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UNIVERSITE DE ROUEN
UFR DE PSYCHOLOGIE, SOCIOLOGIE ET SCIENCES DE L’EDUCATION
DEPARTEMENT DES SCIENCES DE L’EDUCATION
Mémoire de Master 2ème année INGENIERIE ET CONSEIL EN FORMATION
LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL : QUEL ACCOMPAGNEMENT PAR LA
FORMATION ?
Pascal SARTOR
Sous la direction de Maëlise LANGUMIER
Septembre 2006
Je tiens à remercier Maëlise Langumier pour son accompagnement dans mes
premiers pas en recherche,
les élus et les cadres de la commune où j’ai réalisé mon étude terrain pour leur
participation.
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SOMMAIRE
SOMMAIRE 3
INTRODUCTION 5
A / UNE SITUATION PROBLEME RECURRENTE 7
1. LES FONDEMENTS PERSONNELS DE LA RECHERCHE 7 2. LE CONTEXTE PROFESSIONNEL DE LA RECHERCHE 9
B / UN RECUL THEORIQUE NECESSAIRE 12
1. DEFINIR LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 12 2. LE ROLE DES ACTEURS DANS LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 17 3. DEFINIR LA FORMATION DANS LES ORGANISATIONS 28 4. FORMATION ET CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 38
C / RETOUR SUR LA MISSION 43
1. LE CHOIX DE L’AUDIT MEDIATION 43 2. DEROULEMENT DE LA MISSION 45
D / METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE SUR LE TERRAIN 52
1. HYPOTHESES DE RECHERCHE 52 2. CHOIX METHODOLOGIQUES 57
E / RESULTATS DE LA RECHERCHE 70
1. LE ROLE DES REPRESENTATIONS PROFESSIONNELLES 70 2. L’APPROPRIATION ET LA TRADUCTION DU CHANGEMENT 73 3. CONCLUSION SUR LA RECHERCHE 80
CONCLUSION 81
BIBLIOGRAPHIE 84
TABLE DES MATIERES 86
ANNEXE 1 89
3 /132
ANNEXE 1 89
ANNEXE 2 99
ANNEXE 3 103
ANNEXE 4 111
ANNEXE 5 115
ANNEXE 6 120
ANNEXE 7 126
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INTRODUCTION
Formateur consultant en développement des ressources humaines depuis 1991,
nous intervenons dans le secteur privé et le secteur public en conseil et formation sur
des actions de Valorisation des Ressources Humaines, de Management et de
Relations Humaines.
Au fil des années et des expériences une interrogation est devenue de plus en plus
présente : qu’attendent les commanditaires de la formation ? Qu’en espèrent ils
exactement ?
Cette question est devenue incontournable lors des interventions où la formation se
déroule à l’occasion d’un changement organisationnel. Nous nous sommes souvent
fait la réflexion que les commanditaires demandaient à la formation ce qu’elle ne
pouvait offrir ou qu’ils commandaient un type de formation incompatible avec ce
qu’ils en attendaient.
Ces constats nous ont conduit à nous interroger sur l’accompagnement que pouvait
proposer la formation dans le cadre d’un changement organisationnel. Les réponses
à cette question sont cruciales car de la pertinence de la proposition du consultant
face à une situation dépend sa survie dans son milieu professionnel.
Le master 2ème année en Ingénierie et Conseil en Formation a été pour nous
l’occasion de remises en question et d’approfondissement de notre pratique. Nous
avons saisi l’opportunité du travail sur le mémoire pour réfléchir à cette question de
l’accompagnement du changement organisationnel par la formation.
Dans un premier temps, il convenait de définir cette notion de changement
organisationnel puis de s’interroger sur les conditions de sa réussite. Il s’agissait
ensuite de réfléchir aux différentes modalités que pouvait revêtir la formation, à son
offre, pour pouvoir enfin proposer des éléments de réponse à notre question.
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Une mission dans une collectivité territoriale nous a offert l’opportunité d’un terrain
pour contextualiser notre réflexion théorique. Nous nous sommes appuyé sur cette
dernière pour répondre à la commande.
Sur le plan de la recherche, nous avons été limité par un certain nombre de
contraintes qui nous ont amené à tester deux hypothèses portant l’une sur le rôle des
représentations professionnelles dans le changement et l’autre sur l’importance de
l’appropriation et de la traduction du changement par ceux chargés de le mettre en
œuvre. Les résultats nous ont conduit à confirmer une partie de notre réflexion sur
l’accompagnement que peut proposer la formation dans le cadre d’un changement
organisationnel.
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A / UNE SITUATION PROBLEME RECURRENTE 1. LES FONDEMENTS PERSONNELS DE LA RECHERCHE
1.1. Itinéraire personnel : de l’électronique aux ressources humaines
En 1986, jeune ingénieur électronicien, développeur de logiciel industriel de pesage
électronique, nous avons été frappé de constater à quel point le management des
personnes dans les organisations était complexe et source de nombreuses difficultés
pour les cadres et dirigeants. Vivement intéressé par ce que nous appelions alors
« les phénomènes humains », nous avons repris en 1988 des études que nous
avons menées jusqu’en licence de Psychologie.
En 1991, nous avons changé d’orientation professionnelle en nous installant en tant
que Formateur consultant en développement des ressources humaines, métier que
nous exerçons toujours et qui nous conduit à intervenir dans le secteur privé et le
secteur public en conseil et formation sur des actions de valorisation des ressources
humaines, de management et de relations humaines.
1.2. Une problématique : formation et changement organisationnel
Les situations qui, aujourd’hui, nous intéressent le plus se présentent sous la forme
de demandes de stage interne à l’organisation de quelques jours sur des thèmes
tels que « Le management », « Les entretiens annuels d’évaluation » ou encore
« Les projets de service », les objectifs annoncés visant l’apport d’outils et de
méthodes.
Une analyse rapide du contexte révèle que, bien souvent, l’organisation est en train
de vivre un changement qui peut être qualifié d’organisationnel car il suppose de
modifier la façon de travailler d’un collectif. Il peut s’agir de faire évoluer :
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la répartition des rôles et les procédures de travail (par exemple laisser à
l’opérateur le choix d’arrêter sa machine s’il juge que la production ne répond
pas à la qualité voulue, ex prérogative du chef d’équipe)
la politique de gestion des ressources humaines (par exemple la mise en
place de fiches de poste et la conduite d’entretiens annuels d’évaluation)
la politique de management des services (par exemple par la mise en place
de projets de service)
Le stage de formation est, pour l’entreprise ou le service public, une aide au
changement. Mais quelle aide exactement ? En apparence, d’après les objectifs
annoncés du stage, il s’agit d’une aide en terme de procédures, de modalités de
l’action : quels outils, quelles méthodes pour mettre en oeuvre de manière très
opérationnelle les différentes actions ?
En réalité, l’analyse révèle également que le commanditaire a, vis-à-vis du stage,
des attentes en terme d’impulsion d’une dynamique vers le changement. Il attend
plus ou moins confusément de la formation un « déclic salutaire » qui va favoriser la
réalisation du changement. L’apprentissage des outils et méthodes impliquerait à ses
yeux l’engagement des participants au stage à les mettre en œuvre immédiatement,
donc l’engagement dans le changement. Ainsi la formation serait pensée en terme
« mécanique », comme une boite à outils dans laquelle les acteurs n’ont qu’à se
servir. Il suffirait pour changer de suivre des procédures et d’employer des outils
pertinents.
Cette situation est pour nous source de nombreuses interrogations, notamment :
Où commencent et où s’arrêtent le rôle et la responsabilité de la formation dans
une situation de changement organisationnel ?
Quels effets peut avoir un stage « outils méthodes » sur la motivation des
personnes impliquées dans le changement ? L’expérience nous a montré que ces
effets étaient très variables.
Quelles autres réponses l’ingénieur formation peut-il proposer à la place de ce
stage « outils méthodes » ? En fonction des cas, il est possible ou pas de faire
une analyse et des propositions complémentaires (si nous intervenons en sous-
traitance, le stage étant déjà vendu par un « conseiller » en formation, il est très
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délicat de revenir dessus. De même, si le commanditaire ne veut pas d’une
analyse complémentaire).
Les enjeux sont importants car les risques pour l’image du formateur consultant, et
au-delà, de la formation même, sont non négligeables. Que dire, du contraste entre
une évaluation « à chaud » positive (le formateur ayant réussi à faire passer le
contenu auprès de son groupe) et une évaluation sur les effets de la formation
décevante quand à moyen terme rien ou presque n’a changé ?
1.3. Question de recherche
Cette situation récurrente nous amène à nous poser la question de recherche
suivante :
« Quels différents types d’accompagnement la formation peut-elle proposer dans une situation de changement organisationnel ? Quelles modalités de formation y correspondent ? Quels critères de la situation déterminent ces types ?»
2. LE CONTEXTE PROFESSIONNEL DE LA RECHERCHE
2.1. Une commune engagée dans un processus de changement
En mai, septembre 2004 et février 2005, je suis intervenu en tant que formateur, pour
un donneur d’ordre qui avait réalisé l’analyse de la demande, sur la commune de CT
(classée 5 à 10 000 habitants, 130 agents).
Il s’agissait de concevoir et animer deux stages à destination d’un public composé de
l’ensemble de l’encadrement Directeur Général des Services (D.G.S.), Cadres de
direction, Responsables de service, Responsables d’équipe), soit en tout 17
participants, répartis en deux sous-groupes.
Le premier stage, « Utilisation des fiches de poste » d’une durée de deux
jours par sous-groupe s’est déroulé en mai 2004.
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Le second stage « Conduite d’entretiens annuels d’évaluation » s’est déroulé
en deux étapes : une première partie de deux jours par sous-groupe en
septembre 2004, puis une journée de suivi et de bilan en février 2005, en
groupe entier, une fois les entretiens annuels réalisés.
Ces deux stages s’inscrivent dans un changement organisationnel initié en 2002 à la
suite de la réforme des 35 heures qui, sous l’impulsion des élus, a obligé l’ensemble
de la collectivité à repenser son mode de fonctionnement. Les décisions prises ont
été nombreuses :
La refonte de l’organigramme
La révision des critères retenus pour le régime indemnitaire
La création de fiches de poste
La mise en place d’une démarche entretiens annuels d’évaluation
Le lancement d’une démarche projet de service
2.2. L’opportunité d’un travail approfondi dans un cas de figure typique de la
problématique
Au cours de l’animation de la première formation « Utilisation des fiches de poste »,
dans le groupe où était présent le D.G.S., de nombreuses discussions ont eu lieu,
dont l’une à propos des projets de service, pour lesquels l’encadrement a également
suivi une formation et qui semblent poser beaucoup de problèmes quant à leur mise
en place. Une partie des cadres a remis un document qui est en fait un bilan de
l’activité du service et pas un projet de service ; les autres ne renvoient aucun
document, malgré les demandes répétées de la Direction Générale. Le D.G.S. a fini
par envisager de programmer pour 2005 une nouvelle formation sur le thème des
projets de service, la première, n’ayant pas, semble-t-il, donné satisfaction. Cette
première formation, en 2002, assurée par un autre cabinet, était composée de trois
sessions de deux jours réparties sur trois mois. Les objectifs annoncés portaient sur
l’acquisition de méthodes et d’outils et sur un premier accompagnement de leur mise
en œuvre.
En décembre 2004, pour notre chantier Master Professionnel 2ème année, nous
avons donc saisi l’opportunité offerte par ce contexte et avons proposé au Maire et
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au D.G.S. une étude sur la mise en place des projets de service devant aboutir à des
recommandations sur la conduite de cette démarche. Proposition immédiatement
acceptée.
Ce terrain semble propice et cette mission pertinente à plusieurs titres :
En premier lieu, nous y retrouvons la situation problème décrite
précédemment : des stages de formation « outils, méthodes » réalisés dans le
cadre d’un changement organisationnel s’avèrent insuffisants.
En second lieu, notre mission va nous confronter à une volonté politique de
changement organisationnel et nous conduire à faire des préconisations,
notamment en adoptant la position de l’Ingénieur Formation. C’est là
l’occasion de réfléchir sur le rôle de la formation dans ce type de changement,
puis de proposer et, par la suite peut être, d’expérimenter autre chose qu’un
stage « outils, méthodes » comme modalité de formation.
Enfin, nous avons pu constater dans cette collectivité une liberté d’expression
au sein de l’encadrement qui nous paraît satisfaisante, certains cadres
n’hésitant pas à donner un avis contraire à celui exprimé par le D.G.S., en sa
présence.
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B / UN RECUL THEORIQUE NECESSAIRE
Il paraît nécessaire de réfléchir d’une part sur la nécessité d’un accompagnement
lors de la conduite du changement, et d’autre part sur le rôle que peut jouer la
formation dans l’accompagnement d’un changement organisationnel. C’est pourquoi
nous adopterons la démarche d’étude suivante :
Dans un premier temps, il conviendra de s’attacher à définir au-delà du sens
commun cette expression « changement organisationnel » si souvent
employée.
Puis, nous approfondirons ce qui est en jeu dans le changement
organisationnel en étudiant quelques analyses développées autour du
changement dans les organisations. L’objectif de ce travail sera de nous
fournir des éléments pour l’analyse d’une situation de changement.
Ensuite, nous interrogerons la notion même de formation. Il s’agira alors
d’approfondir nos repères sur ce que l’on peut appeler « formation » et sur ses
différentes modalités. Cela sera également pour nous l’occasion de réfléchir à
la spécificité du métier d’ingénieur formation.
Enfin, nous nous interrogerons sur les caractéristiques pertinentes du
changement organisationnel pour l’ingénieur formation, ce qui nous conduira à
envisager les différents apports possibles de la formation dans son
accompagnement.
1. DEFINIR LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL
De quoi parle-t-on exactement quand on évoque le « changement
organisationnel » ? Le sens commun répondra d’un changement dans l’organisation.
Cette réponse est insatisfaisante car elle ne dit rien, entre autres, sur ce qu’est le
changement, ce qu’il vise et qui le souhaite.
Tenter une définition du « changement organisationnel », au-delà du sens commun,
c’est s’en faire une représentation plus précise et donc déjà mieux le cerner. C’est
aussi être capable de le reconnaître dans sa spécificité et en faire un objet d’étude.
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Approcher une définition du « changement organisationnel » est à la fois la pierre
fondatrice de notre recherche, car elle l’oriente, en même temps qu’elle annonce ses
limites, tant nous sommes conscient du caractère non exhaustif de la définition qui
sera proposée.
Pour construire cette définition, deux disciplines complémentaires ont été mobilisées
le management d’une part et la sociologie d’autre part.
1.1. Pour le management, le changement est stratégique
Les ouvrages que nous avons consultés emploient l’expression changement
organisationnel quand ils abordent le changement, mais c’est souvent pour évoquer
l’impérieuse nécessité pour toute organisation d’évoluer « La dynamique et la
complexité croissantes de notre environnement ne permettent plus de concevoir des
organisations fixes, immuables. Ces dernières n’auraient aucune chance de survivre
face à l’insécurité, l’instabilité et le développement de leur milieu »1, mais aucun de
ces ouvrages ne définit directement le changement organisationnel.
Y-F LIVIAN dans « Organisation, théories et pratiques »2 présente indirectement des
éléments de définition à l’occasion du chapitre intitulé « L’accompagnement des
changements organisationnels » où il précise les caractéristiques des
interventions d’accompagnement du changement qu’il définit comme un ensemble
d’actions menées auprès d’une organisation et « ayant pour but de l’aider à
progresser vers un objectif de changement fixé par ses dirigeants » :
« elles (ces interventions d’accompagnement) concernent un changement
finalisé, correspondant à un certain moment, à des objectifs plus ou moins
partagés mais exprimables … »
« elles sont centrées sur l’évolution des attitudes et des comportements,
considérée comme la base des diverses transformations à effectuer. Les
modifications de procédures et de règles n’interviennent que pour soutenir
cette évolution, et ne constituent pas les seuls moyens utilisés » 1 J.B.PROBST Gilbert, MERCIER Jean-Yves, BRUGGIMANN Olivier, RAKOTOBARISON Aïna, (1992) Organisation et management, tome 2, Gérer le changement organisationnel, p 12, Paris, Editions d’Organisation, 264 p 2 Y-F LIVIAN, (1998) « Organisation, théories et pratiques », Paris, Dunod, 322 p
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« elles engagent de façon directe et active la direction générale de l’entreprise
… »
« elles sont effectuées selon un processus se déroulant avec des degrés
variables d’activité, sur une période relativement longue et visant un effet à
long terme, même si des résultats tangibles peuvent être obtenus très
rapidement »
I.FOGLIERINI-CARNEIRO dans « Organisation et gestion des entreprises »1 aborde
le changement organisationnel et écrit « La transformation de l’organisation est faite
à partir d’un diagnostic qui met en évidence les nouvelles opportunités et les
menaces de l’évolution de l’environnement ainsi que les forces et les faiblesses de
l’organisation actuelle pour y faire face. Le choix des changements nécessaires doit
être envisagé comme une approche stratégique… La stratégie interne prévoit la
nouvelle organisation, les nouvelles pratiques, voire les nouveaux comportements
nécessaires pour assurer la compétitivité de l’entreprise vis-à-vis de ses concurrents.
La définition des changements tient compte également de leur mise en place. Il faut
prendre en compte les compétences des membres de l’organisation, leurs valeur et
leur volonté de favoriser la concrétisation des nouvelles orientations ».
Plusieurs aspects sont à souligner dans l’approche de ces deux auteurs :
Le changement se fait à partir d’un diagnostic de la situation.
La définition des objectifs du changement est un choix de la direction et fait partie
d’une approche stratégique.
Les objectifs visent une évolution à terme sur un ou plusieurs aspects de
l’organisation : la structure, les procédures, le management, la culture2, qui passe
par une évolution des comportements et des attitudes.
La stratégie adoptée pour atteindre ces objectifs tient compte de la situation
interne avant le changement, notamment des compétences du personnel, de
leurs valeurs et de leur volonté d’adhérer aux nouvelles orientations.
1 I.FOGLIERINI-CARNEIRO, (1992) « Organisation et gestion des entreprises », Paris, Dunod, 368 p 2 Je me réfère ici aux « quatre grandes familles, ou leviers, qui couvrent tout le fonctionnement de l’entreprise » abordées page 134 et suivantes dans FAUVET Jean-Christian, BÜLHER Nicolas (1992), « La socio-dynamique du changement », Paris, Editions d’Organisation, 174 p.
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Le changement se traduit concrètement par la réalisation par les personnes
concernées d’une série d’actions ou procédures nouvelles, dans le cadre de
l’exercice de leur activité professionnelle, s’étalant sur une période déterminée.
1.2. Pour la sociologie, le changement est un processus
Dans notre effort de définir le changement organisationnel, P. BERNOUX apporte
une contribution importante en posant une question fondamentale dans l’introduction
de son livre « Sociologie du changement »1 : « Le changement en général et le
changement dans les organisations en particulier sont des objets difficiles à
appréhender. Qu’appelle-t-on changement en effet ? »
Cette question est riche d’interrogations, doit-on en effet considérer que le
changement est effectif lors de la prise de décision du dirigeant, lors de la réalisation
des actions nécessitées par le changement, ou bien encore lorsqu’il est entré dans
les « habitudes » des personnes concernées et qu’il est ainsi devenu pérenne ?
La réponse que l’auteur propose peut se décomposer en deux volets :
Se référant à N.ALTER2 , il engage à remplacer le terme de changement par
l’expression « processus de changement » mettant ainsi en avant l’importance de
la dynamique de transformation, de la durée du changement et également
l’inévitable incertitude de son aboutissement réel par opposition aux objectifs
visés par la direction. Selon P.BERNOUX, le changement est à comprendre
comme un processus continu à conduire par le responsable, visant l’émergence
d’une nouvelle forme de l’organisation s’articulant avec l’existant, mais dont
l’issue exacte est incertaine. En effet, certaines orientations peuvent s’avérer
différentes de qui avait été imaginé par l’initiateur.
D’autre part sur la réalisation du changement, P. BERNOUX la présente comme
un double apprentissage de la part des personnes impliquées : l’apprentissage de
nouvelles manières de faire, d’exécuter son travail, et, également, l’apprentissage
de nouvelles relations, de nouvelles manières de coopérer. Ces deux
apprentissages sont indissociables et aboutissent à des modifications des
1 P. BERNOUX, (2004), « Sociologie du changement », Paris, Editions du Seuil, 307 p. 2 N.ALTER, (2000) « L’innovation ordinaire », Paris, PUF.
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« règles du jeu entre acteurs, c'est-à-dire le système de relations de
l’organisation ».
Le changement serait donc un processus d’apprentissage par les acteurs de
nouvelles manières d’agir et de coopérer. Il ne deviendrait effectif qu’avec une
modification adéquate de règles habituelles de travail et des relations entre les
acteurs concernés par le changement. Son aboutissement est incertain, tant sur les
éléments de la situation de travail (procédures, relations, …) qui vont évoluer que sur
le sens de l’évolution, conforme à ce qui est attendu par celui qui initie le
changement ou non.
1.3. Un essai de définition du changement organisationnel
Avec ces nouveaux éclairages, nous proposons de définir le changement
organisationnel comme :
Une évolution, incertaine quant à son aboutissement, concernant un ou plusieurs
aspects de l’organisation1, souhaitée, formulée et pilotée par la Direction à la
suite d’une analyse de la situation interne et externe, et qui se réalise par
l’intermédiaire d’un processus d’apprentissage par les personnes concernées de
nouvelles manières de faire et de nouvelles manières de coopérer, aboutissant
ainsi à une modification du système de relations entre les acteurs.
Il est essentiel ici de préciser deux aspects dans la définition proposée :
Les personnes concernées incluent la Direction, qui est un acteur important en
cela qu’elle définit un cadre, mais reste cependant un acteur parmi les autres car
le processus ne peut exister sans les autres acteurs. Le changement
organisationnel est vu comme impliquant un processus d’apprentissage de
nouvelles manières de faire et de nouvelles manières de coopérer également de
la part de la Direction.
1 Quatre aspects : La structure, les procédures, le management et la culture. Nous nous référons aux « familles qui couvrent tout le fonctionnement de l’entreprise» exposées dans FAUVET Jean-Christian, BÜLHER Nicolas (1992), La socio-dynamique du changement, Paris, Editions d’Organisation, 174 p.
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La notion de pilotage du changement se veut muette sur le mode de pilotage
utilisé, dont il est possible avec D.TESSIER et E.VERNE1 d’envisager quatre
types : directif, persuasif, participatif et « délégatif » (responsabilisant
l’encadrement pour qu’il pilote lui-même le changement). Nous sommes
convaincus avec ces auteurs qu’aucun des quatre ne peut être présenté comme
le meilleur ou le plus efficace et que seule la spécificité de la situation peut
donner des indications sur le mode de pilotage approprié.
Nous sommes toutefois conscient de la partialité de cette définition qui présente le
changement organisationnel comme toujours issu de la Direction, excluant ainsi les
changements fréquents dans l’organisation qui sont le fait d’adaptations des salariés,
à leur initiative, aux évolutions régulières de leur environnement professionnel. Nous
proposons cette définition car, bien que restrictive, elle correspond aux situations sur
lesquelles nous sommes amené à intervenir. En effet, dans les cas que nous avons
rencontrés, même si le changement trouve son origine dans une initiative ou une
demande des salariés, il est toujours repris, validé et assumé par la Direction.
2. LE ROLE DES ACTEURS DANS LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL Comme le remarquent Eric ALBERT et Jean-Luc EMERY2 « de nombreux
changements d’organisation ou de processus se font sans blocage, sans retard,
sans technologie élaborée pour accompagner le changement », il n’en reste pas
moins évident que chacun peut citer plusieurs exemples de changements
organisationnels, parfois mêmes simples en apparence, qui ont échoué.
Comment comprendre cet apparent paradoxe ? Qu’est ce qui se joue dans les
changements organisationnels qui va conditionner leur réussite ou leur échec ?
1 TESSIER D., VERNE E. (1988), Management situationnel, INSEP Edition, 143 p. 2 ALBERT Eric, EMERY Jean-Luc (1998), Le manager est un psy, p 84, Paris, Editions d’Organisation, 190 p.
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2.1. Le rôle déterminant des acteurs
Dans son livre « Sociologie du changement »1, Philippe BERNOUX se fixe comme
objectif d’analyser les multiples causes du changement et présente ce dernier
comme « le résultat d’une combinaison entre un ensemble de forces, les contraintes
[de l’environnement], les institutions et les acteurs, où se mêlent domination et
liberté », définissant ainsi ce qu’il nomme les trois racines du changement :
l’environnement, les institutions et les acteurs.
L’auteur, cependant, ne donne pas la même importance aux « racines » ainsi
désignées. Il s’appuie sur deux cadres théoriques, l’individualisme méthodologique et
l’interactionnisme, pour désigner les acteurs comme jouant un rôle central dans le
changement.
Le paradigme de l’individualisme méthodologique qui postule que « tout
phénomène social résulte de comportements individuels» lui permet d’affirmer
que tout changement ne sera effectif que si les personnes concernées acceptent
de le mettre en œuvre, c'est-à-dire « en comprennent et en acceptent le sens et
en font l’objet de leur action ».
Les acteurs ne sont donc pas soumis passivement aux contraintes, ils ont un rôle
actif et déterminant dans les changements, ils en sont la clé.
Avec le cadre théorique de l’interactionnisme, P.BERNOUX, après avoir défini les
interactions comme les échanges entre les membres d’une société, présente la
dynamique du changement comme le résultat de l’évolution des interactions entre
les personnes concernées.
Les acteurs construisent donc les changements à travers leurs interactions.
P.BERNOUX affirme que les acteurs sont la racine fondamentale du changement
effectif, qu’ils construisent sa réalité concrète et opérationnelle à travers leurs
interactions, à condition qu’ils le comprennent et acceptent de le mettre en œuvre.
