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UFR de psychologie, sociologie et sciences de l’Education
Département de Sciences de l’Education
Master METIERS DE LA FORMATION
Parcours INGENIERIE ET CONSEIL EN FORMATION
TUTORAT et COMPETENCE
Le poids de la représentation
Françoise GAY
N° étudiant : 20913011
Sous la direction de : Clotilde DENYS
Mai 2011
1
Je tiens à remercier vivement
Mon directeur de mémoire, Clotilde DENYS pour son soutien,
ses encouragements et ses précieux conseils.
Mon époux et mon fils pour leur patience et leur soutien de tous
les instants.
Mes parents, qui malgré l’éloignement m’ont accompagnée de
leurs pensées.
Tous les tuteurs et les étudiants qui ont bien voulu donner de leur
temps pour participer à ce travail qui n’aurait jamais vu le jour,
sans leur précieuse collaboration.
1
SOMMAIRE
INTRODUCTION .................................................................................................................. 3
.1 LE TUTORAT ...................................................................................................................... 7
.1.1 Tuteur : étymologie et sémantique ................................................................................................ 7
.1.2 Origines du tutorat ........................................................................................................................ 8
.1.3 Lieux et types d’exercice du tutorat ............................................................................................. 12
.1.4 Tuteur et apprentissage ............................................................................................................... 14
.1.5 Tutorat et accompagnement ....................................................................................................... 16
.1.6 Tuteur et compétences ................................................................................................................ 18
.1.7 Tutorat et congruence : tout un art.............................................................................................. 19
.1.8 Risque et Dérives du tutorat ........................................................................................................ 19
.1.9 Du compagnon au tuteur ............................................................................................................. 20
.1.10 Une expérience de tutorat en secteur de soins ............................................................................ 23
.2 LA PROBLEMATIQUE........................................................................................................ 25
.2.1 La problématique du changement de formation .......................................................................... 25
.2.2 La question de recherche ............................................................................................................. 34
.2.3 La problématique de l’apprentissage de la compétence .............................................................. 35
.3 CADRE THEORIQUE : Compétence et représentation ........................................................ 42
.3.1 Le concept de compétence : ........................................................................................................ 42
.3.2 Compétence et erreur ................................................................................................................. 53
.3.3 Compétence et performance ....................................................................................................... 58
.3.4 Le concept de représentation : .................................................................................................... 61
.3.5 HYPOTHESES ................................................................................................................................ 62
.4 METHODOLOGIE DE L’ENQUETE ET LE TERRAIN : .............................................................. 64
.4.1 Choix de la méthode d’observation.............................................................................................. 64
.4.2 Choix des outils ............................................................................................................................ 65
.4.3 La population ciblée pour les entretiens : .................................................................................... 67
.4.4 La Réalisation des observations ................................................................................................... 68
.4.5 Les difficultés rencontrées au cours de l’enquête ........................................................................ 69
.4.6 Les limites de la méthode ............................................................................................................ 70
.5 ANALYSE DES DONNEES ................................................................................................... 72
.5.1 Représentation de la compétence limitée aux actes ou aux savoirs ? (hypothèse 2) .................... 72
.5.2 La représentation de la compétence au travers des savoirs attendus par les tuteurs ................... 83
.5.3 Les tuteurs se représentent-ils la compétence comme une performance à atteindre ? ................ 88
.5.4 Encadrement et compétence ? .................................................................................................... 89
.5.5 La vision des étudiants sur les méthodes nouvelles de la formation clinique et le stage .............. 97
.6 PRECONISATIONS : .........................................................................................................100
.6.1 Formation à l’apprentissage par compétences ........................................................................... 100
.6.2 La formation au tutorat ............................................................................................................. 101
.6.3 Un accompagnement individuel régulier des tuteurs ................................................................. 103
.6.4 Un profil de poste nouveau de « cadre formateur responsable du tutorat et du partenariat IFSI et
terrains » ................................................................................................................................................ 104
CONCLUSION ...................................................................................................................105
BIBLIOGRAPHIE ...............................................................................................................107
2
TABLE des MATIERES .......................................................................................................111
GLOSSAIRE : ....................................................................................................................113
ANNEXES .........................................................................................................................114
3
INTRODUCTION
L’Europe, en pleine tourmente, face à la crise économique mondiale, à la concurrence
internationale et à sa démographie en déclin, se tourne vers la formation et l’accompagnement
comme « planche de salut ». C’est à partir des années 2020, que le taux des personnes âgées
de plus de 80 ans sera si important qu’apparaitra « l’effet grande dépendance ». Le
phénomène de vieillissement des nations gagne l’ensemble des pays nantis et riches et ne
cesse de s’accroître. Tous les domaines professionnels sont atteints. Dans une économie de
profit, cette situation, première du genre, devient une préoccupation mondiale, voire vitale :
aucune organisation du travail n’est conçue pour une main d’œuvre âgée.
Une chose semble certaine, nous ne pouvons plus nous contenter d’un métier unique
pour la vie. Le travail et l’ergonomie doivent être repensés. « La formation tout au long de la
vie » devrait faciliter l’adaptation à l’emploi, que l’on ait, 18 à 62 ans.
En attendant des aménagements futurs, de nouvelles conceptions, la main d’œuvre
qualifiée risque de manquer rapidement, dans tous les états membres européens et ce, en
même temps. Or, la formation d’un professionnel, exige un minimum de temps, au terme
duquel, le nouveau formé n’est pas encore opérationnel. Pour pallier à ce problème, la libre
circulation des professionnels et le transfert de compétences apparaissent comme des
solutions possibles. La répartition des ressources humaines, pour répondre aux besoins de
chaque état, ne peut pas s’effectuer, faute d’harmonisation au sein des formations
professionnelles semblables.
Les directives européennes de 1977, 1988 et de 19921, prévues pour assurer une
reconnaissance mutuelle des diplômes d’infirmiers et faciliter la mobilité des infirmiers au
sein du territoire européen, n’ont pas été vraiment appliquées. En mai 1999, sur l’initiative du
ministre français : Claude Allègre, s’appuyant sur le rapport Attali, quelques représentants des
états membres se réunirent à la Sorbonne 2pour élaborer des propositions afin d’harmoniser
les pratiques universitaires sur le territoire européen. C’est sur cette base, que s’appuient, les
accords de Bologne. Ils sont signés par l’ensemble des représentants des états membres le 19
juin 19993 en vue d’harmoniser les pratiques, de développer la coopération
intercommunautaire et de promouvoir l’enseignement supérieur sur le territoire européen.
1 La formation des professionnels pour mieux coopérer et soigner Yvon Berland 2008-201005-07
2L'accord de Bologne et le LMD
3 L'accord de Bologne et le LMD
4
Cela se traduit par l’accès au LMD, qui instaure un système dont un des principes est
l’attribution de crédits européens à chaque validation d’unité d’enseignements acquises. Ce
système valable, comparable et lisible par tous, dans tous les états de la communauté
européenne, permet la libre circulation des étudiants. Autre fait décisif des accords de
Bologne, la reconnaissance de l’apprentissage peut désormais donner lieu à des crédits, si
celui-ci est reconnu par l’université. Le tutorat s’impose alors comme le moyen par excellence
de transfert de connaissances.
C’est ainsi que l’ensemble des métiers se trouvent revisités, dans chaque état membre.
Les référentiels d’activités, de métiers, et de formations envahissent peu à peu tous les
secteurs professionnels, celui de la santé en particulier.
En France, la loi Hôpital Patient Santé Territoire, voit le jour le 21 juillet 2009 et fait
suite à la Réforme Générale Des Politiques Publiques (RGPP) de 2007 et aux différents
rapports : Larcher, Ritter et Marescaux et Flageolet, ayant tous mis en évidence des disparités
comme l’inégalité des chances d’accès aux soins et une mauvaise répartition des
professionnels de la santé selon les régions, le manque d’efficience des structures. Elle prône
« le développement professionnel continu » et « l’éducation thérapeutique » pour améliorer la
qualité des soins. La formation est reconnue pour son rôle prépondérant dans l’économie et
devient, de ce fait, une priorité gouvernementale pour assurer la compétitivité internationale.
Dans l’attente de cette compétitivité et pour accéder déjà à l’efficience espérée du système de
santé, le gouvernement mise sur : la gestion des ressources, le transfert de compétences, le
tutorat et la Validation d’Acquis de l’Expérience.
Dans ce contexte socio économique européen et national la réforme de l’ensemble des
formations paramédicales s’impose. Le 31 juillet 2009, prend donc effet, le nouveau
référentiel de la formation en soins infirmiers. Pour la première fois dans l’histoire de la
profession, les facultés et les instituts de formation se partagent l’enseignement des différents
savoirs. Ainsi, la profession accède au système Licence Master Doctorat ! C’est pourtant dans
un climat plutôt septique et morose qu’est accueilli ce nouveau programme.
En effet, la profession infirmière française traverse une grave crise identitaire. La
pratique professionnelle comporte des actes relevant de son autonomie et d’actes sur
prescriptions. Selon le lieu d’exercice et sa personnalité, l’infirmière privilégie l’un des deux
rôles. Divisée entre les défenseurs d’une autonomie professionnelle, les adeptes d’un rôle
d’auxiliaire médical et les partisans d’un travail par missions, la profession ne sait quelle
direction choisir pour son avenir.
5
Avec la réforme, les formations professionnelles paramédicales « post-bac » sont
inscrites dans l’enseignement supérieur, mais, à ce jour, une formation universitaire
« diplômante », n’apporte, aucune évolution de carrière : aucun bénéfice sur le plan salarial,
ni sur le plan statutaire. Combien de ressources et de compétences dorment au sein des
services, des hôpitaux ! Hormis les seules spécialités reconnues actuellement, infirmières
anesthésistes et puéricultrices, la seule évolution de carrière possible reste la formation de
cadre de santé.
Conjointement à l’accroissement du nombre des personnes vieillissantes, la population
médicale et paramédicale, notamment infirmière diminue avec les nombreux départs en
retraite 4
Des prévisions estiment que l’année 2012 serait l’année des effectifs médicaux ou
paramédicaux les plus faibles et que le secteur public connaitra de grandes difficultés en 2015.
Le Conseil de l’Ordre Infirmier estime que : « Plus de 50% des quelques 500.000 infirmiers
et infirmières aujourd’hui diplômés partiront en retraite d’ici (2008) à 2012 »5. La profession
souffre donc d’une pénurie importante et d’un manque de reconnaissance.
Paradoxalement, il impose un tutorat, sans accorder de temps pour cette mission
supplémentaire, aggravant ainsi la charge de travail. Aucune formation n’ayant été anticipée,
le tuteur se trouve contraint d’improviser pour accomplir sa fonction. Cette nouvelle
disposition est accueillie comme un poids supplémentaire par la plupart des professionnels.
Parallèlement, de moins en moins de jeunes sont attirés par le métier. Le paradoxe de
l’apprentissage en soins infirmiers réside dans le fait que les étudiants représentent à la fois
une manne non négligeable notamment en période de pénurie mais également un
accroissement de travail par l’encadrement qu’il impose.
Au sein des IFSI, ce nouveau référentiel bouleverse les pratiques et déstabilise les
formateurs. Il crée un surcroît de travail avec l’augmentation des TD qu’il engendre, auquel
s’ajoute en parallèle la mission d’assurer la continuité de l’ancien programme.
« L’universitarisation » de la profession remet en cause la légitimité des formateurs et leur fait
craindre, à terme, des suppressions de postes. La mission de formateur « référent de stage »
restant vague et imprécise, le malaise de ces derniers en est encore aggravé. Ce nouveau
référentiel offre aux formateurs une nouvelle mission d’accompagnement : celle du « Conseil
en formation auprès des professionnels de proximité et des tuteurs ».
4 Démographie des professions de santé
5 Conseil de l’ordre infirmier de l’Eure
6
Dès le début de la mise en place du nouveau programme de formation, la question du
tutorat devient très vite une question de plus en plus prégnante pour les infirmières et les
formateurs : Tutorat et encadrement quelles différences ? Comment accompagner les tuteurs ?
Autant de questions embarrassantes pour les formateurs non formés au tutorat et accaparés
par la mise en place et les changements pédagogiques que nécessite ce nouveau référentiel.
La question de départ, difficile à formuler, se résume, après maintes réflexions, à la
question suivante :
En quoi le tuteur, peut-il limiter ou faciliter le développement de la compétence et la prise
d’initiatives chez l’étudiant en soins infirmiers ?
La première partie décrit l’objet de notre étude : « le tutorat ». La seconde partie pose la
problématique et nous conduit à la formulation d’une question de recherche plus précise et à
l’identification des concepts clés. Le modèle d’analyse à partir des concepts est développé
dans la troisième partie. Il se termine par la proposition d’hypothèses. Une quatrième partie
présente les outils d’observation, la population choisie et la méthodologie de l’enquête. Enfin
La cinquième partie est consacrée à l’analyse des résultats de l’enquête. Au terme de celle-ci
des préconisations de formation sont présentées en conclusion.
7
.1 LE TUTORAT
Ce travail de recherche ayant pour thème le tutorat, il nous paraissait indispensable
d’explorer cette méthode pédagogique, universellement reconnue.
.1.1 Tuteur : étymologie et sémantique
Le terme de tuteur, au sens étymologique, met en évidence deux sens. Le premier sens
et, le plus ancien, signifie, d’après le dictionnaire historique de la langue française celui qui
est « chargé de veiller sur la personne et sur les biens d'un mineur ou d'une femme veuve ».
Le sens est toujours admis de nos jours puisque le terme tuteur désigne celui ou celle à qui
l’on confie une tutelle, on parle en effet de tuteur légal, de tuteur testamentaire. Si nous
choisissons l’exemple du tuteur légal il s’agit d’une personne désignée par le juge des tutelles
qui est chargée de protéger les biens et la personne elle-même, atteinte d’une altération de ses
facultés mentales.
Le second sens du mot appartient au vocabulaire spécifique du jardinier. Le
dictionnaire de l’académie française en donne la définition suivante : « une perche qu’on met
en terre à côté d’un jeune arbre, d’une plante et à laquelle on les attache pour les soutenir ou
les redresser ». Il est intéressant de s’arrêter sur cette image très évocatrice d’où émergent 3
concepts : l’attachement, le soutien et l’accompagnement. Nous imaginons aisément les liens
qui relient la perche à la plante ou à l’arbre, et qui nous renvoient au lien social que tisse le
tuteur. La perche, voire dans d’autres définitions, le piquet, l’armature, a le rôle de soutien ou
encore d’étai. L’expression « à côté » renvoie à la notion d’accompagnement ou de
compagnonnage. L’évocation de la perche « mise en terre » marque avec force la nécessité de
base, de socle dans lequel elle prend appui. L’ancrage doit être solide sinon, le tuteur n’est pas
stable et ne peut pas remplir son rôle de soutien. L’adjectif « jeune » évoque l’état de l’arbre
en devenir, très présent dans le processus d’accompagnement. Les verbes d’action que sont
« soutenir » ou « redresser », en dehors du fait qu’ils déterminent le rôle du tuteur,
introduisent la notion de changement espéré pour la plante : la plante, fragile, soutenue ou
redressée, grandit. Ce changement renforce l’idée d’un état en devenir. L’image d’un arbre
ployant sous le poids de ses fruits, auquel on met un tuteur, ajoute le sens « de réajuster pour
protéger », de « diriger » la plante, de la remettre droite au sens premier du mot redresser,
enfin de lui donner une forme, toujours pour agir dans l’intérêt de l’Autre.
8
Le tuteur serait donc celui qui lie et relie, accompagne, soutient et protège, redresse ou
et donne une forme. Soutien, accompagnement et lien, sont les concepts sous-tendus par le
tutorat à cela s’ajoute la nécessité pour être efficace d’un ancrage solide.
La recherche sémantique du terme « tuteur » renvoie à dix-sept synonymes,
s’adressant chacun à une dimension du tuteur citée dans la phrase précédente. Les plus
courants se rapportent à la représentation commune du tuteur en tant que soutien : appui, étai,
armature, soutien. L’étai, cette pièce de bois ou de fer dont on se sert pour appuyer, soutenir,
consolider une construction, renforce l’idée de soutien et de devenir en arrière plan, l’image
de la construction. Les substantifs « protecteur » et « patron » rendent compte de la
dimension de protection, avec l’idée de préserver du mal, comme le « Saint patron » à qui
l’on s’adresse pour avoir sa protection. S’ajoute, au regard de la définition du « protecteur »,
une notion de bienveillance avec le concept « de prendre soin du protégé », renforcée par
l’image du « parrain ». Le « gardien » complète l’idée de défendre quelque chose en insistant
sur l’importance de la vigilance. Le « garant » introduit une obligation de sécurité, voire en
jurisprudence, une idée de caution. Dans le terme de « représentant », se cache, en filigrane,
toute la symbolique du pouvoir au travers de la loi.
C’est avec le second sens du mot « patron » que s’ajoute la notion de forme, le patron
qui sert à découper par exemple une pièce de bois, pour fabriquer un objet ou des pièces de
tissu pour confectionner un vêtement. Alors, en plus de la fonction de soutien, le tuteur serait-
il aussi un modèle ? La question reste entière.
Après s’être penché sur l’étymologie et la sémantique du mot tuteur, allons chercher
quelques réponses en remontant dans l’histoire, afin d’approfondir le tutorat : naissance et
contexte.
.1.2 Origines du tutorat
Tutorat et éducation : des résultats
A l’époque romaine le tuteur est celui qui prend en charge l’éducation des orphelins,
dans le sens de protéger. La loi romaine est à l’origine de la protection des biens : « la
tutelle ». Le tuteur, à cette époque, est aussi chargé d’assurer une éducation, un
accompagnement individualisé à des enfants ou des adolescents au sein des familles. Le tuteur
est l’adulte qui détient le savoir et le transmet à des personnes plus jeunes. Du Moyen âge au
XVIIIème siècle, il conserve ce rôle de protecteur et d’éducateur, instructeur.
Il faut attendre la fin de ce XVIIIème siècle, pour voir, la toute première expérience
d’un nouveau type de tutorat : « tutorat scolaire et par ses pairs ». Andrew Bell, pasteur
9
anglais, se trouve en Inde et occupe le poste de superintendant dans une école de charité pour
des enfants orphelins. Il eut l’idée de nommer parmi l’ensemble des élèves « des enfants-
instructeurs », chargés d’aider les autres dans leurs difficultés. Ce système d’enseignement
mutuel, fut vite reconnu pour son efficacité. Il dira en 1797 :« Le moment important où vous
nommez un garçon comme tuteur (tutor), vous l’avez élevé dans son propre regard, vous lui
avez donné une personne à aider, pour lequel l’effet est bien connu. Les tuteurs permettent à
leurs élèves d’aller aux rythmes de leurs classes.»6 Cette expérience ayant fait ses preuves, il
va instituer ce système dans plusieurs écoles britanniques, dès son retour.
Nous sommes alors au début du XIXème siècle, en Angleterre. Parallèlement, se
développe, sur le sol britannique : le monitorat. Celui-ci fut mis au point par Joseph
Lancaster. Ayant été instituteur assistant, il décida d’apprendre à lire et à écrire aux enfants
des classes sociales défavorisées. N’ayant pas d’assistants pour l’aider, il imagina de former
des enfants plus âgés qui, instruiraient les plus jeunes. Ce système d’enseignement alliant
efficacité et économie connut un succès dans tous les pays anglo-saxons. Il fut utilisé pendant
longtemps, en Grande Bretagne, aux Etats Unis, au Canada...
Plus d’un siècle va s’écouler où monitorat et tutorat vont se côtoyer et évoluer.
C’est avec les années soixante, aux Etats Unis, que le tutorat revient au devant de la
scène. Les difficultés scolaires que rencontrent les enfants défavorisés ou immigrés
conduisent à sa réhabilitation. Ce rôle est confié à des enfants plus âgés. A cette époque, le
tuteur connait deux statuts. Il peut avoir le même statut que le tutoré, il s’agit alors du tutorat
de pairs ou il possède un statut différent du tutoré (ex : enfants de niveau différent).
Parallèlement l’approche socioconstructivisme avec la médiatisation des travaux
complémentaires de VYGOTSKI et de BRUNNER renforcent l’image positive du tuteur dans
l’apprentissage.
Ainsi, peu à peu le tutorat est repris dans l’ensemble des pays Anglo-Saxons, pour
réduire l’échec scolaire et faciliter l’intégration sociale des enfants. Puis dans les années 70, il
gagne le monde universitaire et s’impose comme un moyen de lutter contre l’abandon et
l’échec scolaire. Dans les années 90 le programme « cross over »7 aux Pays Bas, est mis en
place pour faciliter l’accès aux études universitaires. C’est un succès.
6 http://www.inrp.fr/publications/edition-electronique/recherche-et-formation/INRP_RR043_8.pdf
T.BÉDOURET, LARSEF Autour de mots Recherche et formation • N° 43 – 2003 7 A BAUDRIT Le tutorat Richesses d’une méthode pédagogique De Boeck Bruxelles 2007 2
ème édition 2
ème
tirage 1999 p120 et 121
10
En France, le tutorat par les pairs n’a pas encore pénétré. Un amalgame entre tuteur et
moniteur règne, provenant d’une confusion entre les deux termes, le terme anglais tutor ayant
été traduit par moniteur. Le terme tuteur quant à lui ne figure toujours pas dans Le
Dictionnaire de la Langue Française en 1971, malgré le succès remporté dans les pays Anglo-
saxons. En 1977, A. PERRETI décrit le tuteur comme un adulte professionnel qui aide l’élève
dans sa scolarité. Il définit le monitorat comme « La mise en œuvre d’une entraide entre
élèves (ou étudiants) du même âge et du même niveau ou d’âges et de niveaux différents 8. »
La première expérience en France, de tutorat dans l’enseignement, a lieu dans les
années 1980. Elle a pour objectif de socialiser l’enfant et d’améliorer ses résultats.
C’est surtout au cours de ces deux dernières décennies, que le tutorat se développe en
France. En 1999, Alain BAUDRIT différencie le monitorat du tutorat. Pour schématiser, il
place le moniteur dans le système d’enseignement, comme un aide, un répétiteur auprès
d’enfants plus jeunes le situant dans une relation hiérarchique. Il positionne le tuteur dans un
système d’aide individualisée pour les enfants en difficultés d’apprentissage, lui donnant le
rôle d’accompagnateur.
Actuellement, tous les pays développés souffrent du chômage et force est de constater
que les populations affectées par ce fléau, sont les personnes les moins qualifiées, de milieux
défavorisés et souvent immigrés. Des études montrent qu’il s’agit des mêmes personnes qui
rencontrent le plus de difficultés dans le système scolaire : échec de la lecture, intégration
sociale difficile en primaire ou en secondaire, abandons des études universitaires… Des
expériences de tutorat dans les milieux scolaires, universitaires ont été menées dans différents
pays et ont montré l’efficacité de cette méthode en termes d’intégration des connaissances : là
où l’enseignement classique est en échec, le tuteur a réussi. De statut équivalent au tutoré, il
comprend mieux ses difficultés, ses angoisses, ses intérêts et parle le même langage, ce qui
favorise l’appropriation des savoirs. Sa proximité facilite aussi l’intégration dans le groupe et
l’insertion sociale.
Il serait dommage de réduire le tutorat au seul milieu de l’éducation, alors qu’il s’est
aussi développé dans des milieux industriels. Mais comment évoquer l’histoire du tutorat en
entreprise, sans parler de l’apprentissage ?
Tutorat en entreprise et apprentissage.
De tout temps l’apprentissage a existé, mais les premières traces écrites viennent du
XIIIème siècle. A cette époque, le métier s’acquiert de père en fils, soit le père place en
8 http://www.inrp.fr/publications/edition-electronique/recherche-et-formation/INRP_RR043_8.pdf
T.BÉDOURET, LARSEF Autour de mots Recherche et formation • N° 43 – 2003,
11
apprentissage son ou ses fils chez un Maître. Celui-ci s’engage devant notaire à se comporter
avec son apprenti, comme un père. Les corps de métier étaient regroupés en corporations.
Celles-ci comprenaient en leur sein : des employeurs, des salariés et des apprentis. Trois
principes fondateurs régissaient toute corporation : la cohésion des membres, la formation
professionnelle et la régulation de la concurrence. Afin d’assurer la cohésion des membres au
sein d’une même corporation, chacune avait ses propres rites, son système de solidarité. Les
rapports avec les autres groupes sociaux étaient codifiés. La transmission du savoir-faire était
assurée par des maîtres compagnons. L’apprentissage durait 8 à 10 ans.
En 1791 la loi Le Chapelier abolit définitivement les corporations, afin de favoriser la
concurrence. La législation du travail du 22 Germinal an XI abolit le droit de grève et interdit
les rassemblements et impose le livret ouvrier. Celui-ci contraint l’ouvrier à inscrire ses
périodes d’emploi et met en difficulté les compagnons avec leur formation itinérante.
Au XIXème siècle, le développement des industries, révolutionne non seulement les
façons de faire mai aussi l’approche économique. La compétitivité et la course à la production
naît et ne cessera de croître. La nécessité de développer les compétences pour accroitre la
production devient prégnante. L’apprentissage, fournit une main d’œuvre gratuite largement
exploitée, faute de réglementation. Les ouvriers apprennent sur « le tas », par l’observation et
l’imitation, avec un tuteur possédant le « savoir-faire ».
Cadre historique et législatif du tutorat en entreprise
La législation en faveur de l’apprentissage se met en place : la loi de 1851 fixe les
devoirs des maîtres d’apprentissage, celle de 1880 ouvre des écoles manuelles
d’apprentissage.
En 1919, la loi Astier, donne la possibilité aux jeunes employés de 14 à 17 ans de suivre
une formation. Ils sont alors nombreux à suivre les cours du soir. L’expérience des anciens
n’est plus reconnue. Les chefs d’entreprise, eux-mêmes, préfèrent embaucher des jeunes
formés et diplômés. C’est la fin du tutorat et le début de la dévalorisation de l’ancienneté.
La loi de 1925 fixe l’organisation des centres d’apprentissage. L’alternance est née et
connait un engouement jusqu’en 1945. Après la guerre, les jeunes désertent les métiers
manuels et se tournent vers des professions moins exposés aux dangers physiques, tournés
vers la comptabilité, le commerce ou l’ingénierie.
Il faut attendre plus de trente ans pour que l’alternance et l’apprentissage retrouvent
leurs places au sein de la société.
A partir des années 70 se succèdent plusieurs lois qui réhabilitent l’apprentissage et le
tutorat : La loi du 6 juillet 1971, concernant la formation continue, redonne à l’alternance ses
12
lettres de noblesse, et par la même replace le stage au centre de l’apprentissage ; celle de1973
évoque les missions du maître d’apprentissage. Avec les stages RIGOUT pour les jeunes
volontaires en 1982 et la loi du 24 février 1984, le rôle des tuteurs réapparait avec les contrats
d’insertion en alternance. La loi du 23 juillet 1987 concerne la formation des maîtres
d’apprentissage ; celle du 31 décembre 1991 fixe le financement des formations tuteurs de
jeunes en contrat d’alternance et celle du 17 juillet 1992, la mission et la responsabilité du
maître de stage. La loi du 13 janvier et la circulaire du 2 juin 1998 fixent les conditions du
tutorat en entreprise. Plus proche de nous, la loi du 4 mai 2004, relative à la réforme de la
formation professionnelle préconise la possibilité d’un tutorat, pour accueillir et guider les
jeunes dans l’entreprise et dans leur emploi.
Le tutorat, reconnu comme outil d’apprentissage dans les milieux scolaires et
professionnels, revêt des formes différentes selon le milieu où il s’exerce, c’est ce que nous
allons découvrir.
.1.3 Lieux et types d’exercice du tutorat
Le tutorat se rencontre surtout dans les milieux scolaires, universitaires et
professionnels.
En milieu scolaire, l’enfant tuteur est un enfant qui possède des facilités ou qui a
acquis une aisance dans une matière et qui va aider, au cours d’une séance de travail donné
par le maître, un autre enfant à améliorer son niveau ou à surmonter ses difficultés. Ce
système mise sur la relation tutorale, l’expérience vicariante et l’apprentissage collectif cher à
Freinet et Piaget. Ainsi, ne craignant pas la sanction, ni le jugement, l’élève, en confiance, ose
exprimer ses difficultés. De plus, le tuteur ayant reçu lui-même l’enseignement, est capable de
repérer plus facilement les difficultés chez l’apprenant que l’enseignant adulte. Enfin l’élève-
tuteur utilise un langage adapté et plus près des représentations de l’élève que celui de
l’enseignant.
Dans le milieu universitaire le tutorat, est toujours assuré par des étudiants d’années
supérieures. Il a pour objectifs, en France, l’information et l’intégration sociale, et un peu
l’accompagnement pédagogique dans la supervision de travaux comme l’aide dans la
méthodologie de recherche du mémoire. Les anglo-saxons qui utilisent depuis longtemps ce
système, ont acquis une expérience en la matière. Ils ont mis au point quatre formules de
tutorat universitaire. La première, qu’ils nomment : « surrogate teaching » consiste à attribuer
aux tuteurs soit des enseignements, des animations de groupe, des corrections, des notations,
soit des travaux de recherche. Le tuteur, doit alors construire et soumettre son projet qu’il
13
réalise ensuite avec le tutoré. La seconde, appelée « Proctoring » s’apparente au tutorat
individualisé. Le tuteur doit maitriser les enseignements pour lesquels il aide le tutoré, voire
reprend un enseignement. Le « co tutoring », troisième formule, se définit comme un tutorat
réciproque : l’étudiant alterne entre tuteur et tutoré, soit au sein d’une dyade, soit face à un
groupe pour des enseignements sous forme d’exposé. Le« teacherless groups » quatrième
formule, est un groupe de 5 à 6 étudiants, qui débattent, en l’absence du professeur, d’un sujet
préalablement défini par celui-ci. S’en suit un travail d’écriture, citant et argumentant leurs
échanges.
Dans le milieu du professionnel, le tutorat est toujours individualisé et il s’adresse à
deux publics : soit à des futurs professionnels ou à des nouveaux diplômés. En formation
initiale, le tuteur accompagne l’apprenti, au cours d’un stage et le place progressivement en
situation. Il transmet son savoir-faire. L’étudiant est tour à tour passif ou actif. Par contre le
tutorat réciproque est impossible, compte tenu du statut différent.
Quand il s’agit de nouveaux diplômés, la mission des tuteurs est souvent confiée à des
seniors, mais pas seulement. Elle consiste à faciliter l’adaptation à l’emploi, par la
consolidation des savoirs et l’intégration. Le tutoré a déjà construit des savoirs à partir de son
expérience. L’objectif est de compléter, consolider ces savoirs, et permettre au tutoré d’être
plus efficient.
Dans les milieux scolaires et universitaires, il s’agit toujours d’un tutorat des pairs, le
tuteur et le tutoré ont une fonction identique. Le statut peut différer dans la formule
tuteur/moniteur ou tuteur/enseignant. Dans le milieu professionnel, pour la consolidation des
savoirs, l’accompagnateur est un pair. Le tutorat peut s’apparenter à un coach soit à un
mentor. En formation initiale, il ne s’agit pas d’un tutorat de pairs au sens où tuteur et tutoré
exercent la même fonction. Le tuteur est toujours un professionnel confirmé et doit exercer la
profession pour laquelle il forme le stagiaire.
