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EVALUATION-REGULATION D’UN DISPOSITIF DE PRE-ORIENTATION ADAPTE DES PRATIQUES DES ECOLES DE LA 2 e CHANCE VISANT L’AUTONCONTROLE PAR DES JEUNES DECROCHEURS DES PROCESSUS A l’ŒUVRE DANS LEUR ORIENTATION Université de Rouen, Département de Sciences de l’Education Mémoire pour l’obtention du Master « Ingénierie et Conseils en Formation » Directeur de mémoire : Jérôme ENEAU Cathy PIRA Année : 2007 / 2008

Université de Rouen, Département de Sciences de l ...shs-app.univ-rouen.fr/civiic/memoires_masterICF/textes/T_PIRA.pdf · 5.1 La TSC de Bandura ... publics de 16 à 18 ans d’une

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EVALUATION-REGULATION D’UN DISPOSITIF DE PRE-ORIENTATION

ADAPTE DES PRATIQUES DES ECOLES DE LA 2 e CHANCE VISANT

L’AUTONCONTROLE PAR DES JEUNES DECROCHEURS DES PROCESSUS

A l’ŒUVRE DANS LEUR ORIENTATION

Université de Rouen, Département de Sciences de l’Education

Mémoire pour l’obtention du Master « Ingénierie et Conseils en Formation »

Directeur de mémoire : Jérôme ENEAU

Cathy PIRA

Année : 2007 / 2008

Table des matières

Introduction……………………………………………………………………………………1

1 Le contexte de la commande .................................................................. 3 1.1 Le décrochage scolaire / la déscolarisation : repérage terminologique ............. 3 1.2 Le « décrochage scolaire » des 16 18............................................................... 4 1.3 La MGI et le décrochage scolaire...................................................................... 5 1.4 Conclusion ........................................................................................................ 6

2 De l’étude de la commande vers l’étude du dispositif ......................... 7 2.1 Eléments de compréhension de la commande.................................................. 7

2.1.1 Une commande émanant de la DIV ................................................................... 7 2.1.2 Les enjeux .......................................................................................................... 8

2.2 Elément de compréhension du dispositif test .................................................. 10 2.2.1 Le dispositif E2C.............................................................................................. 10 2.2.2 Le dispositif de pré-orientation proposé par les E2C....................................... 12

3 La question de recherche ...................................................................... 15

4 Une évaluation régulation...................................................................... 16 4.1 Essai de définition ........................................................................................... 16 4.2 L’évaluation régulation : un processus ............................................................ 19

5 Le cadre théorique.................................................................................. 21 5.1 La TSC de Bandura......................................................................................... 21

5.1.1 Le sentiment d’auto-efficacité.......................................................................... 22 5.1.2 La TSCOP ........................................................................................................ 25

6 Méthodologie .......................................................................................... 29 6.1 Apports terminologiques et théoriques ............................................................ 29

6.1.1 La notion de référent en linguistique................................................................ 29 6.1.2 Les apports de la linguistique pour le champ de l’évaluation .......................... 31 6.1.3 La fonction référentielle du langage................................................................. 32 6.1.4 La référentialisation.......................................................................................... 34 6.1.5 Référentialisation et référentiels....................................................................... 34

6.2 La méthode ICP .............................................................................................. 35 6.3 La référentialisation dans ce chantier de mémoire .......................................... 36 6.4 Le référentiel en cours de construction : un moment de la référentialisation ... 37 6.5 La référentialisation ou la mise à nue d’une posture d’évaluateur ................... 38

6.6 Conclusion sur la démarche de référentialisation dans ce mémoire................ 39

6.6.1 Un référentiel construit pour des acteurs donnés dans un contexte particulier 39 6.6.2 Le choix d’un outil sociologique : l’entretien semi-directif............................. 40

6.6.2.1 Les entretiens semi-directifs des équipes pédagogiques .............................. 41 6.6.2.2 Les entretiens semi-directifs des jeunes ....................................................... 43

7 Analyses des entretiens semi-directifs des jeunes............................ 43 7.1 Rappel des hypothèses à vérifier .................................................................... 43

7.1.1 Une analyse thématique ................................................................................... 44 7.1.2 Cartographie des thèmes .................................................................................. 45 7.1.3 Analyses qualitatives........................................................................................ 46

7.1.3.1 Motivation des jeunes à intégrer le dispositif et possibilités d’accompagnement par les E2C .................................................................................. 46 7.1.3.2 Une logique d’attente de travail................................................................... 48 7.1.3.3 L’engagement : une réponse au milieu dans lequel évolue le jeune............ 50 7.1.3.4 Une logique de découverte de soi et de ses intérêts ..................................... 53 7.1.3.5 Le profil « utilitariste » ................................................................................ 61

8 Résultats.................................................................................................. 63 8.1 Vers le référentiel stabilisé .............................................................................. 63

8.1.1 Un dispositif destiné exclusivement aux jeunes décrocheurs .......................... 63 8.1.2 Un raccrochage des jeunes décrocheurs...........................................................64 8.1.3 Un nécessaire partenariat ................................................................................. 65 8.1.4 La pédagogie du contrat ................................................................................... 66 8.1.5 La pédagogie de la réussite .............................................................................. 67 8.1.6 Moyens mis en œuvre pour faire de ce dispositif de pré-orientation ............... 68

8.2 Le référentiel stabilisé ..................................................................................... 69

Conclusion…………………………………………………………………………………73

Bibliographie……………………………………………………………...………………..76

ANNEXES…………………………………………………………………………………………………… 79

Introduction

1

Cette introduction retrace tout d’abord le contexte de la commande puis conduit de

l’énoncé de la problématique de recherche jusqu’au cadre théorique choisi pour s’achever sur

une présentation synthétique du plan de ce mémoire.

Dispositif pédagogique innovant issu d’un concept européen, l’objectif de l'École de la 2e

Chance (E2C) est de permettre à des jeunes menacés d’exclusion de reprendre pied grâce à un

projet professionnel. Sont particulièrement visés les jeunes de 18 à 26 ans, sans aucune

formation. Il s’agit, au sortir de l’E2C, de les insérer dans un emploi durable, soit directement,

soit en reprenant une formation.

Fondé en 2004 avec les quatre premières Ecoles, le Réseau France des E2C compte

aujourd’hui 16 membres.

Après le Comité Interministériel à la Ville qui s'est tenu le 9 mars 2006, la Délégation

Interministérielle à la Ville a décidé de subventionner des projets pédagogiques proposés par

les Ecoles. A ce titre, le 21 novembre 2006, une convention a été signée entre le Réseau E2C

France et la Délégation Interministérielle à la Ville (DIV) pour la production d'une étude sur

l'essaimage du dispositif pédagogique des Ecoles de la 2e Chance. Dans le cadre de l’exercice

2007 de la Convention de partenariat la Délégation Interministérielle à la Ville (DIV)

demande notamment au Réseau :

« l’organisation par au moins deux Ecoles du Réseau d’une expérimentation sur les publics de 16 à 18 ans d’une formation adaptée à leurs besoins pour la préparation à leur entrée éventuelle dans un dispositif d’Ecole de la 2e Chance ».

Autrement dit, il s’agit pour les Ecoles qui participent à cette expérimentation de mettre en

place (sous la coordination du Réseau) un dispositif test, afin de voir si les E2C peuvent être

une solution dans le « décrochage scolaire » des 16/18 ans.

C’est dans ce cadre que se situe « mon chantier » pour ce mémoire professionnel. Chargée

de Mission au sein du Réseau E2C France, ma démarche est la suivante : il s’agit

d’accompagner la mise en place d’un dispositif par la construction d’outils d’évaluation afin

d’être en mesure, d’une part, de co-évaluer les effets de son application et, d’autre part, de co-

pointer du doigt d’éventuelles modifications à apporter « en temps réel » mais aussi « après

coup » en vue d’une possible pérennisation du dispositif, étant entendu que le protocole

d’évaluation n’est qu’un des moyens permettant une prise dé décision en ce sens.

Introduction

2

En suivant de près l’écriture du dispositif, il est apparu d’emblée clair que l’objectif

principal visé était la création d’un dispositif test conçu non comme un dispositif nouveau

mais comme une adaptation des pratiques des E2C en vue de « raccrocher » les jeunes

décrocheurs. Est ainsi apparue la question de recherche suivante :

En quoi un dispositif de pré-orientation conçu comme une adaptation des pratiques

pédagogiques des E2C peut-il permettre à des jeunes décrocheurs de développer leur

autocontrôle des processus à l’œuvre dans leur orientation ?

L’analyse de la commande et du dispositif proposé à la DIV par les Ecoles qui vise avant

tout un travail sur l’« estime de soi » en vue de créer un « déclic » dirige le choix du cadre

théorique choisi : nous nous appuierons sur la théorie sociale cognitive de l’orientation

scolaire et professionnelle (TSCOSP). La TSCOSP nous permettra de faire le lien entre

réponses théoriques et pratiques dans la mesure où elle se présente comme le résultat de

l’application de la théorie sociale cognitive de Bandura (2003).

L’analyse de ma mission m’a amenée à choisir une méthodologie - la

« référentialisation » Figari (2006)- adaptée au type de travail qui m’a été demandé, afin de

procéder de manière instrumentée et méthodique à l’évaluation de ce dispositif test.

L’évaluation prend la forme d’une évaluation régulation et il s’agira de cerner, dans ce

mémoire, les spécificités d’une telle démarche au regard d’autres types de démarches

d’évaluation

La première partie de ce mémoire fait trace d’un cheminement. Elle retrace l’étape initiale

du travail qui a été le mien durant mon « chantier » et l’écriture de ce mémoire. Le premier

moment de cette partie s’articule autour de la présentation et de l’analyse de la commande à

partir d’un éclairage contextuel. Ces éléments de contexte sont indispensables à une

appréhension pas à pas de l’objet étudié. Nous partirons ainsi, dans un premier temps, d’un

essai de problématisation de la notion de « décrochage scolaire » pour nous intéresser, dans

un second temps, aux spécificités du décrochage scolaire des jeunes de 16 à 18 ans. Le second

point conduit de la présentation de la commande et du dispositif proposé par les Ecoles dans

le cadre de cette commande jusqu’à leurs analyses. Le dernier point est construit autour du

cadre conceptuel mis en œuvre dans ce mémoire.

La seconde partie de ce mémoire s’articule, tout d’abord, autour de la méthodologie

adoptée avant de présenter les résultats de l’analyse thématique des entretiens effectués par les

jeunes pour finir sur une présentation du référentiel d’évaluation stabilisé.

3

Comme cela a été précisé en introduction, mon premier objectif dans ce travail est une

présentation et une analyse de la commande à partir d’un éclairage contextuel. Ces éléments

de contexte sont indispensables à une appréhension pas à pas de l’objet étudié. Nous partirons

ainsi, dans un premier temps, d’un essai de problématisation de la notion de « décrochage

scolaire » pour nous intéresser, dans un second temps, aux spécificités du décrochage scolaire

des jeunes de 16 à 18 ans.

