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LES PUBLICATIONS DU GERM

• LA MEDITERRANEE EN QUESTION: CONFLITS ET INTERDEPENDANCESEdition CNRS, Paris 1991.

• LE MAROC MEDITERRANEENEditions le Fennec, Casablanca 1992,

• LIBRE-ECHANGE: QUel AVENIR POUR LES RELATIONS MAROC-CEE?Edition du GERM, Rabat 1992.

• LE MAROC ECONOMIQUE: OUVERTURE ET OPPORTUNITESEdition du GERM, Rabat 1992.

Rencontre organisée grâce au soutiende la Fondation FRIEDERICH EBERT

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

Rencontre de Tétouan IV du 30 au 31 Octobre 1993

de Habib EL MALKI

En collaboration avecle Rectorat de l'Université

Abdelmalek Essaadi - Tétouan

GER M

1 994

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SA MAJESTE HASSAN II

(Extrait du discours Royal, sur le développement des provinces du Nord,Fès, le 10 février 1993).

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES sur! LA MEDITERRANEE

TABLE DES MATIERES

DISCOURS D'OUVERTURE - Mohamed KABLV .

RAPPORT INTRODUCTIF - Habib EL MALKI .

. 5

. .9

PREMIERE PARTIE :

Démographie et dégradation de l'écosystème 17

Rapporteur: - Abdellah LAOUINA 19

Commentaire: - Mohamed NACIRI . 47

DEUXIEME PARTIE :

Actions agricoles, pratiques culturaleset environnement 55Rapporteurs: - Moha MARGHI et Ahmed AüMARI 57

Commentaire: - Abdelouahab BOUCHANINE ..83

TROISIEME PARTIE :

Développement touristique, urbanisation du littoralméditerranéen et environnement .87

Rapporteur: - Mohamed BERRIANE 89

Commentaire: - Mustapha MOUFID, Mimoun HILALI,Mohamed TEMSAMANI 11 7

QUATRIEME PARTIE :

Activités maritimes et pollution marine . . . 123

Rapporteurs: - Laïla TAHIRI et Abdelghani CHAFIK. 125

- Khadija KAFAOUI . . . 139

Commentaire: - Abdelatif BERRAHO.... 143

RAPPORT DE SYNTHESE :- Driss KHROUZ ........ 153

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

Monsieur le Gouverneur,

Messieurs les Présidents des Conseilset Membres des organes élus,

Monsieur le Président duGroupement d'Etudes et deRecherches sur la Méditerranée,

Monsieur le Secrétaire Général,

Messieurs les hauts responsables, lesdélégués et chefs desétablissements universitaires etpédagogiques

Chers invités, Mesdames etMessieurs,

En principe, l'usage voudrait que je commence monintervention en souhaitant la bienvenue à nos hôtes étrangerset à nos collègues marocains du GERM. Mais il me semble quele fait de souhaiter la bienvenue aux hommes de recherchedans l'enceinte de l'université est superflu et ce du fait que leshommes de science possèdent en commun l'espaceuniversitaire où qu'il soit.

Si le GERM qui est notre hôte a choisi précisément notreuniversité en dépit de la multiplicité des centres et la fortedemande concernant les colloques sur le nord et laMéditerranée, ce choix de la part de nos hôtes n'est pas fortuitde même qu'il n'est pas dû à la courtoisie, la complaisance ouautres considérations personnelles. En fait, l' essentiel duchamps d'intérêt du GERM coïncide organiquement etobjectivement avec le domaine d'intérêt de notre universitéqui est l'université marocaine la plus proche des berges de laMéditerranée.

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

A ce propos, il serait intéressant de rappeler brièvement lesrencontres consécutives qui ont été organisées dans cetteenceinte même, sur le statut de la côte voisine, le problème del'eau, le problème de la forêt dans la région du nord-ouest, parexemple.

Ce phénomène n'est pas dénué d'une signification claire et ilest de notoriété publique que ce même phénomène a étéinitié immédiatement après la création de ce Rectorat surhaute instruction de SA MAJESTE LE ROI HASSAN Il que Dieu leglorifie. Et il n'est nullement nécessaire de rappeler que cesrencontres ont eu lieu à la suite des hautes directives de SAMAJESTE qui ont accompagné le processus de création duRectorat, pour inciter les gens de l'université à s'engagerpratiquement dans l'étude des problèmes de la société, desquestions de l'environnement et du milieu.

Par conséquent, le fait d'accueillir ce séminaire communs'inscrit. pour nous, dans la même perspective visant àrenforcer notre engagement vis à vis de notre région et denotre patrie, tout en enrichissant notre expérience et enrompant l'isolement mortel pour tout effort scientifique dignede ce nom.

Cela est d'autant plus vrai que nous avons été parmi lespremiers à exprimer le désir d'agir pour la création d'un institutspécialisé dans les études sur la Méditerranée ici à Tétouan.Nous espérons qu'il deviendra un point de rencontre fécondentre les différents chercheurs qui s'intéressent à la côte du sudde la Méditerranée. Et je ne divulgue pas un secret en vousdisant qu'il y a un projet détaillé, précis et documenté qui a étéprésenté à ce sujet au ministère et je n'exagère en rien si jevous dis que les premières réactions sont encourageantes etsuscitent l'espoir et l'optimisme.

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GROUPEMENT DETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

Monsieur le Gouverneur,

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi de remercier vivement notre collègue HabibEL MALKI, Président du GERM qui a eu le mérite de prendrel'initiative lorsqu'il a proposé que la rencontre ait lieu ici danscette université méditerranéenne ambitieuse. Permettez-moiaussi d'adresser mes remerciements aux membres du GERM età tous ceux qui nous ont honoré de leur présence, y compris lesobservateurs et les participants représentants de certainsinstitutions internationales, comme la Communautéeuropéenne et le Programme des Nations Unies pour leDéveloppement.

Je voudrais aussi remercier Messieurs les chefs desétablissements pour leur contribution et leur action visant àfaciliter la participation de certains professeurs-chercheurs, endépit du manque de temps et des contraintes de la rentréepour tous. Mais mes remerciements les plus vifs s'adressent àMonsieur le Gouverneur de SA MAJESTE de la province deTétouan, qui nous a habitué à être toujours à nos côtés et àsoutenir tous les projets visant l'étude de la réalité concrète etles études de terrain. Encore une fois merci pour sa présencepositive, son intérêt soutenu et ses encouragements.

Je salue aussi les gens de la presse et de l'information pour leurcouverture des travaux de cette rencontre.

Mes remerciements enfin à tous ceux qui n'ont pas cesséd'œuvrer à la réussite de cette manifestation parmi l'ensembledes membres du GERM et du Rectorat, les responsables et lesfonctionnaires à tous les niveaux.

Que Dieu vous assiste.

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

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GROUPEMENT D ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

Dès sa naissance, au mois de février 1990,le GERM a pris sur lui l'engagementd'organiser, chaque année, unemanifestation scientifique dans cette villedu Maroc méditerranéen. Cette traditionscientifique, qui confère à notreassocianon, son identité et sa spécificité,est devenue, sans exagération, unévénement scientifique national, marquépar la régularité, la pertinence desthématiques et la qualité des débats.Parmi les éléments positifs que l'on peutégalement enregistrer, c'est que cesrencontres ont permis au GERM, demettre en place des "chantiers de

recherches" sur le Maroc méditerranéen et sur la problématique de sonarTIculation avec le reste du pays et avec la rive nord de la Méditerranée.

Sans aucun doute, le thème de la rencontre d' aujourd' hui"le Maroc méditerranéen, quels enjeux écologiques?" n'est pasune coïncidence fortuite, ni un phénomène de mode, qui a faitde la question écologique une marchandise qui se vend pourdes considérations extra-environnementales. En ce qui concernele GERM du moins, la question de l'environnement dans le Marocméditerranéen a été inscrite comme priorité dans ses champsde réflexion. En effet, dans la déclaration de Tétouan 1, au moisd'octobre 1990, notre association a lancé, dans ces termes, unappel pour la sauvegarde de l'environnement dans cetterégion : "le reboisement et la revivification de zones entières dela région, trop dangereusement dégradées par l'extensiondésastreuse de l'érosion. Dans ce sens, des solutions justes etopérationnelles sont à trouver pour clarifier la situation juridiqueet foncière dans ce domaine".

Il faut dire par ailleurs, que la question de l'environnement duMaroc méditerranéen, ne date pas d'aujourd'hui. C'est une

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

problématique ancienne, qui remonte aux années 60. Ladégradation accélérée et inquiétante du milieu naturel, sousles effets conjugués des phénomènes naturels et desdynamiques anthropiques, a poussé les pouvoirs publics àentreprendre un ensemble de mesures, en cherchant desformules d'articulation harmonieuses et d'équilibre entrel'homme du Rif et l'écosystème. Ainsi des programmes dedéveloppement socio-économiques, ont été lancés durant lestrente dernières années. On peut signaler le cas du projetDERRO en 1961, le projet du développement agricole intégréFès-Karia-Tissa à partir de 1979, ou le projet Loukkos, au débutdes années 80.

Ces programmes d'intervention publique ont prévu un dispositifd'actions et ont mobilisé des moyens:

- la protection du cadre naturel, par des travaux de défenseet de restauration des sols;

- l'augmentation des revenus des populations, en cherchantà accroître la productivité agricole et pastorale, grâce à lavulgarisation des techniques culturales, l'introduction desintrants, des biens d'équipement de type moderne, dessemences et des espèces animales sélectionnées;

- l'amélioration des conditions de vie dans le milieu rural, parle développement de l'infrastructure sociale de base.

On souligne et à juste titre, ici et là, que malgré l'importancedes moyens engagés, les résultats obtenus par ces programmesrestent différenciés et que les objectifs visés au départ n'ont pasété totalement atteints. En effet, de nos jours, beaucoup deproblèmes restent encore en suspens. Des dangers nouveaux,multiples et complexes sont venus s'ajouter aux problèmesanciens. Ce qui menace, de façon aiguë et à long terme, ledevenir du Maroc méditerranéen.

Dans cette partie du pays, près de 40 000 hectares à vocationagricole sont emportés annuellement par les crues et lesprécipitations. Dans le bassin du Nekkor, le taux d'érosion estestimé à 8000 tonnes/km2 . Les pertes de fertilisants dans lebassin versant de Sidi Salah sont évalués à environ 700dirhams(DH)/hectare. De l'avis des experts, entre 1967 et 1987,

JO

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

42% de la forêt de la chaîne du Rif a disparu sous l'effet dudéfrichement. Entre 1950 et 1980, la cédraie de Ketama auraitperdu près de 30% de son stock de bois ; dans la région deTarguiste, les destructions légales et clandestines, arrachentannuellement. près de 700 hectares de forêt.

Au niveau urbain, la question écologique du Marocméditerranéen pose de graves enjeux pour le développementdurable de la région. Comparativement au reste du pays, ladensité démographique au nord du Maroc est des plusimportantes: 90 habitants/km2, contre une densité moyennenationale de 64 habitants/km2 . Dans la région de Tanger, cetaux dépasse 246 habitants au km 2 . En l'espace de deuxdécennies, l'urbanisation du Maroc méditerranéen a étémultipliée par 3,5 fois. A l'horizon 2000, les projectionsdémographiques annoncent une littoralisation du Marocméditerranéen de 2 135 000 habitants sur un total de3 434 000 habitants, soit un coefficient de Iittoralisation de62.2%.

Donc, cette ruée vers les côtes du Maroc méditerranéen s'esttraduite par une urbanisation rapide et non contrôlée du littoralet une très forte spéculation sur le foncier. A titre d'exemple, lavente du terrain à Nador a dépassé la barre de 30 000 DH/ m2,

12 000 DH dans la banlieue de Tanger. Cette fièvre spéculativea poussé une partie de la population à vivre dans des quartiersà la périphérie des schémas directeurs des centres urbains.D'où prolifération de l'habitat clandestin, dépourvu desconditions minimales de salubrité et d'infrastructuresd'assainissement de base.

Par ailleurs, par manque de coordination et une vued'ensemble, cette littoralisation du Maroc méditerranéen s'esttraduite par des conflits d'occupation de l'espace. L'exemplede l'aménagement touristique de la baie de Tanger est trèsédifiant à cet égard. En plus des résultats commerciauxfaiblement rentables, ce projet a induit certains effets sur leplan écologique. Dans certaines parties du Marocméditerranéen, des plages sont fortement menacées par lapromotion immobilière. Entre F'nideq et M'dieq par exemple, onrisque d'assister à un mur de béton le long de la côte.

II

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

Ce bref diagnostic montre à quel point l'écosystème du Marocméditerranéen est affecté et exige une réflexion spécifique etapprofondie sur les questions du développement dans cetterégion, nous disons bien développement. Il ne fait pas dedoute, que tout le monde est d'accord et conscientaujourd'hui, pour souligner que le développement, en tant queconcept et pratique sociale, appliqué aux réalités etspécificités de cette région, s'est avéré peu opérationnel etlimité quant à son efficacité.

Le 10 février 1993, les pouvoirs publics ont décidé de lancer unvaste programme quinquennal et multisectoriel pour ledéveloppement des provinces du nord, grâce à uneenveloppe budgétaire de 20 Milliards de DH. Cette datemarque un tournant: une volonté politique clairementexprimée traduisant une vision spécifique, globale et intégrée.En même temps, un appel en direction de l'Union européenneafin qu'elle apporte son appui à cette nouvelle approche pourfaire face aux défis du Maroc méditerranéen.

A l'occasion de ce programme de développement volontariste- bien qu'une évaluation rétrospective, approfondie et ciblée,n'ait pas été menée jusqu'à nos jours sur les expériences dupassé - une série de questions fondamentales découlentd'elles-mêmes et méritent d'être posées, pour éviter de répétercertaines erreurs antérieures:

• Pourquoi, en dépit du consensus général sur la nécessité dedévelopper les régions du nord, les choses ont-elles évolué silentement jusqu'à présent et pour aboutir aux résultats actuels,jugés insuffisants? En d'autres termes, pourquoi cette ardentevolonté politique n'arrive pas à devenir une pratiquecumulative d'une année à une autre?

• Est-il possible de gagner le pari écologique dans cetterégion?

• Est-ce que les moyens sont disponibles?

• Quelles sont les conditions de succès d'un projet dedéveloppement global, intégré et évolué des provinces dunord?

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GROUPEMENT D ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

La réponse à ces questions suppose trois conditions:

La première condition d'ordre conceptuel et méthodologique.Comme nous l'avons déjà signalé, toute action future doit partird'une remise en cause de la notion même de développement,en tant que paradigme et praxis. Elle doit privilégier lesspécificités économiques, sociales et environnementalespropres à cette région.

A ce niveau et à titre d'exemple, on peut citer le cas dutourisme, une activité vitale et stratégique pour la région. Al'avenir, on ne peut imaginer une stratégie pour ce secteurindépendamment de la question du littoral du Marocméditerranéen. Autrement dit, les perspectives dudéveloppement touristique dans cette région doivent êtreplacées dans le cadre d'une approche globale, intégrée etévolutive, pour faire ainsi de l'activité touristique un facteurd'équilibre et d'intégration, et éviter qu'il devienne un facteurdésarticulant et générateur de nouveaux problèmes pourl'avenir.

La deuxième condition, c'est la participation des populations,par une sensibilisation permanente et une responsabilisationeffective. Cette condition est fondamentale pour assurer leschances de succès à tout projet de restructurationéconomique et sociale de la région.

Ainsi, tout projet de développement, qu'il soit agricole, fôrestierou autre, doit obligatoirement passer par la concertation etl'implication des populations concernées. Les limites desexpériences précédentes sont assez significatives à cet égard.

Si la participation implique, une nouvelle pédagogie, une nouvelleculture et un nouvel apprentissage, les instances représentativeset les corps élus sont impérativement appelés en conséquence, àjouer leur rôle. L'expérience de la rive nord est riched'enseignements à ce niveau. C'est grâce à la participation despopulations concernées, en plus d'une intervention publiquevigoureuse, que certaines régions défavorisées etécologiquement fragiles du bassin méditerranéen, comme leMezzogiorno ou l'Andalousie, ont connu des résultatséconomiques significatifs et ont pu disposer dans des délais

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUElS ENJEUX ECOLOGIQUES?

relativement courts, de facteurs et de potentialités nécessairespour un développement durable à long terme.

La troisième condition, a trait à la coopération bilatérale oumultilatérale et au rôle qu'elle pourrait jouer, pour aider leMaroc à faire face aux enjeux écologiques des provinces dunord, des enjeux, qui mal maîtrisés, entravent sa fonctionnaturelle, d'être un territoire-pont et un espaced'interpénétration entre les deux rives de cette partie du bassinméditerranéen.

Si l'on peut dire que cette coopération s'impose pour desraisons de solidarité, elle est dictée aussi par des impératifs dedestin commun. Certains problèmes du Maroc méditerranéen,dont les ondes de choc vont au delà des Pyrénées, s'expliquentessentiellement par le caractère fragile et peu généreux ducadre naturel, une donnée que le savoir-faire local, en dépitde son ingéniosité, n'arrive pas à maîtriser, pour mettre envaleur d'une façon durable et optimale les facteurs dedéveloppement de cette région.

Le Maroc méditerranéen, au lieu de profiter d'une rente desituation géographique, paie au contraire, si on ose dire ainsi,une rançon de proximité. Des phénomènes d'eutrophisation oueaux colorées, jusqu'à une date récente signalés seulement auniveau de la rive nord, sont observés de façon fréquente aularge du Maroc méditerranéen.

Par ailleurs, cette région est constamment exposée à desrisques de marée noire et de catastrophes écologiques, dans lamesure où plus de 58 000 bateaux, dont 2000 chimiques et 5000pétroliers, traversent le détroit de Gibraltar. Soit l'équivalent de500 000 tonnes de pétrole et 400 000 tonnes de produitschimiques par jour.

Sans prêcher le catastrophisme ni l'apocalypse face à cesdangers, le Maroc restera toujours incapable à lui seuld'affronter ou de résoudre les problèmes écologiques de cetterégion frontalière. Ceci est d'autant vrai que les phénomènesécologiques sont "apatrides" et ne connaissent pas dedélimitation de ce genre. Seule une coopération régionale està même d'assurer la sauvegarde du milieu naturel et marin dela région.

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

Il faut dire que depuis la conférence de Barcelone en 1976, laconférence du Caire en 1992, le sommet de la Terre à Rio, le3 juin 1992, en particulier l'Agenda 21, plusieurs protocolesd'accords ont été signés et plusieurs programmes d'action ontété initiés, comme le Plan d'Action pour la Méditerranée ou leProgramme d'Assistance Technique pour la Protection del'Environnement Méditerranéen (METAP). Il reste que sur leterrain, spécialement dans cette région du bassinméditerranéen, à part le parc national d'El Hoceima de 43 000hectares, les apports de la coopération internationale restenttrès faibles.

En conséquence, il est urgent de lancer de nouvelles bases decoopération, ceci est d'autant nécessaire que les problèmesde l'environnement et les problèmes écologiques seront lesgrands défis du siècle prochain. Déjà, remettre en état lesressources actuellement endommagées, dans cette partie dupourtour méditerranéen, constitue en soi, un chantier pour "unpartenariat vert" porteur pour le nord et le sud de laMéditerranée.

C'est donc autour de cet ensemble de questions, que noussouhaitons mener les travaux de cette Rencontre, et parlaquelle nous espérons contribuer modestement à approfondirla connaissance de l'un des aspects problématiques du Marocméditerranéen, à savoir le caractère fragile et éprouvé de sonécosystème.

Octobre 1993

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

Première Partie:Démographie et dégradation

de l'écosystème

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

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GROUPEMENT DETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDI ERRANEE

La mise en relation des deuxnotions de démographie etd'environnement peut avoir unedouble dimension:

- une dimension de potentiel écolo­gique, c'est à dire la masse de res­sources mise à la disposition d'unepopulation quelconque. En princi­pe toute augmentation de la char­ge démographique signifie laréduction de la part de chacun siles ressources sont limitées et tantqu'un changement socio-écono­mique n'est pas intervenu, favori­

sant la constitution d'un potentiel environnemental plus fourniet plus varié. Sans cet effet d'adaptation aux nouvelles condi­tions, la région connait un appauvrissement qui aboutit fatale­ment au départ du surcroît démographique ou à l'apparitionde crises (disettes, épidémies, luttes) induisant une baisse de lacharge démographique.

En principe toute augmentation de la charge démographiqueconduit au prélèvement des ressources supplémentaires,parfois non renouvelables; il s'en suit un phénomène dedégradation qui peut même aboutir à réduire le potentielenvironnemental originel. On assiste alors à un double reculcomportant des déséquilibres environnementaux graves et unappauvrissement économique et social. A terme, la criseaboutit au même effet d'émigration.

C'est sur cette base qu'a été fondée la notion de dégradationanthropique. Pour expliquer la rupture d'un état d'équilibre etle passage à l'état d'instabilité généralisée, avec une érosionaccélérée, les auteurs ont souvent fait référence au facteurhumain. Or lorsqu'on considère les différentes recherches se

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rapportant au poids de ce facteur, on trouve dans labibliographie de nombreuses incertitudes, et parfois même descontradictions majeures,

Pour un certain nombre d'auteurs, l'emprise anthropique esttout à fait secondaire et n'explique nullement les phaseshistoriques d'ablation accélérée, celle-ci étant due à desfacteurs purement naturels, telles les évolutions cycliques duclimat, Mais pour la plupart des chercheurs, l'explicationanthropique est fondamentale, notamment en ce quiconcerne les phases historiques proches caractérisées par uneérosion accentuée.

Cette ambiguïté se matérialise lorsque, face à un paysagedégradé ou entièrement dénudé, il s'agit de se prononcer surl'état originel de l'environnement. L'espace se trouve dans unétat-limite où il est difficile de savoir si l'aspect dégradé estoriginel et donc purement naturel, ou si l'intervention del'homme a été décisive pour accélérer la tendance.

Sur le plan des processus, l'explication anthropique a souventété avancée, sans que les auteurs définissent avec précision lesprocessus sur lesquels l'homme a une prise directe et décisive,ceux sur lesquels il exerce une certaine influence, maisindirecte, et enfin ceux sur lesquels il n'a aucun impactapparent, Ainsi, il est légitime de se demander si l'utilisation,forcément localisée, d'un paysage montagnard, pour desraisons topographiques évidentes, peut avoir, en plus de sonimpact immédiat et circonscrit, une influence indirecte etgénéralisée sur tout un bassin-versant, c'est-à-dire intéressermême les portions non utilisées ou sous-utilisées? Dans ce cas, ilest clair que l'emprise humaine susciterait, en plus desprocessus directement sous sa responsabilité, d'autres qu'ellene semble pas pouvoir contrôler.

Le cas de la chaîne rifaine est tout à fait instructif pour analyserla réalité de l'érosion anthropique et pour mettre en relation lesnotions de démographie et d'équilibre écologique, dans le butde tester les hypothèses avancées par les auteurs. L'exemples'appliquera à la montagne rifaine prise dans son acceptiongéographique la plus vaste, sans toutefois englober les plaineset les chaînons du Maroc nord-oriental, concernés par le

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programme actuel de développement qui s'applique àl'ensemble des provinces du nord, mais présentant un milieuparticulier sur les deux plans de la nature et des hommes.

Le Rif vit sur un système de production agro-sylvo-pastoral,lentement formé, grâce à l'adaptation vis-à-vis des conditionsdu mileu montagnard. Ce système complexe offre un doubleintérêt:

• celui de la complémentarité de terroirs variés, c'est à dire desites de production offrant par leur multiplicité une certainegarantie contre les dégâts possibles, liés aux glissements sur lespentes, aux inondations dans les fonds de vallées, au gel sur leshauteurs ou à la sécheresse sur les positions bien drainées oubien ensoleillées;

• celui de la diversification des ressources et des produits,cultures céréalières, arboriculture, élevage, utilisation de laforêt, ce qui représente un gage contre le risque lié aux aléas,climatiques notamment.

Ce système complexe est ancien ; il date au moins du Moyenâge et a connu une suite d'adaptations spatio-temporelles,aux conditions locales d'une part et aux phases de l'histoired'autre part.

Mais c'est un système qui semble avoir depuis longtempssupporté une charge démographique élevée, nettement plusforte relativement à celles des autres montagnes marocaines.Néanmoins, les historiens décrivent une succession de phasesde prospérité et d'épisodes de crise, de disettes etd'épidémies, selon une logique assez conforme finalement àce qu'a connu l'ensemble du territoire national.

Depuis le début du siècle, de nouvelles données sontenregistrées, notamment une forte croissance démographique.Des interprétations ont été formulées et de nombreux discoursvéhiculés. Il serait utile de les passer en revue et de les prendrecomme des hypothèses de travail:

• l'expansion démographique rifaine explique l'accroissementdes prélèvements sur les ressources naturelles gratuites,végétales notamment et induit une dégradation du sol. Cette

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dégradation du sol ou érosion a un double effet, local sur lescapacités productives des sols, et plus général sur les possibilitésde rétention d'eau dans les réservoirs de barrages, menacéspar l'envasement, Ce discours se retrouve véhiculé aussi bienpar les chercheurs que par les médias ou les décideurs;

• un discours plus catastrophiste parle d'une menace dedésertisation, c'est à dire envisage des atteintes tellementgraves qu'elles peuvent être considérées comme irréversibles;c'est là un discours que les scientifiques connaissant le milieurifain et ses capacités d'adaptation et de renouvellement, nereprennent pas parcequ'i1 semble éloigné de la réalité;

• un discours prospectif, basé sur la comparaison avec d'autresexemples méditerranéens, annonce une intensification desdéparts à partir d'un certain seuil de charge et de dégradationde l'environnement, L'allègement démographique aurait pourrésultat un rééquilibrage écologique et le retour à une nouvelleforme de stabilité;

• mais un discours inverse est aussi avancé, parlant d'uneaccentuation du déséquilibre en liaison avec l'abandon, aumoins pendant une première phase, en particulier avec l'arrêtde toutes les pratiques de conservation qu'assurent leshabitants de la région;

• tous ces discours ne sont en fait que des hypothèses detravail qu'il s'agit de tester pour le cas particulier de lamontagne rifaine, Pour cela, il est indispensable de se baser surles données objectives dont nous disposons à l'heure actuelle,

I. LES DONNEES DISPONIBLESElles concernent l'environnement, la charge et la croissancedémographique et ses effets sur la stabilité du milieu naturel.

1. Un environnement difficile et des ressources limitées

Le milieu rifain est un milieu de montagne pluvieuse, maisaccidentée et donc fragile:

• Un relief accidenté limitant fortement la surface agricole utile(SAU) et nécessitant des prouesses techniques pour son

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utilisation et son extension. Ainsi chez les Rhomara, la SAU nedépasse pas 16% de la superficie, alors que de nombreuxterrains cultivés le sont sur des pentes dépassant 25%. La SAU estpourtant constamment fluctuante : des terres cultivées peuventdevenir impropres à l'utilisation par effet d'ablation, d'autresterres déclarées non cultivables dans les situations normales,s'intègrent au terroir utilisé dans les situations de crise;

• des sols peu évolués à cause de la faible conservation del'eau dans les profils pour des raisons de topographiedéfavorable. Cependant un capital de sols hérités et précieuxest menacé de disparaitre de façon définitive; l'ablationatteint les deux catégories, mais plus particulièrement les sols lesplus défavorisés, d'une part parce qu'ils sont moins résistants etd'autre part parce qu'ils sont moins protégés;

• des risques naturels importants, pouvant avoir de fortesmagnitudes, capables de réduire à néant les efforts consentis.C'est le cas du risque de sécheresse prolongée, mais plusencore d'inondations, de mouvements de terrains, menaçantles établissements humains et les voies de communication.C'est aussi le cas du risque sismique puisque l'arc rifain se situedans une zone de très forte instabilité;

• des ressources végétales en dégradation constante;

• dans la chaîne rifaine, la forêt et le matorral couvrent environ400 000 ha, auxquels il faut ajouter 12 200 ha de surfacesreplantées. Ces superficies boisées représentent 22% des forêtsaménagées au Maroc.

Le Rif offre à la forêt les meilleurs potentialités, avec notammentdes conditions climatiques favorables (précipitationsabondantes et douceur des températures). Mais, en dehors desites particuliers comme ceux de la cédraie, la raideur despentes explique la sécheresse effective des sols et la lenteur dela croissance des plantes. Par ailleurs la forêt a été maltraitéedu fait de la situation politique particulière de la région et de lanon-délimitation de la forêt sous la colonisation espagnole.

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L[ lVI/HU" IvHUllcliRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

Cet état de choses s'est poursuivi après l'Indépendance avecnotamment:

• des coupes clandestines abusives, estimées au double del'exploitation régulière;

• des défrichements importants, surtout les premières annéesde l'indépendance, visant l'affirmation du droit de propriété;

• un surpâturage des milieux boisés en raison de l'absence deparcours hors-forêts;

• une importante collecte de bois de cuisson et de chauffageestimée à plus de 6t /famille/an ;

• une ponction non négligeable de bois autour des villes pourles fours, les briquetteries et le charbon de bois.

La dégradation importante du couvert est difficile à mesurerpuisque, dans un cadre géographique global qui reste assezstable, la tendance est à l'éclaircissement interne et à latransformation de peuplements denses en boisements dequalité médiocre;

• des ressources hydrauliques importantes, mais difficilementutilisables en montagne.

Avec 8 milliards de m3 environ, le Rif représente près de 35% desressources en eau du pays. Le Rif occidental détient 75% dupotentiel hydrique de la région, avec plus de 6 Milliards de m3 ,

alors que la part du Rif oriental est nettement moins importante.

La région nord et nord-occidentale de la chaîne rifaine(Tangérois, Loukkos et côtiers méditerranéens) couvre 2% de lasurface du pays et est habitée par 10% de la population. Lesapports en eau de cet ensemble sont estimés à 4370 millionsde m3 , soit 21 ,5% des apports en eau du Maroc.

Néanmoins, la montagne méditerranéenne vit en permanenceune contradiction flagrante entre:

• d'une part l'abondance des précipitations et des ressourcesfictives (par exemple le bassin-versant de l'Ouerrha, dans le Riffournit à lui seul 13% des eaux superficielles du pays) ;

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• d'autre part la rareté des eaux effectivement disponiblesdans ces régions accidentées (ainsi l'Ouerrha ne consommequ'une partie négligeable de son potentiel hydraulique,puisque seuil ,6% des terres agricoles y sont irriguées).

Cette contradiction résulte de considérations à la fois physiqueset humaines. En effet, à cause de la raideur des pentes et ducaractère immédiat du ruissellement, la montagne oscillecontinuellement entre des situations d'excès d'eau lors desinondations hivernales et des pénuries estivales pouvant êtrecatastrophiques. Par ailleurs, l'eau a souvent peu été mise envaleur à l'intérieur des montagnes pour la conserverabondante et disponible pour les plaines voisines qui enmanquent et qui sont susceptibles de l'utiliser à la fois plusfacilement et avec plus de réussite sur le plan de la rentabilité.