Des études ont montré que plus le tuteur est compétent plus le tutoré progresse et
qu’un tuteur ignorant ne peut pas former à la performance. Elles ont mis en évidence que le
tuteur non expert avance par « tâtonnement » et par « essais et erreurs » 9 et qu’il donne
souvent peu de consignes mais laisse plus de possibilité pour pratiquer, favorisant ainsi la
progression du tutoré. A l’inverse, le tuteur expert, donne des consignes claires et précises,
facilite l’intégration de connaissances mais laisse peu de place à la pratique10
…
9 A. BAUDRIT Tuteur : une place, des fonctions, un métier. PUF Paris 1999 p
10 A. BAUDRIT Le tutorat Richesses d’une méthode pédagogique De Boeck Bruxelles 2007 2
ème édition 2
ème
tirage p
14
Quelque soit le milieu, une « distance cognitive » doit exister entre le tuteur et le
tutoré, pour assurer la fonction apprentissage.
.1.4 Tuteur et apprentissage
Approche du concept : apprentissage
L’utilisation du terme « apprentissage » semble communément réservée dans le
langage populaire, au milieu professionnel, et correspond au fait d’apprendre un métier avec
un maître ou un tuteur.
En pédagogie, ce terme évoque des périodes de formation pour acquérir des
connaissances : l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, du calcul mental, de la division, de
la règle de trois… Il fait appel aux savoirs déclaratifs en lien avec les connaissances
transmises par le discours et les savoirs procéduraux concernant le savoir-faire.
L’enseignement et l’apprentissage sont distingués clairement : le premier étant du ressort de
l’enseignant et le second faisant appel à l’étudiant, pour ce qui est de l’acte d’apprendre et aux
conditions d’apprentissage mises en place. L’acte d’apprendre est donc fonction de
l’interaction avec l’enseignant et du rapport au savoir. C’est de la qualité de cette médiation
dont dépend l’efficacité de l’apprentissage. Le chargé de la fonction pédagogique qu’il soit
enseignant ou tuteur, est un médiateur.
L’école, l’université, le centre de formation sont les lieux de prédilection de
l’acquisition des savoirs déclaratifs et savoirs procéduraux de base comme la lecture,
l’écriture, les mathématiques, la méthode de recherche pour l’université.
La situation d’apprentissage
« Une situation d’apprentissage véritable suppose de manière simultanée et
complémentaire, une certaine déstabilisation (faute de quoi, il n’y a rien à apprendre) en
même temps qu’un point d’appui possible (sinon ce qu’il y a à apprendre n’est même pas
repérable comme tel) » écrit JP ASTOLFI11
. Pour apprendre, il faut donc que l’apprenant soit
confronté à une situation qui le perturbe, le déstabilise, dans un premier temps. C’est ce
conflit sociocognitif qui peut faciliter la transformation de l’individu. En effet il provoque une
démarche de questionnement, une remise en cause. Si l’individu parvient à élaborer une
nouvelle représentation en accord avec l’information nouvelle, il a progressé. Ce progrès
résulte de cette phase de rééquilibration faisant suite au dépassement après la déstabilisation.
11
J.P ASTOLFI L’école pour apprendre p 141 D. ALEXANDRE Anthologie des textes clés pédagogie ESF
Editeur Issy les Moulineaux 2010
15
Tutorat passif ou actif
Le tutorat comprend différentes pratiques : tutorat passif et actif.
Dans le tutorat passif, l’élève se consacre et se concentre sur l’acte effectué par le
tuteur qui ne lui parle pas : exemple l’élève observe comment l’élève tuteur écrit. En situation
professionnelle, l’étudiant regarde les gestes techniques du professionnel, qui ne donne aucun
commentaire.
Dans le tutorat actif, le tuteur explique ses gestes et l’élève ou l’étudiant doit se
concentrer sur ce que dit et fait le tuteur.
L’apprentissage de la lecture avec un tutorat, a permis de mettre au point une méthode
qui peut être transférable dans d’autres sujets d’apprentissage.
Une méthode d’apprentissage : « Pause Prompt et Praise » PPP12
Cette méthode a été mise au point par Mc NAUGHTON pour les enfants tuteurs dans
l’apprentissage de la lecture. Il s’agit de donner dans un premier temps : du temps à l’élève
pour qu’il puisse répondre lorsqu’il hésite ou fait une erreur. Ce temps correspond à 5
secondes, temps court mais relativement long pour le tuteur, qui a tendance à donner
immédiatement les réponses et explications. Au bout des cinq secondes, le tuteur s’autorise à
questionner l’élève, pour qu’il comprenne son erreur et trouve de lui-même la bonne réponse.
S’il n’y parvient pas le tuteur fournit les explications. Dans la troisième phase, le tuteur
félicite l’élève d’avoir finalement trouvé la réponse juste…. En complimentant, le tuteur évite
la dévalorisation de l’élève devant l’erreur, renforce son estime de soi. Cette méthode peut
être utilisée par le tuteur quelque soit la situation d’apprentissage scolaire universitaire ou
professionnel en formation initiale ou continue.
Apprentissage professionnel et Alternance
Les savoirs déclaratifs et procéduraux professionnels s’acquièrent au moyen de
l’alternance entre centre de formation et stage, encore faut-il que l’alternance soit pensée et
construite, qu’elle n’en soit pas réduite à une juxtaposition de lieux et de durée, sans
partenariat entre les deux types de structures. Dans cette alternance dite juxtapositive,
l’apprenant est souvent seul pour faire les liens entre théorie et pratique. Le but poursuivi
n’est pas tant la professionnalisation mais la qualification et la socialisation. Dans ce type
d’alternance, le tuteur devient la personne ressource indispensable à l’apprenant pour l’aider
dans ses apprentissages et trouver sa place. Dans l’alternance intégrative, les deux parties :
centre de formation et structure d’accueil, élaborent en partenariat un apprentissage cohérent
12
A.BAUDRIT Le tutorat richesses d’une méthode pédagogique De Boeck Bruxelles 2007 2ème
édition 2ème
tirage 2008 p 59
16
où l’apprenant peut construire ses compétences. Le tuteur, élément essentiel de ce dispositif
permet ce travail de professionnalisation (acquisition de compétences) et cette posture
réflexive.
Les stages qui jalonnent le parcours de formation répondent à des attentes différentes..
Patrice PELPEL a décrit une typologie des stages13
: stage de sensibilisation, d’observation,
de mise en situation, le stage de responsabilité, dont l’objectif et la durée diffèrent. Le tutorat,
ne peut se mettre en place que sur une période longue, pour être efficace : plusieurs semaines
pour une mise en situation professionnelle ou plusieurs mois pour un stage de responsabilité.
Ceci n’empêche aucunement la visite du stage pour lever les appréhensions et favoriser la
prise de contact avec le tuteur et l’équipe et la mise en place d’un stage d’observation de
quelques jours, voire une semaine pour se familiariser avec le milieu.
Cette formation, quelque soit le type d’alternance est avant tout expérientielle est
vicariante ; expérientielle car elle confronte l’apprenant au réel, et vicariante par le fait que les
professionnels apportent des solutions aux problèmes rencontrés.
Le stage permet de : « voir, pouvoir faire, faire et faire voir »14
. La pratique la plus
commune est la démonstration du tuteur sous l’œil observateur du tutoré. Ensuite le tuteur
pratique AVEC l’élève ou l’étudiant avant de le laisser faire en sa présence sous son regard
attentif, plusieurs fois le geste. Quand enfin, il semble avoir acquis le geste, le tuteur décide
de laisser faire, seul, le tutoré. L’expérience acquise alors servira de base à l’analyse de
pratiques. L’observation de situations problématiques peut être exploitée au travers d’analyses
de situations. Ces analyses favorisent l’acquisition d’un regard critique et d’une posture
réflexive.
L’apprentissage professionnel s’alterne entre des périodes d’acquisition des savoirs.
Si tutorat rime avec apprentissage, il s’appuie aussi sur l’accompagnement, dont il est
une expression, une formule.
.1.5 Tutorat et accompagnement
L’accompagnement est un concept, actuellement très prisé dans une société, en mal de
repères, souffrant d’individualisme. Dans les médias apparaissent souvent des expressions
comme : « tisser du lien social », des mots tels que : liens et accompagnement :
l’accompagnement social, relationnel, l’accompagnement des personnes en grande
précarité…Dans le domaine de la santé, on le retrouve en éducation thérapeutique, auprès des
13
P.PELPEL Apprendre et faire vers une épistémologie de la pratique L’Harmattan Paris 2001p p 88 14
P.PELPEL Apprendre et faire vers une épistémologie de la pratique L’Harmattan Paris 2001p 8614
17
personnes en fin de vie, on parle également d’accompagnement des familles, des aidants
naturels… L’éducation n’est pas épargnée : l’accompagnement scolaire, l’accompagnement
des jeunes professionnels…Comme nous pouvons le voir l’accompagnement s’exerce dans
des milieux très variés.
Nous pourrions symboliser l’accompagnement comme « cheminement avec et au côté
d’une personne » dans un passage encore inconnu d’elle, dans le but de l’initier à cette
traversée pour qu’elle puisse par la suite l’effectuer seule. Partager son expérience,
transmettre son savoir, répondre aux différentes situations, soutenir, motiver, identifier les
ressources et les difficultés, laisser peu à peu l’accompagné prendre des initiatives, s’effacer
pour le laisser agir, seront autant d’activités pour l’accompagnant, comme pour le tuteur.
Chemin faisant, l’accompagné bâtit son identité, édifie ses savoirs et devient autonome. Tous
deux ressortent grandis, enrichis par ce lien fort qu’ils auront eu au cours de ce passage. Dans
un tutorat réussi, le tutoré n’est pas le seul bénéficiaire, l’effet tuteur est aussi très positif.
L’accompagnement repose sur trois principes : l’autonomisation, illustré ci-dessus, la
socialisation et l’individualisation15
. Tout accompagnant doit réunir les conditions pour
faciliter l’intégration dans l’équipe, de celui qu’il accompagne, en l’informant du règlement
intérieur, des normes, des façons de faire, des pratiques sociales. Parallèlement il lui faut
trouver un espace de convivialité pour présenter le nouveau venu à l’équipe, créer un climat
chaleureux, propice aux interactions. Quant à l’individualisation, tout accompagnement doit
être personnalisé, adapté au développement de l’apprenant. Toute expérience, situation
relationnelle avec l’équipe peuvent faire l’objet de réflexion, analyse de situation au regard
des valeurs professionnelles et personnelles. Ce travail contribue à forger une identité.
Sachant que dans cette relation, les deux personnes sont « d’inégales puissances »16
,
avec l’idée que « l’autre est semblable à moi, l’autre comme moi peut changer, l’autre est
radicalement différent »17
. Ceci sous-entend la nécessité d’une posture éthique de
l’accompagnant. M. PAUL évoque l’espérance éthique, ou la foi en l’Autre, capable de
devenir autonome. Elle insiste encore sur la posture de l’accompagnant en écrivant :
« exercice éthique pour le professionnel qui cède par le retrait et par la retenue, la place à
l’autre »18
L’accompagnant adopte soit le comportement d’ingénieur 19
(dans le sens de
15
S. LACAILLE et M.PAUL Master 2 ICF Cours Conseils aux personnes p.20 16
M.PAUL L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique L’Harmattan Paris 2004 Ibid p 308 17
Ibid. p 308 18
Ibid p 312 19
Ibid p 310
18
construire un programme ou un parcours) soit de bricoleur20
(au gré des individus et des
situations).
Si l’apprentissage et l’accompagnement font parties intégrantes du tutorat, il reste
néanmoins indispensable que le tuteur développe des qualités et des compétences
particulières, c’est ce que nous allons découvrir.
.1.6 Tuteur et compétences
Nous nous appuierons essentiellement sur Alain BAUDRIT spécialiste français en
matière de tutorat, pour faire une synthèse des compétences utiles attendues chez le tuteur et
transférables quelque soit le milieu.
Cinq compétences sont exigées pour être tuteur. La première est la compétence
relationnelle : établir une relation de confiance et d’aide : se rendre disponible, faire preuve de
compréhension, ne pas systématiquement intervenir pour laisser le temps de la réflexion et de
la réponse. Sachant que l’efficacité tient à la qualité de la médiation, la compétence
relationnelle est capitale.
Vient ensuite : développer l’estime de soi : savoir encourager et féliciter, ne pas
condamner en cas d’erreur, ne pas porter de jugement sur l’apprenant, ne pas l’enfermer dans
ses incapacités, croire au potentiel du tutoré et veiller à toujours le « tirer vers le haut ».
Puis s’ensuivent des compétences pédagogiques, que A. BAUDRIT a identifiées 21
:
diagnostiquer les besoins et les difficultés de l’apprenant, savoir repérer ses ressources, ses
besoins, ses difficultés d’apprentissage, les analyser, l’aider à trouver des moyens, voire créer
des outils et enfin savoir donner des méthodologies adaptées de prise de notes, de résolution
de problèmes, d’écriture et structurer l’aide à apporter à l’apprenant.
Toutes ses compétences s’appuient sur des savoirs, une expérience et des qualités
personnelles : l’écoute, la disponibilité, l’empathie, la motivation et la congruence sociale et
cognitive. Ces deux dernières déterminent les conditions indispensables pour un tutorat
efficace.
Tous les spécialistes du tutorat s’accordent à ne pas exiger des tuteurs qu’ils évaluent,
afin de conserver cette relation privilégiée garante de la réussite.
20
Ibid. p 310 21
A.BAUDRIT Le tutorat dans les universités anglo-saxonnes : des idées pour les universités francophone ?
L’Harmattan Paris2000 p 70-89
19
.1.7 Tutorat et congruence : tout un art
La congruence sociale est la capacité du tuteur à établir des relations informelles et
bienveillantes avec les tutorés. Elle facilite l’intégration dans le groupe, elle est surtout
utilisée par les tuteurs élèves. La congruence cognitive suppose une maitrise des
connaissances enseignées et peut se définir comme la capacité « à se mettre au niveau » du
tutoré, en utilisant un langage et un vocabulaire adaptés pour être mieux compris. A cela
s’ajoute une capacité à développer une sensibilité intuitive pour discerner les difficultés et y
répondre de façon adaptée. Cette attitude d’écoute allie proximité et distance22
. Elle doit
amener le tuteur à explorer ce que le tutoré comprend et ressent, à anticiper les freins et à
rechercher les explications les plus pertinentes et les plus adaptées. Pour A. BAUDRIT,
« telle devrait être la caractéristique essentielle de l’intervention tutorale ». A l’université de
l’Indiana les tuteurs reçoivent cinq consignes : « être attentif aux difficultés éprouvées par les
tutorés, poser des questions, écouter attentivement, ne pas dominer les échanges et adopter
des stratégies différentes avec les étudiants ».23
Pour conclure ce chapitre, nous pouvons affirmer que la congruence sociale détermine
une certaine proximité et la congruence cognitive renvoie à une certaine distance. C’est ce
dosage entre ces deux types de congruence qui assure la juste distance.
Distance ou proximité, n’est-ce pas là que se situe toute la difficulté du tutorat ?
.1.8 Risque et Dérives du tutorat
L’inconvénient rencontré le plus souvent, avec le tutorat est celui de la « juste »
distance. Le tutorat entre pair peut notamment conduire l’élève en position de tuteur, à
instaurer une relation hiérarchique de type maître-élève. Celle-ci peut entrainer chez le tutoré
un sentiment d’infériorité qui nuit à la progression, d’où la mise en place de tutorat tournant
ou réciproque.
A l’inverse, une amitié peut s’installer et amener à une certaine complaisance, voire à
la « dérive fusionnelle » dénoncée par P. MEIRIEU comme la domination de l’un par rapport
à l’autre ou le processus de fascination, provoquant une relation de dépendance, néfaste pour
le tutoré. Cette dérive ne permet plus au tutoré de progresser dans ces apprentissages.
22
Ibid. 23
A BAUDRIT Le tutorat Richesses d’une méthode pédagogique De Boeck Bruxelles 2007 2ème
édition 2ème
tirage 2008 p 40
20
Le tutorat, affirme A. BAUDRIT, en s’appuyant sur les travaux de P. MEIRIEU ne
peut pas être bénéfique, si la relation se situe soit dans une proximité sociale trop forte, soit
dans une distance sociale trop grande.
Le troisième écueil est : « la fusion sociale » qui aboutit à une confusion des rôles :
tuteur et tutoré, ne permettant plus là encore d’atteindre l’objectif du tutorat.
Enfin le dernier inconvénient est la difficulté pour le tuteur de laisser au tutoré une
marge de liberté, autrement dit, la difficulté de définir la zone de développement proximale
afin de permettre au tutoré de gagner en autonomie.
Le tutorat, devenu, de nos jours, un « outil stratégique »24
pour le monde de
l’entreprise et de l’économie, n’a pas l’exclusivité de l’accompagnement. Le marché de la
formation propose de nombreuses autres possibilités allant du tutorat au mentorat en passant
par le compagnonnage et le coaching, très en vogue actuellement.
.1.9 Du compagnon au tuteur
Tuteur, compagnon, moniteur, coach, mentor, ont en commun l’accompagnement et la
médiation. Etant donné le nombre important de mots désignant les médiateurs, nous pouvons
imaginer qu’ils recouvrent des rôles différents. C’est pourquoi il nous est apparu nécessaire de
les définir et de les comparer pour avoir une idée précise du mot tuteur au centre de ce travail.
Alors compagnon ou tuteur ?
Le compagnon, est le plus ancien de tous. Au XIe siècle, avec les célèbres bâtisseurs
de cathédrales, apparaît, en France le compagnonnage. Le « compagnon », terme d’origine
latine populaire « companionem », qui signifie « celui qui partage le pain avec un autre »25
.
Les compagnons seraient les descendants, d’après la légende, de Maître Jacques pour les
métiers de la pierre, du Père Soubise pour les métiers du bois : charpentiers couvreurs. Ces
deux contremaîtres, qui avaient participé à la construction du temple à l’époque du Roi
Salomon, auraient fondé en France, l’un à Marseille, l’autre à Bordeaux, « le
compagnonnage ». A cette époque, les chantiers sont nombreux et vastes, les ouvriers artisans
de la pierre, du bois, du fer ou du cuir, s’organisent en corporations et sont appelés à voyager
aux quatre coins de la France. Pour pallier aux besoins d’hébergement et leur faciliter les
conditions de voyage, des lieux de rencontre leur sont consacrés, un peu partout, offrant gîte
24
http://www.centre-inffo.fr/De-nouvelles-figures-pour-le.html Centre Inffo De nouvelles figures pour le tutorat
25 http://atilf.atilf.fr/academie9.htm Dictionnaire de l’académie française 9
ème édition
21
et couvert. Dans ces espaces réservés, ils partagent le pain (d’où leur appellation) et leurs
connaissances. L’apprenti compagnon, se met en route pour 5 à 7 ans, pour un parcours
initiatique, le forgeant à l’adaptabilité et aux savoirs. Au terme de ce voyage, il devra produire
le « chef d’œuvre », synthèse de tout ce qu’il aura appris, compris, intégré. A son tour le
compagnon transmettra ce qu’il a appris et accompagnera des jeunes en chemin sur le Tour de
France. Avec l’avènement industriel, le compagnonnage est mis à mal. De nos jours
subsistent quelques compagnons comme « Les compagnons du devoir » qui poursuivent
l’œuvre des anciens et notamment le devoir de transmission des savoirs. Au-delà du métier, le
compagnonnage a pour objectif de former un « homme complet », épanoui qui saura
transformer son métier en art, d’ailleurs et son chef d’œuvre en est l’expression. La mission
du tuteur ne va pas jusque là. Alors tuteur ou moniteur ?
Le moniteur et le tuteur ont été souvent confondus. Moniteur vient de « monitor »
qui signifie : « celui qui conseille, qui avertit » il a aussi le sens d’instructeur. Il provient
également de la racine indoeuropéenne : « men » contenue dans les termes« monitum, supin
de monere » dont il dérive. La racine « men » se traduit par : « faire penser » « souvenir »
« avertir » ou encore « appeler l’attention sur »26
.
Au XVIIème siècle, les communautés et institutions religieuses instituent un système
d’enseignement par les pairs en mettant en place des moniteurs. C’est en Angleterre, que ce
système d’enseignement voit le jour avec Joseph Lancaster, comme nous l’avons vu dans le
chapitre précédent. Le principe consiste à choisir des moniteurs parmi les élèves « les plus
avancés » pour diriger des enfants plus jeunes. Il dira : « Je n’ai jamais trouvé de plus sûr
moyen de guérir un mauvais garçon que d’en faire un moniteur. Je n’ai jamais rien réussi de
mieux»27
. À la différence du tuteur, le moniteur réalise des interventions collectives et
seconde le maître. Cette méthode favorise l’instruction massive malgré la pénurie
d’enseignants et en même temps permet le développement industriel et économique. Le
succès du monitorat arrive en France et connait un engouement sous la forme
d’ « enseignement mutuel », qui va demeurer jusqu’au milieu du XIXème siècle. Il va
subsister dans certains milieux, jusque dans les années 90. Nous le voyons le moniteur et le
tuteur ne sont pas dans le même rapport au savoir. Alors tuteur ou coach ?
Le coach, apparu au XIXème siècle, mot anglais, d’origine française, provenant du
mot « coche » signifie voiture. Un coach serait donc celui qui conduit, qui entraine et instruit
26 T.BÉDOURET, LARSEF Autour de mots Recherche et formation • N° 43 – 2003
http://www.inrp.fr/publications/edition-electronique/recherche-et-formation/INRP_RR043_8.pdf, 27
Ibid
22
ou guide une personne, un client ou une équipe. De nos jours, il est très répandu dans le
milieu sportif et professionnel, on parle du « coach de Renaud LAVILLENIE » et de
« coaching professionnel ». Le coach est celui qui transmet le savoir faire, évalue la capacité à
les mobiliser en situations, développe les capacités à agir et les moyens pour atteindre les
résultats escomptés, le but étant d’améliorer les performances. Pour la réussite de cette
mission, le coach est souvent un supérieur hiérarchique. Le coaching, quelque soit la forme
qu’il prend : face-à-face, au téléphone ou en séances collectives, se définit comme un
accompagnement individualisé avec un suivi soutenu des résultats obtenus. Le tuteur serait-il
un coach, en tout cas s’il ne l’est pas il s’y apparente fortement. Reste le mentor : alors le
tuteur est-il un mentor ?
Le mentor fait partie de la mythologie grecque avec l’Odyssée. Mentor était l’ami et
le conseiller d’Ulysse, à qui ce dernier confia la protection et l’éducation de son fils, à son
départ. Au XVIIIème siècle, Fénelon reprend ce terme dans son célèbre roman « Les
aventures de Télémaque ». « Mentor » désigne le précepteur du jeune Télémaque, et remplit à
la fois le rôle d’éducateur, de conseiller et d’ami. Renée HOUDE 28
, spécialiste du
« mentorat » le définit comme un homme d’expérience : un aîné dans le métier, une personne
expérimentée bienveillante, chargée de transmettre l’ensemble des savoirs, de prodiguer des
conseils adaptés et de protéger. Il est la référence, le modèle pour l’apprenant. Ce rôle ne
nécessite pas d’être un supérieur hiérarchique. En effet au delà de guider les apprentissages
pratiques, il a pour mission de favoriser la croissance de la personne accompagnée, dans
toutes ses dimensions, afin de l’aider à découvrir son rêve de vie et à le formuler. C’est
pourquoi, il ne peut pas avoir la mission d’évaluateur, celle-ci pourrait faire obstacle au
développement de la connaissance de soi. La relation mentor / mentoré est caractérisée par
une relation de soutien et de confiance : « il y a avantage à réserver le mot mentor à la seule
personne qui est, avant tout, préoccupée par la perspective que son protégé s’accomplisse ».
dit René Houde (1995)29
le mentor comme le compagnon va bien au-delà des missions du
tuteur. A la différence du mentor, le tuteur n’accompagne pas l’apprenant dans son parcours
personnel de développement de soi, n’a pas la mission de l’aider à découvrir son rêve de vie.
Le tuteur. Alors pour résumer, nous pouvons dire qu’il accompagne et aide
l’apprenant dans ses difficultés d’apprentissage, dans son parcours scolaire, universitaire ou
professionnel. Sa mission consiste à soutenir, encourager, repérer les difficultés et à chercher
des moyens pour l’aider dans le but de permettre à l’apprenant d’acquérir de l’autonomie et de
28
.R. HOUDE le mentorat : un outil de développement de la relève http://www.f-d.org/mentorat.pdf 29
http://www.f-d.org/mentorat.pdf R.HOUDE le mentorat : un outil de développement de la relève
23
s’intégrer. Il a donc un rôle de facilitateur à plusieurs niveaux : l’apprentissage des savoir-
faire, l’amélioration des résultats et l’intégration sociale. En général, le tuteur ne se substitue
pas au maître, ni au professeur, ni au formateur, donc il ne valide pas et ne se situe pas dans
une relation hiérarchique. Il s’inscrit dans une organisation sociale, voire d’appoint exemple à
l’école. Le tutorat, revêt de multiples formes et des missions différentes, mais il reste une
méthode d’apprentissage.
Dans la formation initiale en soins infirmiers, le tuteur est l’élément facilitateur de la
mise en place de l’alternance intégrative et du travail de réflexivité et de professionnalisation.
Alors le tuteur, aide-t-il les futurs professionnels à faire de leur métier un art, à l’instar du
compagnon ? La question reste ouverte… Alain BAUDRIT spécialiste résume la mission du
tuteur :« l’aide du tuteur se situe surtout dans l’aide exploratoire et l’aide technique. Il doit
être sensible aux besoins des tutorés tout en exigeant d’eux des efforts pour progresser »
Une des premières expériences, en France, de tutorat en secteur de soins, fut réalisée
dans le secteur de psychiatrique.
.1.10 Une expérience de tutorat en secteur de soins
Jusqu’en 1992, date de l’arrivée d’un nouveau programme d’études en soins infirmiers,
subsistaient, en France, deux formations l’une en soins généraux et l’autre en soins
psychiatriques. Ce nouveau programme d’études absorbait la psychiatrie, malgré le désaccord
des professionnels. Rapidement ils constatèrent la perte des savoirs des nouveaux arrivés,
malgré les enseignements des quatre modules de psychiatrie. En 2004, le double meurtre
d’une infirmière et d’une aide soignante, à l’hôpital de Pau, pose la question d’une formation
spécifique. Le ministre de l’époque, M. Douste-Blazy lance alors le plan psychiatrie et santé
mentale 2005-2008 : « tutorat et consolidation des savoirs infirmiers en psychiatrie ». Le
tutorat fut même l’objet d’une circulaire30
. Cette disposition devait renforcer les savoirs reçus
de la formation initiale. De nombreux infirmiers du secteur psychiatrique se formèrent au
tutorat. L’expérience fut particulièrement positive pour les tuteurs et les nouvelles diplômées
et se prolongea pendant trois ans.
En 2009, les crédits furent stoppés et pour cause, la loi sur le nouveau référentiel de
formation en soins infirmiers prenait effet avec l’obligation d’instituer un tutorat pour la
formation clinique des étudiants en soins infirmiers. La consolidation des savoirs fut plus ou
moins délaissée selon les établissements.
30
Circulaire DGOS/P2/O2DGS/6C n°2006-21 du 16 janvier 2006 relative à la mise en œuvre du tutorat pour les
nouveaux infirmiers exerçant en psychiatrie.
24
Après avoir exploré le tutorat, nous pouvons aborder la problématique du tutorat dans
la formation en soins infirmiers dans son contexte et sa spécificité.
25
.2 LA PROBLEMATIQUE
Les lectures, la mission et les entretiens d’exploration ont nourri notre réflexion et
alimenté la problématique. Celle-ci comprend trois parties : la problématique du changement
de formation née d’un contexte législatif, des premières constatations des terrains de stage et
des observations de la mission, une seconde partie d’où émerge la question de recherche et
enfin une troisième partie intitulée : la problématique de l’apprentissage par compétence et
qui pose les problèmes des trois éléments de l’apprentissage : les étudiants, le contexte et les
tuteurs face aux situations problématiques.
.2.1 La problématique du changement de formation
L’objectif de cette partie est de cibler les difficultés posées par le changement et de les
problématiser afin de formuler une question de recherche précise et ciblée.
Dix années se seront écoulées depuis les accords de Bologne, pour que la France
procède à l’harmonisation européenne des études d’infirmières. Cette réforme met en œuvre
la directive européenne 2005-36 et contribue à moderniser le système de soins français, selon
les principes de la loi HPST.
Le contexte législatif de la formation clinique en stage :
Afin de mieux cerner la problématique du tutorat, il nous est apparu important de
préciser la démarche de certification du diplôme d’état dans la nouvelle réforme.
Certification et DE
Pour obtenir le DE, actuellement les étudiants doivent avoir validé la formation
théorique et la formation clinique, soit 180 ECTS. La certification actuelle s’appuie sur
l’évaluation continue en IFSI comme en stage.
En ce qui concerne la formation théorique, ils doivent avoir obtenu 120 ECTS en fin du
semestre 6. Pour cela, ils ont l’obligation d’obtenir la moyenne pour chaque unité
d’enseignement ou d’intégration de chaque semestre, afin d’acquérir les ECTS
correspondantes. Pour atteindre les ECTS des unités compensatoires (soit deux fois deux
unités qui se compensent par semestre), il faut que le total de ces UE soit égal à la moyenne
sans qu’aucune des deux notes compensatoires, ne soit inférieure à 9 sur 20.
Pour obtenir les 60 ECTS de l’enseignement clinique, ils doivent avoir validé toutes les
compétences et les actes, activités cités dans le portfolio. Notons que les ECTS de stage ne
peuvent être accordés que si les étudiants ont rempli 4 conditions : un minimum de temps de
présence qui est de 80% du temps de stage, avoir analysé et formalisé deux activités
26
rencontrées à chaque stage, « avoir mis en œuvre et validé les éléments des compétences
requises dans une ou plusieurs situations » et « avoir validé la capacité technique de
réalisation des actes ou activités liés au stage ».31
Comparons avec l’ancien programme encore en vigueur, pour la dernière promotion. La
certification, selon l’ancien programme, repose sur l’évaluation continue et un examen final.
Pour être admis au D E, les étudiants doivent obtenir pour l’enseignement théorique un total
d’au moins 50 points sur 100, sans jamais avoir obtenu : une note inférieure à 8/20 et plus de
deux notes inférieures à 10/20. Pour la formation clinique, ils doivent avoir une note moyenne
pour les stages et les MSP à 10/20, sans jamais avoir eu : une note inférieure à 8/20 aux MSP
et plus de deux notes de stage inférieures à 8/20.
La comparaison des certifications des deux programmes, permet de voir, en dehors du
système universitaire de crédits, que l’exigence de la validation de l’enseignement théorique
est plus élevée dans le nouveau programme. La moyenne est exigée pour toutes les UE ; quant
aux UE compensatoires, une note inférieure à 9/20 est admise si et seulement si le total des
deux UE compensatoires, est égal à la moyenne, alors que dans l’ancien programme la note
inférieure à 10 admise peut descendre jusqu’à 8/20.