1 Le contexte de la commande

La commande concerne une action sur les jeunes « décrocheurs », âgés de 16 à 18 ans. Or,

cette notion recouvre différentes acceptations et réalités. Il convient donc d’y revenir.

1.1 Le décrochage scolaire / la déscolarisation : repérage terminologique

« Le phénomène du décrochage scolaire est l’échec le plus grave et le plus visible de l’institution scolaire. Il témoigne de l’incapacité du système à développer un accompagnement adéquat auprès de certains élèves. Le décrochage scolaire est une déviance individuelle qui résulte de la difficulté de scolariser toute une classe d’âge de façon prolongée » (Vitali cité par Epstein, 2007, p.2)

Glasman (2003) affirme que les sorties sans diplôme ou l’arrêt des études avant même la

fin de la scolarité obligatoire ne sont pas des phénomènes nouveaux. Toutefois, ce n’est qu’à

partir de la seconde moitié des années 90 qu’apparaît une préoccupation institutionnelle

concernant les élèves, qui sont dits, depuis 1999, « déscolarisés ». En effet, comme le

souligne Epstein (2007, p.1) en s’appuyant sur les travaux de Dray et Oeuvrard (2000) : « La

déscolarisation interroge le fonctionnement des institutions éducatives. »

Dès lors, en 1999, le ministère de l’Education nationale, le ministère de la Justice, le

Fonds d’action sociale pour l’intégration et la lutte contre les discriminations et la Délégation

interministérielle à la ville ont lancé des appels d’offres de recherches. Dray et Ouevrard

(op.cit.) indiquent que les questions qui étaient posées étaient notamment relatives

au « processus d’orientation ou [… au] verdict d’échec (que le jeune voudrait éviter en

anticipant par son propre "décrochage")", aux « effets des décisions de l’institution » dont le

passage en classe supérieur au « bénéfice de l’âge », au « statut du jeune dans l’institution

scolaire » (un « enfant » à l’intérieur de l’Ecole et un « adulte » à l’extérieur dans la mesure

4

où il peut avoir éventuellement à se soucier de son placement social), le « fonctionnement (et

surtout le dysfonctionnement) d’un établissement, d’une structure scolaire ou éducative,

d’une classe » notamment concernant la prise en charge de l’absentéisme ou de l’échec

scolaire.

Pour Glasman (2000), le but visé dans ces appels d’offres était donc, d’une part, de saisir

l’ampleur mais aussi les variations du phénomène de « déscolarisation » et, d’autre part, de

saisir les processus de « déscolarisation ». L’auteur souligne également que la définition de la

« déscolarisation » est malaisée à établir parce qu’au regard des appels d’offres lancés, elle

concerne des professionnels appartenant à diverses institutions (école, justice, santé) qui

développent des grilles interprétatives du phénomène selon les normes de leur institution et de

leur identité professionnelle.

En outre, le seul indicateur scolaire (quantitatif) qui permette de saisir l’ampleur du

phénomène est l’absentéisme. Or, ce chiffre est tributaire non seulement des pratiques des

élèves mais aussi des institutions. Au-delà, de quatre demi-journées d’absences dans le mois,

l’élève est en principe signalé à l’Inspection Académique. Toutefois, cet indicateur est

construit autour d’un processus qui relève et de la sociologie administrative (les pratiques) et

de la sociologie des relations professionnelles ou des relations parents-écoles (négociations,

pressions).

Ainsi, Glasman (op.cit., p.11) déplore que de nombreuses recherches ne fassent plus la

distinction entre « déscolarisation » et « absentéisme » :

« On peut noter que tous les élèves absentéistes ne sont pas pour autant déscolarisés ; à l’inverse, des élèves non absentéistes, ou dont les absences ont été justifiées, sont de fait, ou considérés dans les discours de certains acteurs comme « déscolarisés » : que dire des élèves des classes-relais ou de ceux qui sont orientés vers les instituts médico-éducatifs ou les maisons d’enfants à caractère social ?comment considérer les élèves inscrits au CNED et respectant donc l’obligation d’instruction, sans oublier les élèves que l’école a exclus temporairement, ou encore les élèves dont les absences, certes justifiées, ne le sont qu’à la faveur d’un rapport de force avec leurs parents ? »

Même si aujourd’hui, il est donc difficile de comptabiliser les « décrocheurs », le mérite

de ces études est d’avoir rendu lisible les processus de déscolarisation, sur lesquels nous

reviendrons dans notre mémoire.

1.2 Le « décrochage scolaire » des 16 18

5

Pour compléter cette problématisation de la notion de décrochage scolaire et en vue de

nous recentrer sur les problèmes qui seront au cœur de ce mémoire, je souhaite signaler

quelques points problématiques. Ainsi, comme le souligne à juste titre Epstein (2007), les

études sur le décrochage scolaire sont particulièrement importantes au collège alors que

l’école est obligatoire.

Au contraire, les études sur les plus de 16 ans sont moins nombreuses et concernent

quelques travaux dont ceux de l’association La Bouture ainsi que des missions locales et de

l’insertion. En outre, en s’appuyant sur les travaux de Glasman (2000), la chercheuse indique

que les études habituelles sur le décrochage sont centrées sur les jeunes une fois qu’ils ont été

repérés comme « décrocheurs » souvent lors d’une tentative de raccrochage ou lors d’une

inscription dans une mission locale pour une recherche d’emploi. Les études permettent, dès

lors, de reconstruire après coup le processus de décrochage.

Ce qui est nouveau et c’est ce que la chercheuse se propose de faire c’est de s’intéresser

« au présent » à des jeunes en train de décrocher alors que l’école n’est plus obligatoire. Cette

étude au présent (30 jeunes suivis dont 24 hors établissement « alternatifs » (classe relais

notamment1) permet de compléter les analyses rétrospectives et met l’accent sur des

processus de décrochages jusqu’ici invisibles.

1.3 La MGI et le décrochage scolaire

Rappelons-le, l’objectif formulé dans le projet concernant le repérage des jeunes

« décrocheurs » est qu’il se fera principalement2 via la Mission Générale d’Insertion de

l’Education Nationale.

Cette sous-partie se donne pour objectif de définir rapidement qu’elle est la mission de la

Mission Générale d’Insertion mais aussi de progresser sur notre essai de problématisation de

la notion de décrochage. A ce titre, les travaux, sur les publics accueillis par la MGI, de

Bernard et Michaut (2006), sur lesquels nous nous appuyons ici sont particulièrement

éclairants.

Depuis la création, en 1984, du Dispositif d’Insertion des Jeunes de l’Education Nationale

(DIJEN), le ministère inscrit explicitement dans son action une mission d’insertion : celle-ci

est définie au niveau académique, au sein d’un service rectoral : la MGI. L’action de la MGI

1 C’est cette population de jeunes (dans les établissements dits alternatifs) qui nous intéresse dans notre chantier cf. la demande explicitée de la DIV en 3. 2 D’autres dispositifs seront aussi concernés : voir annexe 5 (réunion du 31 janvier avec les Ecoles qui participent au test en vue d’avancer sur les propositions adressées à la DIV)

6

se situe au niveau de mesures prises en faveur des 16 ans et plus, susceptibles de connaître des

difficultés d’insertion.

Une autre manière d’appréhender le public MGI est le « décrochage scolaire ». Ainsi, les

bénéficiaires concernés sont soit « sans solution » à l’issue d’un pallier d’orientation ou d’un

échec à un examen final du second cycle soit en situation de risque de sortie prématurée du

système éducatif. En outre, la MGI désigne très précisément l'obligation dévolue à tout

établissement d'assurer le suivi vers l'accès à la qualification de chaque jeune qui sort sans

solution du système éducatif, pendant l'année suivant sa sortie. Les publics ici accueillis nous

permettent d’avancer sur la notion de décrochage. Sont désignés par le terme de

décrocheurs (voir Bernard et Michaut, 2006):

- les décrocheurs « en train » de décrocher, qui risquent de quitter le système scolaire

sans qualification et qui sont repérables via leur absentéisme, leur abandon en cours

d’année ou en cours de cycle 3

- les élèves « sans solution » à qui l’on propose prioritairement des actions de

« qualification » : fin de troisième sans orientation, par exemple. C’est donc bien, à ce

niveau, lorsqu’il n’y pas de solution Education Nationale de ce type, que le dispositif

E2C peut intervenir.

1.4 Conclusion

Par conséquent, les travaux de Bernard et Michaut (2006.) tout comme ceux de Epstein

(2007), par exemple, interrogent sur la notion de décrochage :

« Cette hétérogénéité interroge aussi sur la catégorie des "décrocheurs". La catégorie est fortement connotée en termes de rapport à l’école sous un angle psychologique ou socioculturel. Le décrochage est alors décrit et analysé comme éloignement aux normes scolaires, ce qui autorise à le voir comme un processus et à éventuellement parler de décrochage sans que l’élève ait quitté physiquement l’école (décrochage de l’intérieur). Toutefois, l’étude du public MGI suggère que les élèves qui interrompent leur scolarité ne sont pas systématiquement éloignés de la norme scolaire » (Bernard et Michaut, 2006, p. 34)

3 si, à première vue, insérer les abandons dans les « décrochages en train de se faire » semblent un abus de langage ; il me semble que cette idée n’est pas en contradiction avec les faits ; en effet, il est souvent difficile, comme on l’a vu, de trancher entre « absentéisme » et « abandon ». En outre, au travers de la MGI tout établissement se doit d'assurer le suivi vers l'accès à la qualification de chaque jeune qui sort sans solution du système éducatif, pendant l'année suivant sa sortie.

7

Ainsi donc, nous retiendrons, à l’instar de Bernard et Michaut (2006, p. 14) que derrière

les différentes acceptations de la notion de « décrochage » (notamment concernant la

distinction entre « décrochage de l’intérieur » (processus à saisir en termes d’éloignement

scolaire) et « décrochage pour les sans solutions », il demeure un fait commun :

"Une scolarité inachevée. […] Autrement dit, la notion de décrochage est avant tout institutionnelle. Cela ne signifie pas qu’elle soit arbitraire : cela signifie que la notion ne prend sens que dans un régime d’éducation et de formation, lui-même défini par l’accès de tous à la certification"

Adopter ce point de vue c’est adopter le point de vue des travaux nord américains comme

ceux de Janosz et alii (cités par Bernard et Michaut, op.cit., p.34) : "dropout are people who

by the age of 22 have not completed the minimal requirement for the high scholl diploma".