Ces régions qui concentrent l'essentiel des réserves d'eau dupays~ n'ont pas à craindre une possible réduction du potentielhydrique du fait des efforts de conservation des sols. Aucontraire toute politique de conservation du sol ne peut aboutirqu'à une optimisation des ressources grâce à la rétentiond'eau en amont, ce qui signifie l'étalement et l'écrètement descrues et une meilleure production d'eau.

Si les ressources naturelles font parfois défaut, la ressourcehumaine représente par contre un capital sur lequel devraients'appuyer les politiques de gestion de l'eau, de protection desressources et de développement de la montagne rifaine.

2. Données démographiquesLe Rif est une région en pleine expansion démographique, où lacroissance en zone rurale reste importante, malgré les grosproblèmes de dégradation des ressources.

La charge humaine du Rif est de plus en plus lourde puisque lapopulation du seul Rif central est passée de 77000 à163000 hab. de 1950 à 1980. Le rythme d'accroissement sembled'ailleurs s'être accéléré puisqu'il est passé de 1,6% entre 1930et 1950 à 2,5% environ par la suite. Ce rythme d'accroissementne se retrouve pas dans les autres montagnes marocaines etconstitue une donnée que n'enregistrent que les campagnesen pleine mutation du pays. La densité humaine, expression la

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plus directe de la charge humaine, atteint aujourd'hui73 hab/km2 en moyenne dans le Rif central montagneux. De 40en 1971, la densité a vite grimpé à 65 en 1982 dans le paysRhomara (El Ahmadi, 1991), ce qui signifie une densité réelle de6 hab/ha de terre arable.

Cette croissance s'explique par plusieurs facteurs: d'abord laréunification du pays et l'ouverture du Rif sur le mondeextérieur: ensuite la mise en place d'un certain nombred'équipements de base et la naissance d'un certain nombrede centres et d'agglomérations urbaines ayant des activitéscommerciales, administratives et offrant donc des salaires;enfin, l'apparition d'activités illicites, fortement rémunératrices,comme la culture et le commerce du Kif, d'une part, et lacontrebande, d'autre part.

Cette croissance d'ensemble cache des disparités régionalesqui vont en s'accusant. Alors que certaines communesconnaissent une croissance supérieure à 3% par an, d'autressecteurs semblent plus stables ou connaissent même un certainrecul. On remarque en particulier (Fadloullah, 1987) unglissement progressif du centre de gravité de la population del'est vers l'ouest de la chaîne, avec une croissance plus fortedans les communes occidentales. Dans le Rif oriental, parcontre, le mouvement migratoire s'est amplifié et le nombre dedéparts représente aujourd'hui le 1/4 du croît naturel. Ceprocessus d'exode à rythme rapide peut engendrer à brêveéchéance le dépeuplement de certaines vallées. Néanmoinsle plus souvent se pose un problème de capacité de chargedu milieu, en raison de la pression de plus en plus forte sur lesressources. On semble s'acheminer très souvent vers unesituation de rupture d'équilibre.

Partout la part des actifs travaillant dans le secteur agricoledépasse 50% et peut même atteindre 77% dans la province deTaounate. Il faut cependant remarquer que dans beaucoupde régions, l'agriculture n'est plus la première ressource et quedans certains finages, des secteurs abandonnés révèlent unecertaine situation de malaise. En fait les abandons semblentêtre avant tout temporaires et ne concernent que des secteursisolés (exemple du Haut Nekkor). L'histoire démontre que des

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épisodes d'abandon et d'autres de reconquête se sontsuccédés (exemple de l'histoire des Bni Bou Ifrah, Pascon et al,1983). Aujourd'hui, l'émigration n'entraine pas un abandonsystématique des terres, des formes d'association permettant lapoursuite de la mise en culture.

La croissance démographique a un certain nombre d'effetsévidents, d'autres sont plus hypothétiques.

3. Effets réels et effets possibles de la croissance démographique

a. une extension de l'emprise humaine et des conquêtes agraires

Dans l'état actuel des choses, l'extension de la SAU semble enproportion inverse des conditions du milieu. En effet. alorsqu'elle reste inférieure à 20"/0 dans la partie occidentale et laplus humide de la chaîne, la SAU couvre 40"/0 des terres sur leversant méditerranéen, à la fois plus sec et plus cloisonné, etjusqu'à 70"/0 des terres dans certains secteurs très peuplés du Riforiental, non moins accidenté, mais beaucoup plus aride(Maurer, 1990). Il semble donc que la rareté des ressourcesdans les montagnes peuplées de l'est et du versantméditerranéen, a conditionné une occupation plus intense duterrain. On peut donc en conclure que la capacité de charged'un milieu quelconque est une donnée toute relative, elle estfonction de l'utilisation que l'on fait du terrain. Cependant, celane nous autorise pas à tirer une conclusion que l'on qualifieraitd'hâtive et qui consisterait à dire que les parties occidentalesdu Rif pourraient supporter les mêmes charges humaines quecelles enregistrées dans le Rif oriental, et que donc le potentielde la région est encore sous-exploité.

La croissance démographique se traduit par un certain nombrede marqueurs:

• le recul de la jachère : originellement biennale, elle estprogressivement réduite dans les rotations de cultures. De plusen plus, les terres sont travaillées chaque année;

• l'extension récente de défrichements: le rythme a connu desphases de croissance, notamment au moment del'indépendance, parce que les populations voulaient faire valoirdes droits de propriété sur le domaine forestier, que la

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colonisation espagnole n'avait pas délimité. Actuellement lerythme de défrichements définitifs s'est beaucoup ralenti,l'opération se déroulant de plus en plus en mosaïque et demanière dérobée. La quantification faite par les auteurs danscertaines communes ne peut être généralisée à l'ensemble dela montagne. Elle concerne avant tout des zones où denouvelles productions ont été mises en place, le Kif enparticulier. Dans certaines communes le rythme est resté trèsélevé: 700 ha/an dans une commune décrite par Benabid(1982). En effet, le chanvre indien, après une première phased'installation au sein de la SAU existante, a connu récemmentune phase d'extension sur les terres marginales, conquises audépens du matorral. En tous cas, la démographie ne semblepas être le seul facteur d'explication du rythme dedéfrichements.

• l'évolution de l'élevage consiste curieusement en unestagnation voire un certain recul, aussi bien en nombre queparfois en qualité, sauf dans des secteurs bien précis, commeles alentours des grandes villes. Donc, la démographie n'a paseu dans ce secteur l'effet escompté.

• la pression sur les boisements est par contre en augmentationcontinue. L'exploitation habituelle sur les limites des massifsforestiers, devenue plus réduite en liaison avec les effortsdéployés par les services forestiers, a été remplacée par uneexploitation plus dérobée opérée au sein des massifs, dans lessecteurs les plus éloignés et se traduit par un éclaircissementvégétal interne qui peut toucher les forêts les plus précieuses,comme la cédraie ou la sapinière. Oeil (1988) a ainsi estimé quela cédraie de Kétama a perdu 1/3 de son stock en bois entre1953 et 1976; une ressource renouvelable, en principe, est parconséquent en train de s'épuiser. On est donc en voied'atteindre le seuil qui peut mener vers la transformationradicale et définitive du paysage végétal. Mais il ne semble pasque cette évolution soit entièrement à relier aux facteursdémographiques, puisque de nombreux autres facteursinterviennent et en particulier la gratuité de la ressourcevégétale.

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b. Me~ures du phénomène de dégradation

Dans la chaîne rifo-tellienne plusieurs facteurs concourent pourexpliquer la vigueur de l'érosion hydrique: le relief, la poursuitede l'activité tectonique, la lithologie, l'importance de l'emprisehumaine, mais avant tout, les conditions climatiques etnotamment le volume des précipitations et leur persistance.

L'essentiel de l'érosion semble être relié à des causes naturelles,localement exagérées par des facteurs d'ordre anthropique:grandes formes de ravinement ou de mouvements de masse,grands versants entièrement décapés ou griffés. Visiblement lesphénomènes sont graves et menacent à la fois les terres, lesétablissements humains et les équipements.

Les quantifications confirment cette ampleur. La meilleureexpression en est l'importance des vases déposées à l'arrièredes barrages. Ramenées en termes de surfaces, ces quantitéspiégées peuvent atteindre des valeurs énormes dedégradation spécifique des sols, soit 2000 à 4000 t/km 2/an,c'est à dire une pellicule de terre d'environ 2 à 4 mm/an.Heureusement ces valeurs ne concernent pas l'ensemble duterritoire rifain, puisque les sols des versants perdent moins queles formes d'érosion localisée. Ainsi les mesures indiquent queles versants, c'est à dire les portions non encore gagnées parles processus catastrophiques, ne perdent en moyenne quemoins de 300 t /km 2 alors que dans certaines ravines, ladégradation peut atteindre jusqu'à 26000 t/km2.

On retient donc l'ampleur du phénomène érosif et le coût qu'ilreprésente en termes de perte en fertilité des sols, de réduction dela vie des barrages et de dégâts sur les voies de communicationet les établissements humains. Mais on n'a pas la preuve d'uneaccentuation exponentielle du phénomène, puisque les mesuressont trop rares, trop ponctuelles et donc sujettes à des variationsimportantes en liaison avec le caractère innombrable des critèresexplicatifs. On peut toujours se poser la question face àl'observation d'une accentuation de l'érosion, de la cause réellede cette accentuation, à relier à une simple péjoration d'ordreclimatique ou bien à une augmentation de la pression humaine.Généralement on se base sur des observations pour pallier à larareté des mesures. On se base trop souvent sur la dégradation

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LEM AROC MEDIT ERR ANEE N, QUEL SEN JE UX E'C 0 LOG 1QUE S ?

rapide du couvert végétal pour conclure à l'accentuation del'érosion. C'est là un amalgame, même si le recul de lavégétation entraine normalement une accélération de la perteen sol, mais le phénomène peut être retardé tant que ne survientpas l'averse-seuil, c'est à dire l'évènement de magnitudesuffisante pour déclencher l'exagération du processus. On sebase aussi sur des observations relatives aux formes d'érosion.

Les observations relatives à l'évolution actuelle font état destransformations suivantes:• des fluctuations permanentes dans l'extension et dans laphysionomie du matorral rifain, par défrichement, abandon etrecolonisation. Ces fluctuations ne semblent pas avoir unesignification générale, mais sont plutôt à relier à des évolutionslocales. Cette évolution cyclique se vérifie partout oùn'intervient pas une érosion grave, décapante et stérilisante quiinterrompt le processus. Là où l'érosion est plus grave, ledécapage empêche la recolonisation végétale. Le sol resteainsi définitivement, ou du moins pour une longue période,dénudé. Dans certaines communes, le défrichement avance àgrands pas. C'est ce que montre Benabid (1982) dans la zonede Targuist, par exemple, avec la destruction annuelle de700 ha de forêt à l'intérieur d'une seule commune. Dans lacédraie, le recul est moins sensible, mais le peuplement estéclairci de l'intérieur;

• il ne semble pas y avoir d'apparition récente de grandesformes d'érosion concentrée. Tous les grands bad-lands existentdepuis 30 ans déjà, mis à part de petits secteurs ravinés enbordure des versants soumis au sapement fluviatile, où donc ladéstabilisation est sous l'effet de facteurs hydrographiques;

• on constate par contre d'importantes évolutions affectant lessecteurs ravinés;

• des cas assez rares d'évolutions progressives aveccicatrisation de la ravine et recolonisation végétale;

• des évolutions négatives beaucoup plus nombreuses avecélargissement, allongement et approfondissement,accompagnés par le sapement des berges de la ravine;

• les évolutions les plus rapides affectent les fonds de vallées etprennent surtout la forme de sapements des berges alluviales.

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L'examen des grandes formes d'érosion (bad-lands et grandsmouvements de masse), considérées comme permanentes etanciennes et l'élargissement modéré de ces formes, ne signifienullement la faiblesse des processus dynamiques actuels. Degros risques résident dans la transformation des formessuperficielles, peu incisées en griffes puis en rigoles, beaucoupplus profondément inscrites dans les versants. L'exportation desmatériaux connait alors un effet multiplicatif très élevé; c'estce risque fondamental que les pratiques anti-érosives essaientd'éviter.

II. LES CAUSES DE LA DEGRADATION DU COUVElUVEGETAL ET DES SOLS

1. La démographie représente·t.elle une explication satisfaisante?

Dans le Rif, les fortes densités comme la dégradation sontanciennes. Aussi est-on obligé, si l'on tient à expliquerl'accélération de la dégradation par le seul facteurdémographique à recourir à la notion de charge humaine-seuil,à partir de laquelle les phénomènes iraient en s'exagérant. Orla comparaison des densités dans les différentes portions du Rifrend impossible la fixation de ce seuil éventuel. Ceci démontreque les choses sont beaucoup plus complexes et qu'il n'y a pasune simple relation proportionnelle positive. Le recours àl'histoire permet de mieux envisager les phénomènes.

Dimension historique:

C'est une perspective intéressante pour analyser lesphénomènes de dégradation en relation avec la population etl'occupation du sol. Il est sûr que dans le mondeméditerranéen, le déterminisme physique a son poids dans lefonctionnement des écosystèmes, notamment dans les chaînesdu pourtour du bassin, caractérisées par l'extension des facièsmeubles, l'agressivité - à relativiser des pluies - et la "tyranniede la pente" (Dufaure et al" 1984). Mais le poids de laresponsabilité humaine est fondamental. Or, l'homme occupeles pentes de ces chaînes péri-méditerranéennes depuislongtemps. Il s'agit donc de voir si les effets de dégradation

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sont anciens ou si l'on doit réellement parler d'une "crisemorphogénique actuelle, d'un emballement soudain et sansprécédent connu de la morphogenèse".

La thèse présentée à ce sujet est la suivante (Benchetrit, 1972 ;Sari, 1977) : l'économie traditionnelle était respectueuse del'environnement, ce qui permettait la constance d'unesituation d'équilibre. Par contre depuis l'intervention des colons,le refoulement des populations en montagne et la surchargedémographique qui s'en est suivie, l'équilibre ancien s'estrompu et la dégradation accélérée entamée.

Cette thèse séduisante ne s'applique pas au domaine rifainmarocain pour différentes raisons:

• d'abord à cause de l'ancienneté de l'occupation de cettemontagne qui n'a pas accueilli de grosses vagues humaines aumoment de la colonisation;

• ensuite à cause de l'âge plus récent du plus gros del'accroissement démographique, datant plutôt des années 60,70 et 80;

• enfin, parce que dans cette chaîne, les pratiquestraditionnelles ne sont pas toutes sans danger pour le milieuphysique.

Il est donc clair que le facteur démographique, pris isolément,pourrait être suffisant pour expliquer la rupture d'équilibre. Ceserait une situation comparable à celle que l'Apennin aconnue entre 1750 et 1850, lorsque la population de lamontagne a doublé, entrainant des érosions actives soulignéespar de nombreux documents et archives. Les "chalades" desPyrénées orientales sont des entailles récentes qui datent du18e siècle et correpondent à des périodes de déboisementforcené de la montagne. Les remblaiements des vallées del'Italie méridionale datent précisément, sur la foi des restesarchéologiques, de la période antique classique, période decolonisation et de surexploitation des versants.

Dans le pourtour méditerranéen, l'abandon a souvent initié leretour à un état d'équilibre, dès le moment où la recolonisationvégétale a permis le fonctionnement normal de l'eau sur les

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versants. Mais ce n'est pas le cas général. En effet. en Grècedu nord, la brusque vague d'émigration masculine versl'Allemagne, à partir de 1960 a entrainé la "désagrégation desfinages montagneux" et le ravinement des pentes, Là où lesdéparts ont été plus lents, l'érosion n'a pas eu les mêmes effets,

Mais le facteur démographique n'est pas seul en causepuisque l'accélération récente du rythme de dégradationsemble être aussi à relier à des facteurs de comportement vis­à-vis de la ressource,

Dans le Rif, l'occupation humaine est très ancienne, On parled'un fonds légendaire, dont la langue était apparentée auChleuh des Masmouda, On a par ailleurs trouvé de nombreusesruines d'un habitat ancien considérable dans les forêts, dansdes espaces actuellement peu occupés, Un scénario de criseaurait été responsable de la fin de cette première phase depeuplement, Il est même possible que ce scénario ait étéenregistré plusieurs fois, toute période de croissance ayant étésuivie d'une période de crise, due justement au dépassementdu seuil de capacité de charge, La mortalité et l'exodeauraient été des facteurs de régulation et de détentedémographique (Pascon et al" 1983),

Dans ce cadre global, il faut signaler en outre les mouvementsinternes de population et notamment le fait que cettemontagne a joué constamment, jusqu'en 1927, le rôle de voiede passage nord-sud et le transfert de population qui s'estopéré àu 1ge et 20e siècle, de la montagne vers la côteméditerranéenne.

Sous la colonisation, l'évolution démographique a étécomplexe du fait des guerres, de l'émigration et de la levée detroupes pour la guerre civile espagnole, On enregistre parailleurs l'effet désastreux de la famine de 1945,

Dès le début du 20e siècle, le paysage semble ouvert, la forêtétant déjà largement entamée (Pascon, 1983), Il semble qu'ilsoit possible de corréler les surfaces érodées par ruissellementen nappe, avec l'ancienneté de l'occupation d'un terroir (ense basant sur la date approximative de fondation d'un douar),La troncature des sols semble donc ancienne, Mais de grosses

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dégradations ont été opérées sous la colonisation, avec enparticulier la constitution d'un certain nombre de ravines, suiteà la déforestation généralisée, Par ailleurs, d'autres dégâtsdatent de 1956, juste après l'Indépendance, les paysansvoulant s'approprier des terrains avant que n'intervienne ladélimitation des forêts,

2. La responsabilité du système de production

L'homme est capable de modifier en profondeur les conditionsoffertes à l'érosion en agissant sur le couvert végétal et le sol,Les modifications fondamentales concernent, d'une part, lerapport infiltration-ruissellement et, d'autre part, l'érodabilité dusol, Trois actions seront prises en compte:

• la dénudation plus ou moins totale des versants, pardéfrichement ou surexploitation du couvert végétal, ce quiamène l'impact pluvial à agir directement au contact du sol,D'où des effets de battance par destruction de la structure et àcause d'un moindre apport humifère;

• les façons culturales, qui peuvent aboutir à la désagrégationdu so/, facilitant ainsi la prise en charge des particules, Parailleurs, l'apparition d'une semelle de labour au contact du solsuperficielle et des horizons profonds représente une limitedangereuse, favorable à la constitution de nappes perchées età la saturation précoce de la partie supérieure du profil ;

• le piétinement animal, dans le cas d'une charge pastoraleexcessive, qui aboutit au tassement du sol et explique ainsi laréduction des capacités d'infiltration,

Ces considérations générales ne prennent pas en compte leseffets d'une croissance démographique accélérée, L'impactde celle-ci est en principe forcément multiplié par rapport auxsituations de stabilité ou de déprise. C'est ce que nous allonsanalyser en nous rapportant à l'exemple rifain.

L'agriculture rifaine est en pleine mutation et connait unecertaine augmentation des rendements, liée à l'utilisation deplus en plus généralisée des engrais. On remarque aussi que lajachère recule et que les terres sont de plus en plus travailléeschaque année. Les défrichements récents sont de plus en plus

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rares, mais ils deviennent définitifs; ils intéressent les versantsraides et même des lignes de crêtes (conquête ascendante)ainsi que des fonds de vallées autrefois délaissés (conquêtedescendante). Cette installation définitive sur les terrainsmarginaux est en principe dommageable pour ces milieuxfragiles, plus adaptés à une utilisation itinérante et enmosaïque. Mais il est possible de penser que l'installationdéfinitive et la sécurité foncière qu'elle amène pour lespaysans, induira forcément la mise en place de mesures deprotection réelles et par voie de conséquence, l'améliorationde la qualité des terrains et donc l'augmentation du potentielécologique.

Les ressources agricoles évoluent nettement:

La céréaliculture est toujours dominante aussi bien sur lesbonnes terres que sur les marges. Elle est de plus en plusaccompagnée par des légumineuses, ce qui explique lalimitation de la jachère à moins de 30% de la SAU.

• on remarque une extension importante du maraîchage surparcelles irriguées; les revenus qu'il dégage peuvent êtrejusqu'à 20 fois supérieurs à ceux d'une bonne récolte decéréales; ces cultures sont soignées et recoivent un appointimportant en engrais.

• l'arboriculture constitue une vielle tradition, avec notammentl'olivier qui progresse dans de nombreux secteurs. Mais d'autresspéculations arboricoles peuvent être envisagées pour cemilieu montagneux méditerranéen fortement favorable àl'arbre;

• l'élevage joue un rôle important dans les revenus des paysansavec des ovins, essentiellement dans les montagnes sèches etdes caprins et des bovins dans les montagnes humides. Maisl'élevage connait curieusement une stagnation ou même uncertain recul; aussi bien les caprins que les ovins ont diminué ennombre, mais la qualité du troupeau ne s'est pas fortementaméliorée contrairement à ce qui était escompté.

Il y a donc une certaine évolution du secteur agricole dans lesens de la diversification et du progrès des rendements. Mais,cette évolution reste timide pour différentes raisons:

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• la concurrence des produits de la plaine, dont les fraisd'exploitation sont nettement plus faibles;

• l'apparition dans la chaîne rifaine d'activités fortementrémunératrices, moins exigentes en efforts, le Kif et lacontrebande,

Les progrès du haschich sont fulgurants dans la montagnerifaine, Ils sont le résultat de la crise de l'économie régionale etde la faiblesse des investissements. La crainte de nouveauxtroubles a expliqué le laissez-faire de l'administration et doncl'extension de cette culture en dehors de son terroir d'origine,notamment depuis les années 70, qui ont enregistré une forteaugmentation de la demande et des cours.

Or le Kif est une plante adaptée au milieu rifain à cause de soncycle court qui ne souffre ni des trop fortes pluies d'hiver ni dela sécheresse de certaines années. C'est une plante qui peutêtre installée aussi bien en sec qu'en irrigué et qui n'exige pasdes façons culturales particulières ; ses rendements sont plusélevés quantitativement comparés à ceux de l'orge, avec unevaleur nettement plus forte (40 dh/kg en 1987). Un hectare dekif permet un revenu de 30 000 dh, environ.

Aujourd'hui 200 000 personnes vivent directement ouindirectement de cette culture, qui a introduit un véritablebouleversement dans l'économie et dans la société rifaine. Lamontagne n'est plus répulsive; elle devient un milieud'immigration de travailleurs notamment; l'habitat y est rénovéet la consommation de plus en plus diversifiée. (Maurer, 1991).

C'est ce qui explique son extension à 65% de la SAU dans larégion de Kétama-Bab Berred, 20% de la surface utile dans larégion de Talembote et 5% environ sur le littoral plus sec.

La mise en place du Kif se fait d'abord sur les terrestraditionnellement cultivées, puis progresse sur des terresnouvellement défrichées, grâce à l'utilsation intense de fumureet d'engrais. La culture du Kif donne donc l'exemple d'unespéculation qui s'étend sur des terres marginales sans que ladégradation s'en suive forcément. Elle donne aussi la preuveque le remplacement d'un couvert végétal naturel par uneculture annuelle ne signifie pas nécessairement une

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dégradation écologique. C'est donc la valeur de la culturemise en place qui détermine le taux de protection engagée etl'intérêt que l'on porte à la durabilité de la production.Aujourd'hui, les rendements du kif semblent avoir progressés(augmentation de 50% en 10 ans, Ahmadan, 1991). D'ailleurs lekif a eu un impact qui s'est répercuté sur les autres cultures,puisqu'il a poussé les paysans à s'intéresser à l'ensemble dufinage et à y exercer plus d'entretien, Par ailleurs la diminutiondes effectifs du troupeau a eu un effet positif en terme dedégradation. Enfin il est possible de penser que l'intérêt portéau haschich et l'augmentation des revenus ont eu pour impactla diminution de la pression sur ce qui reste des espacesforestiers (réduction des coupes de bois), Cette observation estnéanmoins controversée par la réduction enregistrée dans lesrecettes forestières dans les régions d'extension du kif, à causedes défrichements abusifs et rapides.

3. La protection de l'espace montagneux et les leçons desexpériences passées

La protection de l'espace montagneux rifain ne représente pasun choix librement consenti. Il est au contraire imposé etobligatoire parce que la dégradation des terres rifainesmenace d'envasement les grands réservoirs de barrages et parlà, les grands choix de la politique agricole du pays, c'est à direles périmètres d'irrigation moderne et le devenir des villes par lebiais de la réduction de l'alimentation en eau potable etindustrielle.

Mais la protection basée sur une large panoplie de moyenstechniques a prouvé son inefficacité, tant qu'elle n'est pasmenée par les hommes du milieu et pour leur bénéfice. Onretrouve là la ressource humaine et tout l'intérêt qu'il y a àutiliser son ingéniosité et son savoir-faire dans un but double dedéveloppement et de protection des ressources.

Il y a par ailleurs à l'amont de tout effort de développementd'une région difficile comme le Rif méditerranéen, un doublesouci de satisfaction des besoins les plus urgents despopulations montagnardes, de protection des ressources et dela qualité de la vie d'une part, et de contribution à l'économie

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nationale dans son ensemble d'autre part, Le développementdoit viser deux buts :

• le premier but visé est de mettre en place des systèmes deproduction durable, dont la rentabilité économique estprouvée, dans le but de maintenir en place une population deplus en plus nombreuse et d'éviter que le croît démographiquecontinue à migrer vers les villes, à un rythme qui pose pourcelles-ci des problèmes de plus en plus insurmontables. La miseen place de ce système de "développement soutenable"suppose une bonne gestion des ressources et donc une stabilitérelative des écosystèmes;

• le second souci est d'ordre plus général, puisqu'il visel'économie du Rif et du Maroc méditerranéen, replacée dans lecadre d'un ensemble plus vaste comprenant les plainesavoisinantes. Il s'agit d'oeuvrer en amont. de fournir un effortcontinu de stabilisation des sols dans le but de garantir pourl'aval, c'est à dire pour le Gharb et le Maroc oriental, unefourniture en eau équilibrée et de qualité suffisante. Or, il estconnu que la plaine dispose de potentialités naturellesindiscutables qui en font un milieu de production autrement plusintéressant que les montagnes voisines. Elle dispose aussi deressources humaines qui expliquent son développementrelativement important. Mais les efforts consentis sont soumis à lacontrainte de rareté de l'eau qui ne peut être dépassée, si l'onne dispose pas de l'eau fournie par l'amont. La protection dumilieu montagnard garantit donc le développement de la plaine.

Il faut, pour une bonne appréhension des problèmes, prendreen compte les droits traditionnels des paysans qui ont persistédans une bonne partie de la montagne rifaine jusqu'àl'indépendance, et la législation moderne qui concerne avanttout les terres domaniales et les terres collectives. Dans le casdu Rif, la population a continué à vivre sur la pratique du brûlisdu matorral visant la conquête de terrains supplémentaires etle remplacement des terrains trop dégradés. Par ailleurs, lespaysans avaient le droit de collecter le bois et de pâturer enforêt. La législation forestière a considéré les formationsligneuses comme appartenant à des terrains domaniaux et lesa soumises à un régime de gestion et de surveillance par l'Etat.

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Les tribus conservaient un droit d'usage réglementé, lesdéfrichements et les coupes étant décrétés hors-la-loi. Deseffets immédiats s'en sont suivis, juste après l'application decette réglementation qui datait de 1917 pour les versantsméridionaux de la chaîne, et de 1956 pour l'ex zone espagnole.Ces effets ont consisté dans un défrichement rapide pour fairevaloir des droits de propriété et une réelle surexploitationprofitant de l'indécision des premières années, notamment enattendant la délimitation du domaine forestier. Le manque demoyens mis à la disposition des services forestiers ont empêchél'application d'une politique équilibrée et soutenue deprotection des ressources. Très vite, les amendes se sontrévélées inefficaces devant des formes de prélèvement qui onteu tendance à se multiplier et à se différencier, avecnotamment l'apparition de formes de cueillette noncommandées par le besoin, mais dictées par la gratuité de laressource <exploitation abusive de bois pour les centres urbains,les fours et les hammams en particulier). Pour les paysans leproblème foncier reste primordial, tant que le domaine forestiern'aura pas été entièrement délimité et tant que la sécurité ence qui concerne les terrains marginaux, acquis illégalement pardéfrichement, n'aura pas été réglée.

Actions gouvernementales :

La majorité de ces actions était axée sur la protection desressources les plus menacées et se basait sur un certain nombrede contraintes étatiques opposées à l'utilisation de cesressources. Quelques opérations de développement global ontété tentées. Or il se pose dans ces montagnes avant tout unproblème de reconversion visant la redynamisation del'économie paysanne et la constitution de ressourcesendogènes durables.

Deux postulats ont constamment orienté la stratégied'intervention dans le Rif:

• le postulat de l'aggravation récente de l'érosion des solspar suite du défrichement des terrains. Tout terrain cultivé estconsidéré comme en voie de dégradation. Ainsi l'extension descultures tendrait à augmenter de manière exponentielle lessuperficies érodées;

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• le postulat de l'érosion rapide sinon catastrophique avectransformation dans un horizon de 5 à 10 ans de terrains stablesen terrains de bad-lands.

Si ces postulats se vérifient dans de nombreux cas, notreanalyse a montré qu'ils ne s'appliquent pas forcément à toutesles situations. Des observations et même des quantificationsprécises permettent de les nuancer. Dans de nombreux cas, ilest prouvé que l'action de l'homme, par défrichement et miseen culture, a été positive et a maintenu l'érosion dans desproportions acceptables.

Plusieurs projets et expériences se sont exercés dans la chaînerifaine.

L'action du Derro :

Deux principes ont orienté les interventions de cet organisme ;d'une part une grande fermeté, d'autre part le souci constantde convaincre les paysans et d'établir avec eux de véritablescontrats.

Les techniques proposées étaient très variées et se basaient surune orientation générale : transformer les terres agricoles et lesparcours rifains, souvent exploités de manière extensive, envergers hautement productifs et en zones de productionfourragère intensive. Plusieurs idées prévalaient:

• la suppression de la céréaliculture sur les pentes trop fortes;

• la création de vergers sur terrassements (banquettes etmûrettes) ;

• le reboisement des pentes fortes et la réglementation desparcours;

• la modernisation de l'agriculture et de l'élevage grâce àl'utilisation de semences sélectionnées, d'engrais et de culturesfourragères;

• l'extension de la petite hydraulique.

Ceci sous-entendait la mise en oeuvre de techniques deproduction rentables et la prise en compte des contraintessociales, notamment les fortes densités démographiques, la

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présence d'une charge pastorale excessive, la faible taille desexploitations, la méfiance des paysans vis-à-vis des recettesproposées, etc ...

L'action du projet Loukkos:

Des projets de développement intégré ont été lancés dans lesannées 80 et notamment dans la région d'AI Hoceïma et leLoukkos. Le projet Loukkos représente un modèle d'interventionglobale.

