la culture soignante, tout en ayant une posture d’observation au service de

notre recherche. Nous avons réalisé deux entretiens informels auprès de formateurs animant

la formation tutorat IDE qui nous ont permis de recueillir les enjeux et les difficultés à mener

ces formations lors des premières sessions :

tout d’abord le public reçu en formation, ne correspondait pas complètement au

public visé : dans certains groupes les IDE n’avaient pu ou pas suivi les journées

d’informations sur le référentiel, et certains n’avaient jamais encadré d’étudiants.

Les formateurs ont du donc adapter leurs discours aux besoins du public reçu ;

« Le premier jour de formation servant « à mettre à plat » les représentations, a

été utilisé surtout pour dédramatiser le portfolio, qui faisait peur aux

professionnels, afin de pouvoir créer une écoute attentive. », nous ont déclaré les

formateurs interviewés Le portfolio renvoyant au concept d’évaluation, auto-

évaluation, et au concept de responsabilité s’est ainsi que les formateurs ont pu

abordés ces concepts ;

« Selon les groupes de formation, le temps de formation fut trop court pour

apprivoiser les concepts théoriques » ;

« Le changement est brusque on n’a pas eu le temps d’accompagner ces

partenaires de formation, vu le nombre d’IDE a formé en si peu de temps » ;

les notions les plus difficiles « à faire passer » sont :

la question de la responsabilité du tuteur ;

le tuteur organise le parcours de stage mais n’est pas forcément celui qui

montre les soins ;

travailler à partir du questionnement de l’étudiant et non à partir de

conseils que l’on va dispenser comme cela très rapidement ;

la notion de réflexivité car elle demande une remise en question du tuteur,

un travail sur soi ;

l’évaluation, le tuteur préférant la co-évaluation avec le cadre, car cela

renvoie à la notion de responsabilité ;

avoir ou créer du temps avec l’étudiant face à la charge de travail

importante dans les services.

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22

Cette expérience d’immersion dans un dispositif existant a permis de nourrir l’élaboration de

notre projet de dispositif de formation « tutorat MK ».

Afin de poursuivre le cadre de cette recherche et d’adopter une posture de distanciation nous

allons interroger tout d’abord le concept du « tutorat », celui de « l’accompagnement », puis

celui de « praticien réflexif » et en dernier lieu celui des « représentations sociales ». Nous

articulerons les matériaux retenus en définissant notre question centrale de recherche.

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23

Partie II. Construction théorique et matériaux

retenus

Chapitre 1. Un dispositif de formation en situation de travail : le

tutorat

1. Définitions du tutorat

L’étymologie du mot « tutorat » vient du latin tutor, tutrix. Il désigne un défenseur, un

protecteur, un gardien. À l’origine, le tuteur est un logeur prenant en pension des étudiants.

Quelqu’un qui « s’occupe de, qui prend soin de ». Du point de vue juridique, le tuteur est une

personne chargé de veiller sur un mineur ou une personne frappée d’interdiction, de gérer ses

biens, d’où les expressions « mise en ou sous tutelle ». En horticulture, le tuteur désigne « une

armature de bois ou de métal fixée dans le sol pour soutenir ou redresser des plantes » ; sans

la tige, la plante ne pourrait pousser droite. « En éducation, c’est une personne qui assure ou

accompagne l’apprentissage d’un plus jeune ou d’une personne novice. »43

Au sein des entreprises, le tutorat peut être un outil d’adéquation entre l’emploi et la

formation. Dans beaucoup de secteurs d’activité, les pyramides des âges sont élevées et les

entreprises vont être confrontées à deux problématiques : la perte de compétences que

représente le départ massif de salariés ayant atteint l’âge de la retraite et la gestion du

vieillissement au travail avec le maintien des seniors dans l’emploi. Deux lois illustrent nos

propos :

la loi 2010-1330 du 9 novembre 201044

portant réforme des retraites, chapitre II,

« Compensation de la pénibilité », article 86 : « L’allègement de la charge de

travail peut prendre la forme de l’exercice d’une mission de tutorat au sein de

l’entreprise du salarié, mission au titre de laquelle le salarié bénéficie d’une

indemnité complémentaire fixée par l’accord » ;

la loi 2009-1473 du 24 novembre 200945

, loi relative à l’orientation et à la

formation professionnelle tout au long de la vie, le tutorat peut être mis en place

43

ARDOUIN Thierry (2002), « Le tutorat comme producteur de nouvelles identités professionnelles », in : ASTOLFI Jean-Pierre, Éducation et formation : nouvelles questions, nouveaux métiers, Paris, ECF, pp. 1-15. 44

http://www.legifrance.gouv.fr, consulté le 4 décembre 2010. 45

Ibid.

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24

dans le monde de l’entreprise, selon les accords de branches professionnelles,

pour les bénéficiaires de contrat ou de période de professionnalisation.

Ainsi le tutorat désigne-t-il l’ensemble des moyens humains et organisationnels qu’une

entreprise ou une organisation met en œuvre pour intégrer et former en situation de travail un

ou plusieurs apprenants. Ce dispositif repose sur l’apprentissage en situation de travail. Le

tuteur est, par exemple, un salarié volontaire de l’entreprise qui intervient auprès du tutoré

pour faciliter sa prise de poste, lui apporter des conseils sur le plan technique et

organisationnel. Il l’aide à tisser un réseau relationnel dans l’organisme pour faciliter son

insertion dans le monde du travail et à développer ses compétences.

Selon J.-M. BARBIER (1996)46

, « on tend, en effet, à parler de tutorat chaque fois que l’on

constate auprès d’agents dont ce n’est précisément pas la fonction principale, et pour une

durée qui reste généralement limitée, la présence d’activités qui contribuent directement à la

survenance chez d’autres agents de transformations identitaires correspondant au champ

même de cette fonction principale ». Le tutorat recouvre des situations et des pratiques variées

dans le champ des systèmes d’enseignement et de formation, mais aussi dans le champ des

systèmes du travail et de la vie sociale.

Le tutorat en entreprise ou en milieu professionnel se définit « comme l’ensemble des activités

mises en œuvre par des professionnels en situation de travail, en vue de contribuer à la

production ou à la transformation de compétences professionnelles dans leur environnement,

de jeunes embauchés ou de salariés en poste engagés dans un processus d’évolution de leur

qualification »47

.

J.-J. BORU (1996)48

corrobore les propos de J.-M. BARBIER et ajoute que le tutorat « mode

de formation en situation professionnelle […] consiste en un accompagnement par des

professionnels expérimentés d’apprenants en situation de travail […] et en un ensemble de

moyens en particuliers humains, mobilisés pour intégrer et former à partir de la situation de

travail ». Mais cependant il exprime un point de vigilance et refuse de « réduire le tutorat à

une relation duelle entre un jeune inexpérimenté et un aîné en maîtrise de son domaine

professionnel ».

46

BARBIER Jean-Marie (1996), « Tutorat et fonction tutorale : quelques entrées d’analyse », Recherche et formation, n

o 22, pp. 7-19.

47 Ibid., p. 9.

48 BORU Jean-Jacques (1996), « Du tuteur à la fonction tutorale : contradictions et difficultés de mise

en œuvre », Recherche et formation, no 22, pp. 99-114.

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25

Nous pouvons distinguer deux formes de tutorat dans l’entreprise selon A. GEAY (1998)49

:

le tutorat dit spontané ou naturel, au sein d’une entreprise, est caractérisé par un

tutorat d’encadrement, l’accueil des débutants, l’intégration d’un nouvel arrivant,

la transmission de la culture d’entreprise et l’émergence de la fonction tutorale.

Les tuteurs doivent transmettre le travail sans l’enseigner, en encadrant et en

organisant l’activité, en définissant les contenus, les objectifs et les critères

d’évaluation des tâches à réaliser ;

le tutorat réglementaire ou institué dans l’alternance est caractérisé par un tutorat

d’alternance programmé réglementé, institué, centré sur l’approche pédagogique.

Les objectifs de formation sont négociés avec un partenaire de formation. Sa

finalité est l’insertion et la qualification.

Nous retiendrons donc que le tutorat permet à un novice ou un apprenant de s’intégrer ou de

se former en situation de travail afin de pouvoir construire ses compétences, en étant

accompagné, aidé, conseillé par un professionnel expérimenté, le tuteur, dont ce n’est pas la

fonction principale.

2. Missions, compétences et fonctions du tuteur

La fonction tutorale dans l’entreprise regroupe deux missions principales :

une mission de socialisation professionnelle : C. DUBAR (2002)50

définit la

socialisation comme « une construction des identités sociales et

professionnelles ». Ainsi, dans le milieu professionnel, tout individu produit son

identité sociale et cherche à se faire reconnaître. Le tuteur est la personne à

laquelle le stagiaire va pouvoir s’identifier professionnellement. Suivant la

relation qui va s’établir entre l’étudiant et le tuteur, le stagiaire va construire pour

lui-même, une image plus ou moins positive « du travail » et « de lui-même dans

ce travail » ; c’est dans ces interactions au quotidien, que va se construire la

posture du stagiaire dans le travail et la profession ;

une mission de transmission des pratiques professionnelles : la mission consiste

non pas à transmettre des connaissances mais un travail effectué par le tuteur

c’est-à-dire ce qui se transmet en situation de travail. Il s’agit pour le tuteur de

créer les conditions favorables aux apprentissages en situations de travail. Comme

49

GEAY André (1998), L’école de l’alternance, Paris, Éditions L’Harmattan, pp. 158-173. 50

DUBAR Claude (2002), La socialisation, Paris, Éditions Armand Colin, 3e édition.

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26

le souligne J.-J. BORU (1996) : « par essence, le tuteur n’a pas pour mission

première de transmettre un savoir mais de rendre le travail formateur ». Pour

J.-M. BARBIER (1992), il s’agit « de promouvoir un savoir plus opérationnel

c'est-à-dire applicable directement aux situations de travail et basé sur le

développement des compétences »51

; l’auteur y définit le tutorat comme « un

mode privilégié de productions de compétences au travail pour le travail ».

Cette formation en situation de travail s’appuie sur une pédagogie de l’incident ou du

dysfonctionnement. C’est donc, comme nous l’explique A. GEAY (1995)52

, le problème qui

suscite la résolution de problème en situation et qui permet de construire des compétences

professionnelles.

La logique d’action pédagogique pour caractériser cette transmission d’expérience qu’est le

tutorat est, selon M. LESNE (1977)53

, le mode de travail pédagogique de type appropriatif

centré sur l’insertion sociale de l’individu en formation (MTP3) qui s’ancre sur « la situation

professionnelle ». Le tutoré est au cœur du dispositif. Le tuteur l’aide à s’approprier et à

s’adapter à la réalité socioprofessionnelle en créant une relation dialectique entre « théorie et

pratique », « compétences et savoirs à mobiliser » et non juste une application des savoirs

acquis précédemment.

Le tuteur n’a plus une fonction de modèle mais une fonction de « facilitateur » pour

F. VINCENT (1982)54

, en aidant le tutoré à se former « au travers d’une expérience » en

pratiquant. Il lui permet de réfléchir, d’analyser, de « prendre du recul par rapport à la

situation de travail »55

, de comprendre et donc d’assimiler.

Le tutorat n’est donc pas une « activité d’immersion dans le monde du travail », mais une

« activité de formalisation »56

, de mise à distance, de mise en représentation des actes de

travail qui va se matérialiser par des verbalisations et des échanges entre tuteurs et tutorés.

51

BARBIER Jean-Marie (1992), in : BORU Jean-Jacques et LEBORGNE Christian (1992), Vers l’entreprise tutrice : du tuteur à la fonction tutorale, Paris, Éditions Entente. Préface. 52

GEAY André (1995), Étude sur la fonction tutorale, Cahiers de l’IPA, Repères, no 13, p. 43.

53 http://www.ciep.be/documents/F.Ped.Esper40.pdf, consulté le 18 juillet 2012. LESNE Marcel (1977),

« Travail pédagogique et formation d’adultes », Éditions PUF, pp. 29-30, in : MIRKES Marina, Un processus pour former des sujets et des acteurs sociaux, Fiches Pédagogiques. 54

VINCENT Francine (1982), « La pédagogie du tutorat », Éducation permanente, no 65, pp. 15-20.

55 BORU Jean-Jacques (1996), op. cit..

56 BARBIER Jean-Marie (1996), op. cit.

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27

Pour cela le tuteur doit nécessairement adopter deux attitudes selon M. PAUL (2004)57

:

une attitude d’effacement, ne pas faire, ni dire à la place de l’Autre, pour lui

laisser suffisamment d’initiatives pour qu’il apprenne en situation ;

une capacité à adapter l’action aux capacités de la personne accompagnée.

Ainsi le tuteur permettra à l’Autre une autonomie dans la réalisation, une analyse de l’activité

et cet accompagnement facilitera une prise de recul, une distanciation réflexive, c'est-à-dire

une expérience vécue et réfléchie par le stagiaire lui-même.

F. GAY58

, en 2011, s’appuyant sur les travaux d’A. BAUDRIT (2000)59

, a fait une synthèse

des compétences attendues chez un tuteur quelque soit le milieu d’exercice :

compétences relationnelles : établir une relation de confiance et d’aide, se rendre

disponible, faire preuve de compréhension, ne pas systématiquement intervenir

pour laisser le temps de la réflexion et de la réponse (illustré par les verbes

suivants pour M. PAUL : accueillir, soutenir, suivre) ;

compétences d’éthique : développer l’estime de soi chez le tutoré : savoir

encourager et féliciter, ne pas condamner l’erreur, ne pas porter de jugement sur

l’apprenant, ne pas l’enfermer dans ses incapacités, croire au potentiel du tutoré,

veiller à le « tirer vers le haut » ;

compétences pédagogiques : diagnostiquer les besoins et les difficultés de

l’apprenant, savoir repérer ses ressources, ses difficultés d’apprentissage, les

analyser, l’aider à trouver des moyens, voire créer des outils , savoir donner des

méthodologies adaptées de prises de notes, de résolution de problèmes, d’écriture

(illustré par les verbes : former, transmettre, évaluer) ;

compétences organisationnelles : structurer l’aide à apporter à l’apprenant

(illustré par les verbes : négocier, organiser, coordonner).

Ainsi pour M. PAUL, « le tutorat exige une constellation de savoir-faire, attitudes,

connaissances adaptés aux besoins des personnes accompagnées ».

Le modèle théorique proposé par P. PELPEL (1996) dans l’étude de la formation des

enseignants attribue trois fonctions essentielles au tuteur : « une fonction d’accueil et

57

PAUL Maela (2004), L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, Paris, Éditions L’Harmattan, p. 39. 58

GAY Françoise (2011), « Tutorat et compétence, le poids de la représentation », université de Rouen. Mémoire master 2 ICF. 59

BAUDRIT Alain (2000), Le tutorat dans les universités anglo-saxonnes : des idées pour les universités francophones ?, Paris, Éditions L’Harmattan, pp. 70-89.

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28

d’animation, une fonction d’aide et de conseil, une fonction de contrôle et/ou d’évaluation ».

Ces fonctions sont décrites dans le référentiel de formation IDE. Le tuteur IDE est donc un

agent d’accueil et d’intégration, un transmetteur d’informations et de savoirs, un coordinateur

et un évaluateur.

Pour M. PAUL (2004), les deux fonctions de « soutien » et « d’évaluation » « sont

contradictoires ». Et nous le comprenons ainsi : le tuteur ne peut être à la fois dans une

relation « d’aide, de conseil » et une relation « d’évaluation-sanction », « l’aide » faisant

appel à l’évaluation formative et « l’évaluation-sanction » à l’évaluation normative.

Cependant, pour M. PAUL, c’est l’une des caractéristiques des fonctions d’accompagnement

que de confronter les dilemmes. En effet, est-ce que le tuteur a comme rôle d’évaluer ou de

réguler ? d’aider ou de juger ? de contrôler ou de comprendre ? Certes il est une aide et une

personne ressource, mais il est aussi garant du contrat de formation et garant de l’intégration

des normes professionnelles attendues.

3. Démarches du tuteur

3.1. Qu’est ce qui rend un tutorat efficace ?

Selon H. G. SCHMIDT et J. H. C. MOUST cités par A. BAUDRIT (2000), deux constats sont

relatés dans la littérature consacrée à l’efficacité tutorale :

la congruence sociale : les qualités personnelles du tuteur, son habileté à

communiquer avec les étudiants de façon informelle, son attitude empathique qui

lui permet de favoriser les apprentissages dans un climat favorable à l’échange des

idées ;

la congruence cognitive : la capacité chez le tuteur de s’exprimer dans le langage

des étudiants d’utiliser des notions, des concepts qui lui sont familiers,

d’expliquer en des termes compréhensibles par eux, de mettre son niveau

d’expertise comme élément facilitateur des apprentissages.

Selon K. J. TOPPING et al. cités également par A. BAUDRIT, l’efficacité est liée aux

moments d’intervention dans la formation. A. BAUDRIT (1999) complète en affirmant

qu’elle est liée à l’élaboration du « diagnostic sérieux des besoins du tutoré »60

.

60

BAUDRIT Alain (1999), Tuteur : une place ; des fonctions, un métier, Paris, PUF, p. 69.

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29

Toutes ces données permettent de comprendre comment cette relation asymétrique, « liée à

l’asymétrie des compétences entre partenaires » tuteur-tutoré, peut être fructueuse.

3.2. Quelles postures tutorales adoptées ?

Nous avons vu précédemment que l’évolution du tutorat amène un changement de

paradigme : « on se déplace d’une pédagogie du modèle et de l’exemplarité vers une

pédagogie de l’émergence et de la médiation »61

écrit M. PAUL (2009). Le tuteur est dans

une posture de facilitateur qui crée une dynamique de réflexion, de questionnement, de

recherche de sens auprès du tutoré, en s’interdisant de juger. Le tuteur facilitateur amène le

tutoré à construire lui-même son savoir, en le soutenant et le valorisant, mais en ne faisant pas

à sa place, en créant les conditions pour que cela soit possible.

V. GLIKMAN62

nous propose une typologie des tuteurs selon deux modalités nommées

postures tutorales proactives ou réactives :

les tuteurs plutôt réactifs ont tendance à se contenter de répondre aux demandes

explicites des apprenants, sans anticiper sur ces demandes et sans chercher au-

delà ;

les tuteurs plutôt proactifs prennent l’initiative de proposer une aide et

s’appliquent à faire émerger des demandes.

Cette typologie des tuteurs a été élaborée à la lumière d’une recherche sur les pratiques

tutorales dans les dispositifs de formation fondés sur l’usage des technologies de

l’information et de la communication (FOAD formations ouvertes et à distance) et notamment

par l’analyse de leurs discours et de leurs stratégies en matière de soutien aux apprenants. Elle

est fondée sur deux éléments : la nature du soutien que les tuteurs estiment devoir apporter et

qu’ils apportent effectivement aux apprenants, et la manière dont ils assurent ce soutien.

V. GLIKMAN définit quatre types de tuteurs (voir Figure 1 ci-dessous) :

les tuteurs formels, sont plutôt réactifs et ne traitent que les demandes d’ordre

didactique et méthodologiques. Ces tuteurs répondent à un modèle fonctionnel ;

les tuteurs compatissants sont seulement réactifs et acceptent de traiter toutes les

demandes des apprenants notamment des problèmes d’ordre psychologique,

matériel, personnel et social. Ces tuteurs répondent à un modèle affectif ;

61

PAUL Maela (2009), « L’accompagnement dans le champ professionnel », Savoirs, no 20, p. 25.

62 GLIKMAN Viviane (2002), « Apprenants et tuteurs : une approche européenne des médiations

humaines », Éducation permanente, no 152, pp. 55-69.

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30

les tuteurs challengers sont proactifs et ne traitent que des questions d’ordre

didactique et méthodologique. Ces tuteurs répondent à un modèle pédagogique ;

les tuteurs postmodernes sont proactifs et acceptent de traiter toutes les demandes

des apprenants notamment des problèmes d’ordre psychologique, matériel,

personnel et social. Ces tuteurs répondent à un modèle holistique personnalisé.

C. DENIZE63

précise les modalités proactive et réactive en s’appuyant sur les définitions de

B. DE LIÈVRE (2005)64

: « L’intervention proactive consiste à proposer à l’apprenant

certaines manières de procéder, à lui dispenser des conseils, à lui proposer des questions…

en intervenant dans son travail sans attendre une sollicitation de sa part. » et : « La modalité

d’intervention qualifiée de réactive consiste en l’attente d’une sollicitation de l’apprenant

pour lui offrir l’information dont il a besoin. Les actions mises en œuvre dans le cadre de

cette modalité réactive ne sont déclenchées qu’à partir du moment où l’apprenant les

sollicite ».

63

DENIZE Céline (2011), « L’analyse de besoin au cœur du processus de recherche. L’e-formation à l’officine : quel accompagnement ? », université de Rouen. Mémoire de master 2 ICF. 64

DE LIÈVRE Bruno et al. (2005), « Quelle place accordée au tuteur système et au tuteur humain dans un processus d’industrialisation ? », Distances et savoirs, n

o 2, vol. 3, pp. 157-181.

Source : Modélisation de la typologie des tuteurs, GLIKMAN Viviane, 2002, « Apprenants

et tuteurs : une approche européenne des médiations humaines », Éducation

permanente, no 152, p. 64.

Figure 1. Modélisation des postures tutorales proactive et réactive.