Or, (voir notamment Janosz, 2000) bien que les décrocheurs durant la première moitié du

XXe siècle étaient majoritaires, l’absence de diplôme n’était pas considéré comme un

problème social ou individuel :

"La vision du décrochage scolaire comme un problème social ou individuel est fortement influencée par les contextes sociaux, économiques, industriels et politiques qui prévalent à une époque donnée. L’engorgement progressif du marché de l’emploi pour les jeunes, la disparition de milieux de vie légitime en dehors de l’école, l’évolution exponentielle de la place de la technologie dans le vie quotidienne, la domination grandissante d’une économie fondée sur la maîtrise du savoir et de l’information, le désengagement de l’État en matière de soutien social et sanitaire, autant de changements historiques qui incitent à concevoir le décrochage scolaire comme une menace sérieuse à la qualité de vie des individus et au potentiel d’adaptation de la société" (Janosz, 2000, p.104)

2 De l’étude de la commande vers l’étude du dispositif

2.1 Eléments de compréhension de la commande

2.1.1 Une commande émanant de la DIV

Comme nous l’avons souligné en introduction, après le Comité Interministériel à la Ville

qui s'est tenu le 9 mars 2006, la Délégation Interministérielle à la Ville a décidé de

subventionner des projets pédagogiques proposés par les Ecoles. A ce titre, le 21 novembre

2006, une convention a été signée entre le Réseau E2C France et la Délégation

Interministérielle à la Ville (DIV) pour la production d'une étude sur l'essaimage du dispositif

8

pédagogique des Ecoles de la 2e Chance. Dans le cadre de l’exercice 2007, la Convention de

partenariat fait (notamment) état de l’objectif suivant :

"l’organisation par au moins deux Ecoles du Réseau d’une expérimentation sur les publics de 16 à 18 ans d’une formation adaptée à leurs besoins pour la préparation à leur entrée éventuelle dans un dispositif d’Ecole de la 2e Chance".

2.1.2 Les enjeux

Le projet n’a pu être fixé avant d’interpréter et reformuler la commande de l’institution.

Pour la DIV, dans la mesure où il y a aujourd’hui des jeunes décrocheurs de 16 à 18 ans

« sans solution » et que les E2C possèdent des savoir-faire, il est intéressant de mener une

expérimentation afin de voir si les E2C peuvent adapter leurs savoirs-faires à ces jeunes.

Force est de constater que la commande de la DIV, intervient dans un contexte politique

particulier puisque dans son discours «Une nouvelle politique pour les banlieues », du

Vendredi 8 février 2008, le Président de la République affirme :

« Je veux être le Président d’une France qui donne les moyens à celui qui veut entreprendre, qui accompagne celui qui veut s’en sortir, mais qui sache aussi redonner sa chance à celui qui a subi un échec. Le premier échec c’est le décrochage scolaire, c’est la sortie de l’école, chaque année, de 150 000 jeunes sans aucune qualification. Je ne veux plus qu’on laisse les « intermittents des collèges », ces jeunes si souvent absents, disparaître à 16 ans. Lorsqu’on les retrouve quelques années plus tard, c’est parmi les chômeurs ou les délinquants. Aujourd'hui personne ne se sent responsable de ces jeunes. Je demande à l’Education Nationale, dont c’est la mission, d’identifier ces jeunes qui ne sont inscrits dans aucun établissement l’année suivante. Je veux que tous les moyens soient mobilisés pour qu’à partir de 16 ans tout jeune sorti du système scolaire sans aucune qualification puisse être accueilli dans une école de la 2e chance. Là où elles existent, ces écoles sont un succès. Je veux qu’elles soient généralisées sur tout le territoire. Je veux que l’école de la 2e chance devienne pour notre République en ce début de XXIe siècle une priorité comme l’école primaire le fut jadis pour la IIIe République. Je ne veux pas qu’on le fasse à moitié, juste pour quelques-uns, juste pour se donner bonne conscience. Je veux que la deuxième chance devienne un droit pour tous ».

Il semblerait donc qu’à l’issue de cette période d’expérimentation (2 tests) les E2C

devront se prononcer sur leur capacité ou non à accueillir des jeunes décrocheurs : il est

important de souligner que le protocole d’évaluation de ce dispositif n’est qu’un moyen parmi

d’autres pour les Ecoles de la 2 Chance de se prononcer.

9

Il ne faut pas non plus occulter la dimension de test de ce dispositif. Ce test n’est pas une

expérimentation à proprement parlé dans la mesure où :

- il ne propose pas de groupe témoin (contrairement au test 2 du dispositif)

- il ne met pas en exergue une hypothèse mais des questionnements (cf. le tableau de

l’emboîtement des dimensions du problème à partir de l’objet visé par la commande et

les questions qui en découlent auxquelles l’évaluateur est amené à répondre en annexe

6)

Autrement dit, l’évaluation de ce dispositif vise l’évolution de ce dernier L’évaluation a donc

ici une valeur empirique pour reprendre une expression de Van der Maren (1995, p. 160) :

« L’évaluation empirique constitue le plus souvent un projet émanant de praticiens ou d’administrateurs qui cherchent à savoir s’ils ne se sont pas trompés dans la construction ou la mise en place d’un matériel […]. »

10

2.2 Elément de compréhension du dispositif test

Afin de répondre à la commande de la DIV, le Réseau E2C France a proposé, dans le

cadre de l’expérimentation sur les jeunes décrocheurs de 16 à 18 ans, deux dispositifs

distincts. L’objet de mon mémoire se concentrera sur le premier test (annexe 5).

Avant de décrire de manière précise le « dispositif 16 / 18 », il faut, dans un premier

temps, évoquer sa place dans le dispositif des Ecoles de la 2e Chance.

2.2.1 Le dispositif E2C

Dispositif pédagogique innovant, issu d'un concept européen, l'École de la 2e Chance a

pour objectif l'intégration professionnelle et sociale durable d'un public sorti du système

éducatif sans qualification et sans emploi. Le concept d'École de la 2e Chance s'inscrit dans la

continuité des principes contenus dans le Livre Blanc de la Commission européenne

Enseigner et Apprendre- vers la société Cognitive, présenté en 1995 par Edith CRESSON, qui

préside désormais la Fondation des E2C.

En France, l’exemple de Marseille, premier test pilote européen du concept en 1997, a été

porteur d’un essaimage positif. Après mutualisation de leurs expériences, les Écoles de la 2e

Chance existantes en France ont publié une "Charte des Principes" et créé l'association

"Réseau E2C France" en 2004. Le Réseau E2C France compte à ce jour 16 membres qui

gèrent 41 sites Ecoles sur 12 Régions et 25 départements.

Le dispositif des Ecoles de la 2e Chance vient de bénéficier d'une reconnaissance : l'article

12 de la loi 2007-297 du 5 mars 20074 relative à la Prévention de la Délinquance, concernant

les Ecoles de la 2e Chance, témoigne de la volonté du législateur de soutenir et

d'institutionnaliser le dispositif. Le décret d'application de cet article nouveau du Code de

l'Education est paru le 13 décembre 2007 (2007-1756)5.

Le tableau ci-après synthétise le mode de fonctionnement des E2C.

4 Voir annexe 1 5 Voir annexe 2

11

OBJECTIFS Les Ecoles de la Deuxième Chance ont pour objectif l’intégration

professionnelle et sociale durable de jeunes sortis du système éducatif

sans qualification et sans emploi.

PUBLICS Sont visés les jeunes de 18 à 26 ans, sans aucune formation. Il s’agit, ausortir de l’E2C, de les insérer dans un emploi durable, soit directement, soit enreprenant une formation. (Public qui a dépassé l’âge de la scolarité obligatoire etqui ne relève plus de l’Education Nationale (sorti depuis plus d’un an du systèmescolaire).

MODE DE RECRUTEMENT L’essentiel des recrutements provient des Missions Locales/PAIO (85%

des inscriptions) et lorsqu’ils sont orientés par d’autres structures, la démarchedonne lieu à une information voire une inscription à la Mission Locale.

MODALITES DE

FONCTIONNEMENT

Les Ecoles ont des outils communs (référentiels, logique de portefeuille

de compétences, certificat de Compétences) mais des pratiques

adaptées au Territoire. L’innovation et l’adaptation sont au cœur du

dispositif (refus de l’uniformité, standardisation)

Individualisation du parcours - hors des schémas scolaires classiques

- Pédagogie du contrat (engagement et responsabilité du stagiaire dans saformation)- Pédagogie active : ouverture aux activités de la cité et aux projets desstagiaires- Pédagogie de la réussite : encouragement et valorisation des acquisitions etdes progrès. La logique du portefeuille de compétences et la construction du projetprofessionnel sont au cœur d’une approche pédagogique individualisée.

Un dispositif spécifique et individualisé avec des moyens dédiés

Se construire une référence d’appartenanceLes E2C ne délivrent pas de diplômes mais visent l’accréditation de compétences.

L’action pédagogique est souple, centrée sur chaque stagiaire et combine :- l’acquisition (ou la mise à niveau) du socle de compétences de base- l’acquisition de compétences sociales qui permettent l’insertion dans de bonnesconditions dans la vie professionnelle mais aussi citoyenne- une formation « pratique » : organisée par et dans l’entreprise, sous forme destage de détermination, de développement ou de validation d’un projetprofessionnel individuel- l’acquisition de l’aptitude « d’apprendre à apprendre » qui permet aux jeunesadultes d’accéder à la formation tout au long de la vie

Un parcours pédagogique complet et unifié

Capitaliser les acquis sans rupture. Parcours long à durée variable (800 à 1400h)

L’alternance�: clé de voûte du dispositif

Acquisition et évaluation de compétences socioprofessionnelles. Avec une articulation locale indispensable : Toutes les Écoles de la 2e Chance, membre du Réseau E2C France, ont un

partenariat avec les acteurs sociaux (missions locales, PAIO, PJJ, ANPE

et travailleurs sociaux) pour le suivi du parcours des jeunes) ainsi quedes partenariats avec les organismes de formation professionnelle (immersion dedécouverte de métiers, sortie des jeunes vers la qualification).

STATUT DES JEUNES Stagiaires de la formation professionnelle

12

2.2.2 Le dispositif de pré-orientation proposé par les E2C

Des discussions avec la DIV, il ressort en novembre 2007, que : L'idée générale est celle d'un stage de 8 à 12 semaines par petits groupes de 12. A la sortie

de ce stage, il n'est pas prévu d'intégration à l'emploi mais d'orientation :

- soit vers un parcours classique et complet E2C,

- soit vers une formation qualifiante et/ou un contrat d'apprentissage ou de

professionnalisation.

Concernant le public ciblé, les échanges avec la DIV ont montré qu’il est important que ce

stage soit réalisé en accord avec les Académies (Mission d'Insertion). L’idée est de recruter

ces jeunes soit lors de ruptures des systèmes de l'Education Nationale réservés aux publics en

difficulté (type ambition réussite, classe relais, lycée de toutes les chances6) soit lorsqu’il n’y

a pas de solution « Education Nationale » pour des jeunes en grande difficulté.

Le dispositif test construit par les Ecoles est une « adaptation du savoir faire des Ecoles ».