Outre le fait que l’examen final n’existe plus, différence énorme pour des générations
d’infirmières qui doivent faire le deuil de cette épreuve, dans tous les sens du terme.
L’épreuve ne confirmait-elle pas l’infirmière dans ce métier éprouvant !... L’enseignement
clinique continu, dans l’ancien programme, est sanctionné, par une MSP à un jour donné et
par une note de stage. Alors que dans le nouveau, l’étudiant doit réaliser des travaux lui
permettant d’apprendre de l’observation, de la pratique, en prenant du recul avec l’écriture. Ils
découvrent en même temps la méthode, la posture de l’analyse réflexive. D’autre part, une
évaluation par compétences est exigée à partir de critères et d’indicateurs très précis. Nous le
voyons bien les objectifs de la formation ne sont pas les mêmes, dans l’un est attendue
l’acquisition de capacités, l’accent est mis sur l’adaptation (l’étudiant doit s’adapter le jour de
la MSP) et sur la polyvalence (les stages sont courts et variés) alors que dans l’autre est
attendu un travail par compétences. C’est précisément là que se situe le problème.
Comment des professionnels formés avec l’ancien programme, peuvent-ils mettre des
moyens en place pour développer la compétence et comment peuvent-ils évaluer ces
compétences ? L’apprentissage par compétence est-il inné ? Suffit-il d’être compétent pour
développer la compétence chez l’Autre ? Suffit-il d’être compétent pour évaluer la
31
Ministère de la santé et des sports Profession Infirmière SEDI Equipement p.39
27
compétence chez l’autre ? Nous verrons qu’hormis la résistance au changement des
professionnels, les étudiants sont confrontés à un problème réel, à savoir les professionnels ne
sont pas formés à cet apprentissage par compétence.
Nous comprenons donc l’importance de la certification pour notre objet de recherche,
en effet elle est au cœur même de la fonction du tutorat. De par sa fonction, le tuteur
sanctionne les compétences et les actes ou activités acquises. C’est à partir de son jugement
que le formateur attribue les ECTS. Si la notion de compétence n’est pas comprise, ni intégrée
par le tuteur, l’apprentissage et l’évaluation poseront problème.
Pour mieux comprendre l’objet de notre étude : le tutorat dans la formation en soins
infirmiers, nous allons étudier ce que dit la loi (arrêté et les 6 annexes) au regard de la
formation clinique.
Les points clés de l’arrêté du 31 juillet 2009 sur la formation clinique en stage
Cet arrêté s’articule autour de cinq grands principes. Le premier est la
professionnalisation du parcours de l’étudiant qui doit permettre à l’étudiant de construire peu
à peu ses compétences en se confrontant à la réalité du terrain : aux situations
professionnelles.
Le second principe porte sur la finalité attendue : « un praticien autonome, responsable
et réflexif », capable de prendre des décisions à sa mesure, de les argumenter et de les assumer
et de s’interroger sur sa pratique. On remarquera que la notion de polyvalence a disparu et
qu’apparaissent les notions de travail en collaboration, d’interdisciplinarité et de partenariat
avec les différents professionnels de santé.
Le troisième principe met l’accent sur le développement des ressources de l’étudiant
pour bâtir son projet professionnel.
Le quatrième principe porte sur l’apprentissage de l’identification des émotions et de
l’esprit critique.
Enfin le cinquième principe vise l’adoption d’un regard et d’un comportement éthique
dans toutes situations.
Nous notons la forme narrative pour l’ensemble des principes, formulés à la forme
active. L’étudiant est toujours sujet avec des verbes d’actions : « construit », « développe »,
« apprend », qui indiquent la volonté qu’il soit acteur de l’acquisition de ses compétences.
Seul le second principe, utilise la forme passive : « l’étudiant est amené à devenir », montrant
la nécessité d’aide pour devenir autonome, responsable et réflexif. Cette nuance importante
délimite d’une part le champ d’actions et d’aide des formateurs, des maîtres de stage, des
28
tuteurs et des professionnels de proximité. D’autre part elle répond au courant pédagogique
actuel inspiré notamment par VIGOTSKI.
Ce nouveau référentiel, comme toutes les formations actuelles, s’appuie sur
l’alternance : alternance d’enseignement théorique et clinique, alternance de lieux : faculté,
instituts de formation et lieux de stage. La formation comprend un stage par semestre : 4
stages de 10 semaines, le premier et le dernier stage sont de durée différente. L’allongement
de la durée de stage a pour objectif de professionnaliser l’étudiant. Si l’on considère la
typologie des stages : l’ensemble des stages font partie des « stages en situations »32
. Le choix
du dernier stage est fonction du projet professionnel et correspond à un stage de
responsabilité.
L’approche par compétences et par situation, considérée comme un élément de réussite
pour professionnaliser, doit être développée sur le terrain et à l’IFSI. Pour l’enseignement
clinique, l’alinéa 5 de l’article 31 de la directive européenne 2005-36 est repris mot à mot, des
objectifs globaux de stage sont fixés, les conditions pratiques du stage sont précisées : durée,
parcours, qualification et agrément des stages et évaluation de compétences en stage.
Le portfolio d’apprentissage, outil de traçabilité des stages permet à l’étudiant de
« capitaliser ses travaux, ses évaluations » et ses analyses de pratiques, comme le préconise le
CERAQ avec l’Europass.
Enfin il n’existe plus d’examen pratique final comme la Mise En Situation
Professionnelle. Le stage n’offre-t-il pas en permanence à l’étudiant des mises en situations
professionnelles, donc la possibilité d’évaluer en continu ses compétences ? L’évaluation
pratique se fait donc tout au long du stage. L’allongement de la durée des stages doit
permettre aux étudiants de découvrir l’ensemble des activités, d’apprendre le métier, de se
professionnaliser. Le questionnement, les analyses réflexives et les analyses des pratiques à
partir du vécu de stage, doivent permettre la construction des savoirs d’actions et le
développement du jugement clinique, de l’esprit critique et la capacité à faire des liens. Ainsi,
les terrains de stages deviennent « ces lieux d’intégration des connaissances construites par
l’étudiant »33
Le stage devient l’élément central du référentiel de formation.
Le maître de stage, le tuteur, et les professionnels de proximité se partagent la
responsabilité de l’encadrement. Le maître de stage, chargé de l’organisation du stage
supervise l’action du tuteur. Les professionnels de terrain encadrent les étudiants au cours des
activités en les explicitant et en stimulant leur questionnement et leur réflexion. Le formateur,
32
P.PELPEL Apprendre et faire vers une épistémologie de la pratique L’Harmattan Paris 2001 p 88 33
Ministère de la santé et des sports Profession Infirmière SEDI Equipement p 77
29
référent de stage, désigné par l’IFSI fait l’interface entre le stage et l’IFSI, entre le maître de
stage et le tuteur. Il suit le parcours de stage des étudiants et « règle les questions
pédagogiques ».
Le texte officiel précise que : « Le tuteur représente la fonction pédagogique du
stage »34
. Il attribue donc une mission pédagogique au tuteur, dans le sens où il doit garantir
la fonction pédagogique à ce stage. Le volontariat, l’expérience, des compétences
pédagogiques, de l’intérêt pour la formation, la connaissance des référentiels professionnels
sont les conditions requises pour assurer cette fonction. Seuls, les cadres sont habilitées à
désigner les tuteurs en fonction de ces critères. L’exercice de cette fonction peut être limité
dans le temps et dans l’espace et s’étend à un ou plusieurs étudiants.
Son rôle comprend l’accueil pour faciliter l’adaptation et l’intégration dans l’équipe
professionnelle parmi ses futurs pairs, ainsi que le suivi de la progression de l’étudiant,
l’accompagnement de séquences de travail, la planification de temps d’échanges autour de
situations vécues. Il facilite l’accès à l’ensemble des moyens et ressources offerts par le stage ,
notamment l’accès aux services travaillant en étroite collaboration avec le lieu de stage.
Il évalue « la progression dans l’acquisition des compétences » en s’appuyant sur ses
observations et celles de ces collègues qui ont accompagné l’étudiant. Il trace l’évolution de
l’étudiant sur le portfolio au début, au cours et à la fin du stage. L’ensemble des acquisitions
et des analyses de pratiques est consigné dans le portfolio et sur des fiches spécifiques :
Synthèse des compétences, activités et Bilan de stage35
.
Particularités et questionnement du tutorat en soins infirmiers
Nous pouvons remarquer la singularité du tutorat en soins infirmiers : il existe
uniquement pour la formation clinique, et il est différent à chaque stage. À la fin de sa
formation il aura connu 10 tutorats. Le tuteur infirmier n’est pas un pair, dans le sens où c’est
un infirmier confirmé et expérimenté. Il est donc dans une position hiérarchique supérieure. Il
valide les éléments des compétences.
Ces particularités facilitent-t-elles l’apprentissage ? Cette double casquette
d’accompagnateur et d’évaluateur ne se rapprocherait-elle pas davantage du rôle du coach ?
L’expérimentation et la motivation suffisent-elles à faire de tout tuteur, un acteur facilitant la
réussite de l’apprentissage ? La seule motivation suffit- elle pour accompagner des étudiants,
suivre leur progression et organiser des séquences de travail ?
Questionnement qui eut bientôt quelques échos sur le terrain.
34
MINISTERE de la SANTE et des SPORTS Profession infirmier, SEDI Equipement 35
ANNEXE V Synthèse des compétences, activités et Bilan de stage
30
Premiers constats
La mise en place du tutorat révéla plusieurs difficultés : choix des professionnels,
conditions de mise en place, moyens mis à sa disposition et posture.
Tout d’abord, si quelques rares structures ont anticipé le tutorat, la plupart ne l’ont pas
fait et beaucoup ont décidé de ne rien changer à l’encadrement. Les tuteurs sont donc peu
nombreux au cours de l’année 2009.
Le choix des tuteurs se pose aux cadres de santé des unités, quant à leurs compétences
pédagogiques, à leur disponibilité et à leur désir. D’autre part, le manque de personnel
qualifié ou le sous effectif et les résistances aux changements conduisent des responsables de
lieux de stage, à refuser des places de stage pour des étudiants du nouveau programme, ou à
ne pas définir de tuteurs et à assumer, eux-mêmes ce rôle.
Par ailleurs les professionnels, intéressés, par cette fonction, s’interrogent sur leur
légitimité : le niveau universitaire leur fait craindre de ne pas être à la hauteur. Le fait d’être à
la fois sur deux missions « soins » et « encadrement » leur laisse envisager un manque de
disponibilité pour mener à bien cet accompagnement. D’autre part, conscients du surcroît de
travail, certains souhaitent avoir l’assurance d’une reconnaissance de cette nouvelle fonction.
La loi étant sortie fin juillet, peu de professionnels ont eu des informations concernant
ce nouveau référentiel. Beaucoup ignorent les principes, le contenu et le sens de cette réforme.
Ils ont retenu que les notes de stage et les mises en situation professionnelles étaient
supprimées. Pour eux, l’examen à un instant T, évaluait leur niveau et garantissait un niveau
de compétences, selon une progression. Il leur permettait de situer leurs exigences, en fixant
un nombre de patient à charge dont l’étudiant devait s’occuper, le type de soins sur lequel ils
seraient évalués. Avec ce nouveau référentiel, ce sont les professionnels qui décident du
nombre de patients à charge, des activités à réaliser compte-tenu des activités prévalentes. La
responsabilité de l’apprentissage leur est entièrement confiée, d’où leurs questions : peut-on
leur apprendre tel acte, quand peut-on leur laisser faire cet acte ? Comment s’assurer qu’ils
ont véritablement acquis ces gestes ?...
Le remplissage du portfolio s’avère fastidieux et chronophage pour tous : tuteurs et
cadres de santé.
Le rythme du service, le manque de personnel, autrement dit les principes de réalité et
de productivité font parfois oublier à l’équipe le statut d’apprenant de l’élève qui l’inclut dans
ses effectifs. Le tuteur a donc la difficile tâche de rappeler parfois à l’équipe le statut de
l’étudiant qui est d’être là pour apprendre et qu’en aucun cas, l’équipe doit compter sur son
31
aide. Cette mission difficile peut le mettre en porte à faux face à ses collègues. Mais s’il n’ose
pas se positionner dans l’intérêt de l’étudiant, la situation d’apprentissage de ce dernier
devient difficile.
Compte-tenu de la position paradoxale du stagiaire entre apprenant et faisant fonction
selon son niveau de formation 2ème
ou 3ème
année, une question se pose : la position
hiérarchique ne risque-t-elle pas d’entrainer une relation de domination et de dépendance
entre tuteur et tutoré ?
Face à ses difficultés, que peut apporter le formateur au regard de sa mission de
référent ? En quoi consiste cette mission ? Doit-il accompagner et comment ? En quoi le
formateur peut-il aider le tuteur dans les questions pédagogiques ? Quelles sont ces questions
pédagogiques auxquelles les tuteurs peuvent être confrontés ?
C’est avec toutes ces questions, que j’abordais mon stage.
La Mission
La mission s’est effectuée du premier avril à fin juillet, dans l’IFSI où nous travaillions,
en tant que coordinatrice
Le contexte des IFSI
Depuis septembre 2009, dans les IFSI, une certaine hostilité régnait envers ce nouveau
référentiel malgré les premières réunions d’informations. Avec « l’universitarisation » de la
profession, planait la crainte de perdre le contrôle de la formation, la disparition des IFSI, des
suppressions de postes de formateurs, notamment ceux qui n’avaient pas de cursus
universitaire. Certains IFSI espéraient que la loi ne serait pas applicable en septembre… Et
pourtant le texte officiel vit le jour le 31 juillet 2009 pour une application en septembre de la
même année.
Le court délai entre l’arrêté, sa date d’application et le partenariat universitaire,
l’augmentation des TD la continuité de l’ancien programme autant de difficultés auxquelles
étaient brutalement confrontées l’ensemble des IFSI.
De plus, avec la suppression des Mises en Situations Professionnelles, et la mise en
place d’un tutorat, il était clair que la formation clinique devenait l’affaire des professionnels
de terrain. Alors que la loi reconnaissait les qualités pédagogiques des professionnels de
terrains celles du formateur restaient vagues et imprécises.
Ce manque de reconnaissance ressenti au sein de la profession au travers de ce texte, et
avec la perspective de mutualisation des IFSI, planant au-dessus des instituts aggravèrent les
résistances aux changements, et contribuèrent à démotiver une grande partie des formateurs.
32
Ajouté à cela, l’insuffisance d’effectifs avec les départs en retraite, précipités parfois avec ce
nouveau référentiel, les réduisaient à des missions d’organisation, de planification et
d’enseignement de contenus, au détriment du suivi pédagogique individualisé.
La demande de participation des formateurs à la campagne de vaccinations contre la
grippe renforça le sentiment de méconnaissance de leur charge de travail et acheva de
détériorer ce climat d’incertitude, de tensions et de malaise.
Il n’existe pas encore de référentiel de compétences officiel de cadre de santé. La fiche
métier du cadre de santé formateur en soins et activités paramédicales comprend dans
l’exercice professionnel une mission de : « Conseil et ingénierie pédagogique auprès des
professionnelles, instances et tutelles ». Le rôle de référent n’apparaît pas, mais s’apparente à
la mission de conseil citée ci-dessus. Elle reste à inventer, innover, à construire.
Le contexte de mon stage
J’effectuais mon stage, d’avril à juillet 2010, à L’IFSI sur mon lieu de travail, en auto
mission. Il s’agit d’un organisme de formation du service public, rattaché à un Centre
Hospitalier qui offre deux formations : la formation aide soignantes et infirmiers : IFAS et
IFSI.
Depuis septembre, les formateurs de l’IFSI, assuraient l’ancien programme et étaient
confrontés à la mise en place de ce nouveau programme, tout en assurant une nouvelle
organisation. Pour mieux appréhender le nouveau référentiel et permettre à tous les
formateurs d’y travailler, il avait été décidé de mettre un terme au cloisonnement des équipes
de formateurs de 1ère
année, de 2ème
ou 3ème
année. Chacun travaillait des modules pour
assurer la formation des étudiants ancien programme et des unités d’enseignement. Une
coordinatrice par année était chargée de veiller à la cohérence de l’enseignement. Cette
nouvelle organisation ajoutait encore à la déstabilisation de l’équipe.
A cette époque, l’université de rattachement pressentie, ne pouvait pas répondre, à la
demande du référentiel de formation, ce qui impliquait pour les formateurs, de concevoir les
unités d’enseignement, de rechercher des universitaires pour assurer ces unités, voire faute
d’intervenants d’assurer eux même l’enseignement ou les travaux dirigés.
Accaparés alors par la construction des Unités d’Enseignement, il fallait aussi préparer
les étudiants et les professionnels des terrains de stage, au stage. Découvrant eux-mêmes « pas
à pas » ce nouveau référentiel et ne connaissant pas vraiment la mission du tutorat. De plus ils
s’interrogeaient sur leur possibilité d’être « ressources » pour les professionnels du terrain et
apporter leur aide comme référent de stage.
33
Le partenariat entre l’IFSI et les terrains de stage, se limitait aux seuls échanges, lors
des MSP, des négociations de places de stage ou à l’occasion des problèmes ponctuels,
rencontrés avec les étudiants : absence, comportement, insuffisance.
Ils craignaient de faire de l’ingérence et souhaitaient en définir les limites. Si le tutorat
semblait avoir été imposé comme la méthode pédagogique par excellence pour améliorer
l’apprentissage des étudiants, le regard du formateur sur le parcours des étudiants et ses
compétences à régler les questions pédagogiques étaient toutefois, attendues.
Cette mission de référent de stage, effrayaient ou indisposaient les formateurs et posait
la question des limites de ce rôle : jusqu’où aller dans l’aide à apporter ? De même la question
du contenu et de l’étendue de la mission du tuteur se posait également aux formateurs qui
devaient les accompagner.
Cette réforme et cette mission non définie, les plaçaient dans une situation délicate
face aux étudiants et aux professionnels de l’encadrement en stage. En conséquence, ils
tardaient pour visiter les différents terrains de stage, pourtant les étudiants du semestre 2
(nouveau programme) arrivaient dans leur seconde partie du stage de 10 semaines.
La mission
L’objectif de l’équipe étant de développer un partenariat efficace avec les terrains de
stage, cette démarche devait être réfléchie et organisée. Il apparut urgent de clarifier la
mission de chacun : celle du « Référent de stage » (afin que les formatrices investissent leur
rôle) et celle du « Tuteur », ainsi que l’harmonisation des pratiques. Il fut donc décidé de
procéder par étape : la première étant la démarche d’informations des terrains de stage et la
clarification de la mission de référent. Ce fut le projet d’une auto mission, qui fut accueilli
favorablement par la directrice. Les objectifs principaux étaient d’identifier la mission de la
formatrice référente et de définir une politique (ou stratégie) commune d’information des
terrains de stage pour faciliter l’intégration du nouveau référentiel auprès des responsables de
l’encadrement.
Les résultats de la mission
Dans un premier temps, un document de base et un diaporama a été élaboré pour
harmoniser l’information des terrains de stage partenaires et sécuriser les formatrices. Des
entretiens auprès de l’ensemble de l’équipe a facilité l’expression des formateurs sur ce sujet.
Ils ont mis en évidence leurs craintes et leurs difficultés concernant la mission de référent : la
difficulté de cerner leur mission et ses limites, le risque d’ingérence et de perte de confiance.
Ils ont permis de repérer des situations types auxquelles les formatrices pouvaient se trouver
confrontées. La mission du référent de stage ayant permis d’identifier les situations
34
prévalentes des formateurs référents, trois situations ponctuelles seront retenues pour ce
travail : Conseiller le tuteur dans la relation pédagogique et Aider à la résolution des
questions pédagogiques ponctuelles, la poursuite des visites des stages a conduit à
l’identification d’une troisième situation : « Etre ressource pour l’utilisation de l’outil
d’évaluation outil du portfolio» . Une ébauche d’un guide du « Formateur référent de stage »
a pu être élaboré36
. Cette réflexion a permis à l’équipe de prendre conscience de la
méconnaissance de la fonction tutorale et ainsi de décider d’une formation au tutorat.
Parallèlement des entretiens exploratoires de trois tuteurs ont été réalisés pour explorer
leurs éventuels besoins. Ils ont estimé que cette fonction faisait partie intégrante de leur
exercice professionnel. Ils n’ont pas formulé de besoin particulier en conseil ou formation.
Pour eux, l’information qu’ils avaient reçue du cadre de santé avait été suffisante pour
effectuer leur fonction de tuteur. La nécessité d’une formation ne semblait pas s’imposer.
Toutefois deux difficultés avaient été évoquées : le temps passé à remplir le portfolio et la
durée du stage en cas de problème avec l’étudiant. Remarquons également, qu’ils ne faisaient
pas de différence entre l’encadrement qu’ils effectuaient auparavant et la fonction tutorale.
A la fin de la première année, fin juin, nombre d’étudiants furent déçus et découragés
de ne pas voir leurs efforts et leurs progrès pris en compte. Leurs fiches de synthèse
d’acquisition des compétences, montraient : que peu d’éléments de la compétence étaient
validés alors que le bilan de stage était en général positif. Pour beaucoup, était noté « un
manque de prise d’initiatives ». Plusieurs étudiants 6 sur 66 eurent à effectuer un stage de
rattrapage pour pouvoir valider leur compétence 3 : « Soins de confort et de bien être », ce qui
détériora le moral de la promotion.
Enfin, Beaucoup d’étudiants rapportèrent les propos suivants des tuteurs « c’est acquis
mais je ne peux pas mettre acquis car tu es en première année ». Etait-ce un phénomène lié
aux représentations des tuteurs ? Le champ des représentations est vaste : représentation des
nouveaux profils infirmiers, de ce nouveau référentiel dans lequel les infirmiers ne se
reconnaissaient pas, représentation de la compétence, de l’évaluation de celle-ci… ?
.2.2 La question de recherche
Nous l’avons compris l’approche par compétence est un changement radical du
concept de base de l’apprentissage en soins infirmiers fondé jusqu’alors sur l’acte. Le concept
de compétence semble donc être la pierre d’achoppement de la problématique de la mise en
place du tutorat dans la formation en soins infirmiers.
36
ANNEXE II d Ebauche d’un guide du formateur référent
35
Partageant la réflexion de J P ASTOLFI « Tout enseignement qui se veut efficace du
point de vue de la transmission des savoirs, devrait être précédé d’une phase d’état des lieux
théoriques », nous pouvons poser la question de départ :
En quoi la représentation de la compétence, chez le tuteur, peut ralentir le processus
d'apprentissage de la compétence chez l'étudiant, alors même que sa mission est de le
faciliter ?
La représentation n’est-elle pas la phase d’état des lieux théoriques ? Afin de
déterminer les concepts du modèle d’analyse de la recherche, nous allons décrire les situations
d’apprentissage auxquelles se trouvent confrontées et le tuteur et l’étudiant.
.2.3 La problématique de l’apprentissage de la compétence
Après avoir posé la question de recherche, cette partie expose les problèmes liés à
l’apprentissage de la compétence. L’objectif de cette troisième partie est d’identifier les
éléments clés du cadre théorique.
La population étudiante et ses difficultés
L’objectif de cette partie est de cerner les caractéristiques du public en formation soins
infirmiers. La population estudiantine, principalement féminine, bien que le nombre de
garçons ait augmenté, est très hétérogène par âge, le niveau de connaissances, l’expérience
professionnelle. L’âge varie de 18 à 40 ans avec une moyenne de 19 ans en début de
formation. Une grande partie n’a aucune connaissance du monde hospitalier, ni même du
travail. Les étudiants sortent tout juste du monde scolaire pour entrer dans un parcours
professionnalisant. Une minorité, plus âgée, se retrouvent là pour des raisons très différentes :
soit pour reconversion d’emploi après bilan de compétences, soit en formation continue pour
la réalisation de leur projet.
L’étudiant, bien que, n’ayant pas ou peu de connaissance du métier, est riche
néanmoins d’expériences, de compétences dans certains domaines : expérience de travail d’un
ou deux mois lors des vacances, des stages d’observation ou de découverte du métier. Il
possède des ressources, des capacités dont il n’a pas toujours conscience. Son projet
professionnel, en lien avec ses représentations, son passé, son histoire, est fragile et reste à
confirmer, puis à construire et à développer.
En début de formation, il se situe dans une relation de maître-élève ou de professeur-
élève, peu à peu elle évolue vers une relation formateur-formé. Pour mener à bien sa
formation, il doit satisfaire les besoins d’apprendre, de sécurité, d’estime de soi et de
dépassement.
36
La formation étant basée sur le principe de l’alternance, elle évolue entre les lieux de
stages et l’IFSI. De ce fait, les besoins bien qu’identiques ont des origines diverses. Les uns,
ayant peu de connaissances de la vie active et du monde professionnel attendent pour « savoir
s’ils sont faits pour cela » selon leurs propos. Ils appréhendent également le stage et espèrent
un accompagnement pas à pas. Les autres, loin des études, depuis un certain nombre
d’années, doivent fournir des efforts pour reprendre un rythme et une démarche étudiante. Au-
delà du stage, tous ont vécu une relation au savoir, à l’enseignement, qui va être déterminante
dans leur approche de la formation. Dès les premiers stages, ils sont confrontés à la
souffrance, à la maladie, au handicap, à la mort. Ils découvrent une réalité à laquelle ils n’ont
pas toujours réfléchi. Toutes ces situations les bouleversent, voire réveillent en eux des
éléments de leur propre histoire et bousculent leurs certitudes, leur rêves, leur idéal et vont
parfois jusqu’à remettre en cause leur choix. Comme tout stagiaire, ils sont confrontés au
paradoxe de l’apprenant et du faisant fonction.
Pendant les deux premières années de formation, tous, manquent de confiance en eux,
en lien avec un fort sentiment d’insécurité et restent très vulnérables, oscillant entre la basse et
la haute estime de soi.
Actuellement, les étudiants, inexpérimentés pour la plupart, arrivent dans des lieux de
stages où les infirmiers sont eux-mêmes désorientés par ce nouveau programme, auquel ils
n’ont pas été préparés. Les étudiants se retrouvent seuls, sans repères, parfois même
découvrant en fin de stage qui est leur tuteur. La plupart des infirmiers estiment que les
étudiants du nouveau programme sont moins opérationnels que les étudiants issus de l’ancien
programme et expriment haut et fort leur avis. Les étudiants de première année, souvent vécus
comme un poids, éprouvent encore plus avec ce nouveau référentiel, ce sentiment d’être un
« boulet pour les équipes » selon leur expression. Si de plus, ils entendent, lors de leurs stages
les phrases suivantes : « cette formation n’équivaut pas celle d’avant » « qu’est-ce que c’est
que cette formation où il n’y a plus de MSP ! » ou bien « qu’est-ce que c’est cette formation
où vous n’avez pas appris telle et telle chose... ». Les enseignements rencontrés en stage ne
correspondent pas obligatoirement aux unités d’enseignement du semestre, nous imaginons
facilement, leur stress. Toutefois, ce problème se rencontrait déjà avec l’ancien programme.
Mais, il arrivait, selon les choix pédagogiques, que des étudiants de certaines écoles arrivaient
en stage après avoir reçu l’enseignement du module spécifique lié à la discipline rencontrée
dans ce terrain de stage. Dans ces conditions, nous pouvons comprendre la réaction de ces
professionnels.
37
Après avoir dépeint la population estudiantine et ses difficultés il nous est apparu
important de décrire le contexte d’apprentissage : les conditions du stage
Le contexte de l’apprentissage et ses difficultés
Lieux de stage et organisation de l’activité
Les structures d’accueil, mis à part les crèches et les établissements scolaires, sont des
établissements de soins privées ou publiques de spécialités très variées. Elles offrent des soins
soit de courte durée ou de longue durée, soit des soins collectifs ou individuels en lieux de
vie. L’organisation des soins est encore pour la plupart empruntes du Taylorisme, ils sont
réalisés en série : série de pansements, séries d’injections, série de distribution de
médicaments, séries des prises de tensions artérielles etc.….. Les professionnels restent très
centrés sur la tâche, sur l’acte. Comment peuvent-ils se représenter la compétence ?
Distinguent-ils des différences entre Activité et Tâche ?
Le lien entre le texte législatif régissant notre profession : l’exercice professionnel
libellé en actes et le référentiel des activités n’est pas d’une clarté absolu. Ce dernier propose
un découpage par activités, loin d’une approche globale des soins.
Le programme de 1992 demandait aux étudiants, la prise en charge globale des patients.
Pour l’époque c’était une petite révolution, mais aucune aide pour les professionnels des
terrains de stages n’avait été mise en place. Cette attente a toujours pesé et pèse encore sur les
stagiaires qui doivent réaliser cet exercice périlleux, alors que l’organisation des soins n’a
quasiment pas évolué hormis quelques exceptions. Une prise en charge globale des patients
suppose une réorganisation du travail : activités et tâches, à partir d’une analyse du travail.
Cette difficulté à passer d’une organisation des soins par série à une organisation
globale, nous laisse songeur. Combien de temps faudra-t-il pour parvenir à une approche par
compétences sur le terrain ?
Les conditions d’encadrement
Pour les professionnels, encadrer un étudiant se partage en plusieurs étapes : montrer
l’acte, en situation réelle, favoriser la participation à l’activité, ensuite à faire faire, à contrôler
la technique, puis à lui confier complètement la tâche. Nous le voyons bien l’encadrement est
pensé principalement autour des actes pratiques.
Certains lieux de stage ont mis en place, bien avant l’arrêté de juillet 2009, un système
d’infirmiers référents pour les étudiants. Leur fonction comprend l’accueil et l’encadrement,
voire la participation à l’évaluation. Avec le nouveau référentiel il est demandé aux tuteurs
comme aux professionnels de proximité d’expliciter leurs actions « notamment les savoirs
38
utilisés » et d’accompagner les étudiants dans leur réflexion, dans l’analyse des situations
rencontrées. Ces pratiques ne sont pas familières pour les infirmiers.
Souvent, les cadres de terrain, de par leur formation d’encadrement se chargeaient de
cette fonction pédagogique et évaluatrice attribuée maintenant aux tuteurs. Actuellement,
nombre de terrains de stage n’ont pas de tuteurs, les cadres de santé cumulent les deux rôles :
maître de stage et tuteur. Leur retour d’expérience, lors du premier stage, faisait part du temps
passé à l’évaluation avec le portfolio.
Avec le contexte de pénurie, les étudiants se retrouvent très vite, confrontés à deux
logiques : celle de l’apprentissage et celle de la production ou du rendement de soins. Dans la
plupart des terrains de stage, les équipes soignantes comptent sur leur présence et leur aide
pour assurer la charge de travail. L’encadrement se déroule sur une semaine ou une semaine
et demie. L’objectif se limite à exécuter des gestes, des techniques, voire des conduites, sans
regard critique. Dans ces conditions le stage, s’il permet de découvrir, de participer, voire
assurer pleinement les activités, ne favorise pas le questionnement ni la réflexivité.