Dans ce cadre ont été retenues les recommandationsprincipales suivantes:

• dans les terres privées, proposer des techniques derecouvrement végétal plus dense, mais sans contrainte. Ainsi ilétait proposé d'effectuer une distribution directe de plantsfruitiers pour les meilleures terres et d'installer des espècesfourragères sur les terres dégradées, avec l'espoir de faire de lamontagne un pays naisseur et des collines du Zaz une zoned'emboûche;

• consommer le moins possible de terrain privé lorsque lesaménagements nécessitent le recours à des actions deconservation;

• concentrer les efforts, d'une part sur les terrains domaniaux enfavorisant les reboisements de protection de faible densitéavec conservation d'une végétation naturelle de sous-étage etd'autre part sur le domaine public, notamment, sur les axes dedrainage où seront implantés des ouvrages de luttemécanique.

On remarque à l'analyse des réalisations que les idées fortesdes schémas-directeurs des projets intégrés n'ont été quepartiellement appliquées;

• l'idée de l'innovation technique et de la diversification desrecettes proposées en fonction des situations locales ne seretrouve pas appliquée. On avait insisté sur le fait que chaquetechnique pouvait avoir un domaine de validité basé sur desconsidérations physiques et sociales. Or on remarque que labanquette fruitière, technique décrite comme non adaptée au

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milieu du Rif occidental, a été généralisée en dépit desrecommandations, alors que d'autres techniques plusadaptées, parce que visant l'augmentation de la biomassevégétale pérenne à la surface du sol, ont été purement etsimplement abandonnées;

• cet abandon s'explique justement par le fait que la deuxièmerecommandation des schémas-directeurs a été elle aussidélaissée en liaison avec les difficultés qui ont entravé sonapplication, Il s'agit de l'idée d'association de la population auchoix des techniques à adopter et au processus de gestion deces innovations, Or, les techniques recommandées, comme lestechniques purement agronomiques et les actions pastorales,requérant le maximum de participation et de concertation, ontété tentées, mais ont été sous-utilisées et en tout cas, rarementgénéralisées, En particulier les techniques traditionnelles ont étécomplètement ignorées.

Ainsi, au lieu de baser la différenciation des recettesadoptées sur des considérations physiques ou sociales, lecritère fondamental qui a été observé a été la naturefoncière des terrains, les reboisements productifs restantréservés pour les terres domaniales, les actions deconservation basées sur une action sylvo-pastorale auxterres collectives ou privées fortement dégradées et la DRSfruitière aux terres melk,

Les moyens de réussir une politique de la montagne rifaine:

De multiples projets ont été lancés pour initier ledéveloppement de la montagne rifaine, mais les cas de vraieréussite restent peu nombreux, pour des raisons qui ont trait auxprojets eux-mêmes (des problèmes de durée et definancement) et d'autres qui ont trait aux techniques utilisées,notamment le fait qu'on ait ignoré les techniquestraditionnelles, qu'on ait surutilisé des techniques inadaptées aucontexte physique et social, et que la participation despopulations n'ait pas toujours été obtenue. Il faut par ailleursincriminer d'autres raisons structurelles, comme le statutjuridique des terres et les droits de propriété,

Le principe est de mettre en place un nouveau mode de mise

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en valeur dont le taux d'érosion est plus faible, apportant auproducteur un revenu au moins équivalent sinon supérieur,donc plus intensif et nécessairement plus localisé dans l'espacesur les terrains les plus intéressants. Il est possible d'atteindre lemême résultat grâce à des compensations. Il n'existe pas derecettes valables partout, c'est pourquoi il est nécessaire demener une analyse des contraintes physiques et socio­économiques avant le choix d'une solution. Trouver desspéculations aussi rentables que le kif semble être donc unproblème majeur auquel la recherche agronomique aura àrépondre.

Les principes techniques pour une gestion adéquate de l'eauet des ressources dans les espaces montagneux sont lessuivants:

• éviter la concentration du ruissellement, en gérant l'eau de lamanière la plus soignée possible. Il est impérieux d'éviter quel'érosion aréolaire soit remplaçée par une érosion en griffes etrigoles. Cela sous-entend qu'il faut accroitre l'infiltration pouréviter le ruissellement de l'eau lors des crises d'intensité et lasaturation des profils lors des pluies persistantes, en évacuant lemaximum, de manière soignée, vers des évacuateurs de crueaménagés auparavant;

• intervenir de manière localisée sur les sources de sédimentsles plus manifestes, en effectuant une bonne intégration destraitements biologiques et mécaniques. Sur les terrainsdéfavorisés, le traitement est nécesssaire pour empêcher lesgriffes de devenir des rigoles; le bocage semble être unetechnique intéressante;

• l'intervention sur les terrains agricoles, pastoraux et forestiersnécessite forcément la participation de la population, ce quisignifie la nécessité d'éviter la réduction de biomasse pardéfrichement ou prélèvement excessif, d'oeuvrer pourintensifier la biomasse sur terrains de culture en améliorant lagestion de la biomasse permanente. Sur les terres favorables,l'accroissement de la biomasse est un problème devulgarisation et de développement rural pour lequel l'action del'Etat n'est pas justifiée.

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Conclusion

La montagne rifaine vit une période cruciale. Les aménageurset les développeurs sont appelés à se prononcer sur le futur decette région méditerranéenne. Peut-on y développer desactivités économiques "normales" capables d'absorber lasurcharge démographique enregistrée actuellement par lecroît naturel ou par l'immigration inquiétante ? La montagneva-t-elle connaitre le sort d'autres montagnesméditerranéennes, sur la façade européenne, ou commerécemment en Algérie, c'est à dire l'abandon puis lareconquête végétale plus ou moins réussie ? Le vide humainreprésente-t-il une chance pour ce genre de milieu, ou bienrisque-t-il de déclencher d'autres problèmes environnementauxaussi graves, comme les incendies de forêts, en plus de tous lesproblèmes économiques et sociaux que les migrants poseraientdans leur lieu d'accueil? Peut-on se passer des rifains pour unaménagement équilibré du milieu local et pour assurerl'alimentation en eau des régions voisines?

Il nous semble que l'aménagement de l'espace montagneuxrifain suppose une action coordonnée et concertée visant à lafois le développement et la gestion équilibrée des ressources,c'est à dire recherchant un développement durable de lamontagne.

L'aménagement bien conçu signifie le choix des actions àentreprendre en fonction de considérations bien précises,répondant aux deux critères d'efficacité et de rentabilité.L'amélioration qualitative de la production et son intensificationne pourront être tentées que dans les sites bénéficiant desmeilleures conditions, et grâce à des techniques hautementproductives. Sur les espaces fragiles par contre ou nebénéficiant que de maigres potentialités, il est plus rentable deconcentrer l'effort sur la réduction des processus les pluscatastrophiques, notamment ceux qui menacent de s'étendreet provoquent des dégâts susceptibles d'hypothéquer ledéveloppement à l'intérieur ou même à l'extérieur de la région.

Dans tous les cas l'aménagement doit être décidé par lespopulations et exercé par elles, avec l'aide matérielle et

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l'appui technique des services responsables. L'effortd'aménagement de ces espaces sensibles que constituent lesmontagnes rifaines entraine des dépenses élevées, en raisonnotamment de l'expertise technique qu'il impose. C'est uneffort que la nation entière doit supporter, d'une part en raisonde la valeur que constitue la Culture Montagnarde, qu'il estprécieux de promouvoir et de développer, d'autre part, pourgarantir l'approvisionnement régulier en ressources fournies parle Rif, la ressource en eau notamment.

Enfin les moyens d'ingénierie, de reboisement coûtent cher. Parcontre il est possible d'atteindre un niveau de protectionraisonnable en fondant l'action sur la ressource humaine et sontravail. On peut espérer, en optant pour une politique dedéveloppement, à la fois retenir "les boues et les hommes" ;cela ne peut se réaliser qu'avec les femmes et les hommes duRif et par les habitants du Rif.

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On a très rarement l'occasiond'entendre un exposé aussiargumenté et convaincant sur unproblème aussi contreversé : celuides causes et des responsabilitésde la dégradation dans le Rif. Lafinesse de l'analyse, fouillée,constamment nuancée, endéfinitive dialectique, s'inspire desnouvelles méthodes de lagéomorphologie, plus attentiveaux problèmes de l'environnementnaturel.

Abdellah Laouina a exercé sescapacités d'analyse pour démêler

l'échevau d'une réalité particulièrement enchevêtrée, dans cesrégions rifaines combien stimulantes pour le géomorphologue.Elle le sont par leurs compléxités, par l'intime imbrication descontraintes de la nature et de la diversité de l'impact del'homme. Sur ce terrain, A.Laouina a utilisé des outils qu'il afourbis sur un autre milieu particulièrement difficile, celui duMaroc oriental, où la compréhension des mécanismes de lamobilisation du calcaire, et son influence sur la topographie,dans des conditions de semi-aridité, est un casse-tête, aussicompliqué que l'analyse des paysages actuels du Rif. L'un desapports de sa reflexion sur le Rif est d'avoir introduit, dansl'analyse de la dégradaion, la notion de seuils, d'équilibres etde reversibilités des phénomènes, dans l'appréciation del'impact de l'homme sur le milieu.

UNE MULTIPLICITE DE PARADOXESLes montagnes du Rif ont connu une accumulationremarquable d'écrits, d'études, de recherches, d'investigations

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et d'expérimentations de toutes sortes, d'évaluations d'actionsmultiples sur le terrain, dans le cadre de projets dedéveloppement, dont les impacts sur les hommes comme surleurs espaces sont mitigés.

Plus qu'aucune montagne dans le pays, le Rif a été donc l'objetpermanent d'analyses et d'interventions. L'interrogationmajeure que suscite cette remarque a trait à l'efficacité desproblématiques, à la portée des actions entreprises et à larentabilité des investisements consentis.

Le Premier paradoxe, c'est que le Rif ne semble avoir souffert nide manque de ressources, ni de matières grises investis dansdes projets conçus pour son développement, ni manqué decapter l'attention des pouvoirs publics, alors qu'il apparaît,aujourd'hui, comme un pays où les ressources font défaut etdont la marginalité ne cesse de s'aggraver. Cettereprésentation n'affecte pas uniquement les montagnes rifainesproprement parler, mais d'une manière générale les provincesdu nord.

L'un des intervenants dans la discussion a justement remarquéet Abdellah Laouina a confirmé ses propos, que l'on répéteencore actuellement des considérations qui étaient déjàdébattues à la fin des années cinquante et surtout pendantles années soixante, comme si la réflexion était bloquéedepuis, et les altérnatives faisaient cruellement défaut. Laconclusion, dégagée dans le débat, conclue-t-elle à l'échecde tout ce qui a été entrepris depuis plus de quarante ans ?La réponse à cette question n'est pas simple. Elle incite àtrancher devant le constat de crise dans laquelle se trouve lespopulations rifaines et leurs espaces. Une évaluation plusnuancée de l'évolution montre les limites de ce qui a été faitpar rapport à ce qui reste à faire, mais surtout révèle que lesactions entreprises étaient mal adaptées aux contextesnaturels et humains du Rif. Toujours est-il que les montagnesrifaines qui ont le plus mobilisé la réflexion et l'analyse de lapart des organismes de développement, sont les montagnesoù l'on manque cruellement d'une connaissance pertinentesur les milieux, et leurs diversités, et les hommes, et leurscomportements..

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Le deuxième paradoxe n'est pas le moindre dans la série desparadoxes que connaissent ces montagnes. Il faudra tenircompte de deux singularités supplémentaires : les pays rifainssont les endroits où tombent les quantités les plus considérablesde pluie, dans le pays, mais c'est là où l'eau manque parfoisd'une manière dramatique. C'est aussi les régions quienregistrent la plus forte croissance démographique, alors quepartout dans les autres montagnes du pays, le rythmed'accroisement s'est ralenti depuis longtemps.

LA NATURE DES PROBLEMATIQUES

Le premier déficit des analyses de la situation du Rif est la nonprise en compte de ces multiples singularités. Quand elles sontmises en évidence, c'est pour alimenter des considérationsincertaines sur les rapports de la charge humaine et l'ampleurde la dégradation. A prendre au sérieux leurs conclusions, il nereste d'altérnative possible que d'alléger les montagnes de leurspopulations pour sauvegarder leur environnement. Cette visionunivoque des réalités des montagnes rifaines procède desconceptions d'aménagement des régions peu peuplées. Latendance est donc d'imputer automatiquement laresponsabilité de la dégradation aux populations et d'utiliserdes techniques de défense propres au pays de très faiblesdensités, comme la clôture et la mise en défense ou le transfertde procédés inadaptés à la nature des milieux, comme lesbanquettes pour lutter contre le ruisselement sur les pentes.

L'autre problémamtique concerne la nature du rapport àl'homme. Ecarté de la prise de décision concernant lesmodalités d'intervention sur son propre milieu, il n'était sollicité àparticiper que d'une manière marginale. Les conditionshtstoriques de la décolonisation n'ont pas facilité la transition.Des problèmes fonciers et de réglementation des usages dansla forêt ont compliqué les problèmes. Les pouvoirs publics,devant le particularisme rifain étaient partagés entre la rigueuret le laxisme.

La protection de l'environnement contre les défrichements etles prélévements abusifs des ressources sur les espaces boisés,n'avait pas été traitée avec la cohérence nécessaire.

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L'institution communale, mise en place plus tard, n'a pas jouéson rôle de structure de promotion et de gestion dudéveloppement local. Un partenariat véritable n'a pu, donc,s'instaurer pour intégrer la population dans les processus deprotection de l'environnement et de l'amélioration des systèmesdes cultures, entrepris par les projets. Les limites de leursréalisations se situent, en grande partie, à ce registre là.

La finalité même des projets reste d'ailleurs ambigue. Les projetsde développement avaient-ils comme objectif fondamental laprotection des ouvrages hydrauliques contre l'envasement, oufondaient-ils leur problématique, d'abord, sur un objectifcentral, celui de l'amélioration des conditions de la population,en assurant la protection de leurs ressources contre les méfaitsde l'érosion. On dira, peut-être, que l'un ou l'autre objectifsétaient implicites et convergeaient vers un même résultat: laprotection contre l'envasement et la maîtrise des processus dedégradation. Le choix conscient ou implicite de l'une ou del'autre problématique, change beaucoup l'esprit du projet, lesméthodes utilisées et les résultats acquis.

L'ECHELLE DE CONCEPTION ET D'INTERVENTIONLa contribution de Abdellah Laouina illustre parfaitementl'importance de l'échelle d'intervention, c'est à dire l'espace etses habitants sur lesquels on entend agir, d'abord au niveau dela conception même du projet, ensuite au stade de saréalisation. L'échec ou les limites de beaucoup d'actionsentreprises dans le Rif relève de la non prise en considérationde la hiérarchie des espaces, en fonction de leur étendue, deleurs caractéristiques naturelles et de leur utilisationpermanente ou conjoncturelle par les hommes. A quelleéchelle saisir, par exemple, la dégradation : au niveau de laparcelle, du ravin, du lit de l'oued, ou au fond du barrage, enanalysant l'importance de l'envasement? Si la mesure del'érosion se contente des versants à l'amont des ouvrageshydrauliques, comment apprécier l'importance de l'érosiondans des vallées sans retenue? On n'a pas suffisammentconsidéré la reversibilité de certains espaces qui passent dustade de la conservation à celui de la dégradation et vice

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versa, selon des temps qu'il s'agit de mesurer et d'intégrer dansla reflexion sur les problèmes d'environnement. C'est ainsi queles notions d'équilibres et de seuils n'ont pas été toujours pris enconsidération dans l'appréciation de la gravité de ladégradation. L'accentuation de la sécheresse ou de l'humiditésur un versant, du fait de l'effet de pente, ne peut être analyséecorrectement que si l'échelle d'analyse et d'investigation estchoisie avec soin.

Le choix de l'unité de l'aire de développement pour un projetspécifique a été fait sur la base de l'unité physique, c'est à diredu bassin-versant. Or, ce qui est parfois décisif dans letraitement de la dégradation comme pour l'amélioration desconditions d'existence de la population ce n'est pas tant l'unitéphysique que l'unité humaine. C'est donc l'identification de cesunités d'intervention qui est essentielle pour le succès d'uneaction. Le projet Loukkos, par sa simple dénomination, montreque c'est l'unité physique qui a déterminé la problématique del'intervention.

L'échelle change de nature avec le changement de l'étenduede l'espace, des problèmes qui affectent cet espace et del'importance des habitants qui l'occupent. Abdellah Laouina amontré les différences qui existent entre la partie centrale etoccidentale de la chaîne et sa partie orientale, en termes devigueur des pentes, d'humidité, d'occupation des sols, desystèmes des cultures et de densité de la population. Lessolutions valables pour l'une ne le sont pas pour l'autre.L'extension de l'olivier, dans le cadre d'une actiond'amélioration de l'arboriculture, à des zones où il ne fructifiepas du fait de l'humidité, n'est pas seulement une erreuragronomique, mais procède aussi de la confusion des échellesd'intervention.

Par ailleurs, pour l'équilibre relatif des ressources des régionsrifaines, les habitants organisaient, traditionnellement, leuréconomie sur la base de la complémentarité. Trois espacesétaient intégrés à leur montagnes:

- Le Rif oriental était tourné vers le Maroc oriental et au delàvers l'Algérie

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- Le Rif central était en connection avec les collines prérifaineset les villes de Fès et de Meknès

- enfin le Rif occidental était étroitement relié au Gharb pour lecomplément de ressources que procurait l'émmigrationsaisonnière à ses habitants.

Les projets de développement qui ont permis aux régionssituées à la périphérie du Rif, ont-ils pris en considération cesliens de complémentarités entre les zones de montagnes et leszones de plaines, ou bien, l'intervention dans l'un et l'autredomaine, se limite au cadre étroit de chaque projet choisi, sansse soucier des liens d'articulations entre zones, pour faciliterl'intégration régionale.

LE CHOIX DES METHODES D'INTERVENTIONL'ensemble des considérations précédentes explique aussi lesoptions prises en matière de méthodes d'intervention utiliséesdans la protection contre l'érosion. On n'a pas suffisammentobservé la variété des méthodes traditionnelles et mesuré leursefficacités dans la protection des sols. L'adoption de cesméthodes, leurs améliorations auraient pu faciliter la réalisationde deux objectifs: le premier a trait à l'efficacité des procédésdont l'expérimentation aurait été faite et l'efficacité assurée àl'avance; le deuxième est d'ordre psychologique : il aurait puvaloriser, aux yeux de la population leurs propres techniques deprotections des terres et servi d'entrée opportune pour uneparticipation plus active de la population. Une telle démarcheaurait eu le mérite d'être la promotion d'une certainemodernité qui puise ses ressorts dans le passé mais qui seprojette dans l'avenir, au lieu d'une simple modernisation destechniques, à partir d'importation d'un paquet technologiqueinadapté à la situation rifaine en matière de protection del'environnement et de développement régional.

LA NECESSITE DE LA RECHERCHEL'action dans ce domaine semble notoirement insufisante. On afait déjà remarquer que la recherche agronomique s'est peuintéressée à l'amélioration des plantes dans les écosystèmes

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montagnards. Or celles-ci constituent une réserve, du strictpoint de vue de la diversité biologique de la richessephytécologiques.

C'est un champ d'expérimentation pour l'amélioration desplantes cultivées et le renforcement des systèmes de culturesfavorables à la protection de la nature, comme l'introductiondes prairies irriguées.

Dans le domaine de l'étude de la protection des sols et de leursmultiples dégradations, à partir des démarches élaborées parla jeune école marocaine de géomorphologie, il y a despossibilités qui commencent à peine d'être exploitées. L'analysequ'a faite Abdellah Laouina de la complexité des formesd'érosions en est un exemple. Prendre en considération, pourune protection efficace des ressources leurs multiplicités,permet de mettre en oeuvre, des procédés et des techniquesplus adaptées à la fragilité du milieu, et partant plus efficaces.

La recherche socio-économique est fondamentale dans lacompréhension de la complexité rifaine. Or, dans ce domaineaussi il y a des avancées significatives. La multiplication desétudes, la constitution de groupes de recherche comme legroupe Jbala sont de bonnes augures pour la connaissanceapprofondie des singularités rifaines. Il reste cependant àorganiser et impliquer la recherche dans l'action concrète,pour qu'un va-et-vient permanent s'établisse entre la reflexion,l'action et l'évaluation continue des résultats acquis, desdifficultés rencontrées et éventuellement des échecs subis.C'est à cette seule condition que les progrès de la sciencepeuvent passer dans la réalité des conditions d'existence de lapopulation.

LE PARADOXE DE LA DEGRADATION: UNFACTEUR DE REINTEGRATION DANS LACENTRALITEAbdellah Laouina a démontré d'une manière convaincante laréalité du rapport hommes-dégradation. La notion de chargeou de capacité de charge est tout à fait relative. Parfois la

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dégradation résulte effectivement de la surcharge humaine,Dans d'autres cas, c'est l'abandon des terres et la déprise quien sont la cause: l'homme apparaît, alors, comme un facteurde maintien et de conservation de l'environnement, de lastabilité des versants et de protection des sols.

L'interrogation qu'on peut formuler, à cet égard, n'est pas tantà propos de l'ampleur réelle de la dégradation, mais de l'idéequ'on se fait de ses menaces contre les infrastructureshydrauliques. Cette représentation alarmiste n'a-t-elle pas euun effet bénéfique sur le Rif? L'instabilité, le déséquilibre ont étédes facteurs d'intégration du Rif dans la centralité despréoccupations, sinon dans la centralité du champ politique etsocial. Les événements des lendemains de l'indépendance, ontété à l'origine du Projet Derro.

La dégradation et le risque d'envasement des barrages asuscité le Projet Loukkos. Voila que la déstabilisation de lasociété, de l'économie par le Kif réintroduit d'une manièreéclatante le Rif dans le jeu des rapports Nord-Sud à travers lesnégociations avec l'Union européenne, pour un plan dedéveloppement de l'ensemble de ses composantes régionales.Plus significatif encore, le Rif devient un enjeu de taille quipourrait peser sur la vie politique par l'intermédiaire dublanchissement des capitaux provenant du commerce de ladrogue, dont les effets sur l'économie régionale sontindéniables, en termes d'argent qui circule, d'urbanisation,parfois sauvage qui s'étend, et d'émergence de nouveauxacteurs sociaux et politiques.

Les "enjeux écologiques" que cette rencontre de Tétouan avoulu mettre en exergue, à ses débats, ne sont-ils passimplement les enjeux de l'intégration problématique du Marocméditerranéen dans l'espace national, après des décenniesde marginalisation ?

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Deuxième partie:Actions agricoles, pratiques

cuhurales et environnement

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GROUPEMENT DETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

Dans cette région, qui couvre unesuperficie d'environ 6.140.000 Ha,soit 9% du territoire national, pasmoins de 10 provinces sontconcernées (Tanger, Tétouan,Chefchaouen, Larache, Kénitra,Sidi Kacem, Taounate, Taza, AIHoceïma et Nador). L'agricultureconstitue l'activité dominante et laressource de subsistanceessentielle.

Toutefois, il importe de noter quecette région reste un véritableréceptacle de contrastes et decontradictions, dont l'acuité n'a

d'égale que la problématique et l'insaisissable conciliationentre les différents éléments qui caractérisent cette région etdont nous pouvons retenir:

• l'opposition homme/nature: cette région se distingue parl'exiguïté des exploitations, la médiocrité des sols, le relief trèsaccidenté, l'irrégularité du climat, la pression démographiqueimportante, l'extrême intensité de l'érosion.

Dans ce contexte, une exploitation rationnelle des terress'avère être difficile, ce qui explique la dégradation rapide dumilieu et la faiblesse des productions;

• l'opposition arbre/animal: opposition, certes vieille comme lemonde, mais dans la région du nord, elle prend unesignification particulière, eu égard au choix difficile entre l'arbreet le végétal, accentué par le déséquilibre patent entre lacharge animale et les possibilités de production fourragères etdes parcours.

* DPA : Direction Provinciale de l'Agriculture(Ministère de l'Agriculture et de la Mise en Valeur Agricole)

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Ces deux indicateurs nous projettent au centre de laproblématique posée au niveau de cette région : commentconcilier la nécessité d'augmenter les revenus, très bas, d'unepopulation à taux de croissance élevé, tout en sauvegardantdes ressources naturelles, globalement faibles. Eu égard àcette dualité, l'intégration de cette région au reste del'économie nationale n'a pas manqué de soulever un certainnombre d'écueils et constitue une source de préoccupations,tant pour les décideurs nationaux que pour certains paysétrangers.

Il serait prétentieux de croire à la possibilité d'amorce dudéveloppement de la zone nord, exclusivement à partir dela composante agricole. Certes, elle est importante,essentielle, mais elle reste insuffisante. Plus que jamais, dansce cas d'espèce, l'approche intégrative s'avèreinéluctable.

Néanmoins, dans le domaine agricole, objet de cettecommunication, avant de présenter le programmed'intervention proposé pour le développement des provincesdu nord, programme qui s'est beaucoup inspiré desexpériences passées et dont il conviendrait de rappeler leprincipe directeur et les principaux résultats, une brèveprésentation sera faite sur l'activité agricole et les techniquesde cultures dans cette région du Maroc.

I. ACTIVITES AGRICOLES ET TECHNIQUES DECULTURELe Maroc méditerranéen ne manque pas de potentialitésagricoles. Mais ces atouts sont mal exploités et sous-utilisés:

• soit en raison de la complexité des techniques imposées parle milieu, pour préserver l'équilibre agriculture/environnement;

• soit en raison des vicissitudes du territoire, qui rendent difficileune adéquation entre l'homme, la nature et l'animal.

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1. Description du milieu:

Les principales caractéristiques du milieu sont:

.une topographie accidentée;

• l'agressivité du climat, surtout, dans les parties centrale etoccidentale;

• la pauvreté des sols et la nature des roches mères;

• les difficultés d'accès, à cause de l'enclavement de la régionet la défaillance de l'infrastructure de communication;

• dans cette partie du Maroc, le relief est, dans une largemesure, accidenté, La plupart des terres connaissent de trèsfortes pentes, facilitant les glissements de terrains et lesaffouillements, dus à l'érosion, C'est un relief typique demontagnes (ouest et centre), mais aussi de collines et devallées agricoles;

• Sur le plan naturel, dans la région rifaine les sols riches sontrares, ils existent dans les bassins intérieurs et les basses plainesétroites du littoral. Généralement, ces sols sont maigres etgrossiers sur les sommets, plus fins et plus épais sur les bas depente, à cause de l'importance des mouvements de terrains;

• le climat est de type méditerranéen, humide à l'ouest, avecdes précipitations annuelles de 800 à 1 000 mm, C'est un climataride à l'est, où la moyenne des précipitations ne dépasseguère 300 mm, En été, les chaleurs sont fortes;

• la population de la région du nord représente 23% de lapopulation nationale, soit une densité moyenne de90 habitants au Km2, Ce qui fait du Maroc méditerranéen, lazone la plus peuplée du royaume, La densité nationale étantde 35 habitantsjKm2,

La population rurale, représente près de 70 %, Ceci explique laforte pression exercée sur les terres cultivables et la menacepermanente sur le couvert végétal;

• En ce qui concerne l'occupation du sol, en particulier lesterres cultivables, seuls le Tangèrois atlantique, le pré-Rif etl'Oriental disposent de' superficies relativement étendues, alors

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que dans le reste de la région, les terres cultivables sont limitéeset cantonnées dans des vallées étroites.

L'utilisation des sols présente la répartition suivante:

Supetficie agricole utile (S.A.D.)ForêtsParcours et terrains incultesTOTAL

2.022.000 Ha soit %

1.639.000 Ha soit 25,6 %

2.755.000 Ha soit 42,9 %

6.416.000 Ha soit 100 %

• Comme pour le reste du Maroc, la répartition des terres est trèsinégale. Environ 70'7'0 des agriculteurs possèdent 30 '7'0 de lasuperficie et exploitent moins de 2 Ha chacun. En plus, les statutsfonciers, autres que le Melk*, constituent une contrainte majeurepour une mise en valeur rationnelle (terre habous, terrecollective ... ). Environ 73'7'0 des exploitations ont moins de 5 Ha.Cette situation est encore plus contraignante dans certaineszones où le morcellement est excessif (Taounate, Chefchaouen).

Après cette brève description du milieu, qui met en relief demanière patente les défis posés à l'homme pour assurer sasubsistance, il serait utile de rappeler le mode de gestion despotentialités offertes, aussi bien au niveau de la productionvégétale qu'animale.

2. La production agricole:

2.1. Les productions végétales:

La zone contribue, à concurrence de 20'7'0 environ, dans laproduction nationale des cultures annuelles, particulièrementles céréales et les légumineuses.

Pour les autres productions, la contribution de la région varie de10 à 28 '7'0 et provient essentiellement des périmètres irrigués duLoukkos et de la Moulouya.

Ces productions restent faibles par rapport à l'étendue dessuperficies réservées aux cultures annuelles. En fait, ces résultats

* Melk: propriété privée

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ne sont que la conséquence logique de la pluralité dessystèmes de cultures pratiqués dans la région et imposés par larigueur du milieu.

La traditionnelle rotation céréales/légumineuses reste unsystème très prisé par les fellahs. Toutefois, si dans les autresrégions du Maroc, ce système constitue un choix, dans lesrégions rifaines, c'est beaucoup plus une nécessité, dictée parun triple besoin :

• améliorer la fertilité des sols, grâce à l'apport azoté descultures de légumineuses (sorte de "Bernicha") ;

• satisfaire les besoins alimentaires de la population. A ceniveau, les légumineuses constituent un aliment de base etaussi un poste de trésorerie non négligeable;

• offrir au cheptel la possibilité d'une longue période depâturage sur champs de culture à partir de mai-juin, ainsi queles premières herbes suite aux pluies d'automne et cela,jusqu'au semis des légumineuses. La paille et les chaumesrécupérées constituent un apport fourrager important pourfaire face aux périodes difficiles.

"L'inamovible" cycle de céréale sur céréale vient en secondeposition. Il s'agit de la rotation des céréales d'hiver avec lescéréales de printemps, encore pratiquée dans certainesrégions, mais avec un gradient décroissant de l'ouest vers l'est.Ce système, imposé par le milieu, repose sur le même principedécrit précédemment et exprime manifestement le souci dupaysan de disposer d'une possibilité de pâturage le plus longpossible durant l'année, eu égard aux difficultés rencontréespour satisfaire les besoins du cheptel.

Les particularités de ces deux systèmes d'exploitation, résidentdans la nécessité impérieuse de concilier les besoins del'homme et du cheptel, au détriment des techniquesculturales;

• Le système céréales d'hiver/fourrage est dominant, enparticulier, dans les plaines et les vallées, où on pratiquel'élevage intensif.