En effet, les Ecoles de la 2e chance ne proposent pas une « nouvelle démarche pédagogique

spécifique au public des jeunes décrocheurs », mais une adaptation de leur savoir faire sur :

- des pratiques hors des schémas scolaires classiques fondées sur l'individualisation du

parcours et l'apprentissage de l'autonomie,

- la pédagogie de l'alternance, clé de voûte du dispositif,

- la recherche d'un véritable engagement du jeune, la pédagogie du "contrat"

Dès les réunions préparatoires, j’ai pu communiquer avec les équipes pédagogiques à

partir d’observations en vue d’une intercompréhension sur le sens de qui est fait au sein des

E2C et plus spécifiquement ensuite sur le sens de la mise en œuvre du dispositif test. Dès le

départ, les directeurs des 3 Ecoles qui participent à ce test ont insisté sur le fait que Ecoles de

la 2e Chance n’ont pas pour habitude d’accueillir des jeunes « en train de décrocher » » ou

« en situation récente de décrochage » (déscolarisation). De manière générale, elles

accueillent des jeunes ayant connu une rupture scolaire de plus d’un an comme le précise

l’ Etude pour l’Essaimage du dispositif, apport méthodologique sur les principes de

fonctionnement des E2C et référence à destination des acteurs institutionnels souhaitant

mettre en œuvre le concept :

6 Pour une présentation de ces dispositifs voir annexe 3.

13

"Le traitement du public cible de l’École de la 2e Chance n’est pas en "concurrence" avec l’Education Nationale, car le public cible est composé de jeunes exclus en rupture scolaire, ayant quitté le système éducatif depuis plus d’un an7 et qui n’ont ni qualification, ni compétence requise pour l’accès à l’emploi et/ou aux programmes de formation professionnelle existants".

J’ai pu interroger les directeurs des Ecoles qui participent à ce test sur leurs

représentations face à cette année (au minimum de rupture). Un directeur affirme que « les

situations sociales pénibles suite à une déscolarisation pendant plus d’un an » sont source

d’une « maturité de la misère » qui amènent les jeunes lorsqu’ils viennent s’inscrire dans une

E2C à « être plus volontaires » et que les expériences avec des jeunes qui n’ont pas connu

« ce décrochage, cette galère » étaient « difficiles » pour cause de « comportement inadapté »

(langage, vêtements provocateurs tant à l’Ecole qu’en Entreprise). Toutefois, tous les

directeurs présents sont d’accord pour dire que « certains de ces jeunes "décrocheurs», on

risque de ne pas les retrouver à 18 ans »Autrement dit, "cet espace de rupture n’est en soi pas

souhaitable". "Pour ces jeunes", il faut donc mettre en place un dispositif qui permette de

créer un "déclic", qui permette de leur "donner les moyens d’acquérir leur indépendance"

sans leur cacher que "ce processus sera long". Contrairement au public "classique" des E2C,

"ce public n’est pas forcément dans une dynamique de choix professionnel", preuve en est,

pour l’un des directeurs, "les 30٪ de rupture que l’on observe en première année de CAP".

Ces ruptures sont essentiellement dues à un "apprentissage dans un métier non choisi

(méconnu du jeune lors de l’inscription) ; qui recrute et qu’il faut donc choisir

préférentiellement comme par exemple la restauration) : c’est ici la pression sociale (des

parents notamment) qui joue ". L’objectif de ce dispositif devrait donc être un

"accompagnement vers l’autonomie" afin de rendre le jeune « acteur de sa formation » « Pour

ces jeunes », il faut donc mettre en place un « dispositif de pré-orientation » qui permette de

créer un "déclic" en travaillant sur « l’estime de soi » et qui permette de leur « donner les

moyens d’acquérir leur indépendance » sans leur cacher que « ce processus sera long ».

Le tableau ci-après synthétise les objectifs du dispositif test, tels qu’ils ont été formulés en

amont de sa mise en œuvre.

7 Rappelons que la MGI désigne très précisément l'obligation dévolue à tout établissement d'assurer le suivi vers l'accès à la qualification de chaque jeune qui sort sans solution du système éducatif, pendant l'année suivant sa sortie.

14

OBJECTIFS Un dispositif de pré-orientation construit comme un préalable à l'entrée

sur un parcours plus long, pouvant déboucher :

- sur un parcours E2C,

- un retour vers l'EN,

- une formation qualifiante,

- un contrat en alternance.

MODE DE RECRUTEMENT Groupe spécifique de 10 à 12 jeunes (pour chacune des 3 Ecoles qui font le test)issus de situations différentes (importance de la mixité), adressés par lesstructures de l'Education Nationale et/ou les Missions Locales pour un stagede 8 à 12 semaines (fin avril – fin juillet 2008).

MODALITES DE

FONCTIONNEMENT

Le parcours est fortement axé sur la découverte des métiers, dans unenvironnement perçu par le jeune comme une structure "différente". La prise deconscience (recherche du déclic) des bases nécessaires (compétencessociales et professionnelles, savoirs de base) se fait au contact de jeunes

travailleurs ou futurs travailleurs (en entreprise et/ou en formation) après un"engagement" du jeune à entamer la démarche de découverte de ladimension professionnelle (pédagogie du contrat)Trois axes seront travaillés par les Ecoles avec des moyens pédagogiques et

une temporalité (alternance Ecole / stages en entreprise) différents :

Développement des compétences sociales : il s’agit de prendre en comptel’absence de codes sociaux chez ces jeunes (attitude, langage, tenuevestimentaire inadaptés à l’environnement). C’est dans ce cadre que serontéventuellement, pour certaines Ecoles, développés les ˝stages de rupture˝ maisaussi et surtout les stages en milieu professionnel

Découverte des métiers / pré-orientation professionnelle : il estsouhaitable de s’axer, y compris dans ces stages de découvertes de métiers, surles compétences sociales (prise de conscience de l’utilité d’être formé,accompagnement vers l’autonomie, socialisation…).Par ailleurs, il est importantpour ces jeunes de rencontrer d’autres jeunes (en CFA, en entreprise), qui ontdonc le souci de se former professionnellement, afin qu’ils saisissentl’importance de la formation dans l’accès à l’autonomie.

L’accès aux savoirs de base : il est important de fonder cette re-médiation surl’individualisation et la prise de conscience par le jeune de l’importance dessavoirs de base dans la construction d’un parcours personnel et professionnel.

STATUT DES JEUNES Jeunes sous statut scolaire. sans indemnités de "stagiaire de la formationprofessionnelle". Cette décision est impérative :- Il ne peut être question que des jeunes envoyés par l'EN la quitteexclusivement pour des raisons "d'indemnités".- Il faut construire un partenariat solide avec l'EN et conserver toute lespossibilités de passerelles et de "retour" éventuel des jeunes dans des dispositifsde formation sous statut scolaire.- Il faut pouvoir signer des conventions de stages sous statut scolaire avec lesentreprises.

- Il est important pour les Régions de ne pas transférer des charges "d'indemnités " des publics reçus par les E2C à des publics de moins de 18 ans.

15

Pour ce test, la DIV a conventionné directement avec le Réseau et le Réseau a

conventionné ensuite avec chacune des 3 Ecoles (annexes à la Convention DIV / Réseau).

Dans ce cadre, le Réseau a eu une mission de coordination du dispositif et a sollicité un chef

de projet, directeur de l’une des 3 trois Ecoles. La mission qui m’a été confiée par le Réseau

des E2C est une mission d’observation, d’accompagnement et d’évaluation du dispositif. Il a

alors fallu choisir une démarche et une méthodologie adaptée à une démarche

d’accompagnement et d’évaluation d’un dispositif nouveau. C’est ainsi que la méthodologie

de « référentialisation » Figari (2006) et la démarche d’évaluation régulation, que je

présenterai ultérieurement, se sont imposées à moi dans la mesure où elles permettent de

répondre à ces besoins

3 La question de recherche

Le sens de la recherche placé au cœur de ce mémoire peut être déduit de tout ce qui a été

exposé jusqu’ici. Ce travail peut ainsi être scindé en deux sous-ensembles :

- l’élaboration d’un protocole d’évaluation visant à évaluer les effets de l’application du

dispositif mais aussi à l’améliorer, dans une perspective collaborative, en mettant en

exergue d’ éventuelles modifications à apporter « en temps réel » mais aussi « après

coup » en vue d’une possible pérennisation du dispositif. Pour répondre à cet objectif,

il m’a fallu choisir une démarche adaptée : l’évaluation-régulation qui sera présentée

dans la deuxième partie de ce mémoire

- une recherche sur l’impact des pratiques à l’œuvre au sein des E2C et sur les

adaptations que les Ecoles de la 2e Chance peuvent mettre en place afin de replacer les

jeunes décrocheurs sur un chemin propice à un parcours sans rupture, sachant que

d’emblée, le projet des Ecoles s’inscrit dans l’objectif de créer un déclic chez le jeune

en lui permettant de devenir acteur de son orientation et ceci en favorisant son estime

de soi. Est ainsi née la question de recherche suivante :

En quoi un dispositif de pré-orientation conçu comme une adaptation des pratiques

pédagogiques des E2C peut-il permettre à des jeunes décrocheurs de développer leur

autocontrôle des processus à l’œuvre dans leur orientation ?

16

Ainsi donc, les deux dimensions retenues s’articulent autour du dispositif de pré-

orientation des E2C conçu comme une possibilité de réponses que l’on peut apporter aux

jeunes décrocheurs afin qu’ils s’engagent volontairement dans un parcours de formation.

Pour creuser cette question, nous nous appuierons sur la théorie sociale cognitive de

l’orientation scolaire et professionnelle : la TSCOSP (Lent, Brown et Hachette 1994,

2000).)La TSCOSP nous permettra de faire le lien entre réponses théoriques et pratiques dans

la mesure où elle se présente comme le résultat de l’application de la théorie sociale cognitive

de Bandura (2006).

Il nous reste maintenant à présenter plus en avant la démarche d’évaluation adoptée dans

ce mémoire en lien avec ma mission avant de développer plus en avant le cadre théorique

choisi qui permettra de répondre à la question de recherche.

4 Une évaluation régulation

La démarche d’évaluation régulation est en adéquation avec ma mission dans la mesure où

elle permet d’accompagner la mise en place du dispositif et par son observation et par la

construction d’outils d’évaluation : cette démarche permet donc d’évaluer les effets de

l’application du dispositif mais aussi d’accompagner son amélioration. Il nous reste à entrer

plus en avant dans la présentation de la démarche et des principes qui la sous-tendent.

4.1 Essai de définition

Vial (2001a, 1) indique que le RE de cette régulation peut être comprise de façon

différente selon le modèle de l’évaluation. « Le concept à élaborer par l’évaluateur, c’est ce

RE, lieu d’un va-et-vient entre conformité et divergence ».

� Tantôt la régulation est pensée en termes d’adaptation et de régularisation : Il

s’agit d’ « aménager le programme et de conserver le référentiel de départ » (Vial, 2001b)

L’évaluation est pensée ici dans le modèle cybernétique. Cette « réduction cybernétique » a

des conséquences importantes : l’évaluation utilise les discours des démarches qualité et

raisonne en terme de « points forts » et « points faibles » pour rectifier, corriger, adapter,

ajuster les pratiques.

17

� Tantôt la régulation est pensée en termes de réorientation « la volonté de

réorienter à partir du programme, de se réorienter et de changer de références, c’est-à-dire

de remettre en questions le référentiel de départ, de la faire évoluer » (Vial, 2003, p. 174).