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31

V. GLIKMAN nous dit que « dans la formation à distance comme dans la formation en

présentiel, alors que seule une forte pro activité à un soutien de type holistique peut favoriser

la persévérance des moins armés, l’institution et ses tuteurs négligent trop souvent,

volontairement ou involontairement, les dimensions du soutien qui ne relèvent pas

directement d’apports didactiques ou méthodologiques et beaucoup de tuteurs adoptent une

posture réactive, se contentant de répondre aux questions formulées par les apprenants »65

.

Les résultats de l’étude de C. DEPOYER corroborent ceux de V. GLIKMAN : beaucoup de

dispositifs de formation se limitent à un type d’intervention réactif en considérant que les

apprenants « s’adresseront spontanément au tuteur lorsqu’ils en ressentiront le besoin ».

C. DENIZE explique que la proactivité dans le cadre de la FOAD peut être favorisée pour

certains apprenants. Néanmoins, c’est la posture réactive qui est généralement adoptée par les

tuteurs. L’auteure précise que, de manière générale, les apprenants qui ont besoin de soutien

sont ceux qui s’adressent le moins au tuteur.

LEIBOWITZ et al., cités par A. BAUDRIT (2000), ont remarqué qu’un apprenant qui fait la

démarche de solliciter son tuteur, comprendra très rapidement l’intérêt ressenti pour propre

apprentissage et viendra facilement consulter dès qu’il a un problème.

Le choix de posture du tuteur dépend aussi de la typologie de l’apprenant, selon qu’il soit plus

ou moins autonome dans son apprentissage. Mais nous n’aborderons pas cet aspect.

Alors, quelle démarche adopter ? Est-ce que le tuteur attend que l’apprenant le sollicite ? Est-

ce que le tuteur va vers l’apprenant et prend l’initiative de faire émerger des demandes ? tel

Socrate, chemin faisant, en ayant la bonne distance, afin que l’étudiant soit Acteur de son

processus de formation.

Dans le référentiel IDE de 2009, la posture proactive du tuteur est en toile de fond du

dispositif de formation en plaçant le tuteur comme un facilitateur qui accompagne l’étudiant

afin de le guider dans son processus de formation.

65

GLIKMAN Viviane, 2002, Des cours par correspondance au e-learning », Paris, PUF, p. 229.

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32

Chapitre 2. L’accompagnement : la relation entre le

professionnel et le professionnel en devenir

1. Définition de l’accompagnement

La décomposition du verbe accompagner confirme trois espaces sémantiques AC / CUM /

PANIS (en latin) qui expriment successivement l’idée « d’aller vers / celle d’être avec / [et à

travers le symbolisme du pain : ] l’idée de partager quelque chose de substantiel ».

Le Dictionnaire de la formation et du développement personnel définit l’« accompagnement »

comme « la fonction qui, dans une équipe pédagogique, consiste à suivre un stagiaire et à

cheminer avec lui durant une période plus ou moins brève afin d’échanger à propos de son

action, d’y réfléchir ensemble et de l’évaluer » 66

.

D’autres dictionnaires spécialisés définissent le terme « accompagnement », d’un côté

comme « une relation duelle privilégiée »67

, de l’autre comme « un ensemble de moyens

d’assistance pédagogique »68

.

Le travail de recherche de M. PAUL (2004)69

révèle que le terme accompagnement est

d’abord « un contrat de pariage », c’est-à-dire « un contrat unissant deux parties,

généralement d’inégales puissances, pour la possession en commun d’une terre ». Si

l’inégalité est à la base de la constitution du lien, le contrat qui unit désormais ces deux parties

dénote de l’intention d’une personne à s’engager envers Autrui en but d’établir une parité.

Dans le cas du tutorat d’étudiant, la convention de stage tripartite (étudiant - établissement de

soin - institut de formation) aura une fonction juridique et administrative ; c’est la charte

d’encadrement qui a une fonction pédagogique formalisant les engagements des deux

institutions dans l’encadrement des étudiants (instituts de formation, établissement de soin).

2. Caractéristiques de la relation d’accompagnement

L’accompagnement vise à aider le sujet, l’étudiant, à construire des liens qu’il ne saurait

établir spontanément seul. Il n’y a pas d’accompagnement sans demande, sans structuration

du parcours d’accompagnement (notion de durée), sans liberté (le sujet est Acteur et Auteur

66

BELLENGER Lionel et PIGALLET Philippe (1996), Dictionnaire de la formation et du développement personnel, collection formation permanente en Sciences Humaines, p. 13. 67

Dictionnaire Encyclopédique de l’Éducation et de la Formation (1994). 68

Dictionnaire des mots-clés pour l’Éducation et la Formation (2002). 69

Op. cit., p. 56.

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de son projet). Vivre l’expérience d’être accompagné, c’est recevoir quatre dons : ceux

« d’écoute, de clarification, de proposition, de l’aide à la décision » pour G. WIEL (1998)70

.

Dans l’accompagnement, la relation est première et est au fondement de l’action. Elle peut

être caractérisée de cinq manières selon M. PAUL (2004)71

:

asymétrique : elle met en présence deux personnes d’inégales puissances,

l’étudiant / le tuteur ;

contractualisée : elle associe ces personnes sur la base de vues communes, en

vue d’un partage ;

circonstancielle : elle répond à une situation particulière ;

temporaire : elle constitue une période délimitée par un début et une fin ;

co-mobilisatrice : elle vise fondamentalement à soutenir, guider une personne

dans sa progression, elle sollicite donc de s’inscrire dans un

mouvement.

3. Accompagnement : quelles pratiques professionnelles ?

Sous le terme d’accompagnement se cache une multitude de pratiques professionnelles, une

« nébuleuse » selon M. PAUL (2004)72

, telles que : le counseling, le mentorat, le tutorat, le

coaching, la médiation sociale, le conseil, la médiation éducative, le compagnonnage et le

parrainage.

Celles-ci sont complémentaires. En effet, elles sont à mi-chemin entre différentes relations

telles que relations d’aide, d’apprentissage ou de formation, de socialisation ou d’insertion

socioprofessionnelle, de développement professionnel ou de carrière.

Ces pratiques d’accompagnement entraînent une dimension relationnelle forte entre deux

personnes, une volonté de réhabiliter l’expérience des individus, de valoriser l’action, l’accent

étant plus ou moins mis sur l’autonomie, la socialisation ou l’individualisation.

4. Postures d’accompagnement

Pour M. PAUL, accompagner requiert pour celui qui accompagne une plasticité posturale,

c'est-à-dire savoir passer de « conduire » à « guider » mais aussi à « escorter », en renonçant

70

WIEL Gérard (1998), « La démarche de l’accompagnement », in : CHAPPAZ Georges et LAFONT Monique, Accompagnement et formation, université de Provence, Éditions CNDP CRDP de Marseille, pp. 22-44 71

Op. cit., p. 60. 72

Ibid., p. 77.

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à s’immobiliser dans une posture et à toute prescription sur le cheminement,

l’accompagnement s’inventant « chemin faisant ».

Ainsi, à partir :

d’escorter, se déploie le registre du soin, de la protection, de l’aide et de

l’assistance, escorter signifiant accompagner pour guider, surveiller, protéger ;

de guider, référence est faite au registre du conseil et de l’orientation, guider

signifiant accompagner quelqu’un en montrant le chemin, en veillant à la marche ;

de conduire, se distingue le registre de la direction, centré sur l’idée d’une

conduite à tenir, et, par extension, registre des fonctions éducatives : instruire,

enseigner, élever, éduquer, former, initier au regard d’une direction donnée.

Conduire, c’est accompagner quelqu’un quelque part.

5. Tutorat et accompagnement

Pour M. PAUL, le tutorat et l’accompagnement sont généralement pensés au même niveau et

font ainsi appel au registre de l’aide, de l’attention à autrui. « Soutenir, surveiller, assister »

sont des verbes pouvant illustrer ce registre. Trois valeurs visées permettent de penser

l’accompagnement au travers du tutorat comme transversal aux trois domaines que sont

l’éducation, la santé et le social. Ce sont :

le don d’autonomie : l’accompagnateur cesse d’assister l’Autre comme impuissant

à penser, parler, agir par lui-même ;

le don de sollicitude : le « prendre soin » d’Autrui dans sa capacité à se prendre en

main ;

le don d’autorité : le sujet est Auteur. Cela suppose de cesser de concevoir

l’accompagnement comme une béquille pour Autrui, comme incapable et fragile,

pour entrevoir une relation entre deux adultes à la fois puissants et faillibles. Ainsi

« l’expérience questionnant l’expérience »73

sera formative et donc contribuera à

créer les conditions d’une parole réflexive.

À la lumière de la lecture de M. PAUL et de G. WIEL, nous retiendrons la définition

suivante : accompagner, c’est à la fois écouter, conduire, guider escorter tout en laissant

l’autre, Auteur de son projet, se gérer librement.

73

Ibid., p. 138. M. PAUL citant HONORÉ Bernard (1992), Vers l’œuvre de formation, L’ouverture à l’existence, Paris, Éditions L’Harmattan.

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35

En effet, pour M. VIAL et N. CAPPARROS-MENCACCI (2009), l’accompagnement est

toujours de l’ordre de la rencontre d’un Autre, d’une altérité. « Accompagner c’est être une

personne ressource, ici et maintenant et ce « être avec » fera que le chemin se trace, que des

buts nouveaux apparaissent, que des effets naissent […] largement imprévus. »74

L’accompagnement compose donc aussi avec la logique d’incertitude, l’aléa. « C’est de la

capacité pour l’accompagnant de jouer ces différents registres (conduire/guider/escorter)

selon les personnes, selon les circonstances, que dépend la possibilité pour l’accompagné de

(se) trouver lui aussi dans une attitude d’ouverture réflexive et critique parce qu’il se trouve

effectivement à devoir, penser, réfléchir, délibérer, à partir de ce qui surgit dans l’interaction,

ce qui pour lui est signifiant. »75

Et de fait, le dispositif de formation évolue, comme l’écrit M. PAUL : « Sous la contrainte

d’un renversement paradigmatique, le tutorat évolue d’un mode relationnel hiérarchisé

(vertical) vers un mode partenarial (horizontal), d’une logique de transmission à une logique

réflexive, d’une formation par l’action et l’imitation à une réflexion dans l’action, d’une

centration sur l’action du tuteur à une centration sur l’expérience vécue par le stagiaire. »76

Comment se construit la pensée réflexive ?

Chapitre 3. Praticien réflexif : comment apprendre de ses

pratiques professionnelles ?

D. SCHÖN77

, en 1983, souligne que la pratique professionnelle n’est pas un domaine

d’application de théories élaborées en dehors d’elle. Il s’agit d’un lieu de production constante

de solutions nouvelles à des problèmes nouveaux, mais aussi d’un lieu de développement de

compétences professionnelles. Le professionnel n’est pas un applicateur de principes

théoriques, ni de règles méthodologiques. En essayant de résoudre et comprendre une

situation, il s’efforce d’observer l’effet de ses propres actions pour le modifier au moment de

faire de nouvelles actions. Cette « conversation avec une situation » permet la mise en place

d’un « art », utilisant les situations problématiques comme « guides » pour élaborer un plan

74

VIAL Michel et CAPARROS-MENCACCI Nicole (2009), L’accompagnement professionnel : méthode à l’usage des praticiens exerçant une fonction éducative, Bruxelles, Éditions De Boeck, p. 34. 75

PAUL Maela (2004), op. cit,, p. 309. 76

Ibid., p. 34. 77

SCHÖN Donald (1983 ; 1994 pour la traduction française), Le praticien réflexif : à la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel, Montréal, Éditions Logiques.

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36

d’action personnalisé et adapté. Il prend donc sa propre action comme objet de sa réflexion.

Le professionnel devient un « praticien réflexif » car il construit son savoir professionnel par

l’action et la réflexion dans et sur l’action.

Se demander quels savoirs sont mobilisés lors d’une pratique réflexive permet de souligner

qu’une partie de ces savoirs ne sont pas scientifiques, ni même savants, mais souvent

implicites, tacites, « cachés dans l’agir ». Ils sont « professionnels », au sens où ils sous-

tendent l’exercice du métier, mais ils ne sont pas nécessairement partagés ou verbalisés au

sein de la profession. Il s’agit de « savoirs d’expérience ». Ils résultent de la réflexion sur

l’action, autre moment de la pensée des praticiens, qui survient dans l’après-coup, selon

D. SCHÖN. L’expérience analysée est en quelque sorte capitalisée et réinvestie dans de

nouveaux épisodes.

Le paradigme du praticien réflexif est donc complexe. Il distingue mais articule réflexion dans

l’action et réflexion sur l’action.

1. Une réflexion dans l’action

Y. SAINT-ARNAUD (2001)78

explique, en s’appuyant sur les travaux KUHN, que le

praticien vit un conflit, oscille entre deux paradigmes, celui de l’expertise et celui de

l’incertitude :

s’il agit selon le « paradigme de l’expertise », il s’appuie sur un savoir homologué

(théories, concepts, modèles…) pour expliquer ce qui se passe dans une

interaction. Lorsqu’il détecte des indices d’inefficacité, il cherche à modifier son

action en fonction de la prescription du savoir homologué ;

s’il agit selon le « paradigme de l’incertitude », il reconnaît les limites du savoir

homologué pour dénouer une situation difficile. Il s’appuie sur ce qu’il y a

d’unique et d’incertain dans chaque situation, « renonce au prêt à porter »,

accepte de vivre un processus essai/erreur. L’erreur existe. Il en fait quelque

chose, l’erreur devient créatrice. Il va donc l’identifier, la corriger par une

autorégulation créatrice, « faire du sur mesure ».

Nous pouvons en déduire que la réflexion durant l’action a donc une fonction de régulation,

d’optimisation des résultats. « Elle est rapide, superficielle, impliquée, abrégée par le temps

78

SAINT-ARNAUD Yves (2001), « La réflexion dans l’action : un changement de paradigme », Recherche et Formation, n

o 36, pp. 17-27.

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37

qui passe et oblige à décider. »79

Pour s’autoréguler dans l’action, il faut donc anticiper et

utiliser l’imprévisible.

2. Une réflexion sur l’action

La réflexion sur l’action, « dans l’après-coup », « une fois l’action éteinte », est un retour

analytique sur une interaction passée, une mise à distance réflexion/action, une décentration,

un questionnement de sa propre démarche. C’est une « abstraction réfléchissante ». Le

praticien réflexif « se regarde agir comme dans un miroir et cherche à comprendre comment

il s’y prend et pourquoi il fait ce qu’il fait éventuellement contre son gré »80

.

La réflexion sur l’action a deux fonctions :

une fonction de catharsis pour construire du sens, de la cohérence à postériori.

Elle prolonge une réflexion amorcée dans le vif de l’action mais qui sera reprise

une fois l’action terminée c'est-à-dire « repris à froid », « à tête reposée ». Elle

l’approfondit, l’élargit, la nuance ;

une fonction d’apprentissage qui peut préparer à apprendre de l’expérience

conduisant vers la professionnalité, le développement d’un savoir d’expérience

pour affronter des situations analogues.

Nous pouvons en déduire que la réflexion sur l’action, donc après coup, nous permet de ne

pas commettre deux fois les mêmes erreurs, donc d’apprendre de l’expérience, de comprendre

et de justifier nos actes. Elle peut permettre d’identifier « des structures invariantes de

l’action » que PIAGET appelle « schèmes d’action » et que BOURDIEU nomme « habitus ».

Ainsi « la réflexion sur l’action permet au praticien réflexif de prendre mieux conscience de

son propre habitus et parfois de le faire évoluer »81

; c'est-à-dire d’essayer de comprendre par

quels enchaînements de raisonnement et de réactions non réfléchies il a agi.

« Il n’y a pas de pratique réflexive complète sans dialogue avec son inconscient pratique,

donc sans prise de conscience. »82

Ceci sera favorisé par le sentiment d’avoir commis une

erreur, une injustice, d’avoir agi avec précipitation, ou sous l’emprise d’émotions, de préjugés

ou d’influences. Le sentiment d’impuissance ou d’incompétences sont aussi des moteurs du

« retour réflexif ».

79

PERRENOUD Philippe (2004), « Adosser la pratique réflexive aux sciences sociales, condition de la professionnalisation », Éducation permanente, n

o 160, p. 40.

80 Ibid., p. 39.

81 Ibid., p. 43.

82 PERRENOUD Philippe (2000), « De la pratique réflexive au travail sur l’habitus », Recherche et

formation, no 36, p. 136.

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38

3. Être Acteur et Auteur de ses pratiques

G. LE BOTERF (2002)83

souligne que la pratique réflexive consiste pour le professionnel à

prendre du recul par rapport à ses pratiques, à ses représentations, à ses façons d’agir et

d’apprendre. Cette capacité le rendra non seulement Acteur, mais Auteur. Pour

R. WITTORSKI (1996)84

, il s’agit d’une méta-compétence, c’est-à-dire d’une capacité à

regarder ses propres compétences et moyens d’action.

G. LE BOTERF (2010)85

définit le professionnel comme « celui qui non seulement est

capable d’agir avec pertinence dans une situation particulière mais également comprend

pourquoi et comment il agit ». Questionner l’expérience est donc source d’apprentissage par

le biais de la réflexivité. L’auteur nous en propose une modélisation, « la boucle

d’apprentissage expérientielle »86

réalisant un cycle en quatre temps (voir Figure 2 ci-

dessous) :

T1, l’expérience vécue. Début du cycle d’apprentissage par une mise en situation

offrant des opportunités d’apprentissage ;

T2, moment de l’explicitation. Première prise de recul par le récit de ce qui s’est

passé. Elle nécessite la présence d’un médiateur, qui va guider la verbalisation

vers une description de l’action en se tenant aux faits. C’est le premier temps de

réflexivité ;

T3, moment de la conceptualisation et de la modélisation. C’est le temps de la

reconstruction, qui nécessite d’expliquer, de « reformuler en termes

généralisables, de procéder à un travail d’élaboration théorique ». Il s’agit de

produire un savoir pragmatique en décontextualisant l’action. C’est le deuxième

temps de la réflexivité, qui amène à comprendre ;

T4, moment du transfert à de nouvelles situations. C’est le moment de la

« recontextualisation », sur la base des modélisations élaborées dans la phase

précédente. C’est réinvestir un apprentissage dans une situation différente et

aboutir à un nouvel apprentissage.

83

LE BOTERF Guy (2002), Ingénierie et évaluation des compétences, Paris, Éditions d’Organisation, 4

e édition.

84 WITTORSKI Richard (1996), « Évolution des compétences professionnelles des tuteurs par

l’exercice du tutorat », Recherche et formation, no 22, p. 41.

85 LE BOTERF Guy (2010), Construire les compétences individuelles et collectives, Éditions Eyrolles,

p. 85. 86

Ibid, p. 125.

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Ainsi nous retiendrons donc, comme l’écrit P. PERRENOUD, que « la compétence n’est pas

synonyme de perfection, mais de réflexivité et de régulation »87

.

4. Apprendre à être praticien réflexif

Comment se former pour être un praticien réflexif ? Faut-il avoir de solides connaissances

universitaires en Sciences Sociales et Humaines ? Avoir quelques notions ? Participer à un

petit module d’initiation à la réflexivité ?

P. PERRENOUD (2004) semble nous donner un début de réponse : « La pratique réflexive

caractérise un praticien en exercice et rien n’impose qu’elle s’insère dans un groupe, encore

moins une formation continue ou un dispositif défini d’analyse des pratiques ou des

87

http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1999/1999_15.html, consulté le 5 mars 2011. PERRENOUD Philippe (1999), De quelques compétences du formateur-expert.

Source : d’après LE BOTERF Guy (2010), Construire les compétences individuelles et

collectives, Éditions Eyrolles, p. 125.

T4. Retour à la mise en pratique : transfert et

transposition ; contextualisation

T1. Expérience vécue

T2. Explicitation et mise en

récit de l’expérience

T3. Conceptualisation ou

modélisation ; formalisation des schèmes et des

invariants opératoires

Figure 2. La boucle d’apprentissage expérientielle.

Apport de

connaissances

théoriques

Apport

d’expériences

et de concepts

exogènes

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problèmes professionnels. »88

« Cependant on peut penser qu’un praticien réflexif qui n’a

aucune formation, aucun bagage en sciences de l’action et du travail, n’a pas les moyens de

comprendre entièrement sa propre action, son habitus et le système d’action collective dont il

participe. »89

« Former des enseignants à la réflexivité ne s’improvise pas et nécessite de la part des

formateurs d’entrer eux-mêmes dans un processus de formation »90

selon C. BOUISSOU et

S. BRAU-ANTONY (2005).

« En considérant que ce déplacement [de posture pédagogique] ne va pas de soi, qu’il ne

s’opère qu’à partir d’une prise de conscience, qu’il passe par un changement identitaire, un

autre projet, de nouvelles compétences et représentations. »91

Cela suppose un apprentissage,

un accompagnement, une stimulation.

Comme nous avons pu le voir, apprendre à être praticien réflexif nécessite une prise de recul

sur sa pratique, une distanciation. L’accompagnement de cette distanciation par une tierce

personne peut faciliter un questionnement des représentations existantes pour les faire

évoluer. Il nous est donc apparu indispensable pour compléter notre réflexion d’aborder le

concept des représentations sociales.

Chapitre 4. Les représentations sociales et la formation : entre

interaction et évolution

« Représentations sociales », concept « élastique »92

est utilisé dans le champ de la sociologie,

de la psychosociologie, de la psychologie mais aussi dans les champs de l’éducation et de la

formation.

1. À quoi servent les représentations sociales ?