D’autre part beaucoup de structures souffrent d’une insuffisance de main d’œuvre
qualifiée et diplômée, provoquant une surcharge de travail, et des glissements de tâches
fréquents et nombreux : les Agents des Services Hospitaliers effectuent des tâches aides
soignantes, des aides soignantes réalisent des tâches infirmières. Un épuisement professionnel
est souvent sous -jacent. Dans certaines structures, il est courant d’apprendre qu’un étudiant a
été encadré pour une toilette, par une ASH. Or nous savons que la toilette est un des soins les
plus complexes à effectuer, compte-tenu du nombre de paramètres à prendre en compte :
sécurité, efficacité, relation, confort, pudeur, respect, organisation…Cet exemple montre bien
que la pratique des soins reste encore très centrée sur l’effectuation de l’acte, voire la
performance : le nombre de toilettes effectuées. Les propos des soignants l’expriment
clairement : « j’ai fait tant de toilettes » ou « moi, je fais les toilettes et je n’en laisse pas à
l’équipe ». De plus la politique de développement de la gestion des ressources accroit cette
attente de résultats performants.
Si toute personne peut enseigner des gestes, des techniques, le processus d’identification
des concepts, des principes transférables à partir de situations vécues, est-il à la portée de tous
de façon innée ?
Dans ce milieu, les professionnels sont habitués à apprendre des actes et à évaluer la
capacité à acter. L’apprentissage des compétences se réalise-t-il de la même façon ?
Prenons un exemple : l’apprentissage de la pose d’un cathéter périphérique, qui
s’appuie sur un protocole, porte sur l’apprentissage de la capacité à appliquer le geste en
39
conformité avec la procédure. Dans ce cas la compétence comprend la conformité à la norme
et sera aisément évaluable. Pourtant la compétence pour cet acte, ne se limite pas à cette seule
capacité. Elle comprend également : le savoir faire relationnel, et l’adaptation dont il faut faire
preuve dans cette situation là, car toute situation est unique. Nous le voyons l’apprentissage
porte donc également sur la pertinence des propos, l’adaptation de la pratique à la situation.
L’argumentation de la pertinence se base sur les concepts, les valeurs, la législation, les
bonnes pratiques professionnelles : tout un savoir. Effectuer cet acte met en jeu, un ensemble
d’actions difficilement quantifiable et mesurable. L’étudiant doit non seulement apprendre le
geste mais aussi le repérer ainsi que les phases de réalisation. Etre compétent revient donc à
effectuer toutes les actions de la préparation à la traçabilité, en tenant compte des bonnes
pratiques, de la situation du patient, du contexte du milieu où il se trouve. Ceci suppose qu’il
mobilise ses connaissances : le concept de l’homme, du soin, qu’il respecte une éthique du
soin, qu’il applique les procédures….Tout ce travail de réflexion sur la pratique, de
conceptualisation est-il à la portée de tout professionnel et de tout tuteur ?
D’autre part à quel niveau se situe l’exigence du tuteur ou du professionnel au niveau
de la capacité à réaliser le geste ? Attend-t-il que l’étudiant reproduise le geste conformément
à la procédure, ou bien le réalise comme le professionnel expérimenté. L’écart entre les
exigences est important, il s’étend de la capacité technique à la maitrise gestuelle et
situationnelle.
Nous constatons que l’approche par les compétences soulève de nombreuses questions
toutes en lien avec la terminologie du mot compétence.
Le risque d’erreur dans la situation d’apprentissage en soins infirmiers
Les situations d’apprentissage en soins infirmiers sont particulières dans le sens où les
soins s’adressent à une personne, l’erreur n’est donc pas autorisée. L’étudiant apprenti réalise
des techniques des soins auprès des personnes, sans en avoir encore la compétence : l’erreur
est donc possible.
L’erreur
Il existe plusieurs types d’erreurs : bénignes sans risque et les erreurs graves avec risque
de dangerosité c'est-à-dire pouvant entrainer un risque vital et les erreurs fatales provoquant
un risque vital. Avoir réalisé une antisepsie sans avoir utilisé la méthode escargot ne portera
pas à conséquences, l’important étant le geste de désinfection, par contre, donner à boire de
l’eau à quelqu’un qui a des troubles de la déglutition peut être fatal pour la personne. L’erreur
peut sembler anodine mais peut avoir de lourdes conséquences, tout dépend de la situation.
40
Pour exemple, l’échange d’un plateau repas est une erreur qui peut se solder chez un
diabétique par une élévation de la glycémie si le plateau ne correspond pas à un régime sans
sucres. Cette inattention peut être plus lourde de conséquences si la personne devait être à
jeun en vue d’un examen ou d’une intervention chirurgicale
Les fiches de mise en situation professionnelle de l’ancien programme contenaient
l’intitulé suivant :
« Un seul soin potentiellement dangereux pour le malade entraîne une note égale à 0 sur 30.
Un soin dangereux est un soin portant atteinte à l’intégrité physique et/ou psychique de la
personne ».
Les différents types d’erreurs chez l’étudiant :
L’erreur peut être d’ordre technique : un branchement d’une alimentation parentérale
sur une voie de perfusion qui sera fatale pour la personne soignée.
L’erreur peut être d’ordre cognitif : exemple le calcul de dose qui peut être un risque de
dangerosité fatal. Un exemple : une étudiante qui calcule le débit d’une perfusion qui doit
s’écouler en 20 minutes, qui trouve un chiffre de 3 gouttes par minutes, et qui ne s’étonne pas.
Le fait de se tromper est humain, le calcul, aboutissant à réduire le débit n’aura pas de
conséquences dangereuses dans ce sens pour la personne, mais le fait de ne pas s’étonner du
résultat devient un acte dangereux.
L’erreur peut avoir lieu dans la communication : par exemple la transgression du secret
professionnel. Un exemple, l’infirmière communique une information à une patiente alors que
la voisine est présente. Ce type d’erreur peut selon, la personne avoir des conséquences, mais
n’aura pas de conséquences vitales pour la personne.
Par contre une erreur de vérification d’identité pour un bloc opératoire ou bien pour un
prélèvement sanguin, dans les deux cas, peut être lourde de conséquences.
En conclusion, l’erreur, plaçant le patient en danger réel ou potentiel, ne peut être
acceptable dans les situations de soin, d’où l’importance d’évaluer le niveau de compétence
de l’étudiant.
De tout temps, les responsables chargés de l’encadrement, se sont trouvés dans des
situations problématiques, c’est ce que nous allons aborder maintenant.
Les situations problématiques d’encadrement
L’apprentissage de la compétence se révèle parfois difficile ou énigmatique, dans
certains cas :
41
L’étudiant, dont l’évolution n’est pas notable entre le début et la fin du stage, et pour
qui l’équipe est dans l’impossibilité de constater que ce stage a été profitable. Celui qui
régresse en cours de stage, alors qu’il avait fait bonne impression au tout début. Celui aussi,
qui ne prend aucune initiative, ou qui en prend de façon inconsidérée. Celui qui affiche des
lacunes cognitives évidentes ou qui multiplie des erreurs minimes, du début à la fin du stage,
malgré l’investissement des professionnels. Celui qui cumule un ensemble d’erreurs, créant
des situations de risques. Celui à qui on a confié des objectifs qui ne sont pas à sa portée. Et
puis il y a celui qui commet « l’Erreur ».
Quatre situations problématiques sont donc identifiées : le manque de motivation, le
manque d’initiative, la succession d’insuffisances et la mise en danger potentielle avérée ou
non avec la prise d’initiative inadaptée. Développer la compétence chez ces étudiants réclame
de la part du tuteur, une plus grande disponibilité et souvent beaucoup de créativité et
d’ingéniosité pour détecter les causes du problème et offrir les moyens adaptés.
A l’origine du manque de motivations ou du manque d’initiatives, en dehors d’une
erreur d’orientation, il peut y avoir un sentiment d’inefficacité avec des objectifs
inatteignables pour l’étudiant, une perte de confiance en ses capacités, voire en ses
compétences, un « burn out » de l’équipe qui rejaillit sur l’étudiant, des situations de soins
déstabilisantes, remettant en cause les choix de vie ou le projet professionnel de l’étudiant.
La succession d’insuffisances est plus ou moins objective, sachant que « le bagage
suffisant ou indispensable » n’est pas vraiment défini par les équipes et fait références à leur
niveau d’exigence. Dans ce type de situation, il est important de repérer si le niveau
d’exigences de l’équipe ne correspond pas à une performance pour l’apprenant.
La posture du tuteur et la relation établie, permettront ou non le développement de la
compétence.
Les deux dernières situations exigent en plus une évaluation de tous les instants et une
recherche. Les questions pédagogiques se trouvent sans doute dans ces situations. Le
développement des compétences des étudiants, dans ces situations, sera fonction des
compétences pédagogiques du tuteur.
Conclusion
La problématique actuelle du tutorat dans la formation en soins infirmiers tient au fait
que le concept de compétence n’est pas encore intégré par les professionnels, d’où la
difficulté à penser l’apprentissage clinique avec cette approche. Par conséquent la formation
au tutorat tout comme l’accompagnement doit viser le changement de leur représentation.
42
.3 CADRE THEORIQUE : Compétence et représentation
Cette partie définit le modèle d’analyse retenu pour la recherche et s’appuie sur des
concepts clés qui ont permis l’élaboration des hypothèses et l’identification d’éléments
observables pour l’enquête et son exploitation.
Nous étudierons successivement les trois concepts clés, autour desquels s’articule le
travail de recherche : la représentation, la compétence et la performance. Ne seront explorés
que les éléments utiles à l’enquête et à son analyse.
.3.1 Le concept de compétence :
Pour conduire notre analyse nous limiterons l’étude du concept, à ces caractéristiques
principales, aux confusions possibles, au choix d’une approche pour le stage, aux critères et
aux méthodes d’évaluation.
De la définition au concept
Le mot « compétence » est actuellement un terme très à la mode dans le monde de
l’éducation et de la formation. Prenons un exemple quand nous fixons l’objectif suivant :
« être capable de réaliser une toilette » que souhaitons-nous ? Que l’étudiant sache effectuer le
geste ? - Qu’il sache appliquer une procédure ? Qu’il prenne en compte la personne : ses
besoins, ses problèmes ? Qu’il prenne en compte la situation avec tout son contexte temporo-
spatial-bio-psycho-socio-culturel ?.
Toutes ces questions sollicitent bien les capacités de l’étudiant, mais entre la première
et la dernière proposition, il existe un écart qui montre que l’exigence est beaucoup plus large,
nous ne nous limitons plus à l’activité toilette, mais à une situation de toilette pour une
personne, serions nous entré dans le champ de la compétence ?
Rappelons que ce terme provient du mot latin : competentia, signifiant « proportion,
rapport exact » notons au passage, la notion intéressante d’interaction entre deux choses,
donc de lien et non pas d’état. Rappelons également qu’à l’origine, ce terme est uniquement
utilisé en droit, et signifie « l’aptitude d'une autorité publique à accomplir des actes dans des
conditions déterminées » ne parle-t-on pas de la compétence d’un maire ? Il est aussi employé
pour confirmer un pouvoir de décision spécifique comme par exemple : attribution de la
compétence ou le droit à un tribunal, à un juge de se prononcer dans telle affaire…. De nos
jours, le sens, le plus commun est la notion de « capacité, fondée sur un savoir ou une
expérience, que l'on reconnaît à une personne » 37
37
http://atilf.atilf.fr/academie9.htm Dictionnaire de l’académie française 9ème
édition
43
Actuellement, ce terme est très employé dans la formation professionnelle et dans
l’enseignement. Il faut préciser que le monde de l’éducation ne peut faire abstraction de ce
terme, compte tenu que le parlement européen, a proposé, dès 2001, un enseignement par
compétences. En 2006, le même parlement a défini 8 compétences clés pour l'éducation et la
formation tout au long de la vie, c’est dire l’importance accordé à celles-ci. Comme nous le
constatons les compétences sont devenues un enjeu social et économique. Dans la course à la
rentabilité, la gestion des ressources donc des compétences devient un atout certain pour les
entreprises.
Pour définir les caractéristiques du concept de compétence, comparons trois
définitions d’auteurs célèbres.
Pour l’AFNOR : « La compétence est la mise en œuvre de capacités en situation
professionnelle qui permettent d’exercer convenablement une fonction ou une activité» 38
M. MALGLAIVE la définit ainsi en 1990 : « Savoir en usage et formalisation sont les
deux aspects complémentaires de la compétence qui (…) se présente comme une structure
dynamique dont le moteur n’est autre que l’activité. » 39
La définition de G. LE BOTERF est la suivante : « Les compétences peuvent être
considérées comme une résultante de trois facteurs : le savoir agir qui suppose de savoir
combiner et mobiliser des ressources pertinentes (…).Le vouloir agir se réfère à la
motivation personnelle de l’individu et au contexte plus ou moins incitatif dans lequel il
intervient. Le pouvoir agir renvoie à l’existence d’un contexte, d’une organisation du travail,
de choix de management, de conditions sociales, qui rendent possibles et légitimes la prise de
responsabilité et la prise de risque de l’individu »40
.
De ces définitions, nous pouvons dégager quatre points communs :
La compétence et l’activité sont liées
La motivation individuelle anime la compétence
La mobilisation des savoirs faire : « savoir en usage » « savoir agir »
Une notion d’interactions, de mouvement apparait avec les expressions
suivantes : « mise en œuvre », « structure dynamique », « résultante de trois
facteurs ».
38
T. ARDOUIN Ingénierie de formation pour l’entreprise Dunod, Paris 2003 p 110 39
S. BELLIER La compétence est-elle un concept nouveau ? Traité des sciences et des techniques P.CARRE et
P.CASPAR Ed Dunod, Paris 2004 p 238 40
G.LE BOTERF Construire les compétences individuelles et collectivesEyrolles2000, 2001, 2004, 2006 p 88,
89
44
Une autre notion, commune à deux définitions est celle du contexte. La compétence
s’inscrit dans un contexte spécifique exprimé par M. MALGLAIVE « en situation », et par G.
LE BOTERF par les détails suivants : « renvoie à l’existence d’un contexte, d’une
organisation du travail, de choix de management, de conditions sociales ». Il précise plus loin
que « la compétence est contextualisée ».41
Ce qui signifie que toute formulation de
compétence doit comprendre l’activité dans son contexte.
Afin de nous approprier ce concept nous pourrions résumer la compétence comme
étant un processus complexe de mobilisation de savoirs combinatoires et de raisonnement
(savoirs, savoir faire et savoir y faire et savoir être) qui permet d’agir de façon adaptée dans
une situation donnée : en quelque sorte une intelligence des situations. « La compétence est
une construction sociale, c'est-à-dire la modélisation d’un rapport social entre l’action,
l’individu et le contexte de réalisation »42
Thierry ARDOUIN. Une personne compétente est
donc une personne qui « a des compétences » et qui « agit avec compétences »43
. Les
compétences s’acquièrent et s’évaluent en situation d’activités, d’où l’importance d’étudier
les activités et les situations de soins rencontrées.
Agir avec compétence c’est aussi prendre des initiatives à bon escient.
La prise d’initiative
Le terme « initiative », a pour origine le terme latin : intiare 44
qui signifie : « initier,
instruire, commencer »45
. Elle est décrite comme : « Action, une attitude de celui qui, le
premier, propose, organise quelque chose ». Cette proposition provient de la personne elle-
même : « de son propre mouvement, par une décision personnelle ». Ce qui suppose que la
personne possède une « Disposition à entreprendre par elle-même, à aller de l'avant, à faire
preuve de décision ». L’initiative renvoie donc aux concepts de décision et d’autonomie, tout
en sachant que la décision précède l’initiative, que l’initiative se traduit par une ou des actions
et que toute décision engage la capacité à juger librement sans être influencé. Dans la pratique
infirmière, la prise de décisions résulte du raisonnement clinique. En effet selon la définition
de G. LE BOTERF « être compétent, c’est également agir avec autonomie, c’est à dire être
capable d’autoréguler ses actions, de savoir non seulement compter sur ses propres
41
G. LE BOTERF Construire les compétences individuelles et collectives Eyrolles 2000, 2001, 2004, 2006 p 67 42
T. ARDOUIN Ingénierie de formation pour l’entreprise Dunod, Paris 2003 p 110 43
G. LE BOTERF Construire les compétences individuelles et collectives Eyrolles 2000, 2001, 2004, 2006 p 97 44
S BELLIER La compétence est-elle un concept nouveau ? Traité des sciences et des techniques P.CARRE et
P.CASPAR Ed Dunod, Paris 2004 p 248 45
http://atilf.atilf.fr/academie9.htm Dictionnaire de l’académie française 9ème
édition
45
ressources mais rechercher des ressources complémentaires, d’être en mesure de transférer,
c’est à dire de réinvestir ses compétences dans un autre contexte46
». Ainsi quand l’infirmière
met en place une prévention d’escarre pour un patient : elle se réfère à ses connaissances, à
son expérience de situations similaires, elle analyse la situation clinique de la personne et
identifie précisément le problème, ses causes, ses signes et ses conséquences. A partir de tout
ceci elle décide d’un type de prévention et choisit les moyens les plus adaptés pour cette
personne, dans cette situation, ce jour-là, dans ce contexte de soins. L’étudiant ne peut pas
imaginer, à partir d’une simple observation, tout le raisonnement de l’infirmière si celle-ci ne
lui explique.
Pour G.LE BOTERF : « être compétent c’est aussi savoir improviser. C’est le savoir
agir et réagir face à l’évènement, à l’imprévu, à l’inédit.47
» Dans toute situation, l’IDE fait
preuve de créativité car aucune situation n’est identique. Installer au lit, en position assise, un
patient hémiplégique, afin qu’il puisse lire ou bien rechercher un moyen pour permettre à une
personne aphasique de communiquer, nécessitent souvent des trésors d’ingéniosité.
Ce que la compétence n’est pas
G. Le BOTERF nous met en garde devant les représentations erronées de la
compétence 48
et les liste :
La compétence n’est pas un état, un ensemble d’aptitudes ou de traits de
personnalité.
La compétence n’est pas une somme : de savoirs, de savoir-faire et de savoir-
être, d’enseignements
La compétence n’est pas une liste d’activités, de sous-activités, de tâches,
d’éléments de la tâche…
A ce sujet nous remarquons que l’acquisition des compétences dans l’arrêté du 31
juillet 2009 et ses annexes, se décline en une somme d’acquisitions : d’UE, d’éléments de
compétences, d’activités… Ce qui devient très lourd pour les professionnels.
Ceci nous amène à notre première hypothèse. Les tuteurs limitent la compétence à
l’acte ou à la capacité. C’est pourquoi la formation des tuteurs doit prendre en compte leur
représentation de la compétence pour tenter de la transformer. (Reconnaissons que le
portfolio, tel qu’il est fait, conforte cette vision).
46
G. LE BOTERF Construire les compétences individuelles et collectives Eyrolles 2000, 2001, 2004, 2006 p 95 47
Ibid. p 87 48
Ibid. p 51et 52
46
En même temps, dans certaine situation, la compétence, n’est-elle pas limitée ?
Variabilité du concept selon la situation
A ce sujet, G. LE BOTERF parle de « curseur de la compétence » 49
qui oscille entre
deux types de situations de travail :
L’une soumise au caractère répétitif normalisé, est « protocolisée » répondant à
un travail d’exécutant
L’autre confrontée aux aléas, à la complexité et à l’inédit exigeant une
réflexion, des prises de décisions et des innovations.
Selon le métier, l’individu peut se trouver dans l’une ou l’autre situation, voire dans
les deux. L’IDE est confronté aux deux types de situations : certaines actions relèvent de
l’application de procédure, exemple : une transfusion. Alors que d’autres actions ne relèvent
d’aucune procédure mais nécessitent une réflexion et des prises d’initiatives. Cette précision
est un élément d’explication possible de la confusion commune entre acte et capacité.
Une autre difficulté que pose la compétence est sa formulation dans les référentiels. En
effet, le contexte de la situation, dans lequel la compétence est requise souvent, n’apparait
pas, d’où l’importance de souligner la différence entre compétences requise et réelle.
Différence entre « compétence requise et réelle »50
G. LE BOTERF, distingue compétence requise et compétence réelle. La première
correspond à la tâche prescrite dans un contexte professionnel particulier et s’énonce
clairement, alors que la seconde représente la compétence mise en œuvre en situation réelle.
Dans une organisation taylorienne où la tâche prescrite est décrite selon une procédure
précise, la compétence requise devient la tâche prescrite. La compétence attendue répond dans
ce contexte à l’exécution de la conformité à la procédure, à l’exécution de l’acte.
Dans la situation d’autonomie, la compétence réelle est parfois difficile à décrire et à
repérer et donc à évaluer. Les opérations mentales qu’elle suppose : recherche de données,
sélection d’informations mémorisées et utiles, mobilisation des connaissances, raisonnement
et liens effectués, etc.ne sont pas aisées à constater. Quand l’étudiant voit l’IDE dans une
activité, il n’imagine pas et ne voit pas toutes les actions que la compétence engendre. Pour
pouvoir mieux les caractériser, il faudrait décrire des schèmes opératoires, par familles de
situations.
Le schème renvoie au concept de représentation. Si la représentation est
schématiquement l’image, l’idée que l’on a d’une chose et à laquelle on est attachée parce
49
G. LE BOTERF Construire les compétences individuelles et collectives Eyrolles 4ème
éd p 58 à 61 50
Ibid p 74 à 94
47
qu’elle fait partie intégrante de notre représentation générale de l’univers, des autres et de soi,
le schème est l’image que l’on a de l’action ou des actions qui sous-tendent la représentation.
Le schème complète la représentation en se concentrant sur l’action.
Le schème opératoire, est selon G. LE BOTERF, une démarche qui détermine des
invariants au sein d’un type d’activité, quelque soit le contexte. « C’est un ensemble de
« méta-règles » qui sont définies par rapport à une famille de situations et qui permettent de
construire des enchainements d’actions pour résoudre un cas particulier de problème
relevant de cette configuration. Sa souplesse provient du fait qu’il ressemble davantage à une
démarche qu’à un mode opératoire limité. Les constantes ne doivent pas faire oublier les
variables »51
.
Cette notion de schème opératoire peut être intéressante pour l’exploitation des
résultats de la recherche. En effet la difficulté de l’IDE réside bien dans le fait que toute
situation est unique, d’où l’inadaptation des fiches techniques et l’impossibilité de
protocoliser certaines tâches. L’élaboration et l’utilisation de schèmes opératoires peuvent
permettre aux tuteurs de développer la compétence chez l’étudiant, dans certaines situations.
Cette remarque nous amène à nous interroger sur ce que signifie sur le terrain, l’approche par
compétence et si cela change quelque chose pour l’encadrement des stagiaires.
L’approche par compétence
L’approche par compétence n’est autre que la démarche par laquelle, la formation
aborde la compétence et son apprentissage. Plusieurs approches existent : l’approche par les
savoirs, les savoir-être et les savoir-faire, l’approche par les compétences cognitives etc.
L’approche par les savoirs, est la classification selon les types de savoirs : savoirs,
savoir faire et savoir être. Mais elle atteint vite ses limites : où s’arrêtent les savoirs et où
commencent les savoir-faire et savoir-être ? Où classer tout ce qui est de l’ordre de la
stratégie, l’intuition etc. ? Les frontières entre les différents savoirs ne sont pas si simples,
notamment au niveau du « savoir être » où elles engendrent des attentes floues et disparates
d’un individu à l’autre.
Une autre approche consiste à faire un classement par compétences. L’enseignement
théorique tel qu’il est défini par le référentiel de formation en soins infirmiers, utilise cette
approche. Celle-ci, aussi a ses limites et nous le constatons chaque jour. Ce découpage entre
les savoirs se traduit par une liste d’enseignements, insatisfaisante et incompatible avec la
notion du processus de compétence. De plus nous le constatons également il ne convient pas
51
G. LE BOTERF Construire les compétences individuelles et collectives Eyrolles 2000, 2001, 2004, 2006 p 78
48
dans la pratique, d’où la nécessité de développer des méthodes comme : la métacognition,
l’analyse de pratique, la réflexivité, le récit d’explicitation… Une approche semble plus
adaptée : l’approche par les compétences cognitives52
. En effet elles rassemblent tout ce qui
est du domaine du raisonnement analytique et de l’expertise technique. Ce sont toutes les
démarches intellectuelles que nous utilisons en situation pour résoudre des problèmes. Ce sont
aussi ces mêmes démarches que nous utilisons pour comprendre, agir et transférer. Pour
explorer la compétence cognitive, trois critères sont à examiner53
: les savoirs-référence, la
relation spatio-temporelle et l’interaction relationnelle.
Les savoirs-référence ou savoirs déclaratifs sont transférables d’une situation à l’autre.
Ils regroupent pour la formation infirmière l’enseignement des concepts, la démarche éthique
et clinique, tout ce qui constitue le socle des savoirs professionnels…La relation au temps
renseigne sur la façon dont le professionnel se projette dans le temps, pour réaliser les
activités et résoudre le ou les problèmes en situation, ce qui met en jeu son propre rapport au
temps. La relation à l’espace, se définit comme la capacité à prendre en compte tous les
éléments du contexte, utiles pour comprendre la situation et résoudre au mieux le problème.
Enfin le dernier indicateur de l’approche par les compétences cognitives est l’interaction
relationnelle. Ce dernier indicateur comprend deux critères mesurables : la fréquence de
l’interaction dans les situations et la nature de l’interaction : à côté de(s) personne(s) ou en
face à face ou avec la(les) personne(s).
Pour Sandra BELLIER, « les compétences cognitives se construisent dans l’action » et
de ce fait, l’approche par les compétences cognitives s’adapte à la formation sur le terrain et
tout particulièrement à la formation clinique en soins infirmiers. Prenons un exemple, lors de
la réalisation d’un soin : les connaissances cliniques, psychologiques et techniques sous-
tendues par cette situation, peuvent être interrogées… . La relation au temps peut être testée
au travers du projet de soins, (délais, objectifs et prévisions d’horaires pour les soins) ; la
relation à l’espace peut être, elle, contrôlée au cours de la tâche et lors des transmissions,
quant à l’interaction relationnelle, elle est abordée avec la communication avec la personne
soignée, la personne qui encadre, l’équipe soignante, la famille, les intervenants d’autres
disciplines. Ainsi à partir de cette situation de soin, en amont et en aval, les 10 compétences
de l’IDE peuvent être explorées.
52
S BELLIER La compétence est-elle un concept nouveau ? Traité des sciences et des techniques P.CARRE et
P.CASPAR Ed Dunod, Paris 2004 p 247 53
Ibid p 248
49
En fait les méthodes didactiques citées plus haut comme l’analyse de pratique, la
métacognition utilisent cette approche. La formation des tuteurs doit comporter
l’apprentissage de ces méthodes et le lien avec les compétences.
Pour faciliter la gestion des compétences, le cabinet de conseils COROM a mis au
point en 1992 une méthode.
Critères d évaluation de la compétence
L’approche COROM, définit la compétence comme « la capacité à résoudre des
problèmes efficacement dans un contexte professionnel de manière à répondre aux exigences
de l’organisation »54
. Quatre éléments indispensables à la démarche de résolution de
problèmes sont repérés : les savoirs de références, les types de démarches intellectuelles, les
types d’interactions et le degré de complexité. Ils proposent ces 4 éléments comme critères
d’évaluation de la compétence.
Appliquons ces critères à la compétence de l’IDE. Pour exercer le métier d’infirmier,
pour résoudre un problème en soins infirmiers, il faut avoir des « savoirs génériques »,
comme des connaissances en anatomie et en physiologie, en sciences humaines : philosophie,
psychologie, et également des « savoirs spécifiques à l’emploi » : une expertise dans le
domaine des soins infirmiers : techniques de soins et techniques d’entretien, des
connaissances sur l’accompagnement… Toutes ces connaissances recouvrent le premier
critère : « savoirs de référence » que doit avoir tout IDE et à fortiori, un tuteur.
Face à un problème de soins, l’IDE a, soit une représentation de la solution de par sa
formation et son expérience, soit il n’en a pas, car la situation ne s’est pas encore présentée.
Cette situation peut ne pas être de sa « compétence », ou relever de sa compétence mais le
professionnel ou la profession n’en a pas encore l’expérience. La solution est à inventer, la
démarche intellectuelle se dit de « conception »55
. Si l’IDE a une représentation de cette
solution soit elle correspond à une « application »56
d’une procédure et la démarche
intellectuelle est du type application. Ou alors il a la représentation de plusieurs solutions
possibles et il doit choisir la plus adaptée au contexte et « l’installer ». Il s’agit d’une
démarche intellectuelle du type « installation »57
. Le tuteur, nous l’avons vu doit être
expérimenté, nous dit la loi. Il est plus efficace s’il a une expertise, souligne A. BAUDRIT.
54
Université de Rouen Master 2 ICF Cours sans nom d’auteur 2ème partie Méthodologie d’analyse du travail
p.15 55
Ibid. p15 56
Ibid. p 16 57
Ibid. p 16
50
On peut penser que l’expert en soins a une représentation du problème, même s’il n’en a pas
toujours l’expérience. S’il est tuteur il pourra transmettre son savoir-faire. Dans la situation
d’encadrement, il utilisera plus souvent des démarches intellectuelles de type « conception »
puis, de type « installation » au fil de son expérience grandissante.
Pour résoudre un problème en soins ou traiter des données, l’IDE, comme le tuteur peut
être obligé d’entrer en relation avec différentes personnes : le malade et sa famille, les
collègues, le médecin, l’aide soignante voire l’ASH, le critère interaction relationnelle entre
alors en jeu. Le nombre d’interactions augmente le degré de complexité de l’activité. Il en est
de même pour l’étudiant dans une situation de soins, le nombre d’interactions peut lui poser
problème et augmenter la difficulté de la situation, selon ses aptitudes, ses connaissances et
ses capacités relationnelles. Le tuteur doit prendre en compte ce critère, par exemple, il est
difficile pour un étudiant de se concentrer sur sa technique, sur les remarques du tuteur, et en
même temps prendre en compte les propos de la personne soignée et du voisin de chambre. Il
en est de même quand un étudiant doit entrer en relation avec plusieurs personnes pour
appliquer une prescription. Prenons le cas d’une situation de prescription d’antibiotique peu
courante, en service de gériatrie, dans un EHPAD situé sur un site différent de l’hôpital dont il
dépend. Dans un premier temps, l’étudiant doit demander des précisions au médecin pour
s’assurer du dosage et du mode d’administration. Ensuite il lui faut appeler le pharmacien de
l’hôpital, pour obtenir le produit. Puis passer la commande par fax, appeler le chauffeur pour
la livraison du médicament. Enfin il doit appeler le responsable du matériel biotechnique pour
avoir le pousse-seringue adapté. La multiplication des interactions pour réaliser la
prescription, rendent le soin complexe. Etre en face à face de la personne pour écouter par
exemple l’expression de sa souffrance, être à côté de la personne pour apprendre à faire ses
insulines, ou travailler en équipe demandent des aptitudes et des capacités relationnelles
différentes.
Toute situation requiert un niveau de compétence plus ou moins complexe, c’est là
qu’intervient le critère de complexité, il comprend deux indicateurs : l’espace et le temps.
Deux indicateurs qu’il faut prendre en compte pour un étudiant, en situation d’encadrement.