L’évaluation est pensée ici dans la « vision du systémisme » (Vial, 2001a, p.4) :

« C’est un modèle qui va permettre de faire du management participatif […] La régulation est ici le moment où on va choisir ensemble la suite du programme, où, en fait, vont se nouer des accords sur le programme pour exploiter l’erreur. La régulation remet alors en cause le référentiel de départ. La régulation est toujours vécue comme une boucle où on informe, où on exploite les causes, en revenant sur ce qui a été fait : l’erreur est toujours à gérer, l’évaluation est toujours pensée comme une gestion de la situation, voire de ses acteurs. Mais la régulation va permettre non pas de boucler et de reprendre le programme prévu, mais de s’écarter du programme prévu ».

Ces deux perspectives différentes se retrouvent également dans la distinction opérée par

Ardoino (2000, p.93-94) entre « contrôle » et « évaluation ».

Contrôle

« intéressant principalement le constat, en vue d’une comparaison recherchant la conformité, ou, à défaut, la mesure des écarts entre « ce qui est », les résultats, les phénomènes observés et « ce qui devrait être » (norme, gabarit, modèle), plus ordonné à la question de la cohérence et de la comptabilité, au sein d’un ensemble, toujours supposé homogène, même quand il se présente de façon attendue est celui d’une logique hypothético-déductive ».

Le contrôle s’axe donc non pas sur la compréhension des pratiques mais sur la

régularisation de ces dernières au regard d’un référentiel :

« L’objectif des procédures de contrôle est de comparer le degré de conformité, sinon d’identité, entre un modèle de référence, et des phénomènes échéants, ou occurrents, comme en témoigne clairement l’étymologie comptable du mot ; le « contre-rôle » était le double registre permettant de vérifier la comptabilité. Cette approche s’applique aussi bien au contrôle fiscal, douanier, policier, sanitaire que comptable. Le contrôle s’axe donc sur la cohérence et l’homogénéité. » (Ardoino et Berger, 1989)

Le contrôle érige donc comme principe l’existence d’éléments permanents, stables à partir

desquels l’on peut mesurer des « écarts ». Enfin, l’on retiendra, également qu’il présente une

autre caractéristique : « le contrôle avec la fonction de regard et d’inspection qui le

caractérise- peut être ponctuel et surtout lorsqu’on l’appelle continu (op.cit., 127). Il ne se

réfère donc pas au temps vécu et interprété subjectivement par les acteurs mais à un temps

18

homogène, qui est défini par les calendriers et les horloges. Par conséquent, le contrôle ne

permet pas une appréhension complexe de l’écart.

Evaluation

« Plus ou moins explicitement inscrit dans une (ou des) temporalité(s) privilégiant les interrogations relatives au sens, comportant, cette fois, des questionnements multiples parce que la réalité analysée est explicitement supposée constituée de données complexes, indécomposables (ce qui le cas contraire permettrait de les envisager comme réductibles en des éléments plus simples), hétérogènes entre elles » (Ardoino, 2000, pp. 93-94).

Dans cette perspective, et c’est à quoi nous nous intéresserons dans ce mémoire,

l’évaluation vise donc le questionnement, l’intelligibilité des pratiques dans leur complexité,

sans chercher à gommer les doutes et les paradoxes inhérents à ces dernières. C’est aussi le

cadre où peut s’exprimer la créativité des acteurs (nous concernant, il s’agit des équipes

pédagogiques des Ecoles qui participent au test).

Le paradigme de la complexité qui est au cœur des pratiques soumises à l’évaluation est à

comprendre dans un sens particulier. Nous adopterons les thèses de Papay (2007, pp. 57-58)

qui indique à ce propos :

« Quand on parle de complexité, c’est souvent le jeu des « dimensions » qui la compose et l’organise qui est évoqué. Nous restons alors dans un paradigme spatial qui n’intègre pas les temporalités pourtant porteuses de processus diachroniques. Le « modèle » est forcément synchrone, puisque fixé, à un moment donné, tandis que les situations sont toujours diachroniques, puisque toujours à comprendre en regard d’un « avant », d’un « après », et d’un mouvement incessant. Aussi la perspective multiréférentielle me semble prolonger et dépasser le concept de complexité ».

Ainsi pour appréhender le réel tel qu’il est et non tel qu’on le pré-modélise, l’auteur se

propose d’adopter le concept de multiréférentialité tel qu’il est défini Ardoino :

« L’analyse multiréférentielle des situations, des pratiques, des phénomènes et des faits éducatifs, propose explicitement une lecture plurielle de tels objets, sous différents angles et en fonction de système de références distincts, non supposés réductibles les uns aux autres. Beaucoup plus encore, qu’une position méthodologique c’est un part pris épistémologique » (Ardoino, cité par Papay, 2007, p. 58).

Les conséquences pour l’évaluation sont considérables. La compréhension des situations

ne peut, en effet, faire l’impasse de ces hétérogénéités. L’on ne peut accorder du crédit aux

résultats qu’à la condition d’avoir procéder à une définition convenable de ce qui est à

19

observer et à analyser. La méthodologie de la référentialisation (Figari, 2006) qui sera

présentée au point dans la deuxième partie permet de répondre à ces exigences.

4.2 L’évaluation régulation : un processus

Comme cela a déjà été précisé, la démarche d’évaluation-régulation est en adéquation

avec ma mission dans la mesure où elle permet d’accompagner la mise en place du dispositif

et par son observation et par la construction d’outils d’évaluation : cette démarche permet

donc d’évaluer les effets de l’application du dispositif mais aussi d’accompagner son

amélioration. Ceci correspond à la définition donnée par De Ketele et Rogiers (De Ketele,

1980, De Ketele et Rogiers 1993) :

« Evaluer consiste à recueillir un ensemble d’informations suffisamment pertinentes, valides et fiables et à examiner le degré d’adéquation entre cet ensemble d’informations et un ensemble de critères adéquats aux objectifs fixés au départ ou ajustés en cours de route et attribuer une signification aux faits et aux actes observés en vue de fonder une prise de décision »

L’évaluation est donc, au regard de cette approche, un processus (un ensemble de

comportements et de phénomènes en évolution). Le processus évaluatif requiert un certains

nombre d’opérations dont certaines précèdent nécessairement d’autres. Contrairement à

d’autres pratiques, La première étape de la démarche évaluative n’est pas le recueil

d’informations : il s’agit de se poser avant tout la question : « pour quoi évaluer », autrement

dit « quel type de décision serai-je amené à prendre au terme de cette évaluation » ? C’est

donc en fonction du type de décision à fonder que l’évaluateur est amené à se poser la

question des objectifs qu’il convient d’évaluer. Il convient de noter que ces « objectifs ne sont

pas toujours et nécessairement prédéterminés, ils peuvent être révélés en cours de route ou

résulter d’ajustements décidés en cours […] » (op.cit.). Les informations recueillies sur cette

base (pour quoi évaluer ?), dont la réponse conditionne les opérations suivantes dans la

mesure où cette question peut entraîner corolairement d’autres questions du type (pour qui

évaluer ?), supposent donc la mise en place de situations qui sont à même de permettre leur

recueil. Le recueil (instrumenté) d’informations classées puis interprétées (dans une

perspective à référence critériée) permet donc la prise de décisions, l’adaptation des actions.

Cette démarche peut être rapprochée de celle de l’ « ’évaluation formative ». On doit ce terme

à Scriven (1967) qui a voulu insister sur le fait que les « erreurs » commises pendant le

processus d’apprentissage n’étaient ni répréhensibles, ni des manifestations pathologiques,

20

mais faisaient partie d’un processus normal d’apprentissage. C’est ainsi qu’est née

l’opposition entre « évaluation formative » (évaluation menée pendant un processus

d’apprentissage pour l’améliorer et « évaluation sommative » (bilan des performances

acquises au terme d’un apprentissage). Cette démarche d’évaluation régulation, qui est au

centre de ce mémoire, est donc une démarche au présent : la collecte d’informations a lieu

tout au long de la mise en place du dispositif. Par conséquent, la démarche d’évaluation est

partie prenante de la démarche d’ingénierie de la formation dans la mesure où l’évaluation est

ici aussi une aide à la conception de dispositifs.

De Ketele et Roegiers (1993, chap. 2) ont développé et précisé les qualités attendues d'une

évaluation autour de trois concepts fondamentaux : la pertinence, la validité et la fiabilité.

MACRO (EVALUATION) Macro-pertinence

Macro-validité

Est-ce que je ne me trompe pas d’objectif ? Mes critères permettent-ils de vérifier ce que je déclare vouloir vérifier ?

MICRO (RECUEIL D’INFORMATIONS)

Micro-pertinence

Micro-validité

Micro-fiabilité

Macro-fiabilité

Est-ce que je ne me trompe pas d’informations à recueillir ? La stratégie mise en place me donne-t-elle toutes les garanties que l’information que je vais recueillir est bien celle que je déclare vouloir recueillir ? La façon de recueillir l’information est-elle semblable d’une personne à l’autre, d’un moment à l’autre ? L’utilisation que je fais des critères est-elle la même pour tout le monde ?

COMMUNICATION Pertinence

Validité

Fiabilité

Est-ce que je ne me trompe pas de résultats à communiquer ? Est-ce que les résultats que je communique sont bien ceux que je déclare vouloir communiquer ? Est-ce que le décideur peut se fier à ces résultats ?

Ainsi donc, en résumé :

- la pertinence signifie que I’ évaluation répond a sa fonction première : est-ce que ne

me trompe d’objectif (s), d’informations à recueillir, d’outils à construire ?

- la validité suppose que l’on évalue réellement ce que l'on déclare évaluer : les outils

construits permettront-ils d’évaluer ce que je déclare évaluer ?

- la fiabilité a trait à la confiance que l'on peut avoir dans les opérations effectuées : Le

recueil de l’information est-il semblable (avec tous et à des moments différents) ? peut-on

faire confiance aux opérations effectuées et aux résultats obtenus ?

21

Ces points serviront de fil conducteur dans la méthodologie adoptée lors de l’évaluation

régulation du dispositif de pré-orientation. Il me reste à préciser le cadre théorique en lien

avec ma question de recherche.

5 Le cadre théorique

Au cours de ce travail, nous nous inspirerons du cadre conceptuel de la théorie sociale

cognitive (TSC) de Bandura (2003). Ce cadre offre, en effet, des pistes intéressantes à

explorer et ce notamment parce que la TSC souligne l’importance du rôle des représentations

que les jeunes se font de leur environnement et notamment du monde du travail et des

professions. C’est en ce sens notamment que nous avons conduit des entretiens semi-directifs

auprès des jeunes accueillis dans le dispositif 16/18.

5.1 La TSC de Bandura

La TSC de Bandura est fondée sur une idée d’interactions :

« Tandis que le béhaviorisme se focalise sur la façon dont l’environnement affecte le

comportement humain, la théorie sociale cognitive (TSC) de Bandura examine les

interactions entre les évènements internes, l’environnement et le comportement et elle défend

l’idée d’un déterminisme réciproque entre ces trois grands ensembles de facteurs,

d’interactions continues entre les déterminants, comportementaux et environnementaux ».