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Signalons que la culture de l'orbe (kersana), qui occupe unesuperficie assez importante, particulièrement dans les provincesde Taounate, Taza et Chefchaouen, est récoltée sous forme degrains. Cet aliment riche en protéine, est apprécié par leséleveurs, en raison de ses rendements pour l'élevage laitier oupour l'engraissement du bétail ;

• les techniques culturales sont sensiblement les mêmes pour lessystèmes décrits précédemment. En dehors des agriculteursaisés qui disposent de moyens financiers et matériels, la plupartdes agriculteurs pratiquent le même itinéraire dont on peutschématiquement distinguer d'une part, les superficiestravaillées mécaniquement. Les travaux de préparation du solse limitent au passage d'un appareil à disques (le covercrop)après les premières pluies. Ajoutée au tassement du sol,provoqué par le pâturage durant la période d'été, ce type depratique culturale a une série d'effets négatifs:

- La formation d'une croûte endurcie et consistante, quilimite fort négativement l'épaisseur de la terre exploitée. Ils'ensuit un appauvrissement rapide du sol;

- l'accélération de l'érosion, particulièrement, pour les terresen pente.

En conséquence, faute de moyens, les agriculteurs nedisposent pas de techniques de protection adaptées à l'étatdu relief, d'où accroissement des phénomènes d'érosion etappauvrissement des sols.

D'autre part, le travail du sol à l'araire et le non respect decertaines techniques de culture en pente, (faible atelage,donc tassement du sol et labour superficiel), activent, sousl'effet du ruissellement des pluies torrentielles du climatméditerranéen, les dynamiques d'érosion;

• le taux de fertilisation est très insignifiant, particulièrementdans les zones de montagne, en raison notamment despossibilités matérielles limitées des fellahs, mais aussi à causedes difficultés de commercialisation ou de distribution desintrants et des facteurs de production de type moderne. Fauted'un réseau d'infrastructure de communication étendue,certaines zones sont relativement isolées du reste du pays.

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GROUPEMENT D ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

A la lumière de ces contraintes, les rendements et lesproductions restent très faibles. Elles arrivent à peine à subveniraux besoins essentiels d'autoconsommation. Les revenus desagriculteurs sont par conséquent très faibles.

2.2. La production animale:

Qu'en est-il de l'élevage? Incontestablement, il constitue unfacteur important d'équilibre pour la subsistance de lapopulation rurale et une source de trésorerie.

Par ailleurs, il constitue un élément de déséquilibre, dans lamesure où cette activité constitue un agent indirect dedégradation de l'environnement.

Par rapport aux données nationales dans les provinces du nord,les effectifs représentent, respectivement. 25% pour les bovins,18% pour les ovins et 21 % pour les caprins.

Concernant l'élevage des petits ruminants, de manièregénérale, il s'agit d'un élevage naisseur. C'est à dire que letype d'ovin le plus souvent commercialisé, a un âge de 5 à12 mois et dont le poids vif se situe entre 15 et 25 Kg. Laproportion d'ovins écoulés au delà de cet âge est faible.

Quant aux caprins, en raison de leur faible coût d'élevage(faible pour le fellah, mais destructeur pour la forêt!), ils sontgénéralement vendus à un âge plus tardif.

Les caprins du nord (Tanger. Tetouan, Chefchaouen et Nador)sont de taille relativement grande, de couleur hétérogène,avec de bonnes performances laitières. Ils ont fait l'objet d'uncroisement avec des races d'origine étrangère. Ceci a permisune amélioration sensible de la production laitière (enmoyenne 90 à 120 l/an) et un taux de multiplication assezappréciable (1,03 chevreau/femelle/an). Ils représententenviron 67 % de l'effectif total.

Pour les ovins, on rencontre particulièrement les races demontagne. Elles sont de petite taille et se distinguent PC::Jr leurrythme de croissance très lent, ce qui leur confère une aptitudeplus grande à résister et à survivre aux rigueurs d'un milieunaturel assez hostile.

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

Les systèmes alimentaires du cheptel se distinguent par uncertain nombre de caractéristiques:

• il s'agit pour les caprins, d'un seul système d'élevage basé,essentiellement, sur l'exploitation des parcours nus et des forêts,C'est la raison pour laquelle l'espèce caprine, en comparaisonavec l'espèce bovine et ovine, est moins dépendante del'exploitation agricole, d'où des conséquences néfastes surl'écosystème,

Les caprins sont lâchés dans la nature, Ils reçoivent rarement unsupplément sous forme de paille, et a fortiori, sous forme degrains.

• dans le cas des ovins, le système le plus courant dans larégion est celui que l'on peut qualifier de pastoral, où lesparcours dominent. On rencontre le système agro-pastoral. leplus souvent dans les zones agricoles.

Les productions pastorales constituent une composanteimportante dans l'alimentation du bétail, en assurant uneproduction fourragère annuelle appréciable et assez stabledans les régions de parcours hors forêts. Cette productionfourragère est affectée d'une année à l'autre par les aléasclimatiques et contribue pour plus de 50% des besoins dutroupeaux. Les ovins broutent également les chaumes et lapaille, qui couvrent plus de 25% des besoins alimentaires dutroupeau.

• dans la région nord du Maroc, l'effectif bovin s'élève àenviron 830 000 têtes. Il vient en dernière position, après lesovins et les caprins, principalement à cause du milieu, qui estbeaucoup plus favorable aux petits ruminants..

• dans les plaines et les vallées, favorables aux productionsfourragères, l'élevage bovin tend à se développer audétriment des caprins. L'élevage intensif est en progression enraison de l'amélioration génétique, par le biais du croisement,mais aussi par l'importation de génisses de race pure,particulièrement depuis le lancement du plan laitier.

• au niveau des zones de montagne, où les possibilitésculturales sont réduites, nous rencontrons surtout des bovins de

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GROUPEMENT DETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

type local, "beldi", connus pour leurs faibles performances,aussi bien au niveau laitier qu'au niveau de la production de laviande. Cependant, elle reste une race mieux adaptée aumilieu.

• la production mulassière a toujours occupé une placeimportante dans la zone. Plus sobre et plus rustique que lecheval, le mulet rend des services très appréciables, surtout enzone montagneuse, d'où son importance croissante dans lecheptel équin.

Egalement, les asiniens ont toujours fait partie des animauxdomestiques de l'exploitation rifaine. Ils sont utilisés commeforce animale ou comme moyen de transport.

2.3. Les plantations fruitières:

A l'échelle nationale, la région du Rif occupe une placeimportante en matière d'arboriculture. Elle contribue pour prèsde 10% de la production nationale. Les essences principalesrencontrées sont: l'olivier, le figuier et l'amandier. En matièrede conduite des cultures, deux systèmes coexistent:

• une arboriculture de cueillette: la région contient denombreuses plantations de densité variable, non ordonnéesd'oliviers, de figuiers et d'amandiers. Ces arbres, qui neconnaissent assez souvent aucun effort d'entretien ou de suivi.couvrent les versants en pente forte du Rif et du prè-Rif. Cesplantations constituent ce qu'il convient d'appelerl'arboriculture de cueillette, car elles ne sont visitées que lors dela cueillette. Elles ne bénéficient presque d'aucuns soins, ni surle plan travail du sol, ni sur le plan de la fumure et encore moinssur le plan des traitements et de la taille. La productionreprésente quelques kilogrammes par arbre. On retrouve auniveau de ces plantations, l'archaïque et nocive technique dugaulage, qui constitue un élément supplémentaire dedégradation des plantations et de diminution des rendements;

• les plantations à cultures intercalaires: dans certaines zones,les parcelles complantées d'oliviers et de figuiers sont seméesen céréales d'hiver et en légumineuses.

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

Si cette pratique, très courante dans la zone doit disparaître, enraison de son impact négatif sur les niveaux de production, lesagriculteurs la pratiquent principalement pour des raisonséconomiques, qui sont déterminantes en dernière instance(exiguïté des terres, nécessité d'exploiter au maximum ce quiexiste pour assurer la subsistance).

Il est toutefois nécessaire de souligner que l'intensification destravaux du sol dont bénéficie les cultures annuelles, constitueun facteur non négligeable pour les rendements de cesplantations.

Par la pratique des cultures intercalaires, les plantations sontmieux encadrées que dans le système précédent et laproduction est conséquente.

En fait, ce système, comme pour les cultures annuelles, est unesorte d'adaptation au milieu naturel, souvent hostile, marquépar l'insuffisance des terres, leur médiocrité et la nécessitéimpérative d'utiliser tous les moyens possibles, afin d'assurer lasubsistance de l'homme et de son cheptel.

3. Les plantations forestières

La superficie couverte par les forêts dans les provinces du nordoccupe un peu plus de 25% du sol. Elles sont constituéesprincipalement de chêne vert et de cèdre.

La production annuelle moyenne de ces forêts est de 75 000 m3

de bois d'oeuvre et d'industrie, soit environ 7% de la productionnationale. 100 000 stères de bois d'énergie et 50 000 stères deliège, soit 28% de la production nationale.

a - Aspects socio-économiques

L'importance de la forêt peut s'apprécier à différents niveaux:

-c'est une source de revenu pour les populations rurales,particulièrement, celles des zones montagneuses. En effet, demanière légale ou illégale, les populations avoisinantes desforêts se livrent à une exploitation destructrice de la forêt pourtirer leur source d'énergie (bois de chauffage et de cuisson),l'utilisent comme pâturage pour le cheptel, dont on connaîtl'effet nuisible, en particulier les caprins;

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GROUPEMENT DETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

• c'est aussi un pourvoyeur de main d'oeuvre. L'activitéforestière représente l'un des secteurs qui utilise le plus de maind'oeuvre. Cette donnée peut s'apprécier à sa juste valeur enmilieu rural, où les jeunes trouvent beaucoup de difficultés àcontribuer à l'amélioration du revenu familial.

b· Les opportunités touristiques

Les possibilités en matière touristiques, sont grandes maislargement sous exploitées. Ce qui constitue un manque àgagner important sur le plan national, régional et local, deseffets induits de la forêt. Les potentialités du tourisme rural(montagne et forêt) restent encore à explorer et à mettre envaleur.

c· Aspect environnemental

la forêt constitue l'un des moyens par excellence de laprotection des ressources naturelles et de sauvegarde de laproductivité agricole. Elle constitue un moyen efficace pour lalutte contre l'érosion. Les signes d'envasement des barrages,existant dans la zone, constituent un indicateur de premier plansur le rôle du traitement des bassins versants et par conséquentde la forêt en matière de fixation du sol. La région nord estl'une des zones les plus exposées à l'action destructrice del'érosion. A cet égard, il y a lieu de signaler, à titre d'exemple,que les pertes du sol enregistrées dans le bassin versant duNekkor sont estimées à 7.900 t/Km2/an.

L'aménagement de l'espace forestier est assez faible, ce quiexpose le patrimoine forestier à une dégradation certaine,lourde de conséquence, en raison des prélèvements illégaux etanarchiques opérés par les populations rurales. La menace quipèse sur la forêt dans la région du nord est certaine, et lesimpératifs d'amorcer le développement de cette zone, sur unebase assez élargie, est une nécessité impérieuse, car lesproblèmes de la forêt et ceux de la population restentindissociables.

Sur le plan agricole, le bilan reste peu encouràgement, etl'amorce d'un véritable développement agricole parait fortdifficile, eu égard à une série d'écueils; nous retiendrons enparticulier:

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LEM ARO C MEDITE RRA NEE N, QUEL SEN JE UX ECO LOG 1QUE S ?

• l'enclavement des zones rurales;

• la forte pression démographique;

• l'insuffisance des infrastructures de base;

• l'intensité des phénomènes d'érosion et leur étendue;

• le caractère limité du potentiel agricole.Toutefois, cette région dispose d'un certain nombre d'atouts,qu'il importe d'exploiter de manière rationnelle afin d'atténuerla rigueur du milieu et améliorer les conditions de vie de lapopulation. Ceci a toujours été le souci permanent desdécideurs, qui se sont penchés au lendemain del'indépendance du pays sur le devenir de la région.

II. EXPERIENCES PASSEES : QUELLES LEÇONSPOUR L'AVENIR?

De part la diversité des difficultés et implications qu'elle soulèvesur le plan social et économique, la région du Rif a très tôtpolarisé l'attention de l'administration, visant à trouver unéquilibre indispensable entre le social et l'économique. C'estdans ce cadre qu'une série d'interventions ont été engagéesdans cette région.

En effet, nonobstant les opérations à caractère annuelles,menées par les différents services intervenant dans le domaineagricole, particulièrement, dans le cadre du code desinvestissements agricoles, les provinces du nord ont bénéficiéd'un certain nombre de programmes spécifiques etd'envergure. Il conviendrait, après l'achèvement de cesprogrammes d'en apprécier l'impact et recenser leurs limites.

1. Diversité et spécificité des interventions:

Ces opérations ponctuelles classiques de l'Etat n'ont eu qu'unimpact limité sur le développement de la région. Aussi, lesdécideurs, avec l'assistance technique et financière internationale,ont opté pour une approche novatrice, qui consiste en la réalisationde projets de développement multidimensionnels et globaux. Dansce cadre, nous retiendrons particulièrement trois expériences, enraisons de leur complémentarité et de leur spécificité d'approche.

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

1.1. Le projet DER R 0 :

Le projet de planification économique et de démonstrationdans le Rif occidental a été réalisé avec le concours,notamment, de la F.A.O. Son démarrage effectif a commencéen 1961, et cela pour une durée de 25 années. Lesparticularités de ce projet sont nombreuses:

• l'étendue de sa zone d'action, qui s'étend sur une superficiede 1.822.000 ha, couvrant toute la partie du massif rifain et unebande du prè-Rif ;

• sur le plan institutionnel, il Y a création d'une sorte"d'administration de mission". Il s'agit d'une structure légère,disposant d'une certaine autonomie pour rendre, en principe,son intervention plus rapide et efficace. L'administration detutelle est confiée au Ministère de l'Intérieur;

• le caractère intégré du projet, dans la mesure où l'interventiondéborde la composante agricole, pour toucher des aspectsautres qu'agronomiques, notamment économiques et sociaux;

• l'intervention est localisée au niveau des unités dedéveloppement rural (UDR) et périmètre de développementintégré (PDI), qui font l'objet d'études détaillées et d'unprogramme de travaux intégrés et complémentaires,s'échelonnant sur plusieurs années;

• sur le plan des techniques d'approche, l'action du DERROprivilégie l'approche participative des bénéficiaires directs, surla base de la sensibilisation et de la formation des agriculteurs.La composante démonstration occupe une placeimportanteDe manière globale, parmi les objectifs recherchéspar le projet DERRO, on peut citer:

- le développement des techniques de lutte contre l'érosion,en faisant appel aux techniques les plus récentes dans cedomaine, tenant compte du relief et de l'état du sol (DRS,Reboisement, reconstitution du couvert végétal ... ).

Quand l'intervention touche les terres melk, l'Etat accordait,en contre partie pour les propriétaires des terrains traités, unecompensation de 5 qx de blé/ha/an, durant 5 ans. Par lasuite, ces terres sont remises à leurs ayant droit;

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

- l'amélioration du cheptel par la distribution de géniteurs derace;

- le désenclavement par l'ouverture des pistes d'accès, afinde rendre accessibles certaines zones et créer des emploispour les jeunes ruraux.

- l'augmentation des revenus de la population, en agissant surles techniques culturales pour augmenter la productivité etcelà par l'adoption d'itinéraires appropriés, en sensibilisant lesfellahs à l'utilisation desfaeteurs de production de typemoderne.

Deux décennies plus tard une autre formule, plus novatrice, aété retenue.

1·2 Les projets de développement intégré

Il s'agit particulièrement des projet de développement intégréde l'aménagement du bassin versant du Loukkos et celui deFès-Karia-Tissa. Tous deux bénéficiant d'un financementextérieur.

]·2·] Projet du Loukkos:

Le projet a été spécifiquement élaboré pour lutter contre lesproblèmes rencontrés dans les zones montagneuses de larégion nord du Maroc, qui se distinguent par un faible potentiel,une démographie importante et un taux d'érosion très élevé.

Le projet qui est rentré en vigueur en 1982, avec le concoursfinancier de la BIRD, s'articule sur trois zones du bassin versant:

• le moyen Loukkos ou la vallée de Zaz, qui s'étend sur unesuperficie de 31 000 ha, avec un potentiel agricole modéré;

• le haut Loukkos, qui couvre une superficie de 15 000 ha,caractérisée par de fortes pentes et une érosion plus intense;

• la forêt d'lzarène, pour l'entretien des plantations déjàexistantes et la réalisation de nouvelles plantations.

Le choix de ces zones s'expliquerait par leur caractèrereprésentatif des différents milieux et potentiel dedéveloppement des montagnes du Rif.

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

En second lieu, les objectifs visés par le projet, consistent àtransformer le système d'agriculture, qui prévalait dans le bassinversant du Loukkos, écologiquement destructif, en un systèmedurable, en diminuant l'érosion des sols et en augmentant laproductivité agricole et les revenus des agriculteurs,

L'objectif secondaire est d'acquérir de l'expérience et d'utiliserle projet comme un projet pilote, qui pourrait être étendu àtoute la région du Rif,

Le projet a un caractère intégré dans la mesure où, en plus desdifférentes techniques agricoles visant l'amélioration de laproduction animale et la lutte contre l'érosion (cultures encourbes de niveau, bandes fourragères, etc ",), le projet s'estintéressé à d'autres composantes:

- une composante à caractère social (développement,écoles dans le milieu rural, multiplication et amélioration del'état des dispensaires, adduction d'eau potable) ;

- une composante à caractère économique (constructiondes marchés dans les villages et entretien des routes),

La complémentarité de ces actions devrait normalementfavoriser la réunion de conditions favorables à undéveloppement harmonieux de la zone d'intervention, enrecourant, notamment, à un encadrement plus intensif desbénéficiaires,

En effet, le projet a réservé une place importante à laparticipation des agriculteurs aux actions de la lutte contrel'érosion et au développement de système de gestioncollective,

1·2·2 Le projet Fès·Karia·Tissa (PKT)

Lancé en 1979 et achevé en 1990, ce projet couvre unesuperficie de 354,000 ha, dont 266,000 ha de S,A.U, et unepopulation de 280,000 habitants, dont 34,000 agriculteurs,répartis sur 18 communes rurales,

L'objectif principal consiste à améliorer les conditions de viedes agriculteurs, par le biais d'une augmentation de laproductivité et des revenus agricoles,

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

La réalisation de cet objectif central reposait sur quatre axesprincipaux:

• la conservation du sol et la lutte contre l'érosion, Elles portentsur environ 25 000 ha, avec l'utilisation de différentes techniquesanti-érosives ;

• l'amélioration de la production agricole et animale, enprévoyant un ensemble de mesures :

1. l'organisation d'un large réseau d'approvisionnement etde distribution de facteurs de production (guichets) ;

2. le développement de la mécanisation, tout en prévoyantles conditions nécessaires à la maintenance du matériel(ateliers de réparation au niveau des communes) ;

3. la généralisation du crédit agricole et l'assouplissementdes procédures de financement des exploitations;

4. la création d'une station de recherche agronomique quisert de laboratoire pour les démonstrations, prévues au profitdes agriculteurs;

5. le développement et l'introduction des culturesfourragères, notamment, le médicago.

• l'amélioration de l'infrastructure de base:

A ce niveau, le programme s'est intéressé à des composantesessentielles, comme:

- l'eau potable, avec la réalisation de deux réseauxd'adduction d'eau, répondant à environ 20% des besoins dela population des zones concernées (270 douars) ;

- la santé publique, avec la construction et l'équipement descentres de santé et des dispensaires;

- l'enseignement par la construction des salles de classes,des cantines et des logements pour les instituteurs;

- l'infrastructure de communication routière, grâce à laréfection de 245 Km de routes existantes et la constructionde 132 Km de nouvelles routes;

• la formation et l'encadrement des agriculteurs.

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GROUPEMENT DETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

Le projet a accordé un intérêt essentiel à la formation et àl'information des agriculteurs, afin de les faire participer auxdifférentes réalisations. Deux principes ont prévalu à ce niveau:

- l'amélioration du ratio d'encadrement, qui doit êtreramené de l pour l .200 à l pour 400 agriculteurs. Sur cettebase, une école d'agriculture, située dans la zone a pourmission de fournir les techniciens nécessaires à la réalisationdu projet;

- La mise au point d'un système de vulgarisation rationnel,visant l'amélioration du niveau technologique desagriculteurs, à partir des travaux de démonstration sur leterrain et des visites directs aux exploitations agricoles.

1-2-3 Les principales réalisations de ces projets

Les rapports d'achèvement de ces projets ont fait ressortir untaux de réalisation satisfaisant pour l'ensemble descomposantes, à savoir notamment:

le changement opéré dans les systèmes de cultures;

- les techniques de démonstration pour la lutte anti-érosive ;

- l'encadrement des agriculteurs;

- le renforcement des infrastructures de base.

2. Apport des interventions entreprises

La mise au point de ces projets a permis de :

• changer de stratégie, en accordant un certain intérêt audéveloppement des zones à économie fragile et défavorisée,

• noter le caractère limité de certaines actions sectorielles,entreprises dans le cadre du code des investissementsagricoles.

L'apport le plus saillant de ces projet se situe à plusieursniveaux:

- par la localisation d'un ensemble de moyens autour d'un mêmeobjectif;

- l'implication des agriculteurs concernés;

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

l'institution de comités en AMONT et en AVAL, pour dynamiserl'action administrative et faciliter la coordination entre lesdifférents inteNenants ;

- la sensibilisation des agriculteurs par l'amélioration du ratiod'encadrement et par la multidisciplinarité des techniciens;

- l'injection d'importants moyens (matériel de transport,construction de logements pour les cadres et techniciens, etmultiplication des centres d'encadrement, etc ... ) ;

On peut donc dire que la philosophie des projets intégrés visaità réunir les conditions nécessaires sur le plan économique etsocial, en vue d'amorcer le développement des zonesconcernées, tout en accordant une place prépondérante àl'homme, dont l'implication volontaire est un gage de succès.

" est indéniable que ces projets ont atteint un taux deréalisation relativement satisfaisant, il n'en demeure pas moinsque certaines insuffisances restent à relever.

3. Insuffisances et recommandations

Tout d'abord, il est important de souligner. d'une part. que lesprojets intégrés viennent à peine d'être achevés, d'oùl'insuffisance du recul nécessaire pour tirer tous lesenseignements de cette expérience, d'autre part, que la miseen œuvre et l'exécution de ces projets ont été perturbés par lasuccession de plusieurs années de sécheresse et les difficultésfinancières du Maroc au début des années 80.

3-1 Insuffisances et limites

• Bien que programmé dans les études de faisabilité, leprincipe du suivi et de la post-évolution n'a pas été respecté, àcause notamment de la complexité de ces projets;

• en dépit de l'institution de comités de suivi, la coordinationn'a pu être assurée de manière satisfaisante;

• l'insuffisance des moyens de motivation du personnel, bienque cet aspect ait été privilégié par les études préléminaires defaisabilité;

• le savoir-faire local, plus adapté au milieu, n'a pas été mis àprofit;

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GROUPEMENT D ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

• les réalisations à caractère physique ont largement primé surla vulgarisation, la formation et l'information des agriculteurs;

• l'absence d'autonomie de gestion, d'où lenteur, hésitation etperturbation sur le plan organisationnel, ce qui estcontradictoire avec l'esprit même du projet;

• le maintien et la continuité de certaines opérations, n'ont paseu les délais requis. Les effets réels du projet ne devant êtreressentis qu'à moyen et long terme;

• l'absence de souplesse au niveau des procéduresadministratives;

• la participation des agriculteurs n'a pas été suffisammentdéveloppée, ceci se ressent notamment au niveau de l'echecrelatif de leur organisation professionnelle et des opérations delutte contre l'érosion;

• l'organisation des circuits de commercialisation est restéelimitée, générant un manque à gagner pour les producteurs;

L'énumération de ces insuffisances ou lacunes ne doitnullement occulter l'apport de ces projets, notamment dansleur vision integrée du développement, qui constitue unepremière dans ces zones à économies fragiles et défavorisées.Bien au contraire, cette expérience a permis de disposer d'unsavoir-faire qui pourrait servir de base pour amorcer d'autresprojets dans de meilleures conditions.

3·2 Quelques enseignements pour l'avenir

Dans le contexte actuel, le modèle "P.o.!." présente une bonnealternative d'intervention dans les zones comme le Rif, àcondition d'ajuster le tir. Les expériences vécues étant richesd'enseignement.

• L'aspect institutionnel

- création d'une structure adaptée;

- décentralisation du processus décisionnel;

- création d'une structure de suivi;- dynamisation du rôle des organisations professionnelles desagriculteurs en les impliquant, en tant que partenaires à partentière.

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

• L'aspect organisationnel

- Assouplissement des procédures administratives et financières,eu égard à la spécificité des modes d'interventions;

- motivation de l'élément humain, tant au niveau du personneltechnique et administratif, qu'au niveau des agriculteurs.

III - MESURES PRECONISEES DANS LE PROGRAMMEDE DEVELOPPEMENT DES PROVINCES DU NORD

1. Objectifs et stratégie

Compte tenu des différentes considérations sus-citées et à lalumière des expériences menées, aussi bien dans les provinces dunord, que dans d'autres régions du Royaume, notammentl'expérience des "PD.!.", l'approche globale et intégrée permetde répondre le mieux à la problématique du développement deszones de montagnes défavorisées, comme le Rif. Les objectifsprincipaux visés par le programme public sur le développementdes provinces du nord reposent sur les élements suivants:

• l'augmentation et la stabilisation du revenu des populations,principalement celui des ruraux;

• l'amélioration du cadre de vie des populations concernées,notamment par le désenclavement de la zone et par leurpossibilité d'accès aux services socio-économiques de base;

• la conservation des ressources naturelles et la protection desinfrastructures publiques.

Pour atteindre ces objectifs, les efforts devront être portés sur lesaxes d'interventions suivants:

a· La mise en valeur du potentiel agricole existant de la région grâce notamment à :

• la consolidation et à l'extension des superficies irriguées,compte tenu de leur impact sur le développement local etrégional;

• l'intensification de la production agricole (végétale et animale),par l'exploitation adéquate des dotations naturelles de la région;

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

• la mise en valeur des terres à vocation forestière pour laproduction, notamment, du bois d'oeuvre.

• la valorisation de la production agricole et forestière.

b- Le renforcement du potentiel de production de la région

• La région présente dans sa partie orientale des disponibilitésrelativement importante en terres, dont la mise en valeur estlimitée à cause de l'aridité du climat et l'insuffisance desressources en eau. La partie occidentale est en mesure dedégager un excédent.

Un transfert d'eau d'une sous-région à une autre est doncpossible et souhaitable. Il peut aider à augmenter la productionagricole à l'échelon national et régional;

• par l'amélioration des structures foncières de cette partie duMaroc.

c- Assurer une production et un développement durable, par la mise en oeuvre

d'un programme d'envergure de lutte contre l'érosion, notamment au niveau

des bassins versants.

d- Cette stratégie pour être efficiente, suppose la réalisation d'uneinfrastructure minimale de base pour d'une part, le désenclavement des zones

de production, et d'autre part, pour faciliter l'accès à l'eau potable, à l'éléctricité

et autres services socio-éducatifs.

2 . Programme d'intervention

En ce qui concerne le programme d'interventions agricoles, ilest le produit des propositions faites au niveau local. Il vise àrépondre aux besoins immédiats des populations. Ceprogramme comprend 5 composantes principales:

a) l'irrigation;

b) les pistes rurales;

c) la mise en valeur agricole;

d) le développement forestier et la conservation des sols;

e) le développement de l'élevage.

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECO OGIQUES ?

L'essentiel de ce programme concerne:

- Irrigation- Pistes rurales et forestière s- Amélioration foncière- Remembrement- Plantations fruitière s- Plantations forestière s- Aménagement des bassins versants- Aménagement sylvo-pastoral- Création de points d'eau

95.000 Ha5.000 Km60.000 Ha43.000 Ha

200.000 Ha50.000 Ha

125.000 Ha220.000 Ha900 Unités

Malgré son importance, ce programme demeure modeste, euégard aux besoins de cette région, pour la mise en valeur et laconservation des ressources naturelles.

Pour la réalisation des opérations envisagées, les investissementsprévus s'élèvent à 11 A Milliards de dirhams.

La répartition de ce montant, selon les principales composantess'établit comme suit:

Milliards (DH) (%)- Irrigation et pistes rurales 3,2 28- Développement forestier etconservation des sols 3,1 27

- Mise en valeur agricole 1 2 Il- Développement de l'élevage 0 5- Actions d'appui 0,4 4- Etudes techniques et sodo-économiques 0,2 2- Imprévus (physique et financier) 2,7 23Total 11,4 10

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3. Les impacts attendus

Les effets escomptés au niveau de la zone, portent notammentsur l'amélioration du revenu des populations rurales, laconservation des ressources naturelles et la protection desinfrastructures publiques.

En principe, l'amélioration des revenus résultera del'intensification de la production agricole, notamment par :

• l'intensification des assolements, l'entretien et l'extension desplantations fruitières, l'amélioration foncière et l'accroissementde la production animale;

• l'introduction et la reconstitution de certaines spéculationsproductives, telles que la sériciculture, le noyer, le vignoble, lesrosacées ainsi que les cultures sous serres;

• l'exploitation de tout le potentiel irrigable, en usant destechniques modernes d'irrigation (le goûtte à goûtte, parexemple) ;

• le désenclavement de la zone, par le développement d'unréseau de pistes et l'intensification de l'encadrement,permettant d'améliorer les conditions de production et decommercialisation des produits agricoles,

L'amélioration des revenus peut résulter également de lacréation d'emplois à l'occasion de la réalisation des différentesactions prévues par le programme et par la création de P,M.E.et P,M.I. dans la zone,

Ainsi on estime que la réalisation du programme d'actionpermettra:

- l'offre de 50 000 emplois permanents;

- la création sous forme d'emplois temporaires de 90 millionsde journées de travail durant les 5 années du programme;

- l'augmentation de la production agricole et forestière de20% environ,

En ce qui concerne la conservation des ressources naturelles etla protection des infrastructures publiques, les interventionsproposées en matière de développement forestier etl'aménagement des bassins versant permettront:

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- la conservation des sols et l'amélioration de leursproductivités;

- la sauvegarde et le développement du potentiel deproduction des forêts;

- la conservation de la diversité biologique, aussi bienanimale que végétale;

- la réduction de la torrencialité des cours d'eau et lapréservation de la qualité de l'eau;

• la protection des infrastructures hydro-agricoles et socio­économiques, contre l'envasement ou les inondations.

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Conclusion

De par la population concernée, la superficie touchée etl'ampleur des difficultés à surmonter, le développement desprovinces du nord, est une opération de grande envergure quinécessite une stratégie adaptée aux spécificités humaines,naturelles et économiques de cette région.

L'agriculture peut être un secteur inducteur du développementde cette région, en raison des effets d'entraînement qu'elle estsusceptible d'engendrer sur les autres secteurs, d'où nécessitéimpérative d'une vision intégrée, de nature à mobiliser toutesles volontés et potentialités, pour amorcer le développementde cette région.