En effet, on sait que « la difficulté de l’activité croît avec l’incertitude et les variables à
prendre en compte. Celles-ci sont d’autant plus conséquentes lorsque l’individu a à travailler
dans le long terme et sur un grand territoire, par rapport à l’immédiat et dans un espace
restreint »58
. Une étudiante nous rapportait qu’elle ne s’était pas sentie compétente pour
58
Université de Rouen Master 2 ICF Cours sans nom d’auteur Analyse du travail 2ème partie p.15
51
distribuer les traitements dans une unité de psychiatrie, les premiers jours de son arrivée, alors
qu’elle se sentait parfaitement compétente dans l’unité voisine, les jours précédents. La non-
connaissance de l’environnement complique l’activité. Une autre étudiante disait que c’était
plus facile de faire la toilette lorsque la salle de bain était étroite, parce qu’elle « avait tout
sous la main ». Ces deux exemples montrent bien l’importance de l’espace dans l’acquisition
de la compétence.
D’autre part, une activité, qui s’exerce au cours des tâches, en temps réel, avec une
durée limitée, facilite l’acquisition de la compétence parce qu’elle exige le traitement
immédiat des problèmes. Une activité, conduite sur du long terme, nécessite une
représentation du temps, des échéances… De plus, elle réclame une vigilance pour suivre
l’évolution de la situation en cours et répondre aux aléas. Ce type d’activité augmente la
charge mentale et réduit l’acquisition de la compétence. Des situations de prévention, même
simples peuvent gêner les étudiants, qui ont des difficultés à se projeter dans le temps… La
prévention comme les projets d’éducation thérapeutique se construisent et s’évaluent sur du
long terme et chaque action se combine les unes avec les autres. De plus elle fait intervenir de
nombreuses personnes.
Ce qui nous amène à penser que les situations apprenantes doivent être soigneusement
choisies selon le niveau de chaque étudiant afin de ne pas le mettre en difficulté d’emblée
mais de respecter une progression. D’autre part, ces situations illustrent la nécessité pour le
tuteur de repérer selon l’expression de VYGOTSKI la zone proximale de développement59
,
pour chaque apprenant et l’intérêt de l’étayage préconisé par BRUNER60
. Ces théories
mettent l’accent sur l’aide pédagogique du tuteur qui consiste à définir la zone de progrès que
l’on peut attendre de chaque apprenant et mettre en place des moyens pour faciliter la
construction de ses savoirs.
Les formes d’évaluation de la compétence
Pour G. LE BOTERF, la compétence se mesure à partir de 3 éléments61
: le premier
qu’il appelle la performance, pour des raisons que nous expliquerons plus tard, nous parlerons
de résultats, le second comprend les pratiques professionnelles et enfin le troisième : les
ressources.
59
L. VYGOTSKI Pensée et langage La Dispute/SNEDIT Paris pour la traduction française 1997 p.352 60
J.S. BRUNER Savoir faire savoir dire Presses Universitaires Françaises 1983 7ème
édition 2ème
tirage 2004
p.277 61
G. LE BOTERF Construire les compétences individuelles et collectives Eyrolles 4ème
édition p.156 à 167
52
Nous l’avons compris les résultats des actions renseignent sur l’efficacité de l’activité
et par voie de conséquence sur la compétence, notamment sur l’initiative du choix de telle
solution plutôt qu’une autre. Encore faut-il avoir prouvé que la solution au problème peut se
vérifier par ce type de résultats. Face à une personne souffrant d’une hémiplégie, et présentant
un membre supérieur paralysé et œdématié, l’étudiant qui a l’initiative de soulager le bras en
le plaçant en position de fonction et en le maintenant par une écharpe, peut constater
rapidement la disparition de l’œdème. L’étudiant qui installe une personne dyspnéique, en
position demi-assise, peut observer rapidement une amélioration, là encore le résultat a été
confirmé dans la pratique infirmière. Par contre l’étudiant qui prend l’initiative de faire un
entretien auprès d’une personne déprimée ayant un traitement dont les effets commencent à se
faire sentir, ne pourra pas être certain que son état positif provient de l’interaction.
Le second élément porte sur les pratiques professionnelles. Si l’on est dans une
situation d’exécution d’une tâche protocolisée, la compétence sera évaluée sur la conformité à
la procédure. Le tuteur constate l’écart entre la technique de pansement de l’étudiant et la
technique définie par le protocole du pansement. S’il s’agit d’une situation complexe où la
compétence réelle est difficile à saisir, l’étudiant doit avoir eu en amont, connaissance d’une
pratique professionnelle pertinente et des savoirs utiles de référence, justifiant celle-ci. Pour
l’évaluation, le tuteur doit prévoir une situation similaire d’évaluation qui permette d’évaluer
« la capacité à mettre en œuvre une pratique professionnelle pertinente »62
. L’évaluation ne
porte plus sur un savoir faire particulier mais bien sur une maitrise globale de la situation.
Pour évaluer la compétence dans des situations dangereuses, une simulation permet
d’apprécier la pertinence, le professionnalisme de la réponse de l’étudiant. Le critère n’est
plus la conformité mais la pertinence.
« Les savoirs mis en œuvre dans la compétence sont distincts de ceux acquis en
formation. L’évaluation des savoirs mis en action est donc distinct de l’évaluation des acquis
de la formation »63
Ils se sont transformés au contact de la réalité. Pour cela plusieurs
conditions doivent être remplies dont la distinction entre évaluation et validation. Cette
dernière a lieu un jour donné et la décision est collégiale, alors que l’évaluation se pratique en
continue et fixe des repères de progression pour l’étudiant. La pertinence peut être contrôlée
par l’explicitation des schèmes opératoires soit en simultané soit en différé.
62
G. LE BOTERF Construire les compétences individuelles et collectives Eyrolles 2000, 2001, 2004, 2006
p.158 63
Ibid. p.160
53
Les « ressources » font partie du troisième élément évaluable. Elles comprennent les
connaissances, les aptitudes, les capacités, les modes de raisonnement etc. Elles sont
nombreuses et font partie des conditions pour devenir compétent, mais elles ne garantissent
pas la compétence. Ce dernier élément est important pour le tuteur, parce qu’il peut ainsi
repérer les conditions qui manquent à l’étudiant et organiser un environnement facilitant.
Comme nous pouvons le remarquer l’évaluation par compétences ne peut être
standardisée, nous dit P. PERRENOUD. Comme elles s’acquièrent au gré de situations
rencontrées elles s’évaluent de la même façon, « suivant les cas, certains sont plus actifs que
d’autres, car tout le monde ne fait pas la même chose en même temps. Par contre chacun
donne largement à voir ce qu’il sait faire, en agissant, en raisonnant à haute voix , en prenant
des initiatives et des risques »64
La compétence ne confère pas la perfection et n’exclut pas l’erreur.
.3.2 Compétence et erreur
L’erreur existe, même les personnes les plus expertes ne sont pas à l’abri. La
profession ne peut pas s’autoriser l’erreur, pourtant tout apprentissage y est confronté. Le
tuteur est confronté à l’erreur de l’étudiant. Il lui faut donc comprendre sa propre
représentation et son attitude face à celle-ci.
Erreur et représentation mentale
Une étudiante de 3ème
année me confiait qu’au deuxième jour de son dernier stage, elle
s’était aperçue que le prélèvement qu’elle avait effectué ne concernait pas la bonne personne.
Les deux patientes étaient démentes. Arrivée en salle de soins, elle découvrit son erreur, jeta
le prélèvement et repartit ponctionner la personne concernée. De retour dans la salle de soins,
l’IDE du secteur était présente. Elle lui raconta son erreur, celle-ci immédiatement changea
d’attitude, lui disant qu’elle ne pourrait plus lui faire confiance et que dorénavant elle ne lui
confierait plus des soins à responsabilité. Malgré l’insistance de l’étudiante, expliquant que la
situation avait été immédiatement récupérée, que le contexte présentait un facteur élevé de
risque d’erreur (deux personnes atteintes de démence dans une même chambre), cette IDE
resta sur sa parole. Durant le stage, l’étudiante n’eut plus la possibilité de réaliser ce type de
soins, avec cette IDE et quelques autres collègues qu’elle avait convaincues du bien fondé de
sa décision. L’étudiante me précisa que suite à cette erreur elle avait perdu confiance en elle.
Cet exemple démontre, que l’erreur risque de déclencher un « jugement négatif » parfois
64
P.PERRENOUD Construire des compétences dès l’école 1997 p.102-103 Anthologie des textes clés en
pédagogie D. ALEXANDRE ESF éditeur 2010 p.92
54
définitif et que la représentation ainsi que la peur engendrées, masquent la compétence à
réajuster.
Pourquoi condamner l’étudiante ? Pourquoi l’accompagnement de l’étudiante n’avait-
il pas été prévu ? Pourquoi ne pas anticiper le risque d’erreur ? Nous pourrions ainsi
poursuivre le questionnement, mais cela montre combien l’erreur est tabou dans ce métier,
sans doute parce qu’elle est associée à la faute : l’erreur fatale, la mise en danger de la
personne. Combien elle peut être un frein à l’acquisition de la compétence et à la prise
d’initiative. Ceci nous amène à une autre hypothèse : l’erreur ramenée à la faute signe une
représentation erronée de la compétence.
Étymologie et pensée commune
Les erreurs en tout genre, ont jalonné notre scolarité et plus tard nos études
secondaires ou professionnelles : « erreurs de calculs », « erreurs d’étourderie », « erreurs de
raisonnement » Le sens étymologique de ce terme, d’origine latine est « action d'aller çà et
là », d'où « incertitude, ignorance, erreur», puis il a pris les sens d’« Action de se tromper, de
s'écarter de la vérité, (…) Acte inopportun, maladroit, fâcheux(…) Ce qui n'est pas conforme
au vrai, au réel ou à une norme définie ; faute, méprise, confusion... »65 Nous retiendrons ce
dernier sens qui donne à l’erreur, mauvaise presse : la FAUTE ! « Fautes d’étourderie ! Faute
d’orthographe ! »… Pourtant le mot « faute » signifie, au sens étymologique, une notion
différente de l’erreur. En effet elle vient du « latin populaire fallita, « action de faillir,
manque et du latin classique falsus, « faux, falsifié » »66
. Elle se définit comme « un
manque » ou « un manquement ». C’est ce dernier sens qui nous intéresse : « Manquement à
un devoir, à une règle morale, à une règle professionnelle, à une obligation légale ou
contractuelle ». Mais la notion nouvelle qu’apporte la faute est celle de la
responsabilité,… « Responsabilité de quelqu'un dans un manquement, une erreur, une
bévue. »67
L’erreur, elle, est admise, comme l’illustre l’expression : « l’erreur est humaine »
« Errare humanum est », autorisant le droit à l’erreur. Mais la locution latine ajoute
« perseverare diabolicum », indiquant que persister dans son erreur, après en avoir eu
connaissance, devient diabolique. Dans les esprits le malin pousse au mal, donc à la faute. De
là, de l’erreur à la faute, il n’y a qu’un pas, d’où cette confusion très tenace dans les
mentalités. Ceci nous conduit à l’hypothèse que la représentation de la compétence, par les
IDE, ne tolérerait pas l’erreur, car elle est confondue avec la faute. Pour exemple, le langage
65
http://atilf.atilf.fr/academie9.htm Dictionnaire de l’académie française 9ème
édition 66
Ibid. 67
Ibid.
55
professionnel évoque « des fautes d’asepsie, des faute d’hygiène » mais rarement d’erreurs !.
Pourtant être compétent c’est aussi prendre des initiatives, donc prendre des risques, donc
risquer de commettre des erreurs. Entre « l’errance » et « la faute », entre « laisser
vagabonder son esprit » et « manquer à une règle », les logiques sont bien différentes. Sans
doute est-ce pour cela que le bon sens populaire reconnait qu’agir et se tromper vont de pairs
quand il affirme : « il n’y a que celui qui ne fait rien qui ne se trompe pas ».
Erreur vision positive ou « indicateur du processus intellectuel »68
?
L’erreur, au cours d’un apprentissage, serait-t-elle une errance ? La plupart du temps,
elle est, comme dans la pensée commune, synonyme de faute ou d’échec. Seuls les modèles
pédagogiques constructivistes, considèrent l’erreur comme le reflet des progrès et des
obstacles de la pensée : « l’indicateur des tâches intellectuelles que résolvent les élèves et des
obstacles auxquels s’affronte leur pensée pour les résoudre »69
. En effet l’erreur témoigne
parfois d’une prise d’initiative comme dans l’apprentissage des langues. Dans l’apprentissage
professionnel ne contribue-t-elle pas à l’acquisition de l’autonomie ? « Apprendre c’est
toujours prendre le risque de se tromper. (...) C’est ainsi que l’erreur devient le témoin des
processus intellectuels en cours, comme le signal de ce à quoi s’affronte la pensée de l’élève
aux prises avec la résolution d’un problème»70
nous dit J.P ASTOLFI. Tout est dit : l’erreur
est parfois « signe de progrès ».
Pour BACHELARD, l’erreur révèle un obstacle. L’erreur pourrait être, pour prendre
une image, un barrage fait de certitudes, de représentations, de fausses croyances, d’idées
reçues, d’impressions, qui s’amoncellent et s’interposent à l’assimilation de nouvelles
connaissances. Elle illustre bien le propos de JP ASTOLFI : « l’erreur est un trop plein de
connaissances »71
. Elle suppose un tri, un enrichissement de la pensée. Elle est aussi le
symptôme de cette errance que s’octroie l’esprit pour comprendre et découvrir la solution.
Vue sous cet angle, l’erreur devient un indicateur indispensable pour l’enseignant, qui doit en
décoder la logique.
Si la théorie de BACHELARD, nous permet de découvrir « la logique cachée des
erreurs » PIAGET, semble considérer les erreurs comme des « déséquilibres »72
, mais aussi
des « sources de progrès », dans l’évolution des schèmes de l’enfant. Dans sa théorie, l’enfant
se construit des schèmes à partir des interactions entre l’environnement et lui-même. Ses
68
J.P ASTOLFI L’erreur, un outil pour enseigner ESF éditeur Issy Les Moulineaux 1997 5ème
édition 2003 p.15 69
Ibid. p.19 70
Ibid. p.22 71
Ibid. p.40 72
Irbid p.47
56
schèmes comprennent des « différenciations », des « généralisations » et des
« coordinations », qui permettent à l’enfant de structurer sa pensée. Ces schèmes se
confrontent à des « évènements déclencheurs » qui peuvent perturber cette pensée construite
et provoquer des déséquilibres. Ceux-ci poussent l’enfant à se dépasser pour atteindre une
rééquilibration et entrainent des modifications de la pensée. Ces déséquilibres deviennent des
témoins et des moyens de progression du développement de l’enfant. Les clés de la
construction de la pensée se cacheraient-elles derrière les erreurs ?
Malheureusement la pensée commune n’a pas encore intégrée ce principe et condamne
généralement l’erreur. Cette représentation que nous en avons conditionne notre
comportement face à celle-ci.
Les attitudes devant l’erreur
En général, l’erreur est considérée comme « un raté de l’apprentissage » un
« n’importe-quisme ». Face à celle-ci, deux attitudes sont classiquement adoptées : la sanction
ou la culpabilité. Dans le modèle transmissif, la représentation est la suivante : l’élève est seul
fautif, l’enseignement est estimé clair et explicite. L’acte d’apprendre ne peut être que facile,
compte tenu de l’investissement, d’où l’expression : « après tout le mal que je me suis
donné ! » Nous retrouvons cette représentation chez les professionnels de la santé : la qualité
du travail de l’étudiant doit être proportionnelle à l’investissement de l’équipe qui encadre.
De ce fait, l’erreur même bénigne ne se conçoit pas et l’équipe rend coupable l’apprenant.
Dans le modèle behavioriste73
, l’erreur est considérée comme un « bogue ». La
responsabilité est portée par l’enseignant, l’enseignement : la méthode pédagogique, la
période choisie, le projet d’enseignement…En situations d’encadrement en stage, certains
IDE, suite à l’erreur vont se remettre en cause et excuser, minimiser l’erreur. Nous nous
souvenons d’un exemple, lors d’une mise en situation professionnelle, où nous relevions le
fait que l’étudiant n’avait pas installé au plus près de son soin, la boite jette-aiguille. L’IDE fit
remarquer, qu’en effet, il était impossible pour l’étudiante d’appliquer ce principe de
précaution, car pratiquement aucune IDE ne le respectait, compte-tenu que les aiguilles
étaient munies d’un système de sécurité.
Dans le modèle constructiviste, l’erreur est positivée. Elle est considérée comme un
obstacle, révélateur de la difficulté de l’apprentissage et comme le signe du progrès. Certains
IDE sont dans cette attitude car ils tentent de comprendre l’erreur et recherche avec l’étudiant,
sa cause.
73
J P ASTOLFI L’erreur, un outil pour enseigner ESF éditeur Issy Les Moulineaux 1997 5ème
édition 2003 p.23
57
Face à l’erreur, la mission du tuteur est non seulement de comprendre mais d’évaluer
la capacité à se remettre en cause, à réajuster, à se responsabiliser, c'est-à-dire de mesurer le
progrès. Finalement l’erreur ne sert-elle pas aussi à mesurer la compétence ? L’erreur n’est
pas seulement « faute professionnelle » il existe des erreurs sans gravité, sans danger, voir le
chapitre Le risque d’erreur dans la situation d’apprentissage en soins infirmiers, comme
l’oubli cité plus haut d’installer la boite jette aiguilles au plus près du soin. Par contre le tuteur
et les professionnels de proximité doivent anticiper les erreurs possibles des plus bénignes au
plus graves, pour les étudiants et pour eux-mêmes. Pour exemple, installer deux personnes
démentes dans une même chambre fait courir un risque grave d’erreur. En même temps, nous
savons que la réalité du terrain a sans doute conduit à cette décision, parce qu’il ne restait plus
qu’une seule chambre disponible. Néanmoins, il convient de rapidement réajuster en
remédiant à cette situation. Anticiper l’erreur signifie, développer le processus de soutien,
décrit par BRUNER en insistant sur certaines phases de la fonction d’étayage74
et sur la
qualité du feed-back. Chaque étape 75
est un étai comme le tuteur l’est à la plante. Au cours de
la réalisation de la tâche simulée ou non, l’étape de « simplification de la tâche »76
va
permettre au tutoré de réussir. Placer d’emblée, les étudiants dans une situation complexe est
source d’erreur et de découragement. Ce faisant indiquer les caractéristiques déterminantes
pertinentes77
pour l’exécution en précisant les risques d’erreurs, les dangers possibles pour les
patients, est capital. Parler des erreurs possibles démystifier l’erreur, voir parler de ces propres
erreurs est aussi une priorité. Au cours de l’exécution d’une partie de la tâche avec le tuteur,
aider l’étudiant à « contrôler sa frustration »78
c'est-à-dire rendre plus facile la situation, la
résolution du problème qu’elle suppose, ne pas la compliquer par une culpabilisation.
N’oublions pas la phrase de BRUNER : « Une procédure d’épreuve et un tuteur créent une
atmosphère soit de stimulation, soit de découragement »79
. Enfin présenter un modèle de
réponse80
, si possible en utilisant ce que l’étudiant a déjà fait. Certains IDE utilisent de façon
intuitive cette méthode, par exemple pour l’apprentissage de gestes techniques. Pour
apprendre la ponction veineuse : ils choisissent une personne réputée « facile à piquer ». Puis
ils déterminent les étapes du soin en insistant sur les points essentiels. A l’inquiétude de
74
J . S BRUNER Savoir dire savoir faire PUF Paris 1983 7ème
édition 2ème
tirage p.277 75
Les phases d’étayage apparaissent en italique, mais ne sont pas reprises mot à mot, d’où l’absence de
guillemets 76
J . S BRUNER Savoir dire savoir faire PUF Paris 1983 7ème
édition 2ème
tirage p277 77
Ibid. p 278 78
Ibid. p 278 79
Ibid. p 268 80
J . S BRUNER Savoir dire savoir faire PUF Paris 1983 7ème
édition 2ème
tirage p 278
58
l’étudiant, ils répondent : « je suis là à côté de toi ». Lors de la réalisation, ils discutent avec
la patiente pour que l’étudiant puisse se consacrer à la technique. Ils vérifient la conformité de
la technique, réajustent, encouragent et si l’étudiant ne parvient pas à saisir la veine, ils
« reprennent la main » pour reprendre leur expression et montrent le geste. Après le geste, ils
commentent et évaluent la pratique, les points forts, les points faibles à travailler et
complimentent l’étudiant. Si devenir compétent passe par l’action, cela impose aussi
l’imitation d’un modèle. Or, nous dit, BRUNER, on ne peut imiter une action que si on l’a
comprise.
Pour conclure, nous citerons encore BRUNER, qui définit la compétence comme une
« intelligence opérative du savoir comment »81
en précisant qu’elle nécessite au moins 3
capacités : sélectionner les éléments du contexte, utiles pour définir une ligne d’actions ;
mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés ; tirer partie des succès comme des erreurs et
les réinvestir dans d’autres situations d’activités similaires.
Nous l’avons compris, apprendre c’est faire des erreurs. Si, dans le monde de la santé,
cela est difficilement envisageable, nous pouvons alors nous interroger : attendre un « sans
faute » ne signifie-t-il pas confondre performance et compétence ?
.3.3 Compétence et performance
Cette confusion, constitue une autre hypothèse à vérifier sur le terrain : Les tuteurs et
les professionnels de proximité se représenteraient la compétence comme étant une
performance de productivité (nombre d’actes) ou/et de qualité.
De nos jours, les exigences économiques contraignent toutes les entreprises à être de
plus en plus performants pour se maintenir. Il est question de performance en économie, en
organisation… Au sein de chaque entreprise, on recherche comment développer les
ressources. Chaque dirigeant attend de ses professionnels : compétence et performance.
L’origine du mot performance se trouve dans le monde hippique et concernait les résultats des
chevaux. Aujourd’hui avec la course au profit, de nombreuses études se tournent vers
l’amélioration des performances. On parle beaucoup de performance organisationnelle dont
les trois critères sont : efficacité et efficience et productivité82
.
La notion d’efficacité renvoie aux résultats et pose la question : les résultats attendus
sont-ils atteints ? En stage, les étudiants sont souvent confrontés à cette notion d’efficacité.
81
Ibid. p 255 82
http://odlv.free.fr/documents/recherche/crperf.PDF Les cahiers de la recherche CLAREE Le concept de
performance et sa mesure Olivier de La VILLAEMOIS
59
D’ailleurs un des critères de qualité du soin est : l’efficacité. Imaginez, qu’une IDE ne sache
pas appliquer une prescription, serait impensable. Toutefois concernant ce critère, il est à
noter que nous avons surtout une obligation de moyens. En effet l’efficacité n’est pas
seulement fonction de la compétence technique : si nous prenons l’exemple de la technique du
prélèvement sanguin, il est fonction du capital veineux des patients, et aussi du consentement
du patient lui-même, nous ne pouvons et ne devons pas obliger une personne à subir un soin.
Si une personne refuse l’aide pour la petite toilette, certes le soin ne sera pas efficace dans son
ensemble, mais la responsabilité de la non-efficacité incombera-t-il à l’IDE, s’il a essayé de
convaincre la personne du bien fondé du soin ? L’efficacité au travail met en jeu de nombreux
facteurs : le consentement, nous l’avons vu mais aussi l’environnement et notamment la
gestion des ressources. Un étudiant, à qui on reproche de n’avoir réalisé que deux toilettes,
dans sa matinée, a-t-il été inefficace ? En termes de productivité, sans doute mais son soin, est
certainement efficace ? Nous l’avons compris tout dépend des objectifs poursuivis : pour
reprendre la toilette si le résultat attendu du soin est que la personne soit propre et détendue, le
soin a été efficace, si l’objectif est d’effectuer 10 toilettes dans la matinée, le résultat en terme
de productivité n’est pas atteint. Un tuteur doit sans cesse veiller à ce que soit bien distinguée
la logique de qualité/efficacité du SOIN objet de son apprentissage, de la logique de
productivité.
L’efficience compare les moyens, les ressources et les résultats attendus, et tente de
répondre à la question : les résultats sont-ils à la hauteur des moyens ? La pertinence du choix
des moyens et des méthodes dans les situations permet de mieux atteindre les objectifs et
l’efficience. La performance rejoint la qualité, d’ailleurs un des critères de performance est la
pérennité. Dans le domaine des soins infirmiers, des audits sont parfois réalisés pour contrôler
la qualité des soins, depuis peu une revue : Evidence-Based Nursing publie des études sur des
activités de soins probantes, où sont comparés les résultats escomptés et obtenus et les
moyens mis en œuvre. L’efficience à l’échelle professionnelle individuelle pour un IDE et un
étudiant consiste à une analyse de sa pratique et notamment la pertinence des moyens, elle
renvoie à la responsabilité notamment l’obligation de moyens.
La productivité, est difficile à concevoir en ces termes dans le secteur de soins,
pourtant il faut bien admettre que le secteur de la santé est pleinement concerné par les enjeux
financiers et économiques, compte-tenu du contexte social déjà évoqué. La loi HPST
témoigne de ce cette obligation, son objectif est de réorganiser la prise en charge médicale et
paramédicale pour un meilleur rendement et un minimum de coût. Que nous le voulions ou
non, nous produisons des soins, nous ne pouvons pas faire abstraction de ce critère. Partout il
60
est demandé des rapports d’activités, ceux-ci sont examinés et doivent être en corrélation avec
les contraintes de matériels, d’effectif. C’est pourquoi, certains services sont mieux dotés que
d’autres en effectifs et matériels. Les secteurs, comme ceux des soins aux personnes âgées,
souffrent souvent de cette politique. Les effectifs sont souvent calculés au plus juste. Une
logique de productivité s’installe au niveau des soins avec une sorte de course à la montre
pour effectuer, avec les moyens fournis, tous les soins. Cette politique a des retombées
néfastes sur les résidents, le personnel et les étudiants.
La performance correspond aussi à un des niveaux de compétence, de qualité de la
compétence. Le modèle Dreyfus identifie un modèle d’acquisition des compétences. Les deux
frères Dreyfus, l’un mathématicien et analyste des systèmes, l’autre philosophe, observent les
joueurs d’échec et les pilotes d’avion. Ils identifient, à partir de leurs observations, différents
stades d’acquisition de compétences. Ils décrivent cinq stades par lesquels passe tout
apprenant : novice, débutant, compétent, performant et expert83
.
Au stade de la compétence, l’étudiant sait « prendre des décisions, contrôler la
situation, prend des initiatives, s’implique dans les résolutions de problèmes. Il remet en
cause les règles »84
. Il a conscience de sa responsabilité dans les choix et les décisions qu’il
prend. « C’est l’implication émotionnelle qui permet le passage de l’hémisphère gauche à
l’hémisphère droit du cerveau, modifiant les connexions neuronales rencontrées suivant les
succès et les échecs. Trop d’échecs et notre compétent ne pourra surmonter ses peurs pour
passer au niveau suivant, finissant même par régresser »85
. L’étudiant compétent est parvenu
à passer d’une démarche analytique à une démarche synthétique, globalisante. Alors le stade
de performant n’existe pas en tant que tel, il s’agit du stade de « l’efficace ». Celui-ci arrivé à
ce niveau d’expérience, développe une sorte d’intuition des situations qui lui permet de
prendre des décisions adaptées.
Patricia BENNER, a repris ce modèle et l’a appliqué à la profession infirmière pour
définir les stades par lesquels passe un infirmier. L’IDE parvient au stade compétent après 3
ans d’exercice dans un même lieu. Sa démarche est à la fois abstraite et analytique, ce qui lui
permet de définir des priorités et établir des plans de soins avec des perspectives. Elle pense
« pouvoir maitriser les choses et faire face aux situations imprévues »86
Au stade de
83
http://www.slideshare.net/ehsavoie/le-modle-dacquisition-de-comptences-de-dreyfus Le modèle d’acquisition
des compétences de Dreyfus consulté le 23/03/2011 84
Ibid. 85
Ibid. 86
http://www.sideralsante.fr/bibliotheque/benner.pdf Patricia BENNER. De novice à expert. Excellence en soins
infirmiers.
61
« performant » l’expérience guide l’IDE pour prévoir, définir les priorités, pour agir et réagir
et percevoir avant même l’apparition des premiers signes, le problème de santé.
De cette étude, nous ne retiendrons, dans la pratique des soins, que le critère
d’efficience de la performance, indissociable de la qualité du soin. Nous pouvons conclure
que l’élément commun entre compétence et performance est l’attente de résultat et que la
compétence a des niveaux de performance différents.
Tout au long de ce cadre théorique, le mot représentation a été cité pratiquement dans
chaque partie, il est aussi au centre de la question de recherche, il est temps de définir ce
concept.
.3.4 Le concept de représentation :
Il s’agit d’un concept qui est très utilisé dans les domaines pédagogiques et sanitaires
avec l’éducation thérapeutique et la prévention. Concept apparemment simple, que nous
croyons connaitre, mais que nous avons revisité pour la recherche.
La représentation mentale est définie par Françoise RAYNAL et Alain RIEUNIER
ainsi : « Construction intellectuelle momentanée qui permet de donner du sens à une situation
en utilisant les connaissances stockées en mémoire et/ou les données issues de
l’environnement. » En effet l’environnement produit au sens large tout type de connaissances
allant des idées reçues aux données scientifiques. Dans le domaine des sciences cognitives ce
terme « renvoie principalement aux conceptions des apprenants et aux modèles implicites et
explicites auxquels ils se réfèrent pour décrire, expliquer comprendre un évènement ou une
situation »87
. Les représentations intègrent les croyances populaires, les connaissances
transmises par la société, la famille : données vraies ou fausses, mélange d’expériences, de
peurs ancestrales venues du fond des âges, qui forment ce terreau dans lequel nous
grandissons. Ces connaissances façonnent notre approche de toute chose et déterminent nos
réactions et nos comportements et peuvent rester tenaces, malgré les démentis.
Michel DEVELAY affirme :« Apprendre devient alors la capacité, pour le sujet à
changer de système de représentation ». En effet en pédagogie, les représentations sont
considérées soit comme une erreur à supprimer, soit comme un élément clé de
compréhension. Cet élément peut intervenir soit comme un obstacle à la compréhension soit
comme un point d’appui pour aborder tout concept. C’est pourquoi, elles nécessitent d’être
repérées et ensuite travaillées, « au sens du potier » selon Philippe MEIRIEU pour éviter la
superposition des savoirs et faciliter l’intégration des nouveaux savoirs. Partant du fait que
87
D ALEXANDRE Anthologie des textes clés en pédagogie ESF éditeurs 2010 p 16
62
toute représentation est en même temps obstacle et progrès, il explique que l’attachement à
celle-ci est fonction de la valeur que lui accorde l’individu. Plus la représentation a été chez
l’apprenant, source de progrès, d’explication, de structure, de sécurité, plus elle est difficile à
changer. Plus l’apprenant a investi en elle, en la plaçant soit au centre de ses valeurs et
principes, soit comme fondement de ses projets, plus l’attachement à elle sera important et
difficile à dépasser. Nous comprenons aisément le pouvoir de toute représentation sur tout
nouvel apprentissage et la nécessité de repérer le degré d’attachement à celle-ci, pour tout
apprenant, avant d’enseigner un nouveau concept. J.P. ASTOLFI explique bien ce phénomène
quand il dit : « elles fonctionnent comme un mode d’organisation de la structure cognitive de
l’individu, avec une large diversité quant à leur origine. Ce caractère structural explique leur
résistance didactique. ».