(Blanchard, 2008, p.16). Tout comme pour le béhaviorisme (Watson, Pavlov..), l’influence de

l’environnement sur les comportements est essentielle : toutefois, alors que dans les thèses

behavioristes l’homme est le résultat des conditionnements qu’il subit, la conception du

fonctionnement de l’humain par la TSC de Bandura « ne fixe pas les individus avec des rôles

dénués de tout pouvoir et entièrement à la merci des forces de l’environnement » mais « elle

ne les conçoit pas non plus comme des agents libres qui peuvent déterminer entièrement leurs

propres devenirs. Les individus et leurs environnements sont des déterminants réciproques

l’un de l’autre » (Blanchard, op.cit).

Cette conception triadique et dynamique accorde donc une place importante aux

cognitions (représentations, pensées, interprétations personnelles, prises de consciences,

reconstructions personnelles…) et sur la manière dont ces dernières peuvent influer sur le

comportement et la perception de l’environnement Ce qui nous intéresse particulièrement ici

22

c’est avant tout que la TSC propose une approche systémique8 des phénomènes

comportementaux (le décrochage scolaire faisant partie de ces phénomènes) :

« La théorie sociocognitive rejette donc le dualisme de la personne et du social, au profit d’une conception de l’ « interactivité dynamique » des facteurs sociaux et des facteurs individuels, dans une perspective « intégrée » grâce à laquelle les influences socioculturelles fonctionnent à travers des mécanismes d’ordre psychologique pour produire des effets comportementaux. Par exemple, explique Bandura, le statut socio-économique des parents n’agit pas mécaniquement sur le parcours scolaire des enfants. C’est à travers des « processus de soi » comme les représentations d’avenir, les niveaux d’attentes ou le sentiment d’auto-efficacité que transitent les influences positives ou négatives du statut économique conféré pour déboucher sur des comportements de retrait ou de proactivité vis-à-vis de l’institution scolaire. » (Carré, 2004, p.39)

Ce cadre théorique, permet donc d’analyser le décrochage scolaire dans une « perspective

intégrée ». Il nous faut, à présent, développer le concept dont Carré fait allusion ci-dessus à

savoir : le sentiment d’auto-efficacité.

5.1.1 Le sentiment d’auto-efficacité

« L’efficacité personnelle perçue concerne la croyance de l’individu en sa capacité

d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités »

(Bandura, 2003, p.12).

L’efficacité personnelle perçue que l’on retrouve également sous les vocables de « sentiments

d’efficacité personnelle », « sentiments de compétences », « auto-efficacité » ou « efficacité

perçue » est à donc comprendre comme un mécanisme de régulation du comportement :

« People make causal contributions to their own psychosocial functioning through mechanisms of personal agency. Among the mechanisms of agency, none is more central or pervasive than people’s beliefs of personal efficacy. Perceived self-efficacy refers to beliefs in one’s capabilities to organise and execute the courses of action required to manage prospective situations. Efficacy beliefs influence how people think, fell, motivate themselves and theirs acts “9 (Bandura, 1995, p.2).

8 Par système, nous entendons : « Un système est l’interrelation d’éléments constituant une entité ou unité globale ». Morin (1977 9 « Les personnes participent à leur propre fonctionnement psychosocial au travers des mécanismes de la gestion de soi (puissance d’agir ou agentivité). Parmi les mécanismes de gestion de soi, aucun n’est plus central ou omniprésent que le sentiment d’auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité perçu renvoie aux croyances en ses capacités personnelles à organiser et à exécuter les champs de l’action requis pour gérer des situations (potentielles. Le sentiment d’efficacité personnel a une influence sur la manière dont les gens pensent, ressentent, se motivent eux-mêmes et leurs actes.

23

Ainsi donc, c’est de sa croyance en sa capacité à influencer son fonctionnement

psychosocial et les événements de sa vie, que l’individu tire sa motivation :

« Sans la conviction que ses actions le mèneront vers ce qu'il attend, ou le protégeront de ce qu'il ne désire pas, aucun individu ne prendrait d'initiatives, ni ne persévérerait face aux difficultés. Peu importe l'ensemble des facteurs qui le guident ou le motivent, ils sont tous ancrés dans la conviction fondamentale qu'il a le pouvoir de changer les choses par l'action. » (Bandura, 2004, p.42)

Dans cette conception, comme le soulignent Sontag et Blanchard (2008, p.60-61) les

sentiments de compétences construits antérieurement ont un rôle indéniable sur le

comportement d’une personne engagée dans une situation d’apprentissage. En effet, c’est au

regard de ces derniers que la personne va plus ou moins facilement s’engager dans une

situation d’apprentissage. Les deux auteurs proposent un schéma en vue d’illustrer la

distinction effectuée par Bandura entre les attentes relatives « aux sentiments de compétence »

(« la personne a le sentiment qu’elle est capable de réaliser un comportement déterminé » et

les attentes concernant les « résultats de l’action » (« conviction que le comportement mis en

œuvre permettra d’atteindre les résultats et les buts visés » (op.cit)).

PERSONNE -----------------> COMPORTEMENT --------------> RÉSULTATS/BUTS

Attentes relatives aux Attentes relatives aux

sentiments de compétence résultats de l’action

(Est-ce que je suis capable de faire cela ?) (Si je fais cela qu’arrivera-t-il ?)

Sontag et Blanchard soulignent également que pour Bandura les résultats atteints sont avant

tout inhérents au sentiment d’efficacité personnelle de la personne (et donc peu liés aux

attentes liées au résultat de l’action). Ainsi, une personne ne s’engagera pas dans une action

si elle pense qu’elle n’a aucune chance de réussir.

« Toutefois, il est clair que les sentiments d’efficacité ou de compétence ne peuvent pas suffire à expliquer, à eux seuls, la réussite d’une personne. Il convient également de prendre en compte ses compétences objectives. Les personnes qui « progressent » se caractériseraient par le fait que leurs sentiments de compétence seraient légèrement supérieur à leurs compétences réelles, ce qui aurait un effet dynamisant en amenant ces personnes à se dépasser et à augmenter leurs performances (on retrouve là une idée proche de celle de zone proximale de développement proposée par Vygotski dans le domaine des apprentissages ». (Sontag et Blanchard, 2008, p. 61).

24

Revenons un instant sur la notion de compétences telle qu’elle est développée dans ce

cadre théorique. Bandura (2004, p.43) indique

« La théorie sociale cognitive considère l'humain comme l'agent - on pourrait dire l'acteur - de son développement, de son adaptation et de son changement. Etre acteur de sa vie consiste à influencer intentionnellement son propre fonctionnement et son environnement. Chaque individu n'est donc pas seulement le résultat des circonstances de sa vie. Il en est aussi l'origine. A partir de là, la théorie sociale cognitive propose un ensemble de compétences qui serait l'essence de l'humain. ».

Quelles sont ces compétences ?

« La première de ces compétences est une extraordinaire capacité symbolique, qui offre à l'humain un outil très puissant pour comprendre son environnement et gérer pratiquement tous les aspects de sa vie. En symbolisant leurs expériences de vie, les individus donnent à leur vie une structure, un sens et une continuité. » « Ensuite, la compétence de l'humain à anticiper augmente son « agentivité ». L'individu imagine son futur, se donne des objectifs et anticipe les conséquences des actions qu'il envisage de mener, pour orienter et motiver ses efforts. Une autre compétence proprement humaine est ce que l'on pourrait appeler « l'autoréactivité ». Dire que l'humain est acteur de sa vie signifie qu'il n'est pas seulement un penseur et un anticipateur. Il va contrôler et réguler des actions, les siennes, en fonction de standards personnels enracinés dans un système de valeurs. Par ailleurs, l'individu ne régule pas seulement ses actions. Sa capacité de réflexivité, autre compétence proprement humaine et centrale dans la théorie sociale cognitive, le rend capable d'évaluer son propre fonctionnement cognitif, affectif et comportemental. Il réfléchit sur son efficacité, la validité de ses pensées et de ses actions, la signification de ses quêtes, et opère des corrections et des ajustements si nécessaire. Enfin, l'humain ne vit pas isolé. Il doit collaborer avec les autres pour gérer et améliorer ses conditions de vie. Ils mettent alors en commun leurs connaissances, habiletés, et ressources, et agissent de concert pour façonner leur futur. C'est pourquoi la théorie sociale cognitive étend sa conception de l'agentivité humaine à celle d'agentivité collective. L'interdépendance croissante de la vie sociale et économique nécessite l'exercice d'une agentivité collective locale, nationale et transnationale pour atteindre les changements sociaux désirés (Bandura, op.cit.)

Pour illustrer le sujet qui nous intéresse ici remarquons que Sontag et Blanchard (2008,

p.60) soulignent que les apprentissages professionnels ont deux types d’effet sur les jeunes en

formation :

- « des effets sur le plan intellectuel » : (apports de connaissances sur le plan

linguistique, mathématique, scientifique, sur le plan des gestes techniques et des

méthodes de travail…)

25

- « des effets sur le plan de la construction d’images de soi », relativement aux

sentiments d’efficacité personnelle, et sur le plan du « développement de certains

types d’intérêt et de motivations, domaines qui participent à la construction de

l’identité professionnelle et, par là, aux projets professionnels.

Cette dernière idée, à savoir la construction du projet professionnel s’inscrit dans notre

problématique, puisque, rappelons-le, notre travail s’axe sur l’évaluation en vue de son

évolution d’un dispositif d’(e) (pré-) orientation. En ce sens, la théorie sociale cognitive de

l’orientation scolaire et professionnelle (TSCOP) issue des travaux de Lent, Brown et Hackett

1994, 2000) peut compléter cette présentation. L’exposé qui suit s’appuie sur un article de

Lent (2008) traduit par Blanchard.

5.1.2 La TSCOP

La théorie sociale cognitive de l’orientation scolaire et professionnelle (TSCOP) prend

appui sur le cadre théorique développé par Bandura : elle cherche à étendre cette dernière à la

compréhension des processus en jeu au cours de l’orientation scolaire et professionnelle en

mettant l’accent sur les mécanismes complexes d’inter-influence entre la personne, son

comportement et son environnement (dans une perspective triadique et dynamique). L’intérêt

de la TSCOP pour notre travail réside avant tout dans le fait qu’elle se présente comme un

modèle explicatif intégré de l’orientation scolaire et professionnelle. Ainsi, tout comme la

TSC, la TSCOP met en exergue l’importance de trois variables individuelles qui jouent un

rôle dans l’autodirection du développement professionnel :

- les croyances relatives aux sentiments d’efficacité personnelles (suis-je capable de

faire ceci ?, dans une conception dynamique (cf. supra)

- les attentes de résultat : (si j’essaie de faire cela qu’arrivera-t-il ?). Toutefois, la TSC

(et donc la TSCOP) considère que, dans le comportement humain, ce sont néanmoins

les croyances relatives aux sentiments d’efficacité personnelles qui constituent la

variable la plus influente. Ainsi, les attentes se développent notamment en fonction

des expériences antérieures et de la perception des résultats obtenus (ainsi que par

l’information obtenue via d’autres personnes sur différents domaines professionnels)

- les buts personnels définis comme l’intention qu’a la personne de s’engager dans une

activité précise pour atteindre un objectif particulier. Il s’agit de moyens importants

utilisés (parfois sur de longues périodes et en l’absence de renforcements externes) par

26

les personnes pour exercer leur puissance d’agir dans la réalisation de leurs projets de

formation ou professionnelle. La TSCOSP distingue les choix concernant les buts

exprimés en termes de choix de contenu (le type d’activité ou la profession que la

personne souhaite poursuivre) et les buts en termes de niveau de résultat fixé (le

niveau ou la qualité du résultat que la personne cherche à atteindre dans un domaine

précis)

La TSCOP décrit le développement des intérêts scolaires et professionnels, la construction

du choix d’études et le niveau de réussite à atteindre dans le cadre de trois modèles de

processus, à distinguer sur le plan conceptuel mais en interaction.