Les représentations sociales conditionnent notre manière de percevoir, d’interpréter, de

façonner le monde réel, « elles fournissent des grilles de lecture communes aux membres

88

Op. cit., p. 54. 89

Ibid., p. 47. 90

BOUISSOU Christine et BRAU-ANTONY Stéphane (2005), « Réflexivité et pratiques de formation », Carrefours de l’éducation, n

o 20, p. 132.

91 http://www.fsedu.usj.edu.lb/docs/perrenoud2.pdf, consulté le 5 mars 2011. PERRENOUD Philippe

(1998), Dix défis pour les formateurs d’enseignants. 92

BEZILLE Hélène (2001), cours « Identité sociale et professionnelle » de master 2 ICF, université de Rouen.

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41

d’une même société »93

. D’autres mots du langage courant peuvent les illustrer comme « idée,

pensée, croyances, explications, visions du monde ».

Pour D. JODELET (1989) les représentations sociales constituent donc « une forme de

connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la

construction d’une réalité commune à un ensemble social […] engageant l’appartenance

sociale des individus »94

. Elles concernent « la façon dont nous, sujets sociaux, appréhendons

les évènements de la vie courante. […] Cette connaissance se constitue à partir de nos

expériences, mais aussi des informations, savoirs, modèles de pensée que nous recevons et

transmettons par la tradition, l’éducation, la communication sociale. »95

Pour J.-C. ABRIC (1994) la représentation sociale est « le produit et le processus d’une

activité mentale par laquelle un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est

confronté et lui attribue une signification spécifique »96

.

Ainsi les idées qu’un individu peut avoir ou se construire d’une réalité concrète ou abstraite

vont être imprégnées par les « codes, valeurs, modèles, idéologies que la société véhicule »

nous dit D. JODELET. En d’autres termes les représentations individuelles vont être

influencées par les représentations collectives (terme utilisé en premier par DURKHEIM en

1898) donc par les représentations sociales (terme utilisé actuellement depuis les travaux

(re)fondateurs de cette notion par S. MOSCOVICI dès 196097

) mais aussi les nourrir si elles

sont partagées par le groupe.

S. MOSCOVICI démontre que les représentations sociales ont quatre fonctions :

des fonctions cognitives et d’intégration de la nouveauté. Ainsi S. MOSCOVICI

les considère comme « structure de savoir » organisant l’ensemble des

significations relatives à un objet ;

des fonctions d’interprétation de la réalité et de justification des compor tements

ou de prise de position ;

des fonctions d’orientation des conduites et des rapports sociaux ;

des fonctions identitaires.

93

DERNAT Sylvain (2011), « La douleur animale dans le cursus des étudiants vétérinaires : le rôle des représentations sociales », université de Rouen. Mémoire de master 2 ICF. 94

JODELET Denise (2003), Les représentations sociales, Paris, Éditions PUF, 7e édition.

95 JODELET Denise (1984), « Représentation sociale : phénomène, concept et théorie », in :

MOSCOVICI Serge, Psychologie Sociale, Paris, Éditions PUF. 96

ABRIC Jean-Claude (1994), Pratiques sociales et représentations, Paris, Éditions PUF. 97

VALENCE Aline (2010), Les représentations sociales, Bruxelles, Éditions De Boeck, p. 17.

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Les représentations forment un cadre, où les individus et les groupes se situent eux-mêmes

comme partageant des normes, de valeurs, une culture. Ce cadre leur permet d’interpréter les

situations rencontrées et de gérer leurs relations à autrui. Ceci va générer « des dynamiques de

logique, de stratégie identitaire, individuelle, collective et des rapports d’influence ».

La représentation sociale véhicule donc du sens, c’est un processus permanent sans cesse en

action. La notion de représentation sociale est donc le reflet de l’appartenance de l’individu à

une organisation sociale mais aussi de sa prise de conscience du réel et de ses réactions.

S. MOSCOVICI la situe comme l’intermédiaire entre le monde individuel et le monde social

et déclare que ce sont des « guides pour l’action », des « repères normatifs » qui orientent les

pratiques en leur donnant du sens. Ceux-ci seront d’autant plus efficaces si la représentation

est mobilisée sur le mode de l’évidence à un niveau inconscient.

J. LAURIOL98

dans Une approche socio-cognitive de la décision stratégique : Le cas B.S.C.,

nous explique que « l’ajout de sens » se fait à deux niveaux :

tout d’abord les individus intègrent de nouvelles connaissances, permettant

d’inscrire leur représentation sociale au sein d’un système de pensée préexistant,

mettant alors en route « le phénomène de familiarisation à l’étrange » ; les

individus recherchent « des causalités nouvelles » pour justifier la nouvelle

représentation sociale ;

puis le « processus d’instrumentation » de la nouvelle représentation sociale sera

nécessaire si l’on veut qu’elle se diffuse. Il s’agit que les individus puissent

« expérimenter les nouvelles conduites sociales » engendrées par cette nouvelle

représentation sociale. Ainsi les individus seront vecteurs de diffusion de cette

nouvelle représentation sociale.

2. Comment s’élaborent les représentations sociales ?

Selon S. MOSCOVICI (1961) et J.-C. ABRIC (1976), la représentation sociale est un

processus cognitif en quatre phases99

qui va permettre son ancrage :

phase d’« objectivation », phase de transformation du message qui permet de

simplifier le message de sélectionner certains éléments, de rendre les éléments

98

Cité par SEGUIN Anne-Pierre (2007), « Les discours d’accompagnement du changement. Comment passer de la persuasion à la création d’un contexte favorable à l’appropriation », université Rennes 2. Mémoire de master de Sciences de l’information et de la communication. 99 POPLIMONT Christine (2003), « Représentations sociales et formation par alternance », Éducation

permanente, no 155, p. 69.

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abstraits concrets, de matérialiser les mots issus de son environnement ou de son

champ social ;

phase du « noyau imageant » (noyau de base de la représentation) : les

informations sélectionnées et décontextualisées sont réorganisées en un schéma ou

modèle figuratif ; l’individu se construit une image qui va correspondre à ses

propres valeurs et à sa culture. Notion de schématisation structurante ;

construction d’un « cadre d’interprétation » ;

construction d’un « cadre de catégorisation » pour les nouvelles informations que

le sujet va enregistrer, intégrer.

Ces troisième et quatrième phases vont servir à orienter le comportement de l’individu et à

donner du sens aux évènements.

3. Modélisation de la représentation sociale

Nous pouvons utiliser « l’image de la cellule »100

ou de la tranche d’oignon pour nous aider

dans notre modélisation. La représentation sociale selon J.-C. ABRIC et C. FLAMENT

(1994) est composé d’un « noyau central encore appelé noyau dur » et de couches

successives périphériques formant un « système ou noyau périphérique ».

Le « noyau dur » est le siège des représentations collectives, consensuelles, stables, non

négociables, résistantes au changement. Ce noyau dur est composé de « themata », idées

fortes. Il est lié à l’histoire collective d’un groupe, à ses valeurs. S’il y a modification du

noyau dur, c’est qu’il y a création d’une nouvelle représentation sociale.

Le « système ou noyau périphérique » est le siège de représentations instables, produites dans

des micro-contextes, variables en fonction des contextes, éphémères, négociables. Il est lié

aux expériences singulières, individuelles. Il permet les échanges avec le réel. Les différentes

couches, composant ce système périphérique, sont classées hiérarchiquement par rapport au

noyau central : plus elles sont proches du noyau central plus elles sont importantes dans la

signification de la représentation, plus elles sont proches de la périphérie plus elles ont un rôle

dans l’explicitation selon J.-C. ABRIC (2001). Le système périphérique a trois fonctions :

fonction de concrétisation, qui rend la représentation concrète face à la réalité en

soulignant, en repérant les détails ;

100

DERNAT Sylvain (2011), op. cit.

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fonction de régulation : la représentation va s’adapter à des situations ou à des

éléments nouveaux en les classant par ordre d’importance ;

fonction de défense vis-à-vis du noyau central, le système périphérique se

comporte comme un véritable pare-choc selon C. FLAMENT. Pour changer la

représentation c’est cette fonction de défense sur laquelle il faut agir en premier.

4. Les représentations sociales peuvent-elles se modifier ?

Les représentations se transforment plus ou moins :

selon la réversibilité du changement. Si la situation est jugée comme temporaire

les individus ne changent leurs représentations que superficiellement. Par contre si

la situation est jugée comme irréversible par les individus (cas du référentiel de

formation IDE), le noyau dur des représentations collectives pourra évoluer sous

l’influence relative de la souplesse du système périphérique. Mais cette

transformation sera progressive et lente ;

selon que le changement engage ou non un conflit de valeur. Pour

C. POPLIMONT (2003) qui s’appuie sur les travaux de K. LEWIN et

J.-C. SALLABERRY : « Pour avoir un effet sur une représentation, il ne faudra

pas que cette nouvelle pratique entre en contradiction avec l’histoire

socioculturelle de l’individu ou du groupe, avec son système de normes et de

valeur. »101

Car les représentations sociales auront une fonction défensive et

interviendront dans l’interprétation des faits afin de répondre à la satisfaction du

besoin de continuité identitaire. L’introduction d’un changement dans une

organisation vient bousculer l’équilibre de celle-ci. Pour illustrer ces propos cela

peut être le cas si les IDE ont des difficultés à comprendre les nouvelles réalités

du rôle de tuteur qui leur est assigné si les pratiques prescrites par le référentiel de

formation IDE n’a pas de sens pour eux ;

selon le type de management (participatif/autoritaire) qui accompagne le

changement : dans les cas d’un management participatif, le fait de faire travailler

en groupe les IDE sur l’élaboration d’un projet d’accompagnement des ESI en

stage peut permettre l’émergence de nouvelles représentations partagées et la

remise en question des représentations anciennes.

101

Op. cit., p. 70.

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« Modifier une représentation, c’est remettre en cause le maintien de son identité sociale. Les

représentations peuvent donc jouer un rôle dynamique : permettre l’évolution du sujet, mais

aussi être un frein dans sa transformation lorsque celui-ci se défend face à la nouveauté. »102

5. La formation accompagne le travail sur les représentations

Par leurs rôles respectifs, un lien de réciprocité existe entre « la formation » et « les

représentations sociales ».

5.1. Rôle de la formation comme « espace transitionnel » d’élaboration de nouvelles

représentations

Le psychanalyste WINNICOTT a créé le concept « d’espace transitionnel » pour expliquer la

dynamique qui fait sortir le petit enfant de la dépendance maternelle. Cet espace transitionnel

désigne le passage entre la situation de fusion avec le monde de la mère à la situation où

l’enfant connaît le monde et peut le transformer. Cet espace transitionnel est un lieu psychique

qui se déploie entre l’enfant et sa mère, entre l’enfant et sa famille, entre l’individu et la

société. Trois étapes successives le font devenir l’espace des possibles en produisant des aires

d’expérimentation de plus en plus larges (aire du symbole, aire du jeu, aire de la culture) où

l’enfant va développer une maîtrise progressive de l’environnement. WINNICOTT décrit tout

d’abord la première expérience du rapport au monde de l’enfant basée sur « l’illusion » créée

par la médiation maternelle en répondant à toutes ses sollicitations. Cette illusion est

indispensable et lui donnera la confiance nécessaire pour explorer ultérieurement le monde.

Puis ensuite une lente activité « de désillusionnement » sera indispensable pour ouvrir

l’espace transitionnel. Les rapports de séparation-union entre la mère et l’enfant font que

l’espace transitionnel devient ainsi un espace des possibles, qui conduira l’enfant à construire

ses propres représentations du réel et qui le conduira vers l’autonomie.

J.-P. OBIN103

(1995) transpose le concept « d’espace transitionnel » à la formation. Il décrit

donc la formation comme « un lieu de passage entre deux états, deux rapports au monde,

structuré par des rapports de séparation-union entre un état initial et un état visé, entre le

monde intérieur et la réalité à investir ».

102

COUVREUR Annick (2011), « Formateur en institut de formation des cadres de santé : un métier en devenir, un pas vers une identité professionnelle », université Rouen. Mémoire de master 2 ICF. 103

OBIN Jean-Pierre (1995), La face cachée de la formation professionnelle, Éditions Hachette Livre, pp. 137-145.

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La formation a pour mission de faire parcourir au stagiaire à l’apprenant un trajet entre un état

initial avant de rentrer en formation et un état visé après la formation afin de l’amener à

devenir un professionnel compétent et autonome.

La formation est un espace transitionnel car :

il s’agit d’un espace organisé, défini par un cadre, un dispositif ;

il s’agit d’un espace qui intègre une possibilité de « jeu », les expériences

pratiques étant les aires de jeux. L’apprenant explore, construit et déconstruit

(comme le ferait l’enfant qui joue), a le droit de se tromper (statut particulier de

l’erreur, l’erreur est formatrice) et devrait pouvoir recommencer autant de fois

nécessaire (notion de répétition) jusqu’au moment de l’acquisition. L’apprenant

construit son savoir, expérimente en mettant en jeu ce savoir dans des situations

afin de construire ses compétences ;

les contenus de la formation sont des objets de l’aire culturelle : par exemple les

savoirs développés par le groupe professionnel (on parle de culture soignante, de

savoirs infirmiers) ;

il existe des rapports séparation-union qui peuvent correspondre au rapport entre

l’état initial de l’apprenant avant de rentrer en formation et l’état visé après la

formation, mais aussi aux périodes de l’alternance entre l’institut de formation et

les lieux de stage en formation initiale, ou encore en formation continue, et aux

périodes entre les sessions de formation avec les travaux intersessions demandés

aux formés ;

les périodes de formation sont aussi marquées par des périodes « d’illusion » et

« de désillusion » pour l’apprenant, illusion et désillusion de la mobilisation des

savoirs en fonction du contexte de la « situation professionnelle » rencontrée

grâce au tuteur de stage.

Pendant la formation, pendant ce « trajet », dans cet « espace transitionnel », l’apprenant va

construire ou modifier ses représentations du réel.

5.2. Rôle des représentations dans les processus d’apprentissage et de formation

Dans la formation la prise en compte des représentations est fondamentale, car c’est sur elles

que le formateur s’appuie, agit en faisant s’exprimer les formés, en faisant que les formés

expriment leurs représentations dans le groupe de formation. Ainsi les formés créeront eux-

mêmes des liens avec leur « savoir précédent » pour faciliter l’acte d’appropriation des

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nouvelles informations, des connaissances. Ceci est utilisé en formation continue « lorsqu’il

s’agit de passer d’une manière de voir à une autre manière de voir » comme pour les tuteurs

IDE ou formateurs d’IFSI avec la refonte de la formation infirmière en 2009 et l’application

du référentiel de formation IDE.

C’est pour cela que les premiers modules de formation (tutorat IDE ou MK) ont pour objectif

de faire exprimer les personnes en formation à propos de leurs représentations pour pouvoir

instaurer un travail d’accompagnement de changement de ces représentations.

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49

Partie III. Démarche de la recherche

Chapitre 1. Délimitation du champ d’analyse

Nous avons délimité l’espace géographique et social de notre champ d’analyse afin d’être en

capacité de concevoir notre instrument d’observation.

La commande du travail de recherche de Master 2 ICF repose sur les règles suivantes. En

Sciences Sociales, un travail de recherche doit s’appuyer sur quelque chose qui existe et non

pas sur quelque chose qui va exister dans le futur. Nous devons donc lier notre terrain et notre

mission professionnelle avec une recherche universitaire. Un travail de recherche est une

observation du réel : pour comprendre le réel et proposer des préconisations.

Notre mission de stage professionnel nous a permis d’appréhender l’ingénierie de formation

et d’apporter des éléments de réponses à la question des besoins de formations des tuteurs et

futurs tuteurs MK de Haute-Normandie dans leur contexte professionnel actuel.

Notre travail de recherche, se nourrissant du cheminement de nos interrogations dites

« naïves » comme : « Comment accompagner les tuteurs dans un contexte de changement et

d’instauration d’un référentiel de formation initiale ? » ou : « Quel impact peut-il y avoir à

les former à l’accompagnement ? », nous a permis d’élaborer une question centrale de

recherche en nous intéressant à une profession paramédicale proche de la nôtre : les IDE et

plus particulièrement les tuteurs IDE du CHU de Rouen qui ont bénéficié d’une formation à

l’accompagnement des étudiants.

Cette recherche s’est inscrite dans une démarche exploratoire à un moment donné (janvier à

juin 2012). Les résultats obtenus ne pourront être généralisés. Cependant, toute cette

démarche de recherche nous permettra d’être en mesure de re-questionner le projet de

formation des tuteurs MK et le futur projet d’accompagnement des tuteurs MK dans le

contexte proche de changement de paradigme de formation, d’en saisir les contraintes, les

possibilités et les enjeux. Quelle stratégie d’action, en terme d’ingénierie et conseil en

formation, serons-nous en mesure de proposer à notre institution ?

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50

Chapitre 2. Question centrale de recherche

1. La problématique

Le tutorat peut être considéré comme un dispositif de formation en situation de travail pour

former et socialiser, soit un étudiant, soit un jeune professionnel, afin qu’il s’adapte à la

réalité socioprofessionnelle de son emploi.

Pour qu’une relation d’accompagnement entre le tuteur et le tutoré s’instaure, le tuteur doit

adopter une posture de facilitateur, permettant au tutoré de devenir Acteur et Auteur de son

apprentissage en situation de travail. Le tuteur s’interdit de juger, s’efface tout en « prenant

soin de ». Dans cette optique d’accompagnement, le tuteur doit favoriser la réflexivité de

l’étudiant afin que celui-ci puisse construire ses propres représentations.

Le référentiel de formation IDE en prescrivant que « le tuteur assure un accompagnement et

évalue la progression de l’ESI dans l’acquisition des compétences »104

peut amener une

ambivalence dans la compréhension de la juste posture à adopter en tant que tuteur. Nous

pouvons souligner ce paradoxe puisque, dans l’accompagnement, aucune place n’est possible

à l’évaluation.

Le tuteur est un professionnel expérimenté. Sa mission de « tutorat pensé comme

accompagnement » l’amène donc à interroger ses pratiques d’encadrement et ses

représentations existantes. Se positionner en tant que praticien réflexif est un moyen pour le

professionnel de développer de nouvelles compétences en apprenant de son expérience.

Dans le cadre du référentiel de formation infirmière qui formalise le dispositif tutoral, la

formation peut être un moyen pour amener le tuteur à évoluer, par lui-même, dans sa posture

et dans ses pratiques d’encadrement par la modification de ses représentations. Ainsi la

formation, permettant de travailler sur les représentations, facilitera la construction de

nouvelles compétences par celui qui apprend.

104

Rubrique 6, « Formation clinique en stage : les responsables de l’encadrement », du référentiel de formation infirmier, 31 juillet 2009, in : « Recueil des principaux textes relatifs à la formation préparant au diplôme d’État et à l’exercice de la profession », Éditions Berger-Levrault, (à jour le 30 janvier 2010), p. 50.

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51

Au regard du cadre conceptuel développé, de nos lectures, de l’analyse du contexte

professionnel et de notre mission de stage professionnel, nous pouvons poser la problématique

suivante :

La formation à l’accompagnement des tuteurs chez les IDE modifie-t-elle la

représentation de leur fonction d’accompagnement dans le dispositif tutoral défini par

leur référentiel de formation105

?

Cas des tuteurs IDE du CHU Hôpitaux de Rouen.

Pour tenter de répondre à cette problématique, nous émettons deux hypothèses fondées sur

nos lectures et nos observations de terrain. Ces deux hypothèses nous serviront de guide pour

le recueil de données empiriques.

2. Deux hypothèses combinées

La construction des hypothèses s’est faite en tenant compte des quatre critères106

suivants :

la pertinence et la clarté : l’hypothèse est-elle en lien avec le cadre conceptuel et

l’analyse du contexte ?

la faisabilité : l’hypothèse est-elle testable ?

la transférabilité : l’hypothèse est-elle généralisable à d’autres groupes

professionnels (exemple : les MK) ?

Hypothèse 1

La formation à l’accompagnement permet d’inscrire le professionnel IDE comme

facilitateur dans une posture (tutorale) proactive.

La formation à l’accompagnement invite le tuteur à questionner ses représentations sur sa

« pratique d’encadrement » des ESI. Dans le référentiel de formation IDE de 2009, la posture

proactive du tuteur est en toile de fond de ce dispositif de formation en plaçant le tuteur

comme un facilitateur. Le tuteur est invité à quitter sa posture de modèle et d’exemple pour

adopter une posture de médiateur qui va faire émerger du sens en créant une dynamique de

réflexion, de questionnement chez l’étudiant. Le facilitateur va cheminer au rythme de chaque

étudiant, l’écouter, en s’effaçant, en s’interdisant de juger. Ainsi le tuteur pourra faire émerger

les besoins de l’étudiant, rendre accessible la situation de travail pour que l’étudiant puisse

105

Arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme infirmier NOR SASH 091 82 62A. 106

PAQUAY Léopold, CRAHAY Marcel et DE KETELE Jean-Marie, « L’analyse qualitative en éducation », Éditions De Boeck, Bruxelles, février 2006, p. 248.

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expérimenter, réfléchir, analyser, comprendre, construire sa propre vision du réel, construire

et mobiliser son savoir.

Nous émettons le fait que de former les tuteurs à l’accompagnement dans le cadre de leur

fonction tutorale va leur permettre de naviguer à bon escient entre la posture proactive et

réactive afin de mettre en place les conditions nécessaires pour que l’étudiant soit acteur de sa

formation.