Si nous prenons la représentation de la compétence, celle-ci est souvent floue et difficile
à définir en dehors de l’acte ou de la capacité, d’où l’hypothèse que les IDE et notamment les
tuteurs ont une difficulté à se représenter la compétence et les compétences.
Nous pouvons mieux imaginer la difficulté pour les infirmiers d’intégrer la notion de
compétence, quand on connait l’histoire de la profession. D’abord, formés pour ne donner que
des actes d’entretien et de maintien de la vie, puis pour être des auxiliaires médicaux et enfin
pour accomplir deux rôles : un rôle d’exécutant et un rôle autonome. Tous les infirmiers
savent que cette évolution ne s’est pas faite sans peine, que des anciens ont dû militer pour
obtenir, sur le plan législatif, plus qu’une définition du métier, mais un texte qui définisse le
métier. C’est ainsi que fut définie une liste d’actes délimitant le champ d’exercice infirmier et
identifiant deux rôles, l’un sur prescription et l’autre délimitant le champ d’autonomie de la
profession. La population infirmière est attachée à ses actes qui légitiment son exercice
professionnel et définit sa responsabilité. Le référentiel d’activités n’est pas encore connu de
tous les infirmiers, d’autre part, les activités laissent plus de champ à l’interprétation, elles
sont moins précises que des actes.
L’introduction des compétences dans la formation a été accueillie sans réaction mais
sans prendre conscience que ce simple mot pouvait entrainer une révolution au sein de la
profession.
Nous voici arrivés au terme du cadre théorique, nous pouvons citer nos hypothèses.
.3.5 HYPOTHESES
En résumé, la compétence est une notion difficile à se représenter mentalement et ce,
dans tous les domaines : éducatif formatif, professionnel... Autant il est facile de s’imaginer
63
« une capacité à agir», parce que l’on peut visualiser le « faire » et constater si c’est « fait » ou
« pas fait », autant la compétence est complexe à se représenter. Elle fait appel aux aptitudes
(mémorisation, analyse, dextérité, relationnel…) aux capacités (de jugement, d’agir,
d’adaptation, de maitrise de soi, de réflexivité, de transférabilité, de créativité…) aux savoirs
professionnels, (procéduraux, déclaratifs, de référence, relationnels…), à l’expérience (la
connaissance du contexte, des situations…) à la capacité à résoudre des problèmes en
situations données. Tous ces éléments comme autant de fibre d’un brin de laine, pour
reprendre une image simple, « tricotés » ensemble donnent la compétence. La compétence
comme un brin d’ADN qui donne aux êtres des compétences de nature et de niveaux diverses
et variés. Comment ne pas en avoir une représentation approximative, parcellaire réduite à
l’acte, aux savoirs, se confondant avec la performance, voir l’expertise.
C’est pourquoi à la question de recherche qui est :
En quoi la représentation de la compétence, chez le tuteur, peut ralentir le processus
d’apprentissage par compétences de l'étudiant, alors même que, sa mission est de le
faciliter ?
Trois hypothèses de réponse se dégagent. Elles sont les suivantes :
Les IDE et notamment les tuteurs auraient une difficulté à se représenter la
compétence et les compétences
Les tuteurs limiteraient ou réduiraient la compétence à l’acte, aux activités,
ou aux savoirs
Les tuteurs et les professionnels de proximité se représenteraient la
compétence comme une performance à atteindre
Maintenant que le modèle d’analyse, avec ses concepts et ses hypothèses, est construit,
il peut être soumis à l’épreuve de l’observation pour le vérifier.
64
.4 METHODOLOGIE DE L’ENQUETE ET LE TERRAIN :
.4.1 Choix de la méthode d’observation
Avant de définir la méthode d’observation, rappelons l’objet de la recherche. Il vise à
cerner les représentations les plus communes de la compétence, auprès des tuteurs en soins
infirmiers et à vérifier les 3 hypothèses précitées. Notre travail semble se situer dans le champ
de recherche appliquée. Toutefois nous resterons modestes quant à cette appellation,
conscients des limites de cette même recherche.
Pour construire la méthode d’observation, nous nous sommes interrogés : quelles
données recherchons-nous ? Qui peut nous les fournir ? Et comment pouvons-nous les
obtenir ?
Les données recherchées sont l’expression de représentations mentales des
professionnels, données objectives difficiles à recueillir. D’autant que ces représentations font
référence aux savoirs, mais surtout aux valeurs professionnelles et personnelles et touchent
donc à l’intime. La représentation des compétences chez les tuteurs étant un phénomène
psychosocial, impliquant une catégorie professionnelle, le champ d’analyse de l’observation
se situe dans les phénomènes dits : « socio professionnels ». Les phénomènes sont le tutorat et
l’approche par compétence. Le tutorat mettant en présences deux acteurs, il nous apparait
important d’observer les deux populations : les infirmiers tuteurs et les étudiants. La question
de recherche, centrée sur les représentations des tuteurs, s’oriente en priorité sur leurs
expressions de la compétence et de leurs expériences de tutorat. L’enquête auprès des
étudiants vient en comparaison avec ces résultats, les données recueillies pourront être
croisées avec les résultats de l’observation des tuteurs. C’est cette comparaison des données
entre ces deux observations, qui garantira le critère de validité. L’enquête auprès des étudiants
permettra également de compléter les données apportées par celle menée auprès des tuteurs.
Compte-tenu de l’objet de recherche, nous choisissons la méthodologie d’enquête
qualitative. En effet cette méthodologie nous semble plus appropriée pour explorer et
comprendre les phénomènes cités. La recherche consiste à identifier la représentation de la
compétence du tuteur et l’impact de celle-ci dans sa pratique du tutorat.
Après avoir défini le champ d’analyse et l’échantillon sur lequel se porte
l’observation, il nous faut déterminer maintenant le type d’outils.
65
.4.2 Choix des outils
Nous avons souhaité utiliser plusieurs outils : des entretiens auprès des tuteurs et
auprès des étudiants, un recueil de données concernant les outils existants. Il aurait été
intéressant de réaliser des observations sur le terrain de situation d’encadrement par les
tuteurs. Nous n’avons pas choisi cet outil bien qu’intéressant parce qu’il risquait d’être vécu
comme une évaluation. En effet, les épreuves de validation dans la profession étant basées
jusqu’à ce jour sur les mises en situation professionnelles un jour donné, risquaient de placer
les tuteurs dans des conditions d’examens, modifiant leur manière de faire. Dans ces
conditions, le caractère d’objectivité ne pouvait pas être garanti.
.4.2.1 L’entretien
Cet outil nous paraissait mieux correspondre à la culture professionnelle de la
population interviewée. Les infirmières, se situent plus dans une culture de l’oral. Des siècles
de transmissions orales ont fait qu’elles sont plus à l’aise dans un entretien que devant un
questionnaire, d’autant plus que, celui-ci traite d’un sujet abstrait comme une représentation.
D’autre part, l’entretien nous est apparu comme le moyen le plus adapté pour recueillir
des données les plus objectives possibles. La possibilité, pour l’interviewé et l’interviewer, de
pouvoir expliquer, argumenter, clarifier questions réponses, à la différence d’un questionnaire
nous paraissait indispensable. En même temps, nous avions conscience des biais suivants : le
risque pour l’interviewer d’influencer l’interviewé ou de voir évoluer sa réflexion au cours de
l’entretien, au regard des questions à la différence du questionnaire. Malgré cela, l’entretien
nous semble encore l’outil le plus adapté pour faciliter l’expression spontanée. Connaissant
ces biais, il ne tenait qu’à nous d’instaurer un climat de confiance et à rester vigilant pour les
éviter. Parmi tous les types d’entretien, notre choix s’est porté sur : l’entretien semi-directif
afin d’orienter les interviewés vers l’objet de notre recherche et d’éviter tout dispersion. La
grille d’entretien se limite à quatre ou cinq questions ouvertes, qui seront complétées par des
questions de relance, des reformulations. Le faible nombre de questions permet, un certain
degré de liberté pour accéder à un maximum de données. Il exige de notre part beaucoup de
neutralité, de distance pour ne pas se laisser emporter par le sujet…
Après avoir posé les bases de la méthodologie utilisée, nous abordons successivement
les différents outils d’enquête utilisés.
66
La durée prévue pour chaque entretien est évaluée de trente minutes à quarante cinq
minutes. La grille d’entretien pour les tuteurs88
s’articule autour de 3 axes à aborder au cours
de l’entretien : le tutorat (constat du bénéfice de cette méthode, moyens mis en place (par le
tuteur, attentes ou et les exigences), la situation particulière des erreurs et la représentation de
la compétence. Le premier axe balaye deux champs : les changements perçus chez les
étudiants et la pratique d’apprentissage et l’approche de l’erreur. La question des attentes et
des exigences ainsi que la situation de l’erreur devraient permettre d’évaluer si les tuteurs
attendent des performances. Enfin la dernière question interroge directement la représentation
de la compétence.
.4.2.2 Outil d’observation auprès des étudiants
La durée prévue pour chaque entretien est de trente minutes. La grille d’entretien pour
les étudiants 89
est construite selon 2 axes : l’encadrement en stage et le vécu du stage. Le
premier axe prend en compte l’accompagnement par le tuteur : son rôle, les domaines
d’interventions, les activités et les moyens mis en œuvre. Aucune question n’évoque la
compétence, étant donné que cette question s‘adresse seulement aux tuteurs. Toutefois, à
partir des réponses nous pensons pouvoir identifier si l’apprentissage priorise, les actes ou les
savoirs ou les compétences ou s’il attend une performance.
.4.2.3 L’observation des outils d’apprentissage
Cette observation comprend deux aspects : les outils mis à la disposition de l’étudiant,
et du tuteur (formalisation de l’apprentissage et des résultats) et les outils pour apprendre,
créés par le tuteur, le cadre, l’équipe… Ces outils peuvent être officiels ou spécifiques du lieu
de stage. L’observation consiste à recenser les outils existants officiels et créés, pour les
analyser à partir de deux critères : « conformité au concept qu’il sert » et « adapté à l’usage »
qui en est fait. En effet tout outil est fondé à partir d’un concept. Son but est de faciliter le
travail pour lequel il a été inventé. Mais il existe au moins deux dérives ne permettant pas à
l’outil d’atteindre son but, soit sa conception n’est pas adaptée, soit l’utilisation qui en est
faite, conduit à l’instrumentalisation de l’utilisateur, dénaturant ou appauvrissant le concept
qu’il est censé servir. Il existe toujours le risque de s’éloigner du concept au cours du passage
de l’abstrait au concret, l’objectif étant de réduire cet écart pour qu’il soit efficace.
88
ANNEXE III a 89
ANNEXE IV a
67
Le portfolio, est la deuxième innovation dans la formation clinique en soins infirmiers,
et le support de stage mis en place. Il est centré sur l’acquisition des compétences, ce qui
sous-entend qu’il s’appuie sur le concept de compétence. Comme tout outil pédagogique il
sert un concept de base et est élaboré à partir d’une méthode.
L’observation de l’ensemble des outils portera sur trois critères : le concept qu’il sert,
sa constitution et son utilisation. Pour l’outil officiel nous ajouterons le critère de conformité.
Le but de cette étude est d’identifier s’il peut y avoir un lien avec l’hypothèse n°2 : la
compétence est réduite à l’acte.
Après avoir choisi les outils nous allons déterminer les populations observées.
.4.3 La population ciblée pour les entretiens :
.4.3.1 Les tuteurs.
Le choix des professionnels interviewés s’est porté sur des infirmiers, sans distinction
d’âge, nouveaux ou anciens diplômés. Nous souhaitions avoir un échantillon d’infirmiers
tuteurs de chaque « famille de stage » : courte et longue durée, psychiatrie et santé mentale,
soins collectifs ou individuels et dans les deux secteurs : public et privé. Nous avons décidé
d’effectuer deux entretiens en chirurgie, deux en médecine, deux en EHPAD, et deux en
psychiatrie.
Pour étudier la population, nous avons retenus les critères suivants : l’année
d’obtention du diplôme, le secteur d’activité du professionnel, le statut de la structure,
l’information reçue pour le tutorat et la formation spécifique. Le critère « année d’obtention
du DE », permet de dater et d’identifier la formation reçue et de voir si celle-ci pouvait
influencer la conception de la compétence et de l’accompagnement des étudiants. Le statut
public ou privé de la structure, a été choisi parce qu’il est déterminant dans les moyens mis en
place pour le tutorat et peut influencer les représentations des professionnels, selon la culture
de l’établissement. Enfin « le parcours de l’infirmier » permet de voir si l’expérience
influence la représentation de la compétence. Le nombre d’entretiens a été limité à huit, afin
d’avoir au minimum deux infirmiers dans chaque secteur de soins identifiés.
.4.3.2 Les étudiants
Au départ nous pensions, sélectionner uniquement des étudiants ayant eu un manque
d’initiative. Il est apparu que cette sélection n’apportait rien à l’objet de recherche, ce critère
n’a donc pas été retenu. Nous souhaitions avoir un échantillon d’étudiants représentatif :
première et deuxième année, étudiant en promotion professionnelle, au moins un ancien aide
soignant, des étudiants ayant rencontré des difficultés avec le tutorat et d’autres n’en ayant pas
68
eu. Le nombre d’entretiens, auprès des étudiants, retenu, est de 8 le même nombre que les
tuteurs.
.4.4 La Réalisation des observations
Nous avons commencé nos entretiens auprès des étudiants de première année, à leur
retour du premier stage. Ensuite nous avons réalisé les entretiens auprès des tuteurs et nous
avons terminé avec les deux étudiants de deuxième année, à leur retour de leur stage. Tous les
entretiens ont été enregistrés vocalement, au moyen d’un mini PC net book. L’anonymat fut
garanti pour tous.
.4.4.1 L’enquête auprès des étudiants
A la suite du retour de stage, nous avons proposé aux étudiants de participer à une
enquête sur le tutorat, la condition étant qu’il devait avoir eu un tuteur en stage.
Malheureusement nous n’avons pas pu interviewer le nombre prévu d’étudiants, par manque
de disponibilité de part et d’autres et aussi faute de tuteur. Toutes les structures, comme nous
l’avions indiqué n’ont pas encore mis en place un tutorat en soins infirmiers.
Au total nous avons interviewé six étudiants : quatre de première année et deux de
seconde année, dont un redoublant et qui pouvait comparer l’encadrement en stage ancien et
nouveau programme. Une personne sur les six, a déjà exercé en tant qu’aide soignante en
secteur de soins à domicile. Deux avaient rencontré des problèmes en stage.
Nous avons convenu d’une date et d’un horaire. Les entretiens se sont déroulés à
l’IFSI, dans le bureau de la formatrice. Pour éviter le biais lié à la position hiérarchique et
évaluatrice, nous avons veillé à ne pas nous placer « en face à face » mais « à côté de
l’étudiant ». Leur durée de trente minutes a été prise sur le temps de pause du déjeuner.
.4.4.2 L’enquête auprès des tuteurs
Pour contacter les tuteurs, nous avons respecté la voie hiérarchique en appelant la
cadre de l’unité et en lui expliquant notre démarche. Soit nous rappelions le cadre pour
connaitre les personnes intéressées, la date, l’horaire du rendez-vous, soit elle nous
communiquait ces informations par mail. Pour le secteur psychiatrique, nous avons contacté
deux établissements : l’un en psychiatrie adultes et le second en pédopsychiatrie. Pour la
première structure, nous avons pris rendez-vous directement avec un des tuteurs, détachés des
services, pour sa mission de tutorat. Pour le second établissement nous avons pris contact
avec le cadre supérieur, qui a demandé une autorisation à sa direction. Une fois cette
démarche faite, il a été proposé aux tuteurs de participer à l’enquête, selon leur souhait. Tous
69
étaient intéressés. Nous avons eu une réunion avec les trois cadres responsables du tutorat sur
l’ensemble du tutorat de ce même établissement. Nous leur avons présenté le thème de notre
recherche. Nous nous sommes retrouvés dans une situation que nous n’avions pas prévue :
nous venions pour interviewer seulement deux personnes et en fait les huit tuteurs
souhaitaient participer. Devant l’intérêt porté par les professionnels à notre sujet, nous avons
décidé d’en interviewer cinq. Les trois cadres de santé ont choisi les tuteurs et nous les avons
ensuite contactés.
Nous avons chaque fois été bien reçus, en général un bureau nous était réservé. Nous
avons pris plaisir à aller à la rencontre de toutes ces professionnels, à les écouter. Nous avons
eu la joie de constater combien ils étaient heureux de nous faire part de : leur expérience, leurs
satisfactions, leurs difficultés, leurs questionnements. La durée des entretiens a été plus
longue que prévue, tous avait beaucoup à exprimer. Les entretiens des professionnels étaient
réalisés sur leur lieu de travail et ceux des étudiants, comme prévus, au sein de l’institut de
soins infirmiers.
.4.5 Les difficultés rencontrées au cours de l’enquête
Pour la recherche, nous avons réalisé, au total 20 entretiens. Le nombre des entretiens
des étudiants, fut réduit à six, pour les raisons que nous avons évoquées plus haut. Sur les 14
entretiens auprès des tuteurs : l’un fut inexploitable, pour des raisons techniques et un autre
servit de test. Nous aurions souhaité l’analyser, bien qu’il s’agisse d’un tuteur de bloc
opératoire encadrant des infirmiers au cours de leur spécialité. Nous n’avons pas pu, faute de
temps tous les dépouiller et les saisir. Ce fut une frustration double en pensant à la richesse
des données et à la disponibilité que les personnes nous avaient accordée.
Une autre difficulté fut la conduite d’entretien. Nous nous rendîmes vite compte que la
situation de l’entretien, même si elle avait été délibérément choisie par les professionnels,
pouvait mettre mal à l’aise au début du moins, certains d’entre eux. Une enquête suscite
souvent un sentiment de méfiance, d’autant que nous ne précisions que le thème, les finalités
n’étaient pas exposées, pour éviter d’orienter leurs réponses.
Au niveau de la technique d’enquête, un biais fut rencontré car certains tuteurs
semblaient, surtout au début rechercher la « bonne réponse », celle que nous attendions. Etait-
ce notre position de formateur qui induisait ce biais ?
Un autre obstacle provenait de la différence de statut entre l’interviewé et
l’interviewer, le premier étant un infirmier ou un étudiant et le second un cadre formateur. En
effet l’authenticité dans les réponses étant attendue, elle pouvait être mise à mal par le fait que
70
l’infirmier face au cadre ou l’étudiant face au formateur, cherche à donner, en bon élève, la
réponse attendue.
D’autre part, formuler des questions de relance pertinentes et précises en temps réel,
lorsque nous souhaitions clarifier les propos de la personne interviewée, ne fut pas toujours
facile.
Une autre difficulté rencontrée, fut le traitement des données en temps réel. Nous
avons eu beaucoup de difficultés à écouter tout en ayant présentes à l’esprit, ces trois
questions ; « qu’est-ce qu’il me dit des choses dont il parle ?, qu’est-ce qu’il me dit de ce qu’il
en pense. Et qu’est-ce qu’il me dit de ce qu’il cherche à accomplir comme acte à mon
égard » ? 90
; En ayant également le souci de recentrer si besoin, de poser l’ensemble des
questions au moment le plus opportun, pas forcément dans l’ordre ; et en ayant aussi le
respect de la durée de l’entretien. Nous avons pris conscience de la rigueur et de la tension
qu’exigeait ce type d’exercice.
Un autre écueil fut la tentation d’oublier la position de chercheur, emporté par le sujet.
Nous avons respecté, autant que possible l’attitude d’écoute au cours des entretiens, mais,
craignant de nous retrouver devant des données inexploitables, nous avons noté les mots, les
expressions afin de pouvoir rebondir. Cette technique nous permit d’avoir une bonne
compréhension des données, cependant pour un entretien, les questions et les reformulations
furent trop nombreuses. Cet entretien fut aussi le seul qui s’est déroulé en deux temps. Tous
les entretiens des tuteurs eurent lieu sur le lieu de travail des interviewés, sauf un seul. Un
entretien dut se dérouler en deux temps : le début de l’entretien ayant été retardé, ceci nous
conduisit à l’interrompre et à le continuer quelques jours plus tard, sur le lieu de travail du
tuteur.
.4.6 Les limites de la méthode
Nous avons bien conscience que l’analyse de 15 entretiens n’est pas suffisante pour
parler d’un travail de recherche. De plus, il aurait été bon pour l’enquête auprès des étudiants
d’avoir un nombre plus important au moins égal à celui des tuteurs, de réaliser un autre
entretien en médecine, et un autre en chirurgie et en EHPAD, afin d’avoir le même nombre
dans chaque secteur d’activités, ainsi nous aurions pu effectuer une analyse comparative plus
90
A. BLANCHET et A. GOTMAN L’enquête et ses méthodes : l’entretien 2ème
édition 2007 Paris Armand
Colin
71
fiable. Nous avons comptabilisé le service SSR comme service de médecine, compte-tenu de
son activité mais en fait il appartient maintenant aux familles de stages de soins longue durée.
En ce qui concerne les étudiants, nous avons regretté de ne pas avoir été attentifs à varier
expériences de stage. En effet, deux étudiantes étaient en EHPAD, trois en santé mentale en
FAM et deux en psychiatrie.
72
.5 ANALYSE DES DONNEES
Pour analyser les données recueillies, nous avons pratiqué simultanément pour chaque
entretien une analyse longitudinale thématique, à partir des hypothèses. Ces thèmes ont été
découpés en catégories. Parallèlement une analyse de contenu a été réalisée sur l’ensemble du
discours. Pour les entretiens des étudiants, nous avons procédé uniquement à une analyse
longitudinale, à partir des mêmes thèmes, pour comparer les réponses.
L’analyse des données comprend 5 sous parties.
Nous avons recueilli, en première sous partie, les résultats aux questions :
représentation de la compétence limitée aux actes ou aux savoirs (hypothèse 2) et difficulté de
représentation de la compétence (hypothèse 1), en reliant, pour cette hypothèse, les réponses à
l’entretien et l’observation de l’outil portfolio.
En seconde sous partie, nous précisons les savoirs attendus par les tuteurs, afin
d’identifier leur représentation de la compétence au travers de ces savoirs.
La troisième sous partie explore l’hypothèse 3 : représentation de la compétence
comme une performance à atteindre.
La quatrième sous partie rapporte le type d’encadrement : les activités citées par les
tuteurs, les erreurs rencontrées en cours d’apprentissage, les outils mis en place, la
représentation de l’accompagnement vu par les tuteurs et étudiants : missions, conditions.
Enfin dans une cinquième sous partie, nous exposons la vision appréciative des
étudiants concernant le tutorat et le portfolio et leurs activités en stage.
Tous ces résultats obtenus ont une valeur bien sûr, relative compte-tenu que
l’observation porte sur un échantillon faible. Ils ne peuvent donner que des tendances et
ouvrir des pistes de recherche.
.5.1 Représentation de la compétence limitée aux actes ou aux savoirs ?
(hypothèse 2)
.5.1.1 Résultat des entretiens des tuteurs sur le concept de compétence
Les résultats ont été obtenus à partir de deux analyses : l’analyse de contenu sur
l’ensemble du discours et une analyse longitudinale de chaque entretien, dont la grille est en
annexe91
.
Pour réaliser l’analyse de contenu, nous nous sommes basé sur le concept de
compétence pour définir les mots à cibler. Nous avons ainsi retenu les items suivants en lien
91
ANNEXE 6 c
73
avec la compétence : « capacité », « Faire », « savoir et connaitre », « analyse et réflexion »,
« démarche de soins et résolution de problème » et « adaptation ». Puis nous avons repéré,
tout au long du discours, les termes suivants : « faire », « capables de » « savoir » le verbe ou
le substantif, « connaitre » ou « connaissance », « analyser » ou « analyse », « réfléchir » ou
« réflexion », « démarche de soins », « résolution de problèmes » et « adaptation » chaque
fois qu’ils se rapportaient à l’étudiant. Nous les avons ensuite classés selon 6 items : « Faire »,
« Savoir et connaissance » « Analyse et réflexion » « Démarche de soins et résolution de
problème », « Adaptation » et « Capacité ». Ils ont été comptabilisés par entretien. Nous
avons ensuite calculé les pourcentages des mots retenus dans chaque item par entretien. Mais
pour éviter d’avantager les discours les plus longs et assurer le critère de validité, les
pourcentages de chaque mot ciblé a été calculé proportionnellement à l’ensemble des termes
retenus. Ils ont été reportés sur un tableau. Ensuite avoir un profil de la représentation de la
compétence par interviewé, nous avons choisi d’illustrer les résultats obtenus par un
graphique « radar ». Alors que la représentation globale des 9 tuteurs est illustrée par un
histogramme.
Pour l’analyse de la réponse à la question que représente pour vous la compétence,
nous avons fait une synthèse pour chaque entretien que nous comparons au profil obtenu.
Le tuteur de l’entretien n°1, seul homme, parmi les interviewés, infirmier en chirurgie,
après quelques hésitations, explique que c’est « ce qu’on voit dans le service, par rapport à ce
qu’il y a comme soins dans le service », « on regarde le portfolio, ce qui est marqué et ce que
doit valider l’étudiant comme compétence pour « ajuster les soins qui correspondraient » et il
ajoute qu’il « comprend la compétence comme des connaissances de l’étudiant. L’analyse de
contenu est pleinement cohérente avec ses propos : faire et savoir
Radar n 1 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°1
74
Les deux plus jeunes IDE ont répondu que c’était « flou » pour elles. Toutes deux
s’accordent à dire qu’il s’agit d’une « une notion difficile » ou « compliquée »
La plus jeune diplômée (entretien n°2 en chirurgie) dit « avouer que c’est encore un
petit peu flou » évoque le portfolio, que « c’est assez compliqué » et que « l’évaluation des
compétences c’est encore un petit peu ce qui pose problème ». Elle hésite beaucoup avant de
donner une définition : « ce qu’a acquis l’étudiante et ce qu’il peut faire. C’est l’acquisition de
ce qu’il peut faire, de ce qu’il a pu comprendre dans la compréhension, dans l’évolution, en
fait de sa formation ». Acquisition faite à partir du « savoir faire et savoir être, plus dans le
sens de savoir faire dans le sens de comprendre le geste ». L’analyse de contenu montre que
l’action, « activité » est prioritaire dans le discours avec un peu de savoir et de démarche.
La seconde jeune diplômée (entretien 6 en médecine), en plus de la notion de flou,
indique qu’elle a « du mal à suivre un peu avec les compétences, avec ce nouveau système
d’évaluation »… Pour elle c’est « encore complexe », concernant les acquisitions des
compétences, « certaines notions sont un peu subjectives ». Elle renvoie à la difficulté de
notation et pose la question : « sur quoi faut-il se baser spécifiquement ? ». Elle précise que la
compétence s’acquiert « au fur et à mesure de sa carrière cela se situe sur le long terme mais
pas à l’instant T ». Elle fait référence au portfolio. L’analyse de contenu révèle l’importance
du savoir. Notons qu’au cours de l’entretien elle a précisé qu’elle regrettait que les étudiants
n’aient pas étudié les pathologies infectieuses avant de venir en stage.
Radar n 2 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°2
75
La première tutrice en psychiatrie (entretien n°3) avoue : « qu’elle n’en tient pas
compte » mais précisent « qu’elles apparaissaient au quotidien ». Elle aussi, fait le lien avec le
portfolio : « c’est pour ça qu’on travaille le portfolio avec la référente qui va être notre
indicateur sur les compétences... Elles essaient de faire un condensé entre les objectifs, la
pratique, la réflexion, ce qu’il a amené ou n’a pas amené et ce qu’il a mal compris ».
L’analyse de contenu donne la priorité à l’action.
La seconde tutrice en psychiatrie (entretien n° 4), elle aussi exprime le fait que c’est
« une notion difficile à définir, que ce n’est pas clair ». Elle fait aussi le lien avec le portfolio :
« les critères ne sont pas très clairs » elle pose la question de la « compétence professionnelle
comment la définir ? Ecoute ? Posture ?... » L’analyse de contenu montre qu’elle met l’accent
sur l’agir.
Radar n 6 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°6
Radar n 3 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°3
76
Quant à la troisième tutrice en psychiatrie (entretien n°5) elle a beaucoup insisté sur la
capacité à prendre des initiatives et à entrer en relation. L’analyse de contenu est en cohérence
avec son discours. On peut remarquer que « faire », « savoir » et « analyser » s’équilibrent.
Par contre la priorité est donnée aux capacités.
La tutrice de SSR (entretien n°7) associe la compétence à la validation de la
compétence 3. Pour elle, c’est la base du métier et elle comprend les soins techniques.
L’analyse de contenu est cohérente avec la définition de sa représentation
Radar n 5 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°5
Radar n 4 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°4
77
Quant à la tutrice de l’EHPAD (entretien n°8), après être restée, un instant,
silencieuse, finit par définir la compétence comme étant : « réussir la mission qu’elle s’était
fixée ». Pour elle cela « aboutit à un résultat : apaiser un patient, a su être à l’écoute, a su
répondre à une demande, une attente » et à une compréhension. C’est « le savoir être et le
savoir faire acquis à partir d’une formation », avec au départ « une sensibilité à exploiter ».
L’analyse de contenu priorise les savoirs. D’ailleurs, dans la définition que nous rapportons,
le terme savoir est présent deux fois.
La tutrice du long séjour (entretien n°9), a cité les propos d’une formatrice « le plus
important était que les étudiants aient des connaissances et sachent faire les liens entre ce
qu’ils font et pourquoi ils le font ». Par contre dans son discours l’analyse n’est pas présente.
Radar n 7 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°7
Radar n 8 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°8
78
Nous constatons que l’analyse de contenu met l’accent sur le « faire », pour tout
service confondu même la psychiatrie. Il est vrai que dans la pratique infirmière comme dans
les textes législatifs qui la régissent, l’acte symbolise la profession. Nous pouvons remarquer
que les profils des tuteurs des secteurs d’activités comme la chirurgie, la médecine le SSR,
l’EHPAD et le long séjour correspondent bien à la charge en soins. D’autre part, il est à noter
que l’infirmière de médecine priorise les savoirs, ce qui correspond à la demande des
médecins. D’autre part il est intéressant d’observer que l’infirmière de psychiatrie (entretien
n°5) de formation psychiatrique a un profil particulier à savoir : « capacités, analyse et
réflexion » sont prioritaires. Serait-ce dû à sa formation ?
Pour terminer sur la représentation de la compétence, voici l’histogramme
correspondant à la représentation globale des tuteurs fournie par l’analyse de contenu :
Radar n 9 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°9
Histogramme n° 1 : Synthèse de la représentation de la compétence analyse de contenu
79
Ici, l’hypothèse, que les tuteurs interviewés se représentent la compétence, avant tout, comme
un acte, est confirmée. Viennent ensuite le savoir, la réflexion et l’analyse par ordre
décroissant.
.5.1.2 Existe-t-il chez les tuteurs, des difficultés à se représenter la compétence ?