- le modèle des intérêts : les environnements sociaux de la personne (famille, école, les

lieux récréatifs et les groupes de pairs) jouent non seulement un rôle dans le choix

sélectif de certaines activités mais aussi, par des retours sur les performances atteintes,

dans la construction des croyances d’efficacité personnelle (les personnes se

considèrent elles-mêmes comme efficaces) et des attentes de résultats relatives à

différentes tâches et différents domaines de comportement, ces deux dernières

contribuant à la construction des intérêts professionnels. Ce n’est pas la capacité

objective (mesurable et perçue par des tests, échecs ou réussites antérieurs) qui joue un

rôle direct sur les intérêts. La capacité objective va influer sur les sentiments

d’efficacité personnelles qui eux-mêmes vont ensuite agir sur les intérêts (les

sentiments d’efficacité personnelle jouant une fonction d’intermédiaire entre les

capacités et les intérêts). Les intérêts se construisent relativement au concept d’attentes

de résultats (préférences sur des représentations liées à une profession ou des

renforçateurs tels que l’argent ou l’autonomie) et croyances relatives au fait de savoir

dans quelle mesure cette profession offre bien ces avantages. Les sentiments

d’efficacité personnelle et d’attentes de résultats sont des constructions et sont donc

fortement contextualisés : les variables sociodémographiques (genre, ethnie, santé

physique) et socio-économiques ont un rôle important dans les processus

d’orientation. De cette manière, par exemple, les processus de socialisation des rôles

des genres peuvent avoir des incidences sur l’accès des garçons et des filles aux

expériences indispensables pour développer des croyances fortes d’efficacité de soi et

d’attentes positives liées à une profession ou une activité (les sciences pour les

garçons, les métiers du service pour les filles). Dès lors les capacités développées (et

27

donc les sentiments d’efficacité personnelle et les attentes de résultats favorables) et

par la suite les intérêts pour une tâche sont plus ou moins culturellement définis.

- Modèle du choix professionnel. Comme le montre le modèle antérieur, le choix d’un

modèle professionnel est un processus continu précédé d’un ensemble conséquent de

sous-processus. Afin de faciliter la description, la TSCOP se propose de modéliser

ainsi le processus de choix en trois étapes à savoir : 1. l’expression d’un choix initial

pour entrer dans un domaine particulier 2. la mise en œuvre d’actions qui ont pour

vocations de réaliser des buts personnelles 3. les expériences de réussite postérieures,

qui au travers d’une boucle de rétroaction, vont-elles même alimenter les choix futurs.

Il est important de penser ce processus dans l’interaction personne / environnement (si

les personnes choisissent leur environnement, l’inverse est aussi vrai). Dès lors, le

choix professionnel (et sa stabilité) sont intimement liés et à la perception de la

personne sur l’environnement et aux jugements des autres sur sa capacité à répondre

d’une part, aux obligations de formation et, d’autre part, aux obligations

professionnelles. Si l’on peut adhérer à la thèse qui affirme que les individus

choisissent leur domaine professionnel en fonction de leurs profils d’intérêts

principaux, force est de constater que ce choix est aussi souvent tributaire de la

pression familiale ou du niveau d’études atteint. Autrement dit, au-delà des intérêts

principaux, les sentiments d’efficacité personnelle et les attentes de résultats ont aussi

leur mot à dire dans la construction du choix professionnel. Par exemple, un étudiant

ingénieur qui a des difficultés à suivre le cours de mathématiques sera

vraisemblablement amené à réviser ses sentiments d’efficacité personnelle. Il peut

peut-être ensuite (dans l’optique des attentes de résultats) découvrir que

l’environnement professionnel de cette profession lui convient moins bien qu’il ne

l’avait imaginé. La révision et de ses sentiments d’efficacité et de ses attentes de

résultats peuvent l’amener ensuite à modifier ses intérêts et ses buts (par exemple, une

nouvelle formation et une nouvelle voie professionnelle). Par conséquent, dans la

mesure où les individus ne sont pas toujours libres de choisir leurs intérêts principaux,

il est important de proposer une analyse fine des intérêts qui guident leur choix

professionnel. Autrement dit, il convient de décrire précisément les facteurs

contextuels contribuant à développer ou à diminuer la puissance d’agir d’une personne

dans le domaine des choix professionnels.

28

- Modèle du niveau de réussite. Par ce modèle, il s’agit pour la TSCOP de s’intéresser

également aux facteurs qui ont une influence sur les résultats scolaires et sur les

niveaux de réussite professionnelle. Ce modèle postule que la capacité telle qu’elle est

définie par des indicateurs de réussite, de performance ou de niveau de réussite

antérieur influe sur les performances futures et cela non seulement de manière directe

via la connaissance de la tâche et des stratégies d’exécution que les personnes mettent

en œuvre mais aussi de manière indirect via les informations qui viennent fonder les

croyances sur le sentiment d’efficacité des personnes et les attentes de résultat et donc

par la-même les comportements futurs. Ici l’impact de l’environnement est

particulièrement important : le choix d’une formation et les résultats sont liés au

contexte social et culturel.

Pour compléter ses propos, Lent remarque que les performances complexes réalisées

dépendent et des capacités et des sentiments d’efficacité personnelle. La réalisation d’une

activité par une personne est ainsi en partie dépendante par un sens optimiste (légère

surestimation) des sentiments d’efficacité personnelle. Néanmoins, les croyances d’efficacité

personnelle qui surestiment (ou sous-estiment) les capacités peuvent avoir des incidences

négatives sur le développement des capacités.

Nous examinerons certains aspects de cette théorie dans la partie consacrée aux résultats

de notre « chantier ». Ce cadre théorique nous permettra, en effet, d’une part, de comprendre

et décrire en vue de les conceptualiser les processus en jeu au cours de l’orientation

professionnelle et, d’autre part, de discuter des mises en œuvre des interventions éducatives

dans le cadre du dispositif de pré-orientation destiné aux jeunes décrocheurs.

29

6 Méthodologie

L’évaluation est un terme polysémique dans la mesure où comme le souligne Ardouin (in

Figari 2006, p. 11), il peut être abordé sous des angles très divers : « institutionnels et

macrosocial, micro-sociologique et relationnel (groupal), instrumental, praxéologique… ». La

démarche qui est la notre dans cette étude et qui est inspirée des travaux de Figari est une

démarche d’ingénierie de formation; il s’agit d’évaluer un dispositif éducatif à partir d’un

référentiel. L’ingénierie de formation est à entendre comme :

« Une démarche socioprofessionnelle d’optimisation où l’ingénieur-formation a, par des méthodologies appropriées à analyser, concevoir, réaliser et évaluer des actions, dispositifs ou systèmes de formation en tenant compte de l’environnement et des acteurs professionnels, en vue du développement des organisations et des individus ». (Ardouin, 2006, p.260)

6.1 Apports terminologiques et théoriques

Avant d’entrer plus en avant dans la présentation du cadre méthodologique que nous

adopterons ici, un détour terminologique s’impose : arrêtons-nous ainsi sur les termes utilisés

tout au long de cette étude. En effet, comme le souligne Figari ????(1996, p.289), il est

important de ne pas passer sous silence une activité « largement prépondérante dans la

pratique réelle des sciences sociales qu’est la construction, la qualification et la

classification » des objets étudiés :

« Analyser la réalité sociale, c’est d’abord la décrire et la catégoriser, et ensuite seulement lorsque c’est possible établir des liens de causalité par des méthodes spécifiques et formalisées. L’élaboration de nomenclatures et de typologies, la modélisation, l’interprétation des données à des fins de compréhension intuitive des comportements humains, sont des tâches qui supposent un travail sur le langage, travail qui ne diffère pas fondamentalement de l’activité ordinaire que chacun mène à des fins pratiques. La différence entre les sciences sociales, science économique comprise, et les sciences de la nature est à cet égard considérable ». (Figari, op.cit).

6.1.1 La notion de référent en linguistique

Pour les sciences du langage, le référent est de l’ordre de l’extralinguistique : les

locuteurs, lorsqu’ils communiquent, font souvent référence10 à une réalité extralinguistique

10 C’est-à-dire renvoient à une chose existant séparément

30

qu’ils doivent pouvoir désigner et décrire. Toutefois, comme le soulignent Ducrot et

Schaeffer (1995, p.360)

« Cette réalité n’est cependant pas nécessairement la réalité, le monde. Les langues naturelles ont en effet ce pouvoir de construire l’univers auquel elles se réfèrent ; elles peuvent donc se donner un univers de discours imaginaire. L’Ile aux Trésors est un objet de discours possible, autant que la gare de Lyon ».

L’une des principales questions que l’on peut se poser lorsque l’on étudie l’aspect

référentiel de la langue concerne plus précisément la valeur référentielle des signes dont nous

nous servons pour désigner la réalité : est-ce que ces derniers (par exemple le nom cheval ou

l’adjectif blanc « représentent eux-mêmes des aspects de cette réalité (op.cit) ? Les

philosophes, les logiciens et les linguistes ont insisté sur le fait qu’il faille distinguer entre la

valeur référentielle d’un signe et son sens. C’est ainsi que Saussure (1916, p98) indique que

« le signe linguistique unit non une chose et un nom, mais un concept et une image

acoustique » Le signe est pour lui une « entité psychique à deux faces » (op.cit., p. 99) : un

concept et une image acoustique (qu’il rebaptisera ensuite en respectivement signifié et

signifiant pour bien indiquer qu’il y a deux faces dans un signe et qu’elles sont

indissociablement liées. Il y a là une sorte de mécanisme psychique : dès que j’évoque la suite

de phonèmes [aRbR], le sens (le signifié, le concept) arbre est convoqué et inversement. La

conception saussurienne du signe est donc une conception uniquement psychique, mentale (je

peux me parler à moi-même)11. Monde et langue sont considérés comme deux entités

distinctes. Référent et signe sont à distinguer et il en va de même pour le référent et le

signifié. Ainsi, le signifié d’arbre n’est pas l’ensemble des arbres, c’est un concept. Cette

notion de concept est à comprendre dans la dichotomie établie entre langue et monde. La

notion de concept est très différente de celle utilisée, par exemple dans les sciences naturelles

et ne fait apparaître, chez Saussure, aucune idée de description (traits de l’objet). Le signifié a

une valeur négative et contrastive (« différentielle »). Ainsi, le signifié d’arbre va être

délimité par les oppositions dans lesquelles il va entrer. Il va, par exemple, s’opposer à ceux

de plante, arbuste, arbrisseau. Le signifié n’a rien de fixé d’avance : c’est une pure « valeur »

qui oppose les signes les uns aux autres : ce n’est pas un critère retenue par la langue pour

11 Toutefois, l’auteur n’omet pas la dimension « sociale », de communication du signe. Si le signe n’est pas la chose, il n’est pas non plus une étiquette qui préexisterait à cette chose. Autrement dit, le vocabulaire d’une langue n’est pas, pour reprendre un terme utilisé par Saussure, une nomenclature (un ensemble de mots associés à un groupe d’objets préexistants à cette nomenclature). En effet, les langues ne sont pas forcément isomorphes : elles ne découpent pas la réalité empirique de la même manière. Ainsi, par exemple, là où l’anglais dispose de deux mots ape et money (ape étant réservé aux singes de grande taille), le français n’en dispose que d’un : singe Dans cette perspective, le vocabulaire d’une langue est un système de catégorisation culturelle de la réalité.