1 P. BERNOUX, (2004), « Sociologie du changement », Paris, Editions du Seuil, 307 p.
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Si les acteurs sont la clé du changement, quels déterminants influent sur la
compréhension, l’acceptation et l’engagement dans l’action ? Quels sont les facteurs
de résistance ?
Nous n’avons pas l’ambition de répondre de manière exhaustive à cette question,
cependant deux approches complémentaires semblent fructueuses.
2.2. Quels déterminants du comportement de l’acteur ?
2.2.1. Pouvoir exister pour coopérer
P.BERNOUX dans son livre « Sociologie du changement »1, présente notamment
deux notions qu’il est intéressant de développer : l’appropriation et la coopération.
2.2.1.1. Exister par la maîtrise de son travail
« S’approprier un travail, c’est lui donner un sens, pouvoir le négocier et le modifier.
Sans appropriation, aucune organisation ne peut fonctionner ».
Ce concept développé par l’auteur, définit une étape incontournable pour arriver à
l’acceptation et la maîtrise du travail par celui qui l’exécute. L’appropriation est le
processus qui permet au travail prescrit de devenir l’activité réelle. Ce processus
suppose une transformation du prescrit par l’acteur, personne ou groupe, chargé de
le mettre en œuvre. Cela ne peut avoir lieu qu’à travers l’existence, pour celui qui
travaille, d’une zone d’autonomie que la direction doit laisser ou que l’acteur va se
créer.
Cette appropriation, qu’elle soit individuelle ou collective, se fait toujours en référence
aux normes du groupe, aux représentations sociales liées à l’activité.
« Dans le cas d’un changement, celui-ci n’est acceptable et ne sera accepté que s’il
comporte un espace permettant cette maîtrise de son travail par l’exécutant ». Un
changement décrété par la direction ne sera donc accepté que s’il peut être
approprié par ceux qui doivent le faire vivre.
L’auteur insiste sur le fait que cela ne doit pas être interprété comme une résistance
au changement, mais compris comme l’expression de la volonté de maîtriser son
1 P. BERNOUX, (2004), « Sociologie du changement », Paris, Editions du Seuil, 307 p.
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travail et d’exister par son travail. L’appropriation ne s’oppose pas au changement,
elle en est un des pôles.
Selon P.BERNOUX, pour être accepté un changement doit laisser une marge de
manœuvre suffisante pour que les personnes concernées puissent l’adapter, le
transformer et ainsi l’intégrer à la réalité quotidienne de leur activité.
2.2.1.2. Les conditions de la coopération
Elément fondamental de toute organisation, l’auteur définit la coopération comme
« un ajustement non conflictuel des relations entre acteurs ». Si une certaine
coordination peut être imposée par la hiérarchie, la coopération reste dépendante de
l’engagement des acteurs. Pour qu’un changement se réalise, la coopération est
nécessaire or elle peut devenir problématique si le changement génère chez les
acteurs des logiques d’action1 opposées.
P.BERNOUX s’interroge alors sur les conditions de création de la coopération, deux
axes de réponse sont particulièrement intéressants.
La théorie de la traduction : se référant à CALLON et LATOUR et leurs travaux
sur les innovations, BERNOUX expose qu’une innovation, un changement, n’aura
d’existence réelle que si ceux qui doivent le mettre en œuvre la comprennent, y
trouvent un sens, un intérêt. « Le modèle de la traduction suppose que
l’innovation ait été traduite dans le langage de ceux qui la reçoivent. »
Une innovation ne s’impose pas par ses qualités intrinsèques mais au travers de
ce qu’en feront les différents acteurs concernés. D’où la nécessité pour que
l’innovation soit effective, qu’elle vive par l’intermédiaire d’une mise en réseau
des personnes impliquées par elle.
Pour amener ces acteurs à coopérer, il est nécessaire qu’ils soient réunis par une
interrogation commune et par l’identification, la création d’un bien commun.
1 P.BERNOUX définit « Une logique d’action naît du sens que l’individu donne à l’action qu’il entreprend, dépendant de la situation d’action. Ce sens n’est pas lié seulement à la situation. Il a ses racines dans les représentations, les images actives que les individus se sont forgés au cours de leur vie, images liées à leur identité. Il permet d’expliquer le type de raisonnement emprunté »
20 /132
La théorie des conventions : se référant à BOLTANSKY et THEVENOT,
P.BERNOUX résume l’essentiel de la théorie en présentant que la coopération
suppose un accord entre les participants sur les principes fondateurs de leur
action et que cet accord ne va pas de soi, tant les valeurs de chacun peuvent
varier. BOLTANSKY et THEVENOT proposent ainsi une typologie en six mondes,
six cités. P.BERNOUX prend ses distances vis-à-vis de ce modèle et avance
qu’en fonction des situations, il est possible d’identifier d’autres mondes en
s’intéressant aux objets, personnes, principes valorisés. Il n’en reste pas moins
que la coopération supposera un compromis, une convention permettant
d’accorder ces différentes valeurs. Cette convention est un système d’attentes
réciproques sur les compétences et les comportements.
Avec les apports de ces deux théories, le changement effectif apparaît lié à
l’établissement d’une coopération entre l’ensemble des personnes concernées. Cette
coopération ne va pas de soi et reste dépendante
Premièrement, d’une traduction possible pour chaque acteur des implications du
changement dans sa réalité professionnelle, garantie de l’attribution d’une
signification au changement.
Deuxièmement, du repérage ou de l’établissement d’un bien commun à tous les
acteurs dans le changement, garantie d’un intérêt commun.
Enfin, de l’établissement d’un compromis tacite portant sur les compétences et
les comportements mis en jeu par les acteurs dans la réalisation du changement
et sa pérennisation, garantie du respect et de la préservation des valeurs
essentielles de chaque acteur au travers du changement.
2.2.1.3. Les jeux de pouvoir
Si les acteurs sont la clé du changement, leur perception des enjeux dans le
changement sera déterminante. C’est l’approche de l’analyse stratégique
développée par M.CROZIER et E.FRIEDBERG dans leur livre « L’acteur et le
système »1.
Ces deux auteurs présentent l’organisation comme un équilibre construit sur des
rapports de pouvoir liés au contrôle de zones d’incertitude. Le pouvoir est défini
1 M.CROZIER, E.FRIEDBERG (1977) « L’acteur et le système ». Paris, Seuil, 448 p.
21 /132
comme n’étant pas un attribut d’une personne ou d’un groupe mais une relation
d’échange et de négociation entre des acteurs inter dépendants pour
l’accomplissement de leurs fonctions.
Tout changement au sein d’une organisation remet en cause cet équilibre et génère
des enjeux : ce que les personnes concernées perçoivent comme aspects à gagner
ou à perdre dans le changement. Ce dernier va donc être ressenti différemment
selon les acteurs et, en fonction des enjeux qui y sont attachés, va déclencher des
stratégies d’adaptation, de facilitation ou de rejet.
Avec cette théorie, l'engagement des acteurs en faveur ou contre un changement
apparaît lié à des stratégies développées en fonction de l'estimation de gains ou de
pertes de pouvoir dans l'organisation. Ainsi pour pouvoir être effective, l’organisation
proposée devra permettre aux acteurs d’estimer qu’ils tireront profit du changement.
2.2.2. Le rôle des représentations professionnelles
Eric ALBERT et Jean-Luc EMERY1 écrivent dans leur livre « Le manageur est un
psy » à propos du changement dans les organisations : « Le changement c’est
l’apprentissage d’un nouveau comportement … Si le changement peut être conçu
comme une modification du comportement des sujets, dans une situation donnée, on
peut donc le ramener à l’apprentissage de nouveaux comportements et à
l’acquisition de nouvelles représentations. ». Les représentations apparaissent donc
comme une entrée également intéressante pour comprendre ce qui se joue au
niveau de l’engagement des acteurs dans un changement organisationnel. Pour
approfondir cette seconde approche, nous nous réfèrerons à J-F.BLIN et à son livre2
« Représentations, pratiques et identités professionnelles ».
2.2.2.1. Les représentations professionnelles
L’auteur, revendiquant une approche psychosociale, développe le concept de
représentation professionnelle en tant que représentations sociales spécifiques au
plus près des réalités du quotidien professionnel. Il écrit également que dans le
cadre du changement « ce qui est modifié, ce n’est pas tant les particularités d’une
1 ALBERT Eric, EMERY Jean-Luc (1998), Le manager est un psy, p 84, Paris, Editions d’Organisation, 190 p. 2 BLIN J.F. (1997) Représentations, pratiques et identités professionnelles. Paris, L’Harmattan.
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façon de travailler que les manières dont ils [les professionnels] se représentent la
nouvelle situation de travail ».
Pour cerner la spécificité des représentations professionnelles, J-F BLIN les présente
comme « élaborées dans l’action et la communication professionnelles (interagir et
inter réagir) » et en interaction avec les éléments suivants
Le contexte professionnel : selon l’auteur les représentations professionnelles
s’élaborent et se partagent dans un contexte donné qui les spécifie, elles y sont
donc liées et traduisent des relations et des rationalités qui sont à l’œuvre dans le
champ professionnel considéré.
Les acteurs et le groupe professionnel : pour J-F BLIN, les représentations
professionnelles sont construites et échangées par des acteurs et des groupes
d’un même champ professionnel. Si elles sont influencées par les normes socio
institutionnelles, elles sont également largement dépendantes de l’exercice
professionnel se distinguant ainsi des représentations sociales de la profession.
Les objets professionnels : « Pour que les sujets puissent agir et communiquer
dans leurs situations professionnelles, il leur faut des objets » mais l’auteur
précise que tout objet n’est pas nécessairement source de représentations, il faut
pour cela qu’il soit signifiant dans les actions et les communications.
J-F BLIN propose la définition suivante « Les représentations professionnelles,
toujours spécifiques à un contexte professionnel, sont définies comme des
ensembles de cognitions descriptives [Connaissance], prescriptives [Action] et
évaluatives [Valeur] portant sur des objets significatifs et utiles à l’exercice
professionnel, et organisés en un champ structuré présentant une signification
globale. »
Selon J.F. BLIN les fonctions des représentations professionnelles sont au nombre
de quatre1 :
Elles participent à la construction d’un savoir professionnel qui permet aux
acteurs de comprendre et d’agir sur la réalité.
1 Idem p 94.
23 /132
Elles définissent les identités professionnelles, marquent les idéologies, les
territoires et participent des jeux et enjeux institutionnels.
Elles orientent les conduites et guident les pratiques professionnelles.
Elles permettent, a posteriori, de justifier les prises de positions et les pratiques
professionnelles. Elles expliquent et légitiment, pour l’individu, ses positions et
ses routines.
2.2.2.2. L’impact du changement
J-F BLIN envisage le changement comme une possible rupture des équilibres de ce
système ouvrant sur de nouvelles dynamiques. Sa recherche (l’appropriation de
nouvelles pratiques par des enseignants) l’amène à étudier les effets du changement
au travers de l’articulation entre représentations et pratiques professionnelles. Ces
dernières étant orientées et rendues signifiantes par les représentations, mais en
même temps vues comme la clé à partir de laquelle les représentations peuvent être
modifiées.
Dans un premier temps J-F BLIN, se référant à J.HABERMAS, décompose la
pratique professionnelle en deux systèmes d’activité : l’activité instrumentale ou
« agir instrumental » et l’activité communicationnelle ou « agir communicationnel ».
La pratique comme « agir instrumental » « relie, autour des processus de travail,
les finalités économiques et les moyens techniques et organisationnels pour les
atteindre. ». L’auteur y distingue trois types de pratiques :
o Les pratiques signifiantes : dans cette situation à forte charge affective,
les représentations professionnelles sont déterminantes dans
l’orientation des pratiques.
o Les pratiques non contraignantes : le système d’emprise institutionnel
ou groupal est faible et tolère ou ne contrôle pas les choix des
acteurs… « les pratiques sont largement influencées par les principaux
éléments constitutifs des représentations professionnelles : du soi
professionnel, des collègues, de la tâche, du contexte. …Ces
représentations jouent un rôle d’autant plus important que les situations
sont complexes, ambiguës et que des savoirs de référence sont
absents ou ne sont pas appropriés par les acteurs »
24 /132
o Les pratiques contraignantes, ou prescrites, sont soumises à un fort
contrôle de la part de l’organisation. Avec C.FLAMENT, l’auteur
envisage deux types de situations :
Si la situation est considérée, à tort ou à raison, comme
réversible par l’acteur alors les pratiques imposées ont peu
d’effet sur les représentations.
Si la situation est perçue comme irréversible par l’acteur alors
les nouvelles pratiques vont modifier les représentations selon
les conditions suivantes
• Si les pratiques prescrites sont en accord avec le noyau
central, elles vont activer des schèmes qui jusqu’à
présent était « dormants » et venir renforcer la
signification globale de la représentation.
• Si ces pratiques sont contradictoires avec les
représentations, l’acteur peut développer des conduites
de détournement pour protéger ses représentations. Il
peut également développer des mécanismes de défense
(interprétation, justification, rationalisation) qui s’intègrent
à la représentation sous forme de « schèmes étranges ».
A long terme, la multiplication de ces derniers amènera à
la transformation de la représentation.
• « Des pratiques nouvelles qui ne sont pas totalement
contradictoires vont faire évoluer les représentations sans
rupture. Les schèmes activés par les pratiques vont
progressivement fusionner avec les anciens et donner
naissance à une nouvelle représentation ».
La pratique comme « agir communicationnel » structure l’interaction entre les
individus d’un même champ professionnel au moyen de pratiques
langagières.
Tout en acceptant le caractère restrictif de son approche, l’auteur ramène la
pratique communicationnelle à une pratique de prise de décision en groupe et
25 /132
s’appuyant sur les travaux de S.MOSCOVICI et W.DOISE1, distingue deux
types de participation aux actes de décision :
o La participation consensuelle où chaque membre accède au pouvoir
collectif des choix et où le travail de décision passe par des conflits
socio cognitifs permettant la transformation des représentations
professionnelles de chacun en représentations partagées par les
membres du groupe.
o La participation normalisée où l’accès des membres à la discussion est
réglé par la hiérarchie. Ce processus d’influence aboutit à un
compromis qui préserve les représentations professionnelles de
chacun des membres.
Après une application de ces approches théoriques à son terrain d’étude, J-F BLIN
conclut que les « situations d’obligation ne viennent transformer les représentations
antérieures que dans la mesure où les prescriptions sont appropriées dans un travail
collectif de négociation et donc d’adaptation. »
Avec J-F BLIN, nous pouvons donc avancer les propositions suivantes :
Représentations et pratiques professionnelles sont liées. L’évolution de ces
dernières peuvent conduire à une modification des représentations.
Dans le cas d’un changement organisationnel prescrivant des pratiques
opérationnelles soumises à un fort contrôle de la part de la direction, la réalité du
changement, traduite par les conduites effectives des personnes concernées,
dépendra de l’accord ou de la contradiction des pratiques avec les
représentations professionnelles activées. En cas de contradiction chez un
acteur, celui-ci peut développer des conduites de détournement qui auront pour
effet de remettre en cause la concrétisation du changement. Il peut également se
conformer aux pratiques et développer une justification de ses actes qui viendront
influencer les représentations professionnelles impliquées.
Dans le cas d’un changement organisationnel, le mode de participation aux
décisions concernant ce changement détermine la transformation des
représentations professionnelles. Si la participation est de type consensuelle,
1 S.MOSCOVICI, W.DOISE (1992) « Dissensions et consensus. Une théorie générale des décisions collectives » Paris. P.U.F.
26 /132
favorisant les échanges et le travail collectif alors les représentations des acteurs
peuvent évoluer. Si la participation est de type normalisée avec une forte
régulation des échanges par la hiérarchie, alors les représentations des acteurs
ne sont pas modifiées.
2.3. Synthèse : un autre regard sur le changement organisationnel
Ces différents éclairages théoriques, permettent d’approfondir la réflexion.
Il apparaît que le changement organisationnel, défini comme une évolution
souhaitée, formulée et pilotée par la direction, ne trouvera une réalisation concrète et
effective qu’à travers un apprentissage par les personnes concernées de nouvelles
manières de faire et de coopérer.
En premier lieu, il est important de noter que, même si les acteurs acceptent le
changement, ils doivent se l’approprier. Très concrètement cela veut dire qu’ils
doivent pouvoir discuter des actions à mettre en œuvre et/ou adapter les actions
prescrites pour pouvoir les adopter, selon qu’on leur en laisse la marge de
manœuvre pour le faire (approche participative) ou pas. Cette appropriation qui est
une forme d’expression de leur identité au travail est constitutive du changement.
Elle porte de manière implicite le fait que, même accepté par ceux qui le mettent en
œuvre, le changement échappera, plus ou moins, à la direction dans sa réalisation
concrète.
Le changement effectif est déterminé, construit, par les interactions entre les
différents acteurs et la direction est un acteur parmi d’autres.
En second lieu, si le changement effectif se réalise au travers d’un processus
d’apprentissage, ce processus ne va pas de soi car il est dépendant de l’engagement
des acteurs dans sa réalisation.
De nombreux facteurs influent sur cet engagement et son sens vis-à-vis du
changement, notamment :
La perception par les acteurs des enjeux en terme de gains ou de pertes de
pouvoir à travers la réalisation du changement.
27 /132
La signification donnée par les acteurs au changement, la manière dont chaque
acteur traduit le changement demandé et ses effets à son niveau d’action.
L’accord ou la contradiction entre les actes liés au changement et les
représentations professionnelles activées.
Enfin, le changement concerne un collectif d’acteurs qui, même favorables au
changement, doivent coopérer pour en construire la réalisation effective. Cette
coopération peut être favorisée par
Le repérage ou l’établissement d’un bien commun à tous les acteurs qui sera
atteint ou préservé par le changement.
Un compromis tacite sur ce que chaque acteur peut attendre de l’autre en terme
de comportements et de respect de valeurs.
Un mode de participation aux décisions concernant les actions du changement
qui favorise le travail collectif et le débat, de façon à tendre vers la construction
d’un consensus.
3. DEFINIR LA FORMATION DANS LES ORGANISATIONS
Travailler à une définition de la formation est l’occasion de réfléchir à la spécificité de
ce que peut apporter l’ingénieur formation dans une organisation et les différentes
modalités de son action.
3.1. Un dispositif précis d’apprentissage
3.1.1. Une définition
En se référant au livre de Françoise RAYNAL et Alain RIEUNIER1, et à celui de Marc
DENNERY2, la formation dans une organisation peut être définie comme un
dispositif pédagogique capable de mettre les individus qui le suivent en état
d’atteindre des objectifs spécifiés portant sur l’apprentissage de savoirs et de savoir-
1 F. RAYNAL, A. RIEUNIER, (2003), Pédagogie : dictionnaire des concepts clés. ESF éditeur. 2 DENNERY Marc (1999) Piloter un projet de formation, Paris, ESF Editeur, 215 p.
28 /132
faire qui seront ensuite réinvestis dans une situation de travail à travers l’expression
de compétences.
Cette définition appelle un certain nombre de précisions :
Le terme de dispositif pédagogique suppose une démarche pédagogique mettant
en jeu des objectifs déterminés, un programme, des méthodes, un
accompagnateur (formateur, tuteur, animateur, …) et un système d’évaluation.
G. Le Boterf1, définit la compétence individuelle comme une combinatoire de
ressources externes et internes, ces dernières pouvant se classer en savoir,
savoir-faire et savoir être. Cette combinatoire se met en œuvre dans une situation
donnée et permet à l’individu d’y réaliser une activité précise. La formation ne
rend pas compétent, mais vise à procurer un certain nombre de ressources qui
pourront être utilisées dans une activité donnée pour être compétent.
L’acquisition de savoir être par la formation est sujet à débat. Marc DENNERY
propose une décomposition du savoir être en quatre éléments : les qualités
morales, le caractère (ensemble de manières habituelles de sentir et de réagir),
les goûts et intérêts, et les comportements stéréotypés (nettoyer sa place dans
l’atelier chaque soir, …). Sur chacun de ces éléments, il développe une
argumentation qui revient à montrer le peu ou pas d’impact de la formation sur le
savoir être des participants2 : « les hommes restent (heureusement) toujours
libres de penser et d’agir ». Pour notre part, même si nous pouvons comprendre
qu’une formation portant sur des savoir et savoir-faire relationnels, comme la
gestion de conflits par exemple, puisse déclencher chez certains participants une
réflexion introspective, voir une prise de conscience sur leur manière de réagir et
ainsi contribuer à l’enrichissement de leur savoir être, il nous semble impossible
de prétendre, dans une formation, faire acquérir aux participants tel ou tel savoir
être.
1 LE BOTERF G. (1999), L’ingénierie des compétences, Les Editions d’organisation 2 p 28 à 31 du livre
29 /132
Le mot formation recouvre habituellement une intervention d’une durée limitée qui
va du très court terme (quelques heures) au moyen terme (quelques mois à un ou
deux ans). Si les stratégies de formation peuvent se concevoir sur le long terme,
l’action de formation dans les organisations se réalise sur le court ou moyen
terme.
3.1.2. Quelques modalités possibles pour une action de formation
Si nous nous en tenons à la définition précédente, et en nous appuyant sur différents
ouvrages qui ont abordé la question1, nous pouvons proposer une liste des formes
possibles pour une action de formation dans une organisation :
Le stage de formation « classique » (type stage catalogue ou module dans une
formation qualifiante), catégorie à laquelle appartient le stage outils méthodes et
qui se caractérise par la réunion, en un même lieu et pour une durée de quelques
heures à quelques jours, des participants et du formateur autour d’un thème avec
des objectifs d’apprentissage précis.
La formation action qui consiste à lier la formation à la résolution d’un problème
réel rencontré par les participants. Elle fait alterner des phases d’acquisition de
connaissances en salle, des phases d’application sur le terrain et des phases de
régulation, de retour en formation, pour exploiter les évènements vécus sur le
terrain lors de la phase d’application.
La Formation Ouverte A Distance qui désigne les actions de formation qui
s’appuient, en tout ou partie, sur des situations d’apprentissages où l’apprenant
est seul et décide du moment de son apprentissage. Un accompagnement
épisodique du travail est possible dans certaines situations.
Le tutorat où l’apprenant suit un parcours déterminé et acquiert des savoirs et
savoir faire au contact direct d’une personne qualifiée pour le former (tuteur) en
effectuant des tâches en doublure, de façon plus ou moins permanente, sur le
poste de ce dernier.
1 MASSOT P, FEISTHAMMEL D. (2005), Pilotage des compétences et de la formation, AFNOR Edition, 190 p MEIGNANT A. (), Manager la formation, Editions Liaisons SIMONNET J. (2003), De la formation au management des compétences, Editions de « La lettre du cadre territorial » 114 p
30 /132
Le « coaching » défini comme « accompagnement de personnes ou d’équipes
pour le développement de leur potentiels et de leurs savoir-faire dans le cadre
d’objectifs professionnels »1.
3.2. Les situations professionnelles d’apprentissage
3.2.1. Apprendre par la situation professionnelle
Si la formation vise à donner les moyens aux individus d’être compétents dans une
situation donnée, le sens commun indique que l’on peut apprendre et développer des
compétences sans suivre une formation au sens où elle vient d’être définie. Ainsi
exercer une nouvelle responsabilité, occuper un nouveau poste, participer à un
travail de groupe, faire partie d’une équipe projet, échanger avec un pair …peuvent
être vus comme autant d’occasions de développer ses compétences. Dans le
langage courant, il s’agit également de formation et d’apprentissage. Ne dit-on pas
« Je me suis formé sur le tas » ou « Cette expérience m’a beaucoup appris » ?
Ainsi, semblant s’inspirer de ce constat, A.MEIGNANT2 et J.SIMONNET3 présentent
ou s’interrogent sur des actions qui permettent de « former sans formation ». Par
cette expression, ils marquent la possibilité de mettre en place dans les
organisations des actions formatives différentes de la formation. J.SIMMONET réunit
la formation et ces autres actions sous l’appellation générale de modalités de
développement des compétences. On retrouve le même regroupement de la
formation et d’autres actions ou situations formatives sous le terme de « opportunités
de professionnalisation » chez G. LE BOTERF4.
Il est important de remarquer que les objectifs qui sont visés dans ces actions ou
situations formatives sont l’acquisition ou le perfectionnement de compétences et
non, comme dans le cas de notre définition de la formation, de savoirs ou savoir
faire. Cette différence fonde l’approche par les compétences, où l’analyse et la
1 Définition de la Société Française de « Coaching » 2 MEIGNANT A. (), Manager la formation, Editions Liaisons 3 SIMONNET J. (2003), De la formation au management des compétences, Editions de « La lettre du cadre territorial » 114 p 4 G. LE BOTERF (2002), Ingénierie et évaluation des compétences. Editions d’Organisation.
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décomposition de la compétence attendue en savoir, savoir faire, savoir être est
supprimée au profit d’une réflexion sur les conditions, les actions qui permettront de
favoriser l’acquisition « directe » de cette compétence précise.
Voici quelques exemples d’actions ou situations formatives :
Participation à des groupes de progrès : un groupe, après avoir acquis des
connaissances en terme de méthodologie et d’outils d’analyse, se réunit avec
pour objectif de résoudre un problème le concernant.
Retour d’expérience, à l’occasion de la clôture d’une action importante ou d’une
revue de projet, les personnes concernées analysent les résultats et les
méthodes utilisées. Une erreur commise ou un dysfonctionnement sera l’occasion
de réfléchir ensemble sur comment faire mieux.
Responsabilité d’un projet, mission spécifique, délégation temporaire, formation
d’un groupe de collègues : ces modalités consistent à mettre temporairement une
personne dans une situation professionnelle sortant du cadre habituel de son
activité.
Echange d’expérience, communauté de pratiques : un groupe de pairs se réunit
régulièrement sur des sujets les concernant et échange sur leurs expériences.
Toutes ces modalités ont en commun de viser le développement de compétences
par la création et/ou l’exploitation de situations professionnelles réelles (non
simulées) et spécifiques, créatrices d’expérience pour celui qui les vit.