Les indicateurs de la posture tutorale proactive et facilitatrice selon V. GLIKMAN

(2002), F. VINCENT (1982) et M. PAUL (2003) sont :

le tuteur intervient sans attendre une sollicitation de l’étudiant, il a l’initiative de

proposer à l’étudiant ;

le tuteur dispense un soutien holistique (pédagogique, psychologique, personnel,

social), dispense des conseils et valorise l’étudiant ;

le tuteur fait émerger des demandes en questionnant l’étudiant ;

le tuteur crée les conditions d’apprentissage ;

le tuteur aide l’étudiant à construire sa propre expérience ;

le tuteur aide l’étudiant à construire le sens de ses actions, à faire le lien entre la

« théorie » et la « pratique ».

Hypothèse 2

La formation à l’accompagnement permet d’inscrire le professionnel IDE dans une

démarche réflexive de sa fonction tutorale.

Le référentiel de formation IDE, en s’appuyant sur la stratégie de l’alternance intégrative, fait

de la pratique réflexive l’un des axes de la formation :

en préparant et exploitant les stages, et en reconnaissant aux professionnels

responsables de l’encadrement une mission et des compétences de formateurs. Le

stage est « le support de l’analyse réflexive des situations de soins »107

;

en introduisant sur les périodes de formation à IFSI, des unités d’intégration « des

savoirs et postures professionnelles » pour que l’étudiant puisse construire ses

107

DECKER Odile (2009), « Le stage au cœur de l’apprentissage », Soins Cadres, no 70S.

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savoirs à partir d’études de situations complexes et de résolutions de problèmes en

utilisant des séances dites d’« analyse de pratiques »108

.

Le tuteur de stage, comme le formateur en IFSI, est invité à faire évoluer sa relation

pédagogique avec l’étudiant : de quitter une pratique basée sur la « réponse » à accompagner

le « questionnement » de l’étudiant, de favoriser l’auto-évaluation de l’étudiant, donc

d’« aider à apprendre ». Le tuteur de stage, comme le formateur en IFSI, est invité à s’engager

dans une posture de praticien réflexif tout en accompagnant la démarche réflexive dans

laquelle est engagé l’étudiant. Le tuteur de stage est donc censé « adopter cette posture » à la

fois dans le registre de son action professionnelle et dans le registre de son action de

formation. Adopter, c’est-à-dire à la « mettre en pratique », et pas uniquement « apprendre à

le devenir ».

Pour l’étudiant, la pratique réflexive sera accompagnée et étayée par un entraînement et des

apports théoriques et conceptuels selon le référentiel de formation.

Pour les professionnels de santé109

, le législateur a mis en place les évaluations des pratiques

professionnelles (EPP). Ainsi, la réflexivité et l’auto-évaluation du professionnel de santé

seront sollicitées sur leur « cœur de métier » les pratiques de soin, les pratiques tutorales ne

faisant pas partie des EPP.

En se référant à G. LE BOTERF (2010) en utilisant la boucle d’apprentissage expérientielle

(voir Figure 2 page 39), nous pouvons dire que l’acquisition de nouvelles compétences ne

peut se faire sans que l’individu comprenne, perçoive comment il agit (praticien réflexif).

L’expérience est source d’apprentissage. Or, comprendre une situation, c’est construire une

représentation conceptuelle qui permet d’agir avec efficacité.

Les tuteurs qui ont suivi la formation au tutorat IDE sont des tuteurs ayant déjà une

expérience de l’encadrement des ESI. Ils se sont donc construits des représentations, « leur

savoir ».

En référence à la boucle d’apprentissage110

introduisant la notion de réflexivité, un apprenant

utilise ses représentations pour s’approprier les éléments transmis lors d’une formation. Ces

108

Terme écrit dans le référentiel de formation. Il serait plus judicieux d’utiliser le mot « supervision de pratiques » en référence au colloque « Analyse des pratiques » du 1

er juin 2012, maison de

l’Université, Rouen. 109

Le tuteur de stage IDE est un professionnel de santé. 110

Selon AGYRIS (1977) in : LE BOTERF Guy (2010), op. cit.

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éléments viennent questionner ses représentations et l’apprenant crée du sens. L’apprenant

peut modifier ses représentations ou créer de nouvelles représentations ou se créer des

représentations.

Lors la formation au tutorat IDE, le tuteur, pour comprendre les éléments transmis lors de

celle-ci, utilise ses représentations existantes sur l’encadrement des ESI pour aborder les

éléments transmis et ces éléments viennent questionner ses représentations par le biais de la

réflexivité.

Nous émettons le fait que de former les tuteurs à l’accompagnement dans le cadre de leur

fonction tutorale, va modifier leurs représentations de l’accompagnement par une démarche

de réflexivité.

D’après G. LE BOTERF (2010), C. AROQ et C. BOUISSOU (2001)111

, nous pouvons dire

qu’être réflexif c’est :

prendre du recul par rapport aux pratiques professionnelles ;

expliciter la façon dont on s’y prend dans le but de modéliser et faire évoluer ses

schèmes opératoires ;

pouvoir les transférer ou les transposer dans d’autres situations.

Nous avons choisi de nous référer à ces auteurs pour définir si un tuteur est réflexif par

rapport à ses pratiques d’accompagnement de l’étudiant.

Les indicateurs retenus pour « la démarche réflexive de sa fonction tutorale » sont les

suivants :

le tuteur parle de lui et non de l’étudiant : il est le Sujet de sa réflexion et ses

actions sont Objet de sa réflexion ;

le tuteur prend du recul, analyse et critique les actions qu’il a menées ;

travail d’écriture, journal ou carnet de bord (mise en récit) pour se distancier ;

explicitation de la situation d’accompagnement de l’étudiant : le tuteur prend en

compte ses difficultés et ses réussites, le tuteur essaie de comprendre pourquoi et

111

In : BOUISSOU Christine et BRAU-ANTONY Stéphane (2005), « Réflexivité et pratiques de formation », Carrefours de l’éducation, n

o 20, pp. 113-132. C. AROQ et C. BOUISSOU, dans leur

étude sur la formation initiale des enseignants, ont développé cinq critères permettant de discriminer des mémoires professionnels « réflexifs » ou « non réflexifs » : clarification et problématisation de la situation professionnelle, analyse critique des actions menées, prise en compte des difficultés et réussites des élèves, proposition de nouvelles pistes d’action, réflexion sur le rôle de l’enseignant.

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comment il a agi avec l’étudiant, se questionne sur ce qu’il a appris de cette

situation, de ce que il en retient comme expérience ;

proposition de nouvelles pistes d’action : transfert à de nouvelles situations

d’accompagnement ;

échanges formels/informels entre pairs pour faire partager la part d’hésitation et

de doute qui habite le tuteur.

Chapitre 3. Structuration de la recherche

Cette recherche s’est élaborée autour de quatre axes :

une observation méthodique et rigoureuse ;

des investigations sur le thème de recherche : étude de documents, lectures de

textes législatifs, lectures théoriques, colloques, entretiens informels recueillis au

cours de la formation « tutorat des étudiants infirmiers », entretiens

exploratoires avec notre tutrice de stage et la déléguée régionale de l’ANFH

pour nous forger une culture du contexte et mettre des mots sur nos observations ;

la construction d’un cadre conceptuel afin de structurer le sens des données ;

une démarche réflexive.

Selon R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT (1995), les entretiens exploratoires ont

« pour fonction principale de mettre en lumières des aspects du phénomène étudié auxquels le

chercheur n’aurait pas pensé spontanément lui-même et à compléter ainsi les pistes de travail

que ses lectures auront mises en évidence », ils permettent « une véritable rupture avec les

préjugés, les prénotions et les illusions de la transparence »112

. Nos deux entretiens

exploratoires de 45 minutes ont contribué à orienter notre recherche, à fournir des angles de

compréhension du contexte et à nourrir nos préconisations.

1. Choix de la méthodologie

La méthodologie que nous avons utilisée pour affirmer ou infirmer les hypothèses repose sur

une méthodologie qualitative qui s’inscrit dans une approche herméneutique.

L’approche herméneutique est « une démarche qui privilégie la compréhension et le sens au

détriment de la cohérence. La recherche du sens prend naissance dans l’expérience subjective

et affective des sujets, pour découvrir la signification attribuée par ces derniers aux situations

112

QUIVY Raymond et VAN CAMPENHOUDT Luc (1995), Manuel de recherche en sciences sociales, Éditions Dunod, 2

e édition, p. 63 et p. 65.

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et aux évènements qu’ils vivent. Une démarche qualifiée d’herméneutique prend en compte

les intentions, les motivations, les attentes, les raisons, les croyances des acteurs.

L’enracinement culturel et la particularité sont des éléments centraux, exempts de tout

jugement de valeur ».113

Selon A. MUCHIELLI (2004), « une méthode qualitative de recherche est une stratégie de

recherche combinant diverses techniques de recueil et d’analyse qualitatives dans le but

d’expliquer, en compréhension un phénomène. Les techniques qualitatives sont les diverses

opérations et manipulations, matérielles et/ou intellectuelles, destinées à aider le chercheur

dans sa volonté de faire surgir le sens : dénomination, transcription, découpage, mise en

tableau, mise en relation, confrontation à des grilles, transposition en d’autres termes,

regroupement, comparaison, confrontation à des savoirs, induction généralisante, réduction

à des constantes ou à des formes ».114

Notre visée dans une optique exploratoire étant la compréhension et le sens, nous avons eu

besoin de recueillir et d’analyser le discours des tuteurs IDE. Ainsi l’utilisation d’une

méthode construite et stable nous a permis en tant qu’« apprenti-chercheur », d’adopter une

neutralité bienveillante et d’élaborer une interprétation qui n’a pas pris pour repères nos

propres valeurs et représentations, comme indiqué par R. QUIVY et L. VAN

CAMPENHOUDT (1995).

N’étant pas en mesure d’interviewer les mêmes tuteurs avant, après et à distance de leur

formation, par rapport à la temporalité de notre recherche, nous nous sommes attelée à la

constitution d’un échantillon comprenant un groupe de tuteurs formés et un groupe de tuteurs

non formés afin de recueillir des informations de manière croisée.

2. Procédures et précautions de réalisation

2.1. Recherche des tuteurs infirmiers formés

Entre avril et décembre 2010, 57 agents de différents services hospitaliers ont été formés, dont

7 cadres de santé IDE, c’est-à-dire 7 maîtres de stage et 50 tuteurs IDE. Entre mars et octobre

2011, 78 agents ont aussi été formés, dont 10 cadres de santé IDE et 68 tuteurs IDE. Nous

nous sommes focalisée sur les 50 tuteurs formés en 2010 car cela faisait plus d’un an qu’ils

113

Cours de Stéphanie GASSE, « Lexique de méthodologie ». 114

MUCCHIELLI Alex (2004), Dictionnaire des méthodes qualitatives en sciences humaines et sociales, Paris, collection U, Éditions Armand Colin, 1

re édition, 1996.

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avaient bénéficié de la formation et nous allons pouvoir en évaluer l’impact dans ce qu’ils

déclarent.

Tenant compte de la mobilité des agents hospitaliers, nous avons du réactualiser la liste et la

localisation géographique des tuteurs formés en 2010 que nous avions en notre possession.

Nous avons ainsi répertorié 40 tuteurs potentiellement sollicitables, répartis sur 8 pôles

d’activité et 21 services de soins.

2.2. Recherche des autorisations nécessaires à la réalisation de la collecte des données

Pour être en mesure de pouvoir contacter ces 40 tuteurs IDE, il nous a été nécessaire de

prendre en compte le système hiérarchique pyramidal et l’organisation en pôles d’activité

d’un centre hospitalier universitaire.

Ainsi, expliquer notre démarche de recherche au Directeur des Formations et au

Coordonnateur général des Soins du CHU de Rouen a été tout d’abord incontournable afin

d’avoir toutes les autorisations nécessaires pour contacter les cadres supérieurs de pôle, puis

les cadres supérieurs de santé, puis les cadres de santé d’unité, pour pouvoir finalement

prendre rendez-vous avec les tuteurs formés de 2010 et rechercher des tuteurs non formés. Le

plus souvent les tuteurs non formés, en tout cas déclarés comme tels par leurs cadres, nous ont

été indiqués comme volontaires pour répondre à notre enquête.

Ces différentes démarches, faites par courriers électroniques et par échanges téléphoniques, se

sont déroulées sur 2 mois (janvier à février 2012).

3. Constitution de l’échantillon

L’échantillon est constitué de 24 personnes, travaillant dans 4 unités de soins, notées U1, U2,

U3 et U4, appartenant à 2 pôles hospitaliers différents, notés P1 et P2. Soit :

12 IDE tuteurs formés en 2010 (TF) ;

12 IDE tuteurs non formés (NF).

Cet échantillon s’est construit selon les autorisations d’enquête obtenues, selon les réponses à

nos courriels et selon le volontariat et la disponibilité des tuteurs. Nous avons veillé à avoir le

même nombre de « tuteurs formés » et de « tuteurs non formés » par unité de soins et une

diversité maximale de profils en regard de la problématique étudiée. La localisation

géographique de cet échantillon est indiquée Tableau 3 ci-dessous.

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Tableau 3. Localisation géographique de l’échantillon.

Pôles hospitaliers Unités de soin 12 tuteurs formés (TF) 12 tuteurs non formés (NF)

P1 U1 TF2, TF3 NF3, NF6

U2 TF1, TF8, TF9 NF1, NF2, NF5

P2 U3 TF7, TF10, TF11, TF12 NF9, NF10, NF11, NF12

U4 TF4, TF5, TF6 NF4, NF7, NF8

4. Réalisation des entretiens

Les IDE travaillant en quart de travail, de jour ou de nuit et n’ayant pas de repos fixe, les 24

entretiens se sont déroulés sur une période de 2 mois (mars à avril 2012). Ce facteur-temps a

été sous évalué malgré la proximité géographique car nous nous étions basée sur le temps

d’enquête de notre stage professionnel décrit dans le chapitre 2 (32 entretiens en 3 semaines

sur un territoire régional).

23 entretiens se sont déroulés « en face à face » sur le temps et le lieu de travail des

interviewés, un seul a été finalement réalisé par téléphone sur le temps personnel de l’agent,

suite à de multiples rendez-vous annulés pour raisons de service. Tous ces entretiens ont été

enregistrés pour en faciliter la retranscription.

Les entretiens, d’une durée de 45 à 60 minutes chacun, ont été réalisés dans la mesure du

possible dans un endroit calme et confortable, afin d’instaurer un climat de confiance et de

favoriser une relative spontanéité d’expression des interviewés. Nous avons veillé à leur

expliquer notre posture, le thème général de la recherche, les modalités de restitution des

résultats et les règles déontologiques.

Bien que les rendez-vous d’enquête aient été pris à un moment optimal dans l’organisation

des soins, selon les aléas du contexte professionnel, l’entretien pouvait être interrompu à tout

moment pour « raison de service » (c’est le cas de l’entretien TF12, suspendu pendant quinze

minutes). Le guide d’entretien s’est révélé très utile dans sa précision, face à des interviewés

déviant de la consigne de départ et devant se recentrer très rapidement sur leur discours.

Toutes les questions de relance du guide d’entretien ont été posées, en veillant toutefois à

laisser parler les personnes, à être à leur écoute, à laisser des temps de silence, à être non

directive et à les ramener au thème central par des questions d’approfondissement (demande

de précision ou d’éclaircissement).

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En référence aux définitions de T. ARDOUIN (2010)115

et de R. QUIVY et L. VAN

CAMPENHOUDT (1995)116

, les caractéristiques des entretiens que nous avons effectués et

les informations récoltées au travers du guide d’entretien nous permettent d’affirmer que ce

sont bien des entretiens semi-directifs qui ont été réalisés.

Nous avions aussi choisi de faire des entretiens plutôt que des questionnaires à visée

qualitative pour deux raisons :

avoir un nombre suffisant de réponses en un maximum de temps. Nous nous

adressons en effet à des IDE ayant une charge importante de travail et de

nombreuses transmissions écrites à faire (traçabilité des soins) ;

optimiser la qualité des réponses, un maximum d’informations précises dans un

temps contraint (celui des IDE et le temps de la recherche). Nous nous adressons à

des IDE qui ont plus l’habitude de parler du patient ou de l’étudiant que de leurs

représentations. En effet cela peut avoir une influence sur leur capacité à

comprendre la question et à formuler des réponses reflétant réellement leur point

de vue.

5. Architecture du guide d’entretien

Les entretiens se sont appuyés sur un même guide d’entretien (pour les tuteurs formés ou non)

déterminé au préalable de façon à obtenir des informations sur les thèmes considérés comme

importants dans le cadre des hypothèses de recherche.

Des entretiens-test ont été réalisés pour valider notre guide d’entretien auprès de deux

personnes ne faisant pas partie de notre échantillon de recherche.

Notre guide d’entretien semi-directif est établi en 6 parties et comprend finalement 17

questions. Dès le début des premiers entretiens nous avons ajouté une question, Q16, afin de

voir si notre « gestion » du déroulement de ceux-ci n’avait pas créé un biais et modifié la

représentation des interviewés au niveau de la question Q8 : représentation de la fonction

d’accompagnement. Ainsi nous avons demandé à l’interviewé : « Au début de l’entretien

vous aviez choisi 3 verbes qui correspondent à ce que vous faites avec l’étudiant ; à la

lumière de tout ce que vous venez de me dire, gardez-vous ces 3 verbes ? » Les relances

possibles pouvant se formuler ainsi : « Dans cet ordre ? Avez-vous envie d’en changer ? »

115

Op. cit., p. 97. 116

Op. cit., p. 194.

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60

Notre guide d’entretien117

sollicite donc deux types de paradigmes :

questions à visée descriptive :

présentation de la personne interviewée : Q1, Q2, Q6 et Q7 ;

représentation de la fonction d’accompagnement de l’étudiant : choix de trois

verbes, Q8 et Q16 ;

questions à visée de compréhension :

apport de la formation des tuteurs IDE / besoin de formation : Q3, Q4 et Q5 ;

leurs pratiques d’accompagnement : Q9, Q10, Q11 et Q12 ;

démarche réflexive sur pratiques d’accompagnement : Q12, Q13, Q14 et Q15.

Les entretiens se terminaient par une question, Q17, d’ouverture et des remerciements à

l’attention de nos interviewés.

6. Mise en place d’une grille d’analyse

Les 24 entretiens ont été retranscrits et se situent dans le livret II des annexes.

Chaque entretien a été analysé séparément et confronté aux thèmes du guide d’entretien, par

le biais de l’élaboration d’une grille d’analyse qui nous a permis de rechercher les

informations. Cette analyse longitudinale des entretiens nous a permis d’effectuer le codage

des marqueurs cognitifs 118

.

Une analyse transversale des entretiens des tuteurs formés et une analyse transversale des

entretiens des tuteurs non formés nous ont permis d’effectuer une catégorisation

(identification de rubriques) c'est-à-dire de comparer les entretiens au regard des thèmes

définis dans la grille d’analyse et aussi de les comparer entre eux 119

.

Enfin, nous avons donné du sens et interprété les résultats. Au fur et à mesure de la réflexion

nous avons dû enrichir notre cadre conceptuel au regard des premiers entretiens réalisés afin

de proposer une analyse riche et pertinente au regard de la problématique et des hypothèses

posées.

117

Livret II, Annexe 1. 118

Livret II, Annexe 26 : grille d’analyse longitudinale. 119

Livret II, Annexe 51 : grille d’analyse transversale.

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Partie IV. Analyse et résultats de la recherche

Chapitre 1. Caractéristiques de la population étudiée

1. Étude du sexe

Nous avons interviewé :

12 tuteurs formés : 11 femmes et 1 homme ;

12 tuteurs non formés ; 11 femmes et 1 homme.

C’est donc un échantillon essentiellement féminin, à l’image de la profession d’IDE. En effet,

d’après les données publiées en novembre 2010 dans la revue Études et résultats de la

DREES120

, 88 % des professionnels IDE sont des femmes121

.

2. Étude de l’âge

Figure 3. Âge des tuteurs interviewés.

Les 12 tuteurs formés (en bleu clair Figure 3 ci-dessus) ont entre 29 et 57 ans. Plus de la

moitié des tuteurs formés, 7/12, se situe dans la tranche 30-34 ans.

Les 12 tuteurs non formés (en bleu foncé) ont entre 25 et 52 ans. La plus forte proportion, 1/3,

se situe dans la tranche 35-39 ans.

120

DREES : lire « Direction de la recherche des études de l’évaluation et des statistiques ». 121

www.infirmiers.com, consulté le 22 juin 2012. « Les infirmières ne font pas de carrières courtes ».

Tuteurs non formés

Tuteurs formés

0

1

2

3

4

5

6

7

25 à 29 30 à 34 35 à 39 40 à 44

45 à 49 50 à 54

55 à 59

No

mb

re d

e tu

teu

rs

Âge du tuteur

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62

3. Étude de l’ancienneté professionnelle

Figure 4. Expérience professionnelle des tuteurs interviewés.

Les 12 tuteurs formés (en bleu clair Figure 4 ci-dessus) ont entre 8 et 36 ans d’expérience

professionnelle. Les 2/3 des tuteurs formés se situent dans la tranche 5-14 ans d’expérience

professionnelle.

Les 12 tuteurs non formés (en bleu foncé) ont entre 3 et 31 ans d’expérience professionnelle.

Les 2/3 des tuteurs non formés se situent dans la tranche 5-14 ans d’expérience

professionnelle.

Nous pouvons en conclure que l’ancienneté professionnelle de ces deux groupes

d’interviewés est équivalente.