Par ailleurs, cette approche s'inscrit en toute logique dans lecadre de la régionalisation et son corollaire, la décentralisation,qui reste le mode de gestion de l'espace le plus approprié, enimpliquant tous les opérateurs économiques et les acteurspolitiques et institutionnels.

En effet, le développement agricole ne peut être conçu demanière isolé. La réussite de tout plan d'action est largementtributaire des mesures d'accompagnement, notamment auniveau de l'infrastructure de base, à savoir notamment,l'adduction d'eau potable, la santé et l'enseignement.

Le modèle P.o.!. "amélioré" peut être adopté comme moded'intervention avec des chances réelles de succès, à conditionde l'étendre à l'ensemble des partenaires.

Pour ce qui est de l'agriculture et s'agissant d'une zonemenacée de dégradation, en dépit de l'importance del'intervention envisagée, il est nécessaire de rendre durable etdiversifiée la lutte anti-érosive, pour sauvegarder l'équilibreexistant et aussi sensibiliser les populations concernées sur lebien fondé d'une telle entreprise. Mais il faut convenir que cetobjectif ne peut être pleinement atteint qu'en fonction desalternatives offertes et de la participation volontaire, effectivedes populations concernées.

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

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La grande encyclopédie du Maroc - Agriculture et Pêche ­

Ouvrage collectif Février 1988 -

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La forêt marocaine: droit, économie, écologie.

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Lorsqu'on fait sur les estimationsdes investissements prévus par lespouvoirs publics en vue de réaliserles projets de développement desprovinces du nord, il ressortrapidement que 50% environ desfonds totaux inscrits à titreprévisionnel seront ou seraientconsacrés, ou alloués audéveloppement agricole intégréd'une part, et à ce qui est appelédans les documents, "productionagricole", d'autre part.

Comment faire alors pour que cettenouvelle étape d'investissements

intensifs prévus pour cette région rapporte plus que lesinvestissements consentis par les pouvoirs publics jusqu'àaujourd'hui, en sauvegardant, voir en rétablissant les équilibresécologiques de cet écosystème fragile des jeunes montagnes duRif, avec leurs deux ailes de plaines et plateaux, de l'est et del'ouest.

Il n'y a pas, il n'y aura pas de miracle dans ce domaine! On nepeut d'ailleurs inventer l'impossible pour des milieux aussicomplexes et diversifiés, mais, on peut tendre vers cetimpossible.

En effet, les expériences précédentes d'intervention massivepour le développement ou la sauvegarde de l'environnementde cette région, ont montré ce qui "passe" et ce qui "ne passepas" auprès des populations et du milieu naturel. Lesexpériences des projets Derro, Loukkos, Fès-Kariat-Tissa, tellesque présentées par les rapporteurs, sont suffisammentinstructives, pour permettre de bâtir des interventions nouvelles,nanties de la richesse de ces expériences. C'esf ce que les

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intervenants nous proposent en faisant référence aux POl(Périmètres de Développement Intégré). Ma conviction estgrande que c'est là le point de départ, mais qui devraconnaître de substantielles améliorations.

L'enseignement à tirer est que les futurs apports et interventionsdes pouvoirs publics se doivent d'être intégrés: intégration desinvestissements productifs avec l'agriculture comme moteur àlong terme, et intégration des acteurs (éleveurs, agriculteurs)aux investissements.

Ainsi, le succès des futurs programmes prévus pour cette régiondépendra du mode de gestion à appliquer, à imprimer àl'intervention des développeurs (pouvoirs publics).

C'est un travail par projet qui doit être mis sur pied: c'est à direun espace dominable, des acteurs, des moyens matériels etfinanciers bien identifiés, un temps déterminé.

Autrement dit, une formule d'homme pionniers travaillant pourdes acteurs ayant volontairement accepté de participer auxprojets, respectant le plus possible les éléments suivants :

• les équipes formées par ces "pionniers du terrain" seraient deséquipes réduites, multidisciplinaires, ayant la maîtrise de leursdomaines de spécialité;

• Cet espace d'intervention sera un espace limité pour êtredominé par l'équipe. Ce sera un espace-cas, qui seraprofondément étudié sous tous ses aspects pour permettre quel'action soit basée sur une connaissance parfaite desinteractions des hommes et de leur environnement;

• les moyens matériels et financiers seront spécifiques, calculéspour être en mesure de répondre aux tâches imparties auxintervenants et autres acteurs.

• Les techniques à mettre en oeuvre seront appropriéesdécoulant des investigations faites par les pionniers enassociation avec les acteurs, pour déboucher sur un systèmed'exploitation et un système de production (culture, élevage)adaptés à l'espace-cas.

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• Quant aux technologies, elles devront impérativement êtredu type "micro", s'intéressant à des productions de petitestailles, transformables, comme le petit élevage, produits laitiers,sériciculture, etc ...

• Les intrants végétaux et animaux doivent également êtrespécifiques à la région pour permettre la productivité optimaleà la fois de l'arbre, de l'espèce annuelle ou vivace et del'animal. L'arbre sera le végétal approprié dominant dansl'ensemble du système d'exploitation, afin d'améliorer laprotection de l'environnement, en particulier contre les effetsde l'érosion.

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Troisième Partie:Développement touristique,

urbanisation du littotalméditerranéen et environnement

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INTRODUCTIONPrivilégiant la relation environnement/développement, l'étude desproblèmes d'environnement orientesouvent la réflexion vers une analysesectorielle. Or, la compréhension desenjeux écologiques gagnerait à êtremenée également à l'échelle dumilieu. L'écosystème littoral est à cepropos l'un des milieux les plustouchés, mais qui a été jusqu'ici peuappréhendé.

Le peu d'intérêt accordé au Maroc à l'environnement côtierpeut s'expliquer par le fait que le littoral marocain, comparéaux rivages d'autres pays, apparaît comme un espace encoresous-occupé. En effet, en dehors de quelques zonesdensément utilisées, comme la zone comprise entre Rabat etCasablanca, ou la baie de Tanger et ses environs, ou celled'Agadir, ou enfin le littoral de Tétouan, le reste des côtesmarocaines est encore vide. Mais les rythmes et les processusd'occupation de ce littoral par les différentes activités sont tels,qu'il est souhaitable que des mesures énergiques soient prisespour que l'occupation future des zones côtières, encorevierges, soit plus rationnelle.

En effet, outre une littoralisation de plus en plus nette du fait dutourisme, qui fait que les implantations se font de préférence surla côte, d'autres activités viennent se localiser également surce trait de côte. Or, s'il est admis aujourd'hui que le littoral estpartout dans le monde un milieu fragile, à l'équilibre précaire,les côtes marocaines sont des écosystèmes fortement sensibles,qui peuvent se dégrader de manière irréversible s'ils font l'objetd'interventions maladroites. Ces dégradations sont parfois très

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coûteuses à réparer et des investissements lourds peuvent êtreainsi définitivement perdus,

Pour revenir aux rivages du nord marocain, on peut constateren les parcourant, que les atteintes touchant à l'équilibre dusystème côtier font partie intégrante des problèmesd'environnement que connaît le Maroc, et autour desquels secristallise l'opinion publique actuellement, Ces atteintes serapportent aux diverses pollutions touchant les eaux et les aires,ainsi qu'à la dégradation et à la surexploitation des ressourcesnaturelles. Malheureusement, si les responsables, les chercheurset les moss-médias abordent ces atteintes dans différentsmilieux, il est rare que le littoral soit pris en compte, en tant quemilieu spécifique, pour analyser ces atteintes.

La dégradation du milieu naturel du littoral méditerranéenmarocain se fait par le biais de l'urbanisation excessive, rapideet parfois anarchique, A l'origine de cette urbanisation, lesactivités touristiques, qui se limitent dans le nord au trait de côte,ainsi que les retombées de l'émigration internationale, qui touten se diffusant à l'intérieur des montagnes rifaines, seconcentrent de manière préférentielle sur le rivage,

I. LES ZONES LITTORALES MAROCAINES CONSTITUENTDESORMAIS UN ESPACE FORTEMENT SOLLICITE1. Basculement des centres d'intérêt économique de l'intérieur versles côtesLes pressions qui s'exercent sur le littoral méditerranéenparticipent à la pression généralisée, subie par toutes les zonescôtières marocaines, En effet, le basculement de toutes lesforces vives du pays de l'intérieur vers les rivages, commencé ily a 40 ans, se poursuit de nos jours à un rythme soutenu,entraînant une surcharge, parfois insupportable,

Si durant les siècles passés les peuples du Maghreb ont su tirerprofit de la mer, grâce notamment au rôle d'intermédiairequ'ils ont joué entre l'Afrique d'une part et les ports européensde la Méditerranée, à partir du XVI siècle, d'autre part, la côtedevient une zone répulsive. Les tentatives d'implantation sur celittoral des portugais et des espagnoles le transforment en une

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ligne défensive. Ces têtes de ponts, où les européens ont réussiparfois à se maintenir pendant de longues périodes, ont fait dulittoral, pendant les siècles suivants, un "espace deconfrontations et non une base de contacts et d'échanges; ilest ponctué de marabouts ayant animé la défense du pays, etde forts assurant jadis sa défense" (Naciri, 1985). Les rapports dumarocain avec le littoral sont restés longtemps chargés de cespesanteurs historiques qui ont marqué le subconscient collectif.

C'est donc avec la pénétration européenne, à partir du débutdu siècle, que le littoral commence à exercer une attraction surles hommes et les structures économiques. Mais cetteattraction s'accélère rapidement depuis les années cinquanteavec, à partir de la décennie soixante-dix, un rythme assezsoutenu. Les secteurs économiques les plus modernes enconvoitant et en accaparant les sites littoraux, attirentmassivement la population de l'intérieur.

Attirant populations et forces de production, le littoral voit sedévelopper les agglomérations urbaines les plus envahissanteset consommatrices d'espace: le Grand Casablanca, le GrandAgadir, Le Grand Nador se développent en front de mer,empiétant sur le domaine strictement côtier. L'industrie selocalise aussi de manière préférentielle au bord de la mer etsous-tend une urbanisation envahissante. Activité récemmentimportée, le tourisme international est venu accuser cetteconcentration littorale, tout en rentrant partois en conflit avecles autres activités économiques. La majorité des visiteursétrangers se dirigeant vers le Maroc est avant tout attirée parles séjours au bord de la mer, les tours opérateurscommercialisant de préférence les produits balnéaires. De cefait et malgré la diversité des produits touristiques marocains, onassiste à une concentration progressive dans l'espace de l'offreet de la demande et à un basculement du tourisme marocainvers le littoral. Ce dernier concentre désormais 69% de lacapacité totale en lits classés et 67% des nuitées hôtelières.Recevant depuis les années soixante des milliers de touristesétrangers, le littoral marocain a été récemment découvert parles marocains eux-mêmes. Le tourisme national est en effet, trèsmarqué par un tropisme balnéaire. Plus de 60% des séjourstouristiques sont attirés par le littoral. Celui-ci est, de ce fait,

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fortement sollicité bien que non suffisamment équipé poursupporter cette charge.

e est dans ce cadre que le littoral méditerranéen, longtempssous-occupé, a fait son apparition sur le marché touristiquemondial à la fin des années soixante, ce qui entraîne uneurbanisation accélérée de son trait de côte. Mais l'urbanisationdu littoral méditerranéen n'est pas due uniquement autourisme, loin de là.

2. Le littoral méditerranéen marocain subit une double pression: letourisme et rémigration internationale

a) le choix du tourisme pour une région en difficultés (1)

Au lendemain de l'indépendance, Tanger connaît un marasmesocio-économique dû à la baisse des activités héritées durégime international. La côte méditerranéenne, elle, souffraitd'un enclavement naturel, historique et économique. Ladorsale calcaire du pays Jbala ainsi que les hautes crêtes duRif, s'ajoutaient aux séquelles de la coupure politique sous lesdeux protectorats (réseau routier nord-sud embryonnaire), pourisoler le littoral du reste du pays. La vie économique était baséeessentiellement sur une agriculture traditionnelle et vivrière :céréaliculture dans les plaines et polyculture à dominantearboricole sur les collines. Elle souffrait, par ailleurs, d'unefaiblesse des activités maritimes, avec de faibles prises depoissons (les plus forts tonnages étaient acheminés vers Sebtaet Melilla), un trafic portuaire presque nul, l'absence d'un portrégional et d'une ville littorale, AI Hoceïma, principal port depêche, manquait d'équipements et de débouchés. Nadoravait - et a encore de nos jours - une activité surtout deravitaillement, les importations l'emportant sur les exportations.

Devant cette situation difficile, aggravée vers l'est par de trèsfortes densités de population, le planificateur découvre les

Cl) Nous ne reviendrons pas en détail sur les étapes du développementtouristique sur la côte méditerranéenne; pour plus d'informations, cf. notrecontribution "le tourisme sur la côte méditerranéenne, aménagement touristiqueou promotion immobilière?" in Le Maroc méditerranéen, la troisième dimension.Publications du GERM - Editions Le fennec, 1992, pp. 121 - 162.

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atouts d'un rivage méditerranéen susceptible de drainer uneclientèle étrangère et par voie de conséquences, de sortir larégion du nord de sa léthargie et de son enclavement. C'estainsi que la côte méditerranéenne est choisie pour recevoir lespremières implantations destinées au tourisme international etla ville de Tanger est équipée, afin de garder une partie des fluxinternationaux transitant par son poste-frontière.

Mais contrairement à ce qui a pu se passer sur certains rivagesdu nord de la Méditerranée, où le tourisme est apparu, parfois,de façon plus ou moins spontanée, les aménagementstouristiques de la côte méditerranéenne marocaine sont lerésultat de l'intervention de l'Etat, qui a choisi au cours desannées 1960, le tourisme, comme moyen de développementrégional. Depuis, l'espace touristique littoral a connu uneévolution qui, bien que relativement courte, dégage troisphases bien distinctes:

• De 1965 au milieu des années 70, on note une interventioncontinue de l'Etat, à la fois pour inciter le secteur privé à investirdans la région, mais aussi en tant qu'aménageur et investisseurdirect. C'est la phase du tourisme international qui voitl'apparition d'une série de stations balnéaires dans des zonesvides de toute installation humaine le long des côtesméditerranéennes et le lancement de la SNABT dans la baie deTanger.• Mais après l'euphorie des premières années, cette phase setermine par un ralentissement puis un arrêt presque total desinvestissements. En outre, le tourisme international ne joue pascomplètement le rôle qu'on attendait de lui.

• A partir du début des années 1980, certaines stations dulittoral méditerranéen marocain voient l'arrivée en force dutourisme national et la reprise du mouvement des constructions.Ceci concerne essentiellement le littoral de Tétouan et la baiede Tanger. Mais si lors de cette troisième phase on assiste auremplacement progressif de la clientèle étrangère par destouristes nationaux, et si les effets du tourisme sur la région sefont plus sensibles, la tendance à substituer des programmesimmobiliers aux aménagements touristiques aboutit à ladégradation du littoral.

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La projection spatiale de cette évolution se traduit par lanaissance sur la côte de Tétouan, d'une série de stations:Capo Negro, Mdiq, Kabyla et Restinga, Espacées les unes desautres lors de la première phase, ces stations se rapprochent àgrande vitesse, au fur et à mesure qu'avançait l'occupationdes espaces encore vacants. Sur les rivages du Rif central, AIHoceïma reçoit également des installations importantes, alorsque les côtes du Rif oriental restent à l'écart de l'espacetouristique marocain. Ainsi le type même du tourisme retenupour le Maroc du nord fait que la pression va s'exerceressentiellement sur le littoral: sur un total de 18 455 lits, 90 % setrouvent sur la côte. Localisée le long du littoral, cette capacitéd' hébergement se concentre également dans certainssecteurs: Tanger et le littoral de Tétouan, disposent de 82,4% dela capacité implantée sur les rivages méditerranéens. On peutainsi diviser le littoral méditerranéen marocain en troisprincipaux secteurs:

- la côte méditerranéenne occidentale:

Avec la baie de Tanger et le littoral de Tétouan, c'est le littoralle plus équipé en infrastructures touristiques et qui reçoit le plusde flux: il a fait l'objet des interventions les plus importantesdepuis 1965-67, interventions relayées aujourd'hui par unsecteur privé, confondant parfois aménagement touristique etpromotion immobilière.

. la côte méditerranéenne centrale:

Elle correspond aux côtes des provinces de Chefchaouène etd'AI Hoceïma. C'est le littoral le plus enclavé, le moinsurbanisé et le moins touché par le tourisme - du moins dans saforme planifiée - Ce littoral satisfait une demande émanantdes classes moyennes et populaires, qui fréquentent lesplages au sud de Martil et la plage de l'oued Laou. Uneexception toutefois, AI Hoceïma a bénéficié d'investissementslors du plan triennal de 65-67, mais qui sont restéspratiquement sans suite.

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. La côte méditerranéenne orientale:

Elle correspond aux rivages des provinces de Nador etd'Oujda. Les équipements y sont à leur début (Saïdia). Mais sice littoral semble s'orienter vers un tourisme local (Maroc dunord-est) et régional (tourisme algérien en liaison avec lecommerce parallèle de Melillia), il s'urbanise à une vitessevertigineuse, suite aux investissements des résidents marocainsà l'étranger (RME), posant aux collectivités locales desproblèmes de gestion insurmontables.

b) Principale région de départ de l'émigration internationalequittant le nord du Maroc, le Rif oriental est également leréceptacle des investissements des R.M.E.

Parmi les régions rurales traditionnelles marocaines, le Riforiental représente, chronologiquement, la seconde grandezone de recrutement des émigrés en direction des payseuropéens. Dans la période 1970-1973, cette zone a occupé lapremière place pour ce qui est du nombre absolu de départs.Le Rif oriental est en effet, marqué par un faible potentielnaturel. Mais malgré la menace permanente de la sécheresse,malgré la marginalisation qui l'a longtemps frappé, le Riforiental reste un pays fortement peuplé. Les densités dépassentpresque partout. même en montagne, 100 hab/km 2 et onrencontre des secteurs où les densités sont de l'ordre de 300­400 hab/km 2 . Ces fortes densités sont d'autant plussurprenantes que l'économie agro-pastorale traditionnelle quiles supportait. était à caractère extensif et souffrait desmenaces d'érosion et des risques de sécheresse. L'impactcolonial fut totalement négligeable et explique le retard quantaux équipements de base et le cloisonnement marqué quicaractérise encore de nos jours la région. La migrationsaisonnière vers l'Algérie et l'intérieur du pays s'installe très tôt,puis avec la colonisation de l'Algérie, la main-d'oeuvre localea pris l'habitude de se diriger vers les fermes de la colonisationfrançaise. A partir des années soixante, les flux migratoires, desaisonniers ou temporaires, deviennent définitifs ou pluriannuelset s'orientent dorénavant vers l'Europe, avec une grandediversité dans l'orientation de ces flux migratoires: au lieu d'une

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orientation dominante vers la France, comme c'est le cas duSouss, c'est vers la Hollande, la R.F.A et la Belgique que sedirigent la majorité des émigrés,

Cette émigration a un impact très sensible sur la région par lebiais des revenus distribués au niveau local et régional. Mais laconséquence la plus spectaculaire des retombées de cestransferts reste la croissance urbaine. Pour saisir l'importance deces mutations, il faut rappeler l'absence de tradition urbainedans la montagne rifaine, la naissance de villes remontant àune époque relativement récente, datant du Protectorat.Cette urbanisation de l'époque coloniale n'a atteint que deuxsites côtiers (Nador, AI Hoceïma), Or, sous l'effet de l'émigrationinternationale, on relève deux types de processus qui serejoignent d'ailleurs:

• D'un côté, la campagne rifaine va voir le développementd'une micro-urbanisation(2). Il s'agit d'une évolutionspectaculaire que connaissent des noyaux villageois sous l'effetdes investissements des R.M.E. dans l'immobilier. Ayantbénéficié des équipements collectifs implantés par l'Etat,certains souks ont pu attirer les investissements entrepris par lesémigrés marocains, originaires du Rif,

• De l'autre côté, les anciens noyaux urbains de l'époquecoloniale vont connaître une croissance urbaine spectaculaire,Nador enregistre une croissance spatiale anarchique etbrutale. Il est devenu aujourd'hui difficile de savoir oùcommence la ville et où finit la campagne. Le gonflement decentres satellites rapproche à grande vitesse les distances entreces agglomérations périphériques d'une part et la ville deNador d'autre part, le tout étant désormais dénommé"Le Grand Nador".

(2) M. Berriane, "émigration internationale du travail et micro-urbanisation dans leRif oriental: cas du centre de Taouima (région de Nador, Maroc)", sous presse.

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II. LES FORMES D'URBANISATION DU LITTORALMEDITERRANEEN MAROCAIN

• Une urbanisation légale du trait de côte

a) Le littoral de Tétouan: bientôt un mur de béton de Mdiq à Fnideq

Au nord du pays et le long du littoral de Tétouan, nous assistons àun processus d'urbanisation soutenue du littoral. Là, c'est le choixdu tourisme international qui est à l'origine de cette durcificationdu front de mer. Après l'échec réel de l'implantationd'équipements destinés au tourisme de masse d'origineeuropéenne, le relais a été pris par les nationaux qui se lancentdans des "opérations immobilières à caractère touristique".

La côte tétounaise retient l'attention par l'urbanisationexcessive de la bande côtière. Le littoral est fortement construitou en voie de l'être, la vue sur la mer étant l'objectif essentielde beaucoup de résidents. Les espaces vierges ne serencontrent plus qu'en de très rares endroits. Une privatisationde fait intervient sur des dizaines de kilomètres, alors que nousnous trouvons à proximité d'importantes agglomérations dontles habitants ont besoin d'espaces publics libres pour lesévasions de week-end. Cette urbanisation est pourtant tout àfait légale, puisqu'elle se fait dans le cadre d'opérationsd'aménagement touristique officielles.

Il y a dix ans, nous avions insisté sur le caractère ponctuel desimplantations touristiques de la côte de Tétouan (Berriane,1980). Les installations touristiques n'occupaient au total que le1/102 de la côte, dessinant ainsi un linéaire discontinu, entre lerivage et la route principale 28.

Dans le détail, les aménagements annoncés ou en cours,frappent par leur aspect fortement linéaire. Ils s'inscrivent tousdans la bande de terre comprise entre la côte et la RP 28. Leprojet de MARINA-SMIR pouvait avec un peu d'imagination, seprêter à un aménagement original prenant appui sur la marinaet le lac artificiel prévus pour se développer en profondeur versl'intérieur des terres. Il se distingue en fait par une banalelinéarité continuant celle de RESTINGA-SMIR que nous avions

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critiquée vers la fin des années 1970 (Berriane, 1980).S'articulant autour d'un port et d'un plan d'eau, il aligne surtrois kilomètres de plages, hôtels, villas, appartements etcomplexes sportifs. Le seul élément, cassant quelque peu cettemonotonie, est le village du port qui s'inspire de l'agencementet de l'architecture des médinas et se présente sous une formeramassée et non étalée. En matière d'aménagement deslittoraux, la notion d'aménagement dit en profondeur estencore ignorée sur le littoral méditerranéen (3) ;

Si l'équipement de la côte et de la Péninsule Tingitane continueselon ce type d'aménagement et avec le nouveau rythme desconstructions, il aboutira rapidement à l'urbanisation totale etcontinue de tout le littoral compris entre M'diq et Rio Negrodans un premier temps, et Martil et Fnideq dans un deuxièmetemps,

En effet, vu les projets en cours de réalisation, le littoral comprisentre le centre de M'diq au sud et les environs de l'embouchurede l'oued Negro au nord ne comportera plus que quelquesrares fenêtres sur la mer, Celles-ci sont appelées à disparaître siles projets déposés pour agréments sont retenus et réalisés. Lesregards se tournent déjà au sud de Martil en direction d'Azila,d'Amsa et au delà de ces vallées de proximité, en direction deOued Laou. Les premiers projets dont la localisation est prévuede l'autre côté de la RP 28 ont déjà fait leur apparition. Il s'agitdu projet dénommé AI Fraja (6 000 lits), prévu en face ducomplexe de Maroc-Tourist à Restinga, et celui appelé DaouraCl 600 lits) qui sera implanté au Nord du Rio Negro. L'ONA enfin,a déjà lancé les travaux du projet Koudiat Skirej.

Ce processus d'urbanisation a été décrit par ailleurs (4). Notonsseulement, que seul le littoral compris entre Cabo Negro aunord et Martil au sud, semble encore loin de la saturation. Maissi l'espace compris entre ces deux derniers centres n'est

(3) Ce n'est pas le cas dans la baie d'Agadir où l'aménagement de l'unitéde Founti appelée, désormais, Palm Bay, pénètre vers l'intérieur et loin durivage, tout en s'appuyant sur ce dernier.(4) Berriane, l'aménagement touristique du littoral de Tétouan, in "aménagementlittoral et évolution des côtes : l'environnement des côtes marocaines en péril",publication du Comité National de Géographie du Maroc, 1993.

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encore concerné par aucun projet, l'extension spatiale deCabo Negro d'un côté et de Martil de l'autre, convergent versle même point le long de la côte.

2. Une urbanisation du littoral non réglementaire :

• Le littoral du Détroit: une urbanisation non réglementaire de plagesminuscules

La demande en résidences balnéaires se dirige aussi et de plusen plus vers des sites non contrôlés et échappant à touteintervention des pouvoirs publics. Dans ces cas, les atteintes aucadre naturel sont encore plus graves. Dans les environs deTanger, à la demande locale, vient s'ajouter celle des estivantsvenant des autres villes et une pression assez forte s'exerce sur lespetites baies du détroit. Ces dernières, abritées du chergui grâceà la succession de plusieurs caps, sont le débouché de valléesqui se terminent par des plages souvent de grande qualité.L'urbanisation sauvage de plusieurs de ces plages, situées entrele cap Malabata et Ksar Sghir est assez poussée. Encadrées parles reliefs, ces plages sont généralement trop étroites: 60 mètresde largeur pour la plage de Khankouz, 50 mètres pour celle deDar labrous, 30 pour celle de Merkala. Or, les constructionssouvent de fortune, durcifient le pied des versants tout enenvahissant les plages et en mordant sur le domaine maritime telque le délimitent les textes. C'est ainsi qu'une centaine derésidences secondaires s'éparpillent entre Malabata et Ksar Sghirsans le moindre contrôle des services compétents. La demandeest telle qu'un plan d'aménagement de la côte du détroit a étéjugé nécessaire. En attendant sa réalisation, les autorités localesinterdisent toute nouvelle construction. Mais l'éloignement de laville des sites en question et le manque de moyens efficaces decontrôle, doublés de la connivence des services techniques etadministratifs, font que le mouvement de constructions, bien queralenti, ne s'arrête pas. L'un des signes les plus voyants de cettetendance est la multiplication des clôtures en fils de fer barbeléou en murs de construction sur des versants qui jusqu'à cesdernières années n'avaient aucune valeur. Urbanisation sauvagede belles plages ainsi soustraites au patrimoine naturel du pays,privatisation de fait du domaine public, atteintes à l'équilibre despetites plages, très fragiles, et amorce d'une spéculation qui

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s'attaquera aux autres sites, sont les principales conséquences decette invasion.

A partir de Ksar Sghir, une autre conséquence non moins graveapparaît. Il s'agit du mitage d'un espace agricole fort limité. Lespaysans de la plaine côtière de Ksar Sghir, une fois les récoltesterminées, louent des parcelles agricoles aux campeurs. Ilsvendent également de l'eau des puits et des légumes frais.L'intervention des courtiers de la ville les pousse parfois aussi à sedessaisir d'une parcelle agricole qui est revendue à descitadins. Des résidences secondaires poussant de manièreanarchique se développent à un rythme relativement rapideaux dépens des terres de cultures. Au centre de Ksar Sghir, dotéd'un plan d'aménagement, programmant une station derésidences secondaires individuelles et semi-collectives, plusieurspaysans-propriétaires ont déjà abandonné leurs activités,convertissant leurs terres en friches sociales.

Plus à l'est, la situation est encore plus grave. Rappelons quepar opposition au littoral compris entre Sebta et Martil quijusqu'à maintenant a attiré l'essentiel des investissementstouristiques de la côte méditerranéenne, la zone allant deMartil à Oued Laou est plus ou moins marginalisée. Elle est faitede vallées s'ouvrant sur la mer par des plaines souvent étroites,où les habitants vivent d'une agriculture irriguée et d'untourisme national prenant de l'importance d'année en année.Or le développement de ce tourisme se traduit par uneurbanisation anarchique se faisant au détriment des terresagricoles des plaines. A Oued Laou, le périmètre traditionnel,ainsi que le centre ont bénéficié de quelques améliorations:modernisation du réseau d'irrigation et ouverture en 1981 d'uneroute permettant une liaison rapide avec Chefchaouène, ledésenclavement du souk et la confirmation de son rôle decentre d'échanges entre la montagne rifaine, la côte et lesvilles régionales. Mais ce désenclavement a augmentésubitement le flux des touristes nationaux, plus ou moins chassésde la côte tétouanaise. Au départ, les problèmes se limitaient àla gestion d'un grand camping non organisé, étiré sur plusieurskilomètres. Mais progressivement, des fonctionnaires deCasablanca et de Rabat font l'acquisition de parcellesagricoles pour y édifier des résidences secondaires. Le prix du

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mètre carré agricole était tel qu'on a vu certains estivantsécourter leur séjour estival, l'argent prévu pour financer ceséjour ayant servi à acheter la terre. Le séjour de l'annéesuivante était mis à profit pour la construction. Réalisées dansces conditions, la plupart de ces résidences sont souvent desconstructions de fortune, ne disposant ni de l'eau courante nide l'assainissement et enlaidissent le site. Ces résidencesenvahissent la plage elle-même, avant de s'attaquer auxparcelles du périmètre irrigué. Les terrains de cultures, bien raresdans ces vallées encadrées par des reliefs accidentés, setransforment en terrains fonciers de type urbain.

Ecartelés entre les choix volontaristes de l'Etat, qui visaient letourisme international d'un côté et la demande pressante dutourisme national en résidences secondaires de l'autre, lesrivages de la côte tétouanaise connaissent de nos jours uneévolution assez inquiétante, allant dans le sens de ladégradation de l'environnement, environnement qui est labase même de tout développement touristique.

La première phase, correspondant à l'irruption du tourismeinternational, a été marquée par la faiblesse des retombéeséconomiques sur les milieux d'accueil. Les types d'aménagementet de gestion choisis (prédominance des villages de vacances àgestion étrangère de type Club Méditerranée), ont été pourbeaucoup dans cette faiblesse des retombées.

Devant le ralentissement des flux du tourisme international, laclientèle nationale s'est tournée vers cette région. Mais très viteelle s'est rendu compte que l'offre avait été conçue pour untouriste à haut revenu alors que la demande nationale émanaitavant tout des classes moyennes et classes populaires.