L’utilisation du mot expérience n’est pas anodine, il peut en effet avoir plusieurs sens
« Expérience : le fait d’éprouver quelque chose, considéré comme un
élargissement ou un enrichissement de la connaissance, du savoir, des
aptitudes »
« La pratique que l’on a eu de quelque chose, considérée comme un
enseignement. »
« Essai, tentative »1.
1 Définition extraite de (1973) Dictionnaire MICRO ROBERT. Editeur Garnier Flammarion.
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Dans ces modalités ces trois acceptions sont présentes, il s’agit en effet pour
l’individu de s’éprouver dans une tentative de la pratique d’une activité inhabituelle
afin d’enrichir ses connaissances et aptitudes, afin d’apprendre.
Nous proposons de définir ces modalités par l’expression générique « situation
professionnelle d’apprentissage ».
3.2.2. Le cycle d’apprentissage expérientiel de KOLB
Comment apprend-t-on par l’expérience ? La question reste encore largement sans
réponse, cependant un modèle est cité à la fois par G. LE BOTERF et
J.SIMONNET : le cycle d’apprentissage expérientiel de KOLB1. Ce cycle se
décompose en quatre étapes :
Expérience concrète : se confronter à la situation.
Observation réfléchie : confronter et analyser différents points de vue sur
l’expérience vécue.
Conceptualisation abstraite : prendre du recul et formuler des généralisations et
concepts : principes directeurs, conditions de réussite…
Expérimentation active : mettre à l’épreuve la réalité des généralisations et
concepts.
L’apprentissage par l’expérience y est conçu comme un processus continuel
d’adaptation à l’environnement. Processus de résolution de problèmes,
l’apprentissage est en fin de compte présenté par KOLB comme «le processus par
lequel le savoir est créé à travers la transformation de l’expérience»2
Ce modèle a été critiqué notamment car son auteur donne l’impression de réduire la
notion d’apprentissage à l’acquisition ou à la création de connaissances. Cependant,
il garde un intérêt certain dans le cadre de notre réflexion autour de la formation dans
1 D.A. KOLB (1984) Experiential learning, Prentice Hall. 2 D.A. KOLB cité par A.BALLEUX (2000) Évolution de la notion d’apprentissage expérientiel en éducation des adulte, vingt-cinq ans de recherche. Revue des sciences de l’éducation, Vol. XXVI, n° 2, 2000, p. 263 à 285
33 /132
une organisation car la prise de recul et la verbalisation de ce qui est appris y sont
des éléments importants de l’apprentissage.
3.2.3. Conditions d’efficacité des situations professionnelles d’apprentissage
G. LE BOTERF et J.SIMMONET abordent dans leur livre un ensemble de
conditions pour que les situations professionnelles d’apprentissage soient des
moyens efficaces de développer des compétences. Voici les principales :
Mise en place d’un système de management des compétences au niveau de
l’ensemble de l’organisation. Ce qui revient notamment à spécifier les
compétences comme objectifs à atteindre et à mettre en place des moyens pour
évaluer les performances qui en dépendent.
Mise en place de moyens pour développer la réflexivité et la distanciation critique
sur les pratiques et les représentations.
Considérer les situations de formation comme des espaces protégés afin de
permettre l’apprentissage par essais erreurs, la prise de risque, la résolution des
conflits cognitifs.
Motivation de celui qui accepte pour se « former » de cette manière.
Rôle primordial de l’encadrement
o Aider à anticiper et identifier les besoins de compétences
o Réunir les conditions nécessaires aux situations professionnelles
d’apprentissage
o Mise en œuvre du dispositif et accompagnement des pratiques de
l’apprenant
o Evaluation des compétences acquises et des performances.
Les auteurs reconnaissent qu’aujourd’hui, rares sont les organisations qui peuvent
se prévaloir de la présence de telles conditions.
3.2.4. La situation professionnelle d’apprentissage est une formation
Dans la définition du chapitre précédent la formation se caractérise par son dispositif
pédagogique (objectifs déterminés, un programme, des méthodes, un
34 /132
accompagnateur et un système d’évaluation) visant l’apprentissage de savoirs et de
savoir-faire. Qu’en est-il des situations professionnelles d’apprentissage ?
Il nous semble que ces situations, assorties des conditions vues au paragraphe
précédent, répondent aux caractéristiques du dispositif pédagogique. Y apparaissent
effectivement :
des objectifs d’acquisition de compétences qui seront évalués sur le terrain
un programme, vu comme une suite d’actions que l’on se propose d’accomplir
pour arriver à un résultat
des méthodes, inspirées du cycle de KOLB, pour faciliter l’exploitation de
l’expérience vécue1 et l’atteinte des objectifs
un ou des accompagnateurs : l’encadrement.
Quant à l’objectif du dispositif, dans les situations professionnelles d’apprentissage il
s’agit de compétences et non de savoir et savoir faire. Cette différence nous apparaît
minime et plus liée à une différence de modalités qu’à une différence de nature du
dispositif.
Nous pensons donc que les situations professionnelles d’apprentissage
appartiennent au domaine de la formation et proposons cette définition élargie :
La formation dans une organisation est un dispositif pédagogique capable de
mettre les individus qui le suivent en état d’atteindre des objectifs spécifiés leur
permettant de développer des compétences précises.
Ceci dit, trois points importants méritent d’être soulignés :
G. LE BOTERF, A.MEIGNANT et J.SIMONNET insistent sur l’importance,
déterminante pour la réussite de l’apprentissage, du rôle d’accompagnement des
encadrants. De même, il est possible de remarquer que dans des modalités
comme le retour d’expérience et la communauté de pratique, la réussite de
l’apprentissage sera fortement liée aux capacités des participants à rendre leurs
échanges constructifs et pédagogiques. Il apparaît donc clairement que dans les
situations professionnelles d’apprentissage, le dispositif pédagogique repose
1 Nous retrouvons ici notamment l’analyse de pratique et des modes de questionnement très utilisés dans le « coaching »
35 /132
fortement sur les encadrants et les participants. La réalité de ce dispositif et son
efficacité sont donc liées à leurs motivations et compétences dans ce domaine.
De plus, dans nombreuses de ces modalités, la logique de production est
omniprésente et concurrence la logique d’apprentissage. Dit d’une autre manière,
face à un problème l’action qui a permis de le résoudre ne fera pas forcément
l’objet d’une prise de recul et d’une conceptualisation par manque de temps. De
même en cas de difficulté non résolue ou d’échec patent.
Enfin, l’apprentissage par l’expérience est un processus que l’on peut initier,
favoriser mais (heureusement, et comme tout apprentissage) pas contrôler
entièrement. Nous pensons ainsi qu’il y a des apprentissages importants dans
une organisation que les spécialistes en développement des compétences
échoueront à conduire faute de :
o les repérer ou détecter leur importance
o trouver une situation professionnelle d’apprentissage qui y corresponde
pour un individu donné
o pouvoir contrôler les interactions entre les différents éléments de la
situation où l’expérience a lieu (l’environnement physique et social)
o pouvoir contrôler la façon dont l’individu interprète l’expérience qu’il a
vécu et ce qu’il en retire
Malgré ces trois remarques, nous maintenons que les situations professionnelles
d’apprentissage appartiennent au domaine de la formation, même s’il faut
reconnaître que la conduite de ces situations d’apprentissage apparaît plus
complexe que dans le cas de formations « classiques ».
3.2.5. Apprendre en dehors de la formation
Si l’ingénierie des compétences permet de construire, d’exploiter et d’évaluer des
situations professionnelles d’apprentissage et par là même, à notre avis, en faire des
actions de formation, il n’en reste pas moins que la vie dans une organisation est
riche d’une multitude d’expériences et qu’ainsi tout individu apprend en dehors de la
formation, même comprise dans le sens élargi qui vient d’être développé. C’est ce
36 /132
que Philippe CARE et Olivier CHARBONNIER définissent dans leur ouvrage1
comme les apprentissages professionnels informels : « tout phénomène d’acquisition
et/ou de modification durable de savoirs … produits en dehors des périodes
explicitement consacrées par le sujet aux actions de formation instituées... et
susceptibles d’être investis dans l’activité professionnelle ».
La différence fondamentale que l’on peut noter entre les situations professionnelles
d’apprentissage et les apprentissages professionnels informels réside dans la
fixation d’un objectif précis d’apprentissage pour les premiers qui est impossible dans
le cas des seconds.
Les spécialistes du développement des compétences ne peuvent qu’essayer de
mettre en place des conditions pour favoriser ces apprentissages professionnels
informels tout en acceptant qu’ils se fassent « à leur insu ». Ce qui est appris et le
moment où c’est appris dépend de celui qui apprend et de son environnement. Le
processus comme le résultat de l’apprentissage peut rester inaccessible à autrui, voir
même … à celui qui apprend.
Ainsi la formation, même dans une acception élargie, se discréditerait à prétendre
être le moyen de tout apprendre dans une organisation.
3.3. L’ingénieur formation au service du développement des compétences
L’ingénieur formation est celui qui mène « une démarche socioprofessionnelle où par
des méthodologies appropriées, il a à analyser, concevoir, réaliser et évaluer des
actions, dispositifs et/ou système de formation en tenant compte de l'environnement
et des acteurs professionnels. »2
Il semble qu’il pourrait également porter le titre d’ingénieur développement des
compétences, il aurait dans ce cas à analyser, concevoir, réaliser et évaluer des
1 P.CARRE, O.CHARBONNIER, (2005). Les apprentissages professionnels informels. Edition L’Harmattan. 305p. 2 Définition de l’ingénierie de formation de ARDOUIN Thierry (2005), cours Audit et conseil en formation, Master Professionnel 2ème année Ingénierie et Conseil en Formation. Université de Rouen.
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actions, dispositifs et/ou système de développement des compétences. Deux grands
axes de réalisation pourraient structurer sa pratique de l’ingénierie :
Les situations de formation « classiques »
Les situations professionnelles d’apprentissage
4. FORMATION ET CHANGEMENT ORGANISATIONNEL
4.1. Une réponse à la question de recherche
Ce chapitre est l’occasion d’apporter une réponse à la question de recherche :
« Quels différents types d’accompagnement la formation peut-elle proposer
dans une situation de changement organisationnel. Quelles modalités de
formation y correspondent ? Quels critères de la situation déterminent ces
types ? »
Le changement est un processus d’apprentissage par les acteurs de nouvelles
manières d’agir et de coopérer.
Quels accompagnements peut proposer la formation dans le cadre d’un changement
organisationnel ?
Pour clarifier notre exposé, nous retiendrons deux types d’accompagnement liés aux
axes qui peuvent structurer la pratique de l’ingénieur formation ou « développement
des compétences ». Bien entendu, ces deux types sont présentés comme les deux
extrémités d’un continuum, des positions intermédiaires sont possibles.
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4.2. Les conditions d’efficacité de la formation comme apport d’outils et de
méthodes
La formation outils / méthodes appartient à l’axe des formations « classiques », si la
réalisation du changement nécessite la connaissance d’outils et de méthodes
spécifiques, une formation de ce type semble indispensable.
Rappelons que le stage « outils, méthodes » se caractérise par l’apport d’éléments
facilitant la mise en œuvre opérationnelle des actes nécessaires à la réalisation
effective du changement. Nous sommes donc là sur le volet « pratique
instrumentale » de l’activité professionnelle.
Le stage « outils, méthodes » apparaît donc comme légitime dans
l’accompagnement d’un changement organisationnel en cela qu’il fournit aux
participants des éléments pour l’apprentissage des nouvelles manières de faire, voir
de coopérer (si l’on pense aux stages de management relationnel), nécessaires à la
réalisation effective du changement. Du reste, il semble difficile d’envisager un
changement organisationnel nécessitant la maîtrise de nouveaux outils sans, qu’à un
moment ou un autre, un stage de ce type s’avère indispensable.
Cependant les approches théoriques sur le changement organisationnel montrent
clairement que son efficacité sur le terrain, que l’on peut se représenter comme
l’apport d’une contribution sensible à l’accomplissement des actions du changement
souhaitées par la direction, apparaît comme inexorablement dépendante du
processus de changement en cours.
En effet, une des caractéristiques du stage « outils, méthodes », tel qu’il a été
envisagé dans la problématique, est d’avoir lieu au cours du changement qu’il est
censé faciliter, donc au cours d’un processus déjà initié.
Les approches théoriques développées supra éclairent sur les hypothèques qui
pèsent sur l’efficacité du stage « outils, méthodes ». Nous pouvons notamment nous
interroger sur la qualité et le sens de l’engagement des différents acteurs dans le
changement et sur la qualité de la coopération mise en œuvre dans la réalisation de
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ce changement. Autant d’aspects sur lesquels un stage « outils, méthodes » n’a pas
d’emprise.
Avec les éclairages théoriques précédents, il est possible d’avancer qu’un stage
« outils, méthodes » aboutira à la réalisation effective des actions visées qui
opérationnalisent le changement souhaité par la Direction si :
Les acteurs peuvent s’approprier le changement soit en discutant des actions à
mettre en œuvre, soit en adaptant les actions prescrites.
Les personnes concernées n’ont pas le sentiment de perdre plus qu’elles ne
gagnent, en terme de pouvoir, par la mise en œuvre des actions.
Les personnes concernées peuvent affecter aux actions demandées par le
changement un sens, une utilité concrète à leurs yeux.
Les actes nécessaires à la réalisation concrète du changement sont compatibles
avec les représentations professionnelles des acteurs concernés.
Les conditions présentes dans l’organisation permettent que s’établisse une
coopération entre les différentes personnes concernées lors de la mise en œuvre
des actions visées par le stage. Notamment :
o Le repérage d’un bien commun atteint ou préservé par le changement
o Un compromis tacite sur les conditions de la coopération
(comportements, respect des valeurs)
o Un mode de participation aux décisions concernant le changement qui
favorise le consensus
4.3. La formation intégrée au processus de changement
Le changement est un processus d’apprentissage par les acteurs de nouvelles
manières d’agir et de coopérer. En nous référant au second axe structurant de la
pratique de l’ingénieur formation, il est possible considérer le changement
organisationnel comme une ou plusieurs situations professionnelles d’apprentissage.
La question pour l’ingénieur formation devient alors comment accompagner et
favoriser l’apprentissage de ces nouvelles manières de faire et de coopérer qui
constituent le changement ? Il s’agit alors pour lui de concevoir une formation
intégrée au changement.
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Les développements théoriques précédents sur les situations professionnelles
d’apprentissage et sur le changement amènent à envisager comme formation un ou
des dispositifs, selon l’ampleur du changement, qui répondraient aux caractéristiques
suivantes :
Un intervenant conduit une démarche en plusieurs phases incluant l’ensemble des
personnes concernées par le changement et visant à
Impliquer les acteurs dans le dispositif : faire réfléchir sur ou expliciter les
fondements du changement, clarifier ou établir les objectifs à atteindre.
Associer les acteurs à l’identification et à la spécification des actions à réaliser et
des compétences à atteindre pour que le changement se réalise.
Instaurer des espaces, des temps spécifiques afin de permettre l’expérimentation
des actions.
Mettre en place un dispositif pour développer la réflexivité et la distanciation
critique. Accompagner les pratiques. Permettre une formalisation, une intégration,
une conscientisation des acquis.
Favoriser les échanges entre les acteurs.
Construire un dispositif d’évaluation et de reconnaissance des compétences
acquises.
Ce deuxième accompagnement possible pour la formation, en mettant l’accent sur
les échanges entre les acteurs, leur association aux décisions concernant le
changement et le travail réflexif sur leurs pratiques, semble présenter l’avantage par
rapport au premier de favoriser :
L’appropriation du changement par les acteurs.
L’évolution de leurs représentations professionnelles.
La coopération entre les acteurs.
Bien entendu, ce type d’accompagnement du changement par la formation présente
également des limites, notamment par rapport aux différents enjeux des acteurs
dans le changement et aux jeux qu’ils ont pu développer entre eux par le passé ou
qu’ils peuvent développer à l’occasion du changement.
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4.4. Deux positions distinctes pour l’ingénieur formation
Ces deux types d’accompagnement sont complémentaires et supposent deux
positions différentes de la part de l’intervenant :
Dans le premier cas : il est un formateur chargé de transmettre un contenu précis
dans un temps limité.
Dans le second, il devient consultant, engagé dans l’accompagnement d’un
processus de changement. Son intervention s’inscrit par phases dans une durée
plus longue.
Ce qui détermine le choix d’un type d’accompagnement semble être la combinaison
d’un ensemble complexe de facteurs parmi lesquels on retrouve :
Les objectifs du changement organisationnel et son ampleur
Le type de conduite du changement par la direction
Les relations entre les différents acteurs de l’organisation
Le moment de la demande de formation par rapport au changement
Les attentes et idéologie du commanditaire par rapport à la formation
L’idéologie et la pratique habituelle de l’intervenant ou des intervenants
(conseiller en formation, formateur)
Le budget possible et le temps disponible pour la formation
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C / RETOUR SUR LA MISSION
Notre première approche de notre mission nous avait conduit à la présenter comme
une étude sur la mise en place des projets de service pour aboutir à des
recommandations sur la conduite de cette démarche. Les réflexions précédentes et
une meilleure perception du terrain nous ont amené à préciser les contours de notre
intervention chez le client.
1. LE CHOIX DE L’AUDIT MEDIATION
1.1. Intervenir sur un changement « en cours »
En tant qu’intervenant sur la démarche projet de service, nous arrivions sur un
changement organisationnel entamé depuis plusieurs années. De nos précédentes
formations à CT, nous avions pu relever que le thème des projets de service était
sensible et qu’il générait des discussions houleuses, conduisant souvent à des
dialogues de sourds. Il est notamment apparu de manière nette au cours de ces
discussions qu’aucune définition claire du projet de service n’avait été identifiée par
les agents, D.G.S. compris. Par ailleurs, certains membres de l’encadrement avaient
engagé des actions sous l’appellation « projet de service », tandis que d’autres
affichaient une résistance affirmée à ces projets. Cependant, l’ensemble des cadres
appréciait le fait de se retrouver et échangeait volontiers sur différents sujets
professionnels.
Nous qualifions ce changement « en cours » pour plusieurs raisons :
Certains cadres ont entamé des actions préparatoires à l’établissement d’un
projet de service.
D’autres, de par l’évolution de leur activité (Foyer logement, Aides à domicile)
sont amenés à réfléchir sur le futur de leur service et à établir un projet.
D’autres encore affirment ne pas comprendre clairement de quoi il s’agit et
déclarent n’avoir encore rien fait.
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Enfin, le Maire, son adjoint au personnel et le D.G.S. affichent toujours la volonté
de mettre en place les projets de service pour l’ensemble des services de la
collectivité.
Il semble donc que le processus du changement est en cours et que, selon les
services et les cadres, il se déroule avec plus ou moins de facilité.
1.2. Adopter l’esprit d’une formation intégrée au changement
Cette mission a été pour nous l’occasion d’adopter la position du consultant
formation accompagnateur du changement. Nous avons donc envisagé une
intervention associant tous les cadres qui permettrait de faire un bilan de la
démarche, tant au niveau de sa mise en œuvre que des résultats obtenus. Cette
intervention se devait également de fournir les faits permettant une discussion
constructive entre les membres de l’encadrement. Enfin, il convenait de favoriser
l’émergence, chez les agents eux-mêmes, de solutions pour continuer la démarche,
plutôt que de vouloir imposer des actions, même sous l’appellation d’expert.
1.3. L’audit médiation : une action de formation
Nous avons donc pris la décision de conduire la mission sous forme d’un audit, non
pas vu comme un contrôle, mais compris comme un outil permettant une médiation
entre les différents acteurs des projets de service dans CT. « Le travail de l’auditeur
est, selon moi, moins une construction et une restitution du sens, appuyés sur des
modèles validés ou sur une théorie partagée, qu’une médiation par laquelle les
acteurs prennent conscience de leurs points de vue et de leurs différences, c'est-à-
dire de leur identité. » Michel LECOINTE et Michel REBINGUET1.
Par cet audit, nous pensons être dans une action de formation au sens de
l’accompagnement de cette situation professionnelle d’apprentissage qu’est la mise
en place des projets de service.
1 Michel LECOINTE et Michel REBINGUET (1994) « Ethique et pratique de l’audit ». Chronique Sociale. Lyon. 186 p.
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Nous rejoignons ici la pensée de M.LECOINTE et M.REBINGUET quand, parlant de
l’audit, ils écrivent « l’auditeur, pariant sur l’éducabilité de tous et de chacun, doit
ouvrir un espace de formation »1 et « La réussite d’un audit participatif ne réside pas,
en effet, dans l’expertise de l’auditeur, … mais dans le déclenchement d’un
processus collectif d’apprentissage »2.
Ces deux auteurs présentent l’audit comme une situation professionnelle collective
d’apprentissage, le rattachent à une situation de formation sans pour autant
prétendre vouloir tout contrôler de la situation créée.
Notre mission a donc été intitulée « réalisation d’un audit sur la mise en place des
projets de service ». Cette formulation n’a été utilisée que dans la lettre de mission
adressée au Maire et au D.G.S. Nous avons en effet convenu, pour communiquer
avec les agents, d’utiliser des termes plus neutres, évoquant moins l’idée du
contrôle, comme « analyse » ou « étude ».
Bien entendu, cet audit n’est que la première phase de l’accompagnement. Elle
correspond à un bilan sur ce qui a déjà été réalisé et l’amorce d’une réflexion sur ce
qu’il reste à faire. Dans le cadre de ce mémoire mon travail s’arrête à cette étape. La
poursuite de l’accompagnement, s’il a lieu, se déroulera sous forme d’une mission de
consultant.
2. DEROULEMENT DE LA MISSION
Nous souhaitons ici exposer sur quelques pages le déroulement de la mission afin
de donner des éléments sur le contexte dans lequel s’est déroulée la partie terrain de
notre recherche.
De manière classique, notre audit s’est déroulé en trois étapes.
1 Idem p 51. 2 Idem p 55.
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2.1. Le cadrage et l’analyse de la demande
Ce travail a eu lieu par l’intermédiaire de deux entretiens début février 2005 (D.G.S.
et D.R.H. présenté comme la personne référence de cette démarche). Il s’agissait :
de s’assurer que la demande, qui formellement venait de notre part,
correspondait bien à un besoin de la direction,
que nous disposerions des moyens de réaliser cet audit dans l’esprit où
nous l’entendions,
de recueillir un certain nombre d’informations et de documents pour mieux
appréhender la situation et l’intérêt pour CT de notre intervention.
Cette étape concernant l’analyse de la demande s’est achevée par la formalisation
de la mission au travers d’une lettre de mission signée par le D.G.S. et nous-même.
2.2. L’enquête et l’analyse
L’outil fondamental de cette étape est le référentiel. Cet outil décrit un idéal de la
situation auditée, ici la mise en place des projets de service, et permet d’établir le
diagnostic par les écarts constatés entre cet idéal référent et la situation réelle
référée. Il était essentiel à nos yeux que le référentiel, base de l’échange lors de la
restitution orale, soit acceptable et soit accepté par les acteurs. Nous l’avons voulu
neutre, factuel et resituant précisément les rôles respectifs des élus, de la direction et
de l’encadrement. Nous l’avons construit à partir d’ouvrages de référence1 et de
notre expérience professionnelle.
Avec le recul et inspiré par Michel LECOINTE et Michel REBINGUET2, nous nous
sommes interrogé sur l’intérêt qu’il y aurait eu à constituer un groupe de travail
représentatif dont l’objectif aurait été d’établir ce référentiel, tant il est vrai qu’il est
essentiel que les acteurs se l’approprient. Néanmoins, cette démarche aurait été
1 BOUTINET Jean-Pierre (1990), Anthropologie du projet. Paris, PUF, 354 p RAYNAL Serge (1996), Le management par projet. Paris, Editions d’Organisation, 263 p. CHAMBON Martine, PEROUZE Henri (2000), Conduire un projet dans les services. Lyon, Chronique sociale, 219 p. BOYER Luc, EQUILBEY Noël (1989), Le projet d’entreprise. Paris, Editions d’Organisation, 151 p 2 Michel LECOINTE et Michel REBINGUET (1994) « Ethique et pratique de l’audit ». Chronique Sociale. Lyon. 186 p.
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coûteuse en temps et aurait posé la question de la représentativité. De plus, elle
serait revenue finalement à déplacer les échanges entre les acteurs de la phase de
restitution à la phase de construction du référentiel.
2.2.1. Le référentiel
L’audit s’appuie sur les éléments de définition suivants :
Le projet de service1 définit l'avenir souhaité pour le service, ses axes de
développement pour le futur.
C’est un document de quelques pages qui comprend :
Un diagnostic sur l’état actuel du service
Une réflexion sur les enjeux et les évolutions futures
La proposition de voies générales d’actions en terme de fonctionnement,
équipement, organisation et partenariat, pour avancer vers le futur choisi.
Ce projet sera ensuite opérationnalisé dans une série d’actions établie à la suite
de discussions entre les membres du service et la direction.
Une difficulté dans la notion de projet de service est qu’une action inscrite dans son
cadre peut également être comprise et travaillée de manière efficace sous une
approche conduite de projet. Dit d’une autre manière, un projet de service peut, voir
doit, inclure des projets dans le service.
Le référentiel est l’ensemble des axes utilisés pour recueillir des informations et
analyser la situation auditée.
1. Une démarche projet de service adaptée à la situation initiale et clairement
conçue et organisée.
1.1. Une démarche projet de service qui répond aux besoins perçus pour
améliorer la situation initiale.
1.2. Une démarche projet de service appuyée par les élus et la direction où
chaque participant connaît son rôle et se voit donner les moyens de le tenir.
1 Définition directement inspirée par BOYER Luc, EQUILBEY Noël (1989), Le projet d’entreprise. Paris, Editions d’Organisation. p 18 à 20 et 71 à 88.