(Hypothèse 1)
La synthèse de la réponse de l’ensemble des tuteurs, à la question : « Que représente
pour vous, la compétence ? », comme nous pouvons le voir la représentation est moins
marquée en faveur de la compétence/acte.
« L’acte » a toujours une part importante avec « ce qu’il y a comme soins », mais « la
référence au portfolio » est équivalente. Cette constatation est intéressante car elle montre que
dans l’esprit des tuteurs règne une certaine confusion entre l’outil d’acquisition de la
compétence et la compétence elle-même. Ce constat reflète pour nous, la réalité des terrains
dont nous sommes référents. D’autre part, la notion de complexité revient plusieurs fois avec :
« c’est compliqué pour évaluer » « notion difficile à définir » ; elle est parfois renforcée chez
certains interviewés, par l’analyse de contenu. De plus, les hésitations et la notion de flou
Histogramme n° 2 : Synthèse de la représentation de la compétence réponse à la question
80
montrent bien la difficulté à se représenter la compétence. Ces résultats valideraient donc
notre hypothèse n°1.
Le portfolio ayant une part aussi importante que l’acte, nous nous proposons de
découvrir les résultats de l’observation du portfolio, pour ensuite croiser les données.
.5.1.2.1 Résultat de l’observation des portfolios :
Comme tout portfolio, support de formation, il comprend 3 parties : une partie
présentation, une partie apprentissage et une partie évaluation. Il a pour objectif, d’après le
texte du référentiel92
: « l’évaluation de la progression de l’étudiant en stage ». Pour cela il se
base sur « l’acquisition des compétences et des activités et actes infirmiers ». Cependant le
texte, alors qu’il met l’accent sur la progression, en précisant bien que : « l’acquisition des
éléments de chaque compétence et des activités techniques est progressive, chaque étudiant
peut avancer à son rythme » ajoute « à condition de répondre aux exigences minimales
portées dans, l’arrêté de formation ». En effet pour chaque compétence est indiqué une
échéance. Si nous prenons l’exemple de la compétence 1 : « évaluer une situation clinique»,
qui doit être validée, on doit se poser la question : comment une étudiante, jeune bachelière de
18 ans, sans expérience préalable, entrée en septembre 2010, pourrait-elle valider, en juillet
2011, après deux stages, l’indicateur suivant : « repérer les signes d’urgence, de détresse, de
décompensation d’une pathologie ou d’un dysfonctionnement »… ? Qu’en est-il de la
possibilité d’avancer à son rythme ? D’autre part cet outil, « qui sert à mesurer la progression
de l’étudiant »93
est surtout centré sur l’évaluation.
En observant la maquette originale, Annexe VI du référentiel de formation, il nous
semble difficile d’évaluer le critère de conformité au concept de compétence. Le tableau ci-
dessous reprend, dans la colonne de gauche « ce que n’est pas la compétence » et
« l’évaluation des compétences » d’après G Le BOTERF, éléments du concept, et tente de les
comparer avec ce que propose l’outil.
COMPETENCE PORTFOLIO Annexe VI de la loi du 31 juillet 2009
« Ce que n’est pas la compétence » p
« pas une somme de :
savoirs,
savoir-faire
savoir-être
pas une liste d’activités
pas liste de sous activités ».
Listing d’activités
Listing de critères et indicateurs par compétence que l’étudiant doit
avoir acquis.
92
Profession infirmier p 82 93
Profession infirmière p 82
81
Evaluation des compétences requises et réelles
Extrait évaluation entrée par les
pratiques professionnelles
« Jugement d’efficacité ou
d’utilité» (Résultats) 94
Mon parcours : actes, activités et techniques de soins
Cette évaluation devrait valider ceci
« Jugement de conformité »95
Mon parcours : acquisition des compétences : l’évaluation des
critères devraient le valider
« Maitrise d’une situation
professionnelle dans son
ensemble »96
« Mise en situation en continu
au plus près de la situation de
travail »97
« Mise en mots du schème
opératoire »98
« Ressources : savoirs,
capacités… » 99
Evaluation en direct
Evaluation « à postériori » de situations à problèmes : les deux
analyses de pratiques à chaque stage avec une liste d’éléments
indiqués à renseigner. Ceux-ci peuvent être indiqués sans mettre en
évidence le schème opératoire.
Sans doute serait-il préférable d’indiquer une méthodologie plus
précise à la place d’une liste d’éléments à remplir. Exemple la
méthode COROM :
« Les savoirs de référence, »
« Le type de solution dans cette situation (conception, application,
installation) »,
« Interactions (nature et fréquence) »,
« Critère » de complexité : espace et temps »
« Verbalisation différée »100
Avec analyses de pratiques
« Verbalisation simultanée »101
Lors des activités
En bleu figurent les commentaires, au regard des éléments du concept.
D’autre part, la maquette du portfolio, dans la partie « acquisition des compétences »
comprend pour chaque critère une case avec les « acquis », « non acquis » « à améliorer » et
« non pratiqué ». Au regard de ces critères est déroulée une liste d’indicateurs. En face chacun
se trouve une case vierge offrant la possibilité de renseigner cette zone. Le référentiel de
formation précise que « les indicateurs permettent aux professionnels d’argumenter les
éléments sur lesquels les étudiants doivent progresser ». Nous pouvons en déduire que la
place laissée en face de chaque indicateur, peut être un argument, une appréciation…
.5.1.2.2 L’observation des portfolios vierges existants :
94 G. LE BOTERF Construire ses compétences individuelles et collectives Eyrolles 4ème édition p 156 95 Ibid p 157 96 Ibid p 158 97 Ibid p 157, 160 98 Ibid. p 161 99 Ibid. p 164 100 Ibid p162 101 Ibid p163
82
Nous avons comparés les 2 portfolios actuellement sur le marché. Le tableau ci-
dessous met en évidence que le portfolio n°1 ne valide pas le critère « adapté à l’usage » en
effet il est volumineux et peu ergonomique.
Critères Eléments à retrouver Portfolio n°1 Portfolio n°2
Adapté à l’usage Peu encombrant
Peu volumineux
Place suffisante pour écrire
Document de 40 pages
En mode paysage
Manque de place pour l’écriture
des analyses de pratiques, et le
bilan du stage
Document 20 pages
En mode portrait
Place suffisante pour
écrire sur chaque
feuille
Critères Eléments à retrouver Portfolio n°1 Portfolio n°2
Conforme à la loi
Fiche formation
Fiches Analyses de
pratiques
Fiche bilan de stage
Mon parcours acquisition
de compétences
Mon parcours : actes,
activités
Copie conforme présentation et
fiches
Présentation
différente
Fiches conformes,
disposition différente
Mode d’utilisation
conforme à la loi
Pour l’évaluation
des acquisitions
des compétences
Renseignement de chaque
critère par « non pratiqué »
« non acquis », « à
améliorer » ou « acquis »
2 pratiques :
1 : Renseignement de chaque
critère conformément à la loi
2 : Evaluation de chaque indicateur.
Le total obtenu, détermine
l’évaluation du critère par « non
pratiqué » « non acquis », « à
améliorer » ou « acquis »
1 pratique :
Renseignement de
chaque Critères
conformément à la
loi
Evaluation globale de
chaque critère
Evaluation de chaque critère
soumise à l’évaluation de chaque
indicateur
Exemple pour compétence 4 : 9
critères, chaque critère ayant des
indicateurs ex : le critère 1 possède
9 indicateurs
Evaluation globale de
chaque critère
D’après l’étude comparative, le portfolio n°1, est semblable à l’annexe VI, avec un
espace pour chaque indicateur. Il permet 2 pratiques d’évaluation différentes. La première
répond à l’évaluation globale de chaque critère et la seconde pratique ne semble pas y
répondre, comme le prévoit le texte, car elle soumet l’appréciation des critères à la validation
des indicateurs.
83
Le portfolio n°2, ne donne pas la possibilité d’écrire un commentaire en face de
chaque indicateur comme le prévoit l’annexe VI, par contre, il ne soumet pas l’évaluation de
chaque critère à la somme des indicateurs acquis.
Les étudiants de la région possèdent le portfolio n°1. Plusieurs IFSI ont adopté la
2ème pratique. Au regard de cette étude, nous comprenons mieux pourquoi les tuteurs
évoquent la notion de complexité. L’outil finit par absorber la compétence et complexifie
encore le concept et l’évaluation.
D’autre part, le portfolio comprend une liste de compétences définies chacune par une
liste de critères, déclinés en indicateurs. Ces indicateurs sont en fait des activités. A cela
s’ajoute une liste d’actes et d’activités à renseigner comme les critères. En résumé, pour les
utilisateurs du portfolio 1, le portfolio = somme de compétences = somme de critères =
somme d’indicateurs = somme d’activités ». Comment ne pas associer ensuite la compétence
à l’acte ou l’activité ?
Comme nous avons pu le constater le système d’évaluation des indicateurs augmente
l’exigence de l’acquisition des critères, troisième hypothèse.
.5.2 La représentation de la compétence au travers des savoirs attendus par
les tuteurs
L’analyse longitudinale des entretiens des tuteurs, a permis de dégager plusieurs
thèmes communs : « attentes à l’arrivée dans le stage », « niveau attendu, en cours ou fin de
stage » « exigence » « erreur » « contexte d’apprentissage » « apprentissage » « posture»
« évaluation des compétences ». Pour chaque entretien, nous avons trié les données selon ces
thèmes. Puis nous avons dégagé des données communes, que nous avons ordonnées dans un
tableau récapitulatif. Ces données ont été classées dans le tableau selon un classement. Le
classement choisi a été : l’approche compétence classique par le savoir, savoir faire, savoir
être. Toute représentation s’appuyant sur des connaissances, la notion de savoir nous semblait
être le point commun entre compétence et représentation. A ce classement nous avons ajouté
les rubriques suivantes « jugement clinique » « objectifs de formation » et « le profil attendu »
« apprentissage » et « erreurs ». En effet l’approche par les compétences cognitives n’était pas
envisageable parce qu’il nous manquait des éléments : comme l’espace, le temps et la nature
et fréquence de l’interaction. Ensuite nous avons procédé à nouveau à l’examen de chaque
entretien en repérant les données et en les codant. Puis nous avons renseigné le tableau avec le
code, chaque fois que la donnée était présente.
84
.5.2.1 Les savoirs attendus par les tuteurs
Comme nous pouvons le constater ces savoirs attendus s’appuient sur des
connaissances en pathologies et en pharmacologie. Notons que les attentes au niveau des
normes sont deux fois moins importantes alors que les soins sont de plus en plus
« protocolisés », que les vigilances sont nombreuses : hémato vigilance, pharmacovigilance
que la pratique infirmière doit répondre à l’exigence de la conformité.
Par contre nous pouvons voir qu’au moins 30% des tuteurs attendent que les étudiants
se donnent les moyens d’apprendre et saisissent les moyens qui leur sont fournis. Ils
souhaitent qu’ils construisent leurs savoirs. Ils attendent également qu’ils répondent à des
questions d’expert. En secteur gériatrique, deux infirmières demandent à l’étudiante de
première année de connaitre les démences et la maladie d’Alzheimer, ce qui parait difficile
pour ce niveau de formation.
Histogramme 4 : Savoir être attendu par les tuteurs
Comme nous pouvons le constater l’attente des tuteurs au niveau du savoir-être se situe
au niveau du positionnement, ce qui n’est pas le plus simple pour un étudiant sortant de
scolarité, entrant dans le monde professionnel. D’autre part le statut du stagiaire ne facilite pas
toujours le positionnement. Mis en situation professionnel en continu, il est dans un statut
d’apprenant mais à certain moment de faisant fonction par exemple d’aide soignant.
Histogramme 3 : Savoirs attendus par les tuteurs
85
Histogramme 5 : Savoir Faire attendu par les tuteurs
Ce graphique met en évidence l’importance des activités (10 activités cités sur 20
éléments de réponses), du savoir faire et confirme le résultat de l’analyse de contenu. (Pour
information, la compétence 3 rassemble tous les soins d’hygiène, de confort). Vient ensuite la
prise en charge globale du patient de « A à Z » comme ajoutent certains tuteurs. La part de
participation aux soins directs est importante. Nous pouvons nous étonner que le droit à
l’erreur soit autorisé. En fait plusieurs tuteurs ont évoqué le fait que « personne n’était à l’abri
d’une erreur ». Mais comme le précisent plusieurs professionnels, si l’étudiant commet une
erreur, c’est que l’IDE n’a pas fait preuve de vigilance. Par contre nous constatons des
demandes inadaptées pour des premières années et des deuxièmes années débutantes comme :
la maitrise du geste et la gestion d’un secteur, d’un service à la fin du stage ainsi que la
gestion des urgences et l’élaboration de projet éducatif qui nécessite la compétence d’un
expert. En effet la maitrise du geste s’acquiert avec l’expérience. Notons également, le niveau
d’exigence attendu pour la compétence 3 celui d’une aide-soignante voire au-delà !
Parmi l’ensemble des éléments de réponses des tuteurs, nous retrouvons les 3 entrées
possibles pour évaluer les compétences de G. LE BOTERF : les activités réalisées, les
ressources (collaboration, interdisciplinarité), les pratiques professionnelles avec des normes
(sécurité et qualité) et la maitrise du geste.
86
Histogramme 6 : La compétence jugement clinique.
Avec cet histogramme, apparait une nouvelle compétence, s’ajoutant aux précédentes
(compétence gestuelle et de la maitrise), que nous avons appelé « le jugement clinique ».
Nous constatons que seulement 30% des tuteurs attendent une réflexion sur le soin et que les
autres activités intellectuelles sont inférieures à 30%, alors que nous avons vu sur le
graphique précédent, que l’acte représentait 100%. Si nous comparons l’histogramme n°2
(Synthèse de la représentation de la compétence réponse à la question) nous remarquons que 3
éléments représentent ce type de compétence : « faire les liens », « transposer les savoirs » et
« ce qu’il peut comprendre » et que la somme des 3 équivaut à 30%. Il semblerait donc que
l’analyse, la réflexion existe bien dans la représentation de la compétence de quelques tuteurs
interviewés. A partir de cette observation il serait intéressant de le vérifier par une recherche
quantitative.
Nous retrouvons une demande réflexion « plus pointue » par rapport à la psychiatrie.
Un des tuteurs de ce secteur disait attendre plus, des étudiants de 2ème
année, et faisait
référence à sa formation. Il s’agissait d’une infirmière de formation psychiatrique. Peut-on
demander à une étudiante de se former à une spécialité avant même d’avoir terminé sa
formation de base ? Par contre en apprentissage transmettre ce savoir d’expert me parait
souhaitable.
.5.2.2 Profil d’étudiant attendu par les tuteurs
L’histogramme suivant représente le profil attendu des étudiants. Il montre que la
rigueur n’est pas une valeur attendue première mais l’implication est devenue la valeur
primordiale. En effet n’est-elle pas une des « ressources » indispensables chez l’étudiant pour
développer la compétence. Pour illustrer nos propos, nous citerons Bernard REY« ce qui
donne du sens au savoir, c’est le projet d’en faire usage pour résoudre le problème posé ou
87
accomplir la tâche »102
. D’ailleurs les tuteurs attendent en lien avec l’implication une prise
d’initiative et une autonomisation.
Histogramme 7 : Le profil d’étudiant attendu.
L’histogramme ci-dessous montre que les tuteurs placent les objectifs de stage avant
ceux de l’étudiant. Pourquoi accordent-ils plus d’importance aux objectifs du service qu’à
ceux de l’étudiant ? Là encore n’est-ce pas la représentation de l’acquisition de la compétence
ou de l’étudiant ou des deux qui est en jeu ? Nous remarquons également que 10% exigent
que la compétence soit maintenue, dans le cas contraire, ils n’hésitent pas à « dévalider ». Là
encore l’exigence de la maitrise est attendue.
Histogramme 8 : Les objectifs de formation.
Cette observation, montre que la représentation de la compétence se situe avant tout
dans des actes et activités de soins. En comparant ces graphiques si nous retenons toutes les
valeurs supérieures à 40% nous obtenons le profil souhaité, suivant : une personne impliquée,
102
D. ALEXANDRE Anthologie des textes clés en pédagogie p 54 Bernard REY Les compétences transversales
en question 1996 p 204-205
88
capable d’initiatives, ayant des aptitudes, se questionnant, sachant se positionner, réalisant des
actes, des activités, des soins indirects, des prises en charge globale. Au travers de ce profil se
dessinent davantage de capacité que de compétences.
.5.3 Les tuteurs se représentent-ils la compétence comme une performance à
atteindre ?
Il s’agit de distinguer l’atteinte des résultats attendue dans la compétence, et la
performance réalisée. Nous avons croisé les données des catégories « attentes à l’arrivée dans
le stage », « niveau attendu, en cours ou fin de stage » « exigence » « erreur ». Nous avons
identifié des attentes supérieures au niveau des étudiants, tant au niveau du savoir, savoir être
que du savoir faire : la gestion des urgences ou d’un service pour une étudiante première
année, la maitrise du geste…. La performance attendue se situe donc dans l’attente de
réponses de savoir d’expert, de comportements, de maitrise ou de gestion, c’est à dire au
niveau de résultats. Ces niveaux d’attente sont souvent non adaptés à l’année de formation,
voire dépassant le statut d’étudiant, comme la gestion d’un service. La mise en situation, pour
être bénéfique, sans trop de prise de risque, sans trop de stress, doit avoir lieu, après avoir
atteint un certain niveau de formation. Ou alors elle est accompagnée dans un objectif
d’apprentissage, non d’évaluation.
Le schéma ci-dessous récapitule les axes de performance demandés aux étudiants,
confirmant l’hypothèse 3.
Radar n° 10 : Axes de performance demandés par les tuteurs.
89
Ce graphique confirme la présence de performances notamment dans : les soins de
nursing, la maitrise du geste et l’expertise des savoirs.
Après avoir démontré que les tuteurs demandaient des performances aux étudiants,
comparons les résultats obtenus sur la représentation de la compétence avec ceux de
l’encadrement afin de voir si le processus d’apprentissage prend en compte la compétence.
.5.4 Encadrement et compétence ?
.5.4.1 Résultat de l’observation auprès des tuteurs : Activités, erreurs rencontrées,
outils
.5.4.1.1 Les activités
L’histogramme ci-après énonce les activités d’encadrement citées par les tuteurs au
cours des entretiens. En tête des activités : « réalise le bilan de mi-stage » : activité habituelle
avec l’ancien programme, puis vient : « réalise souvent des bilans » à hauteur de 57% : cette
activité se développe avec le nouveau référentiel, il est conseillé de faire le point chaque
semaine. Ensuite « prend en compte des besoins et des difficultés » de l’étudiant se situe
autour de 43%, ce qui est cohérent avec l’augmentation des bilans. Ensuite viennent dans des
proportions nettement plus faibles autour de 33% : « observe, regarde le soin » et « prévoit
des temps d’observation ». Le résultat obtenu avec la première activité est en lien avec la
politique du tutorat définie par l’établissement. Dans notre observation trois structures ont
choisi des tuteurs qui n’exercent au sein de l’unité où se trouve l’étudiant.
La deuxième activité s’explique avec le nouveau référentiel qui demande à l’étudiant
de construire ses savoirs, l’observation est un bon moyen pour y parvenir. .Il est intéressant de
constater que la troisième activité se trouvant dans les mêmes proportions est « l’encadrement
confié aux aides soignantes », ceci s’explique par le fait que la population étudiante observée
de première année était majoritaire. Nous pouvons nous interroger : pourquoi l’encadrement
de ce rôle propre, « cœur de métier » est-il laissé aux aides soignantes ? Sur les 16 activités
qui se situent autour de 22%, se trouvent « informe et/ ou accompagne pour acte et activité »
« IDE encadre » et « accompagne pour les soins à risques ».
Ces résultats sont cohérents avec le fait que les aides soignantes encadrent et que les
tuteurs n’exercent pas obligatoirement dans le service. Nous retenons que sur les 6 activités
relevant de l’acquisition de la compétence, car nous nous situons bien dans le champ du
« savoir, pouvoir agir » ou encore dans la notion de « savoir agir en situation », 3 d’entre elles
se situent à hauteur de 22% et les 3 autres à hauteur de 11%. Toutefois ces résultats doivent
être examinés avec modération, en effet nous pouvons imaginer que l’activité : « réalise
90
souvent des bilans » ne comprend pas seulement : la prise en compte des besoins et difficultés
de l’étudiant, l’expression du vécu de stage, les encouragements.
Le résultat obtenu pour l’activité « valide connaissance et compréhension » est
cohérente avec les résultats des activités en lien avec l’acquisition de la compétence. Il est
aussi intéressant de relever l’activité n’apparait pas « évalue les progrès » se situe seulement à
hauteur de 22%. Compte-tenu du temps consacré aux bilans donc à l’accompagnement, nous
aurions pu attendre un chiffre plus élevé. D’autre part l’activité « facilite les conditions
d’apprentissage » n’est ressortie qu’à hauteur de 11%. Notons également que peu de tuteurs
donne des outils environ 11% ;
Histogramme n°9 : Activités d’encadrement par les tuteurs
91
En conclusion ce graphique donne une ébauche de la cartographie des activités :
d’accompagnement relationnel et pédagogique, d’acquisition et d’évaluation de la
compétence et d’acquisition technique, mais ne permet pas d’identifier les pourcentages
d’activités liés à l’acquisition technique et l’acquisition de la compétence.. Il aurait été
intéressant de croiser un questionnaire avec une liste d’activités du tutorat, donné par
exemple, en fin d’entretien pour mesurer s’il existe vraiment des écarts entre les activités
d’acquisition technique et l’acquisition de la compétence.
.5.4.1.2 Les erreurs rencontrées chez les étudiants
Secteur n°1 : Types d’erreurs rencontrés chez les étudiants
En observant ce graphique recensant les erreurs des étudiants identifiés par les tuteurs,
nous constatons que le pourcentage le plus élevé remarqué est l’erreur de jugement. Les
tuteurs ont relevé souvent la difficulté, pour l’étudiant d’apprécier une situation ou l’état d’un
patient. En psychiatrie par exemple, c’est l’étudiant qui ne perçoit pas les troubles
pathologiques chez le patient psychiatrique ou qui considère les activités en pédopsychiatrie
comme des activités de centre de vacances, ou encore ne réalise pas les risques de laisser des
couteaux auprès d’une personne ayant des idées suicidaires, ou bien, en médecine ou en
chirurgie, ne pas identifier les risques de phlébite…. Nous pourrions associer à cette rubrique
toutes les erreurs appelées : « négligence de prescription », « négligence de transmission et
traçabilité » ainsi que le « non respect des préventions » qui sont toute dues à des erreurs
92
d’appréciation du jugement clinique. A partir de ce graphique nous pouvons en déduire que
l’apprentissage devrait mettre l’accent sur l’activité de jugement clinique pour prévenir ces
erreurs. L’identification des erreurs les plus fréquentes chez les étudiants étant des erreurs de
jugement tend à démontrer que l’apprentissage réalisé ne développe pas suffisamment cette
compétence.
Les conclusions de cette observation tendent à montrer que la formation clinique serait
moins orientée vers l’acquisition de la compétence. En effet nous avons retenu avec G.
LEBOTERF que la compétence s’acquiert en analysant les situations vécues, soit en temps
réel soit en temps différé, en développant l’analyse réflexive et l’explicitation, or ces activités
sont très peu pratiquées. D’autre part A. BAUDRIT insistait bien sur le fait que le tutorat doit
faciliter les conditions d’apprentissage des étudiants en stage, or l’observation montre qu’elles
sont à développer.
D’autre part, peu de tuteurs donnent des outils. Nous allons pouvoir comparer cette
donnée avec l’observation des outils qui portait sur le recensement des outils existants dans
les services enquêtés et le type d’outil. Etudions ces résultats
.5.4.1.3 Les outils de stage
L’observation consistait à étudier des outils d’apprentissage. Nous entendions par
outils : formulaires, plaquettes, grilles, tout support écrit, visuel ou moyens comme support
d’observation, de travail, d’observation, d’entretien, des outils méthodologiques, d’auto
évaluation de la progression des étudiants… Sur l’ensemble des secteurs de soins visités, peu
d’outils sont formalisés, compte-tenu sans doute de la récente mise en place du tutorat.
Nous avons trouvé très peu de documents, aucun livret d’accueil achevé, pourtant ces
plaquettes d’informations, facilitent bien l’intégration des étudiants dans le stage. Nous avons
recensé Trois outils.
Un outil d’assimilation ou et d’intégration de connaissances : un tuteur en
pédopsychiatrie met à la disposition des étudiants des documents utiles pour l’apprentissage :
liste d’initiales utilisées dans le secteur, tableau des médicaments et effets secondaires
prévalents dans cette spécificité, des articles sur les attitudes de l’entretien et une
bibliographie. Dans ce même service, un dossier sur les pathologies et les traitements
prévalents à destination des étudiants est à leur disposition.
93
Une fiche d’objectifs pour les étudiants de semestre 1 et 2103
, avec pour chaque
semaine une liste d’activités marquant la progression au cours du stage. A cette fiche sont
joints un tableau récapitulant les soins du rôle propre et ceux sur prescription médicale et une
fiche de soins observés. L’étudiant grâce au tableau d’activités de soins, est renseigné, dès le
premier jour, sur le type d’activités à réaliser dans la structure. Au cours du stage il devra
remplir la fiche « soins observés » chaque fois qu’il observe un soin. Il note le matériel et le
déroulement de façon sommaire au début, puis de plus en plus détaillé. Cette fiche est reprise
et commentée avec le tuteur. Ces outils proviennent de l’EHPAD et du SSR. Ils confirment
les profils de ces tuteurs, sur la représentation de la compétence, où l’action était importante.
Dans ce lieu de stage, les tuteurs demandent aux étudiants de réaliser un document sur les
démences ou une démence. Là encore les savoirs étaient une attente du tuteur de l’EHPAD.
L’outil le plus utilisé par les tuteurs, est « l’araignée » 104
fourni par la DRASS. En
effet 4 tuteurs sur 9 emploient ce diagramme comme outil de progression et d’évaluation. Ils
l’utilisent au bilan de mi stage et de fin de stage pour évaluer les compétences : les
acquisitions et la progression. A mi stage, il leur permet et fixer des objectifs pour la suite du
stage. Il provient d’un document d’aide élaboré par la DDRASS, lors de la mise en place du
nouveau référentiel en stage, à l’intention des services de soins. Ce document propose une
grille d’évaluation par compétence, sous forme de schéma
En conclusion, les tuteurs disposent de peu d’outils d’apprentissage, mis à part des
classeurs de protocoles que nous n’avons pas cités ici. Pour ce qui concerne les outils
d’évaluation, ils ont « l’araignée » et le portfolio.
Il est difficile de tirer des conclusions de cette observation, le nombre de service
enquêtés étant peu nombreux. Une observation quantitative, suivie d’une recherche qualitative
serait intéressante à mener. Pour ce qui concerne notre observation qualitative, nous pouvons
conclure que les outils rencontrés sont centrés soit sur les activités soit sur les savoirs.
Ces deux études montrent que la formation clinique s’oriente bien vers l’apprentissage
et l’évaluation du savoir et du savoir faire.
Qu’en est-il de l’observation auprès des étudiants ?
.5.4.2 La représentation de l’accompagnement par les tuteurs et les étudiants
Pour trier les données de l’observation des étudiants, concernant l’encadrement, nous
avons utilisé la grille d’observation des tuteurs sur l’encadrement. Par entretien nous avons
103
ANNEXE VII 104
ANNEXE VI
94
identifié les éléments qui entraient dans les catégories prédéfinies. Puis nous avons procédé
ensuite à un second classement : mission d’accompagnement, conditions d’encadrement,
appréciation des méthodes nouvelles de formation clinique. Nous avons ensuite reporté les
données sur un tableau récapitulatif, en procédant de la même manière que pour l’analyse
concernant les tuteurs.
Nous avons ainsi obtenu trois graphiques mettant en évidence :
les représentations des missions d’accompagnement des tuteurs et des étudiants,
les représentations des missions du point de vue des tuteurs
les représentations des missions du point de vue des étudiants.
Histogramme n°10 : Représentation des missions d’accompagnement des tuteurs et des étudiants
On notera les écarts entre la vision des tuteurs et celle des étudiants pour l’accueil et
l’aide pour les travaux d’IFSI. Cet écart montre que l’accueil est un moment déterminant pour
les étudiants.
Quant à l’aide pour les travaux d’IFSI, cette vision montre aussi l’importance
qu’accordent les étudiants à ces travaux et à l’attention des tuteurs envers leurs travaux. Les
écarts de représentation s’expliquent par la différence des enjeux entre étudiants et tuteurs.
Remarquons que les étudiants et les tuteurs s’accordent à citer les activités « réalise les
bilans » comme les plus pratiquées. En dehors de cet écart, nous notons que les
représentations entre étudiant et tuteur sont assez voisines.
95
Le graphique ci-dessous montre la représentation des missions du point de
vue des tuteurs
Histogramme n°11 : Représentations des missions du point de vue des tuteurs
L’histogramme ci-dessous cible la représentation des missions du point de vue des
étudiants.
Histogramme n°12 : Représentations des missions d’accompagnement du point de vue des étudiants
96
Nous retrouvons majoritairement les activités suivantes : « prend en compte le
portfolio » et « prend en compte les objectifs en début de stage », alors que
l’accompagnement et l’intégration sont eux minoritaires. Sans doute parce que, pour
l’étudiant, le portfolio et ses objectifs représentent un enjeu majeur ?
L’histogramme ci-dessous montre les conditions de stage relevées par les étudiants et
les tuteurs.
Histogramme n°13 : Les conditions d’apprentissage vues par les étudiants et les tuteurs.
Nous constatons l’écart entre la proportion d’encadrement réalisé par les AS identifié
par les étudiants et l’encadrement par les AS identifié par les IDE. En effet, d’après les
premiers, les AS assurent majoritairement l’encadrement. Sans doute est-ce lié au fait que
plusieurs étudiantes étaient en première année et effectuaient les soins de nursing en lien avec
la compétence 3 ?
Cet histogramme ci-dessous reprend des conditions repérées uniquement par les
étudiants.
Histogramme n°14 : Les conditions d’apprentissage vues par les étudiants.
97
Nous savons que les situations de stage, c'est-à-dire, l’ambiance, le personnel… sont
plus ou moins « facilitantes » pour l’apprentissage et conditionne celui-ci. Seulement 50% des
étudiants relèvent que la situation de stage n’était pas critique. Un des exemples rapporté par
une des étudiantes, était d’avoir été la victime d’une situation conflictuelle entre le tuteur et le
maître de stage. La première souhaitait qu’elle réalise des « soins infirmiers » selon son
expression, alors que la seconde demandait à ce qu’elle pratique du nursing avec les aides
soignantes.
.5.5 La vision des étudiants sur les méthodes nouvelles de la formation
clinique et le stage
Enfin voici la vision appréciative des étudiants interviewés de leur stage concernant le
tutorat et le portfolio.