Face à ces difficultés et pour attirer investisseurs et clientèles,deux évolutions sont perceptibles:

• Les projets d'aménagement touristiques se transforment enopérations de promotions immobilières, sous la forme de simpleslotissements pour des villas et des appartements destinés à la vente.

• Des facilités concernant les localisations sont accordées auxinvestisseurs. C'est ainsi que les implantations à proximitéimmédiate du rivage se multiplient, posant des problèmes dedégradation du milieu. L'urbanisation excessive, rapide et

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parfois anarchique du cadre naturel côtier est l'une desconséquences environnementales les plus dramatiques, Cetteurbanisation aboutit à une durcification irréversible du front demer et à une privatisation de fait d'un espace appartenant aupatrimoine national. Elle débouche également sur de gravesatteintes à l'environnement (dégradation et recul des plages,dégradation de la dune bordière, pollution des eaux côtières etsouterraines, surexploitation des ressources en eau,dénaturation des sites, gaspillage des potentialités, etc,,),

3. Une urbanisation sauvage dans le Rif Oriental

Les émigrés marocains originaires du Rif oriental interviennentmassivement dans le processus d'urbanisation de cette région,Dans trois quartiers enquêtés dans un centre de la périphériede Nador(5), les 2/3 des appartements et des maisonsappartiennent à des personnes ayant travaillé en Europe ou ytravaillant encore au moment de l'enquête. Or, 25% de ceslogements appartenant aux travailleurs émigrés n'étaientoccupés qu'une fois par an, lors du retour des propriétaires aucours du congé annuel. Dans le même centre, sur 52 desdemandes de construction déposées en 1989, 35 revenaient àdes émigrés et 6 étaient le fait de courtiers et d'intermédiairesqui envisageaient de revendre leurs biens immobiliers, depréférence à des R.M.E (Berriane et Hopfinger, 1992).

Mais cette extension de l'espace bâti n'est qu'un aspect decette croissance urbaine, elle se double d'un gonflement dusecteur du commerce et services. Dans le même centreenquêté dans la périphérie de Nador, on a relevé en 1982, unemoyenne de 62 boutiques pour 1 000 habitants, contre unemoyenne pour les villes moyennes du nord du Maroc de30 établissements. Cette hypertrophie du secteur tertiaires'explique en grande partie, par les investissements des émigrésou de leurs familles. En effet, sur un total de 241 commerçantsenquêtés, 60% étaient eux-mêmes à l'étranger ou y avaientdes consanguins proches; 74% de ces derniers admettaientque le capital de départ de leur commerce provenaitentièrement ou en grande partie de l'épargne qu'eux ou un

(5) Il s'agit du centre de Zeghaneghane (15 000 hab en 1990).

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consanguin proche avait accumulée à l'étranger.

Attaché à sa région d'origine, l'émigré cherche avant tout àinvestir son épargne dans le secteur de la construction et/oucelui du commerce. Agent essentiel d'une spéculation sansprécédent, le RME devient également la victime de cettespéculation. Une armée de courtiers, agents immobiliers,promoteurs immobiliers s'activent à lancer lotissements etprogrammes de logements cédés clefs en main et attendentavidement le retour de l'émigré, qui n'ayant que quatresemaines de congé pour placer son épargne, achète sansdiscernement. En se basant sur les données des dossiers dedemandes d'autorisation de construire, recoupés par les prix encours relevés auprès des courtiers, on a estimé la somme verséepar les RME dans le secteur de la construction àZeghaneghane, en 1990, à 10 millions de OH. En outre le coûtmoyen des projets des RME est nettement plus élevé que celuid'un non RME : 200000 OH en 1989 et 220 000 OH en 1990 pourle RME contre respectivement, 165 000 OH et 190 000 OH pour lenon RME. Ces différences de coût ne traduisent en aucun casune différence de standing, mais reflètent belle et bien unespéculation effrénée dont se trouve victime le RME (6).

Tout ceci pour dire que cette urbanisation génère des fluxfinanciers importants et des bénéfices relativement faciles. Cecisuppose donc un appel aux promoteurs à la recherche du gainrapide, ce qui accentue encore plus l'accelération de cettecroissance urbaine et enlève aux collectivités locales tout moyende contrôle. Pendant ce temps, les fortunes amassées quittent larégion par différents canaux pour aller s'investir dans les régionsde l'ouest et y renforcer la croissance économique. Le résultat

(6) Pour illustrer cette fièvre spéculative, nous citerons le cas d'unfonctionnaire de Zeghanghan. Bénéficiaire d'un lot de 100 m2, dans unlotissement de l'Etat, acquis au prix de 45 000 DH, cette personne revend sapropriété pour 70 000 DH, en regrettant cette transaction, car au moment del'enquête (septembre 1990), il aurait touché 150 000 DH pour le mêmeterrain. D'après ses déclarations, son lot aurait déjà changé deux fois demain depuis 1986, L'avant-dernier propriétaire - un courtier de Nador - qui aacquis le lot en question pour le prix de 150 0000 DH, Y a édifié une maison,dont le coût total s'élevrait à environ 250 000 DH. La maison a été revendueà un migrant travaillant en Belgique au prix de 600 000 DH,

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en est une atteinte grave à l'environnement et à la qualité de lavie. En effet, face aux sommes considérables englouties dans lesecteur de la construction, on relève un manque totald'infrastructures, de voieries et des problèmes insurmontables degestion des ordures et des eaux usées. On assiste ainsi à unejuxtaposition des fortunes investies dans le bâti, à une misère etun sous-développement quant à la qualité de la vie.

Qu'elle soit liée au tourisme (littoral méditerranéen occidental)ou à l'émigration (littoral méditerranéen oriental), cetteurbanisation pose des problèmes de gestion et a desrépercussions parfois très graves, dans certains cas, surl'environnement. Ces répercussions peuvent aboutir parfois à lanégation même de l'activité qui se trouve à leur origine,comme c'est le cas pour le tourisme.

III. LES ATTEINTES A L'ENVIRONNEMENTLa plage constitue le principal support du tourisme balnéaire.Elle a fait l'objet de nombreux équipements qui ignorent le plussouvent la fragilité de son équilibre dynamique. Les opérationsd'aménagement se traduisent soùvent par des dégradationsde l'environnement et par des dépenses élevées, pour essayerensuite de remédier à ces déséquilibres.

L'urbanisation anarchique du Rif oriental, si elle n'exerce pas depressions directes sur le trait de côte, peut poser des problèmesde gestion du littoral, par raugmentation subite et incontrôlée,des déchets liquides et solides qui aboutissent à la mer.

1. Les dégradations du milieu

L'une des manifestations les plus voyantes de l'interventionhumaine est la rupture d'équilibres fragiles qui se répercutentsur l'exploitation économique des sites littoraux. La pollutiond'origine touristique ou urbaine est également un desproblèmes les plus difficiles à résoudre.

a) Les ruptures d'équilibres fragiles

En dernière analyse, on peut relever deux séries de causes quipeuvent intervenir pour rompre l'équilibre d'une plage de

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sable en situation de régularisation; celle-ci passe alors à unesituation d'érosion littorale par recul du trait de côte. Lescauses naturelles, comme le relèvement général du niveaudes mers ou les successions de tempêtes, ont des effets assezlents et peu visibles à l'échelle humaine. Les causesanthropiques ont par contre des effets immédiats et de ce faitplus visibles. L'un des éléments les plus vulnérables face àl'intervention humaine est la dune bordière. En effet ladynamique littorale est basée sur un système d'échange entrela dune bordière et la plage: les vagues des grandestempêtes prélèvent sur la dune des matériaux susceptiblesd'alimenter le bas de plage. Elément essentiel pour l'équilibredynamique d'une plage, dans la mesure où elle représenteune réserve en sable où viennent s'approvisionner les vaguesdes grandes tempêtes, la dune bordière doit rester en contactconstant avec la plage. Or, la plupart des interventionshumaines, par le biais des implantations touristiques, tendent,soit à éliminer la dune bordière, soit à limiter les échangesentre cette dune et la plage. Le résultat immédiat est quel'action marine va se concentrer sur la plage elle-même, en lafaisant reculer ou en transformant sa compositiongranulométrique, par prélèvement des sables fins etconcentration des sables grossiers.

La dune bordière est souvent le site privilégié pour l'édificationdes rangées de résidences secondaires, car elle offre une vuepanoramique et directe sur la plage et l'océan. Durcificationdu pied de la dune par les travaux de protection des maisons,exploitation légale ou clandestine du sable pour la construction(c'est le cas pratiquement de toutes les plages) et arasementd'une partie de la dune pour la création de lotissements, sontautant d'actions accompagnant l'installation touristique. Ellesse traduisent par l'appauvrissement en sable de la dune etinterdisent les échanges de matériaux avec la plage. Celle-ciest de ce fait attaquée et subit une érosion inquiétante. Lesexemples de plages en voie d'amaigrissement sont nombreux:plages de la baie de Tanger et des basses vallées du détroit.Comme partout .ailleurs, les travaux de protection qui ont étéimaginés, n'ont fait qu'aggraver la situation, l'attaque de lahoule devenant plus forte.

JOS

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La dune bordière souffre également du piétinement des usagers(visiteurs de la journée et campeurs) et de l'attaque des voitures.Partout, certains chemins empruntés par les piétons à travers ladune pour accéder aux plages sont privilégiés. Lesautomobilistes ne se contentent pas de laisser leurs véhicules aubord de la route côtière. Ils pénètrent le plus loin possible,circulant sur la dune et au milieu de la végétation créant devéritables pistes. Une fois la végétation détruite, les pluies etl'érosion éolienne aidant, les dunes ne tardent pas à reprendreleurs mouvements, menaçant la route et les zones de cultures.

Découpant le versant nord du Rif, en une succession decôtes à falaises interrompues par quelques plaines exigues,le littoral méditerranéen s'ouvre dans sa partie orientale surla plaine relativement large des Triffa, où réapparaissent desdunes côtières récentes. Cet alignement dunaire abénéficié de la part de l'homme, d'une amélioration de sonpeuplement végétal, grâce à l'interdiction du parcours destroupeaux. Un matorral dense retient de ce fait les sables,constituant le seul paysage réellement forestier de la région.Mais cet équilibre retrouvé, est aujourd'hui sérieusementmenacé par l'extension de la station balnéaire de Saïdia.Défrichement de la forêt devant l'urbanisation côtière,piétinement des touristes, agressions des voitures affectentun substratum très fragile, qui devient vulnérable face àl'érosion éolienne (Laouina, 1986).

Même si les interventions humaines ne vont pas dans le sensd'une rupture d'équilibre, les implantations touristiquescherchent à se localiser le plus près du trait de côte, enignorant la tendance générale du recul des rivages, quis'explique par des causes naturelles citées plus hauts. Amoyen terme, de lourds investissements se trouvent alorsmenacés.

b. La pollution des plages

Parmi les nombreux exemples étudiés, seuls deux programmesd'aménagement touristiques, celui de la côte tétouanaise etcelui de la baie de Tanger, comportent un réseaud'assainissement collectif. Les autres réalisations, aussi bienofficielles que sauvages, ne prévoient que des systèmes

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individuels de puits perdus ou de fosses septiques. La plupartdes résidences étant situées sur la plage elle-même ou à saproximité, nous assistons à une pollution rapide de la plage etdes eaux côtières. Dans les plages des environs de Tanger etcelles des basses vallées du Rif central, les habitations necomportent pas d'eau courante, ce qui compliquedavantage les problèmes d'assainissement et compromet laqualité des sites.

L'occupation sauvage des plages par des constructions ou descampings, suppose l'absence de gestion et de ramassage desordures. L'idée que la mer a un rôle de purification et denettoyage est très courante parmi les estivants. La plage estconsidérée également comme un bien n'appartenant àpersonne et ne nécessitant de ce fait aucun soin obligatoire.Les détritus et les déchets s'accumulent sans cesse sur la plageelle-même et des décharges sauvages s'organisent à quelquesmètres derrière le camping ou l'ensemble d'habitations à lafaveur d'un creux interdunaire ou du lit d'un oued. Mêmelorsque les collectivités locales essaient de remédier à cela,leurs moyens financiers fort limités ne le permettent pas. Lesoccupations sauvages sont en effet d'un apport monétairepresque nul pour les finances locales. La commune rurale deOued Laou a envisagé d'organiser un ramassage des ordures,d'acheminer de l'eau potable et de créer un réseaud'assainissement. Mais la dispersion des résidences, due àl'anarchie dans laquelle elles se sont multipliées, nécessitait unbudget et un encadrement technique qui dépassaientlargement les capacités financières et humaines locales.

De toutes les formes d'hébergement touristique, le campingnon organisé se révèle comme la forme la plus polluante dulittoral. Les fortes, densités d'estivants sont accompagnées d'unmanque de sanitaires, d'eau potable, d'un système deramassage des ordures, etc. (on se limite à l'enterrement desdéchets sur place, la vaisselle est lavée au bord de la mer).

c. Les effets des installations portuaires

Nouvelle activité sur le littoral méditerranéen, la navigation deplaisance peut contribuer à ces déséquilibres. le Maroc s'estlancé depuis le milieu des années 80 dans le développement

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d'une infrastructure destinée à la navigation de plaisance,

Ce nouveau produit touristique est de plus en plus recherchépar la clientèle européenne, En effet. l'augmentation dunombre de propriétaires d'un bateau de plaisance a atteintentre 1975 et 1985 un rythme annuel moyen de 7% pourl'ensemble des pays de l'Europe de l'ouest et de 13,5% pourl'Espagne. Ceci suppose donc une augmentation substantiellede la demande en ports de plaisance dans un espacemaritime proche des ports d'attaches européens,

Or, de part sa position géographique, à la rencontre de deuxvoies de la navigation de plaisance (la plaisance locale enMéditerranée et les voiliers effectuant les transatsMéditerranée-Canaries et Méditerranée-Amériques), le Marocpeut bénéficier de ce marché potentiel s'il développe unréseau de ports de plaisantes, judicieusement répartis.

Un Plan Directeur des Ports de Plaisance commandité par leMinistère de l'Equipement, de la Formation des Cadres et de laFormation Professionnelle, a conclu à l'existence de nombreuxsites pouvant se prêter à la réalisation d'installations deplaisance. Sur les 26 ports existants et 70 sites vierges visités,l'étude a sélectionné 35 sites susceptibles de recevoir desaménagements de plaisance, en distinguant les portsd'équilibres, les ports d'escale et les ports d'abri, et enproposant une planification à court, moyen et long terme. Huitde ces sites sont localisés sur la côte méditerranéenne. Deuxsont déjà achevés: Restinga-Smir et Kabyla.

Il est certain que la réalisation de ce plan donnera au produittouristique marocain une nouvelle dimension tout enaugmentant, néanmoins, le poids du littoral dans la répartitionde l'infrastructure touristique. Mais ces ports s'ils contribuent à ladiversification du produit touristique, posent aussi desproblèmes d'aménagement et de gestion des littoraux.

Les travaux portuaires engendrent des déviations dans lescourants littoraux et peuvent concentrer les effets érosifs surcertains points. Ils provoquent également des perturbationsdans les équilibres préexistants : là où la charge est exagérée,l'érosion littoral est réduite alors que là où les eaux marines sontprivées de leurs charges, le potentiel érosif est augmenté. Ceci

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explique la succession de sections engraissées et de sectionsérodées le long d'une même côte et ce suite à l'édificationd'un port. La côte tétouanaise est un cas typique de cetteévolution : rivage régularisé, où la réalisation des trois ports(M'diq, Kabyla et Smir) a été à l'origine d'une transformation dusystème de transfert de sable avec la succession de secteursd'érosion et de milieux d'accumulation (7).

2. Les conflits

a) Les conflits entre le tourisme et les autres secteurs économiques: le cas de labaie de Tanger

L'une des réalisations les plus importantes du Plan triennal 1965­67 fût la création de la Société Nationale de l'Aménagementde la Baie de Tanger (S.N.A.B.T.), en 1967.

Cette société avait au départ un programme ambitieux,puisqu'elle devait intervenir sur une vaste zone de 1 000 ha,s'étendant le long d'une belle plage située à l'est de la baie,avec un programme initial de 30 000 lits. Plusieurs typesd'hébergement (hôtels de luxe, villages de vacances,campings, résidences touristiques) étaient prévus autour d'unlac artificiel devant recevoir des activités sportives, le touts'organisant autour d'une marina. La réalisation de ces projetsa nécessité des investissements importants, ainsi quel'acquisition - par expropriation pour utilité publique - de tousles terrains indispensables au projet.

L'essor touristique escompté a tourné court et le programmeinitial est rapidement ramené à 10 000 lits (au lieu de 30 000) surune aire de 350 ha (à la place de 1 000 ha). A la fin des années70, sur les 10 000 lits définitivement retenus, seuls 20'7'0 ont étéréalisés, soit un peu plus de 2 000 lits.

Les raisons de cet échec sont nombreuses. Outre la crise desannées 73-74, qui a probablement joué un rôle essentiel auniveau de l'absence des investisseurs et non des touristes, cellesavancées le plus couramment sont relatives au caractère très

(7) Cf. Aménagement littoral et évolution des côtes, l'environnement descôtes marocaines en péril. (Responsables de la publication M. Berriane etA. Laouina), publications du Comité National de Géographie du Maroc.

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prononcé de la saisonnalité, au manque d'enthousiasme de lapart des agences de voyages pour certaines destinations et audésengagement de l'Etat, en tant qu'investisseur direct Maison ne souligne pas suffisamment - à notre avis - les problèmesd'environnement dûs à la conception de l'aménagement lui­même de cette baie et aux conflits ayant surgi entre letourisme d'une part, et les autres secteurs économiques de laville, d'autre part, Ces conflits sont nés du manque d'une visionglobale, d'un aménagement sectoriel et ponctuel,

Ces conflits sont de trois sortes.

• Le conflit tourisme/activité portuaire, entraîne la dégradation de laplage de l'est, support du projet

Le choix de la zone d'inteNention de la société a été guidé parla qualité de la plage (sable fin et eaux côtières calmes), sonétendue (1 200 mètres de long sur 200 de large) et sonéloignement relatif du centre-ville (4 kilomètres). Or cette plageva subir une érosion très active, aboutissant à sonamaigrissement poussé en matériaux sableux. Ce recul n'estapparemment pas récent, puisque dès le début du projet, lesservices concernés ont commandé une étude pour laprotection de la plage. Cette tendance à l'appauvrissementprogressif de la plage en sable, coïncide avec le prolongementde la digue du port: en quelques années, 3 kilomètres deplage de sable situés entre l'embouchure de l'oued Souani etle début des falaises du Cap Malabata sont détruits. Leprolongement de la digue du port, rendu nécessaire parl'augmentation continue du trafic, ignorant complètement leprojet touristique en face, en cours de réalisation, auraitperturbé la dynamique de la circulation marine dans la baie.Les courants marins ont désormais tendance à prélever lessédiments de la plage au lieu de l'engraisser. Après avoirnettoyé la plage, la houle s'est attaqué aux fondations del'hôtel Malabata et du Club Méditerranée.

Pour lutter contre cette destruction systématique de la plage,support du projet touristique, on a construit tout d'abord,parallèlement aux deux établissements, un mur de protectionqui s'est rapidement effondré. Les seNices concernés ont alorsengagé des travaux d'enrochement le long de ces hôtels, qui

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n'ont finalement servi à rien, sinon à enlaidir le site. Lesresponsables se sont résolus, enfin, à implanter des ouvrages deprotection à la fois perpendiculaires et parallèles à la côte pourdélimiter des plages indépendantes, piéger le sable et éviterl'érosion, le tout soutenu par des apports artificiels de sable et:Jes mesures de lutte contre l'érosion éolienne.

• Le conflit tourisme/activité industrielle pose le problème de la pollution

Le périmètre d'intervention de la S.N.AB.T. se situe en aval dela vieille zone industrielle, dite de Moghagha. Celle-ci regroupevingt unités industrielles dépourvues d'un réseaud'assainissement et dont certaines sont très polluantes, commeles teintureries, qui rejettent leurs effluents dans l'ouedMoghagha. Une deuxième zone industrielle, nouvellementcréee en bordure de la route de Tétouan, plus en amont, réunit80 établissements, pourvus d'un réseau d'assainissement. Maiscelui-ci fonctionnant mal, plusieurs usines rejettent leurs eauxusées dans l'oued. De ce fait l'oued Moghagha est ledébouché de la totalité des établissements industriels de lavieille zone industrielle et d'une partie de ceux de la nouvellezone. En outre, il reçoit les eaux de ruissellement, charriant lesdéchets solides et les eaux polluées de surface rejetés par lesusines, ainsi que ceux pris sur une décharge publique setrouvant en amont. Débouchant dans la baie de Tanger là oùcommence le périmètre de la société, il apporterasuffisamment de rejets solides et liquides pour polluer la plage.

Plus à l'ouest et en dehors du périmètre de la S.N.AB.T, l'ouedLihoudi arrive aussi en mer, après avoir recueilli d'autres rejets,auxquels vient s'ajouter une partie de ceux des égoûts de laville. De ce fait, la plage de Merkala est impraticable et nemanquera pas de contaminer l'est de la baie par laredistribution le long du littoral de tous ces effluents.

Le choix du périmètre d'intervention n'a pas donc tenucompte des activités économiques précédant le tourismedans le temps et se trouvant en amont. Ce n'estqu'aujourd'hui, que la société, consciente de l'atteinte réelleà la qualité de la plage, demande le transfert de l'anciennezone industrielle!

III

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• L'envasement du lac artificiel

L'animation de la zone touristique de la baie devait s'appuyeren grande partie sur le plan d'eau crée à grands frais, Ce lacartificiel de 25 ha a été aménagé dans la partie aval de l'ouedMelalah. Il est conçu pour permettre la baignade et des sportsnautiques, ainsi que pour accueillir par la suite un port deplaisance et servir d'appui à une marina (4 hôtels de 5 000 lits,casinos, résidences touristiques, palais des congrès, etc ..).

Or, quelques temps après son creusement, l'envasement de celac a commencé. Outre le mauvais fonctionnement dusystème qui devait réguler le jeu des courants et ajuster leniveau du lac avec celui de la mer, en fonction des marées,l'ensablement avance progressivement à partir de l'amont.Cet envasement est dû à deux types d'apports. L'ouedMelalah, venant des collines avoisinantes, transported'importantes masses de sédiments qui viennent se déposerdans le chenal d'entrée et combler la partie en amont. Leversant est du lac, au relief très chahuté, soumis de ce fait àune érosion intense, envoie avec les eaux de ruissellement, lessédiments qui se déposent au fond du lac. Cette dynamiqueétait prévisible dès le départ du projet, puisqu'en 1969, enpleins travaux d'aménagement, des précipitationsexceptionnelles avaient charrié une grande masse desédiments dans le plan d'eau, Les actions envisagées par unenote technique, préparée dès cette année pour lutter contreces deux types d'apports, étaient diverses: techniquesconnues de défense des sols à faible végétation, constructiond'un barrage réservoir, aménagement d'une fosse à sédimentsen amont, etc ... Mais on n'a envisagé à aucun moment uneintervention au niveau de tout le bassin versant de l'ouedMelalah. Les mesures proposées appréhendent le problème enaval et ne se préoccupent pas des interrelations avec d'autreséléments du système.

L'intervention de l'homme dans la baie de Tanger a entraînéde sérieux problèmes de dégradation du milieu, dont souffre enpriorité le tourisme. Cette intervention n'est ni massive (aussibien les réalisations touristiques que les interventions industriellesne présentent de surcharge pour l'environnement local), ni

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injustifiée (le projet touristique de la baie se justifie bien etl'extension du port est indispensable). Chacune de cesinterventions considérée isolément n'est pas maladroite ouanarchique. Les préjudices viennent du fait que cesinterventions ont été menées séparément, sans coordination etsans vue d'ensemble.

b. les conflits entre l'urbanisation et les activités de la pêche et de raquaculture:la lagune de Bou Areg

L'agglomération du Grand Nador constitue une concentrationde plus de 100 000 hab, au bord de la lagune de Bou Areg ouMar Chica. Cette lagune dont l'alimentation en eau se fait à lafois à partir de la mer et du continent, est un milieu riche sur leplan biologique. Très tôt l'activité de la pêche s'y est installée.Mais une partie des eaux continentales est constituée par lesrejets de la ville de Nador et ceux de plusieurs centres, commeBéni Nsar, ainsi que ceux de toute l'urbanisation anarchique quia été présentée plus haut. Le petit centre de Kariat Arkmane,par exemple, a vu la naissance de tout un quartier constitué à88 % de logements des R.M.E, mais qui ne dispose d'aucunsystème d'assainissement: un canal à ciel ouvert évacuetoutes les eaux usées, directement dans la lagune. Avecl'extension démesurée de la ville, l'équilibre de la lagune setrouve sérieusement menacé.

Entre-temps, un important projet d'aquaculture a été lancé parla société MAROST. Cette entreprise dont l'activité acommencé en 1985, emploie une main d'oeuvre importanteet destine la quasi-totalité de sa production à l'exportation(230 t. de poisson, 140 t. d'huîtres plates, 60 t. de palourdes,1 t. de crevettes et 80 t. d'anguilles en 1990) . La réussite duprojet s'est trouvée menacer par l'extension de la ville etl'augmentation du volume des rejets. Ceci a nécessité laconstruction, puis l'extension d'une station de traitement deseaux, qui reçoit en principe les eaux usés du réseau de la ville.Mais l'équilibre biologique de la lagune et partant de l'activitéde l'aquaculture, est continuellement menacé par la moindrepanne du système de la station.

Les autres centres de l'agglomération n'étant pas reliés auréseau de la ville, leurs rejets se font sans traitement préalable

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dans la lagune et la mer. Des projets de stations de traitementdes eaux usées de ces centres (Selouane, Béni Nsar' etTaouima) sont programmés et certains sont même au stade dela réalisation. Mais le problème demeure entier, car la stationprévue à Béni Nsar, selon le système de lagunage, donc sanstraitement préalable, doit rejeter ses eaux dans la lagune çleBou Areg.

ConclusionBien qu'encore faiblement occupé dans son ensemble, lelittoral du Maroc méditerranéen est sérieusement menacé, làoù il est utilisé:

1. Les aménagements touristiques localisés à proximitéimmédiate du trait de côte sont menacés à long et moyenterme par le recul de ce trait de côte. Une enquête conduitepar la Commission de l'Environnement Côtier de l'UGI (UnionGéographique Internationale) a conclu en 1985 au recul de lamajorité des plages du globe : alors que 70% de ces plagesdémaigrissent, 20% sont stables et 10% seulement continuent àse développer (BIRD, 1985 cité par PASKOFF, 1992).

2. Des interventions maladroites peuvent aggraver cette situation,tel que les constructions des barrages qui piègent les sédimentssur les continents, les prélèvements excessifs des sables pour laconstruction, les implantations portuaires perturbant ladynamique locale et les aménagements touristiques et de loisirs"pieds dans l'eau", empiétant sur le domaine côtier.

3. Les pollutions diverses, dues à une urbanisation rapide etsoutenue et non accompagnée par la mise en place desystèmes de gestion adéquats des déchets solides et surtoutliquides, augmentent encore davantage les atteintes àl'environnement côtier.

De cette évolution découle une constation assez simple:recherchant les sites côtiers pour leur qualité, les activitéstouristiques arrivent à altérer ce milieu d'accueil, qui est la basemême de leur existence. De ce fait l'appel à la protection dece milieu ne doit pas être interprété comme un souhait denaturalistes, soucieux de préserver la côte dans son état

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naturel. L'enjeu est beaucoup plus grave: base dudéveloppement touristique du nord du Maroc, le littoral (etparticulièrement les plages de sable) constitue le principalcapital de cette activité. Le développement du tourisme passeinévitablement par la protection de l'environnement.

Il est hors de question de remettre en cause le choix dutourisme, comme activité économique principale. De même letourisme balnéaire est appelé à continuer à se développer, neserait ce que pendant ces moments de difficultés de trésorerie.Mais les enjeux écologiques sont sérieux et de nouvellesconceptions des implantations touristiques sont à mettre aupoint. Des mesures d'urgence doivent être prises les années àvenir, pour protéger ce qui reste encore à protéger du littoral.La définition de ces actions doit être l'aboutissement d'étudesspécifiques et pluridisciplinaires. On peut néanmoins émettrequelques suggestions:

• Un Plan Directeur de l'Aménagement du Littoral est à mettreau point.

• Il est aussi urgent de délimiter dans les régions les plusconvoitées, des zones "réservées", où les constructions doiventêtre interdites. Nous pensons, par exemple, que le moment estvenu pour freiner le mouvement de constructions sur le littoralde Tétouan, afin de soustraire les espaces non encore occupésà cette urbanisation rampante.

• Des reboisements, des parcs et des formes légèresd'hébergement peuvent y être aménagés, notamment pourrépondre à la demande du tourisme interne.

• Un droit du littoral est à mettre au point permettant saprotection, sa sauvegarde et sa gestion rationnelle, pour queson aménagement soit mené dans la perspective d'undéveloppement durable.

• La réactivation de la Commission Interministérielle chargéede définir une politique des aménagements touristiques etbalnéaires.

• La priorité, chaque fois qu'il est possible, pourl'aménagement en profondeur à la place de l'aménagementlinéaire.

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

Références bibliographiques:

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M. Berriane (1986) - Tourisme et environnement dans la baie deTanger (Maroc), in Contemporany ecological geographicalproblems of mediterranean, Palma de Mallorca, pp 61-68.

M. Berriane (1992) - Tourisme national et migrations de loisirs auMaroc, Publications de la Faculté des Lettres et de SciencesHumaines, Rabat, 516 pages.

M. Berriane (1992) - Tourisme et environnement - inEnvironnement et Développement, Actes du ColloqueInternational "Environnement - Pollution - Développement"

M. Berriane et H. Hopfinger (1992) - Migration internationale detravail et croissance urbaine dans la province de Nador(Maroc) - Revue Européenne des Migrations Internationales,Vol. 8 - nQ 2.

M. Berriane et A. Laouina (coordination) (1993) - aménagementlittoral et évolution des côtes - L'environnement des côtesmarocaines en péril - Publication du Comité National deGéographie du Maroc

M.A. Mekouar (1986) - Système foncier et écosystème côtier,entre terre et mer, le littoral balloté - in système foncier,promotion immobilière et urbanisme, Revue Marocaine de Droitet d'Economie du Développement, nQ 12.

M. Naciri (1985) - Rapport de synthèse du dossier "planificationintégrée et gestion des zones côtières méditerranéennes,rapport ronéotypé, CERAU.

M. Péré (1975) - Le développement touristique de la côteméditerranéenne du Maroc, in Tourisme et vie régionale dansles pays méditerranéens, actes du colloque de Taormina.