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1.3. Une démarche expliquée aux personnes concernées lors de son
lancement
1.4. Une démarche projet de service évaluée régulièrement
2. Une démarche comprise par l’encadrement, tant au niveau de ses objectifs que
des différentes étapes qui la composent et les rôles que chacun doit y tenir.
2.1. Fondements et finalités connues par l’encadrement
2.2. Résultats à atteindre compris par l’encadrement
2.3. Un déroulement général et des rôles dans la démarche connus par
l’encadrement
3. Une démarche projet de service mise en œuvre par l’encadrement
3.1. Des cadres engagés dans les actions
3.2. Des cadres motivés par la démarche
4. Une démarche projet de service structurée pour durer.
4.1. Un mode d’accompagnement de la démarche projet de services formalisé
et une personne référent désignée.
4.2. Des membres de l’encadrement qui ont les compétences et qui peuvent
consacrer du temps pour élaborer un diagnostic puis un projet pour leur
service. Des membres de l’encadrement qui ont l’habitude de travailler
ensemble.
2.2.2. Les outils de recherche d’informations
Pour recueillir les informations, nous avons
Lu et analysé un certain nombre de documents, notamment :
o L’analyse organisationnelle réalisée par le cabinet conseil au moment
de l’Aménagement et la Réduction du Temps de Travail
o Les notes de service concernant la formation du cabinet conseil
o Les supports de formation du cabinet conseil
o L’organigramme détaillé de CT
o Un compte-rendu de Commission Technique Paritaire
o Un document interne « Les objectifs généraux de la politique du
personnel »
o Les documents rendus par les membres de l’encadrement dans le
cadre de la démarche projet de service.
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Mené vingt entretiens individuels semi directifs d’environ trois-quarts d’heure
chacun, étalés sur trois journées en mai 2005. Les personnes rencontrées sont :
o Le Maire, son Adjoint au personnel
o Le D.G.S. et le D.R.H.
o Les cadres de direction
o Les chefs de service
o Les chefs d’équipe
2.3. La restitution
Elle s’est déroulée en deux temps.
Dans une première phase, une restitution orale devant l’ensemble des personnes qui
ont participé à l’audit, fin juin 2005. Ses objectifs ont été :
Présenter les résultats de l’enquête et le diagnostic que nous en faisions.
Susciter des réactions, commentaires, analyses complémentaires et
échanges par rapport à ces résultats et au diagnostic exposé.
Recueillir des avis, susciter des discussions sur les moyens de continuer /
relancer la démarche projet de service.
Dans une seconde phase, une restitution écrite sous forme d’un rapport d’audit a été
remis et commenté au D.G.S. et à l’adjoint au personnel au cours d’une réunion en
juillet 2005. Cette seconde restitution a pris en compte les éléments apparus au
cours de la restitution orale.
2.4. Quels résultats ?
2.4.1. Le rapport d’audit
En annexe 1 sont présentés la partie diagnostic et la partie recommandation du
rapport d’audit. Elles permettent une meilleure compréhension du terrain sur lequel
s’est effectué la recherche.
2.4.2. Résultats attendus pour l’ensemble de la démarche
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Cet audit médiation constitue la première phase de l’accompagnement de cette
situation professionnelle d’apprentissage qu’est la mise en place d’une démarche
projet de service. Seul, sa portée est restreinte. L’accompagnement doit être
poursuivi par d’autres actions telles que :
La conduite d’une réflexion des membres de l’encadrement sur les actions qu’il
convient de mettre en œuvre pour continuer la démarche
Une formation sur les outils et méthodes utilisées dans la démarche projet de
service
Une formation sur le management par projets pour les élus et les cadres de
direction
Un accompagnement dans la mise en œuvre des outils et méthodes
Des séquences d’échange sur les différentes pratiques dans les services
Communiquer sur les différentes réalisations des services dans le cadre de la
démarche. Aborder les réussites, comme les difficultés rencontrées
Permettre à certains membres de l’encadrement d’aller voir comment se réalise la
mission de leur service dans d’autres collectivités similaires
L’ensemble de ces actions constitue une formation intégrée au processus du
changement. Nous pensons, comme nous l’avons déjà exprimé dans notre partie
théorique, qu’une telle intervention favoriserait :
L’appropriation du changement par les acteurs
L’évolution chez certains de leurs représentations professionnelles, notamment
sur le rôle du cadre
La coopération entre les différents niveaux d’encadrement de la collectivité
… Donc la réalisation effective du changement
2.4.3. Résultats partiels de l’audit
Comme première phase de l’accompagnement, l’audit médiation avait pour objectif
de relancer la dynamique d’un changement en cours en favorisant à la fois :
Une prise de recul des acteurs sur la démarche dans laquelle ils sont engagés ou
qui s’impose à eux.
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La restauration d’un dialogue apaisé au sujet des projets de service entre
l’ensemble des acteurs
L’émergence d’actions pour continuer la démarche
A la fin de la restitution de l’audit, deux constats peuvent être dressés :
Une calme confrontation d’idées sur les projets a eu lieu. La participation a été
forte.
L’adjoint au personnel, élu initiateur de la démarche, s’est engagé à produire un
document précisant ce que devait être un projet de service et les rôles de chaque
strate concernée (des élus jusqu’aux agents).
En janvier 2006, ce document n’est toujours pas rédigé. La démarche projet de
service semble avoir été momentanément mise de côté au profit de l’organisation
d’une journée porte ouverte dans la collectivité (novembre 2005) puis de la
préparation du budget 2006.
Nous n’avons pas aujourd’hui les moyens d’analyser les résultats de l’audit. Si
l’accompagnement de ce changement par un consultant se poursuit et nous est
confié, alors nous aurons l’opportunité de cette analyse.
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D / METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE SUR LE TERRAIN
1. HYPOTHESES DE RECHERCHE
1.1. Les contraintes de la mission
Nous avons rencontrés plusieurs difficultés dans l’articulation entre nos études en
master, le déroulement de la mission et notre recherche. Notre inexpérience en
terme de recherche universitaire (temps pris par la réflexion, vision limitée des
possibilités de terrains) et le fait que nous avions l’intention de passer le Master 2ème
année Ingénierie et Conseil en Formation en un an, nous ont conduit à rapidement
rechercher un terrain d’étude et à réaliser une enquête alors que notre réflexion
théorique était toujours en cours. Cela a eu deux conséquences importantes :
En premier lieu, nous constatons une distorsion entre le point actuel de notre
réflexion sur l’accompagnement du changement par la formation et le matériau
collecté lors de l’enquête. Nous ne sommes pas en mesure de tester des
hypothèses sur les types d’accompagnement du changement par la formation.
Cela aurait pourtant été très pertinent par rapport à l’état actuel de notre réflexion
théorique.
En second lieu, nous avons réalisé après coup que l’utilisation pour une partie de
l’enquête d’un questionnaire fermé auprès de dix-huit personnes était une erreur.
Dans l’exploitation du questionnaire, les marges d’erreurs, liées à la spécificité de
chaque individu, sont importantes et rendent les résultats peu fiables.
Face à ces contraintes, nous avons décidé
d’exploiter le questionnaire, car tout en étant conscient de ses limites, nous
souhaitions expérimenter la méthode des questionnaires de caractérisation.
de mener une seconde analyse qualitative sur le matériau collecté, en l’étudiant
au regard de notre réflexion théorique actuelle.
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1.2. Première hypothèse : le rôle des représentations professionnelles
Notre mission nous a amené à travailler sur un changement où, initialement, le type
d’accompagnement réalisé était une formation outils méthodes. Au paragraphe B.4.2
ont été discutées et émises des hypothèses sur les conditions d’efficacité de ce type
d’accompagnement.
Sur notre terrain, comme nous avons pu le voir ce changement a connu des fortunes
diverses selon les membres de l’encadrement concernés.
L’histoire de CT nous a amené à formuler notre première hypothèse. En effet, CT est
une collectivité territoriale qui a vécu en moins d’une dizaine d’années des
changements importants :
un changement de majorité politique inattendu par les agents après plus de
quarante ans de stabilité
avec pour conséquence un changement de mode de management considérable.
L’organisation est passée « d’un râteau » ou le Secrétaire Général de l’époque
décidait de tout (y compris de l’achat d’une pelle) à un organigramme par
fonctions, hiérarchisé, avec une volonté de la part du nouveau D.G.S. d’une forte
responsabilisation de l’encadrement.
le recrutement par le nouveau D.G.S. de plusieurs cadres pour étoffer sa
réorganisation.
A cela, peut s’ajouter la forte évolution de l’environnement des collectivités
territoriales depuis vingt ans (décentralisation, évolution de la demande sociale,
restriction des moyens, hausse de l’exigence des administrés, mise en cause pénale
plus fréquente…) qui a pour conséquence de modifier les métiers de la fonction
publique territoriale et d’augmenter la responsabilité de l’encadrement.
Ce contexte nous a conduit à penser que, en accord avec notre réflexion du
paragraphe B.4.2, différentes représentations professionnelles du rôle du cadre
pouvait expliquer des différences d’engagement dans le changement des membres
de l’encadrement à la suite de la formation outils méthodes.
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Nous proposons de définir le rôle du cadre territorial comme ce que le fait d’être
responsable d’une équipe ou d’un service ou d’une direction implique en terme de
fonctions à tenir par rapport :
au métier dans lequel le cadre exerce
aux personnes constituant l’équipe
à l’organisation et la coordination de l’activité du service
aux autres membres de l’encadrement
aux élus et à leurs politiques
aux administrés.
La mise en place de projets de service implique pour le cadre de :
Se situer par rapport aux projets des élus, de s’inscrire dans un processus de
réalisation du projet des élus.
Concevoir l’activité du service comme devant s’adapter aux évolutions de son
environnement interne et externe.
S’inscrire dans une démarche projet.
• De mobiliser son équipe pour engager une réflexion sur le fonctionnement du
service.
• D’organiser l’activité du service pour atteindre des objectifs sur le long terme.
• D’évaluer l’activité de son service, de mettre en place des instruments de
mesure de l’activité.
Ce positionnement va à l’encontre des comportements « traditionnels » de
l’encadrement dans les collectivités du type de CT qui consistent pour le cadre à :
Organiser l’activité du service sur le court terme en fonction de besoins
immédiats.
S’inscrire dans une routine, faire ce qu’on a l’habitude de faire.
Exécuter les ordres d’interventions ou consignes qui lui sont donnés par sa
hiérarchie ou par les élus.
Se centrer sur la technicité de son métier (bien faire son travail) sans tenir compte
de l’inscription de l’activité dans l’ensemble de l’action de la collectivité (faire le
bon travail).
Mobiliser son équipe quotidiennement sur un travail lié au terrain.
54 /132
Les différences de représentations professionnelles entre les cadres engagés dans
la démarche et les autres pourraient expliquer la différence de ces deux
positionnements. Cela se traduirait par l’importance donnée à certains aspects du
rôle dans la représentation professionnelle.
Notre première hypothèse est :
Les cadres qui se sont engagés dans le changement ont une représentation professionnelle du rôle du cadre territorial différente de ceux qui ne s’y sont pas engagés. Cette différence repose sur l’importance donnée au sein de la représentation professionnelle : dans le cas d’un refus d’engagement,
• à l’obéissance aux ordres de la hiérarchie et des élus
• aux aspects techniques du métier
• à une relation aux subordonnés privilégiant l’accomplissement des tâches quotidiennes.
déterminant ainsi une représentation de type fermé conduisant à une attitude traditionnelle dans l’autre cas,
• à l’inscription de son action dans la politique des élus
• à l’adaptation aux évolutions de l’environnement
• au pilotage de projets déterminant ainsi une représentation de type ouvert conduisant à une attitude moderniste.
La vérification de cette hypothèse serait un élément venant conforter notre réflexion
sur les conditions d’efficacité de la formation outils méthodes, à savoir que
l’application de la formation par les participants serait liée, parmi d’autres facteurs, à
une compatibilité avec leurs représentations professionnelles.
55 /132
Donc, sur notre terrain, si les représentations professionnelles de certains cadres
s’opposent aux actes demandés par le changement, une formation outils méthodes
telle que celle donnée à l’ensemble de l’encadrement lors du lancement de la
démarche projet de service est un accompagnement insuffisant.
1.3. Deuxième hypothèse : l’importance de l’appropriation et de la traduction du
changement pour sa mise en oeuvre
Au paragraphe B.2.2., notre réflexion nous a conduit à comprendre l’importance pour
la réussite du changement de son appropriation et de sa traduction par ceux chargés
de sa réalisation effective. La situation de CT où l’engagement des membres de
l’encadrement dans la mise en place des projets de service est très variable selon
les individus nous offrait l’occasion d’approfondir cette réflexion.
Un acteur ne peut s’engager dans le changement que s’il peut se l’approprier et le
traduire, c'est-à-dire s’il le comprend, lui trouve un intérêt et dispose d’une marge de
manœuvre suffisante pour adapter la consigne du changement à sa réalité
professionnelle et lui donner un sens. Il s’agit pour l’acteur de pouvoir concrétiser le
changement demandé en une pratique utile à ses yeux. Que peut faire la formation
pour favoriser ces processus ? Nous pensons qu’une formation intégrée au
processus de changement serait un accompagnement qui favoriserait l’appropriation
et la traduction.
Par rapport à notre terrain de recherche, nous émettons l’hypothèse que les cadres
engagés dans la démarche projet de service ont pu se créer un espace
d’appropriation et de traduction du changement, alors que ceux qui ne s’y sont pas
engagés ont rencontré des difficultés dans ces deux processus.
Si c’est bien le cas alors, il sera intéressant d’analyser
Premièrement les bénéfices retirés du changement, la façon dont l’ont concrétisé
ceux qui l’ont mis en œuvre.
Deuxièmement les difficultés rencontrées par ceux qui ne se sont pas engagés
dans le changement et le type d’aide que la formation pourrait apporter dans ce
cas.
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Notre deuxième hypothèse est :
Les cadres qui se sont engagés dans le changement ont pu s’approprier et traduire la démarche projet de service. La démarche a été l’occasion de nouvelles pratiques signifiantes pour ces cadres. Les cadres qui ne se sont pas engagés dans le changement ont rencontré des difficultés qui ont empêché l’émergence de nouvelles pratiques ou l’attribution d’une utilité aux pratiques issues du changement.
2. CHOIX METHODOLOGIQUES
2.1. Caractériser l’engagement des cadres dans la démarche
Nos deux hypothèses utilisent comme discriminant le critère engagement dans la
démarche, mais comment caractériser ce critère ?
Etre engagé dans le changement suppose la réalisation d’actions en relation avec ce
changement. Comment savoir si les cadres réalisent des actions en rapport avec la
mise en place des projets de service ?
Dans un premier temps, nous avons pensé que la réalisation d’un document dans le
cadre de la démarche serait un bon indicateur mais nous avons eu la surprise de
constater que certains cadres, résistants à la démarche avaient pourtant rédigé un
document (l’un à l’occasion de notre venue !) qui ne nous avait pas été transmis et
que d’autres cadres, favorables à la démarche n’avaient pas besoin de par leur
position subalterne d’en rédiger.
Il nous a fallu trouver un autre indicateur. Ce sont les entretiens menés lors de l’audit
qui nous ont fourni la possibilité de caractériser l’engagement dans la démarche.
Quatre questions permettaient en effet d’explorer cet aspect :
« Avez-vous élaboré un document dans le cadre de cette démarche ? »
« Qu’est-ce qui a fait que vous avez élaboré (ou pas) ce document ? »
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« Qu’en retirez-vous ? »
« Globalement, quel est votre avis sur cette démarche ? »
Le critère utilisé pour déterminer si le cadre était ou non engagé dans la démarche
est la présence dans la réponse aux questions de ces trois conditions :
Si un document existe, sa réalisation est liée à un projet précis qu’il soit
d’établissement, d’organisation, de service ou autre.
Si un document existe, il est utilisé au cours de l’année de sa rédaction
La démarche est perçue comme apportant une amélioration au fonctionnement
du service ou de l’équipe.
Nous sommes conscient d’un point faible concernant les indicateurs utilisés pour la
caractérisation de l’engagement. En effet ce n’est parce qu’un acteur déclare utiliser
un document qu’il le fait. Deux biais sont possibles, le biais de sincérité (« langue de
bois ») et le biais de l’illusion sur soi-même.
Quatre extraits d’entretiens de membres de l’encadrement, deux caractérisés comme
engagés et deux caractérisés comme non engagés, sont retranscrits en annexes 4,
5, 6 et 7.
2.2. Méthodologie pour l’étude des représentations professionnelles
Nous avons étayé la méthodologie de ce premier travail de recherche principalement
par deux ouvrages.
Le premier qui a déjà été cité et dont nous avons présenté quelques résultats au
paragraphe B.2.2.2 est celui de J.F. BLIN1. Il explique le concept de représentation
professionnelle comme une représentation sociale spécifique à un contexte
professionnel « Il ne s’agit pas de proposer un nouveau modèle théorique mais de
spécifier le concept de représentations sociales pour le rendre opérant en tant
qu’outil d’analyse des activités d’un champ professionnel »2.
1 BLIN J.F. (1997) Représentations, pratiques et identités professionnelles. Paris, L’Harmattan. 224 p. 2 BLIN J.F. (1997) Représentations, pratiques et identités professionnelles. Paris, L’Harmattan. P 68
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Le deuxième ouvrage1 sur lequel nous nous sommes appuyé a permis de réfléchir
aux conditions préalables et moyens pour étudier cette représentation sociale
spécifique qu’est la représentation professionnelle.
2.2.1. Le rôle du cadre territorial est un objet de représentation
professionnelle
Il convenait avant toute chose de s’assurer que le rôle du cadre territorial pouvait être
un objet de représentation professionnelle.
P.MOLINER, P.RATEAU et V.COHEN-SCALI présentent les critères pour déterminer
si un objet peut être objet de représentations professionnelles.2
L’objet a un statut social, il est important pour les individus, sa maîtrise
notionnelle et pratique est déterminante.
L’existence de l’objet suppose celle d’un groupe professionnel donné.
Les enjeux portés par l’objet sont soit identitaires soit liés à la cohésion du
groupe.
Un objet est toujours inséré dans une dynamique sociale qui implique plusieurs
groupes.
Le groupe professionnel n’est pas un système orthodoxe, c'est-à-dire que les
connaissances ne sont pas élaborées par des instances régulatrices extérieures
au groupe qui contrôleraient et valideraient les informations relatives à l’objet.
Le rôle du cadre territorial semble répondre à l’ensemble de ces critères. En effet :
Cet objet suppose l’existence d’un groupe professionnel, celui des cadres, qui
même s’il est subdivisé en cadres de direction, de service … n’en existe pas
moins à CT. Lors des nombreuses formations réalisées dans le cadre de
changements organisationnels au sein de cette collectivité de petite taille,
l’ensemble des cadres a été invité.
Le rôle du cadre territorial est porteur d’enjeux identitaires et inséré dans une
dynamique sociale. Pour un cadre, tenir son rôle c’est être reconnu comme un
1 P.MOLINER, P.RATEAU, V.COHEN-SCALI (2002) Les représentations sociales. Pratiques des études de terrain. Rennes. Presses Universitaires de Rennes. 230 p. 2 Idem p 30.
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cadre a part entière par son équipe et les élus, c’est aussi leur justifier son
appartenance à l’encadrement.
Savoir que faire pour tenir son rôle de cadre est donc déterminant et il n’existe
pas d’instance régulatrice extérieure (élus, formateurs, auteurs de livres …) qui
peut de manière incontestable contrôler ou valider les réponses élaborées par
l’encadrement de CT.
2.2.2. L’analyse des représentations professionnelles
2.2.2.1. Une approche théorique
Pour l’analyse des représentations professionnelles J.F.BLIN dans son ouvrage1 se
réfère à la définition de l’école de Genève qui présente les représentations sociales
comme « des principes générateurs de prises de position »2. Ces principes
générateurs peuvent se comprendre comme des thèmes communs à partir desquels
les différents groupes prendront position.
Selon cette approche, les représentations sociales du même objet sont en fait des
prises de position différentes par rapport aux mêmes repères communs, principes
organisateurs de cet objet. Une représentation sociale peut ainsi être vue comme
une prise de position par un groupe donné à partir de points de références partagés
par un ensemble de personnes plus large.
L’auteur définit quatre niveaux d’analyse d’une représentation professionnelle :
Premier niveau : description des différentes cognitions (informations, croyances,
valeurs, …) portant sur l’objet.
Deuxième niveau : à partir des résultats du premier niveau, mise en évidence du
référentiel professionnel, référentiel commun à partir duquel les membres du
groupe professionnel prennent position.
Troisième niveau : analyse structurale permettant la mise à jour des relations plus
ou moins fortes liant les éléments du référentiel, révélant ainsi les différentes
représentations professionnelles à propos du même objet.
1 BLIN J.F. (1997) Représentations, pratiques et identités professionnelles. Paris, L’Harmattan. P 90. 2 W.DOISE cité p 20 de P.MOLINER, P.RATEAU, V.COHEN-SCALI (2002) Les représentations sociales. Pratiques des études de terrain. Rennes. Presses Universitaires de Rennes.
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Quatrième niveau : contextualisation des analyses en fonction des terrains.
2.2.2.2. Application au terrain
Dans notre première hypothèse nous avons postulé que les cadres qui se sont
engagés dans le changement ont une représentation professionnelle du rôle du
cadre territorial différente de ceux qui ne s’y sont pas engagés.
En nous référant à ce qui vient d’être vu, nous postulons donc que les prises de
positions par rapport aux principes organisateurs de la représentation du rôle du
cadre territorial sont différentes selon l’engagement des cadres dans le changement.
Nous nous situons donc au troisième niveau d’analyse de J.F. BLIN, ce qui suppose
de s’appuyer sur les résultats des deux précédents. Autrement dit, avant de vérifier
notre première hypothèse nous devions recueillir les différentes cognitions sur le rôle
du cadre territorial et en dégager le référentiel professionnel.
2.2.2.3. Un biais : la détermination du référentiel professionnel
Dans le cadre de notre travail nous avons choisi d’établir le référentiel professionnel
du rôle du cadre territorial, c'est-à-dire les principes organisateurs de la
représentation professionnelle de cet objet, à partir des éléments suivants :
Nos premiers contacts avec les cadres de CT
L’analyse organisationnelle réalisée par le cabinet conseil en 2001
La nomenclature des métiers territoriaux du C.N.F.P.T.1
Différents ouvrages à propos des missions, des fonctions, du rôle du cadre.2
Mon expérience de formateur intervenant depuis plus de dix ans en collectivité
sur le thème du management.
Nous nous sommes arrêté sur les éléments suivants :
Anticiper les évolutions de l’environnement
1 Centre National de Formation des Personnels Territoriaux. La nomenclature des métiers territoriaux répertorie plus de 300 fiches métiers. Elle est consultable sur le site cnfpt.fr. 2 Ouvrage collectif, dir. P.CABIN (1999) “Les organisations. Etat des savoirs”, Coll. Editions Sciences Humaines. 412 p. C.KENNEDY (1993) “Toutes les théories du management”. Ed. Laurent du Mesnil. 218 p. Denys LAMARZELLE (1999) « Les cadres de la territoriale ». Editions du Papyrus. 222 p.
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Organiser des moyens pour atteindre un objectif
Etre un spécialiste de son domaine d’activité
Etre responsable de l’activité de son service / équipe
Faire respecter les règles dans son service / équipe
Animer son équipe
Rendre compte des résultats de l’activité de son service / équipe
Piloter des projets
Faire circuler l’information
Aider les élus à décider
Réaliser la politique des élus
Exécuter les ordres des élus
Exécuter les ordres de sa hiérarchie
Expliquer les décisions aux administrés
Tenir compte de la demande sociale
Nous sommes conscient du biais, ce choix reste subjectif. L’idéal aurait été de
procéder à des entretiens préalables auprès d’une population élargie de cadres des
collectivités territoriales. Nous n’avions pas le temps pour cela.
Nous avons également envisagé de recourir aux entretiens passés dans le cadre de
notre mission pour questionner les membres de l’encadrement de CT sur leur vision
du rôle de cadre, mais une telle démarche aurait alourdi les entretiens et nous
redoutions des interférences avec l’étape suivante d’étude des éventuelles
différences de représentation entre les cadres.
2.2.3. Le choix de l’outil d’analyse des représentations professionnelles
Pour effectuer le choix de l’outil qui allait permettre d’interroger les cadres sur le
contenu de leurs représentations professionnelles du rôle du cadre territorial, nous
nous sommes à nouveau référé à l’ouvrage de P.MOLINER, P.RATEAU et
V.COHEN-SCALI1.
1 P.MOLINER, P.RATEAU, V.COHEN-SCALI (2002) Les représentations sociales. Pratiques des études de terrain. Rennes. Presses Universitaires de Rennes. 230 p.
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Les auteurs y présentent les questionnaires1 comme un outil possible pour dégager
la structure sous-jacente d’une représentation, notamment les questionnaires de
caractérisation qui consiste à demander au sujet lui-même d’effectuer un travail de
classement parmi des propositions. Ce type de questionnaire, présenté comme
« d’une utilisation relativement simple » est apparu approprié à nos conditions
d’intervention sur le terrain.