Tuteurs non formés

Tuteurs formés

0

1

2

3

4

5

4 et - 5 à 9 10 à 14 15 à 19 20 à 24

25 à 29 30 à 34

35 et +

No

mb

re d

e tu

teu

rs

Nombre d'années d'expérience professionnelle

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63

4. Étude de l’ancienneté d’encadrement des étudiants

Figure 5. Expérience d’encadrement d’étudiants des tuteurs interviewés.

L’expérience d’encadrement d’ESI des 12 tuteurs formés (en bleu clair Figure 5 ci-dessus) se

situe entre 7 et 36 ans. Les 9/12 des tuteurs formés, 3/4 donc, ont entre 5 et 14 ans

d’expérience d’encadrement.

L’expérience d’encadrement d’ESI des 12 tuteurs non formés (en bleu foncé) se situe entre 3

et 31 ans. La presque totalité des tuteurs non formés, 10/12, se situe dans la tranche 3-14 ans

d’expérience d’encadrement, dont 7/12, plus de la moitié, ont entre 5 et 14 ans d’expérience

d’encadrement.

Cependant, 3/12 des tuteurs non formés, un quart donc, ont 4 ans et moins d’expériences

d’encadrement. Ceci s’explique par l’observation suivante : nous retrouvons une jeune

professionnelle qui a débutée l’encadrement des ESI un mois après sa prise de poste (3 ans),

une jeune professionnelle qui a débuté l’encadrement des ESI un an après sa prise de poste (4

ans) et une jeune professionnelle qui, en début de carrière, faisait partie du service infirmier

de compensation et de suppléance (4 ans) et n’encadrait pas d’ESI.

Lors des entretiens, la plupart des tuteurs formés ou non formés déclarent « avoir encadré des

étudiants dès leur prise de poste ». Seuls les IDE débutant leur carrière professionnelle dans

des unités de soins à haute technicité bénéficient d’une période d’un an avant de commencer à

encadrer des étudiants, ceci pour s’intégrer dans l’équipe et développer leur professionnalité.

Tuteurs non formés

Tuteurs formés

0

1

2

3

4

5

6

4 et - 5 à 9 10 à 14 15 à 19 20 à 24

25 à 29 30 à 34

35 et +

No

mb

re d

e tu

teu

rs

Nombre d'années d'expérience d'encadrement d'étudiants

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5. Étude du nombre d’étudiants encadrés par an

En moyenne (voir Tableau 4), les tuteurs formés encadrent 9 étudiants par an tandis que les

tuteurs non formés en encadrent 7. (Pour calculer ces moyennes, lorsqu’un tuteur nous

donnait une plage plutôt qu’une seule valeur, nous avons considéré la médiane des bornes de

la plage.)

Ces résultats étant très proches, nous pouvons conclure qu’il nous est possible de comparer

l’expérience d’encadrement de ces deux populations de tuteurs.

Tableau 4. Nombre d’étudiants encadrés par les tuteurs interviewés par an.

Tuteurs formés (TF) Nombre d’étudiants

par an

Tuteurs non formés

(NF)

Nombre d’étudiants

par an

TF1 6 NF1 5 à 10

TF2 4 à 10 NF2 4

TF3 10 NF3 10

TF4 10 NF4 10

TF5 10 NF5 4

TF6 10 à 12 NF6 10 à 20

TF7 10 NF7 5

TF8 12 NF8 10

TF9 5 à 15 NF9 3

TF10 3 à 9 NF10 3 à 8

TF11 5 à 15 NF11 5

TF12 5 NF12 5

Moyenne 8,9 Moyenne 7

6. Conclusion : tuteurs explicites / tuteurs implicites

Nous constatons que l’ancienneté professionnelle et l’ancienneté d’encadrement des ESI des

deux populations tuteurs formés / tuteurs non formés est équivalente. Nous allons donc

pouvoir les faire dialoguer à travers une analyse de contenu catégorielle par thématique.

Le rôle du tuteur n’est clairement posé que depuis la mise en œuvre du référentiel de

formation de 2009. Avant cette date, « l’encadrement ou le tutorat des ESI » était laissé à

l’initiative des services de soins et donc plus ou moins développé. En référence au cadre

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conceptuel mobilisé, au référentiel de formation IDE et aux définitions (tuteur explicite /

tuteur implicite) de J.-P. MAZET (2002)122

, nous appellerons dorénavant dans notre analyse :

les tuteurs formés (TF) : tuteurs explicites ;

les tuteurs non formés (NF) : tuteurs implicites.

Nous entendons par tuteur explicite un tuteur engagé dans l’encadrement des étudiants, faisant

partie du dispositif tutoral défini par le référentiel de formation et ayant suivi la formation

tutorat IDE en 2010. Et par tuteur implicite, un tuteur impliqué dans l’encadrement des

étudiants, faisant partie du dispositif tutoral défini par le référentiel de formation et n’ayant

pas suivi la formation tutorat IDE. Les tuteurs implicites sont plutôt les professionnels de

proximité.

Chapitre 2. Analyse

1. La formation des tuteurs infirmiers

1.1. Apports de la formation pour les tuteurs explicites

Informations sur le référentiel de formation et sur le maniement des outils

La presque totalité des tuteurs explicites, 10/12, déclarent, en premier lieu, l’apport

« d’informations sur le référentiel de formation » et un quart des tuteurs explicites, 3/12,

préfèrent parler plutôt de « changement » induit dans la méthode de formation par ce

référentiel (TF6, TF8 et TF11).

La moitié des tuteurs explicites, 6/12, parlent « d’informations sur le maniement des outils »

prescrits par le référentiel, comme le portfolio, qui ont rassuré les tuteurs TF3 et TF4. Ainsi

TF3 : « La formation nous a, enfin moi, m’a rassurée dans la prise en charge des élèves et

dans la connaissance du portfolio, je pense que heureusement que je l’ai eu. ». Ceci confirme

ce que nous avions collecté lors des entretiens informels faits auprès des formateurs animant

la formation tutorat IDE lors de notre immersion dans un groupe en formation123

.

122

MAZET Jean-Pierre (2002), « Fonction tutorale et identité professionnelle : plaidoyer pour les tuteurs implicites », Le Manipulateur, n

o 145, pp. 33-37. MAZET Jean-Pierre (2001), « Fonction

tutorale et identité professionnelle des manipulateurs d’électroradiologie médicale », université François-Rabelais (Tours). Mémoire de DESS Stratégie et Ingénierie en Formation d’Adultes, document non publié. 123

En référence à Partie I, Chapitre 3, Paragraphe « Immersion dans un groupe de formation », page 25.

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Appropriation des informations et réinvestissement au sein des équipes de soin

Certains tuteurs explicites ont pu aussi donner des informations à leurs collègues IDE (TF7) et

même créer des outils d’information (TF8). En effet le tuteur, une fois formé, a aussi un rôle

de référent-tutorat des ESI (TF10), sur son lieu d’exercice auprès de l’équipe de soin. Pour

illustrer ces propos, nous retiendrons les mots prononcés par TF8 : « Moi, sans la formation,

je ne me sentais pas capable de les [ESI] accompagner dans leur processus… ça m’a aidé

aussi à encadrer les autres professionnels de proximité, à leur expliquer, alors j’ai fait un

diaporama sur la nouvelle formation des étudiants infirmiers, du coup je l’ai présenté à

l’équipe pour qu’ils puissent comprendre, voilà le portfolio c’est ça, y’a ça à remplir, ça à

cocher, et voilà. Ça m’a permis aussi d’aider les autres. »

Si nous nous référons aux entretiens exploratoires réalisés auprès de la déléguée régionale de

l’ANFH et de notre tutrice de stage de Master, nous en trouvons l’explication. Malgré les

plans de formation mis en œuvre par l’OPCA en amont, au vu de la conjoncture économique

du CHU - Hôpitaux de Rouen et des difficultés à envoyer les agents en formation, il n’a pas

été possible de former un grand nombre de tuteurs en même temps et dans une période aussi

courte. En effet, le référentiel de formation infirmière a été publié lors de l’été 2009 avec

obligation d’application dès septembre 2009. Ce référentiel prescrit la nomination de tuteurs

dans le livret d’accueil de l’étudiant afin que les lieux de stage soient agréés. Ainsi des

organisations spécifiques aux différentes unités de soins se sont mises en place pour

« pallier » aux besoins en formation des agents.

Cette formation des tuteurs IDE a donc permis d’engendrer aussi la création d’outils de suivi

des ESI spécifiques aux pôles hospitaliers suite à la création de « groupes de travail composés

de tuteurs» pour l’écriture des projets polaires d’encadrement des ESI, comme nous

l’indiquent un tiers des tuteurs explicites (TF2, TF4, TF8 et TF12).

Appropriation du rôle de tuteur

Ces informations, récoltées lors de la formation, ont certes permis :

de rassurer le tuteur mais aussi d’apporter du confort et de la crédibilité à celui -ci

(TF8) ;

de lui donner des repères pour qu’il puisse se positionner et établir un contrat avec

l’étudiant (TF11) ;

de s’adapter à la nouvelle prise en charge des étudiants (TF7).

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Mais surtout ces informations ont permis au tuteur :

d’appréhender plus facilement son rôle (TF8 et TF9) ;

de mieux le comprendre en faisant des liens avec ce qui existait déjà (TF4 ; travail

sur les représentations) ;

de prendre conscience de son implication (TF3) et de sa responsabilité dans le

processus de formation des ESI (TF11).

« Le tuteur guide, dirige, aiguille les ESI » (TF1). Mais aussi le tuteur évalue (TF2) grâce à

des outils. Ainsi TF2 a-t-il pu « peaufiner [ses] critères d’évaluation… en fonction de leurs

[ESI] niveaux de formation et en fonction des compétences ».

Cette formation a permis à TF8 une construction identitaire propre comme « professionnel de

santé et tuteur ». Cette personne l’affiche dans son projet professionnel en déclarant : « Je

trouve ça bien qu’il ait eu la formation car elle permet de nous identifier aussi, et de nous

apporter un rôle supplémentaire, moi qui veut faire l’école des cadres ça peut faire un

tremplin. Et j’ai toujours fait ça, même sur mon cv je suis tuteur des étudiants, j’ai fait la

formation, ils savent à qui se référer. »

Un seul tuteur, TF11, parle des bénéfices des échanges entre tuteurs lors de la formation sur

l’organisation du parcours de stage de l’étudiant et de sa prise de conscience des différences

d’autonomie qu’ont les tuteurs explicites selon les unités de soins. TF11 déclare : « À la

formation certains me disaient, le tuteur il a que son étudiant. Pendant la formation

j’entendais des collègues d’autres services qui disaient, qu’en fait, c’est la cadre qui fait tout.

Ils subissent entre guillemets. Alors que nous, on est acteur de ce qu’on veut faire, de ce

qu’on a envie de faire avec l’étudiant. »

1.2. Besoins en formation des tuteurs explicites

Deux tuteurs explicites (TF1 et TF6 ; 2/12), expriment des besoins complémentaires. À la

fois :

des besoins d’informations comme des précisions sur les unités d’enseignement

du référentiel de formation, pour lever l’ambiguïté sur le niveau des étudiants ;

des besoins de formation pour approfondir de façon plus concrète le rôle et les

compétences du tuteur. TF6 : « On n’a pas eu de mini cas concrets pour essayer

d’étayer un petit peu. […] Moi, j’aurais aimé vraiment que l’on me parle de ce

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que l’on attend vraiment de nous en tant que tuteur pour encadrer les futurs

étudiants. »

1.3. Besoins en formation des tuteurs implicites

La moitié des tuteurs implicites, 6/12, expriment le besoin d’informations sur le référentiel de

formation IDE et sur le maniement des outils (NF3, NF4, NF5, NF6, NF8 et NF12). NF5

déclare : « Donc moi je serais pour que les nouvelles infirmières aient une formation par

rapport à l’encadrement des étudiants… Principalement les supports, afin que quelqu’un

nous explique ce qu’on doit demander aux étudiants, les démarches de soins… ». Pour rappel,

la majorité des tuteurs explicites, 10/12, avaient souligné en premier lieu comme apport de la

formation des tuteurs cette notion d’informations sur le référentiel de formation IDE.

Un tiers des tuteurs implicites, 4/12, n’expriment aucun besoin de formation : deux n’ont

aucune envie d’être formé (NF1 et NF7) ; un autre (NF9) est en train de réaliser un projet de

formation différent ; quant au dernier (NF11), il envisage un changement lieu d’exercice dans

son projet professionnel.

Un quart des tuteurs implicites, 3/12, vont exprimer des besoins plus fins de travail sur la

posture de tuteur et sur la notion de distance professionnelle et pédagogique (NF2, NF10 et

N12). NF2, jeune tuteur, nous dit : « Je trouve qu’on n’est pas, non c’est vrai, qu’on n’est pas

formé et on devrait quand même avoir certaines notions pour se lancer. Enfin, moi, quand je

suis arrivée dans le service, par exemple, j’n’avais jamais encadré d’étudiants. … Mais c’est

vrai que du coup, je regarde beaucoup comment mes collègues font pour pouvoir, moi,

essayer de… d’être compétente dans l’encadrement parce que notamment par rapport à la

distance avec l’étudiant…, je suis souvent confrontée à des étudiants qui ont à peu près mon

âge et c’est vrai que… parfois c’est pas évident voilà de mettre la barrière. … Moi c’est

vraiment ça que j’ai du mal et on n’a pas vraiment été sensibilisé à ce genre de situation. »

NF10, jeune tuteur également, renchérit : « Euh ben je suis pas très à l’aise dans

l’encadrement euh je pense que c’est lié au fait que je sois, moi déjà, stressée à la base donc...

je suis pas à l’aise pour les encadrer on m’a souvent dit que j’avais tendance à leur mettre un

petit peu la pression mais parce que je me la mets aussi à moi-même, du coup je pense que

j’aurai besoin de travailler peut-être un petit peu là-dessus. »

Nous pouvons ainsi dire que le manque d’expérience en tant qu’infirmier ne facilite pas

l’encadrement du futur pair. Nous pouvons voir deux types de comportement : soit le tuteur

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implicite va considérer ses pairs comme des modèles afin de reproduire ce qu’ils font en tant

que tuteur ; soit il ne va pas savoir doser son niveau d’exigence par manque de confiance et

d’assurance dans sa pratique du métier.

1.4. Synthèse

L’ingénierie de formation nous a appris l’importance de faire un diagnostic précis du contexte

pour en déduire les besoins en formation du public visé. En vingt ans, « ce public visé » a

connu une succession de réformes124

au niveau de l’organisation de l’institution hospitalière,

au niveau professionnel et au niveau de son dispositif de formation.

Une confusion entre « information et formation » sur ces réformes s’est créée. Nous

retrouvons cela au niveau de l’expression des besoins recueillis lors de notre recherche. Les

tuteurs explicites et implicites mélangent les notions de « formation au tutorat » et

« d’information sur le référentiel de formation IDE ». Il est donc nécessaire de bien scinder et

d’organiser :

des sessions d’information sur le référentiel de formation IDE et tout ce qui en

découle ;

des sessions de formation sur le tutorat proprement dit afin d’accompagner les

tuteurs dans un changement de posture pédagogique passant de « modèle »,

d’« exemple » à celle d’« accompagnateur » en référence à M. PAUL (2003)125

.

Pour cela, il est nécessaire de définir pour ce « public visé » les notions

d’apprentissage, d’alternance, d’accompagnement, de compétences, de

réflexivité… afin qu’il puisse comprendre que le tutorat ne s’exprime plus dans

une logique de « apprendre par transmission de savoirs » mais dans une logique de

« apprendre en réfléchissant au cœur de l’action ».

2. Les représentations des tuteurs infirmiers

2.1. Méthodologie d’analyse

En début d’entretien, nous avions demandé aux tuteurs explicites et implicites de citer trois

verbes correspondant « à ce que vous faites avec l’étudiant », de les classer et de les justifier.

À la fin des entretiens, aucune modification de ces verbes n’a eu lieu. Seuls TF9 et TF12,

124

Livret I, Annexe 6, Restructuration du monde de la santé. 125

PAUL Maela (2003), « Ce qu’accompagner veut dire », Carriérologie, vol. 9, nos

1 et 2, pp. 121-144.

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deux tuteurs explicites, soit 2/24 des tuteurs interrogés, ont rajouté un quatrième verbe,

« accompagner », que nous n’avons pas retenu, puisque ce verbe pouvait être induit par les

questions comprenant le mot « accompagnement » posées lors de l’entretien. Donc, de façon

globale, nous pouvons formuler que notre façon de gérer les entretiens n’a pas créé de biais

dans les représentations des tuteurs explicites ou implicites.

Pour déterminer si les verbes cités étaient des verbes d’accompagnement, nous avons procédé

en deux étapes.

Premièrement nous avons, lors de l’analyse longitudinale de chaque entretien, déterminé si les

verbes cités pouvaient être des verbes d’accompagnement ou non en nous référant aux

définitions de l’accompagnement selon trois auteurs que sont G. LE BOUËDEC126

,

M. PAUL127

et G. WIEL128

:

pour G. LE BOUËDEC, « accompagner » signifie « écouter, élucider, confirmer et

réassurer » ;

pour M. PAUL, « accompagner » signifie « conduire, guider, escorter » ;

pour G. WIEL enfin, « accompagner » signifie « écouter, clarifier, proposer, aider

à la décision ».

Nous avons ainsi procédé à une première classification dans chaque analyse longitudinale.

Nous avons aussi observé, dans cette première étape, si les tuteurs explicites avaient utilisé les

verbes entendus lors de la formation au tutorat IDE. Ces verbes sont « conduire, questionner,

faciliter, diagnostiquer »129

et définissent les activités du tuteur selon le référentiel de

formation IDE de 2009. Aucun de ces verbes n’a été cité en tant que tel par les tuteurs

explicites.

Deuxièmement, nous avons confronté les justifications « des verbes cités par les tuteurs » à

notre première classification, pour déterminer si les verbes cités « exprimant les

représentations des tuteurs » étaient en concordance avec des verbes d’accompagnement. Les

126

LE BOUËDEC Guy (2002), « Non ! Toute relation éducative n’est pas de l’accompagnement. Spécificité de la posture d’accompagnement », Les Cahiers de l’ISP, n

o 36, pp. 85-114.

127 Op. cit.

128 WIEL Gérard (1998), « La démarche de l’accompagnement », in : CHAPPAZ Georges, LAFONT

Monique, Accompagnement et formation, université de Provence, Éditions CNDP CRDP de Marseille, pp. 22-44 129

Livret I, Annexe 7 : « Définition des activités du tuteur modélisées sous forme de verbes selon le référentiel de formation IDE ».

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71

résultats de cette deuxième classification sont reportés sous forme de tableaux pour chaque

catégorie de tuteurs130

.

2.2. Représentations des tuteurs explicites

Pour les tuteurs explicites, Accompagner c’est « Écouter », « Observer », « Conduire, Guider,

Escorter » :

Conduire signifiant : « Apprendre » (3), « Former » (3), « Encadrer » (2),

« Transmettre » (2), « Éduquer » (1), « Faire un parcours » (1) ;

Guider signifiant : « Informer » (2), « Montrer » (2), « Dynamiser » (1),

« Expliquer » (1), « Prévenir les risques » (1), « Responsabiliser » (1) ;

Escorter signifiant : « Accueillir » (1), « Assister » (1), « Faire ensemble » (1),

« Soutenir » (1).

Les chiffres entre parenthèses sont le nombre d’occurrences du verbe cité.

Pour M. PAUL, le tutorat est une modalité de l’accompagnement qui le place dans le registre

de l’aide de l’attention à Autrui. « Soutenir, surveiller, assister » sont des verbes illustrant

cette modalité d’accompagnement, donc « accompagner » ne cohabite pas avec « évaluer ».

Ainsi en référence aux auteurs cités précédemment, nous n’avons retenu que les tuteurs

explicites ayant cité trois verbes d’accompagnement. Nous pouvons donc constater que pour

plus de la moitié des tuteurs explicites, 7/12, leurs représentations « de ce qu’ils font avec

l’étudiant » correspondent à de l’accompagnement.

Cependant si nous référons à la prescription du référentiel de formation IDE de 2009, « le

tuteur assure l’accompagnement des étudiants et évalue leur progression dans l’acquisition

des compétences lors d’entretiens réguliers. Le tuteur formalise celle-ci sur le portfolio ».

« Être tuteur », d’après ce référentiel, c’est être en capacité d’adopter une posture

d’accompagnement et une posture d’évaluation, selon les moments du stage et de

l’encadrement des ESI. Le tuteur est certes une aide et une personne ressource pour l’ESI,

mais il est aussi garant du contrat de formation (charte d’encadrement et convention de stage)

et garant de l’intégration des normes professionnelles attendues par l’étudiant. Ces normes

professionnelles répondent à l’assurance-qualité des soins et veillent à la sécurité des patients.

130

Livret I, Annexe 8 : « Tableau des représentations des tuteurs explicites ». Livret I, Annexe 9 : « Tableau des représentations des tuteurs implicites ».

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72

Cette ambivalence de posture semble aussi être provoquée par le choix du mot emblématique

« tutorat », où « tutorat » devient synonyme d’« acticité d’encadrement des ESI » pour ce

référentiel. Cette ambivalence de posture semble avoir été aussi entretenue lors la formation

au tutorat IDE (pour être conforme à la prescription du référentiel de formation IDE 2009).