R. Paskoff (1986) - Les littoraux, impact des aménagements surleur év,olution, collection Géographie Masson, Paris

R. Paskoff (1992) - Principe d'aménagement des plages - inEnvironnement et Développement, Actes du ColloqueInternational "Environnement Pollution - Développement"

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Nous tenons tout d'abord àremercier les organisateurs decette 4 éme rencontre de Tétouan,sur les enjeux écologiques duMaroc méditerranéen, de nousavoir invité à participer à cettemanifestation scientifique; c'estaussi, l'occasion pour nous de vousassurer de l'entière disposition denotre institut à collaboreractivement, aussi bien avec leGERM, qu'avec l'université AbdelMalek Essadi, à la réussite de vosactivités,

La communication que vient denous présenter brillamment, notre

ami et collègue le professeur BERRIANE, est le résultat d'unerecherche de qualité et à haute teneur scientifique, Elle a lemérite, non seulement de présenter un diagnostic exhaustif del'état du littoral méditerranéen du Maroc, mais également demettre le doigt sur les principaux facteurs qui se sont conjuguéspour donner lieu à une dégradation alarmante de certainssites,

Les conclusions auxquelles aboutit M, BERRIANE sont édifiantesà plus d'un titre, Nous allons, pour notre part, apporter notrecontribution à la compréhension des enjeux écologiques enrelation avec le tourisme et l'urbanisation dans le Rif,

Le développement urbain et touristique du Marocméditerranéen se matérialise actuellement par un profonddéséquilibre, L'espace centré autour de Tanger et Tétouan

* Directeur de l'Institut Supérieur International de Tanger (ISIT)** Enseignants à l'ISll

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(La peninsule Tingitane), représente un poids important parrapport au reste de la région. Au regard de la capacitéd'hébergement (Tableau n°l), la partie ouest du Rif apparaîtcomme la principale bénéficiaire des investissements etaménagements touristiques, qui ont touché le Marocméditerranéen.

Tahleau 1 : Répartition de la capacité d'héhergementclassée - norn hre de lits - (1991)

PENINSULE TANGITANTE16 973

%

Source: Délégation du plan

RESTE DE LA REGION4437

%

ENSEMBLE21 412

100 %

Au niveau des implantations humaines, l'attrait du Rifoccidental est tout aussi évident. Disposant des deuxprincipales métropoles méditerranéennes, il rassemble plus de70 % de la population urbaine de la région (tableau n02)

Ces dernières (Tanger et Tétouan), exercent une attractionsoutenue sur les populations rifaines.

Tahleau 2 : Répartition de la population urhaine (1992)

PENINSULE ThNGIThNTE803 180 hab.

70 %

Source: Délégation du Plan

RESTE DE LA REGION342619 hab.

30 %

ENSEMBLE1 145 799 hab.

100 %

Il Y a lieu de s'attendre à ce que ce déséquilibre s'accentuedans l'avenir. En effet, la réalisation d'un certain nombre deprojets de grande envergure est envisagée sur l'espace de lapéninsule de Tanger. On peut signaler, entre autres:

• Le gazoduc Maghreb-Europe, à travers le détroit de

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Gibraltar ;

• l'autoroute Casablanca-Tanger;

• le projet de liaison fixe à travers le détroit;

• l'agrandissement de l'aéroport de Tétouan;

• le projet de port d'éclatement sur la côte Atlantique duTangérois;

• Le statut de zone off-shore de Tanger;

• Le projet d'extension de la zone franche portuaire de Tanger, etc".

Il ne fait de doute que l'implantation de ces équipements nefera que renforcer la polarisation et l'attraction de la régionouest du Rif.

D'un autre côté, ces réalisations ne manqueront, certainementpas, de marquer de façon irréversible l'espace de la péninsule.Grands consommateurs d'espaces, leur impact environnementalse traduira sûrement par une mutation des types de tourismepratiqués dans la péninsule. Une attention particulière doitaccompagner la réalisation de ces grands équipements, pourune maîtrise de leur impact sur l'environnement, d'autant plusque la composante littorale et / ou maritime est présente dansplusieurs de ces projets.

Cette nouvelle configuration qui semble se dessiner pour le Rifoccidental, donne une nouvelle opportunité audéveloppement touristique du Rif central. Cette région recèledans ses parties littorales et montagneuses d'énormespotentialités touristiques et offrira des possibilités dedéveloppement, dans le cadre d'actions concertées etintégrées. A cet égard, l'urgence de la mise en place d'uneaction contre une détérioration, de plus en plus visible,s'impose.

1. Etudier un plan à long terme (horizon : 2000-2010) pour lareconversion des activités clandestines : aucune propositionobjective ne saurait être faite à ce niveau sans la mise enplace des propositions citées plus hauts.

Lalittoralisation galopante entraîne avec elle, une pression deplus en plus grande sur l'écosystème côtier. Dans ladégradation de l'environnement, il n'y a pas de petit pollueur

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Des petites villes peuvent être aussi déprédatrices que lesgrandes agglomérations. Le développement anarchique despetits centres littoraux de la Méditerranée - Fnideq, M'diq,MartiL Oued Laou, Targha, Jebha - dont la croissance se fait endehors de tout contrôle et dont l'extension ne s'accompagnepas par la réalisation des infrastructures d'assainissement,peuvent porter atteinte d'une façon irrémédiable à leurenvironnement, côtier et maritime.

Dans le même sens, l'urbanisation diffuse du littoral par desconstructions isolées, mais de plus en plus nombreuses - cas dela côte de détroit - se traduit, en plus d'une dégradationlittorale, par une privatisation de facto de la côte et limite uneutilisation publique de cet espace.

Enfin, le rôle de l'autorité locale et des élus est fondamental.Certains découpages administratifs posent de sérieuxproblèmes pour l'aménagement. Comment entreprendre uneaction sur un espace à cheval entre deux provinces : cas deKsar Sghir, partagé entre les provinces de Tanger et Tétouan, oude Oued Laou, divisé entre Tétouan et Chefchaouen ?

Sur un autre registre, certaines interventions de départementspublics gagneraient à être mieux étudiées. L'exemple del'aménagement de Stéha -lotissement réalisé par la délégationde l'urbanisme et de l'habitat de Chefchaouen - est à non pasdouter une atteinte manifeste à l'équilibre de ce micro­espace. Implanté sur le bord de plaine, à proximité d'unenappe phréatique à fleur de terre, il pose un problèmed'assainissement et de pollution de la dite nappe. Pourtantl'habitat traditionnel préexistant a toujours respecté les partiesbasses, sauvegardant la plaine et jouit, certainement, d'unemeilleure exposition en occupant les flancs de collines.

Tout le monde est d'accord sur le fait que le relief estaccidenté, que la région est enclavée et marquée parl'existence d'une économie souterraine, tournée en grandepartie vers l'extérieur.

La colonisation espagnole, était basée sur l'exploitation desressources et le contrôle de la population, sans tentative d'undéveloppement minimum indispensable pour rendre viable une

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région. Isolement politique (1), enclavement géographique(2)et économie à apport exogène (3) se sont conjugués avec lacomplexité particulière d'un système tribal et social du Rif. Dece fait, ni la politique mise en place à l'aube del'indépendance, ni l'encadrements des partis politiques, ni lestentatives de développement du Rif et de son littoral (DERRO,ZAP de tourisme, SAR et SDAU) n'ont jamais cherché àatténuer, ni à comprendre la rigidité structurelle de cet espace,façonné par près d'un siècle d'événements, où se mélentviolences et alliances, richesses et misères, vides politiques etcontrôles excessifs.

Dans pareils cas, ce sont les démunis (la grande masse), quifont les frais d'un affrontement sourd, entre la force du capitalclandestin et la rigueur du pouvoir légitime. Il est évident queles paysans et autres travailleurs (jeunes sans emplois,marginaux, etc ... ) vont adhérer au système à l'apportimmédiat, permanent et di~ponible. Le goût de l'aventure etdu gain facile ont consolidé par endroits, ou remplacé end'autres, (cf. relevé des générations), les luttes et les violences.

Alors que faire? quand et comment? Et surtout, qui peut fairequoi, et avec quels moyens?

(l) Colonisation Espagnole.(2) Espace exigue, 70fe de plaines, sur les embouchures des oueds(plaines littorales),(3) Apports du Kif, de la contrebande et de l'émigration, etsecondairement le tourisme.

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Quatrième Partie·

Activités maritimeset pollution marine

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GROUPEMENT D ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

INTRODUCTION

Par sa situation géographique, leMaroc occupe une positionparticulière par rapport à la mer,situé au carrefour des voiesmaritimes internationales, du faitqu'il est riverain du détroit deGibraltar et possède une doublefaçade maritime, atlantique etméditerranéenne.

S'étendant sur une longueur deplus de 3500 km, le littoral marocainrecèle un potentiel halieutique qui

constitue un des facteurs déterminant en matière dedéveloppement économique et social et joue un rôlefondamental dans la stratégie alimentaire du Maroc.

Erigé en priorité nationale, le secteur des pêches maritimes aconnu depuis 1981 une importante évolution, marquée parl'accroissement de la production halieutique, qui est passée de326.000 en 1980 à près de 600000 tonnes en 1988.

Les écosystèmes littoraux jouent un rôle prépondérant dans laproduction biologique. En effet, situés à l'interface entre l'espaceocéanique et continental, outre les ressources vivantes qu'ils abritent,ces milieux servent au renouvellement des stocks exploités, etconstituent des zones privilégiées pour les modes de culture marinequi reposent sur la productivité naturelle du milieu (conchyliculture,aquaculture). Mais les zones littorales subissent des pressions,localement fortes, liées aux concentrations démographiques le longdes côtes et au rejet de déchets urbains et industriels.

• Chercheurs à l'Institut Scientifique des Pêches Maritimes (ISPM), Casablanca

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

Il en résulte une altération de ces milieux, dont les effets sur lapêche et les cultures marines se manifestent schématiquementà plusieurs niveaux:

• la productivité des stocks peut décliner avec la réductionspatiale des nurserys dans les zones littorales et humides;

• la production des cultures marines peut baisser ouaugmenter avec les modifications induites de la productivitéprimaire;

• les polluants toxiques peuvent entrainer des mortalitésmassives, principalement à des stades précoces, et réduirele recrutement des stocks naturels ou le captage denaissains;

• l'accumulation de substances toxiques dans le tissu desalgues et la chair du poisson, des mollusques ou descrustacés, peut rendre ces produits impropres à laconsommation humaine.

• les usages récréatifs et de baignade sont affectés par laprésence de ces macroorganismes.

Il faut rappeler que les flux polluants sont constitués par :

• les apports industriels

Ceux-ci contiennent des métaux, des produits organiques etdes substances de synthèse.

• Les apports urbains:

Ils sont caractérisés par un large spectre de composition :matières organiques, sels nutritifs, microorganismes, polluantschimiques.

• La concentration microbienne et virale:

Elle a un impact direct sur la salubrité des produits de la mer,notamment les coquillages. De ce fait, elle a des conséquencesnégatives sur la santé du consommateur. Des études menéesrécemment en Mer du nord, par des institutions scientifiqueseuropéennes ont montré que certains virus peuvent vivrejusqu'à 17 mois dans l'eau de mer.

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GROUPEMENT DETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

• Les rejets agricoles:

Les apports d'origine agricole, diffus et véhiculés par le réseauhydrologique sont chargés de matières organiques, élémentsnutritifs, charge microbienne avec risque de présence degermes pathogènes (streptocoques, staphylocoques,salmonelles etc...) et polluants chimiques, pesticides, herbicides.

Hydrographie générale de la Méditerranée

La Méditerranée n'est pas une mer ordinaire. Presquetotalement close, elle a été décrite comme un océan enminiature, dont le fonctionnement en tant qu'écosystèmespécifique, n'a pas encore été entièrement compris.

Il s'agit d'un bassin de 2.500.000 km2 de surface, recevant peud'eau douce des terres adjacentes, avec un taux élevéd'évaporation et un apport net d'eau provenant del'Atlantique, par le détroit de Gibraltar. Le modèle decirculation générale de ses eaux est sous l'influence des eauxsuperficielles, en provenance de l'Atlantique. Par l'évaporationet d'autres phénomènes océanographiques complexes, ceseaux sont transformées en eaux profondes méditerranéennes,avec un fort taux de salinité.

Ses littoraux sont densément peuplés, fortement urbanisés,ceinturés d'unités industrielles particulièrement polluantes. Cecifait de la Méditerranée, un des espaces maritimes les plusmenacés.

La façade méditerranéenne marocaine appartient à ce quel'on appelle la mer d'Alboran (canal relativement étroit à l'estde Gibraltar). C'est une zone où des eaux généralementcontrastées sont superposées. En surface, on rencontre l'eauatlantique, relativement de faible salinité, en mouvement versl'est. En profondeur, des eaux méditerranéennes de fortesalinité, en mouvement vers l'ouest. L'étude hydrologiqueentreprise par le sous-comité océanique de l'ü.T.A.N en mai1962, a montré l'existence de deux couches d'eau:

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

1 - l'eau atlantique 15< température < 24°Csalinité 36,3 "10.

2 -l'eau méditerranéenne, a) une eau marquée par uneavec deux sous-couches: présence d'eau intermédiaire,

température: 13,5°C

salinité: comprise entre 38,4 et 38,5b) eau profonde:

température: - 12,7°Csalinité: - 38,4 "10.

S'étendant sur 450 km de côtes rocheuses, cette façade est leréceptacle final des rejets industriels (surtout électrochimie,tanneries, conserverie, sucrerie, sidérurgie etc...) et domestiquesdes villes et des grandes agglomérations. Cette façade estégalement sillonnée par des milliers de navires, transportant desmillions de tonnes de produits, dont les hydrocarbures et lesproduits chimiques, agents polluants par excellence.

Cet espace est par voie de conséquence, sur le planenvironnemental, une des régions les plus menacées etexposées à différentes formes de,pollution, au cas où desmesures et des solutions appropriées pour sauvegarderl'environnement ne sont pas prises. Cependant, tout effortpour entreprendre une protection efficace, doit passer par unephase de recherches scientifiques. L'ISPM est l'un des premierslaboratoires marocains qui a participé aux phases pilotes duprogramme Med Pol, un programme qui a pour objectifl'étude et la surveillance de la pollution de la Méditerranée,notamment par :

- les eaux usées et eaux colorées;

- les métaux lourds;

- les pesticides et les hydrocarbures de pétrole.

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

1 . EUTROPHISATION

Les rejets dûs aux activités agricoles, industrielles, urbaines,touristiques, l'usage abusif des détergents et des engrais, ontprovoqué un enrichissement artificiel des zones côtières par deséléments nutritifs favorisant le développement excessif desalgues. Les phénomènes d'eutrophisation massive, montrentcependant quelques cas de sites localement très perturbés,certains par des proliférations de macroalgues vertes (ulves),d'autres par des pollulations phytoplanctoniques.

1. Prolifération côtière des macroalgues

la prolifération printanière et estivale de certaines macroalguesa pris de l'ampleur depuis une vingtaine d'années.L'eutrophisation du nord de l'Adriatique, causéeprincipalement par l'écoulement des déchets agricoles etindustriels de la vallée de Pô, a provoqué une prolifération desalgues sur une grande superficie et a entraîné un déficit enoxygène dans le milieu marin. Le problème se pose aussi àl'échelon local dans de nombreuses lagunes et petites baiessituées à proximités des points de déversement d'effluentsmunicipaux et industriels.

Observées au lac de Tunis, sur les côtes françaises etespagnoles, ces proliférations restent rares sur les côtesméditerranéennes du Maroc. Celles-ci sont plutôt sujettes à desproliférations phytoplanctoniques.

2. Prolifération côtière du phytoplancton et apparition des eauxcoloréesAlors qu'en mer tempérée, il y a en général au printemps, uneseule floraison majeure du phytoplancton, qui absorbe le stockdisponible de sels nutritifs. Par contre, les zones côtièressoumises à d'importants apports, issus d'une rivière ou d'unfleuve, peuvent soutenir plusieurs floraisons intenses en dehorsdu printemps, en été et en automne par exemple, grâce à leurapprovisionnement continu en éléments nutritifs (azote etphosphate).

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECO OGIQUES ?

Une prolifération massive d'algues microscopiques peutconduire à une coloration des eaux. Celles-ci prennent descouleurs, dues à la pigmentation des espèces dominantes, quipeuvent aller du jaune ocre à une couleur marron.

Les eaux colorées se produisent dans des eaux superficielles,relativement peu salées, par temps calme, lorsqu'un fortensoleillement succède à une période froide, c'est à dire dansles eaux stratifiées, comportant à la fois un taux élevé de selsnutritifs et des vitamines à des températures élevées. Lephénomène cesse dès que la mer est agitée par le vent ou lamarée.

Quelles sont les conséquences de ces phénomènes?

Comme la Méditerranée est naturellement pauvre en élémentsnutritifs, l'apport des phytoplanctons peut être bénéfique, enparticulier pour la pêche. Par contre, les phytoplanctons, àcause de leur extrême abondance (des millions de cellulespar m3) peuvent causer des préjudices à la pêche, enencombrant les filets. Il peut y avoir aussi de fortes mortalités depoisson qui sont dûes à un manque d'oxygène dans le milieu,ou à un colmatage des organes respiratoires, ou encore àcause de la présence d'ichtyotoxines, secrétées par certainesespèces toxiques du phytoplancton. Dans ce dernier cas, laprolifération de certaines espèces appartenant au groupe dedinoflagellés, comme les espèces protogonyaulax tamarensis,le gymnodinium catenatum et certaines dynophisiales,représente un réel danger de santé publique. Ces êtres vivantsproduisent en effet des poisons qui au contact de la peau desbaigneurs, provoquent fréquemment des brulûres douleureuseset persistantes (AUBERT, 1991).

Par ailleurs, les aérosols marins poussés vers la côte par les ventsdu large sont susceptibles de véhiculer des espècesphytoplanctoniques toxiques, responsables de troublesrespiratoires accompagnés d'asthme, de fièvres, de douleursarticulaires et périorbitales, et dans certains cas d'éruptions surle thorax et les bras.

A côté de ces manifestations urticantes et respiratoires, il existedes phénomènes pathologiques digestifs, liés à l'ingestion de

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

fruits de mer et de poissons contaminés, par des microalguesplanctoniques vénéneuses.

Apparitions sur la Méditerranée marocaine

La fréquence des eaux colorées en Méditerranée estgénéralement limitée par rapport aux autres régions du globe,telles que les côtes européennes ou les côtes américainesatlantiques et pacifiques. Néanmoins, ce phénomène date detrès longtemps dans certaines régions limitrophes de laMéditerranée, tels que le delta du Nil, le golfe d'Izmir, la merEgeé et le lac de Tunis.

En ce qui concerne les côtes marocaines, les eaux coloréessont devenues de plus en plus fréquentes. Elles apparaissent surla façade méditerranéenne presque deux fois par an, et cedepuis leur apparition en 1969, où ils ont dû attirer l'attentiondes autorités (TBER, 1983).

En janvier 1978, le phénomène a été signalé à Cala Iris à AIHoceima, où des essais d'aquaculture étaient menés par l'ISPMsur l'élevage des moules. L'apparition du phénomène acoïncidé avec la période de maturité des moules qui ontatteint des tailles consommables. La contamination des moulesest dûe à la présence de nombreux dinoflagellés.

En novembre 1985, le phénomène est observé depuis M'diqjusqu'à Nador-est. L'apparition du phénomène coïncidait avecles conditions climatiques suivantes: temps calme, absence devent, absence de courant, houle très faible, forte chaleur,température de la couche superficielle d'environ 21°C.L'examen au laboratoire des échantillons d'eau a dégagé laprédominance d'algues unicellulaires, des groupes dedinoflagellés et de diatomées.

En mars 1987, le phénomène est également observé, deTetouan jusqu'à AI Hoceima, sous forme de nappe de couleurjaune-orange, s'étendant sur une distance de 5 à 6 km.

En février 1989, le processus d'eutrophisation a été observé àMartil, à Oued Laou et à Kraâ Ras, où des coquillages analysésen avril, c'est à dire deux mois plus tard, présentaient de fortesdoses de toxines. Jusqu'à nos jours, les analyses de coquillages

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

donnent des taux de toxines au niveau de certaines espèces,notamment les coques, les rendant ainsi impropres à laconsommation.

En février 1993, le phénomène est constaté à Cap de l'eau,près de Ras Kebdana. Les coquillages contaminés étaient despraires et les agents responsables étant des dinoflagellésconstitués par plusieurs espèces du genre peridinium.

La surveillance de ces phénomènes

La sensibilisation des consommateurs, des organismes publics etdes scientifiques de la présence de ces éléments a conduitplusieurs pays, notamment les pays scandinaves, les Pays bas,la Grande Bretagne, l'Espagne et la France à mettre en placedes systèmes de surveillance des eaux aquacoles, etd'effectuer un contrôle draconien des coquillages destinés àl'importation et à l'exportation.

Ces mesures visent en premier lieu le dépistage d'espècestoxiques dont le taux de présence est encore faible, avant

d'atteindre le stade d'eaux colorées.

Au Maroc, une circulaire à l'initiative conjointe du Ministèredes Pêches Maritimes et de la Marine Marchande, et leMinistère de l'Agriculture et de la Réforme Agraire a vu lejour, le 2 novembre 1989. Le chapitre 5, article 2, de cettecirculaire vise un contrôle régulier au niveau des zones ditesà salubrité instable. Ce contrôle sera assuré par les servicesvétérinaires en collaboration avec l'ISPM, dans les zonesd'apparitions fréquentes de ces phénomènes d'eauxcolorées.

Par ailleurs, l'I.S.P.M. est actuellement en train d'instaurer leRéseau National de Surveillance des Eaux (RNSE). Ce Réseaucomprend des stations sur la Méditerranée et sur l'Atlantique,de manière à pouvoir couvrir tout le littoral national, par unesurveillance de ces nouveaux phénomènes.

Ce réseau vise également, la surveillance de la pollution

chimique et de la pollution microbienne affectant le littoral.

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GROUPEMENT DETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

II. POLLUTION PAR LES METAUX LOURDS

La croissance démographique et l'augmentation des activitésindustrielles favorisent le développement des pollutions. Parmiles polluants qui parviennent au milieu marin, les métaux lourdsrejetés dans les effluents industriels.

Les études d'impact de la pollution par les métaux lourds sur lescôtes marocaines méditerranéenne et atlantique menées parl'ISPM, montrent que sur le littoral, les contaminations sont loind'être négligeables. Les analyses en cours, ou celles effectuéesauparavant dénotent des niveaux de contamination de laMéditerranée inférieurs à ceux de l'Atlantique:

.le taux de mercure atteint 0, 12ppm (particules par million)pour le poisson de consommation courante Cl) .

• les ratios cadmium, sont minimes, sinon indécelables dans lesespèces marines.

• les taux de plomb sont anormalement élevés, atteignant unemoyenne de 20 ppm, dans presque tous les sites prospectés (2).

Cette présence massive du plomb reflète l'existence deplusieurs sources de pollution par le plomb, en particulier sonutilisation en tant que détonateur des hydrocarbures.

III. POLLUTION PAR LES PESTICIDES ORGANOCHLORES

Depuis des années, la présence de produits organiquesartificiels, et particulièrement des hydrocarbures halogénés,ayant des effets néfastes sur certains organismes et présentantune grande persistance dans l'environnement, alarment lesécologistes.

(l) Symposium international sur la pollution des eaux marines, àCasablanca du 20 à 22 Novembre 1992 : Impact de la pollution parles métaux lourds sur le littoral marocain.

(2) Résultats non publiés.

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

Le DDT (dichloro-dyphenyl-crichloroethane) est de loinl'élément le plus connu et le plus étudié, à la fois parce que satoxicité relativement élevée, a déjà conduit à la mortalitémassive de certains animaux, comme les oiseaux et lespoissons, mais aussi parce que la contamination del'environnement par ce polluant est très vaste, puisqu'on leretrouve dans les organismes vivants du monde entier, voiremême ceux de l'antarctique (3).

Les principales classes de ces polluants sont les pesticides et leschlorodiphenyles, appelés couramment les PCB (polychlorobiphényl). Les premiers sont des produits volontairement utiliséspar l'homme en tant que moyen de lutte contre certainsparasites; ils sont utilisés en particulier dans le secteur agricole.

Les deuxièmes sont utilisés essentiellement dans l'industriecomme solvants, réfrigérants, fluides thermiques, etc ... Cesdeux produits ont en commun une très faible dilution dans l'eau,une forte solubilité dans les graisses et une dégradation lente.

1. Sources de pollution par les pesticides

Les vecteurs primaires de la pollution du milieu aquatique parles pesticides et les PCB sont les cours d'eau. Ils proviennent deszones agricoles, industrielles et urbaines, ainsi que les déchargesindustrielles et urbaines directement reliées à la mer.

La deuxième voie de transmission de ces produits et qui estaussi importante que la première, est l'atmosphère qui retientdes quantités importantes pendant un usage intensif parpulvérisation et peut les transporter par voie aérienne.

2. Bioaccumulation des pesticides

L'incorporation des polluants dans la chaine alimentaires'effectue essentiellement soit, par les organismes pélagiquesqui peuvent concentrer directement les polluants dissous dansl'eau, soit par les organismes benthiques se nourrissant à partirde sédiments, ou à partir de l'eau filtrée par les branchies pourprélever l'oxygène nécessaire à la respiration. Ces processus

(3) CNEXO: Rapport scientifique et technique Nü 22.

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GROUPEMENT D ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

vont donc favoriser l'augmentation de la teneur desorganismes aquacoles en ces composés liposolubles et quiseront stockés au niveau de la matière grasse.

Etant très solubles, ces composés sont très difficiles à éliminer, ilspersistent dans l'organisme pendant une longue durée.

L'élimination des pesticides se fait par voie rénale oumammaire. Pour cette raison on les trouve souvent dans le laitmaternel. Des travaux réalisés sur la région de Casablanca ontrévélé l'existence du DDT et ses métabolites, ainsi que lelindane dans le lait maternel (4).

3. Effets des pesticidesCes composés se caractérisent par une forte toxicité, à laquelleles crustacés se sont révélés particulièrement sensibles. Il a étédémontré qu'une concentration de l ~g (microgramme) deDDT ou de PCB pour un litre d'eau pourrait retardersensiblement la reproduction chez un poisson d'eau douce, leZebra Fish, par exemple.

4. Niveaux de contamination de la Méditerranée

La surveillance et l'étude de la contamination de la façademéditerranéenne marocaine est effectuée dans la cadre de laparticipation de l'ISPM au programme Med Pol.

Les résultats obtenus des études effectuées ou en cours,dénotent la présence des PCB dans tous les sites prospectés.

L'analyse de certaines espèces (rougets, lottes, crevettes,etc... ) a révélé la présence des PCB dans pratiquement tous leséchantillons et à des taux assez élevés.

Pour ce qui est du lindane et de l'HCB (Hexaclorobenzen), lestaux sont relativement faibles. La comparaison des résultats desanalyses en cours avec celles effectuées antérieurement sur lescôtes marocaines, montre une tendance à la diminution destaux de DDT dans les organismes marins. Cependant, ces taux

(4) AZZABI : Etude de la contamination de la région de Casablancapar les pesticides organochlorés

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

continuent d'être anormalement élevés, malgré les dernièresrestrictions d'usage, ce qui explique son utilisation récente.

D'autre part, certains travaux de laboratoire ont montré que lesteneurs en PCB sont comparables pour les échantillons del'Atlantique et ceux de la Méditerranée.

I\: POLLUTION PAR LES HYDROCARBURESLes hydrocarbures pétroliers couvrent une large gamme depoids moléculaires de 16 à plus de 20 000 ; leur structure est trèsvariable (chaîne droite ou ramifiée, ouverte ou fermée) et ilspeuvent posséder des doubles liaisons C=C (aromatiques parexemple). Chaque fraction pétrolière se compose de milliers deconstituants différents.

1. Effet des hydrocarburesLes nappes pétrolières agissent surtout sur le plancton. Etantpassif, il ne peut pas fuir les zones contaminées. Les niveauxtrophiques supérieurs sont également touchés, étant donnéque le plancton constitue la base de la chaine alimentairemarine. Les hydrocarbures peuvent agir également sur lareproduction, la respiration et le comportement de certainsorganismes. D'autres conséquences se manifestent à longterme. En effet les hydrocarbures peuvent s'imprégner dans lessédiments où ils sont piégés, puis relargués à faibles doses, selonles conditions hydroclimatiques du milieu.

2. Evaluation des niveaux de contamination par leshydrocarbures de la MéditerranéeSi les travaux en cours, menés par le service des études despollutions marines de l'ISPM ne permettent pas de se prononcerquant au degré de contamination du milieu marin par leshydrocarbures, néanmoins, une étude antérieure a abouti àune première approche sur l'évaluation de la contaminationdes plages par les résidus pétroliers sur différents sites côtiers dela Méditerranée(5). Cette étude a montré que:

• Le littoral du détroit de Gibraltar présente un degré de

(5) Travaux et documents N°62 : Institut Scientifique des PêchesMaritimes.

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GROUPEMENT D ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

contamination inférieur à celui observé en Atlantique, maiscomparable à celui mesuré en Bretagne à l'entrée de lamanche (soit 80g/m). D'autre part, cette étude a montré lecaractère évolutif de cette contamination qui laisse présagerune contamination appréciable des eaux littorales. L' ISPM esten train de réaliser le deuxième volet de l'étude concernant lapollution pétrolière du milieu marin.

• Par ailleurs, les causes principales des échouages et de lacontamination du milieu marin peuvent être de naturemultiples; on peut rencontrer:

-les apports indépendants de toute activité humaine, liésaux suintements naturels des sous-sols, des gisements depétrole d'origine marines ou terrestre;

- la pollution par voie atmosphérique (fumées industrielles etgaz d'échappement des moteurs, rabattues par les eauxde pluie);

- les apports des rivières et installations industrielles côtières;- les accidents de pétroliers, plates formes de production en

mer et les déballastages des bateaux.

Bien que l'apport en hydrocarbures, dû aux accidents, soitévalué de 5 à 10% seulement des quanités d'hydrocarburesapportées au milieu marin, l'accident du pétrolier le Seo Spiritsurvenu dans la côte méditerranéenne du Maroc, au moisd'août 1990, montre le risque de pollution marine par leshydrocarbures.

En effet, les statistiques concernant ce trafic recueillies et cellesétablies par les services de la marine marchande marocainedans le cadre du projet de liaison fixe entre l'Afrique et l'Europeau niveau du détroit, donnent un trafic de 58 000 navires, dont:

- 2 000 chimiquiers ;- 5 000 pétroliers, (251 ont un tonnage supérieur à 200.000

tonnes) ;

- 1 300 gaziers.

En tonnage annuel, ce trafic s'élève à 500 000 tonnes depétrole et 400.000 tonnes de produits chimiques.

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUElS ENJEUX ECOLOGIQUES?

3. Les risques de marées noires, l'exemple du "Sea Spirit"

Dans la nuit du 6 août 1990, une collision a eu lieu entre lepétrolier Sea Spirit, bateau battant pavillon panamien,transportant 55 000 tonnes de fuel à destination du port deMohammedia et le méthanier Hesperus, de nationaliténorvégienne, transportant 3 500 tonnes d'ammoniaque,L'accident s'est produit à environ 6 miles nautiques au nord­ouest du Cap Sparte!.