2.2.3.1. Le questionnaire de caractérisation
Voici le questionnaire proposé :
1 Idem p 117.
QUELLES SONT LES FONCTIONS DU CADRE DANS UNE COMMUNE ? La rédaction de mon mémoire m’amène à travailler sur les fonctions du cadre territorial, aussi je vous suis reconnaissant de bien vouloir prendre quelques minutes pour remplir ce questionnaire. D’avance, merci de votre participation. Dans ce questionnaire nous convenons de nommer « cadre » tout agent ayant des fonctions d’encadrement, de coordination d’autres agents que cela soit par des liens hiérarchiques ou autres (liens fonctionnels). Merci dans un premier temps de vous situer en cochant les cases qui vous concernent dans le tableau suivant :
VOTRE FILIERE VOTRE ROLE DANS LA COMMUNE Administrative Elu Technique Cadre de direction Culturelle Responsable de service Médico-sociale Responsable d’équipe Animation Responsable d’unité fonctionnelle Sportive
Consignes : Lisez attentivement les quinze propositions de la page suivante, puis, parmi celles-ci, repérez les trois qui, à votre avis, représentent le mieux les fonctions du cadre dans une commune. En face de ce premier choix, vous voudrez bien inscrire le score +2. Parmi les douze propositions restantes, repérez désormais les trois qui, selon vous, représentent le moins bien les fonctions du cadre communal. En face de chacune d’elles, inscrivez le score - 2. Parmi les neuf propositions restantes, considérez de nouveau les trois qui, à votre avis, représentent le mieux les fonctions du cadre communal et affectez leur le score + 1. Sur les six propositions restantes, repérez les trois qui selon vous représentent le moins les fonctions du cadre dans une commune et donnez leur la note - 1. Enfin, affectez le score 0 aux trois propositions restantes.
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PROPOSITIONS : Le cadre communal … SCORE Doit rendre compte des résultats de son activité Explique aux administrés les raisons des décisions Exécute les ordres des élus Est un spécialiste dans son métier Fait appliquer les règles et les procédures dans son équipe Fait circuler l’information pour que chacun de ses partenaires ait les données dont il a besoin
Prend en compte les demandes de la population Est le responsable du bon déroulement d’une activité Peut être amené à piloter des projets Participe à la réalisation de la politique des élus Exécute les ordres de sa hiérarchie Motive ses collaborateurs et contrôle leur travail Aide les élus à décider dans son domaine d’activité Organise les moyens dont il dispose pour atteindre des objectifs Anticipe les évolutions (de la population, de la technique, du cadre juridique …) concernant l’activité qu’il coordonne
Deux dernières questions : Avez-vous réalisé un document dans le cadre de la démarche projet de services ? OUI / NON Avez-vous des propositions complémentaires sur les fonctions du cadre communal que vous souhaitez ajouter ? Autres remarques ? :
2.2.3.2. Commentaires
Ce questionnaire a été remis aux membres de l’encadrement à la fin des entretiens
individuels en rapport avec notre mission, soit à dix-huit cadres. Nous expliquions
alors de vive voix sa raison d’être et son mode de remplissage, garantissions la
confidentialité des réponses et un retour de résultats généraux une fois qu’il serait
exploité.
Une fois les questionnaires remis, à la suite de l’ensemble des entretiens et des
remarques que certains cadres nous ont faites, nous nous sommes rendu compte de
plusieurs biais :
La confidentialité du questionnaire est toute relative, en effet le renseignement
des pavés « votre filière » et « votre rôle dans la commune » désignait clairement
le cadre dans certains cas (par exemple filière technique et cadre de direction ne
peut à CT que désigner le Directeur des Services Techniques).
L’item « Motive ses collaborateurs et contrôle leur travail » comporte deux idées
et est donc ambiguë ce qui peut représenter une gêne dans le travail de
classement des items par les cadres.
L’item « Peut être amené à piloter des projets » est directement en relation avec
le sujet de notre intervention à CT. Il peut donc, plus que tout autre, faire l’objet
de réponses biaisées, conformes à ce qu’il « faudrait répondre » en tant que
cadre.
La question « Avez-vous réalisé un document dans le cadre de la démarche
projet de services ? » qui devait servir d’indicateur d’engagement dans la
démarche projet de service s’est révélée inutilisable (voir supra paragraphe
D.2.1.)
Enfin, comme nous l’avons déjà indiqué, le nombre de cadres était insuffisant
pour un questionnaire fermé, ce qui rend ses résultats peu fiables.
Le fait que nous ne puissions pas nous référer à l’indicateur d’engagement présent
dans le questionnaire a posé deux difficultés qu’il a fallu résoudre sous peine de
rendre caduque notre recherche :
Comment caractériser l’engagement des cadres dans la démarche ?
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Comment relier les réponses au questionnaire à l’engagement dans la démarche
de celui qui l’avait rempli ?
La première difficulté a été levée grâce à l’exploitation d’une partie des entretiens
réalisés lors de l’audit (voir supra paragraphe D.2.1.).
La deuxième a été contournée grâce à la levée de l’anonymat des questionnaires.
Nous avons pu en effet attribuer à chaque questionnaire son auteur soit parce que
celui-ci nous l’avait remis en main propre soit par recoupements en fonction des
filières et rôles dans la commune.
2.2.3.3. Classement des items
Pour pouvoir tester notre hypothèse concernant les différences d’importance de
certains aspects dans les représentations professionnelles du rôle du cadre selon
l’engagement du cadre dans la démarche, il a fallu établir un lien entre les items du
questionnaire et cette hypothèse. Cela a posé quelques difficultés et introduit un
nouveau biais. Les contraintes du stage nous ayant amené à construire le
questionnaire avant l’achèvement de notre réflexion théorique, nos items se sont
trouvés décalés dans leur formulation par rapport au contenu de notre hypothèse.
Un travail de classement a posteriori a été effectué qui a amené à définir trois
catégories : (Les items du questionnaire ont été numérotés de 1 à 15 dans l’ordre de leur rang dans le
questionnaire)
Items caractérisant, selon notre hypothèse, la représentation de type ouvert. Il
s’agit des items :
• 10 Participe à la réalisation de la politique des élus
• 13 Aide les élus à décider dans son domaine d’activité
• 15 Anticipe les évolutions (de la population, de la technique, du cadre
juridique …) concernant l’activité qu’il coordonne
• 9 Peut être amené à piloter des projets
Items caractérisant, selon notre hypothèse, la représentation de type fermé. Il
s’agit des items :
• 11 Exécute les ordres de sa hiérarchie
• 5 Fait appliquer les règles et les procédures dans son équipe
• 4 Est un spécialiste dans son métier
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• 3 Exécute les ordres des élus
Items non discriminants, ces items de par leur thème ou l’ambiguïté de leur
formulation ne nous semble pas permettre une quelconque caractérisation. Il
s’agit des sept items restants à savoir :
• 1 Doit rendre compte des résultats de son activité
• 2 Explique aux administrés les raisons des décisions
• 6 Fait circuler l’information pour que chacun de ses partenaires ait les
données dont il a besoin
• 7 Prend en compte les demandes de la population
• 8 Est le responsable du bon déroulement d’une activité
• 12 Motive ses collaborateurs et contrôle leur travail
• 14 Organise les moyens dont il dispose pour atteindre des objectifs
Ainsi, si notre hypothèse concernant les différences d’importance de certains aspects
dans les représentations professionnelles du rôle du cadre sont vérifiées :
• Les items 10, 13, 15 et 9 devraient occuper une place plus importante dans la
représentation professionnelle du rôle du cadre chez les cadres engagés dans
la démarche que chez les autres.
• Les items 11, 5, 4 et 3 devraient occuper une place plus importante dans la
représentation professionnelle du rôle du cadre chez les cadres non engagés
dans la démarche que chez les autres.
2.3. Méthodologie pour l’étude sur l’appropriation et la traduction
Pour tester notre deuxième hypothèse, nous allons utiliser la même partie des
entretiens semi directifs réalisés lors de l’audit que celle exploitée pour caractériser
l’engagement des cadres. Il s’agit donc des quatre questions suivantes :
« Avez-vous élaboré un document dans le cadre de cette démarche ? »
« Qu’est-ce qui a fait que vous avez élaboré (ou pas) ce document ? »
« Qu’en retirez-vous ? »
« Globalement, quel est votre avis sur cette démarche ? »
Pour exploiter ces fragments d’entretiens, nous avons décidé d’avoir recours à
l’analyse par mots-clés. Cette méthode qualitative d’analyse de contenu consiste à
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effectuer un codage de la retranscription de l’échange en utilisant comme unité
d’enregistrement les mots-clés, c'est-à-dire un mot, ou groupe de mots
particulièrement signifiant au regard des hypothèses formulées. L’interprétation du
codage se fait par inférence, soit par déduction d’informations inconnues à partir de
celles mises à jour. Bien entendu, une interprétation ne peut avoir valeur de certitude
et notre subjectivité sera forcément présente, cependant Laurence BARDIN1 dans
son avant-propos indique que «l’analyse de contenu se balance entre les deux pôles
de la rigueur de l’objectivité et de la fécondité de la subjectivité »
Tout comme pour la caractérisation de l’engagement, cette méthodologie se base sur
l’étude d’un discours pour évaluer des pratiques. Elle présente donc deux biais : le
biais de sincérité et le biais de l’illusion sur soi-même.
Nous avons retranscrit quatre entretiens, deux concernant des cadres caractérisés
comme engagés dans la démarche, deux des cadres caractérisés comme non
engagés. Ces entretiens sont présentés en annexe 4, 5, 6 et 7.
Nous avons recherché dans ces extraits d’entretien les mots-clés permettant
d’inférer :
L’adaptation de la commande, sa concrétisation en nouvelles pratiques dans un
milieu professionnel ou non
Les intérêts, les bénéfices ou les inconvénients perçus à travers le changement
demandé
L’attribution d’une signification positive ou négative au changement
1 L.BARDIN (2000) L’analyse de contenu. Paris. Presses Universitaires de France. 230 p.
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E / RESULTATS DE LA RECHERCHE
1. LE ROLE DES REPRESENTATIONS PROFESSIONNELLES
1.1. Les limites du questionnaire
Sur les dix-huit questionnaires remis, seize ont été retournés dont treize exploitables.
Parmi eux, le critère de caractérisation de l’engagement a permis de discriminer 7
cadres engagés dans la démarche et 6 non engagés.
Comme nous l’avons déjà indiqué, l’utilisation d’un questionnaire fermé pour un si
petit échantillon pose des problèmes de fiabilité des résultats. Nous avons cependant
décidé d’exploiter ces questionnaires tout en gardant à l’esprit que les résultats ne
pourront permettre de trancher quant à la validation ou l’infirmation de la première
hypothèse.
1.2. Méthodes d’exploitation des questionnaires
1.2.1. La théorie des graphes et l’analyse de similitude
La théorie des graphes est une branche des mathématiques, un graphe permet de
représenter la structure et les connexions d’un ensemble complexe en exprimant les
relations entre ses éléments. Les graphes constituent donc une méthode de pensée
qui permet de modéliser une grande variété de problèmes (réseau de
communication, interactions entre diverses espèces animales) en se ramenant à
l’étude de sommets et d’arcs. Les algorithmes y tiennent une place importante, ce qui
explique la prépondérance des techniques informatiques dans cette théorie.
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Introduite par Claude FLAMENT en 19621, l’analyse de similitude est une analyse
des données fondée sur la théorie des graphes, il s’agit de réaliser et d’analyser le
graphe d’une relation qui lie deux à deux les éléments d’un ensemble afin de mettre
en évidence la structure sous-jacente de l’organisation interne de ces éléments.
Dans le cadre des représentations sociales, la perspective est d’établir l’arbre
maximum de la représentation, c'est-à-dire le graphe qui fera apparaître les relations
de similitude les plus fortes (celles ayant les valeurs absolues les plus élevées) entre
chacun des éléments de la représentation pris deux à deux. Une relation de
similitude forte entre deux éléments indique que, pour une raison ou une autre, les
sujets concernés considèrent qu’ils vont bien ensemble. On obtient ainsi une
représentation graphique de la représentation sociale dans une population donnée.
Dans le cas de l’exploitation d’un questionnaire de caractérisation, la relation de
similitude est évaluée par le calcul d’un indice de distance mesurant l’intensité de
l’écart entre deux éléments.
Cet indice répond à la formule suivante :
Pour une population de n sujets répondant à un questionnaire de caractérisation en 5
blocs (5 choix : -2, -1, 0, 1, 2), l’indice de distance entre l’élément i et l’élément j est
Dij = [2 x (Em - Eij) / Em] - 1 (indice variant entre -1 et 1)
où
Eij est la somme des écarts affectés par les n sujets à la paire d’éléments i, j
Em est la somme des écarts maxima possibles, soit Em = n x 4 (4 étant l’écart
maximum dans le cas d’un choix en 5 blocs)
En faisant ce calcul pour toutes les paires d’éléments, on obtient une matrice de
distances qui permet de tracer l’arbre maximum en utilisant l’algorithme de
« Kruskal ». Il s’agit de classer les distances par ordre décroissant, en valeur
absolue, et de tracer le graphe dans cet ordre en écartant les arêtes qui forment un
cycle avec les précédentes.
1 C.FLAMENT (1962) L’analyse de similitude Cahiers du Centre de Recherche Opérationnelle, cité dans P.MOLINER, P.RATEAU, V.COHEN-SCALI (2002) Les représentations sociales. Pratiques des études de terrain. Rennes. Presses Universitaires de Rennes. 230 p.
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Les exploitations du questionnaire de caractérisation et de l’arbre obtenu, qui est une
image de la structure de la représentation, permettent des interprétations sur deux
axes :
Qualitatif par les relations de similitude et d’antagonisme entre les éléments. Il
s’agit pour cela de couper successivement l’arbre au niveau de ses arêtes les
plus faibles dégageant ainsi des sous graphes.
Quantitatif par les moyennes des scores obtenus par chacun des items
1.2.2. La procédure du filtrant des cliques
Dans la théorie des graphes, cette procédure va permettre de repérer les lieux de
grande densité, c'est-à-dire les éléments du graphe qui sont fortement inter reliés. Il
s’agit de considérer les cycles qui ont été ignorés dans l’algorithme de « Kruskal ».
Dans son utilisation pour étudier les représentations professionnelles, la procédure
du filtrant des cliques1 va permettre de repérer les aspects de la représentation
fortement connexes et notamment les sous-ensembles d’items dont chaque élément
est relié à tous les autres à un seuil d’indice de distance donné. Ces sous-ensembles
sont appelés cliques maximales.
Ces cliques maximales en fonction du seuil d’indice de distance où elles
apparaissent peuvent être interprétées comme des éléments organisateurs de la
représentation professionnelle.
Deux populations ont été considérées, l’une constituée des cadres caractérisés
comme engagés dans la démarche (7 sujets), l’autre des cadres caractérisés comme
non engagés (6 sujets).
1 p 156 de P.MOLINER, P.RATEAU, V.COHEN-SCALI (2002) Les représentations sociales. Pratiques des études de terrain. Rennes. Presses Universitaires de Rennes.
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1.3. Le rôle des représentations professionnelles n’est pas démontré
Les résultats de l’exploitation des questionnaires sont présentés en annexe 2.
Deux tests de Student ont été réalisés :
De comparaison de la moyenne des notes attribuées dans le questionnaire à
chaque item selon les deux groupes de cadres, le résultat est 0,28
De comparaison de la moyenne des indices de distance pour chaque item selon
les deux groupes de cadre, le résultat est 0,19
Si l’on considère la valeur 0,05 comme seuil pour pouvoir avancer que les
différences de résultats ne sont pas dues au hasard, nous constatons que les
différences de moyenne ne sont pas significatives. Comme attendu du fait du faible
nombre de questionnaires, l’effet d’un facteur systématique sur les résultats n’est pas
envisageable.
Nous avons cependant décidé en dépit de ces résultats de continuer l’exploitation
des données et, pour chaque population, de réaliser et d’interpréter l’arbre maximal
et le graphe des cliques au seuil .50 de l’indice de distance. Ce travail est présenté
en annexe 3.
Les résultats (arbres maxima et cliques maximales) viennent contredire l’hypothèse
formulée au paragraphe D.1.2, mais compte tenu des limites déjà évoquées à propos
du questionnaire, nous ne pouvons les utiliser pour infirmer nos hypothèses.
2. L’APPROPRIATION ET LA TRADUCTION DU CHANGEMENT
2.1. Analyse de contenu des entretiens
2.1.1. Entretien n°1
L’analyse de contenu révèle que ce cadre s’est approprié et a traduit le changement
initié par la démarche projet de service, en effet :
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Il a traduit la démarche notamment en un outil qu’il a amélioré au fil du temps et
qui est intégré à la gestion quotidienne de sa direction.
Cet outil lui est utile à plusieurs titres :
o Une meilleure communication vis-à-vis des agents, de la hiérarchie et des
élus
o Une analyse plus fine de l’activité de sa direction : interventions par
bâtiment, imputation des coûts de main d’œuvre
o Un questionnement sur l’activité de sa direction
La démarche projet de service a un sens à ses yeux car
o Elle procure à lui-même et à son équipe une motivation supplémentaire
grâce aux nouveautés qu’elle engendre
o Elle lui permet de faire évoluer sa direction pour s’adapter aux nouvelles
demandes de l’environnement.
o En comparaison avec des services de communes de taille équivalente, la
démarche lui permet de maintenir son service parmi les plus adaptés aux
évolutions.
2.1.2. Entretien n°2
L’analyse de contenu révèle que ce cadre s’est approprié et a traduit le changement
initié par la démarche projet de service, en effet :
Il a traduit la démarche en un document cadre sur ce que devait être son service.
Il a rédigé seul ce document. Son élaboration lui a permis d’élargir sa vision de
l’organisation de son service.
Il utilise ce document comme base de référence pour sa réflexion personnelle
puis ouvre la discussion avec les agents chargés de mettre en œuvre les projets.
La démarche projet l’a amené à s’interroger sur son mode de management qu’il
trouve trop directif et à essayer de le faire évoluer.
La démarche projet de service a un sens à ses yeux car :
o Elle permet de faire progresser le service
o Il la vit comme une condition indispensable à son engagement dans son
travail.
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2.1.3. Entretien n°3
L’analyse de contenu révèle que ce cadre ne s’est pas approprié et n’a pas traduit le
changement initié par la démarche projet de service, en effet :
Le processus d’élaboration des documents associés à la démarche projet est
vécu comme une contrainte imposée liée à une procédure officielle et
technocratique dans laquelle il a été engagé à la suite d’une décision du Maire.
Ce cadre ne s’est pas volontairement engagé dans la démarche, il la ressent
comme une obligation et s’y plie.
Les documents nécessaires à la démarche ne sont pas investis par le cadre, ils
sont vécus comme liés à l’institution et aux procédures officielles.
Il n’arrive pas à attribuer un sens à la démarche. Il la perçoit comme une lubie
sans fondement. Il ne retrouve pas ses propres valeurs sur la direction d’un
service dans le projet de service qu’il se sent l’obligation de faire.
Il ressent le projet de service comme un frein à l’épanouissement de son équipe
et n’en voit pas l’utilité.
Le cadrage de sa hiérarchie dans le déroulement de la démarche a été perçu
comme un manque de confiance et une punition. Il attribue cela à un blocage de
sa hiérarchie face à une remise en cause. La relation à la hiérarchie est
conflictuelle.
La démarche projet l’a mis dans une situation où il souffre et qu’il ne s’est pas
senti capable de gérer.
2.1.4. Entretien n°4
L’analyse de contenu révèle que ce cadre ne s’est pas approprié et n’a pas traduit le
changement initié par la démarche projet de service, en effet :
Il n’a pas mis en œuvre d’actions liées à la démarche projet de service.
Il n’arrive pas à comprendre ce que recouvre l’expression « projet de service ». Il
n’arrive pas à y faire correspondre une réalité professionnelle connue.
Il se positionne en exécutant et est en attente :
o d’une définition du projet de service qu’il comprenne
o d’un mode d’élaboration d’un projet de service
P 75 / 132
o d’une forte orientation de sa hiérarchie par rapport à ce que serait le projet
de son service.
2.2. La nécessité de l’appropriation et de la traduction du changement
Notre deuxième hypothèse est vérifiée. En effet, l’analyse de contenu des quatre
entretiens montre que :
Les cadres qui se sont engagés dans le changement se sont appropriés et ont
traduit la démarche projet de service. Ils ont concrétisé cette démarche en une
nouvelle pratique et en ont fait quelque chose d’utile pour leur vécu professionnel.
Les cadres qui ne se sont pas engagés dans le changement ont rencontré des
obstacles qui ne leur ont pas permis de s’approprier et de traduire la démarche
projet de service. Ils n’ont pas développé de nouvelles pratiques ou ne leur
attribuent pas d’utilité.
De plus, à travers ces entretiens, il est intéressant de constater les différences dans
les modalités de l’appropriation et de la traduction du changement ainsi que la
multiplicité des obstacles qui peuvent s’opposer à ces deux processus.
2.3. Des appropriations et traductions différentes du changement
Pour les cadres qui se sont engagés dans le changement, il est intéressant de noter
que l’appropriation et la traduction de la démarche ont emprunté des voies
différentes et pour certains aspects opposés. Ainsi :
Ces deux cadres présentent en commun le fait que la rédaction du document a
permis un retour réflexif sur l’organisation et le fonctionnement de l’unité et que la
démarche projet de service est signifiante à leurs yeux car elle permet de faire
évoluer le service.
Ceci dit, chez le premier cadre, la traduction de la démarche a abouti à un
document utilisé régulièrement dans la gestion du service et compris comme un
outil de communication ascendante et descendante. Ce cadre affirme également
l’effet motivant de la démarche sur lui et son équipe et sa satisfaction par rapport
à l’avance que lui procure la démarche comparativement aux autres collectivités
de taille similaire.
P 76 / 132
Pour le deuxième cadre, le document a été rédigé une fois pour toute et est utilisé
uniquement pour la réflexion personnelle de son auteur. La démarche a amené
ce cadre à s’interroger sur son mode de direction d’équipe et à s’efforcer de
modifier ses pratiques vers une approche plus participative. Bien que sa
motivation pour la démarche soit exprimée avec une implication personnelle plus
importante que le premier cadre puisqu’il lie la démarche projet à son
engagement sur son poste, on peut constater que son engagement dans la
démarche est moindre que son collègue et qu’il rencontre des difficultés dans
l’association de l’équipe au projet de service et l’actualisation du document.
A travers ces deux exemples, nous vérifions bien l’importance de la nécessité de
laisser à chaque acteur une marge de manœuvre suffisante pour qu’il puisse adapter
la demande à la spécificité de sa situation, spécificité liée à son métier, son milieu
professionnel, à l’équipe qu’il dirige et à sa personnalité.
Nous pouvons également avancer que, dans le cadre d’un accompagnement par la
formation, les besoins de ces cadres vont être différents, ainsi, prévoir une partie
individualisée dans la formation serait un gage de plus grande efficacité.
2.4. Des obstacles à l’appropriation et la traduction
L’analyse des deux derniers entretiens révèle une série d’obstacles à l’appropriation
et à la traduction du changement :
L’incompréhension de la commande : la notion de projet de service reste obscure
et la façon de le réaliser également.
Le positionnement du cadre en tant qu’exécutant qui applique des directives. Ce
positionnement est opposé à celui de la démarche projet de service qui demande
au cadre de mener une réflexion sur et avec son service et d’être force de
proposition.
Un engagement dans la démarche sous la contrainte qui aboutit chez le cadre à
un désinvestissement des productions ainsi obtenues.
Un décalage ou une opposition entre le système de valeurs du cadre par rapport
à son activité et les valeurs qu’il attribue aux pratiques que lui demande la
démarche projet de service.
P 77 / 132
La perception de la démarche comme un effet de mode ou une contrainte
technocratique et complexe.
Un accompagnement par la hiérarchie perçu comme contraignant et castrateur.
Une relation conflictuelle à la hiérarchie, donc une coopération difficile.
Un vécu douloureux associé à la démarche et un sentiment d’incapacité à gérer
la situation ainsi créée.
2.5. La formation peut remédier à certains obstacles
Face aux obstacles précédents que peut proposer l’ingénieur formation ?
Il nous paraît clair que l’accompagnement à proposer ne peut être qu’une formation
intégrée au processus de changement telle qu’elle est définie au paragraphe B.4.3.,
en effet :
Une formation outils méthodes ne pourrait répondre qu’à l’obstacle de la
compréhension de la commande en précisant ce qu’est un projet de service et les
différentes manières de le réaliser (voir les limites d’une telle approche au
paragraphe B.4.2.).
Tenter de faire correspondre à chaque type d’obstacle évoqué précédemment
une action de formation précise reviendrait à nier que les éléments de la situation
forment un système et que les obstacles sont probablement liés.
Dans cette situation, une formation intégrée au processus de changement devrait
répondre aux objectifs suivants :
Intégrer l’ensemble des cadres, engagés ou non. L’expérience des premiers peut
fournir aux seconds une aide dans les processus d’appropriation et de traduction.
Les projets fournis par les cadres engagés sont autant d’exemples d’adaptations
possibles de la démarche aux différentes situations professionnelles. De plus les
outils développés par les uns peuvent inspirer les autres.
Intégrer la direction.
Ouvrir un espace de discussion pour
o permettre à l’ensemble des cadres et à la direction de faire un bilan sur la
démarche afin d’exprimer leurs satisfactions, difficultés et attentes.
o redonner envie aux cadres réticents de s’engager dans la démarche,
rassurer ceux qui sont inquiets.
P 78 / 132
o montrer les bénéfices possibles de la démarche.
o définir les actions à mettre en œuvre pour poursuivre la démarche.
Fournir les outils et les méthodes utilisés dans la démarche projet de service.
Accompagner individuellement les cadres dans la réalisation de leur projet de
service et la direction dans le pilotage de la démarche.
Assurer des échanges réguliers entre l’ensemble des cadres au sujet de la
démarche.
Ces objectifs nous paraissent propices à favoriser, d’une part la poursuite de la
démarche chez les cadres engagés et, d’autre part, l’engagement dans un processus
d’appropriation et de traduction pour les cadres réticents. En effet, le dispositif offre
entre autres :
La possibilité d’une restauration d’un dialogue avec la direction
L’explicitation des fondements de la démarche
La précision de ce qui est attendu en terme de résultat et de déroulement
L’apport d’outils et d’expériences réussies et variées
La possibilité de confronter les avis défavorables à d’autres avis favorables au
changement
Un accompagnement individuel pour répondre aux besoins spécifiques
rencontrés par chaque cadre dans sa situation professionnelle.