Ainsi, lors de leur formation, les tuteurs explicites ont été sensibilisés à la modélisation

suivante. « L’activité d’encadrement ou tutorat » se traduit par deux verbes

d’accompagnement comme « conduire faciliter » et deux verbes ambivalents, dans leurs

définitions, que sont « questionner et diagnostiquer ». Pour des professionnels de santé,

baignant dans l’évaluation constante avec le diagnostic infirmier pour évaluer les soins à

apporter aux patients, les verbes « questionner et diagnostiquer » sont source de confusion

dans leur compréhension et leur appropriation. En effet, ces professionnels de santé se servent

habituellement de « l’évaluation » pour « accompagner » le patient dans l’élaboration de son

projet de soin.

Ainsi un quart des tuteurs explicites, 3/12 (TF2, TF4 et TF8), sont en cohérence avec la

prescription du référentiel de formation IDE 2009, en amorçant, certes, un travail de bascule

de leurs représentations tutorales de l’évaluation vers l’accompagnement en citant à la fois

deux verbes d’accompagnement et un verbe d’évaluation.

Seul TF5, professionnel-expert riche de 36 années d’ancienneté professionnelle et

d’encadrement des ESI, en citant trois verbes d’évaluation que sont « vérifier, tester,

évaluer », semble ne pas avoir modifié ses représentations. Ce tuteur est resté dans le

paradigme de la pédagogie du modèle et de l’exemplarité. Il vérifie les connaissances de

l’étudiant, teste la compréhension des nouvelles connaissances et évalue l’application de ses

connaissances en situation de soins.

TF3 quant à lui se situe plutôt dans une posture dominante d’évaluateur, en déclarant deux

verbes qui ont été classés dans le registre de l’évaluation « encadrer, évaluer » et un verbe qui

a été classé dans le registre de l’accompagnement « assister ».

Ainsi, au vu des résultats de l’analyse des verbes représentant les activités des tuteurs

explicites, nous pouvons supposer que la formation à jouer son rôle et est venue questionner

les représentations existantes des tuteurs sur la question du tutorat. Une majorité de tuteurs,

7/12, expriment des représentations tutorales d’accompagnement en référence aux auteurs

cités et un quart des tuteurs, 3/12, en citant deux verbes d’accompagnement et un verbe

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73

d’évaluation, sont en conformité avec la prescription du référentiel de formation IDE des

activités du tuteur.

En guise de conclusion de ce paragraphe « représentations des tuteurs explicites », une très

belle définition ressort de nos entretiens, citée par TF2 (tuteur en cohérence avec la

prescription du référentiel) : « L’accompagnement, c’est amener, donner comment dire les

moyens à quelqu’un pour faire quelque chose en étant présent mais sans faire pour la

personne. C’est ça accompagner : être avec, emmener quelqu’un d’un point A à un point B

avec cette personne à ses côtés mais pour que cette personne le fasse d’elle-même. »

2.3. Représentations des tuteurs implicites

Pour les tuteurs implicites, Accompagner c’est « Écouter », « Observer », « Conduire,

Guider, Escorter » :

Conduire signifiant : « Apprendre » (3), « Transmettre » (2), « Approfondir » (1),

« Éduquer » (1), « Encadrer » (1), « Enseigner » (1), « Former » (1),

« Questionner » (1), « Interroger » (1) ;

Guider signifiant : « Accompagner » (1), « Analyser » (1), « Autonomiser » (1),

« Conseiller » (1), « Échanger » (1), « Effectuer » (1), « Expliquer » (1),

« Réajuster » (1), « Répéter » (1), « Réorienter » (1) ;

Escorter : « Accueillir » (1), « Soutenir » (1).

Ainsi en référence aux auteurs cités précédemment, nous pouvons constater que pour plus de

la moitié des tuteurs implicites, 7/12, leurs représentations « de ce qu’ils font avec l’étudiant »

correspondent à l’accompagnement.

De même, un quart des tuteurs implicites, 3/12 (NF3, NF4 et NF10), sont en cohérence avec

la prescription du référentiel de formation IDE 2009 : ils ont des représentations tutorales se

définissant par de l’accompagnement et de l’évaluation et citent à la fois deux verbes

d’accompagnement et un verbe d’évaluation.

Et finalement, deux tuteurs implicites (NF1 et NF12) ont des représentations de leurs

fonctions tutorales à dominante d’évaluation en citant à la fois deux verbes d’évaluation et un

verbe d’accompagnement.

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2.4. Synthèse

Au regard de l’analyse des verbes représentant les activités des tuteurs explicites et implicites,

nous pouvons constater les mêmes résultats pour ces deux catégories de tuteurs. Mais qu’est-

ce que la formation des tuteurs explicites a modifié ? Nous pouvons supposer que les tuteurs

implicites ont pu bénéficier d’échanges et d’informations par les tuteurs explicites en nous

appuyant sur les déclarations de ces derniers indiquant le réinvestissement de la formation au

sein des équipes de soin. Les tuteurs explicites ont peut-être échangé sur la thématique de

l’accompagnement au tutorat et sur le référentiel de formation IDE. Les tuteurs implicites ont

peut être construit de nouvelles représentations de leur fonction tutorale. Mais analysons

comment ces deux types de tuteurs définissent leurs pratiques tutorales.

3. Les pratiques des tuteurs infirmiers

3.1. Les tuteurs explicites : définitions de leurs pratiques d’accompagnement

TF3 et TF5 ayant été déterminés dans une posture à dominante d’évaluation, nous allons les

laisser de côté en première intention pour ne discourir que sur les dix tuteurs explicites ayant

été classés dans une posture à dominante d’accompagnement ; nous les désignerons par

l’acronyme « TFAcc ». Ces tuteurs TFAcc sont donc supposés être devenus « facilitateurs et

proactifs » en référence V. GLIKMAN (2002), F .VINCENT (1982) et M. PAUL (2003). Ils

vont donc aider le tutoré, l’ESI, à se former au travers d’une expérience en pratiquant, lui

permettre de réfléchir, d’analyser, de prendre du recul par rapport à la situation de travail, de

comprendre et d’assimiler.

Tout d’abord, en lien avec le modèle théorique proposé par P. PELPEL (1996), tous les

tuteurs explicites TFAcc déclarent l’importance de l’accueil des ESI. Cet accueil est

organisé et a été structuré par un projet polaire d’encadrement des étudiants affirme TF7 : « Il

y a une démarche instaurée […] fondée sur un groupe de travail institutionnel […] une

journée vraiment de découverte du service et du pôle en général, à partir du deuxième jour,

une immersion vraiment dans le lieu de stage […]. Normalement en tout début de stage si le

tuteur est disponible. C’est lui qui est censé l’accueillir en début de stage, lui présenter plus

précisément le service, lui donner son planning qui doit avoir été élaboré auparavant avec

une définition précise de ses encadrants différents. » TF10 souligne également ce fait : « Je

lui présente le service, je le présente à l’équipe… donner des conseils spécifiques… de toute

façon on est toujours là […]. Les points importants c’est déjà qu’il se sente intégré à

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l’équipe… pour un étudiant il faut surtout pas qu’il ait peur de son environnement… la

meilleure façon de travailler c’est de se sentir rassuré, écouté... pour pouvoir poser des

questions ». Cette phase d’accueil comporte donc non seulement la présentation de

l’environnement et des professionnels que va rencontrer l’ESI, mais repose aussi sur la

disponibilité nécessaire du tuteur (ou d’une personne dédiée à cette phase) et sur les qualités

relationnelles de celui-ci afin de créer un climat de confiance grâce auquel l’ESI se sentira à

l’aise et rassuré. Ainsi TF2 déclare : « Déjà on fait le bilan du parcours de l’étudiant et il y a

le premier jour qui est très important quand l’étudiant arrive, il est important qu’il se sente

en confiance dans l’équipe. L’accueil, c’est vraiment très important...» puis renchérit : « Et

donc, l’accueil ça peut prendre… c’est très très long ! » Ainsi le tuteur se positionne en tant

que tel devant l’étudiant et se présente comme une personne ressource pour lui, souligne

TF12 : « Lui préciser qu’on va être présent dans le service ou pas parce qu’on a de repos,

que si il a des soucis personnels ça peut-être plus facile d’en parler à la personne référente,

leur dire qu’on est là et la personne à qui il faut dire les choses ».

Près des trois-quarts des tuteurs explicites TFAcc, 7/10 (TF1, TF2, TF6, TF7, TF8, TF9 et

TF12), déclarent « faire émerger des demandes en questionnant l’étudiant afin d’établir

un diagnostic sérieux des besoins de l’étudiant » (cité 9 fois). TF1 dit « questionner

l’étudiant pour savoir où il en est dans sa formation, quel stage qu’il a fait avant, ce qu’il a

appris, ce qui lui pose problème ou au contraire dans quel soin il se sentirait plus à

l’aise… ». TF7 explique : « Comment je fais… euh, bah je me renseigne déjà un petit peu sur

le parcours de l’étudiant, sur son niveau de formation théorique, sur son expérience de stage

si il a déjà une expérience, sur son ressenti… ressenti rapide mais global des stages

précédents. Je feuillette un petit peu son portfolio s’il l’a sur lui… Les stages déjà faits, un

petit peu ce qui a déjà été vu, ce qui est acquis, ce qui est en cours d’acquisition, puis de son

expérience… ça donne un reflet de son expérience de lui. Ensuite, je vois avec lui, quels sont

ses objectifs. Je me renseigne aussi sur son projet professionnel parce que je pense que cela

peut influencer aussi pas mal le déroulement du stage et puis ensuite donc aussi, je vois un

petit peu avec tout ça comment on va pouvoir élaborer justement son parcours. Est-ce qu’il

va y avoir besoin d’un temps important ou pas avec les aides-soignantes en pensant déjà

aussi si l’étudiant va aller au devant des informations, on va aller rechercher un petit peu les

choses, ça se fait assez vite et puis moi j’essaie de me rendre le plus disponible possible. »

Ainsi le tuteur fait un véritable « état des lieux » afin de savoir où l’étudiant en est dans ses

apprentissages. Il y a une analyse des besoins de l’étudiant par rapport à ce qu’il a fait et par

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rapport à ce qu’il veut faire. C’est aussi un moyen de susciter la réflexion et le

questionnement chez l’étudiant. Cette phase permet ainsi au tuteur d’adapter le parcours de

stage. Un outil peut être un indicateur pour le tuteur : le portfolio.

La moitié des tuteurs explicites TFAcc, 5/10 (TF2, TF4, TF6, TF7 et TF8), déclarent « aider

l’étudiant à construire le sens de ses actions, à faire le lien entre la théorie et la

pratique » (cité 10 fois).

TF6 traduit cela par les mots suivants : « Je les accompagne vraiment petit à petit pour voir

déjà le patient… je préfère toujours les prendre à part, leur expliquer voilà ce que l’on va

trouver dans notre chambre, il va y avoir un patient allongé, intubé, sédaté sur un

respirateur… j’utilise souvent le dessin pour dire voilà, ton patient… Il sera attaché parce

que il est sédaté, il peut s’extuber. Ça peut choquer certains élèves de les trouver tous

attachés et après là, je l’accompagne vers le patient pour leur faire voir voilà, tu vois là sur

notre dessin, je t’avais dit que… on revoit après le matériel petit à petit pour qu’il puisse

partir du patient et avoir la globalité… Leur faire voir qu’on peut avoir une discussion avec

le patient ou ne serait-ce que par la clinique voir plein de choses en fait… parce que ils ont

tendance à voir que le matériel et plus du tout la personne dans le lit. Donc moi je pars plutôt

dans l’autre sens. On regarde d’abord le patient et après on va apprendre à s’occuper du

matériel… de lui demander parfois, pourquoi tu fais ça, euh pourquoi tu le fais dans ce sens

là… euh, qu’il essaie de trouver sa propre logique… j’essaie toujours de les remettre dans

leur retranchement pour qu’il essaie de savoir pourquoi ils le font… d’analyser. Donc, je leur

dis non, quand tu notes des chiffres, il faut savoir me dire pourquoi tu les notes, ce que cela

démontre et pas les noter bêtement. » Au vu des informations recueillies et au regard de la

citation ci-dessus, le tuteur essaie de créer du lien entre des savoirs théoriques et ce qui se

passe sur le « terrain ». Le moyen permettant de le faire est de partir du patient, de sa

pathologie pour aller vers le matériel et les soins à lui apporter. Lorsqu’ils sont à l’IFSI, cela

reste du théorique et l’aspect humain n’y est pas. En partant du patient, le tuteur va ainsi

pourvoir lui faire comprendre le sens des choses et des actions entreprises et à entreprendre.

Par le fait de recontextualiser dans une situation clinique d’un patient, l’ESI pourra voir le lien

qui se crée entre la théorie et la pratique. Cette démarche permet une compréhension plus fine

du terrain par le stagiaire et des actions à mettre en œuvre.

La moitié des tuteurs explicites TFAcc, 5/10 (TF1, TF2, TF8, TF10 et TF12), déclarent

« dispenser un soutien holistique (pédagogique, psychologique, personnel, social),

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dispenser des conseils et valoriser l’étudiant » (cité 7 fois). Ainsi TF8 : « Je le mets à

l’aise… Il faut les mettre à l’aise tout en leur montrant que l’on a un projet d’encadrement et

qu’on ne va pas le lâcher […] qu’il soit en confiance… qu’il sache que nous sommes là pour

l’aider. ». TF1 précise : « Je lui avais demandé de revoir toutes ses annotations des autres

services si elle avait en mémoire ou si des photocopies de ces feuilles de stages pour voir en

fait lui redonner confiance en lui disant bah attends si tu as eu telle ou telle note ce n’est pas

pour rien quoi et dire t’étais capable et en fait, je suis allée chercher, chercher. Et puis c’est

vrai, c’était quelqu’un qui était passionné par ce qu’elle faisait, ça se sentait, elle était

intéressée, intéressante, enfin… et du coup j’ai essayé de chercher oui des éléments qui

puissent la motiver à nouveau. Non pour moi, c’est une réussite parce que je me suis dit qu’en

fin de compte que peut-être à ce moment là, elle avait besoin de faire le point sur qui elle

était, sur ce qu’elle voulait devenir. ». Nous pouvons dire que les tuteurs ont incorporé dans

leurs pratiques une phase de valorisation du tutoré en lui apportant des conseils. Nous pensons

que c’est primordial car l’étudiant doit se sentir en confiance, rassuré et aidé dans sa pratique.

Ce moyen permet aussi dans un moment de doute de la part de l’étudiant, qu’il ne « lâche »

pas, qu’il revisite tout le chemin parcouru dans son projet de formation.

Moins de la moitié des tuteurs explicites TFAcc, 4/10 (TF1, TF2, TF9 et TF11), déclarent

« aider l’étudiant à construire sa propre expérience » (cité 5 fois). TF11 précise que

« c’est pas intéressant d’avoir un petit singe devant moi. Ce qui est intéressant c’est d’avoir

une personne qui sait pourquoi il fait les choses et comment on les fait. Après, tant qu’il le fait

bien, qu’il soit logique. Il faut qu’il ait sa personnalité d’infirmier et c’est pour ça qu’avoir

plusieurs personnes qu’on rencontre pendant son stage va faire qu’il va créer cette

personnalité. Parce qu’on est tous différents mais le bien n’est pas au même endroit pour

tous. Il faut qu’il rencontre une diversité de personnes ». TF9 est plus pragmatique en

demandant « à ce qu’il [ESI] prenne en charge un patient de A à Z de la toilette quel que soit

son niveau de formation il a une toilette à faire d’un patient et s’en occupe du début à la fin…

C’est la meilleure façon d’apprendre, en fait, vraiment que de s’occuper d’un patient du

début jusqu’à la fin…, il présente son patient en fait avec le diagnostic infirmier, les

problèmes du jour et euh la problématique du patient et le diagramme de soin qu’il a à

faire… ». Les tuteurs privilégient une démarche mettant l’étudiant au cœur de l’action afin

qu’il puisse s’impliquer dans le « prendre soin d’un patient du début à la fin ». C’est aussi un

moyen de voir le parcours de soin du patient et de savoir quand intervient l’infirmier. Le

tuteur positionne le tutoré dans l’action afin qu’il puisse apprendre dans l’action.

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Moins de la moitié des tuteurs explicites TFAcc, 4/10 (TF1, TF2, TF6 et TF10), déclarent

« créer les conditions d’apprentissage » (cité 4 fois). TF6 explique comment il procède :

« Je prends toujours un petit quart d’heure pour dire bon bah voilà, comment tu as ressenti ta

nuit, explique-moi ce que tu en as appris et moi après je parle de moi de ce que j’en ai

ressenti et ce que l’on peut faire pour le lendemain. Donc généralement, moi c’est bête, mais

ils repartent toujours avec des petits devoirs dirons-nous. […] Je les responsabilise tout de

suite, tu es bientôt un futur soignant, tu n’iras pas voir ta collègue pour lui poser la question,

tu vas demander au médecin, ça les met tout de suite en situation […] On voit tellement

d’erreurs. Je vous assure que c’est pour ça moi les prescriptions, ils les vérifient trois fois.

On voit tellement d’erreurs et c’est pour ça qu’il y a une continuité des soins de toute façon

dans l’équipe. L’équipe de l’après-midi va revérifier ce que l’équipe du matin a fait. L’équipe

de nuit va vérifier… C’est la chasse à l’erreur… Alors vous allez me trouver vache peut-être

mais par moment je les laisse faire… jusqu’au moment où… Mais pour leur faire peur… et je

pense qu’il y a que comme ça. Vraiment leur faire peur. C’est quand on a eu peur sur une

bêtise, on ne la recommence pas généralement… » Ce tuteur fait expliciter à l’ESI ce qu’il a

appris, le responsabilise en le mettant en situation et en créant des ancrages émotionnels où

l’erreur devient formatrice.

Moins d’un tiers des tuteurs explicites TFAcc, 3/10 (TF1, TF7 et TF8), déclarent « intervenir

sans attendre une sollicitation de l’étudiant, et a l’initiative de proposer à l’étudiant »

(cité 3 fois). TF1 explique : « Bah écoute puisqu’il semblerait que tu sois en difficulté là, pour

demain, je t’invite à refaire le point, tu vas sur internet ou tu vas à tel endroit pour essayer de

trouver des réponses à tes questions et on en discute demain, on sait qu’on peut se rencontrer

même si on est le tuteur direct de l’étudiant, même si on est le professionnel de proximité, on

essaie de fonctionner comme ça… » TF7, lui, essaie « de les solliciter, de leur montrer un

petit peu ce que le stage peut leur apporter, leur mettre à disposition des outils de recherche,

de leur mettre à disposition pas mal de données théoriques, de leur proposer pas mal de

gestes techniques. On leur propose aussi de suivre un même parcours d’un patient donc son

entrée en unité, dans le cas d’une hospitalisation programmée forcément mais… ça dépend

d’une part de leur projet et aussi de leur investissement et de leur curiosité intellectuelle et

cætera… dans le stage. C’est pour ça aussi qu’on leur met les outils à disposition ».

Ainsi, en référence à V. GLIKMAN (2002), ces tuteurs prennent l’initiative de proposer une

aide d’ordre didactique, méthodologique, fonctionnelle, lorsqu’ils estiment que cela est

nécessaire, sans attendre une sollicitation de la part de l’ESI. Selon le degré d’autonomie des

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ESI la posture du tuteur explicite peut s’ajuster de « tuteur réactif « à « tuteur proactif », le

tuteur développant ainsi une véritable plasticité posturale.

Cependant nous pouvons aussi remarquer que tous les tuteurs explicites TFAcc allient à la

fois les pratiques d’accompagnement décrites ci-dessus à des pratiques d’évaluation afin

d’être en accord avec la prescription du référentiel de 2009 et pour « accompagner »

l’ESI dans l’élaboration de son projet de formation :

une large majorité de ces tuteurs, 8/10 (TF4, TF6, TF7, TF8, TF9, TF10, TF11 et

TF12) effectue des bilans réguliers de la progression de l’ESI ;

la moitié de ces tuteurs, 5/10 (TF1, TF2, TF4, TF9, TF12), a besoin de faire des

évaluations-contrôle de l’application des connaissances pour pouvoir laisser une

part d’autonomie à l’ESI, tout en assurant la sécurité du patient. TF1 précise

même que « de toute façon, je ne le lâche pas. Je suis constamment là… Je veux

avoir le même chariot qu’elle parce qu’en fait, cela me permet d’avoir un œil sur

tout ce qui se fait…, j’ai fait un diplôme auquel je tiens et surtout pas envie bah

de le perdre pour une faute commise sous ma responsabilité parce que il ne faut

pas oublier que les étudiants sont sous notre responsabilité… ». TF4 renchérit :

« Après c’est peut-être un problème de confiance, je ne sais pas mais il faut que je

sache que l’élève est capable de faire quelque chose vraiment bien avant de le

laisser faire les choses seul. » ;

moins d’un tiers de ces tuteurs, 3/10, déclarent évaluer la progression des ESI

dans l’acquisition de ses compétences et de formaliser celle-ci dans leur portfolio.

Quant à TF3 et TF5, qui ont été classés dans une posture à dominante d’évaluation, nous

pouvons remarquer que, dans leurs discours sur leurs pratiques tutorales, nous retrouvons le

critère de « facilitateur » : « faire émerger des demandes en questionnant l’étudiant afin

d’établir un diagnostic sérieux des besoins de l’étudiant ». TF3 souligne l’importance de

l’accueil de l’ESI et de la création d’un climat de confiance.

3.2. Les tuteurs implicites : définitions de leurs pratiques d’accompagnement

Nous avons utilisé pour les tuteurs implicites la même méthodologie que pour les tuteurs

explicites.

Ainsi NF1 et NF12 ayant été déterminés dans une posture à dominante d’évaluation, nous

allons les laisser de côté en première intention pour ne que discourir que sur les dix tuteurs

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implicites ayant été classés dans une posture à dominante d’accompagnement, tuteurs que

nous désignerons par l’acronyme « NFAcc ». Ces tuteurs NFAcc sont donc supposés être

« facilitateurs et proactifs ».