Le déversement produit aux abords du ce cap a donné lieu àla constitution d'une importante nappe d'hydrocarbures. Sousl'effet des courants et des vents, cette nappe a transité par ledétroit de Gibraltar, pour venir se concentrer entre la baie d'AIHoceima et celle de Malaga.

L'enquête entreprise par l'ISPM en vue d'évaluer l'impact decet accident sur le littoral méditerranéen a établi que la nappea provoqué le long de son parcours une contaminationimportante des sites touristiques, notamment les plages deMartil, Restinga, Cabo-Negro, ainsi que la baie d'AI Hoceima.

Cet accident, ainsi que celui du Kharq V, survenu aux largesdes côtes atlantiques, ont provoqué un éléctrochoc et uneprise de conscience sans précédent dans l'opinion publiquemarocaine. Ils n'ont pas pour autant manqué de sensibiliser lespouvoirs publics aux risques permanents de la pollution par leshydrocarbures. Cet accident a fait apparaître la nécessité dedoter le pays d'un plan d'intervention et de lutte contre lesmarées noires et de mettre à la disposition des différentesinstitutions et administrations concernées, les moyensnécessaires pour la surveillance et la lutte contre cette sourcede pollution.

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GROUPEMENT D ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

La pollution causée par les bateauxest considérée comme l'un desprincipaux dangers qui menacentle bassin de la Méditerranée, étantdonné l'intensité du trafic maritimedans cette mer.

Selon un rapport établi par le Pland'Action pour la Méditerranée,220 000 bateaux, dont le tonnaged'un grand nombre de naviresdépasse 100 000 tonnes, croisentannuellement en Méditerranée. Letrafic pétrolier représente 20% del'ensemble du trafic pétrolier mondial.

L'intensité du trafic maritime a pour conséquence denombreuses menaces, représentées par la pratique decertains bateaux qui se débarrassent de leur eau d'équilibre aularge des côtes méditerranéennes, ainsi que les menacesd'accidents et de collisions.

Toujours selon le Plan d'Action pour la Méditerranée, cette merconnaît annuellement environ dix accidents, engendrant desmarées noires de 60 à 80 000 tonnes de pétrole.

C'est pour ces raisons que le Maroc a ratifié l'ensemble desconventions internationales, dont la plus importante est laconvention de MARBOUL (1973/78), en vertu de laquelle leMaroc est habilité à contrôler les bateaux étranges quimouillent dans ses ports et ce dans le but de s'assurer qu'ilsappliquent les clauses stipulées par la convention, en particuliercelles concernant la sécurité du trafic maritime et la protectioncontre la pollution maritime.

* Cadre du Ministère des Pêches Maritimes et de la Marine Marchande.

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

Cette convention est un ensemble de lois à caractèrepréventif, susceptibles de renforcer les autres textes en vigueur,

Pour ce qui est de l'indemnisation des dégâts causés par lapollution, le Maroc a ratifié la convention internationale endate de 1971, portant création du fonds international pour lacouverture des pertes causées par les accidents de la pollution,

Par ailleurs, étant donnée l'intensité du trafic maritime, qui faitdes côtes marocaines un passage important et essentiel pourles pétroliers et autres bateaux de différents tonnages, leMinistère des Pêches Maritimes et de la Marine Marchande, encollaboration avec le Secrétariat d'Etat chargé del'Environnement et les administratives concernées, a élaboré unplan national d'urgence de lutte contre la pollution.

Ce plan comprend un ensemble de règlements quidéterminent les compétences des services concernés, etdonne aussi des directives concernant la procédure desopérations de lutte contre la pollution dans le cadre d'unecoordination entre les parties concernées.

Pour donner aux dispositions internationales et aux règlesnationales qui en découlent l'efficacité nécessaire, on a créédes centres pour la sécurité du trafic maritime dans les ports deCASABLANCA, TANGER, SAFI, AGADIR et TANTAN.

A partir de 1994, les ports marocains seront dotés à NADOR,pour ce qui est de la Méditerranée, à LARACHE, ESSAOUIRA,LAAYOUNE et DAKHLA, pour l'Atlantique, d'autres moyens etservices pour le contrôle et la surveillance des bateaux.

Ces centres sont établis conformément aux normesinternationales et à la réglementation nationale concernantl'inspection des bateaux, l'exécution des instructions maritimeset l'intervention en cas de pollution.

Ce bref aperçu montre quelques réalisations nationales, visantà la protection contre les menaces de la pollution causée parles bateaux. Ces réalisations demeurent modestes, eu égardaux dangers qui menacent les côtes marocaines et les côtesméditerranéennes en particulier, à cause de l'intensité du traficmaritime.

Nous devons mentionner ici les projets du Ministère des Pêches

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

Maritimes et de la Marine Marchande, qui ne sont pas dénuésd'intérêt. Ils constitueront un complément qui renforcera lesmesures prévues antérieurement, en vue de renforcer lesstructures et appareils de prévention et de lutte contre lapollution causée par les bateaux.

Parmi ces projets, il y a lieu de citer, d'une port, le projet d'accordde coopération technique avec l'Espagne dons le domaine dusauvetage maritime et de lutte contre la pollution marine.

Cet accord est basé sur les principes des conventionsinternationales qui sont entrées en vigueur et qui incitent lespays qui possèdent des espaces maritimes limitrophes à établirdes relations de coopération bilatérales, dans le domaine de lalutte contre la pollution et le sauvetage maritime. Ce systèmede coopération suppose les principes suivants:

• l'utilisation commune des moyens humains et matériels, encas d'accident;

• l'organisation des opérations d'intervention en mer par lerecours aux méthodes de surveillance, d'échange desinformations, de gestion des opérations, de la formation et desexercices d'application.

D'autre part, l'acquisition récente de quatre unités desauvetage en mer, en plus des quatre déjà disponibles, et quipeuvent être utilisées pour la lutte contre la pollution, sont enmesure de couvrir l'ensemble des côtes marocaines.

Dans le domaine de la sécurité du trafic maritime à l'échellenationale et internationale, des mesures sont en cours depréparation.

Il s'agit notamment de construire une tour de contrôle àl'entrée du détroit de GIBRALTAR, aux environs de Tanger.Cette tour a pour rôle de superviser l'organisation du traficdans ce couloir connu pour l'intensité du trafic, les risques decollision et de pollution.

En plus, cette tour fournira aux navires les informationsnécessaires en cas de besoin, de même qu'elle supervisera lesopérations de sauvetage et de lutte contre la pollution encoordination avec une tour de contrôle existant actuellementdans la ville de TARIFA, en Espagne.

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

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GROUPEMENT DETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

Il faut rappeler que l'ISPM a deuxobjectifs fondamentaux:

- étude, évaluation et suivi continudes ressources halieutiques en vuede leur exploitation rationnelle etleur préservation pour lesgénérations futures.

- étude, évaluation et surveillancecontinue de l'état de salubrité del'environnement marin, en vue de saprotection et la préservation de saqualité.

Les pollutions marines qu'elles soient d'origine tellurique, liéeaux activités urbaines, industrielles, agricoles ou résultant dutrafic maritime évalué à plus de 50 000 navires de toutes sortes,transitant chaque année par le détroit de Gibraltar, affectent àla fois:

• Les ressources halieutiques;• La biodiversité et la richesse génétique;

• L'environnement marin.

S'agissant des ressources halieutiques, celles-ci sont certesaffectées par les diverses sources de pollution, mais égalementet surtout par la sur-exploitation, l'utilisation d'engins de pêcheinadéquats ainsi que l'utilisation de méthodes de pêcheprohibées, tel que l'utilisation de la bouteille de plongée qui faitdes ravages dans les populations de certains poissonssédentaires de grande valeur, comme le mérou, ou ladynamite qui cause des ravages irrémédiables dans le milieumarin et les écosystèmes qu'il abrite.

* ISPM : Institut Scientifique des Pêches Maritimes, à Casablanca

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

Afin de mettre fin aux dégâts déjà causés aux ressourceshalieutiques de nos côtes méditerranéennes et de préserverce qu'il en reste pour les générations futures, d'autant quenotre mer Méditerranée, mer semi-fermée et relativementpauvre en biomasse marine, comparativement aux océans etaux autres mers, trois voies devraient être développéessimultanément:

- l'élaboration et la mise en application de plansd'aménagement rationnel des pêcheries;

- le repeuplement;

- l'aquaculture marine.

A. ELABORATION ET MISE EN APPLICATION DE PLANSD'AMENAGEMENT RATIONNEL DES PECHERIES

Il s'avère nécessaire d'évaluer l'état des différentes pêcheriesméditerranéennes : la pêcherie pélagique basée sur la sardineet l'anchois; la pêcherie démersale chalutière axée sur lesprincipales espèces benthiques tel que: la bogue, le rouget, lechinchard, le merlu etc... la pêche aux petits métiers, tel que lapêche au filet maillant dérivant visant l'espadon, la pêcheriedu corail, la pêche des coquillages etc ... Ensuite il faut élaborerles données biologiques, techniques et économiquespermettant d'établir un plan d'aménagement rationnel pourchaque pêcherie; enfin il faudrait appliquer rigoureusement lesrecommandations et indications continues dans les plansd'aménagement.

B. REPEUPLEMENT

Certains stocks de poissons sont très fragiles, car compte-tenu dela longue durée de vie des espèces concernées, ils mettentbeaucoup de temps à se reconstituer. Aussi, lorsqu'ils sontaffectés pour une exploitation très intense, le seul moyen àmême d'assurer leur reconstitution, réside dans la mise en placed'un programme de repeuplement. L'exemple type est celui del'espèce thon rouge de Méditerranée (Thunnus - thynnus).

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GR 0 UPEMEN T D' cl UlJe ~ t 1 utin \., H t 1< \., H n ;) u I~ L 1"\ IVI [U IlL"" c,,' c c

Dans ce cadre, et afin d'assurer la reconstitution des stocks dethon rouge de la mer d'Alboran d'une manière générale etceux de nos côtes méditerranéennes en particulier, notreMinistère des Pêches Maritimes et de la Marine Marchande aentrepris à M'Diq depuis décembre 1992, par le biais de l'OfficeNational des Pêches / Institut Scientifique des Pêches Maritimesen tant qu'agence nationale d'exécution, et conjointementavec la Fondation Japonaise pour la CoopérationInternationale (OFCF), un projet de reproduction artificielle duThon rouge de Méditerranée pour la production d'alevins ainsique leur grossissement jusqu'à ce qu'ils atteignent une taillepermettant de les relâcher en mer.

Ce programme qui constitue une première mondiale et uneinnovation en matière de savoir faire technologique, auracertainement des retombées bénéfiques tant sur notre pays,que sur le plan régional, dans la mesure où il contribuera à lareconstitution et la préservation des stocks naturels du thonrouge des côtes marocaines et méditerranéennes.

Des actions analogues de repeuplement peuvent être initiéespour bénéficier à d'autres espèces menacées de notre faunemarine.

C. L'AQUACULTURE MARINEL'aquaculture est une forme plus élaborée de l'exploitation desressources halieutiques. Elle permet d'augmenter la productionde certaines espèces et d'optimiser l'exploitation des sitesaquacoles. Cette activité se justifie encore plus dans une merpauvre en ressources, comme c'est le cas de la Méditerranée.

A cet égard, notre gouvernement a encouragé durant cesdernières années, la création et le développement de projetsaquacoles d'envergure sur nos côtes méditerranéennes.

Ainsi, deux grands projets sont déjà implantés sur notre littoralméditerranéen, et sont déjà en phase de production, d'autressont en cours de réalisation ou en phase d'étude. Parmi cesprojets, celui de la Société MAROST, établi sur la lagune deNador, depuis 1986 et qui vise pour l'année 1994, une production

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Le MAI/UC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

de 1000 tonnes de poissons constitués d'espèces nobles dehaute valeur commerciale, est considéré actuellement commele plus important projet d'aquaculture marine du bassinméditerranéen, et constitue une fierté pour notre pays.

Nos côtes méditerranéennes offrent encore de nouvellespossibilités pour le développement de l'aquaculture marinenotamment l'aquaculture off shore, qui se fait en mer ouverte.

• Pour ce qui est de notre biodiversité et notre richessegénétique, là encore, les pollutions marines conjuguées auxactivités humaines leur causent des préjudices irréparables. Dece fait, notre potentiel génétique marin tant végétal qu'animal,régresse d'année en année.

La biodiversité peut être affectée au niveau des écosystèmeseux-mêmes. Il est à citer à titre d'exemple le cas des herbiersmarins, par exemple les herbiers à posidonies, qui constituentdes écosystèmes fragiles très sensibles à la pollution et dont lesaires de distribution se réduisent de plus en plus.

La biodiversité est affectée également et surtout au niveau desespèces marines. S'il est à citer un exemple d'espècemenacée, c'est bien celui du pho<We moine (Monachus ­monachus) de Méditerranée.

Ce sympathique animal marin qui a joué un rôle culturelimportant dans l'histoire de la Méditerranée, et qui a été

.évoqué par toutes les civilisations prestigieuses qui se sontsuccédées au bord de ses rivages, se trouve actuellement envoie de disparition.

La population mondiale de cette espèce est estiméeactuellement entre 250 et 300 individus, dont un nombreimportant, soit plus d'une centaine environ, vit à l'extrême sudde notre côte atlantique, le long de la côte des Guerguerat.Quant aux petites populations qui vivaient dans notre côteméditerranéenne entre AI Hoceima et Ras Kebdana, elles ontmalheureusement pratiquement disparu.

Il s'avère donc temps de mettre fin à cette hémorragiegénétique et de sauvegarder notre biodiversité. C'est dans cecadre que notre Ministère des Pêches Maritimes et de la Marine

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

Marchande a lancé la création d'un Comité National deSauvegarde du Phoque Moine, comité où siègeraient tous lesdépartements et organismes intéressés par ce programme.

La sauvegarde des espèces menacées en général et celle duphoque moine en particulier devrait se faire par la création dezones protégées sous forme de réserves, de parcs nationauxetc... ainsi que par l'adoption d'autres mesures de protection,tel que l'interdiction de la pêche dans la zone d'habitat duphoque moine etc...

A ce sujet, il est à saluer la création par la Direction des Eaux etForêts du parc national du Souss-Massa et la réserve des"Bokoyas" sur la côte méditerranéenne.

• Pour ce qui est enfin de la protection de l'environnement, lesactions à entreprendre peuvent se résumer:

Au niveau juridique:

Elaboration de normes, notamment, celles relatives aux rejetseffectués par les établissements polluants, et de lois anti-pollution.

Au niveau technique et scientifique:

• Mise en oeuvre d'un programme d'interventions etd'études, notamment, celles relatives à l'impact surl'environnement, en cas de pollutions accidentelles par leshydrocarbures.

• Mise en oeuvre d'un programme d'évaluation, desurveillance et de suivi continu de l'état de salubrité dumilieu marin et des produits de la mer.

Ce programme devrait être mis en oeuvre par tous lesdépartements et organismes concernés par la salubrité del'environnement marin et des produits de la mer: ISPM, servicesvétérinaires, Institut d'Hygiène, organismes et institutionsuniversitaires tel que: IAV Hassan II, Institut Scientifique etc ....

A titre d'information, lïSPM a entrepris depuis 1992 la mise enplace d'un Réseau National de Surveillance de l'EnvironnementLittoral (RNSE) qui sera articulé sur huit stations d'observation en

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

continu du milieu marin implantées le long du littoral nationalaux points suivants: Nador, AI Hocéima, M'Diq, Larache,Casablanca, Oualidia, Agadir et Lâayoune,

Au niveau de ces stations sera effectuée une surveillancepermanente de l'environnement, notamment l'apparition duphénomène des "eaux colorées" qui affectent en particulier lescôtes méditerranéennes, De même sont effectuées desanalyses physico-chimiques, bactériologiques ainsi qu'uneidentification des espèces phytoplanctoniques toxiques, enparticulier au niveau des sites aquacoles, des zones deramassage des coquillages et des zones confinées, tel que leszones estuariennes, les lagunes maritimes etc... .

Certaines thèses ont été défendues sur le concept decompétition pour l'espace maritime, qui se fait souvent audétriment de la qualité de l'environnement.

En effet, les diverses activités humaines (urbanisme, industrie,tourisme, pêche, aquaculture), ainsi que les nécessités de lapréservation de la biodiversité par la création d'espacesmaritimes protégés, se disputent l'occupation du domainemaritime.

Pour éviter que cette compétition ne nuise à l'environnementmarin, il s'avère nécessaire d'élaborer un schéma rationnel del'aménagement de notre espace maritime qui tienne encompte la vocation de chaque portion du littoral national etqui puisse à la fois concilier entre les nécessités dudéveloppement économique et démographique etl'importance de conserver des zones naturelles intactes entant que réservoirs de biodiversité ; et d'autre part de réaliserun équilibre judicieux entre les divers secteurs économiques.

Un exemple illustrant une situation d'équilibre entre deuxsecteurs maritimes compétiteurs pour l'espace, à savoir lapêche et l'aquaculture est celui relatif à la mise en valeur de lalagune de Nador ;

En effet, lorsque le projet de réalisation à Nador d'un grandcomplexe aquacole intégré a été lancé en 1986 par descapitaux privés marocains, l'on avait craint que des conflitssérieux avec les pêcheurs de la lagune se produisent.

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Craintes d'autant justifiées qu'à ce moment là environ 500familles de pêcheurs tiraient leur substance de la lagune.

Cependant, la situation évolua tout autrement. Tout d'abord ungrand nombre parmi ces pêcheurs (250 environ) furent intégrésau projet. soit en tant que salariés permanents, soit commeouvriers temporaires. Ils virent tous, leurs revenus augmenternotablement. Ceci permit de stabiliser la situation sociale despopulations riveraines de la lagune et un équilibre entreactivités de pêche et aquaculture s'instaura progressivement.

Par la suite une initiative de la société responsable du projet,consistant en lâchers réguliers d'alevins dans la lagune, permit·d'augmenter les ressources de ce site et d'améliorer encoreplus la situation des pêcheurs. En effet, ces dernierscommençaient à augmenter leurs captures d'une manièresubstantielle. Cette amélioration de leurs prises était renforcéepar le fait que les aliments qui s'échappaient des cagesd'élevage, bénéficiaient directement à la faune de la lagune.

Ce bel exemple de mise en valeur équilibrée d'un site naturel,la lagune de Nador, se trouve hélas ! menacée par l'importantdéveloppement démographique, urbain et industriel, lié à laville de Nador. Pour le préserver et permettre qu'il se développedavantage, il s'avère urgent et nécessaire de maîtriser les rejetsliés à la ville de Nador, qu'ils soient d'origine urbaine ouindustrielle, et de neutraliser les diverses pollutions qui enrésultent et qui menacent l'environnement de la lagune.

Les recherches océanographiques au Maroc sont menéesactuellement, sur le plan appliqué, par l'l''nstitut Scientifique desPêches Maritimes (ISPM) et sur le plan fondamental parplusieurs organismes et institutions universitaires.

En effet, l'élément humain reste fondamental pour développerun domaine quel qu'il soit. Or les chercheurs marocainstravaillant actuellement dans les diverses branches del'océanographie se chiffrent à moins d'une centaine: 50environ à l'lSPM, et moins de 50 dans les autres institutions.

Si l'on compare avec le secteur agricole marocain, il y aactuellement plus de 700 chercheurs et enseignants­chercheurs qui effectuent des recherches et des travaux dansles diverses disciplines agronomiques. De plus les prévisions du

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Ministère de l'Agriculture visent à porter ce chiffre à2000 chercheurs à l'horizon 2000.

En comparaison, le potentiel de recherche en océanographieparait relativement très faible. Pour remédier à cette situationet donner au secteur de la mer, les mêmes chances qu'ausecteur agricole, il nous parait indispensable et primordiald'entreprendre les actions suivantes:

• Initier, renforcer et développer l'enseignement des diversesbranches de l'océanographie et des sciences halieutiques auniveau du 3ème cycle dans les universités marocaines,notamment cell~s qui sont implantées sur le littoral national.

• Renforcer sérieusement les ressources humaines de l'ISPM quirestent bien en deça des besoins nécessaires àl'accomplissement de l'importante mission dévolue à cetinstitut.

• Assurer une meilleure coordination entre les instituts derecherche appliquée tell'ISPM, les institutions de formation etles institutions universitaires, travaillant dans les diversdomaines des sciences océanographiques et halieutiques etce afin d'éviter la dispersion des efforts et le double emploi.

• Enfin et compte-tenu que la quasi-totalité des activités derecherche sont concentrées dans les villes de Casablanca etRabat, il s'avère nécessaire d'effectuer une décentralisationde ces activités par la création de centres régionaux derecherche spécialisés dans le domaine marin.

A ce sujet, il me plait d'informer l'assistance, qu'en applicationde deux Hautes et Importantes Directives de SA MAJESTE LE ROIQUE DIEU LE GLORIFIE, à savoir:

• Promotion de nos provinces du Nord;

• Décentralisation des divers secteurs par le développementd'activités au niveau régional.

l'Institut Scientifique des Pêches Maritimes a programmé dedécentraliser ses activités de recherche par la création aucours de la période (1993-1995), d'un Centre Régional enMéditerranée, en vue de prendre en charge les travaux de

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

recherche à l'échelle de cette région, située loin du siègecentral de l'ISPM à Casablanca.

Le Centre Régional de l'ISPM aura des spécificitésméditerranéennes et sera basé à Nador.

Le choix de Nador pour abriter ce Centre Régional de l'ISPM estjustifié pour les raisons suivantes:

• la situation géographique de Nador offrant beaucoup defacilités de communication avec le reste du pays;

• l'importance socio-économique de la pêche côtière etartisanale au niveau de cette circonscription maritime;

• l'infrastructure portuaire de Nador;

• les facilités d'approvisionnement en matériaux deconstruction nécessaires à la réalisation du CentreRégional.

Il est à souligner enfin, que ce Centre sera doté de son proprenavire de recherche.

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

Rapport de synthèse

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

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GROUPEMENT D ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

De la pression démographique, à lapollution liée aux activitésmaritimes, en passant par lesmouvements de population, lesactivités agricoles et l'urbanisationdu littoral, le Maroc méditerranéenconnaît des réalisations importanteset vit des problèmes de grandeenvergure.

Le GERM, en collaboration avecl'université ABDELMALEK ESSAADI etavec le soutien de la FondationFRIEDERICH EBERT, a tenu au coursde ces journées, à permettre undébat serein, profond, réaliste et

responsable entre des hommes et des femmes impliqués,interpellés et concernés par cette région. Se pencher sur lesgrandes perturbations que l'homme provoque, par son travail,sa vie quotidienne, son habitat et son argent, dans cetenvironnement constitué de roc, de sable, d'arbres, d'eau,d'éléments tangibles, mais combien fragiles!

Tel est l'écosystème dont il est question. L'homme vit, ils'organise, peut-il le faire sans endommager, amputer,détériorer et détruire ce cadre physique et socio-culturel, quiconstitue son espace d'accueil?

Pour aller encore plus loin que les dernières rencontres deTétouan 1, Il et III, qui ont montré la faible place que tient leMaroc méditerranéen dans les choix du Maroc moderne, leGERM a proposé une ossature autour de quatre axes pourTétouan IV.

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

1. Population et dégradation de l'écosystème

L'érosion connaît plusieurs formes, on les connaît. On les arepérées tant dans leur nature, leur évolution, que dans lesformes et les moyens, que peut prendre leur arrêt oudiminution. Les agents responsables de cette activité érosivesont répertoriés. C'est là un acquis important, mais le tempspresse, car l'écosystème est agressé et il est fragile.

Quatre idées fortes se sont imposées dans la présentation et ladiscussion de cet axe:

• les causes physiques de la dégradation existent, elles sontnombreuses et elles vont continuer. On peut atténuer et réduireleurs effets.

• la dégradation du milieu par ceux qui y vivent est souvent unenécessité et non un choix. Il y a la négligence, il Y a des pressionsdiverses, fort critiquables mais pour vivre, l'homme a avec la naturedes rapports qui sont aussi destruction. Toutes ces dégradations nesont pas obligatoires, elles ne sont pas des fatalités.

• la relation entre la pression démographique et l'érosion existemais elle est complexe. En tout cas, il n' ya pas de corrélationdirecte, l'homme dégrade mais il protège aussi sonenvironnement. L'un des atouts du Rif est qu'il a gardé sespopulations. Le dépeuplement des montagnes est la forme laplus grave et la plus irrémédiable d'érosion.

Il faut garder les sols, il faut garder aussi les hommes avec.

• les conditions de vie des ruraux et des montagnards sontune composante essentielle de cette problématique. Leproblème de l'eau potable, son impact sur la vie, le bien-être,le temps et la véritable corvée que sa recherche constitue,surtout pour les femmes et les enfants, posent avec acuité lanécessité de doter les campagnes et les montagnes eninfrastructures. Le gain économique, social et culturel est deloin supérieur aux coûts financiers que peuvent occasionnerces opérations.

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

2. Activités agricoles, pratiques culturales et environnement

Des acquis existent, des réalisations importantes aussi. LeDERRü, le projet Fès-Karia-Tissa et le projet Loukkos sont desexpériences avec des résultats tangibles au profit despopulations. Le programme de développement desprovinces du nord, qui ne va pas tarder à rentrer dans saphase d'exécution, développera, sans doute, les aspectsdynamiques des opérations qui l'ont précédé. Mais toutcela, laisse un tableau inachevé des opérationscommencées mais mal maîtrisées, souvent interrompuespour des opération de budget. Les activités agricoles sont aucentre de l'étude de l'environnement. Elles sont sources derevenus, elles sont la vie du citoyen. Elles forment un toutavec le milieu. C'est pourquoi les systèmes de productionsqui sont homogènes ne peuvent pas être abordés en termesde cultures ou d'activités de substitution, mais en termes demodernisation et de mutations du système dans sonensemble. Des alternatives existent:

• Elles sont globales: l'homme dans sa culture.

• La maîtrise des sources de financement impose des règles deconduite et des comportements.

Qui maîtrise les sources de financement impose sa visiondes choses. Cela est un grave biais, sa corrections'impose.

• une nouvelle conception et approche doit se développer.L'agriculture de montagne est peu connue au Maroc, elle n'estpas du tout développée.

• le projet en tant qu'entité en interaction avec sonenvironnement doit-il être privilégié? Si c'est oui, des équipespluridisciplinaires doivent en assurer le suivi.

Des militants du développement sont nécessaires. Ce n'est pasune utopie, ce n'est pas de la naïveté.

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LEM AROC MEDITE RRA NEE N, QUE LSEN JEoUX ECO LOG 1QUE S ?

3. Développement touristique, urbanisation du littoral etenvironnement

Le littoral n'est pas coupé de l'arrière pays. De la montagne àla plage ou à la falaise, il y a continuité et progression.

L'un des problèmes majeurs ici est que les formes et la logiquede l'urbanisation sont anarchiques, elles se font sous la pression.La pression des mouvements de population et la pression desmouvements de spéculation.

De l'occident à l'orient du Rif. ce sont les finalités del'urbanisation qui changent, non les dégâts sur l'environnement.

Ce milieu est fragile, ce milieu est difficile. L'homme ne peutcontinuer à prendre sans donner. Le pouvoir de l'argent. estune rançon qui sera de plus en plus lourde à payer par 10société.

La régulation entre les contraintes de développement et cellesde l'urbanisation est urgente. En tout cas, ici les effets del'argent jettent des acquis sociaux et des pans du patrimoinedu Maroc, à la mer.

4. Activités maritimes et pollution marine

Cet axe riche en informations s'est avéré d'un grand intérêt. Ilest peu connu des chercheurs, peu connu du public. Le Marocen est à ses débuts. Il serait fort utile que le GERM le reprennepour en faire une étude plus fouillée; Tétouan V ? Pourquoipas.

Le milieu marin et l'espace du littoral sont très riches et trèsdiversifiés, ils sont aussi très vulnérables et bien fragiles. Leurprotection impose de les préserver, de mieux les organiser et demieux les connaître.

Depuis la rencontre de Rio de Janeiro, le débat s'est imposé auniveau mondial.

Des réalisations déterminantes ont vu le jour à travers le monde.Le Maroc doit se doter de moyens, de ressources pourconnaître son milieu marin, protéger son littoral et les ressourcesvivantes de la mer.

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GROUPEMENT D'ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

Des parcs naturels, des réserves naturelles ne sont plus un luxe.La biodiversité est un concept opérationnel qui doit prendre laplace qu'il nécessite.

Les formes de pollution par les métaux lourds ou par leshydrocarbures existent, elle ne constituent pas un danger. Uneconscience se développe au nord de la Méditerranée, elle doitexister au sud aussi. La Méditerranée est une mer fermée, sescaractéristiques montrent qu'elle est très fragile.

ConclusionLe Maroc méditerranéen est un milieu difficile, les actions desacteurs se neutralisent dans plusieurs domaines, elles sontsouvent ingrates; en tout cas, elles sont des enjeux d'avenirincontournables.

La plupart des interventions qui se sont effectuées ont desretombées à long terme dans un environnement hostile.

C'est dans ce cadre que la lutte contre l'érosion et laprotection de l'environnement concerne la préservation dessols, la promotion de nouvelles méthodes culturales, laconservation des acquis des techniques traditionnelles et ledéveloppement d'un cadre pour un meilleur épanouissementde l'homme.

Le Maroc méditerranéen est un milieu fragile. C'est pourquoi saprotection et son utilisation rationnnelle imposent de leconnaître et de le surveiller par des actions mieux ciblées. Leconflit entre l'environnement et le développement suppose àla fois des actions de grande envergure et des arbitrages entredes intérêts qui sont la plupart du temps conflictuels. L'hommeet l'eau, les activités agricoles, touristiques et urbanistiques, lamer, la forêt et la montagne sont les agents de cetteinterpénétration souvent douloureuse entre développement etenvironnement.

L'écosystème est l'interférence entre plusieurs variables qui sontspontanément tiraillées.

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LE MAROC MEDITERRANEEN, QUELS ENJEUX ECOLOGIQUES?

Quelques propositions urgentes méritent une attentionparticulière:

• La mise en place d'un cadre législatif et règlementaireadéquat sous forme de loi cadre.

• La création d'une instance de coordination et de suivi.

• Une réelle et durable prise de conscience des enjeux liés àl'environnement.

L'action de l'homme se doit d'introduire des élémentsd'harmonie et de reproduction des richesses fragiles. Il esturgent que l'action rejoigne la réflexion et qu'elles se stimulentmutuellement.

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EDITE PAR LE GROUPEMENT D'ETUDES ETDE RECHERCHES SUR LA MEDITERRANEE

(GERM)

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EDITIONGERM

REALISATIONGERM

FLASHAGE/IMPRESSIONOURAGAN COMUNICATIONIMPRIMELITE

DEPOT LEGAL: 404/1994

ISBN: 9981-9801-0-2

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