Même si un tel dispositif nous semble plus pertinent qu’un stage outils méthodes,
nous sommes conscient de ses limites, notamment face :
aux obstacles liés au positionnement en tant qu’exécutant et aux différences de
systèmes de valeurs, qui nous apparaissent liés aux représentations
professionnelles (voir les limites évoquées au paragraphe B.2.2.2.2).
à l’obstacle lié à la relation conflictuelle avec la hiérarchie. L’aide du dispositif à la
levée de cet obstacle dépend notamment de l’intensité du conflit.
P 79 / 132
3. CONCLUSION SUR LA RECHERCHE
Du fait du manque de fiabilité des résultats obtenus au questionnaire de
caractérisation, nous n’avons pu infirmer ou valider notre première hypothèse portant
sur le rôle des représentations professionnelles dans le changement.
Notre seconde hypothèse, sur l’importance de l’appropriation et de la traduction par
les acteurs du changement pour sa réalisation effective, a été validée. Ce résultat est
bien entendu à relativiser étant donné les différents biais présents dans cette partie
de la recherche :
Notre analyse qualitative repose sur des discours alors que nous cherchons à
évaluer des pratiques, nous sommes donc exposé au biais de sincérité et au biais
de l’illusion sur soi-même.
La méthode d’analyse par mots-clés est par définition entachée de notre
subjectivité.
Nous n’avons mené cette analyse que sur quatre entretiens.
Nous avons réalisé a posteriori lors de cette recherche deux difficultés
méthodologiques importantes :
Caractériser un engagement dans une démarche n’est pas chose aisée. Les
critères retenus et exposés au paragraphe D.2.1 amènent à répondre de manière
dichotomique, peut être aurait-il été plus judicieux d’envisager une échelle
d’engagement. Cela modifie l’approche méthodologique et aurait du être intégré
dès le début de la recherche. Nous ne pouvions le réaliser avec les données à
notre disposition.
Evaluer les pratiques des cadres à propos de la mise en place des projets de
service est difficile. Nous avons utilisé une analyse du discours et nous venons
d’en évoquer les biais. Nous pourrions envisager de nous appuyer sur les
résultats des pratiques. Dans notre cas, il s’agirait de la rédaction d’un document
mais un cadre peut avoir rédigé un document de manière très formelle et ne pas
l’utiliser. L’observation directe des pratiques apparaît en théorie comme une
méthode plus fiable, mais comment la mettre en œuvre sur le terrain ? Il nous
paraît impossible de suivre chaque cadre sur un temps suffisant pour apprécier la
réalité de sa pratique par rapport au projet de service.
P 80 / 132
CONCLUSION
Notre expérience professionnelle nous a amené à nous interroger sur l’aide que peut
apporter la formation dans l’accompagnement d’un changement organisationnel.
L’approche sociologique et la psychologie sociale nous ont amené à comprendre
qu’un changement qui réussit n’est pas décrété par la direction mais construit dans
un processus d’interaction entre tous les acteurs. De nombreux facteurs
interviennent dans ce processus, quel accompagnement du changement la formation
peut-elle proposer ?
Notre réflexion théorique sur la formation a abouti sur deux points importants :
premièrement la définition de deux axes d’intervention pour l’ingénieur formation :
o Les formations qualifiées de « classiques » où l’intervenant est un
formateur chargé de transmettre un contenu précis dans un temps limité.
o Les formations reposant sur ce que nous avons appelé des « situations
professionnelles d’apprentissage » où l’intervenant est un consultant
engagé dans l’accompagnement d’une situation professionnelle réelle où
les personnes concernées, pour pouvoir y répondre, doivent développer
leurs compétences et en acquérir de nouvelles.
deuxièmement la compréhension que, dans le cadre de l’accompagnement d’un
changement organisationnel :
o de lourdes hypothèques pesaient sur l’efficacité des formations classiques
o voir le changement comme une situation professionnelle d’apprentissage
permettait de construire une formation intégrée au processus de
changement qui présentait des atouts favorisant sa réalisation effective.
Les contraintes de notre terrain de recherche ne nous ont pas permis de tester une
hypothèse qui validerait directement la plus grande efficacité dans le cadre d’un
changement organisationnel des formations intégrées au processus de changement
par rapport aux formations classiques.
P 81 / 132
Nous avons cependant pu travailler sur deux hypothèses qui nous fourniraient des
indices de la validité de notre réflexion théorique :
Premièrement le rôle des représentations professionnelles qui peuvent constituer
un facteur de résistance important si les actes demandés par le changement
entrent en contradiction avec elles. Notre première hypothèse avançait que sur
notre terrain de recherche les cadres engagés dans le changement avaient une
représentation professionnelle de leur rôle de type ouvert et compatible avec la
mise en place de projets de service alors que celle des cadres non engagés était
de type fermé et en contradiction avec les implications de la démarche. Si cette
hypothèse était vérifiée, cela donnait une explication de l’échec de la formation
outils méthodes utilisée comme accompagnement lors de la mise en place des
projets de service. Le questionnaire de caractérisation utilisé pour tester cette
hypothèse s’est avéré être un mauvais choix au regard de la faiblesse de notre
échantillon et le manque de fiabilité des résultats obtenus ne nous a pas permis
de valider ou d’infirmer notre affirmation.
Deuxièmement la nécessité de l’appropriation et de la traduction du changement
par les personnes chargées de le mettre en œuvre pour que celui-ci se réalise.
Notre deuxième hypothèse affirmait que sur notre terrain de recherche les cadres
qui s’étaient engagés dans le changement avaient pu s’approprier et traduire les
projets de service alors que les cadres réticents avaient rencontré des difficultés
dans ces deux processus. L’analyse de ces difficultés nous permettrait de
réfléchir au meilleur accompagnement que la formation pourrait proposer pour les
lever. Une enquête qualitative par entretiens semi directifs nous a permis de
valider cette hypothèse et de confirmer qu’une formation intégrée au changement
offrirait un meilleur accompagnement qu’une formation outils méthodes.
Nous sommes conscient que notre recherche sur le terrain n’a fournit que des
indices d’une aide plus efficace, dans le cadre d’un changement organisationnel, de
la formation intégrée au changement par rapport à une formation classique comme
une formation outils méthodes. Des recherches complémentaires pourraient fournir
des résultats plus probants. Nous pensons notamment à une étude qui porterait sur
l’adhésion à la démarche projet de service à CT une fois le travail
P 82 / 132
d’accompagnement proposé au paragraphe C.2.4.2. effectué. Constaterait-on qu’un
plus grand nombre de cadres se sont engagés dans la démarche ?
Si oui, comment les nouveaux cadres engagés expliqueraient-ils leur adhésion ?
Et comment les cadres toujours réticents justifieraient-ils leur position ?
Si non, comment les cadres non engagés expliqueraient-ils la permanence de
leurs réticences ?
Et, dans les deux cas, la formation pourrait elle apporter une réponse
complémentaire ?
P 83 / 132
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P 85 / 132
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE 3
INTRODUCTION 5
INTRODUCTION 5
A / UNE SITUATION PROBLEME RECURRENTE 7
1. LES FONDEMENTS PERSONNELS DE LA RECHERCHE 7 1.1. ITINERAIRE PERSONNEL : DE L’ELECTRONIQUE AUX RESSOURCES HUMAINES 7 1.2. UNE PROBLEMATIQUE : FORMATION ET CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 7 1.3. QUESTION DE RECHERCHE 9 2. LE CONTEXTE PROFESSIONNEL DE LA RECHERCHE 9 2.1. UNE COMMUNE ENGAGEE DANS UN PROCESSUS DE CHANGEMENT 9 2.2. L’OPPORTUNITE D’UN TRAVAIL APPROFONDI DANS UN CAS DE FIGURE TYPIQUE DE LA PROBLEMATIQUE 10
B / UN RECUL THEORIQUE NECESSAIRE 12
1. DEFINIR LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 12 1.1. POUR LE MANAGEMENT, LE CHANGEMENT EST STRATEGIQUE 13 1.2. POUR LA SOCIOLOGIE, LE CHANGEMENT EST UN PROCESSUS 15 1.3. UN ESSAI DE DEFINITION DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 16 2. LE ROLE DES ACTEURS DANS LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 17 2.1. LE ROLE DETERMINANT DES ACTEURS 18 2.2. QUELS DETERMINANTS DU COMPORTEMENT DE L’ACTEUR ? 19 2.2.1. Pouvoir exister pour coopérer 19 2.2.1.1. Exister par la maîtrise de son travail 19 2.2.1.2. Les conditions de la coopération 20 2.2.1.3. Les jeux de pouvoir 21 2.2.2. Le rôle des représentations professionnelles 22 2.2.2.1. Les représentations professionnelles 22 2.2.2.2. L’impact du changement 24 2.3. SYNTHESE : UN AUTRE REGARD SUR LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 27 3. DEFINIR LA FORMATION DANS LES ORGANISATIONS 28 3.1. UN DISPOSITIF PRECIS D’APPRENTISSAGE 28 3.1.1. Une définition 28 3.1.2. Quelques modalités possibles pour une action de formation 30 3.2. LES SITUATIONS PROFESSIONNELLES D’APPRENTISSAGE 31 3.2.1. Apprendre par la situation professionnelle 31 3.2.2. Le cycle d’apprentissage expérientiel de KOLB 33 3.2.3. Conditions d’efficacité des situations professionnelles d’apprentissage 34 3.2.4. La situation professionnelle d’apprentissage est une formation 34 3.2.5. Apprendre en dehors de la formation 36 3.3. L’INGENIEUR FORMATION AU SERVICE DU DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES 37 4. FORMATION ET CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 38
P 86 / 132
4.1. UNE REPONSE A LA QUESTION DE RECHERCHE 38 4.2. LES CONDITIONS D’EFFICACITE DE LA FORMATION COMME APPORT D’OUTILS ET DE METHODES 39 4.3. LA FORMATION INTEGREE AU PROCESSUS DE CHANGEMENT 40 4.4. DEUX POSITIONS DISTINCTES POUR L’INGENIEUR FORMATION 42
C / RETOUR SUR LA MISSION 43
1. LE CHOIX DE L’AUDIT MEDIATION 43 1.1. INTERVENIR SUR UN CHANGEMENT « EN COURS » 43 1.2. ADOPTER L’ESPRIT D’UNE FORMATION INTEGREE AU CHANGEMENT 44 1.3. L’AUDIT MEDIATION : UNE ACTION DE FORMATION 44 2. DEROULEMENT DE LA MISSION 45 2.1. LE CADRAGE ET L’ANALYSE DE LA DEMANDE 46 2.2. L’ENQUETE ET L’ANALYSE 46 2.2.1. Le référentiel 47 2.2.2. Les outils de recherche d’informations 48 2.3. LA RESTITUTION 49 2.4. QUELS RESULTATS ? 49 2.4.1. Le rapport d’audit 49 2.4.2. Résultats attendus pour l’ensemble de la démarche 49 2.4.3. Résultats partiels de l’audit 50
D / METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE SUR LE TERRAIN 52
1. HYPOTHESES DE RECHERCHE 52 1.1. LES CONTRAINTES DE LA MISSION 52 1.2. PREMIERE HYPOTHESE : LE ROLE DES REPRESENTATIONS PROFESSIONNELLES 53 1.3. DEUXIEME HYPOTHESE : L’IMPORTANCE DE L’APPROPRIATION ET DE LA TRADUCTION DU CHANGEMENT POUR SA MISE EN OEUVRE 56 2. CHOIX METHODOLOGIQUES 57 2.1. CARACTERISER L’ENGAGEMENT DES CADRES DANS LA DEMARCHE 57 2.2. METHODOLOGIE POUR L’ETUDE DES REPRESENTATIONS PROFESSIONNELLES 58 2.2.1. Le rôle du cadre territorial est un objet de représentation professionnelle 59 2.2.2. L’analyse des représentations professionnelles 60 2.2.2.1. Une approche théorique 60 2.2.2.2. Application au terrain 61 2.2.2.3. Un biais : la détermination du référentiel professionnel 61 2.2.3. Le choix de l’outil d’analyse des représentations professionnelles 62 2.2.3.1. Le questionnaire de caractérisation 63 2.2.3.2. Commentaires 66 2.2.3.3. Classement des items 67 2.3. METHODOLOGIE POUR L’ETUDE SUR L’APPROPRIATION ET LA TRADUCTION 68
E / RESULTATS DE LA RECHERCHE 70
1. LE ROLE DES REPRESENTATIONS PROFESSIONNELLES 70 1.1. LES LIMITES DU QUESTIONNAIRE 70 1.2. METHODES D’EXPLOITATION DES QUESTIONNAIRES 70 1.2.1. La théorie des graphes et l’analyse de similitude 70 1.2.2. La procédure du filtrant des cliques 72
P 87 / 132
1.3. LE ROLE DES REPRESENTATIONS PROFESSIONNELLES N’EST PAS DEMONTRE 73 2. L’APPROPRIATION ET LA TRADUCTION DU CHANGEMENT 73 2.1. ANALYSE DE CONTENU DES ENTRETIENS 73 2.1.1. Entretien n°1 73 2.1.2. Entretien n°2 74 2.1.3. Entretien n°3 75 2.1.4. Entretien n°4 75 2.2. LA NECESSITE DE L’APPROPRIATION ET DE LA TRADUCTION DU CHANGEMENT 76 2.3. DES APPROPRIATIONS ET TRADUCTIONS DIFFERENTES DU CHANGEMENT 76 2.4. DES OBSTACLES A L’APPROPRIATION ET LA TRADUCTION 77 2.5. LA FORMATION PEUT REMEDIER A CERTAINS OBSTACLES 78 3. CONCLUSION SUR LA RECHERCHE 80
CONCLUSION 81
BIBLIOGRAPHIE 84
TABLE DES MATIERES 86
ANNEXE 1 89
ANNEXE 2 99
ANNEXE 3 103
ANNEXE 4 111
ANNEXE 5 115
ANNEXE 6 120
ANNEXE 7 126
P 88 / 132
ANNEXE 1 Diagnostic et recommandations du rapport d’audit
1. DIAGNOSTIC
1.1. Fondements : une réponse pertinente mais floue.
Les projets de service apparaissent comme une réponse pertinente à la
situation de la mairie de CT en 2000 telle qu’elle est décrite par les
personnes auditées et telle qu’elle apparaît dans le rapport sur l’analyse
organisationnelle réalisée par le cabinet PC. A cette époque, il s’agit
notamment de :
Responsabiliser l’encadrement dans la gestion de leur unité.
Faire confiance à l’encadrement et aux agents pour réaliser le projet
des élus. Leur laisser de l’autonomie dans la réalisation du service
rendu au public.
Instaurer un espace de dialogue et de réflexion entre agents et
encadrement.
La démarche projet de service permet effectivement de poursuivre ces
buts. Cependant, à l’analyse des éléments obtenus lors de l’audit, trois
difficultés majeures peuvent être repérées :
Les changements dans la façon de travailler de l’encadrement
qu’appelle la démarche sont importants. Mettre en place les projets de
service en 2000 implique d’accompagner un « changement culturel ».
De nombreuses évolutions sont en cours sur la même période (Refonte
de l’organigramme, Description de poste, A.R.T.T.). La démarche projet
de service participe de ces changements mais n’en est pas distinguée.
La réorganisation forme un tout dont les projets de service devront
émerger.
La définition même de ce qu’est un projet de service n’est pas
formalisée, ainsi le contenu de la démarche reste flou.
P 89 / 132
1.2. Une organisation commune aux différentes évolutions
En 2001 - 2002, la démarche projet de service n’est pas identifiée comme
indépendante et reste fondue avec les autres évolutions
organisationnelles, cela explique son organisation très peu formalisée.
Le document de référence « Les objectifs généraux de la politique du
personnel » apparaît comme commun à ces différentes évolutions en
cours à l’époque.
En conséquence, concernant la démarche projet de service, des éléments
structurants manquent :
La formalisation des rôles de chaque strate d’acteurs dans la
démarche (Elus, agents, chefs d’équipe, chefs de service, cadres de
direction).
Un découpage de la démarche en phases
Un planning de réalisation de la démarche
Un pilote ou personne référente pour la démarche
Ces manques ont constitué des obstacles à la réussite des projets de
service, et ce malgré la forte implication de Mr la Maire et de l’Adjoint aux
Ressources Humaines.
La formation à la conduite de projet, délivrée par le cabinet PC, n’a pas
permis de combler ces manques, ni de préciser clairement ce qui était
entendu par « projet de service ».
1.3. Compréhension de la démarche par l’encadrement : des visions
très disparates
Les membres de l’encadrement, du chef d’équipe au cadre de direction,
donnent une image des projets de service variable, du projet
d’organisation générale du service au projet opérationnel et modeste dans
P 90 / 132
une partie du service. Ceci peut s’expliquer par le manque de
formalisation et d’accompagnement vu dans les points précédents.
Quelques illustrations des différences de représentation du projet de
service :
Pour l’origine de la démarche, si la finalité d’une meilleure
organisation du service est toujours citée, les raisons du lancement de
cette démarche varient (le passage aux 35 heures, effet de mode,
arrivée de nouveaux cadres, volonté d’un dirigeant)
La définition du projet de service comporte toujours un objectif à
atteindre mais le terme de cet objectif et sa portée stratégique pour le
service sont très variables.
Concernant l’articulation de la démarche, les rôles de la direction
générale et des élus sont perçus différemment selon les personnes
auditées (Validation des projets, Orientations du service).
Certains membres de l’encadrement n’ont pas intégré l’articulation
entre l’élaboration, la validation et la réalisation (acceptation qu’un
projet peut ne pas aboutir).
1.4. Mise en œuvre par l’encadrement : une démarche vivante
Aujourd’hui, de nombreux services établissent des bilans d’activité
chiffrés et des projets d’actions ou d’évolutions existent. Même si cela
constitue une excellente base, ce ne sont pas des projets de service.
La grande majorité de l’encadrement s’accorde pour voir à la
démarche des apports positifs :
Sortir de la routine
Améliorer le service rendu
Mieux s’organiser
Permettre une transparence de l’activité vis-à-vis de l’élu
P 91 / 132
Cependant les projets de service ont suscité jusqu’ici des résistances. Les
raisons évoquées sont :
Le manque de clarté de ce qui est demandé, qu’est-ce qui doit être fait
par qui et comment ? Cette raison est de loin la plus fréquente.
Une demande « trop pressée » qui n’a pas pris en compte le temps
nécessaire pour y répondre. S’inscrire dans cette démarche est un
processus long et il y a d’autres choses à faire.
Le refus par le membre de l’encadrement d’un projet précis qui
apparaît imposé par la direction et ne semble pas pertinent.
La frustration liée à l’absence de retour sur des propositions d’actions
qui ont été faites.
Une perception de la démarche sous forme de remise en cause de la
qualité d’un travail et de contrôle.
Il y a chez la très grande majorité des membres de l’encadrement une
volonté affichée de bien faire son travail. Nous pouvons émettre
l’hypothèse que face à une demande floue, chacun d’entre eux s’est
positionné et s’est plus ou moins engagé en fonction de ses moyens :
expérience, notamment sur les projets, compréhension de la formation à
la conduite de projet, interprétation de la demande, culture du métier,
position dans la hiérarchie… Ils ont chacun répondu au mieux de leurs
possibilités en fonction de ce qu’ils comprenaient d’une commande peu
formalisée.
Certains positionnements ont pu générer des tensions relationnelles avec
la direction générale qui peuvent en elles-mêmes constituer des freins
redoutables.
La démarche est vivante, les projets de service restent des sujets de
discussions et d’interrogations.
P 92 / 132
1.5. Les moyens pour continuer la démarche
Aujourd’hui, la démarche projet de service reste très informelle, l’absence
de définition du projet de service, les doutes concernant les rôles
respectifs de la direction et des élus, l’absence d’instances de gestion de
la démarche, le manque de méthode et d’outils pour l’élaboration et le
suivi des projets de service sont autant de risques pesant sur la pérennité
de la démarche.
La première restitution orale montre également que trois acteurs
importants de la démarche (Elu au personnel, D.G.S., D.R.H.) ont des
avis divergents sur les projets de service notamment quant à leur contenu
et leur durée. Cet aspect amplifie les risques.
D’un autre côté, les membres de l’encadrement ont tous une vision des
points faibles et forts de leur service et des évolutions qui vont le
concerner. Ils reconnaissent en majorité un intérêt à la démarche et
expriment le souhait de connaître ce que font les autres services. Ils sont
en attente de précisions notamment sur la définition du projet de service.
Ces éléments constituent autant de facteurs favorables pour la poursuite
de la démarche.
2. RECOMMANDATIONS
2.1. Formaliser la démarche projet de service
Il est aujourd’hui nécessaire de donner un cadre structurant à la
démarche. Il doit permettre à chacun de comprendre ce qui est attendu
de lui et ce qu’il peut attendre de ses partenaires dans cette démarche.
P 93 / 132
Des actions doivent être entreprises pour :
Rappeler les fondements (origine et finalités) de la démarche projet de
service.
Définir ce qu’est un projet de service à CT
Ses objectifs
Son contenu
Son mode d’élaboration
Descendant / Remontant / Mixte ?
Son terme (court, moyen, long ?)
Les conditions de son opérationnalisation (Déclinaison en actions
concrètes)
Définir le déroulement de la démarche projet de service
Par quelles phases passe-t-on ? Par exemple :
Phase Elaboration des projets de service
Phase Validation (possibilité de validations intermédiaires)
Phase Réalisation des projets de service
Dans quels délais réalise-t-on ces phases ?
Définir le rôle de chaque strate (Elus, agents, chefs d’équipe, chefs de
service, cadres de direction) dans les projets de service.
Qui les écrit, les propose ?
Qui coordonne les différents projets ?
Qui les valide ?
Qui les exécute ?
Qui les supervise ?
Qui évalue les projets ?
Nommer un référent, ou un groupe référent, pour la démarche. Personne
ou groupe ressource chargé d’apporter des précisions face aux questions
qui ne manqueront pas de se poser au cours du déroulement de la
démarche.
La co-élaboration ou discussion (dans le cas d’une première définition
préalable) de ces différents éléments au cours d’un travail de groupe
P 94 / 132
réunissant élu(s), cadres de direction et chefs de service favoriserait une
meilleure adaptation du dispositif à la réalité du terrain ainsi qu’une
meilleure appropriation par l’ensemble des acteurs.
Pour information, classiquement dans un projet, on distingue trois
instances …
Instance stratégique : fonction de décision.
Définir ou valider des orientations
Etablir des priorités
Allouer des ressources
Prendre des mesures d’ajustement
Instance consultative : fonction de conseil
Enrichir la réflexion de leurs réactions, de leurs points de vue.
Cette instance peut se situer au niveau stratégique et / ou
opérationnel.
Instance opérationnelle : fonction de réalisation
Concevoir …
Organiser …
Mettre en œuvre …
Evaluer le projet
… qui peuvent s’incarner en :
Le comité de pilotage. Instance stratégique, c’est un groupe qui se
réunit périodiquement au cours du projet pour contrôler son état
d’avancement et prendre les décisions nécessaires.
Trois missions :
Evaluer : l’état d’avancement du projet grâce aux tableaux de bord.
A chaque réunion contrôle des coûts, délais, qualité
Valider : confirme des choix, valide des options (chef de projet,
cahier des charges, scénario, …)
Réviser : traite les ajustements du projet les plus importants.
Le chef de projet, responsable du projet, il est le lien entre les
différentes instances. Il constitue et anime l’équipe projet.
P 95 / 132
Phase élaboration : il étudie le projet, identifie les ressources
nécessaires, propose des scénarios, fait valider les choix.
Phase réalisation : il assure et coordonne la mise en œuvre du
projet. Il l’évalue.
L’équipe projet réunit les compétences nécessaires à l’élaboration et la
réalisation du projet. Elle est à dimension variable en fonction de l’état
d’avancement et des besoins du projet.
Un groupe de consultation / un comité d’usagers qui réunit des
personnes concernées plus ou moins directement par le projet et dont
l’avis est intéressant à écouter.
2.2. Instrumenter la démarche projet de service
Il apparaît également que les personnes auditées n’ont pas de méthode
commune, ni d’outil commun, si ce n’est le tableau de bord, concernant
les projets et la démarche projet de service.
Déterminer et utiliser une approche commune des projets et un même
langage doit faciliter la démarche et la collaboration qu’elle nécessite
entre les différents partenaires.
Bien entendu, les apports à fournir dépendront des réponses aux
questions vues au paragraphe précédent concernant la formalisation de
la démarche. Voici néanmoins quelques notions classiques en conduite de
projet :
Les étapes du projet
Conception
Formulation
Problématisation - Analyse
Validation
Programmation - Planification
Réalisation - Mise en œuvre
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Evaluation en cours et évaluation finale
Communication
Les instances du projet et leur rôle
Instance stratégique
Instance consultative
Instance opérationnelle
Les outils du projet
Fiche d’identité
Arbre des objectifs
Tableau de déclinaison opérationnelle
Plannings
Tableaux de bord et indicateurs
La démarche projet de service
Le projet du service vs les projets dans les services
Les modes d’élaboration d’un projet de service
Il est important de noter qu’un bon nombre de ces éléments ont été
abordés lors de la formation à la conduite de projet, délivrée par le
cabinet PC. Les reprendre suppose de s’appuyer sur la réflexion et les
actions menées par les agents sur les projets de service depuis cette
première formation.
2.3. Accompagner la démarche dans les services.
Pour entretenir une dynamique propre à pérenniser la démarche, il est
important que tous les agents soient informés et accompagnés. Ainsi, les
actions suivantes peuvent être envisagées :
P 97 / 132
P 98 / 132
Communiquer sur les différentes réalisations des services dans le
cadre de la démarche. Aborder les réussites, comme les difficultés
rencontrées.
Le niveau de compétence des membres de l’encadrement vis-à-vis des
projets de service étant variable, individualiser l’accompagnement à
l’élaboration et à la réalisation des projets de service.
Afin d’alimenter une réflexion sur son activité, permettre à certains
membres de l’encadrement d’aller voir comment se réalise la mission
de leur service dans d’autres collectivités similaires. Un écrit simple
doit être rédigé à cette occasion.