Tous les tuteurs implicites NFAcc déclarent l’importance de l’accueil de l’ESI. NF6 parle

d’un « bon accueil » et le définit ainsi : « Un bon accueil, c’est de montrer à l’étudiant qu’on

est là pour travailler ensemble et qu’on est là pour qu’il évolue et pour que…, c’est pas ni de

la sanction, ni de l’examen, ni de… ce que je veux dire à l’étudiant, mes critiques, ce n’est

pas des critiques pour… parce que ça peut être un peu déstabilisant parce que je peux être

des fois assez franche. Moi, ce que je veux, c’est que c’est un peu pour bousculer et qu’il

puisse aller de l’avant… Et donc, dans l’accueil, c’est déjà essayer de mettre à l’aise, de

présenter une spécialité, de présenter mes collègues, de… bah voilà… présenter même des

locaux pour pouvoir vite se les approprier. »

Plus des trois-quarts des tuteurs implicites NFAcc, 8/10 (NF2, NF4, NF5, NF6, NF7, NF8,

NF9 et NF11) déclarent « dispenser un soutien holistique (pédagogique, psychologique,

personnel, social), dispenser des conseils et valoriser l’étudiant » (cité 9 fois). Ainsi NF8

souligne l’importance d’apporter un soutien à l’ESI pour qu’il puisse réaliser son projet de

formation : « Alors, comment je m’y prends bien euh… du dialogue surtout et puis je vous ai

parlé d’esprit de confiance en fait. Donc l’accompagner, ça va être l’accompagner dans ses

difficultés et puis voilà le mener en fait à l’atteinte de ses objectifs. »

Près des trois-quarts des tuteurs explicites NFAcc, 7/10 (NF2, NF3, NF4, NF5, NF8, NF9 et

NF10), déclarent « faire émerger des demandes en questionnant l’étudiant afin d’établir

un diagnostic sérieux des besoins de l’étudiant » (cité 12 fois). NF9 explique comment il

procède : « Donc, moi quand j’essaie de savoir dès le départ ce qu’il a acquis, ce qui lui reste

à acquérir pour ne pas faire à sa place parce que je pense qu’on a tendance à trop faire pour

eux pour que ça aille plus vite. Et je pense, que ce n’est pas formateur ». NF4 affirme quant à

lui : « On leur donne un questionnaire d’évaluation qui a été fait par le groupe pour savoir où

ils en sont de leurs connaissances, qu’ils remplissent en *** tout seul et après on le corrige.

Comme ça nous permet de savoir ce qu’ils connaissent de l’anatomie, du cœur, la physiologie

et quelques notions de base… Voilà pour savoir si on fait tels ou tels modules, les

connaissances sur les médicaments qu’on va utiliser en *** et s’ils l’ont pas vu ce n’est pas

grave on va les voir ensemble. Et même pour eux s’ils sont demandeurs car ils pensaient

avoir acquis ça et ils s’aperçoivent que ce n’est pas acquis. Et on prend le temps de corriger

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avec eux et on discute avec eux des réponses et maintenant c’est à toi d’aller chercher dans

tes cours ou sur internet pour te remettre à niveau et voir ce qui a pas été. »

La moitié des tuteurs implicites NFAcc, 5/10 (NF3, NF4, NF7, NF9 et NF11), déclarent

« aider l’étudiant à construire sa propre expérience » (cité 5 fois). NF3 procède ainsi :

« Lui montrer au mieux le métier… lui donner envie de s’intégrer complètement dans le

service en lui faisant faire le maximum de choses possibles par lui-même comme ça il fait

partie entière de l’équipe, c’est lui qui va gérer ses patients de A à Z et là les choses

deviennent intéressantes que de faire des petits bouts par ci, avoir la globalité du patient en

charge. Ça leur permet d’avoir vraiment leur repère ils savent qu’ils ont tant de patients à

gérer et qu’ils font tout de A à Z. Bien sûr, s’il y a un souci, on est là. » NF3 laisse l’ESI

construire son expérience tout en gardant le contrôle pour garantir la sécurité du patient. NF4

renchérit en insistant sur « les laisser découvrir par eux-mêmes. C’est comment tu ferais

toi ? » et en veillant à ne pas leur donner immédiatement la réponse.

« Aider l’étudiant à construire le sens de ses actions, à faire le lien entre la théorie et la

pratique » n’est cité que par un tuteur, NF11. De même « créer les conditions

d’apprentissage », cité uniquement par NF5. Ces résultats étant insignifiants, nous ne les

avons pas retenus.

Aucun des tuteurs implicites NFAcc ne déclare « intervenir sans attendre une sollicitation

de l’étudiant, et a l’initiative de proposer à l’étudiant ». NF5 et NF9 affirment ne répondre

qu’aux demandes explicites des ESI et se positionner dans une posture tutorale réactive. NF5

s’exprime ainsi : « Je pense que c’est à l’étudiant de nous exposer ses problèmes. Ce n’est

pas à moi d’aller les chercher et de lui dire « là, tu as eu du mal ». Je pense que c’est

vraiment à l’étudiant de se mettre en avant et de dire « voila, j’ai besoin de revoir ceci ou

cela ». L’étudiant doit vraiment être à fond dans sa formation. Je pense que c’est un point

essentiel ». NF9 rajoute : « Quand ils ne sont pas demandeurs je ne peux pas. Je perds plus de

temps qu’autre chose. »

Cependant nous pouvons aussi remarquer que plus de la moitié les tuteurs implicites NFAcc,

6/10, allient à la fois les pratiques d’accompagnement décrites ci-dessus à des pratiques

d’évaluation afin d’être en accord avec la prescription du référentiel de 2009 et pour

« accompagner » l’ESI dans l’élaboration de son projet de formation.

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Quant à NF1 et NF12, qui ont été classés dans une posture à dominante d’évaluation, ils

soulignent aussi l’importance de l’accueil, de la création d’un climat de confiance et de la

mise à l’aise l’ESI. Nous pouvons remarquer que nous retrouvons les deux critères de

« facilitateur » dans le discours de NF1 sur sa pratique tutorale que sont « faire émerger des

demandes en questionnant l’étudiant afin d’établir un diagnostic sérieux des besoins de

l’étudiant » et « aider l’étudiant à construire sa propre expérience ».

3.3. Les difficultés rencontrées dans l’accompagnement des étudiants

Par les tuteurs explicites

Les tuteurs explicites soulèvent deux types de difficultés. Ces difficultés sont plutôt

organisationnelles et fortement liées à l’environnement où les surcharges de travail peuvent

être parfois très importantes. Ceci peut s’expliquer aussi par le manque de personnel dans

certaines unités par exemple et par la non-évaluation institutionnelle et l’identification du

temps consacré au tutorat comme temps de travail.

Deux tiers des tuteurs explicites, 8/12 (TF1, TF2, TF4, TF5, TF6, TF9, TF11 et TF12)

expriment comme difficulté « le manque de temps, la charge de travail pour accompagner

l’ESI et la fatigue provoquée par cette activité ». TF5 nous explique que « d’encadrer les

gens c’est fatiguant… parce qu’il faut à la fois se concentrer sur ce qu’on fait, sur le malade

et puis pas laisser tomber l’élève ». TF11 complète en déclarant : « C’est franchement le

manque de temps, on voudrait leur donner plus, être plus avec eux, il y a des fois on n’a pas

le temps. Cà, c’est vraiment frustrant. » Pour TF9, « la principale [difficulté] c’est le temps

euh on prend finalement du temps sur le temps personnel pour la plupart du temps pour

remplir le portfolio même pour le bilan de stage enfin nous on a une chance c’est que en ***

on prend euh notre temps supplémentaire est comptabilisé mais là où j’étais avant en ***

c’était du temps personnel c’est ça qui pose souci quoi ! mais dans le temps de travail y a des

moments où les quarts de travail sont légers donc ça va mais quand c’est plus comme en ce

moment, difficile c’est un peu plus difficile de euh (silence) d’être disponible pour eux ».

Un quart des tuteurs explicites, 3/12 (TF5, TF7 et TF9), expriment plutôt « le nombre

d’étudiants à encadrer » : TF5 parle de « surdosage de l’ESI » ; TF7 s’explique en nous

disant : « Bah ! il nous arrivait, sur certain quart [de travail], d’avoir au moins autant

d’étudiants que de professionnels » et d’ajouter : « Moi, j’ai déjà vu effectivement des

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collègues tourner avec un étudiant et un nouveau professionnel. Non, on ne peut pas, je

trouve, faire un travail satisfaisant à ce niveau là. »

Pour remédier à ces difficultés, des organisations spécifiques aux unités de soins se sont mises

en place nous explique TF3 : deux tuteurs sont nommés pour accompagner un ESI. TF3 :

« On sait aperçu au sein du service que, un tuteur pour un élève, ça faisait un petit peu trop

car en général ils sont pour là pour dix semaines… on a décidé d’être deux pour un élève

[que l’élève suivra constamment]. »

Par les tuteurs implicites

Les tuteurs implicites soulèvent deux types de difficultés. Ces difficultés sont plutôt

organisationnelles, et donc fortement liées à l’environnement de travail comme nous l’avions

analysé avec les tuteurs explicites, mais aussi d’ordre relationnel avec les ESI.

Ainsi près de deux-tiers des tuteurs implicites, 7/12 (NF1, NF3, NF4, NF6, NF10, NF11 et

NF12), expriment la difficulté de gérer parallèlement la prise en soins des patients et le temps

consacré à l’accompagnement des ESI.

Mais ce qui est spécifique à cette catégorie de tuteurs, c’est l’expression pour plus d’un tiers

d’entre eux, 5/12, de difficultés dans la relation asymétrique instaurée par l’accompagnement

d’un ESI. Ils traduisent cela ainsi : pour NF2, comment instaurer une « distance

professionnelle » lorsque tuteur et tutoré ont sensiblement le même âge ? pour NF6, comment

amener un ESI à améliorer ses lacunes sans que celui -ci « ne se braque » ? pour NF7,

comment gérer l’inadéquation des connaissances de l’ESI avec la haute spécificité du service

de soins ? et comment faire pour rendre accessible à l’ESI les situations de soins comme

situation d’apprentissage ? pour NF8 et NF9, comment entretenir l’investissement, la

motivation des ESI ? et comment rendre acteur de sa formation un ESI ?

3.4. Vérification de l’hypothèse 1

Hypothèse 1

La formation à l’accompagnement permet d’inscrire le professionnel IDE comme

facilitateur dans une posture (tutorale) proactive.

Au regard de notre analyse, nous pouvons constater que les tuteurs explicites TFAcc ont

renseigné tous les critères d’une posture tutorale proactive et facilitatrice. Le critère le moins

renseigné l’est au moins par plus d’un quart des tuteurs TFAcc (3/10). Ils ont conscience de la

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nécessité d’évoluer vers une posture proactive si besoin est. Ils établissent un diagnostic

sérieux des besoins de l’ESI, aident celui-ci à trouver du sens dans ses actions, lui apportent

un soutien holistique, l’aident à construire sa propre expérience et créent les conditions

nécessaires pour favoriser son apprentissage. Nous pouvons dire que la formation à

l’accompagnement des tuteurs IDE semble avoir joué son rôle sur l’amorce d’un travail sur

les représentations de leur fonction tutorale en amenant 10 tuteurs sur 12 vers l’intégration

d’un changement de posture, de « tuteur modèle » vers « tuteur facilitateur proactif ».

Les tuteurs implicites NFAcc n’ont renseigné que trois critères sur six d’une posture tutorale

proactive et facilitatrice, essentiellement l’apport d’un soutien envers l’ESI, l’établissement

d’un diagnostic de ses besoins et la possibilité d’expérimenter sur le terrain de stage. Ces

tuteurs implicites ne semblent pas favoriser la création de conditions d’apprentissage, ni aider

l’ESI à construire du sens dans ses actions. Mais surtout, soit ils ne l’expriment pas, soit ils

semblent « coincés » dans une posture tutorale réactive comme l’ont exprimé clairement NF5

et NF9. Ces tuteurs implicites semblent être restés dans un modèle de tuteur modèle,

expliquant, montrant, transmettant son savoir, par rapport aux tuteurs explicites qui, eux,

semblent être dans un modèle de tuteur facilitateur naviguant vers une posture proactive.

Dans leur fonction tutorale, les deux populations interrogées rencontrent des difficultés.

Celles-ci résident dans le nombre d’étudiants à encadrer et le temps consacré à cette activité

de tutorat. Au niveau des tuteurs implicites, la difficulté principale est leur positionnement par

rapport au tutoré, cette relation asymétrique dans laquelle est engagé le tuteur. Nous pouvons

émettre plusieurs explications à ce constat :

le manque d’expérience professionnelle dans certains cas131

;

le statut de tuteur implicite qui ne permet pas forcément de se positionner très

facilement ;

la non-formation à l’accompagnement qui ne permet pas de gérer cette relation

asymétrique avec le tutoré.

Au regard de ces éléments, nous pouvons donc dire que notre hypothèse n’est que

partiellement validée car la formation à l’accompagnement a permis l’évolution des « tuteurs

explicites » dans leur posture de tuteur. Ils sont facilitateurs et proactifs, mais ce n’est qu’une

amorce dans leur changement de posture. Sans formation, les tuteurs implicites restent dans le

131

En référence à Partie IV, Chapitre 1, « Caractéristiques de la population étudiée », p. 70.

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modèle antérieur établi, c'est-à-dire qu’ils se positionnent en tant que tuteur modèle et sont

réactifs face aux situations.

4. Démarche réflexive sur les pratiques tutorales

4.1. Tuteurs explicites

Les dix tuteurs explicites TFAcc ont été classés dans une posture à dominante

d’accompagnement. De ce fait, nous pouvons supposer qu’ils ont questionné leurs

représentations de la fonction tutorale par le biais d’une démarche réflexive sur celle-ci, en

référence à G. LE BOTERF (2010), C. AROQ et BOUISSOU (2001).

La grande majorité de ces dix tuteurs explicites TFAcc, 8/10 (TF1, TF2, TF4, TF6, TF7, TF8,

TF11 et TF12), parlent d’eux, sont Sujet de leur réflexion et de leurs actions, Objet de

leur réflexion. TF11 dit : « Au début ce qui me perturbait quand j’étais jeune infirmière, c’est

qu’au début on me posait des questions, je ne savais. Donc on ne peut pas tout savoir et je

l’ai appris avec l’expérience et ça, ça me gênait plus parce qu’on va apprendre ensemble. »

TF1 : « Bah oui, moi oui, forcément ça m’a remise en question. Avant, on était plutôt dans je

te donne, alors que maintenant on est plutôt dans je te montre où tu peux aller chercher alors

que avant on était plutôt dans l’action de donner l’info ou… mais moins dans le

questionnement, moins dans le fait d’inviter la personne à rechercher dans des lieux

précis… » Mais 3 parmi ces 8 TFAcc (TF2, TF4 et TF6) ont aussi leurs discours centrés sur

les étudiants. TF2 déclare : « Est-ce que l’on échange sur nos pratiques, non je pense que

chacun… non on échange beaucoup sur les étudiants, sur leur évolution, sur leur compétence

et cætera… mais très peu sur nos pratiques, c’est-à-dire sur comment on fait. »

La moitié des 8 tuteurs précédents, 4/8 (TF1, TF2, TF7 et TF8), prennent du recul,

analysent et critiquent les actions qu’ils ont menées. TF8 s’exprime ainsi en réfléchissant

sur son action : « Du coup, je pense qu’il faut que je présente l’étudiante, il faut que je

présente son parcours, ses terrains de stage… Peut-être que au cours de l’entretien d’accueil,

il faut que je lui dise qu’elle se présente et que ouais… mais oui ça amène à des pistes de

réflexion. »

Moins de la moitié de ces mêmes 8 tuteurs, 3/8 (TF1, TF7 et TF12), explicitent la situation

d’accompagnement, en prenant en compte leurs difficultés et leurs réussites. Ils essaient

de comprendre pourquoi et comment ils ont agi avec l’étudiant, se questionnent sur ce

qu’ils ont appris de cette situation et de ce qu’ils en retiennent comme expérience.

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D’après TF7, le tuteur peut « être un petit peu un maillon dans… un réseau d’encadrement et

c’était assez intéressant de se positionner à l’intérieur en tant que relais quoi… dans ce

travail d’encadrement vraiment en équipe et avec les différents euh l’IFSI, le service… le

tutorat renforce ce rôle qui donne à l’infirmier vraiment ce rôle d’intermédiaire entre l’école

et le service… On a une autonomie aussi… c’est le tuteur qui peut avoir l’initiative de

justement de ces entretiens plus réguliers ou pas avec l’école. ». TF12 relate plus précisément

lors de l’évocation d’une situation d’accompagnement d’une étudiante de troisième année qui

n’avait jamais eu de contact avec un patient décédé, comment le tuteur peut aussi apprendre

de ses « petits ratés ». Pour lui aussi, l’erreur est formatrice. Laissons TF12 « converser »

avec cette situation selon D. SCHÖN : « Je me suis dit, je n’avais pas bien analysé la

situation et elle était pas du tout à l’aise face à cette personne, je me suis dit c’est un petit

raté… je revendique le fait qu’un patient décédé il faut le voir pendant la formation, pendant

qu’on est stagiaire, faire les soins parce que le jour où on est professionnel c’est des choses

qu’on sera amené à faire soi-même … C’est pas quelque chose qu’i’ faut découvrir quand on

est tout seul… Je pense que j’y ferai plus attention une prochaine fois parce que… je n’étais

peut-être pas assez claire quand cette étudiante il y a un mois … C’est vrai que je ne l’ai pas

vu mal à l’aise aux premiers soins… et après quand on en parlait, elle a dit que… ».

Un quart de ces mêmes 8 tuteurs, 2/8 (TF1 et TF6), déclarent avoir des échanges informels

entre pairs pour faire partager la part d’hésitation et de doute qui les habite. TF1

s’exprime ainsi : « Moi avec mon chariot unique, bon je sais que de temps en temps j’en

rediscute avec mes collègues parce que elles sont assez étonnées et puis ça déroute les

étudiants parce que avec elles, elles ont le droit de prendre leur chariot et puis hop, et puis

moi je leur demande de rester un peu… alors du coup des fois cela peut être vécu comme

quelque chose de régressif. Je leur explique que non, qu’en fin de compte que c’est pour moi

quelque chose d’important de voir ce qui se passe et comment… et je leur rappelle encore que

et bah ça fait partie de mes fonctions d’encadrement et de responsabilité… » ; « Donc et des

fois, j’en rediscute avec mes collègues pour leur dire, pour essayer de comprendre comment

ils arrivent à… comment dirais-je… à engager leur responsabilité tout en étant relativement

éloignés. Alors, à ce jour, je n’ai toujours pas compris. Donc après, je me suis demandée si ce

que je faisais était bien ou plutôt pas bien mais en fait je reste avec mes, pour l’instant, mes

convictions, mes responsabilités de diplôme. Je n’ai pas l’impression d’être dans le faux

même si je me questionne mais je pense que… ». Ces échanges informels ne sont pas très

présents puisque peu de tuteurs déclarent en faire.

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Près de la moitié de ces mêmes 8 tuteurs, 3/8 (TF6, TF11 et TF12), expriment le besoin d’un

retour sur leurs pratiques grâce à un tiers qui leur permettrait « [de] refaire un petit point

avec les IFSI et les tuteurs et [de] savoir si c’est ce qu’ils attendaient et s’il y a d’autres

choses qu’on devrait mettre en place » (TF12). TF11 va plus loin dans sa réflexion en

s’exprimant sur l’entretien qui vient de se dérouler : « Non c’est bien. Ça m’a fait réfléchir

sur ce qu’on fait et que l’on est loin d’être parfait ».

En conclusion, sur douze tuteurs explicites, deux présentent dans leur discours au moins la

moitié des critères décrivant une démarche réflexive : TF1, 4/6, et TF7, 3/6. Trois tuteurs

explicites (TF5, TF9 et TF10) n’émettent aucune réflexion, aucune prise de recul sur leur

pratiques tutorales.

Deux critères n’ont absolument pas été renseignés comme tels, ce sont le « travail d’écriture,

journal ou carnet de bord (mise en récit) pour se distancier » et la « proposition de

nouvelles pistes d’action : transfert à de nouvelles situations d’accompagnement ».

4.2. Tuteurs implicites

Les dix tuteurs implicites NFAcc ont été classés dans une posture à dominante

d’accompagnement. Comme nous avons procédé pour les tuteurs explicites, nous allons

analyser s’ils ont développé une démarche réflexive sur leurs pratiques tutorales.