Secteur n°2 : Vision des étudiants sur les méthodes nouvelles de la formation clinique
D’après ce graphique, le portfolio ne remplit que partiellement son rôle puisque
seulement 50% des étudiants trouvent qu’il reflète les activités réalisées. Il n’atteint pas son
objectif qui est de « mesurer la progression de l’étudiant » mission conférée par le référentiel
de formation. Ces résultats corroborent nos observations de terrain faites depuis deux ans,
suite : aux « retours de stage » des étudiants et aux études des dossiers de suivi des étudiants.
Les progrès de l’étudiant sont rarement notés sur les bilans de stage.
Enfin, les résultats de l’observation montrent que le bénéfice du tutorat est faible. Il
convient de rester prudent sur ce résultat compte-tenu du faible échantillonnage. Toutefois ce
98
constat peut s’expliquer par le fait que nous sommes encore dans une phase de mise en place
du tutorat et que peu de tuteurs ont reçu une formation.
L’histogramme ci-dessous met en évidence la représentation des étudiants concernant
les activités de stage qu’ils réalisent. Il met l’accent sur les soins, qu’il s’agisse des soins
relationnels, préventifs, éducatifs, techniques, ou « petits soins », et les soins de nursing. Les
étudiants sont avant tout dans l’activité, là encore pour eux l’enjeu est de savoir faire, surtout
qu’ils savent qu’ils seront évalués sur leurs actes. Le fait que les soins relationnels soient
prioritaires est en lien direct avec la nature du stage. En effet deux étudiants étaient en stage
en psychiatrie et deux en santé mentale.
Histogramme n°15 : Activités de stage citées par les étudiants.
Le fait que n’apparaissent pas les temps de réflexion sur le soin, avec les
professionnels, ne signifient pas que ces temps n’existent pas. Là encore d’un point de vue
quantitatif ils n’ont pas de valeur, par contre d’un point de vue qualitatif c’est la
représentation des étudiants de leurs activités. De ce point de vue, nous pouvons dire qu’ils ne
voient que l’aspect « actes techniques ».
En conclusion, cette observation confirme, que la représentation des étudiants de
l’activité infirmière est le « savoir faire » mais le « savoir y faire » c'est-à-dire la compétence
n’a pas été identifié.
99
Si l’on croise les résultats obtenus sur la représentation de la compétence chez les
tuteurs, qui se traduit en « actes », avec cet histogramme des activités des étudiants, nous
constatons qu’il existe bien une correspondance entre la représentation de la compétence des
tuteurs et la représentation de l’apprentissage des activités des étudiants.
La représentation de la compétence en acte donnerait un apprentissage centré sur les
actes et les activités.
100
.6 PRECONISATIONS :
Suite aux résultats de l’enquête, nous spécifions les préconisations suivantes : une
formation à l’apprentissage par compétence pour les infirmiers, une formation au tutorat, un
accompagnement des tuteurs sur le terrain et une création de profil de poste de « cadre
formateur responsable du tutorat et du partenariat IFSI et terrains ».
.6.1 Formation à l’apprentissage par compétences
L’apprentissage ne repose pas uniquement sur le tutorat. Tous les IDE participent à
l’encadrement des étudiants. Cette activité fait partie de l’exercice de la profession. Or,
comment les professionnels de proximité peuvent-ils aider les étudiants dans l’acquisition des
compétences, si cette notion n’est pas clarifiée ? L’approche par compétence dans la
formation clinique s’adresserait donc à l’ensemble des IDE qui encadrent au quotidien les
étudiants. Cette formation105
se déroulerait sur deux années, elle serait effectuée en petits
groupes de 15 et se déroulerait au sein de la structure où ils exercent.
L’objectif de cette formation serait de modifier la représentation qu’ont les
professionnels de la notion de compétences. Elle comprendrait la présentation de la formation
actuelle en soins infirmiers, le contexte où elle est née, les points essentiels du dispositif de
formation : notamment le fait que l’étudiant construise ses savoirs et acquiert les compétences
requises.
Un photo-langage sur la représentation de compétence serait proposé, puis un débat
autour de ce même thème pour essayer de confronter les idées à la réalité, c’est à dire dans des
situations de stage. Cette confrontation devrait conduire à une prise de conscience : de la
nécessité de travailler ce concept et de faire évoluer les représentations.
Le concept de compétence, les moyens d’apprentissage et l’évaluation seraient
travaillés. L’enseignement préciserait la différence entre compétence réelle et requise, entre
compétence et performance de réalisation. Le contexte du stage serait évoqué et analysé par
les IDE eux-mêmes à partir de leur expérience personnelle lors de leurs stages et de situations
vécues afin de prendre conscience des difficultés auxquelles les étudiants doivent faire face.
La formation prévoirait également les moyens de développement de la compétence, avec un
temps de recherche en sous groupes sur ce thème et des apports théoriques. Les notions de
zone proximale de développement de VYGOTSKI et d’étayage de BRUNER seraient
présentées et travaillées à partir de situations d’encadrement. Les 7 postulats de BURNS
105
ANNEXE IX compétence
101
seraient exposés et commentés afin de respecter les différentes formes de progression et
d’apprentissage.
Cette formation devrait permettre la création d’outils d’apprentissage. Elle allierait des
apports théoriques, des analyses de situation, des jeux de rôles à partir de situations vécues et
de temps d’échanges.
.6.2 La formation au tutorat
« Le tutorat n’est pas une mission dont on maitrise les compétences parce que l’on est
un bon professionnel par ailleurs. Faisant appel à des compétences spécifiques, il demande
une formation spécifique » écrit B. MAZINGUE dans son rapport « Seniors tuteurs :
comment faire mieux ? »106
La formation au tutorat aurait pour objectifs de développer les compétences pour
devenir tuteur. B. MAZINGUES ajoute « la qualification du tuteur devra toujours peu ou
prou, s’organiser autour des trois enjeux suivants :
- - d’abord, comme on l’a vu, maitriser l’expérience de ce que l’on doit transmettre
[...]
- Ensuite, base de toute formation pédagogique, apprendre à passer du savoir-faire
au savoir transmettre […]
- Enfin, acquérir ou développer « l’intelligence du contexte de travail » dans lequel
tuteur et tutoré vont être amenés à agir (sauf si l’on souhaite se limiter à un tutorat
de reproduction).
- C’est d’évidence sur le premier et le dernier point que doivent porter les efforts de
progrès de la formation des tuteurs alors même que le temps qui peut leur être
consacré devient souvent difficile à trouver. ».
Cette formation proposerait aux tuteurs, dans un premier temps, d’écrire leurs
motivations et ce qu’ils pensent pouvoir apporter aux étudiants. Ensuite viendrait un temps
d’échanges où chacun exposerait ses réflexions. A partir de ces échanges, le formateur
dégagerait les éléments importants qui doivent figurer dans ce genre de travail. L’exercice
serait ensuite renouvelé : chaque tuteur écrivant l’expérience qu’il pourrait transmettre en
argumentant.
106
B. MAZINGUE, Seniors tuteurs : comment faire mieux ?, mars 2009 p 33.
102
Cette formation serait centrée sur les compétences pédagogiques à acquérir pour
transmettre le savoir-faire et « l’intelligence du contexte de travail »107
, les compétences
relationnelles.
Elle comporterait des temps de formation au niveau de la structure hospitalière et des
temps d’accompagnement sur le terrain.
Afin de connaitre les représentations du tuteur, il serait demandé aux participants, de
citer 3 mots représentant la compétence. Pour connaitre leurs connaissances sur le nouveau
référentiel, viendrait un temps d’expression sur : « Que savez-vous du nouveau référentiel ?
Comprenez-vous cette nouvelle formation ? ». Selon l’état des connaissances, une
présentation globale du nouveau référentiel pourrait être faite, mais l’accent serait mis surtout
sur l’enseignement clinique notamment sur le fait que « l’étudiant construit ses compétences
en agissant avec les professionnels et en inscrivant dans son portfolio les éléments d’analyse
de ses activités, ce qui l’aide à mesurer sa progression »108
. Les rôles de : tuteur, du maitre de
stage et des professionnels de proximité seraient étudiés à partir du texte officiel du
référentiel.
Au cours de cette formation109
, les concepts de compétence, d’évaluation, de
performance seraient abordés ainsi que celui d’accompagnement. Ce dernier serait étudié avec
ses trois points clés : autonomisation, socialisation et individualisation. Le tutorat, la posture
éthique, la relation pédagogique, (congruence, cognitive et sociale, cf. cadre conceptuel)
seraient travaillés. Des situations problématiques telles que le manque ou l’excès d’initiative,
les insuffisances et les facteurs de risque d’erreur, seraient envisagées à partir de situations
vécues apportées par le formateur et les participants. Enfin le formateur aiderait à la
formulation des appréciations en précisant les éléments attestant d’un apprentissage par
compétence. Des exercices leur seraient proposés à partir de situations. Enfin un temps serait
consacré à l’utilisation du portfolio. Il serait agrémenté là encore d’exemples concrets, où le
tuteur s’exercerait à remplir le portfolio.
Concernant les méthodes pédagogiques, cette formation allierait : apports théoriques,
analyses de situations et analyses réflexive, jeux de rôles à partir de cas réels, échanges et
débats, travaux de création d’outils d’apprentissage et exercices de libellé d’appréciations
pour les bilans de stage.
Elle s’adresserait à des petits groupes de 10 à 15 infirmiers tuteurs.
107
B. MAZINGUE, Seniors tuteurs : comment faire mieux ?, mars 2009 p 33 108
Ministère de la santé et des sports Profession infirmière SEDI Equipement p. 77 109
ANNEXE IX
103
Un accompagnement sur le terrain serait prévu avec des visites de stage après les deux
premières sessions pour accompagner les tuteurs sur le terrain. Les tuteurs seraient prévenus
de l’arrivée du formateur, Au cours des visites, les infirmiers exposeraient leurs difficultés.
Des analyses de pratique en temps différé seraient réalisées et au moins une analyse en temps
réel à partir d’une observation suivie d’un débriefing ainsi que d’une analyse réflexive. Toutes
ces analyses réflexives et de pratiques permettraient aux tuteurs de pratiquer ces méthodes
auprès des étudiants. D’autre part il serait demandé aux tuteurs d’écrire des séquences
pédagogiques réalisées avec les étudiants, décrivant la situation, les résultats attendus pour les
étudiants et les objectifs pour eux-mêmes, afin d’apprendre à maitriser leurs expériences, les
tracer, les faire évoluer et les valoriser.
Le formateur sensibiliserait les tuteurs à la nécessité de développer des compétences
collectives dans chaque équipe pour élaborer en équipe un projet d’apprentissage, et des
parcours.
.6.3 Un accompagnement individuel régulier des tuteurs
Un accompagnement des tuteurs sur le terrain110
aurait pour objectifs de les aider à
repérer leur ressources, à cibler leurs difficultés. Des observations d’outils d’apprentissage
pourraient être réalisées. Des observations en situations réelles de tutorat, enregistrées et
filmées (avec accord des personnes), suivies d’analyses de pratiques seraient prévues. Des
accompagnements ponctuels à la demande seraient possibles pour aider à résoudre des
situations problématiques.
Auparavant un accompagnement des équipes de chaque unité de soins est nécessaire
afin de cibler les compétences les plus souvent sollicitées dans chacune des unités, au regard
des activités rencontrées dans les situations prévalentes. Ceci permettrait de déterminer les
éléments de compétences à développer, de réfléchir aux moyens d’apprentissage et de définir
des niveaux de progression pour les étudiants.
Un guide des tuteurs, en cours d’élaboration, cible les situations auxquelles sont
confrontés fréquemment les tuteurs, (dont l’erreur, le manque d’initiative ou l’inverse…), les
activités, les compétences qu’elles requièrent. Des objectifs et des moyens restent à fixer pour
acquérir ces compétences.
110
ANNEX IX
104
.6.4 Un profil de poste nouveau de « cadre formateur responsable du tutorat
et du partenariat IFSI et terrains »
Nous proposons le profil d’un nouveau poste de « cadre formateur responsable du
tutorat et du partenariat IFSI et terrains » sur une structure, en mission transversale. Il serait
responsable des formations : « compétence » pour les IDE, « compétences et tutorat » et de
l’accompagnement des tuteurs sur le terrain. Il pourrait ainsi mesurer les résultats de la
formation et les écarts. Ayant une bonne connaissance de la structure, de la culture de
l’établissement, il pourrait superviser et réajuster les pratiques. Le partenariat entre le terrain
et l’IFSI consisterait à harmoniser les pratiques d’accompagnement qu’il assurerait et les
conseils donnés par les formateurs référents. Il assurerait le lien et la cohérence entre l’IFSI et
le terrain.
105
CONCLUSION
Ce mémoire fut comme un parcours initiatique à la recherche, une sorte de voyage
d’exploration, voire un périple. En effet, nous nous sommes confrontés à chaque étape de la
démarche. : formuler la question de départ, délimiter l’objet de recherche, construire les outils
d’analyse des données... Avec toutes les recherches menées, les concepts pédagogiques
revisités, approfondis, confrontés à l’observation, ont enrichi nos savoirs et nous ont permis
de faire cette expérience de construction des savoirs et développer nos compétences.
L’apprentissage de cette méthode, même si elle est loin d’être maitrisée, nous a
permis, d’appréhender l’ensemble des difficultés et des biais, de prendre toute la mesure d’un
travail de recherche avec ses doutes, ses limites et avec la prise de conscience d’un travail
sans fin, comme le fil d’Ariane, faisant naitre à chaque fois un nouveau questionnement. Nous
avons beaucoup appris au travers de l’accompagnement reçu : la force du soutien, la façon de
guider, tout ceci nous permettra de mieux accompagner les étudiants au cours de leur
mémoire. Ce travail a contribué également à mieux comprendre les difficultés que rencontrent
étudiants et tuteurs sur le terrain.
Parvenus au terme de ce travail de recherche, nous sommes en mesure de nous
confronter à la question de recherche que nous nous étions posés : En quoi la représentation
de la compétence, chez le tuteur, peut ralentir le processus d'apprentissage de la
compétence chez l'étudiant, alors même que sa mission est de le faciliter ?
Après l’analyse de nos différentes observations nous pouvons affirmer que les tuteurs
ont des difficultés à se représenter la compétence, et la limitent principalement à l’acte et au
savoir. La confusion entre compétence et performance, s’observe seulement chez certains
tuteurs. Nos hypothèses sont confirmées, et nous avons pu constater un lien entre
représentation de la compétence et l’apprentissage, permettant d’affirmer que la
représentation a un impact réel sur l’apprentissage. Si ces résultats sont cohérents avec la
réalité du terrain il convient de rester prudent compte-tenu du faible échantillonnage.
Nous pouvons donc répondre à la question de recherche : il existe bien une
correspondance entre la représentation de la compétence des tuteurs et l’apprentissage. La
représentation de la compétence en acte donnerait un apprentissage centré sur les actes et les
activités et tendrait à limiter le processus d’apprentissage par compétence.
Ce travail ouvre de nombreuses perspectives de recherche notamment l’impact des
attentes trop exigeantes ou contradictoires des tuteurs ou des professionnels, sur le sentiment
d’efficacité des étudiants. Nous citerons pour illustrer nos propos, l’exemple d’une étudiante,
en secteur psychiatrique, où l’attente clairement exprimée des professionnels était
106
l’autonomie. Lorsque l’étudiante prit l’initiative de réaliser un entretien auprès de sa patiente
pour effectuer son recueil de données, alors qu’elle avait présenté les questions à l’IDE, elle
se vit « reprocher cette initiative ». « J’avais dit « entretien infirmier », ça ne pouvait pas être
un entretien infirmier, je n’étais pas capable d’en faire !… »
Tutorat et transférabilité des compétences restent un sujet à travailler : comparaison de
deux méthodes d’acquisition des compétences : apprentissage en suivant l’IDE dans toutes ses
activités, en réalisant progressivement les soins, accompagnée par celui-ci et terminer par la
gestion globale de quelques patients ou bien un apprentissage par mise en situation rapide de
la gestion globale de plusieurs patients. En effet l’observation auprès des étudiants a montré
que l’encadrement accompagné est limité et ponctuel pour des soins particuliers, que la prise
en charge globale des patients se fait au détriment de l’encadrement accompagné. Si toute
situation est apprenante il n’en demeure pas moins qu’il est difficile de développer la
compétence sans accompagnement par des professionnels expérimentés. J’ai le souvenir de
cette étudiante qui me disait récemment : « nous avons été quatre semaines à faire des toilettes
seules, ou avec des aides soignantes nouvelles diplômées, nous avons eu l’impression de ne
rien apprendre. Alors qu’aujourd’hui, en une matinée en suivant l’infirmière j’ai l’impression
d’avoir énormément appris en une matinée seulement ! ».
Ce mémoire nous suscite certaines questions : pourquoi l’apprentissage des soins
d’hygiène et de confort est confié principalement aux aides soignantes alors qu’il s’agit d’une
activité « cœur de métier » et que ces situations fournissent une base de travail pour acquérir
de la compétence ?
Comment développer le sentiment d’efficacité des étudiants, à l’origine de la réussite ?
Comment faire du portfolio, un outil attestant des progrès et des acquisitions des
compétences ?
Comment évaluer les compétences dans la formation clinique ? Peut-on définir un
niveau de compétence précis d’IDE débutant ?
Pourquoi la représentation de la compétence pour certains professionnels se réduit à
l’outil d’évaluation ?
Pour conclure ce travail nous citerons Philippe PERRENOUD « construire des
compétences » :
« La formation de compétences exige une petite « révolution culturelle », pour passer
d’une logique de l’enseignement à une logique d’entrainement (coaching) sur la base d’un
postulat assez simple ; les compétences se construisent en s’exerçant face à des situations
d’emblée complexes ».
107
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De la fabrication des compétences R. WITTORSKI manuscrit auteur dans « Education
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edpte-135.pdf
Dictionnaire de l’académie française http://atilf.atilf.fr/academie9.htm
Directive 2005/36/Ce Du Parlement Européen Et Du Conseil, http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2005:255:0022:0142:fr:PDF, Journal
officiel de l'Union européenne 30.9.2005.
Dossier pédagogique : l’enfance au Moyen Age, Les enfants/ l’apprentissage,
http://classes.bnf.fr/ema/ville/enfants/index4.htm
Du portfolio au dossier professionnel : éléments de réflexion Dominique BUCHETON IUFM
Montpellier 2003 http://probo.free.fr/textes_amis/portfolio_bucheton.pdf
L'accord de Bologne et le LMD http://www.cefi.org/CEFINET/ENVIRON/EUROPE/LMD.htm
aucune date
L’histoire du travail, Apparition du livret ouvrier, pas de date
http://www.linternaute.com/histoire/motcle/2962/a/1/1/droit_du_travail.shtml
Performance et compétence, LENESLEY Christophe, pas de date
http://www.cerclerh.com/editorial/mesurerlacompetence1202.asp
Le portfolio ou portefeuille de compétences Bernadette PLUMELLE 8 novembre 2006
http://www.ciep.fr/sitographie/ries43.php
Congrès FNSIP Loi Hôpital Patients Santé Territoire (HPST) 2010 http://www.fnsip.fr/test/images/stories/AG_Paris/FNSIP_Loi_HPST_Mars_2010.pdf
Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences DESS Management des Ressources
Humaines 2003http://www.e-rh.org/documents/baseRH1.pdf
Ministère de l’éducation du Québec Direction des ressources didactiques mai 2002
http://www.mels.gouv.qc.ca/drd/tic/pdf/portfolio.pdf
Portfolio numérique dossier d’archive 17 septembre 2009
http://www.educnet.education.fr/dossier/archives/portfolionumerique
111
TABLE des MATIERES
INTRODUCTION .................................................................................................................. 3
.1 LE TUTORAT ...................................................................................................................... 7
.1.1 Tuteur : étymologie et sémantique ................................................................................................ 7
.1.2 Origines du tutorat ........................................................................................................................ 8
.1.3 Lieux et types d’exercice du tutorat ............................................................................................. 12
.1.4 Tuteur et apprentissage ............................................................................................................... 14
.1.5 Tutorat et accompagnement ....................................................................................................... 16
.1.6 Tuteur et compétences ................................................................................................................ 18
.1.7 Tutorat et congruence : tout un art.............................................................................................. 19
.1.8 Risque et Dérives du tutorat ........................................................................................................ 19
.1.9 Du compagnon au tuteur ............................................................................................................. 20
.1.10 Une expérience de tutorat en secteur de soins ............................................................................ 23
.2 LA PROBLEMATIQUE........................................................................................................ 25
.2.1 La problématique du changement de formation .......................................................................... 25
.2.2 La question de recherche ............................................................................................................. 34
.2.3 La problématique de l’apprentissage de la compétence .............................................................. 35
.3 CADRE THEORIQUE : Compétence et représentation ........................................................ 42
.3.1 Le concept de compétence : ........................................................................................................ 42
.3.2 Compétence et erreur ................................................................................................................. 53
.3.3 Compétence et performance ....................................................................................................... 58
.3.4 Le concept de représentation : .................................................................................................... 61
.3.5 HYPOTHESES ................................................................................................................................ 62
.4 METHODOLOGIE DE L’ENQUETE ET LE TERRAIN : .............................................................. 64
.4.1 Choix de la méthode d’observation.............................................................................................. 64
.4.2 Choix des outils ............................................................................................................................ 65
.4.2.1 L’entretien........................................................................................................................... 65
.4.2.2 Outil d’observation auprès des étudiants ............................................................................ 66
.4.2.3 L’observation des outils d’apprentissage ............................................................................. 66
.4.3 La population ciblée pour les entretiens : .................................................................................... 67
.4.3.1 Les tuteurs. ......................................................................................................................... 67
.4.3.2 Les étudiants ....................................................................................................................... 67
.4.4 La Réalisation des observations ................................................................................................... 68
.4.4.1 L’enquête auprès des étudiants........................................................................................... 68
.4.4.2 L’enquête auprès des tuteurs .............................................................................................. 68
.4.5 Les difficultés rencontrées au cours de l’enquête ........................................................................ 69
.4.6 Les limites de la méthode ............................................................................................................ 70
.5 ANALYSE DES DONNEES ................................................................................................... 72
.5.1 Représentation de la compétence limitée aux actes ou aux savoirs ? (hypothèse 2) .................... 72
.5.1.1 Résultat des entretiens des tuteurs sur le concept de compétence ..................................... 72
.5.1.2 Existe-t-il chez les tuteurs, des difficultés à se représenter la compétence ? (Hypothèse 1) 79
.5.1.2.1 Résultat de l’observation des portfolios : ........................................................................ 80
.5.1.2.2 L’observation des portfolios vierges existants : ............................................................... 81
.5.2 La représentation de la compétence au travers des savoirs attendus par les tuteurs ................... 83
.5.2.1 Les savoirs attendus par les tuteurs ..................................................................................... 84
.5.2.2 Profil d’étudiant attendu par les tuteurs.............................................................................. 86
112
.5.3 Les tuteurs se représentent-ils la compétence comme une performance à atteindre ? ................ 88
.5.4 Encadrement et compétence ? .................................................................................................... 89
.5.4.1 Résultat de l’observation auprès des tuteurs : Activités, erreurs rencontrées, outils ........... 89
.5.4.1.1 Les activités ..................................................................................................................... 89
.5.4.1.2 Les erreurs rencontrées chez les étudiants ...................................................................... 91
.5.4.1.3 Les outils de stage ........................................................................................................... 92
.5.4.2 La représentation de l’accompagnement par les tuteurs et les étudiants ............................ 93
.5.5 La vision des étudiants sur les méthodes nouvelles de la formation clinique et le stage .............. 97
.6 PRECONISATIONS : .........................................................................................................100
.6.1 Formation à l’apprentissage par compétences ........................................................................... 100
.6.2 La formation au tutorat ............................................................................................................. 101
.6.3 Un accompagnement individuel régulier des tuteurs ................................................................. 103
.6.4 Un profil de poste nouveau de « cadre formateur responsable du tutorat et du partenariat IFSI et
terrains » ................................................................................................................................................ 104
CONCLUSION ...................................................................................................................105
BIBLIOGRAPHIE ...............................................................................................................107
TABLE des MATIERES .......................................................................................................111
GLOSSAIRE : ....................................................................................................................113
ANNEXES .........................................................................................................................114
113
GLOSSAIRE :
ARS : Agences Régionales de Santé
A.S : Aide Soignant
A.S.H : Agent des Services Hospitaliers
CERAQ : Cadre Européen de Référence pour l’Assurance Qualité
C.O.I : Conseil de l’ordre Infirmier
C S P : Code de la santé publique
DS : démarche de soins
E.A.S. : Elève Aide Soignant
ECTS : Système Européen d'unités Capitalisables Transférables
EHPAD : Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes
E.S.I : Étudiants en soins infirmiers
Europass : document qui trace le parcours sur le territoire Européen, de toute personne en
répertoriant l’ensemble de ses compétences et ses expériences, le portfolio en est un exemple.
FAM : Foyer ’Accueil Médicalisé
FNESI : Fédération Nationale des Etudiants en Soins Infirmiers
HPST : Hôpital, Patient Santé Territoire
IDE : Infirmier Diplômé d’Etat
IV : intraveineux
IFAS : Institut De Formation Aide Soignante
IFSI : Institut De Formation en Soins Infirmiers
LMD : Licence Master et doctorat
MAS : Maison d’Accueil Spécialisé
MSP : mise en situation professionnelle
Redons : drains de Redon
SC : sous-cutané
SSR : soins de suite et rééducation
TIC : technologies de l’information et de la communication
VAE : Validations d’Acquis de l’Expérience
114
ANNEXES
ANNEXE I: Fiche métier
ANNEXE II : Mission
a. Lettre de mission
b. Guide d’entretien des formateurs
c. Guide du Formateur référent
d. L’accord pédagogique
ANNEXE III : Enquête tuteurs
a. Guide d’entretien des tuteurs
b. Grille d’analyse longitudinale des entretiens pour des tuteurs
c. Grilles d’analyse transversale des entretiens des tuteurs : extraits du fichier Excel
Analyse de contenu
Grille représentation compétence
Grille thématique des savoirs
Vision Encadrement des tuteurs
Erreurs
ANNEXE IV : Enquête étudiants
a. Guide d’entretien des étudiants
b. Grille vierge d’analyse des entretiens étudiants
c. Grille d’analyse transversale des entretiens des étudiants Vision Encadrement des étudiants
ANNEXE V : Portfolio (extrait)
Extrait « Mon parcours : acquisition des compétences » : pour une seule compétence sur les 10
Extrait « Mon parcours activités et techniques de soins » : 1 seule page pour exemple
ANNEXE VI : Document DRASS exemple évaluation d’une compétence
ANNEXE VII : Outil de stage créé par les tuteurs : « objectifs de stage »
ANNEXE VIII : Liste des graphiques
ANNEXE IX : Préconisations
ANNEXE X : Supplément : Entretiens transcrits
138
ANNEXE III : Enquête tuteurs
c. Grilles d’analyse transversale des entretiens des tuteurs : extraits du fichier Excel
Analyse de contenu
Grille représentation compétence
Grille thématique des savoirs
Vision Encadrement des tuteurs
Erreurs
148
ANNEXE IV : Enquête étudiants
c. Grille d’analyse transversale des entretiens des étudiants Vision Encadrement des étudiants
150
ANNEXE V : Portfolio (extrait)
Extrait « Mon parcours : acquisition des compétences » : pour une seule compétence sur les 10
Extrait « Mon parcours activités et techniques de soins » : 1 seule page pour exemple
163
Liste des graphiques :
Radar n 1 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°1 p 71
Radar n 2 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°2 p 72
Radar n 3 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°3 p 73
Radar n 4 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°4 p 74
Radar n 5 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°5 p 74
Radar n 6 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°6 p 73
Radar n 7 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°7 p 75
Radar n 8 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°8 p 75
Radar n 9 : Représentation de la compétence du tuteur : entretien N°9 p 76
Histogramme n° 1 : Synthèse de la représentation de la compétence p76
Histogramme n° 2 : Synthèse de la représentation de la compétence réponse p 77
à la question
Histogramme 3 : Savoirs attendus par les tuteurs p 82
Histogramme 4 : Savoir être attendu par les tuteurs p 82
Histogramme 5 : Savoir Faire attendu par les tuteurs p 83
Histogramme 6 : La compétence jugement clinique p 84
Histogramme 7 : Le profil d’étudiant attendu. p 84
Histogramme 8 : Les objectifs de formation. p 85
Radar n° 10 : Axes de performance demandés par les tuteurs. p 86
Histogramme n°9 : Activités d’encadrement par les tuteurs p 88
Histogramme n°10 : Représentation des missions d’encadrement des tuteurs p 92
et des étudiants
Secteur n°1 : Types d’erreurs rencontrés chez les étudiants p 89
Histogramme n°11 : Représentations des missions du point de vue des tuteurs p 93
164
Histogramme n°12 : Représentations des missions d’accompagnement p 93
du point de vue des étudiants
Histogramme n°13 : Les conditions d’apprentissage vues par les étudiants p 94
et les tuteurs.
Histogramme n°14 : Les conditions d’apprentissage vues par les étudiants. p 94
Secteur n°2 : Vision des étudiants sur les méthodes nouvelles de la formation p 95
clinique
Histogramme n°15 : Activités de stage citées par les étudiants. p 96
1
Département de Sciences de l’Education
Mémoire de MASTER 2 PROFESSIONNEL
Métiers de la formation, parcours ingénierie et Conseil en Formation
NOM Prénom : GAY Françoise née MICHEL Titre du Mémoire : TUTORAT et COMPETENCE Le poids de la représentation Directeur de mémoire : Mme DENYS Mots clés : Représentation ; Tutorat ; Apprentissage ; Compétence ; Performance. Résumé :
Afin d’appliquer les directives européennes sur la reconnaissance des diplômes et la
libre circulation des professionnels, la France, fixe par arrêté, en juillet 2009, le nouveau
programme des études en soins infirmiers et inscrit la profession d’infirmiers dans un cursus
universitaire. La compétence devient le seul élément de référence commun, pour garantir des
échanges professionnels internationaux équivalents. Le tutorat s’impose comme méthode pour
assurer le transfert des compétences. Dans ce contexte de changement de formation, se dessine
la problématique du lien entre l’apprentissage de la compétence et la représentation des tuteurs.
Au centre du modèle d’analyse, deux concepts clés : représentation et compétence, la
compétence est ensuite confrontée aux concepts de performance et d’erreur. Pour cette partie
conceptuelle nous nous sommes appuyés sur G. LE BOTERF et sur J.P. ASTOLFY. Nous
avons émis trois hypothèses. Nous avons choisi la méthode de recherche qualitative.
L’observation s’est faite avec deux outils : entretiens et recueils de données d’outils. Des
tuteurs et des étudiants ont été interviewés. Une analyse de contenu longitudinale puis
transversale a été effectuée pour dégager les représentations. Pour dégager des représentations
de l’encadrement/apprentissage, nous avons analysé à partir de la grille des savoirs, savoir faire
et savoir être. Nous avons comparé les données des étudiants à celles des tuteurs. Les résultats
obtenus vérifient les trois hypothèses : les tuteurs ont une représentation complexe de la
compétence, réduite à l’acte et au savoir, ils confondent compétence et performance. La
représentation de la compétence en « acte » donne un apprentissage centré sur les actes, qui
tendrait à limiter le processus d’apprentissage de la compétence.