ANNEXE 2
Tableau 1 : réponses aux questionnaires pour les cadres caractérisés comme engagés dans la démarche
Items /
Sujets 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
A 0 -2 -1 -1 -1 0 -2 -2 2 2 0 1 2 1 1
D 1 0 -1 2 2 1 0 0 1 -2 0 1 -1 2 1
E 1 -2 -2 0 -1 -1 -2 2 1 2 0 0 1 2 -1
F 1 -1 -2 0 0 2 -1 2 1 -2 -1 2 1 0 -2
J 2 -2 -2 -1 0 1 0 2 1 -1 2 1 -2 0 -1
M -1 -2 -2 0 0 2 -2 -1 1 2 -1 0 2 1 1
N 2 -2 2 -2 -1 1 1 -2 0 -1 1 0 0 -1 2
Moy. 0,86 -1,57 -1,14 -0,29 -0,14 0,86 -0,86 0,14 1 0 0,14 0,71 0,43 0,71 0,14
Em 2 8
P 99 / 132
Tableau 2 : matrice des indices de distance pour les cadres caractérisés comme engagés dans la démarche
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
0
29 14
29
1 -0,21 0,00 0,14 0,21 0,43 0,14 0,36 0,50 -0,29 0,64 0,50 0,07 0,21 0,21
2 0,79 0,36 0,29 -0,21 0,64 0,14 -0,29 -0,21 0,14 -0,14 -0,14 -0,14 0,00
3 0,14 0,07 -0,14 0,57 -0,36 -0,36 -0,14 0,21 -0,21 -0,07 -0,36 0,36
4 0,79 0,14 0,14 0,21 0,21 0,00 0,21 0,36 0,07 0,50 0,21
5 0,36 0,36 0,14 0,29 -0,07 0,29 0,43 0,00 0,57 0,29
6 0,14 0,07 0,50 -0,14 0,36 0,64 0,21 0,21 0,36
7 0, 7 -0,07 -0,29 0,50 0,07 -0,21 -0,07 0,21
8 0,14 -0,21 0,29 0,29 -0,14 0,14 -0,43
9 0,21 0,29 0,71 0,57 0,57 0,29
10 -0,07 -0,07 0,50 0,36 0,21
11 0,43 0,00 0,14 0,29
12 0,29 0,43 0,29
13 0, 0,
14 0,
15 Moyenne Indice D
Item 0,21 0,07 0,04 0,25 0,29 0,21 0,16 0,05 0,26 -0,02 0,27 0,29 0,11 0,22 0,19
P 100 / 132
Tableau 3 : réponses aux questionnaires pour les cadres caractérisés comme non engagés dans la démarche
Items /
Sujets 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
B 2 -2 -2 0 0 1 -2 -1 0 1 2 2 -1 1 -1
H 0 -2 -1 0 0 1 -2 -2 2 -1 1 2 -1 2 1
I -1 1 0 -2 0 1 -2 -2 2 2 0 -1 1 -1 2
K -1 -2 -2 0 0 2 -1 -1 1 0 -2 2 1 2 1
L 1 -2 -2 -2 -1 -1 0 1 2 -1 0 1 2 2 0
O 2 -2 -2 1 1 -2 0 -1 0 -1 2 2 1 -1 0
Moy. 0,5 -1,5 -1,5 -0,5 0 0,33 -1,17 -1 1,17 0 0,5 1,33 0,5 0,83 0,5
Em 24
P 101 / 132
Tableau 4 : matrice des indices de distance pour les cadres caractérisés comme non engagés dans la démarche
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
0
17 50
17
1 -0,33 -0,17 0,33 0,42 -0,08 0,17 0,25 0,00 0,08 0,67 0,58 0,17 0,17 0,00
2 0,83 0,00 0,08 0,08 0,33 0,25 -0,33 0,25 -0,17 -0,75 0,00 -0,50 0,00
3 0,33 0,25 0,08 0,33 0,25 -0,33 0,25 0,00 -0,58 0,00 -0,33 0,00
4 0,75 0,08 0,33 0,25 0,00 0,25 0,17 0,08 0,17 0,00 0,17
5 0,33 0,25 0,17 0,33 0,50 0,42 0,17 0,42 0,08 0,58
6 -0,25 -0,17 0,25 0,50 0,08 0,17 0,08 0,42 0,42
7 0,75 -0,17 0,08 0,00 -0,17 0,17 -0,17 0,17
8 -0,08 0,00 -0,25 -0,17 0,25 0,08 0,08
9 0,25 0,00 0,25 0,50 0,50 0,83
10 0, 8 -0,17 0,25 0,08 0,42
11 0,42 0,00 0,00 0,17
12 0,08 0,58 0,08
13 0, 0,
14 0,
15 Moyenne Indice D
Item 0,16 -0,02 0,07 0,21 0,34 0,14 0,13 0,12 0,14 0,20 0,11 0,04 0,20 0,09 0,26
P 102 / 132
ANNEXE 3 Arbre Maximum pour les cadres caractérisés comme engagés dans la démarche
Exécute les ordres de sa H. (11)
Prend en compte les dem. de la pop. (7)
Explique aux administrés les raisons des décisions (2)
Exécute les ordres des élus (3)
Doit rendre compte des résultats de son activité (1)
Est responsable du bon déroulement d’une activité (8)
Anticipe les évolutions concernant l’activité qu’il coordonne (15)
Peut être amené à piloter des projets (9)
Aide les élus à décider dans son domaine d’activité (13)
Participe à la réalisation de la politique des élus (10)
Organise les moyens dont il dispose pour atteindre les objectifs (14)
Motive ses collaborateurs et contrôle leur travail (12)
Fait circuler l’information pour que chacun de ses partenaires ait les données dont il a besoin (6)
Fait appliquer les règles et les procédures dans son équipe (5)
Est un spécialiste dans son métier (4)
.64
.50 .64 .79
.36 -.43
.50
.57 .57 .50
.71
.64
.57
.79
SGA4-2
SGA4-1
SGA4
SGA2
SGA1
P 103 / 132
P 104 / 132
Arbre Maximum pour les cadres caractérisés comme non engagés dans la démarche
Exécute les ordres de sa H. (11)
Doit rendre compte des résultats de son activité (1)
Motive ses collaborateurs et contrôle leur travail (12)
Explique aux administrés les raisons des décisions (2)
Exécute les ordres des élus (3)
Organise les moyens dont il dispose pour atteindre les objectifs (14)
Prend en compte les dem. de la pop. (7)
Est responsable du bon déroulement d’une activité (8)
Peut être amené à piloter des projets (9)
Anticipe les évolutions concernant l’activité qu’il coordonne (15)
Fait appliquer les règles et les procédures dans son équipe (5)
Est un spécialiste dans son métier (4)
Aide les élus à décider dans son domaine d’activité (13)
Participe à la réalisation de la politique des élus (10)
.67 .58 -.75 .83
.58 .33
.75 .50
.83 .58 .75
.50SGB2-2-1 SGB2-2-2
SGB2-1
SGB1
Fait circuler l’information pour que chacun de ses partenaires ait les données dont il a besoin (6)
.50
.50
SGB2-2
Graphe faisant apparaître les cliques obtenues au seuil .50 pour les cadres caractérisés comme engagés dans la démarche
Prend en compte les dem. de la pop. (7)
Explique aux administrés les raisons des décisions (2)
Exécute les ordres des élus (3)
.64
.79
.57
Doit rendre compte des résultats de son activité (1)
Peut être amené à piloter des projets (9)
Motive ses collaborateurs et contrôle leur travail (12)
Fait circuler l’information pour que chacun de ses partenaires ait les données dont il a besoin (6)
.50
.71
.64
.50
.50
Participe à la réalisation de la politique des élus (10)
Aide les élus à décider dans son domaine d’activité (13) .57
Organise les moyens dont il dispose pour atteindre les objectifs (14)
Fait appliquer les règles et les procédures dans son équipe (5)
Est un spécialiste dans son métier (4)
.57
.57
.79 .50
.50
Exécute les ordres de sa H. (11)
.50
.64
P 105 / 132
.75
Est responsable du bon déroulement d’une activité (8)
Prend en compte les dem. de la pop. (7)
Explique aux administrés les raisons des décisions (2)
.83
Exécute les ordres des élus (3)
Graphe faisant apparaître les cliques obtenues au seuil .50 pour les cadres caractérisés comme non engagés dans la démarche
Peut être amené à piloter des projets (9)
Anticipe les évolutions concernant l’activité qu’il coordonne (15)
Aide les élus à décider dans son domaine d’activité (13)
.50
.50
Fait circuler l’information pour que chacun de ses partenaires ait les données dont il a besoin (6)
Participe à la réalisation de la politique des élus (10)
Est un spécialiste dans son métier (4)
.58
.75
Fait appliquer les règles et les procédures dans son équipe (5)
.50
Doit rendre compte des résultats de son activité (1)
Motive ses collaborateurs et contrôle leur travail (12)
.67
.50
.58
.58
Organise les moyens dont il dispose pour atteindre les objectifs (14)
Exécute les ordres de sa H. (11)
.50
.83
P 106 / 132
Analyse des arbres maxima
Dans l’arbre maximal pour les cadres caractérisés comme engagés dans la
démarche :
Une seule arête est négative (-.43), elle isole l’item 15 « Anticipe les évolutions
(de la population, de la technique, du cadre juridique …) concernant l’activité qu’il
coordonne » et le désigne comme reflétant ce qui caractérise le moins le rôle du
cadre dans cette population. Cependant la moyenne des valeurs attribuées à cet
item dans les questionnaires est .14, ce qui le place en position médiane. Il est
donc difficile de dégager une interprétation.
L’arête de valeur directement supérieure est .38, séparer le graphe à ce niveau
est peu informatif car cela isole l’item 8 « Est le responsable du bon déroulement
d’une activité » dont la moyenne des valeurs attribuées est .14, de nouveau en
position médiane.
La valeur d’arête directement supérieure est .50. Rompre le graphe issu des deux
premières opérations au niveau des arêtes de valeur .50 fait apparaître 4 sous
graphes :
SGA1 : qui regroupe les items 7 « Prend en compte les demandes de la
population », 2 « Explique aux administrés les raisons des décisions » et 3
« Exécute les ordres des élus ». La moyenne des valeurs attribuées à ces
items au questionnaire est fortement négative (-1.19), ils représentent donc ce
qui caractérisent le moins le rôle du cadre dans cette population. Ce sous
graphe peut être interprété comme ce qui peut relever du rôle de l’élu et non
du cadre (rapports à la population) ainsi que les relations qui ne doivent pas
exister entre un cadre et un élu. En effet, exécuter les ordres d’un élu peut
être perçu comme le « court circuitage » de la hiérarchie administrative.
SGA2 : regroupe les items 11 « Exécute les ordres de sa hiérarchie » et 1
« Doit rendre compte des résultats de son activité », la moyenne de ces items
dans le questionnaire est .50. Ce sous graphe est donc significatif du rôle du
cadre pour cette population. Il met en avant la notion de contrôle de la
hiérarchie sur les subordonnés.
SGA3 : Est en fait l’item 10 « Participe à la réalisation de la politique des
élus » dont la moyenne des valeurs attribuées au questionnaire est 0.
P 107 / 132
SGA4 : regroupe 7 items, pour proposer une interprétation il est nécessaire de
le séparer de nouveau en sous graphes en rompant les arêtes de valeur .57.
Cela dégage quatre parties :
L’item 13 « Aide les élus à décider dans son domaine d’activité » est isolé.
De même que l’item 14 « Organise les moyens dont il dispose pour
atteindre des objectifs ». Leur moyenne est respectivement .43 et .71. Ils
représentent donc assez bien pour la population le rôle du cadre.
SGA4-1 : regroupe les items 4 « Est un spécialiste dans son métier » et 5
« Fait appliquer les règles et les procédures dans son équipe » la moyenne
de ces items dans le questionnaire est -.21, ils ne représentent donc pas,
pour les cadres caractérisés engagés, ce qui est le plus important dans
leur rôle.
SGA4-2 : regroupe les items 9 « Peut être amené à piloter des projets »,
12 « Motive ses collaborateurs et contrôle leur travail » et 6 « Fait circuler
l’information pour que chacun de ses partenaires ait les données dont il a
besoin », ce sous graphe est celui qui présente la plus forte valeur
moyenne .81. Il contient également l’item 9 dont la valeur moyenne est la
plus forte des 15 items : 1. Il semblerait donc que pour les cadres engagés,
le pilotage de projet soit associé le plus à la motivation et au contrôle des
collaborateurs ainsi qu’à la circulation de l’information.
Dans l’arbre maximal pour les cadres caractérisés comme non engagés dans la
démarche :
Une seule arête est négative (-.75) elle sépare l’arbre en deux sous graphes
SGB1 qui regroupe les items 7 « Prend en compte les demandes de la
population », 2 « Explique aux administrés les raisons des décisions », 3
« Exécute les ordres des élus » et 8 « Est le responsable du bon déroulement
d’une activité ». La moyenne des valeurs attribuées à ces items au
questionnaire est fortement négative (-1.29), ils représentent donc ce qui
caractérisent le moins le rôle du cadre dans cette population. Tout comme
dans le sous graphe SGA1 on retrouve ce qui peut relever du rôle de l’élu et
non du cadre ainsi que les relations qui ne doivent pas exister entre un cadre
et un élu. Le rattachement de l’item 8 aux trois autres est peu informatif.
P 108 / 132
SGB2 regroupe 11 items et, pour l’interpréter, il est nécessaire de le séparer
de nouveau en sous graphes en rompant les arêtes de valeur .50. Cela révèle
5 parties :
Trois items isolés : 13 « Aide les élus à décider dans son domaine
d’activité », 10 « Participe à la réalisation de la politique des élus » et 6
« Fait circuler l’information pour que chacun de ses partenaires ait les
données dont il a besoin », la moyenne des valeurs attribuées au
questionnaire à ces items est respectivement .5, 0, .33.
SGB2-1 sous graphe qui regroupe les items 11 « Exécute les ordres de sa
hiérarchie », 1 « Doit rendre compte des résultats de son activité », 12
« Motive ses collaborateurs et contrôle leur travail » et 14 « Organise les
moyens dont il dispose pour atteindre des objectifs ». La moyenne des
valeurs attribuées à ces items au questionnaire est .79, il s’agit là d’items
qui, pour cette population, caractérisent fortement le rôle du cadre. Tout
comme le sous graphe SGA2, Il met en avant la notion de contrôle de la
hiérarchie sur les subordonnés (items 1 et 11) à laquelle il associe les
moyens d’exécuter les ordres (items 12 et 14).
SGB2-2 : regroupe 4 items, une partition de ce sous graphe à la valeur
d’arête .58 révèle deux sous graphes dont l’interprétation s’avère plus
facile :
o SGB2-2-1 : Regroupe les items 9 « Peut être amené à piloter des
projets » et 15 « Anticipe les évolutions (de la population, de la
technique, du cadre juridique …) concernant l’activité qu’il coordonne ».
La moyenne des valeurs attribuées à ce sous graphe est .83. L’aspect
conduite de projet est donc fortement reconnu comme faisant partie du
rôle du cadre par cette population pourtant caractérisée comme non
engagée.
o SGB2-2-2 : regroupe les items 4 « Est un spécialiste dans son métier »
et 5 « Fait appliquer les règles et les procédures dans son équipe » la
moyenne de ces items dans le questionnaire est -.25, tout comme dans
le sous graphe SG4-1, ils ne représentent donc pas, pour les cadres
caractérisés non engagés, ce qui est le plus important dans leur rôle.
P 109 / 132
P 110 / 132
En conclusion, l’analyse de ces deux arbres maxima révèle des ressemblances
marquantes, on retrouve en effet des similitudes fortes entre les sous graphes SGA1
et SGB1, SGA2 et SGB2-1, SG4-1 et SGB2-2-2. Les différences sont quant à elles
peu explicites, la plus marquante concerne la place de l’item 8 « Est le responsable
du bon déroulement d’une activité » dont la moyenne des valeurs attribuées au
questionnaire par les cadres engagés est .14 contre -1 pour les non engagés. Cette
différence est minime et a pour conséquence de faire passer cet item d’une position
où il est isolé et caractérise moyennement le rôle du cadre chez les cadres engagés
à une position où il est intégré dans un sous graphe qui caractérise ce qui est le
moins représentatif du rôle du cadre chez les cadres non engagés.
Analyse des cliques maximales
Le graphe des cliques obtenues au seuil .50 pour les cadres caractérisés comme
engagés fait apparaître quatre cliques maximales :
Clique (2 ; 3 ; 7) qui correspondent à ce que les cadres engagés caractérisent
comme le moins représentatif de leur rôle.
Cliques (9 ; 12 ; 1) et (9 ; 12 ; 6) qui confirment la forte connexité chez les cadres
engagés entre le pilotage de projet, la motivation et le contrôle des
collaborateurs, la circulation de l’information, l’obligation de rendre compte des
résultats de l’activité.
La clique (14 ; 5 ; 4) est plus difficile à interpréter, elle joint en effet deux items (4
et 5) aux valeurs moyennes négatives à un item (14) à la valeur moyenne
fortement positive.
Le graphe des cliques obtenues au seuil .50 pour les cadres caractérisés comme
non engagés fait apparaître une clique maximale :
La clique (9 ; 13 ; 15) traduit la forte connexité entre le pilotage du projet,
l’anticipation des évolutions de l’activité et l’aide à la décision vis-à-vis des élus.
Ce résultat contredit la première hypothèse formulée.
ANNEXE 4
EXTRAIT N°1 : ENTRETIEN AVEC UN CADRE CARACTERISE COMME
ENGAGE DANS LA DEMARCHE PROJET DE SERVICE.
- Interviewer : Avez-vous élaboré un document dans le cadre de cette
démarche ? Vous m’avez dit que vous avez fait un document il y a
quelques années, c’était la même chose ou c’était autre chose ?
- Monsieur E : heu...Non non ben non c’est ça. Je pensais que c’était un
autre document en fait. Ben non, je l’ai peaufiné au fil du temps parce
qu’au départ j’avais que des heures et maintenant j’ai des coûts
derrière, on sort des ratios quoi…
- IE : oui
- ME : c’est plus significatif. Quand un élu arrive dans une réunion et
qu’on nous demande… qu’on a des pressions au niveau des écoles et
bien on sait que 14% du temps va aux écoles. C’est quand même un
baromètre.
- IE : Qu’est-ce qui fait que vous avez élaboré ce document ?
- ME :Moi je pense que ça permet d’avoir une transparence, pour tout le
monde
- IE : oui
« peaufiné au fil du temps » : Le document
projet de service a permis d’améliorer un
document qui existait déjà pour qu’il soit
plus significatif de l’activité de sa direction.
Le document permet de donner forme à
une recherche personnelle
« d’avoir une transparence … à tous les
élus… dans les services » : perçoit un
bénéfice en terme de communication de
l’activité du service vis-à-vis des élus et
des services qui sont sous sa direction.
P 111 / 132
- ME : Heu… oui parce que ça s’est affiché…s’est distribué, je dirais, le
temps de le faire généralement, fin janvier, début février. Je le diffuse à
tous les élus, au Maire, puis je l’affiche aussi dans les services
- IE : oui
- ME : Donc heu...Je n’ai jamais eu de retour par contre
- IE : oui
- ME : Si ce n’est que je sais que Le Maire a des éléments et bien pour
dire et bien que pour les écoles notamment on passe en gros entre 15
et 20% de notre temps
- IE : oui… et est-ce que vous l’utilisez en cours d’année ?
- ME : heu…
- IE : ou plutôt quelle utilité en avez-vous de ce document ou fois qu’il
est sorti ?
- ME : et ben justement au niveau des coûts, au niveau des coûts, ça
me permet de savoir dans le cadre de la future préparation
budgétaire… quel montant on met sur chaque bâtiment en coût
d’entretien. Ca c’est assez intéressant.
- IE : C’est à dire
- ME : Ca c’est vraiment très intéressant parce que je saisis toutes les
factures.
- IE : Et heu que sortirez vous de ce document ?
« future préparation budgétaire … assez
intéressant » : trouve un intérêt à utiliser le
document dans le cadre de la préparation
budgétaire.
« très intéressant… je saisis toutes les
factures » : le document est intégré au
quotidien de la gestion de sa direction,
trouve un grand intérêt car cela lui permet
d’avoir une ventilation des coûts par
bâtiment..
P 112 / 132
- ME : Bien les imputations de main d’œuvre et bien c’est déjà, c’est
important de savoir que l’on passe par le bâtiment et la classification
de bâtiment. Parce que l’on a des bâtiments locatifs, ben, il y a même
des bâtiments où on s’aperçoit que l’on n’intervient quasiment pas.
- IE : oui
- ME : Donc alors, est-ce que… et bien simplement les bâtiments sont
en bon état ou bien est-ce que simplement c’est un manque de temps
ou que les gens ne font pas de demande.
- IE : oui oui
- ME : On peut interpréter après.
- IE : Alors globalement quel est votre avis sur la démarche projet de
service ? Avec le recul de plusieurs années en fait ?
- ME : Et bien, chez nous, c’est une motivation supplémentaire. Moi je
prends ça comme une motivation, oui. Et puis je dirai que ça permet
de rompre avec la monotonie peut-être………………….
- IE : C’est une démarche utile ?
- ME : oui bien sur oui. Oui et ça permet aussi au niveau de la hiérarchie
de savoir qu’il y a des choses qui se mettent en place aussi. Qu’on est
en perpétuelle évolution, qu’on ne se laisse pas dépasser. On est
marché public et bien je m’aperçois que parmi toutes les communes, je
mets à l’exception les grandes communes, comme B et C, on n’est pas
mal, on est bien. Ca valait le coup de s’appuyer…
« les imputations de main d’œuvre… c’est
important » : trouve important de pouvoir,
grâce au document, avoir une vision
synthétique de l’intervention des équipes.
« peut interpréter après » : utilise le
document comme support d’une analyse
sur le fonctionnement de sa direction. Il
trouve du sens au document.
« chez nous …motivation supplémentaire
… rompre avec la monotonie » : la
démarche est ressentie comme source de
motivation et comme vecteur de nouveauté
et de diversité pour lui et son équipe.
« au niveau de la hiérarchie … choses qui
se mettent en place » : la démarche
permet également à ses yeux d’informer
sa hiérarchie des évolutions réalisées.
« Ca valait le coup » : la démarche lui
permet de ne pas être en retard sur les
évolutions, ce qui constitue un avantage
par rapport aux autres communes
similaires qui ne la mettent pas en place.
P 113 / 132
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- IE : en terme de marché public
- ME : oui
- IE : Comment vous arrivez à savoir ça ?
- ME : Je vais sur les sites Internet des communes ; je vois des
communes comme D, et bien ils n’ont pas du tout de site sur lesquels
ils affichent les appels d’offres. Je sais qu’en discutant avec les
collègues, on est pas mal.
Le discours au cours de cet entretien remplit les trois conditions pour permettre de caractériser le cadre comme engagé dans la
démarche.
Un document existe et sa réalisation est liée à un projet d’organisation du service.
Il est utilisé au cours de l’année de sa rédaction.
La démarche est perçue comme apportant une amélioration au fonctionnement du service ou de l’équipe.
Nous relevons également que ce cadre a utilisé la démarche projet de service pour approfondir sa réflexion sur le
fonctionnement de son service et pour améliorer un document qui existait déjà, il intègre ainsi la démarche à une recherche
personnelle préexistante. Le document construit est utilisé régulièrement dans le service par lui-même et ses agents ce qui lui
donne un sens. Il trouve plusieurs bénéfices à la démarche, en terme de motivation de lui-même et de son équipe, en terme de
communication avec sa hiérarchie, ses agents et ses collègues et également en terme d’adaptation de son service aux
évolutions de l’environnement. Il a le sentiment que la démarche lui permet de maintenir son service parmi les plus adaptés aux
évolutions en comparaison avec des services identiques dans des communes de taille équivalente.
ANNEXE 5
EXTRAIT N°2 ENTRETIEN AVEC UN CADRE CARACTERISE COMME
ENGAGE DANS LA DEMARCHE PROJET DE SERVICE.
- Interviewer : Avez-vous élaboré un document dans le cadre de cette
démarche ?
- Monsieur Y : oui …
- Interviewer : Qu’est ce qui a fait que vous avez élaboré ce document ?
- Monsieur Y : parce que heu, alors premièrement avant cette formation,
j’avais pas, heu, dans ce qui était démarche de service, heu, j’avais
ma façon de faire… et je ça m’a permis de… de penser à tout ce qu’il y
avait à coté, des petites choses dans ce service, heu, c’est vrai que j’ai
toujours un petit peu cette tendance … à faire un petit peu cavalier
seul. Donc dans le projet de service, j’ai travaillé (rires) seul... dans le
projet de service… et heu, c’est… je dirais, aujourd’hui mon problème
moi et …j’essaie d’intégrer tout le monde …
- IE : Qu’en retirez vous de ce document ? Une fois l’avoir fait ou avec le
recul … heu… qu’en retirez vous ?
« de penser à tout ce qu’il y avait à coté,
des petites choses » : l’utilité du document
a été d’élargir sa perception de ce qu’il
fallait prendre en compte dans le service. Il
lui a permis de conceptualiser son service.
« mon problème … j’essaie d’intégrer tout
le monde » : après une rédaction solitaire
du document, s’est rendu compte qu’il
fallait associer les personnes concernées.
P 115 / 132
- MY : Alors, heu… aujourd’hui… il est rangé, je le sors de temps en
temps, mais je veux dire, il est rangé. Je crois que j’avais intégré pas
mal de choses, le problème que je rencontrais il était plus … dans la
communication, aller vers les gens et heu, dans… je crois que j’ai
quelque part au fond de moi, je sais bien que j’aime bien être un
décideur et heu, heu… donc voilà, heu, enfin tenir compte des autres
et les faire évoluer dans le bon sens. Donc de temps en temps je le
sors et je vais voir si ça…
- IE : donc vous le sortez heu, pour expliquer quelque chose à votre
équipe ?