Plus de la moitié des dix tuteurs implicites NFAcc, 6/10 (NF2, NF4, NF6, NF7, NF8 et

NF10), parlent d’eux, sont Sujet de leur réflexion et de leurs actions, Objet de leur

réflexion. NF2 nous dit : « J’ai aussi moi « mes propres traumatismes d’encadrement » dans

les services et que du coup… voilà, on l’a tous et on n’a pas envie de reprendre… enfin moi

personnellement, j’ai pas envie de reproduire la même chose avec les étudiants ». NF7

déclare que le tuteur lui aussi apprend : « Je suis contente parce que j’ai appris des choses et

puis je lui ai permis d’apprendre des choses et voilà bah oui, moi aussi j’apprends… enfin

j’apprends des choses parce qu’il y a le retour, il y a des échanges avec l’étudiant. Des

pratiques qui peuvent avoir un peu changées. » NF8 renchérit en affirmant qu’accompagner

un étudiant permet de s’auto-évaluer : « On peut aussi, quand l’étudiant n’a pas intégré

certaines choses, on peut aussi se remettre en question sur l’efficacité ou la façon de faire

passer les messages en fait donc ça, c’est une réévaluation sur nous. » Mais la grande

majorité de ces 6 tuteurs NFAcc, 5/6 (NF2, NF6, NF7, NF8 et NF10), ont aussi leurs discours

centrés sur les étudiants et sur leurs évaluations. NF10 déclare : « Surtout quand on est en

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difficulté avec les étudiants... quand quelqu’un encadre un étudiant et que ça se passe pas très

bien et du coup c’est quelqu’un d’autre qui prend le relai derrière ben je pense que c’est à ce

moment là qu’on discute... Ben... des choses qu’on a pu lui expliquer, des choses sur

lesquelles, on l’a évalué donc qui sont au niveau ou pas... et des lacunes qui persistent... » Un

seul tuteur parmi ces 6, NF2 en l’occurrence, a pris conscience que l’ESI est un apprenant, un

professionnel en devenir, ce qui demande au tuteur de moduler son niveau d’exigences. NF2

s’exprime ainsi : « Il faut être quand même exigeant pour que ce soit un bon professionnel de

santé mais faut pas non plus être trop exigeant par rapport à son niveau d’étude [ESI] ».

En conclusion, sur douze tuteurs implicites, cinq tuteurs implicites (NF1, NF3, NF5, NF9 et

NF11) n’émettent aucune réflexion, aucune prise de recul sur leurs pratiques tutorales.

Un seul critère de « démarche réflexive » sur les six établis en référence aux auteurs a été

renseigné par six tuteurs implicites : « les tuteurs parlent d’eux, sont Sujet de leur

réflexion et de leurs actions, Objet de leur réflexion ».

4.3. Vérification de l’hypothèse 2

Hypothèse 2

La formation à l’accompagnement permet d’inscrire le professionnel IDE dans une

démarche réflexive de sa fonction tutorale.

Nous pouvons conclure que les tuteurs implicites ont une insignifiante amorce de démarche

réflexive. La formation des tuteurs explicites semble avoir permis, à huit tuteurs sur douze,

une ébauche de réflexivité sur leurs pratiques tutorales. Les groupes de travail, mis en place

pour l’élaboration des projets polaires d’encadrement, ont permis aussi à ces tuteurs

d’échanger entre eux, mais aucun d’entre eux ne s’exprime sur le suivi et l’évaluation de ces

projets.

Au regard de ces éléments, nous pouvons donc dire que notre hypothèse est non validée car

la formation à l’accompagnement n’a pas permis d’inscrire de façon significative les

professionnels IDE « tuteurs explicites » dans une démarche réflexive de leur fonction

tutorale.

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Chapitre 3. Limites de notre recherche et préconisations

1. Limites de la recherche

Les résultats obtenus lors de notre recherche semblent significatifs au regard du nombre

d’entretiens réalisés et de la structure de notre échantillon. En revanche, il aurait été

intéressant de faire cette étude en interviewant les mêmes personnes « avant » et « après la

formation à l’accompagnement ». Nous aurions ainsi pu mesurer les changements instaurés

sur ces mêmes individus entre ces deux phases. Mais au regard de notre structure

institutionnelle, du temps imparti pour la réalisation de cette recherche, cette solution n’a pu

être mise en place.

Nous souhaitons aussi nuancer certains propos puisque nos interlocuteurs ont pu orienter leurs

réponses au regard de nos attentes. Nous avons respecté l’anonymat. Mais parler de ses

propres pratiques à une personne « du milieu » n’est jamais totalement neutre. Les personnes

interrogées ont pu se sentir jugées, même si nous leur avons présenté l’éthique de notre

démarche de recherche en veillant à les assurer de la confidentialité des informations et sur

l’absence de jugement sur ce qu’ils pouvaient nous dire.

Ainsi, le fait que nous soyons cadre de santé et masseur-kinésithérapeute, n’appartenant donc

pas à leur corps professionnel tout en relevant de la même institution, pouvait induire les biais

suivants :

la représentation que l’interviewé va avoir de l’usage qui sera fait de ses réponses

peut influencer celles-ci ;

les interviewés se situent dans le registre d’un discours attendu en cherchant à se

conformer à l’idée qu’ils se font de ce que l’enquêteur attend ou de ce qu’il est

politiquement ou institutionnellement correct de dire sur le sujet.

Notre inexpérience en termes de recherche et d’analyse des résultats d’une recherche

constitue également aussi une autre limite.

2. Préconisations

De ces résultats nous avons tenté d’extraire de nouvelles connaissances et de déduire des

préconisations ou perspectives pratiques.

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Tout d’abord nous veillerons à bien différencier les journées d’information sur le référentiel

de formation IDE et le maniement des outils qui en découle, et les formations des tuteurs au

titre de la formation continue.

En nous référant à G. LE BOTERF (2010), le développement de compétences se crée selon

les trois axes que sont l’axe de l’activité, l’axe des ressources que l’on peut mobiliser et l’axe

de la réflexivité, nous faisons trois préconisations.

Ingénierie des politiques au niveau stratégique : la fonction de tutorat comme levier

d’attractivité du CHU

Objectifs :

mettre en place une politique managériale afin de reconnaitre et de développer le

tutorat au sein des équipes de soins et dans l’institution en général ;

concourir au développement professionnel du personnel par le biais de cette

activité, en l’incorporant dans son portefeuille de compétences ;

formaliser la création d’un livret d’accueil du stagiaire ;

créer un suivi des projets polaires d’encadrement, en développer l’évaluation.

Limites :

nécessite une reconnaissance de la fonction de tuteur au niveau institutionnel, une

identification et une valorisation de cette mission lors de l’entretien annuel

d’évaluation ;

nécessite une organisation permettant de libérer du temps de travail pour ces

tuteurs afin qu’ils puissent s’investir dans cette mission, ce qui nécessitera du

personnel supplémentaire.

Ingénierie de la formation au niveau organisationnel : construction de référentiels

« d’activité tutorale » et de « compétences du tuteur » par les tuteurs

Objectifs :

identifier leurs missions, leurs degrés d’intervention, leur posture de tuteur ;

faire construire une grille d’auto-évaluation et un « guide du tuteur au CHU -

Hôpitaux de Rouen » par les tuteurs eux-mêmes afin de permettre cette prise de

recul par rapport à leur activité tutorale ;

étudier des cas concrets en ateliers de mise en situation pour les tuteurs par

exemple l’accueil de l’étudiant, la gestion d’un entretien d’explicitation…

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Modalités : groupe de travail.

Limites :

nécessite la mise en place de sessions supplémentaires de formation ;

nécessite d’engager les tuteurs dans des groupes de travail réguliers sur une année

par exemple.

Ingénierie pédagogique au niveau opérationnel

La réflexivité s’avère fondamentale dans le cadre du développement professionnel. Cela

serait-t-il, comme semble nous l’indiquer R. WITTORSKI (1996), « la mise en place de

moments et de lieux permettant aux tuteurs de réfléchir sur leurs pratiques »132

? Définissons

ce que signifie l’« analyse de pratiques », à ne pas confondre avec la « supervision de

pratiques », ambivalence de termes aussi générée par le référentiel de formation infirmière.

« L’analyse de pratiques n’est ni une conversation, ni un simple échange autour de pratiques,

ni une simple confrontation de points de vue. Elle est menée grâce à des outils conceptuels,

des référents théoriques qui permettent de décrire, de mettre en mots, de lire autrement, de

recadrer, de formaliser ses pratiques. »133

Les tuteurs ont en effet besoin d’avoir du temps

pour prendre de la distance et faire un travail important de distanciation guidé par la présence

d’un tiers avec lequel il n’y a aucune relation de pouvoir ou hiérarchique. Ainsi, comme le

précisent C. BLANCHART-LAVILLE et D. FABLET (1996)134

, « l’analyse des pratiques

professionnelles, organisée dans un cadre institué de formation professionnelle continue,

concerne des professionnels […] invités à travailler à la co-construction du sens de leurs

pratiques et/ou à l’amélioration des techniques professionnelles et conduisant à une

élaboration en situation interindividuelle , le plus souvent groupale ; […] s’inscrit dans une

certaine durée et nécessite la présence d’un animateur, […] garant du dispositif en lien avec

des références théoriques affirmées ». Même si l’analyse des pratiques professionnelles ne

rentre pas dans les critères de la formation professionnelle, nous pouvons proposer la

préconisation suivante.

132

WITTORSKI Richard (1996), Évolution des compétences professionnelles des tuteurs par l’exercice du tutorat, Recherche et formation, n

o 22, p. 38.

133 Définition donnée par Brice GOUVERNET, colloque « Analyse des pratiques », 1

er juin 2012,

maison de l’Université, Rouen. 134

BLANCHARD-LAVILLE Claudine et FABLET Dominique (1996), L’analyse des pratiques professionnelles, Éditions L’Harmattan, pp. 262-263.

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Objectifs :

développer par le biais des plans de formation, des groupes d’analyses de

pratiques tutorales dans le cadre du développement professionnel continu135

(DPC qui entrera en vigueur dès 2013) en veillant à ce que les groupes puissent

être pluri-professionnels afin de pouvoir permettre une distanciation par rapport à

la formation initiale des agents. Le tutorat est un thème impliquant tous les agents

formant des étudiants en situation de travail ;

permettre une réflexion et une production interprofessionnelles sur le tutorat au

CHU.

Limites :

nécessite d’engager les tuteurs dans des groupes de travail qui se dérouleront

régulièrement sur une année par exemple et donc de permettre aux agents de se

rendre chaque mois régulièrement dans les mêmes groupes aux dates et heures

fixées ;

le coût financier engendré et une concordance de gestion managériale.

En complément des formations en présentiel, mise en place d’un nouvel outil de formation

inédit au CHU, une plateforme d’e-learning

Ceci pourrait permettre à un plus grand nombre d’agents hospitaliers de s’auto former.

En 2011 nous pouvons dénombrer plus cinq mille soignants ou personnels de rééducation

susceptibles d’encadrer des étudiants lors de leurs stages cliniques.

Cette plateforme d’e-learning comprendrait :

des contenus en lignes basiques ;

un espace collaboratif pour permettre aux tuteurs d’échanger sur leurs pratiques ,

avec des « tuteurs pour ceux-ci » pouvant répondre à leurs questions.

Elle pourrait permettre de potentialiser les expériences tutorales en élargissant les

échanges avec des tuteurs au niveau des hôpitaux régionaux ou nationaux.

135

Instauré par la loi HPST du 21 juillet 2009 portant réforme de l’Hôpital et relative aux Patients, à la santé et aux Territoires. Livret I, Annexe 6.

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Conclusion

L’écriture de ce mémoire nous a impliquée dans la construction d’un parcours initiatique de la

recherche. Chaque étape de la démarche nous a permis de construire notre savoir et de

développer nos compétences. L’exigence de la démarche scientifique a permis de ne pas

tomber dans le piège des « allant de soi » et la délimitation de l’objet de recherche nous a

appris rigueur et distanciation. Ainsi, formuler la question de recherche : « La formation à

l’accompagnement des tuteurs chez les IDE modifie-t-elle la représentation de leur fonction

d’accompagnement dans le dispositif tutoral défini par leur référentiel de formation ? » nous

a permis de comprendre que, même si, comme l’écrivent P. MAUBAN et A. KERLAN136

,

« toute activité de formation a pour matière et objectif le changement», cette transformation

visée par la formation peut être lente et progressive. L’acquisition d’une nouvelle posture

pédagogique, en passant de « modèle » à celle de « facilitateur » pour les tuteurs IDE, n’est

pas que du ressort de la formation, mais émane aussi d’une politique managériale des

institutions permettant d’accompagner ses collaborateurs dans le changement de paradigme :

« le savoir ne se transmet pas , mais il se construit au travers de la réflexion au cœur de

l’action ».

Aussi, en portant nos recherches sur le cas des tuteurs IDE du CHU - Hôpitaux de Rouen au

travers de la question de la formation au tutorat, nous avons pu réinvestir deux idées d’atelier

dans la formation au tutorat MK. En effet l’ingénierie de formation nous a permis

d’appréhender l’importance de l’analyse des besoins du public visé. L’étude des besoins en

formation exprimés par les tuteurs explicites IDE a permis de faire travailler les tuteurs MK

en atelier sur la construction d’un « référentiel de compétences attendues chez un tuteur » à la

lumière des travaux d’A. BAUDRIT (2000) et sur l’élaboration d’une grille d’auto-évaluation

du tuteur. Ce référentiel de compétences attendues du tuteur n’existe ni dans le référentiel de

formation infirmière de 2009 ni dans le futur référentiel de formation MK. De même, un autre

atelier a été créé, s’attachant à ce qui rend un tutorat efficace, se centrant sur la relation

asymétrique tuteur-étudiant que nous traduirons en « distance pédagogique tuteur-étudiant »,

en « relation empathique tuteur-étudiant ». Nous nous appuyons pour cet atelier sur les

travaux de H. G. SCHMIDT et J. H. C. MOUST sur « les congruences sociales et

136

MAUBANT Philippe et KERLAN Alain (1999), L’accompagnement de l’adulte en formation, Poitiers, Éditions du CNED.

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cognitives », ou ceux d’A. BAUDRIT sur l’établissement « d’un diagnostic sérieux des

besoins du tutoré ».

L’envergure des référentiels de formations paramédicales, en formalisant un dispositif tutoral,

mérite d’envisager des moyens à la hauteur des enjeux. Ainsi une volonté politique

institutionnelle pourrait être mise en place afin de travailler à la reconnaissance du tuteur

comme facilitateur d’apprentissage en faisant communiquer les tuteurs sur leur pratiques

tutorales par l’écriture d’articles dans la revue du CHU « Échanges magazine », la création

d’un espace d’échanges « Tuteur » sur l’Intranet ou l’élaboration d’une conférence

interprofessionnelle sur le tutorat au CHU.

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l’Université, Rouen.

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GOUVERNET Brice, colloque « Analyse des pratiques », 1er

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« Métiers de la formation », 2008-2009, université de Rouen.

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l’Éducation, université de Mons-Hainaut.

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université de Rouen. Mémoire de Master 2 ICF.

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DENIZE Céline (2011), « L’analyse de besoin au cœur du processus de recherche.

L’e-formation à l’officine : quel accompagnement ? », université de Rouen. Mémoire de

Master 2 ICF.

DERNAT Sylvain (2011), « La douleur animale dans le cursus des étudiants vétérinaires : le

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Table des matières

Introduction .............................................................................................................................. 1

Partie I. Le contexte de la recherche ................................................................................ 3

Chapitre 1. Les professions médicales et paramédicales en pleine mutation .......................... 3

1. Impact de la politique sociale française ......................................................................... 3

1.1. Démarche de référentialisation .............................................................................. 3

1.2. Validation des acquis et de l’expérience ............................................................... 4

2. Impact de la politique européenne : universitarisation progressive ............................... 4

Chapitre 2. D’un projet professionnel à un projet de formation : émergence d’un dispositif de

formation ............................................................................................................... 6

1. Contexte actuel professionnel et contexte de formation des masseurs-kinésithérapeutes

........................................................................................................................................ 6

2. Apport de l’ingénierie de formation dans notre réalité professionnelle ......................... 7

3. Des résultats d’une enquête à la conception d’un dispositif de formation ..................... 9

4. Création du dispositif de formation des tuteurs en masso-kinésithérapie .................... 10

5. Évaluation « à chaud » des deux premières sessions de formation .............................. 11

Chapitre 3. Formalisation du rôle de tuteur chez les infirmiers ............................................. 13

1. Les infirmiers et le tutorat d’adaptation à l’emploi de jeunes professionnels .............. 13

1.1. Le plan ministériel Psychiatrie et Santé Mentale 2005-2008 .............................. 13

1.2. Le projet PACTES ............................................................................................... 14

2. Les infirmiers et le tutorat d’apprentissage au métier .................................................. 15

2.1. L’activité d’encadrement : une notion floue ....................................................... 15

2.2. Changement de paradigme dans la formation initiale des infirmiers : le

référentiel de formation de 2009 ......................................................................... 16

2.3. Le dispositif tutoral formalisé « maître de stage, tuteur, professionnel de

proximité » .......................................................................................................... 17

3. La formation des tuteurs infirmiers .............................................................................. 20

3.1. Le dispositif de formation ................................................................................... 20

3.2. Immersion dans un groupe en formation ............................................................. 21

Partie II. Construction théorique et matériaux retenus ................................................. 23

Chapitre 1. Un dispositif de formation en situation de travail : le tutorat .............................. 23

1. Définitions du tutorat ................................................................................................... 23

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2. Missions, compétences et fonctions du tuteur .............................................................. 25

3. Démarches du tuteur ..................................................................................................... 28

3.1. Qu’est ce qui rend un tutorat efficace ? ............................................................... 28

3.2. Quelles postures tutorales adoptées ? .................................................................. 29

Chapitre 2. L’accompagnement : la relation entre le professionnel et le professionnel en

devenir ................................................................................................................. 32

1. Définition de l’accompagnement ................................................................................. 32

2. Caractéristiques de la relation d’accompagnement ...................................................... 32

3. Accompagnement : quelles pratiques professionnelles ? ............................................. 33

4. Postures d’accompagnement ........................................................................................ 33

5. Tutorat et accompagnement ......................................................................................... 34

Chapitre 3. Praticien réflexif : comment apprendre de ses pratiques professionnelles ? ....... 35

1. Une réflexion dans l’action .......................................................................................... 36

2. Une réflexion sur l’action ............................................................................................. 37

3. Être Acteur et Auteur de ses pratiques ......................................................................... 38

4. Apprendre à être praticien réflexif ............................................................................... 39

Chapitre 4. Les représentations sociales et la formation : entre interaction et évolution ....... 40

1. À quoi servent les représentations sociales ? ............................................................... 40

2. Comment s’élaborent les représentations sociales ? .................................................... 42

3. Modélisation de la représentation sociale .................................................................... 43

4. Les représentations sociales peuvent-elles se modifier ? ............................................. 44

5. La formation accompagne le travail sur les représentations ........................................ 45

5.1. Rôle de la formation comme « espace transitionnel » d’élaboration de nouvelles

représentations .................................................................................................... 45

5.2. Rôle des représentations dans les processus d’apprentissage et de formation .... 46

Partie III. Démarche de la recherche................................................................................. 49

Chapitre 1. Délimitation du champ d’analyse ........................................................................ 49

Chapitre 2. Question centrale de recherche ............................................................................ 50

1. La problématique .......................................................................................................... 50

2. Deux hypothèses combinées ........................................................................................ 51

Chapitre 3. Structuration de la recherche ............................................................................... 55

1. Choix de la méthodologie ............................................................................................ 55

2. Procédures et précautions de réalisation ...................................................................... 56

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2.1. Recherche des tuteurs infirmiers formés ............................................................. 56

2.2. Recherche des autorisations nécessaires à la réalisation de la collecte des

données ............................................................................................................... 57

3. Constitution de l’échantillon ........................................................................................ 57

4. Réalisation des entretiens ............................................................................................. 58

5. Architecture du guide d’entretien ................................................................................. 59

6. Mise en place d’une grille d’analyse ............................................................................ 60

Partie IV. Analyse et résultats de la recherche ................................................................. 61

Chapitre 1. Caractéristiques de la population étudiée ............................................................ 61

1. Étude du sexe ............................................................................................................... 61

2. Étude de l’âge ............................................................................................................... 61

3. Étude de l’ancienneté professionnelle .......................................................................... 62

4. Étude de l’ancienneté d’encadrement des étudiants ..................................................... 63

5. Étude du nombre d’étudiants encadrés par an .............................................................. 64

6. Conclusion : tuteurs explicites / tuteurs implicites ....................................................... 64

Chapitre 2. Analyse ................................................................................................................ 65

1. La formation des tuteurs infirmiers .............................................................................. 65

1.1. Apports de la formation pour les tuteurs explicites ............................................. 65

1.2. Besoins en formation des tuteurs explicites ........................................................ 67

1.3. Besoins en formation des tuteurs implicites ........................................................ 68

1.4. Synthèse ............................................................................................................... 69

2. Les représentations des tuteurs infirmiers .................................................................... 69

2.1. Méthodologie d’analyse ...................................................................................... 69

2.2. Représentations des tuteurs explicites ................................................................. 71

2.3. Représentations des tuteurs implicites ................................................................ 73

2.4. Synthèse ............................................................................................................... 74

3. Les pratiques des tuteurs infirmiers.............................................................................. 74

3.1. Les tuteurs explicites : définitions de leurs pratiques d’accompagnement ......... 74

3.2. Les tuteurs implicites : définitions de leurs pratiques d’accompagnement ......... 79

3.3. Les difficultés rencontrées dans l’accompagnement des étudiants ..................... 82

3.4. Vérification de l’hypothèse 1 .............................................................................. 83

4. Démarche réflexive sur les pratiques tutorales............................................................. 85

4.1. Tuteurs explicites ................................................................................................ 85

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4.2. Tuteurs implicites ................................................................................................ 87

4.3. Vérification de l’hypothèse 2 .............................................................................. 88

Chapitre 3. Limites de notre recherche et préconisations ...................................................... 89

1. Limites de la recherche ................................................................................................ 89

2. Préconisations ............................................................................................................... 89

Conclusion ............................................................................................................................ 93

Bibliographie ........................................................................................................................... 95

Table des matières ................................................................................................................ 101

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