- MY : Non plus pour moi. Je m’en sers plus pour moi.
- IE : d’accord. Et alors vous l’utilisez comment ?
- MY : je l’utilise … je me dis qu’il faudrait agir comme ça ...
- IE : Est-ce que vous avez un exemple ?
- MY : heu… pfffff, pfffff, , je vais le prendre là sur la reprise du foyer
logement où en reprenant le document, je me suis dit qu’il faudrait peut
être … que je vois avec ces gens là. Et que j’en parle un petit peu…
que l’on voit plus la problématique avec les… les agents qui sont sur le
terrain. Que les réflexions viennent pas forcément de moi… c’est
plus… ouais c’est plus une aide pour moi heu, envers moi.
- IE : d’accord, heu, globalement quel est votre avis sur l’ensemble de
cette démarche ? projet de service ? …
« le problème que je rencontrais il était
plus … dans la communication » : le
document et la démarche font naître la
conscience de la nécessité d’une
évolution.
« je le sors de temps… m’en sers plus
pour moi … qu’il faudrait agir comme ça » :
le document est principalement utile
uniquement pour lui, il l’utilise de temps en
temps comme référence, modèle pour
l’action.
« l’on voit plus la problématique avec …
les agents … réflexions viennent pas
forcément de moi… plus une aide pour
moi » : utilise le document pour une
réflexion personnelle et ensuite essaie d’y
associer les agents, est ouvert à des
réflexions des agents de terrain. Il s’efforce
de modifier ses pratiques.
P 116 / 132
- MY : hum, elle est hyper positive parce que, heu, je pense qu’elle
permet de relever les choses, de tirer les choses vers le haut… et que
... moi j’ai besoin de toutes façons d’avoir … un projet …… et j’ai, j’ai
vraiment besoin d’un projet, de vivre comme ça……. je crois que si …
le jour où il n’y a plus de projet, je pars.
- IE : hum hum…
- MY : donc heu,
- IE : c’est vital…
- MY : ouais… (rires)
- IE : Alors, je suis un peu surpris, heu… enfin, non je suis pas surpris,
heu, mais y’a une chose que j’ai du mal à comprendre, c’est qu’à la
fois vous dites que que ce projet, donc, il est rangé, vous l’utilisez
peu……. Mais en même temps on sent bien que heu, enfin le
document, le document est rangé en même temps on sent bien que
c’est très important pour vous, oui heu cette notion de projet … alors
comment vous expliquez ce, ce heu… ce, ce… je dirais cette
heu…c’est pas une contradiction mais…
- MY : non… moi je l’explique très facilement parce que… je crois que
chez moi y’a un souci c’est… c’est heu… pouvoir, heu, intégrer tout le
monde dedans …
- IE : oui…
« hyper positive … tirer les choses vers le
haut » : voit dans la démarche la possibilité
de faire mieux, de progresser.
« j’ai vraiment besoin d’un projet … le jour
où il n’y a plus de projet, je pars » : voit le
projet comme une condition sine qua non
de son engagement dans son travail.
« un souci c’est … intégrer tout le monde
dedans » : son souhait d’intégrer les
agents dans le projet fait qu’il met son
document en retrait.
P 117 / 132
- MY : je crois que c’est ça, je crois que je suis, heu… je… je sais pas
moi-même … je sais pas moi-même… peut être que je ne sais pas
heu, être heu… comment dire… heu, heu… amener tout le monde sur
un projet……… peut être que je ne suis pas assez… heu, pffff…
- IE : ok ! vous sentez que vous avez plus de choses à…
- MY : c’est… c’est comme ça que je le sens
- IE : … à travailler là-dessus
- MY : Je crois que c’est mon défaut
- IE : mais… la question portait sur heu… cette, heu…heu… cette c’est
un peu…
- MY : sur le document ?
- IE : cet écart entre le document que vous utilisez peu, que vous avez
réalisé seul et que vous utilisez peu et en même temps, heu … il
semblerait que vous ayez beaucoup de projets en route… alors heu
cela paraît un peu paradoxal que le document reste dans un coin alors
que, qu’il fait partie d’une démarche projet de service et que… alors
même
- MY : Ouais, ouais … voilà, parce que je dirais que la réalisation du
document, elle correspond à je ne sais plus quelle année 2002 …
2001 …je ne sais plus… heu que ce qui a été noté à ce moment là, a
déjà été… pour moi fait et que je suis passé à d’autres choses…
- IE : d’accord.
« peut être que je ne sais pas … amener
tout le monde sur un projet » : doute sur sa
capacité à fédérer son équipe sur un projet
« je suis passé à d’autres choses » : a
continué à mettre en œuvre des actions
au-delà de ce qui était dans le document. Il
n’a pas actualisé le document.
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- MY : alors… et pourtant c’est parfois… comment dire… c’est pas
forcément juste parce que cette année, le grand projet c’était
justement de revenir sur ce qui avait été fait pour certains choix. Voilà,
donc il me ressert là, à ce moment là parce que … effectivement je l’ai
repris et en le reprenant, je me suis aperçu que bah, ça ça avait dévié,
ça ça avait dévié… et qu’il fallait reconsidérer les choses …
- IE : D’accord !
« il me ressert … qu’il fallait reconsidérer
les choses » : a utilisé le document pour
faire un bilan de ce qui a été réalisé et
pour déterminer ce qu’il convenait de
réajuster.
Le discours au cours de cet entretien remplit les trois conditions pour permettre de caractériser le cadre comme engagé dans la
démarche.
Un document existe et sa réalisation est liée à un projet d’organisation du service.
Il est utilisé au cours de l’année de sa rédaction.
La démarche est perçue comme permettant de progresser.
Nous relevons également pour ce cadre que le document lui a permis de conceptualiser le fonctionnement de son service et qu’il
en a une utilisation personnelle et épisodique comme référence pour son action. La démarche l’a amené à s’interroger sur son
mode de direction et à s’efforcer de modifier ses pratiques vers une plus grande participation de son équipe. La démarche projet
est une condition sine qua non de son engagement dans le travail et permet de faire progresser son service.
Cependant, des obstacles dans l’accomplissement de la démarche se dressent encore face à lui : l’association de l’équipe au projet
de service et l’actualisation du document.
ANNEXE 6
EXTRAIT N°3 ENTRETIEN AVEC UN CADRE CARACTERISE COMME
NON ENGAGE DANS LA DEMARCHE PROJET DE SERVICE.
- Interviewer E : Avez-vous élaboré euh un document dans le cadre de
la démarche ?
- Monsieur B : Il y a beaucoup de documents qui sont déjà élaborés.
C’est à dire …
- Interviewer E : je veux parler dans la démarche projet de service
- MB : Projet de service… si, il y a un document qui a été élaboré
- IE : Quand ?
- MB : J’en ai présenté une première partie au mois de janvier et puis on
l’a représenté là, il y a un mois. Avant, ce n’était pas encore le
document officiel, voilà, c’est ça que je voulais dire. C’est à dire c’est
un document officiel pour la Mairie par rapport au fait d’avancer mais
par rapport au Conseil Général, ce n’est pas encore le document
officiel. Mais le contenu est là.
- IE : Vous, vous devez faire un projet d’établissement ?
- MB : Un projet d’établissement, un projet de vie ; Il faut que je projette
du personnel sur 5 ans et que…un projet d’investissement sur 5 ans
aussi. C’est vraiment l’autoévaluation de l’établissement… enfin moi je
« beaucoup de documents qui sont déjà
élaborés » : n’associe pas un document
précis au projet de service.
« document officiel … document officiel » :
se réfugie derrière l’aspect institutionnel et
la validation formelle.
P 120 / 132
le prends comme ça, avec ses points forts et ses points faibles .Donc
ça c’est fait. C’est technique, complexe mais technique. Pour moi la
base c’est le projet. Si le projet est validé … après le reste c’est de la
technique.
- IE : Donc qu’est ce qui fait que vous avez élaboré ce document ?
- MB : Et bien l’engagement qu’on a pris en fait, puisque lorsque je suis
arrivé, le Maire s’était déjà engagé par rapport au Conseil Général à
rentrer dans ce processus de conventionnement tripartite……. Et donc
la première étape, c’était un conventionnement à l’aide sociale qu’on a
fait le 1er juillet de l’année dernière et maintenant il y a toute une
problématique qui est la même pour chacun, …… le projet
d’établissement en fait partie. Ca fait partie des premières choses qui
faut qu’on présente. L’autoévaluation des plus et moins de mon
établissement, le projet d’établissement et puis le budget sous
forme…. C’est à dire qu’avant on avait un budget avec essentiellement
de l’hébergement. C’est à dire un coût de pension pour les résidents
en pension complète et maintenant petit à petit on se dirige vers une
partie hébergement, une partie soin, une partie dépendance. La partie
soin sera financée par la DASS, la partie dépendance par le Conseil
Général. Donc c’est une autre façon de présenter les budgets qui est
un peu complexe…. c’est vrai que ça fait beaucoup de choses d’un
coup ; ça c’est sûr. Moi comme je découvre tout ça, que je découvre
« technique, complexe mais technique …
complexe » : accent mis sur la complexité,
la technicité de la démarche.
« l’engagement qu’on a pris … le Maire
s’était déjà engagé » : le document a été
élaboré à la suite de l’engagement du
Maire, ne s’approprie pas l’engagement
dans la démarche.
« qui faut qu’on présente » : ressent la
démarche projet comme imposée par une
procédure technocratique.
P 121 / 132
- ça ou autre chose c’est pareil par contre pour les gens qui ont eu
l’habitude d’un autre système, je comprends que ce n’est pas simple.
Mais moi ça ou autre chose, peu importe
- IE : Alors qu’est que vous retirez du travail que vous avez déjà fait par
rapport à ce projet ?
- MB : …. j’ai une angoisse….euh, j’espère que je n’ai pas projeté cela
par rapport à moi. Parce que moi, je suis capable de suivre.
- IE : C’est à dire ?
- MB : ben c’est à dire que je suis quelqu’un…. Il n’y a pas grand chose
qui m’arrête. Quand je crois en quelque chose j’y vais à fond. Là
actuellement, j’ai des personnes qui sont dépendantes psychiquement
et ça se passe bien parce qu’il y a un charisme dans l’équipe. J’ai peur
d’avoir trop personnalisé ce projet par rapport à ce que je suis et par
rapport à l’équipe avec laquelle je travaille aujourd’hui. J’espère que ça
tiendra la route. C’est pour ça que j’ai vraiment besoin de m’asseoir
techniquement.
- IE : Vous êtes inquiète sur le fait que l’équipe pourrait ne pas suivre un
projet qui finalement est centré sur vous ?
- MB : Non. L’équipe suit actuellement avec moi. Mais si moi un jour je
m’en vais …
- IE : D’accord
« ça ou autre chose c’est pareil » : ne se
sent pas attaché au projet. La technocratie
lui impose un projet compliqué.
« une angoisse » : le vécu du projet est
douloureux.
« Quand je crois … j’y vais à fond … J’ai
peur d’avoir trop personnalisé ce projet » :
redoute que son engagement dans son
métier ne soit pas compatible avec la
démarche projet.
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- MB : Il faut que ce soit assis techniquement parce que ce que je
demande à l’équipe et ce qu’elle assume au jour d’aujourd’hui et parce
qu’on est une bonne équipe et qu’on fonctionne ensemble, ce n’est
pas reconnu que cette équipe demain, puisse……, dans l’attente du
projet. Une fois que les choses seront positionnées plus
techniquement, nous aurons les moyens de faire mais en attendant
cette équipe on leur demande énormément de choses, beaucoup de
savoir faire, ça c’est parce qu’il y a une certaine reconnaissance et que
l’on travaille tous ensemble. Mais si on passe le temps à nous donner
des coups de bâton…. Moi y compris au mois de janvier, j’ai failli
craquer…Il y a des limites quoi.
- IE : Alors globalement quel est votre avis sur la démarche projet de
service ?
- MB : ….j’espère que ce n’est pas du pipeau…Pour moi c’est un effet
de mode, il faudrait pas que cela soit une obligation…
- IE : oui, c’est à dire ?
- MB : Oui c’est à dire j’espère qu’il y a une réelle volonté d’aider des
services et ….parce que pour moi, un projet de service dans une
mairie dans une administration, ce serait d’abord de respecter les gens
et d’accepter leurs compétences et de les aider à grandir parce que je
pense qu’il y a des tas de comportements dans l’administration qui
sont dus au fait qu’on n’a pas respecté les gens………. Quelqu’un qui
« on leur demande énormément de choses
… si on passe le temps à nous donner des
coups de bâton… j’ai failli craquer » : vit
mal le projet, entre une forte exigence au
niveau du travail et les critiques reçues par
rapport au travail effectué. A vécu les
interventions de la hiérarchie comme des
punitions.
« pipeau … un effet de mode » : perçoit la
démarche projet comme une lubie, comme
quelque chose qui n’est pas fondé.
« une obligation » : la démarche projet est
vécue comme une contrainte impérative.
« d’abord de respecter…d’accepter leurs
compétences … aider à grandir » : ne
retrouve pas ces valeurs essentielles à ses
yeux dans le projet qu’il est obligé de faire.
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a été mal traité, qui s’est refermé comme huître ne voudra pas bien
travailler…… bon il y a des gens malveillants aussi, il y a des fainéants
aussi hein. Mais c’est aussi un mode de fonctionnement qui fait qu’à
partir du moment ou on ne valorise pas les gens ou on ne leur fait pas
confiance, et c’est pas un projet de service qui changera grand chose.
…..…Je ne crois pas.
- IE : Donc là vous dites que la démarche…
- MB : Est-ce qu’il y a une réelle volonté de faire confiance au gens …
- IE : D’aider les services de leur faire confiance…
- MB : de leur faire confiance et de les aider à évoluer. Est-ce que cette
volonté elle est profonde avec tous les inconvénients que cela peut
avoir pour une hiérarchie. Parce que là ça ne va plus être diviser pour
mieux régner, ça va être accepter les satellites………. Je suis dur dans
mes propos mais euh…
- IE : la question que je me pose …ça réinterroge la définition que vous
avez de ce qu’est un projet de service. C’est à dire que pour vous un
projet de service, serait un projet qui affiche une volonté d’aider les
services pour les faire évoluer en confiance. D’accord ?
- ME : Moi je pense que tout passe par là. Il faut vraiment croire aux
gens. Attention, chacun ses responsabilités, ça n’empêche pas le
contrôle mais on ne met pas quelqu’un dans une situation qu’il n’est
pas capable de gérer. Mais à partir du moment où on a un projet, où
« c’est pas un projet de service qui
changera grand-chose » : ne voit pas
l’utilité du projet de service par rapport à ce
qui lui semble essentiel dans la vie d’un
service.
« réelle volonté de faire confiance » : a le
sentiment que la hiérarchie ne fait pas
confiance à lui et à son équipe.
« les inconvénients que cela peut avoir
pour une hiérarchie » : pense que cela
serait une remise en cause pour la
hiérarchie de leur faire confiance et d’aider
les agents à évoluer.
« mais on ne met pas quelqu’un dans une
situation qu’il n’est pas capable de
gérer » : la démarche projet l’a placé dans
une situation qu’il n’a pas su gérer.
on donne les moyens aux gens, les moyens de travailler, il faut aussi
laisser aux gens les moyens de s’épanouir parce qu’ils vont peut être
nous épater, faire des choses qu’on n’aurait même pas imaginé. Si on
passe son temps à les recadrer, ils ne peuvent pas s’exprimer, le
projet perd un peu de son naturel à mon avis.
« laisser aux gens les moyens de
s’épanouir » : le projet est vécu comme un
contrainte qui va à l’encontre de
l’épanouissement des agents.
« passe son temps à les recadrer… le
projet perd un peu de son naturel » : vit les
interventions de cadrage de la hiérarchie
comme une censure, une contrainte qui
brise l’adhésion à un projet qui viendrait
naturellement des agents.
Le discours au cours de cet entretien ne remplit pas les trois conditions pour permettre de caractériser le cadre comme engagé
dans la démarche. Le cadre est caractérisé comme non engagé.
Un document est en cours de réalisation et il est lié à un projet d’établissement.
Il est utilisé au cours de l’année de sa rédaction.
La démarche projet de service n’est pas perçue comme apportant une amélioration au fonctionnement du service ou de
l’équipe. Elle est vécue comme un effet de mode, une contrainte technocratique et complexe qui perturbe l’équipe et dont on
devrait pouvoir se passer.
Nous relevons également pour ce cadre un vécu douloureux généré par des angoisses face à une incompatibilité entre ses valeurs
et la démarche, à des difficultés relationnelles avec la hiérarchie et à un sentiment d’incapacité à gérer la situation ainsi créée.
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ANNEXE 7
EXTRAIT N°4 ENTRETIEN AVEC UN CADRE CARACTERISE COMME
NON ENGAGE DANS LA DEMARCHE PROJET DE SERVICE.
- Interviewer : Alors est-ce que vous avez élaboré un document dans le
cadre de la démarche projet de service ?
- Monsieur G : Non.
- IE : Non ?
- MG : non.
- IE : alors qu’est-ce qui a fait que vous n’avez pas élaboré ce
document ?
- MG : ……….. Que je n’ai pas élaboré de document ?
- IE : oui
- MG : Bah euh … je … pas de connaissance enfin euh … pas de
connaissance euh… oui pas d’expérience dans le projet euh pas …
pas de …j’ai du mal à …cerner ce qu’est un … la fonction du projet de
service
- IE : d’accord
- MG : enfin la fonction ou la … (soupir) …Qu’est-ce que ça veut
vraiment dire un projet de service… c’est dans le flou quoi !
« pas de connaissance … pas
d’expérience … la fonction du projet de
service » : ne sait pas, n’a pas déjà vécu
une démarche projet, n’identifie pas à quoi
sert un projet de service.
« Qu’est-ce que ça veut vraiment dire » :
projet de service est une expression à
laquelle il n’arrive pas à faire correspondre
quelque chose de vrai, de réel.
« c’est dans le flou » : ne voit pas
clairement concrètement ce que c’est.
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- IE : oui, oui, euh, est-ce que vous voulez dire que cela n’a pas été
précisé ?
- MG : non, non non non
- IE : alors comment s’est arrivé à vos oreilles euh finalement cette
notion de projet de service ?
- MG : comment, comment euh… parce qu’il y a une demande
- IE : et comment elle est arrivée cette demande ? Est-ce que vous vous
souvenez de la fois où c’est arrivé ?
- MG : ben il a été demandé de faire un projet de service euh …sans
dire en quoi ça consistait, comment ça se passe …
- IE : oui
- MG : et après l’organigramme a été créé et euh c’était pas au chef
d’équipe mais au chef de service de faire le projet.
- IE : donc pour vous c’est Monsieur… ?
- MG : Monsieur M
- IE : Ah oui, Monsieur M., d’accord… et après, est-ce que c’est
redescendu sur vous ?
- MG : Ben … oui euh non … enfin… je sais toujours pas sur quoi on fait
un projet de service …
- IE : oui
- MG : avant, avant quoi euh, il faut une concertation, avant de mettre
un projet euh…
« sans dire en quoi ça consistait, comment
ça se passe » : n’a pas de définition de ce
qu’est un projet de service ni de comment
on l’élabore.
« oui euh non … je sais toujours pas » : a
été concerné à un moment par la
démarche projet de son service mais cela
ne lui a pas permis de comprendre l’objet
du projet de service.
P 127 / 132
- IE : oui
- MG : normalement
- IE : oui … et ?
- MG : avant d’établir un projet quand même, enfin bon …euh … quand
on établi un projet … un projet c’est quelque chose qui …
- IE : oui
- MG : annonce déjà une direction
- IE : oui
- MG : donc avant … quand même, avant chaque projet donc il y a …
concertation pour la direction euh …
- IE : oui, euh oui, il y a une concertation entre la direction et les agents,
c’est ça que … ?
- MG : euh non non non hiérarchie et nous euh …
- IE : d’accord
- MG : où la direction va … euh enfin je sais pas euh pour établir un
projet, il faut bien qu’il y est déjà une idée vers la, l’orientation où on
veut aller …
- IE : oui et ça … on ne vous le donne pas ?
- MG : non, … non non
- IE : d’accord… Est-ce que ça veut dire que vous pensez qu’un projet
vient toujours de la direction ?
- MG : ………..
«avant chaque projet… concertation pour
la direction » : pense qu’au départ d’un
projet, son orientation générale doit être
établie par concertation entre les agents et
la hiérarchie.
« déjà une idée vers… où on veut aller » :
n’a pas d’idée quant à l’orientation que
pourrait prendre un projet concernant son
équipe, aimerait qu’on la lui fournisse.
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- IE : c’est une question
- MG : oui , oui, oui enfin peut-être pas toujours … mais … pour une
grande partie oui quand même …
- IE : le projet vient de la direction et euh …vous le mettez en œuvre ?
- MG : oui, oui
- IE : d’accord… alors, globalement quel est votre avis sur les projets de
service ?
- MG : Mon avis euh …
- IE : oui qu’est-ce que vous en pensez ?
- MG : Sur euh … Si c’est de l’aménagement euh …
- IE : Oui …
- MG : euh …euh c’est toujours pareil euh faut pouvoir l’assumer,
l’assurer
- IE : Oui …
- MG : c’est toujours bien d’aménager les choses, … mais euh faut
pouvoir l’entretenir après …
- IE : Oui …
- MG : Maintenant, il y a le facteur temps
- IE : Et si c’est pas de l’aménagement ?
- MG : Ben… si c’est pas de l’aménagement c’est … ?
- IE : Je ne sais pas, vous parliez d’aménagement … c’est pour ça
« pour une grande partie oui quand
même » : attends que l’essentiel du projet
soit défini par la hiérarchie. Se place en
position d’exécutant.
« Si c’est de l’aménagement » : essaie de
concrétiser la notion de projet dans son
univers professionnel.
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- MG : oui, oui, un projet ça peut être de tout, moi j’ai du mal à cerner …
ben autrement euh …ça peut être un projet euh… un projet euh …la
gestion ? ça peut être … non c’est pas un projet ?
- IE : Si, vous pouvez avoir un projet de gestion du service par
exemple…
- MG : on peut imaginer ça alors …
- IE : donc, globalement pour vous cette notion de projet de service
euh… est une notion floue … c’est quelque chose qui est difficile
- MG : enfin le nom de projet quoi hein …maintenant bon peut être
qu’on en fait … on a aménagé quand même l’arrosage euh …le goutte
à goutte
- IE : Oui …
- MG : avec les jardinières, …si c’est des projets euh … alors …
- IE : Qu’est-ce qui a fait que vous avez mis le goutte à goutte en
place ?
- MG : euh … facilité d’arrosage…
- IE : Oui …
- MG : un meilleur arrosage …
- IE : Oui …
- MG : arroser les jardinières nous prenait énormément de temps …
- IE : Oui …
« j’ai du mal à cerner » : n’arrive pas à
concrétiser la notion de projet.
« enfin le nom de projet … peut être qu’on
en fait… si c’est des projets » : envisage
que le mot projet puisse recouvrir une
réalité dont il a déjà l’expérience.
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- MG : économie d’eau peut être aussi
Le discours au cours de cet entretien ne remplit pas les trois conditions pour permettre de caractériser le cadre comme engagé
dans la démarche. Le cadre est caractérisé comme non engagé.
Aucun document n’a été établi dans le cadre de la démarche, aucun document n’est relié à la démarche projet de service.
La notion de projet est floue et source de confusion.
La démarche projet de service n’est pas comprise.
Nous relevons également que ce cadre se positionne en tant qu’exécutant en attente de directives de la part de sa hiérarchie sur la
définition du projet et son mode d’élaboration.
La formation est un moyen fréquemment associé à la conduite de changements organisationnels, elle se résume souvent à un stage dont l’objectif est de fournir aux participants les méthodes et outils nécessaires à la réalisation du changement. Notre expérience nous a permis de constater que cantonnée dans ce rôle la formation ne répond pas aux besoins des commanditaires qui souhaiteraient lui voir assumer une fonction d’engagement des participants dans le changement. Ce mémoire développe une réflexion sur les conditions de réussite du changement organisationnel et sur l’accompagnement que peut proposer la formation. Il montre les limites d’une formation outils méthodes et propose une approche de la formation qui considère le changement comme une situation professionnelle d’apprentissage que l’ingénieur formation doit accompagner. La mise en place de projets de service dans une commune de 5000 habitants a fourni l’occasion de confronter notre réflexion théorique au terrain et de travailler sur l’importance pour la réussite du changement des représentations professionnelles et des processus d’appropriation et de traduction du changement. Trois des facteurs que l’ingénieur formation doit prendre en compte quand il propose un dispositif d’accompagnement d’un changement organisationnel. Mots-clés : changement organisationnel – processus d’appropriation – processus de traduction – représentations professionnelles – situation professionnelle d’apprentissage – audit médiation – projet de service. Professional training is a means frequently associated with coping with organisational change. It is often encapsulated in a training course the objective of which is to provide the participants with the methods and tools necessary to dealing with change. Our experience has enabled us to ascertain that confined to this role, traditional training does not meet the requirements set out by those who financially back the programme, who wish the participants to seriously commit to change. This treatise develops a reflection concerning the conditions necessary to the success of organisational change, as well as the guidance which the training can offer. It shows the limits of tool-method training and suggests an approach to training which takes into consideration change as a professional apprenticeship situation for which the training engineer must provide guidance. The set up of service projects in a township of 5000 inhabitants has provided us with the opportunity to confront our theoretical reflection with a situation in the field and to work on its importance for the success of change in terms of professional representation as well as for the processes of the appropriation and translation of change. These are three of the factors which the training engineer must take into account when he proposes a guidance programme in organisational change. Key words : organisational change - process of appropriation - process of translation - professional representation - professional apprenticeship situation - mediation audit - service project
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