31

différencier des objets de la réalité parmi d’autres. Les apports de la linguistique sont ici

importants puisqu’ils permettent de mettre au jour un niveau intermédiaire entre la réalité

matérielle du signe et les objets qui lui correspondent dans le monde. Toutefois, si le référent

en tant qu’élément d’une réalité extralinguistique semble, un temps, pouvoir être mis de côté

dans les analyses en sciences du langage, les travaux sur la communication et l’énonciation

l’ont à nouveau fait apparaître au centre des débats. La problématique de l’aspect référentiel

du langage ne saurait, en effet, se passer de considérations sur l’ancrage : de quels moyens

dispose un locuteur pour signifier qu’il évoque, dans son énoncé, une réalité ou un segment de

cette réalité ? L’on notera, par ailleurs, qu’il est souvent difficile d’assigner un référent à un

signe. L’on peut ainsi se demander à quoi réfère je, tu, Philippe ; la voiture qui monte la rue.

Autrement dit, c’est seulement (sauf exceptions) l’occurrence d’un signe dans une situation

d’énonciation donnée (i.e. par un locuteur donné dans des circonstances données) qui a valeur

référentielle.

6.1.2 Les apports de la linguistique pour le champ de l’évaluation

Les questions soulevées jusqu’ici, dont la difficulté d’assigner un référent à un signe, sont

particulièrement importantes pour éclairer le champ de l’évaluation. Figari (2006b, 46)

remarque à ce propos :

« En linguistique, on part du signe (rien ne nous interdit de prendre pour exemple

« établissement scolaire ») et on établit une référence à l’objet existant Dans notre champ

d’études, on pourrait dire que les pratiques courantes d’évaluation partent au contraire de

l’objet existant (un établissement à évaluer) qui n’a pas encore de signification (sauf celle

d’appartenir à la catégorie des établissements) et cherchent des « signaux » de cet objet,

signaux porteurs de significations par rapport à la réalité qui l’entoure (par exemple t ce que

l’on appelle couramment les indicateurs). Mais si l’on regarde de plus près ces pratiques et les

méthodes employées, on s’aperçoit d’un fonctionnement sensiblement différent. En effet,

l’observateur n’aborde l’objet qu’avec un ensemble de présupposés, de catégories descriptives

préformées (instrumentées ou implicites) : il part bien, lui aussi, de signes de discours

composés de concepts qu’il va tenter de référer à une réalité ».

32

6.1.3 La fonction référentielle du langage

Le recours à la linguistique permet donc d’éclairer le rapport entre l’objet lui-même et sa

désignation. Un détour terminologique s’impose à nouveau. Arrêtons-nous, un instant, sur la

fonction référentielle du langage mis à jour par la linguistique. La fonction référentielle fait

allusion à cette possibilité pour le langage de renvoyer à des objets du monde (dans des

processus de communication uniquement informatifs ou descriptifs). L’on parle également de

dénotation. Dire que « dénotatif » et « référentiel » sont deux adjectifs synonymes c’est

comprendre la dénotation dans un sens étroit, particulier. Dans un sens plus large, la

dénotation désigne l’ensemble des sens d’un signe sur lesquels il y a consensus entre les

usagers d’une langue. L’intérêt théorique de la notion de dénotation trouve toute sa valeur

dans le couple dichotomique qu’il forme avec la connotation : la dénotation revoie à la

relation entre le signe et ce à quoi il réfère et à l’idée d’une communication purement

informative ou descriptive à partir de quoi l’on pourrait identifier des « déviations » : la

connotation associe des signifiés supplémentaires aux éléments dénotés ; autrement dit, elle

permet de désigner tous les éléments de sens qui viennent se greffer sur ce à quoi le signe fait

référence. Pour être plus précis, l’on pourra ajouter que ces éléments de sens sont des valeurs

particulières, subjectives, affectives, culturelles que prend un signe pour un individu ou un

groupe et qui viennent s’additionner à un signe et ce à quoi il fait référence, dans une relation

constante, non subjective (un arbre est un Végétal ligneux, de taille variable, dont le tronc se

garnit de branches à partir d'une certaine hauteur(TLFI)). Un même signe peut ainsi avoir des

connotations différentes selon le contexte dans lequel il est employé. Parmi les exemples

classiques évoqués pour illustrer ce phénomène, l’on trouve notamment la fait que pour les

européens le blanc connote l’innocence, la pureté, la virginité, le mariage, pour les extrême-

orientaux le blanc connote la mort, le deuil. Cette présentation serait incomplète si l’on faisait

abstraction d’un point important à savoir le couple dénotation référentielle/dénotation

linguistique qui peut être élucidé par l’évocation du couple rapport paradigmatique / rapport

syntagmatique :

- rapport paradigmatique : chaque élément linguistique12, dans un énoncé, occupe une

place dans cet énoncé à laquelle d’autres éléments linguistiques pourraient figurer. Par

exemple, dans le chat boit du lait ; le, article défini, pourrait être remplacé par un, article

indéfini et l’indéfini tire sa valeur par opposition au défini. Dès lors, sans entrer dans les

détails, le paradigme en linguistique structurale désigne l’ensemble des formes que peut 12 Ce terme général permet de ne pas entrer dans une description plus fine des niveaux de l’analyse linguistique (phonème, morphème…), ce qui serait hors propos ici.

33

prendre un élément linguistique et l’on parle de relation paradigmatique pour désigner le

fait qu’un élément ne saurait avoir en lui-même une valeur ou une signification propre

mais qu’il tire toujours sa valeur du paradigme auquel il appartient (ex. : aime, a aimé,

aimait, aima, aimera).

La dénotation linguistique est de l’ordre du paradigme. Ainsi, la dénotation linguistique

du signe arbre renvoie à un système général de signes (arbre renvoie à la catégorie des

végétaux). Figari (2006b, p. 47) qui met en avant les apports de la linguistique dans le

champ de l’évaluation souligne que « dans notre champ d’études, le paradigme constitue

la partie du référentielle qui désigne un modèle général préexistant (indiquant par

exemple les différentes formes que peut revêtir un contexte situationnel, un établissement,

un organisme de formation ou encore un curriculum) ». Ainsi, de même qu’en

linguistique le nom hêtraie (hêtr-aie) appartient à un paradigme de noms conçus sur le

même modèle qui entrent dès lors dans un jeu d’association dans le groupe, la classe des

« collectifs de nom d’arbre », « les établissements scolaires », dans le champ de

l’évaluation appartiennent à une classe établie (un paradigme) d’établissements dont il

conviendra de spécifier les caractéristiques générales.

- rapport syntagmatique : un élément linguistique entretient un rapport syntagmatique

avec les éléments linguistiques qui l’entourent et qui forment son contexte

linguistique. Cette notion de contexte est particulièrement importante puisqu’elle

suppose l’actualisation des éléments linguistiques, dans une unité de rang supérieur

(des phonèmes dans un mot ou des mots dans une phrase, par exemple). Ainsi, les

éléments linguistiques se succèdent nécessairement dans le discours (il est impossible

de prononcer deux mots simultanément) et ils entrent alors dans un jeu de relations (le

verbe donner est nécessairement suivi d’un complément qu’il régit introduit par la

préposition à, les articles précèdent les noms qu’ils déterminent…). La dénotation

référentielle est de l’ordre du syntagme dans la mesure où elle permet de faire

référence à un signe dans une certaine situation (actualisation). La dénotation

référentielle du mot arbre prend nécessairement en compte l’expérience du locuteur

qui a nécessairement un contact avec la réalité qu’il désigne. Rapportée au champ de

l’évaluation, cette notion permettra d’affirmer que l’évaluation dans sa désignation de

l’objet et de ses caractéristiques est le signe d’un rapport spécifique à l’objet que

Figari (op.cit.) définit comme des « éléments d’information construits en fonction des

particularités situationnelles, comme les caractéristiques d’un établissement ».

34

6.1.4 La référentialisation

Au total l’on retiendra que les apports de la linguistique, dans le champ de l’évaluation

sont indéniables. Ainsi les couples «syntagme/paradigme » et « dénotation

référentielle/linguistique » parce qu’elles « intéressent les rapports antre l’objet lui-même et

sa désignation, permettant de mieux comprendre comment la référentialisation va élaborer un

schéma d’évaluation relevant, lui aussi, à la fois du paradigme (formes générales prévisibles,

déclinables de l’objet) et du syntagme (construction combinatoire spécifique d’une situation

(Figari 2006b, p. 48)13. Ainsi,

« On appellera […] référentialisation le processus d’élaboration du référent (articulé autour de ces deux dimensions : générale et situationnelle). […] La référentialisation veut être une méthode de délimitation d’un ensemble de référents et se distingue en cela du référentiel qui désigne, lui, un produit fini, et plus exactement, une formulation momentanée à un moment donnée. » (Figari 2006b, p.48).

Ardouin (2006, p. 100) note que l’intérêt de la référentialisation réside dans le fait qu’elle

réponde à un double objectif à savoir : un objectif de description de la réalité qui permet dès

lors de définir des objectifs et un objectif d’évaluation. La référentialisation est donc « un

processus de constructions de référentiels ».

6.1.5 Référentialisation et référentiels

Revenons, un instant, sur la notion de référentiel

Figari (2006, p. 103) note que le « référentiel » est une notion utilisée dans plusieurs

disciplines et qu’il s’agit tout simplement d’un ensemble de référents choisis pour décrire un

objet. Les critiques et craintes à l’égard des référentiels et de leur utilisation sont nombreuses.

Dans le monde du travail, par exemple, Ardouin (2006, p. 99) note qu’il semble a priori avoir

distorsion, inadaptation voire anachronisme entre un environnement professionnel en

perpétuelle évolution où innovation et adaptation sont des mots clefs et l’utilisation de

référentiels qui apparaissent comme figés induisant une stabilisation de la réalité.

De la même manière, Figari (2006a, 13-14) indique que la « notion de « référentiel

d’évaluation » qui a pour fonction de rapporter les résultats de toute évaluation au point de

13 L’on notera que Figari (2006b, p. 48) laisse volontairement de côté la fonction connotative. Il remarque ainsi que bien que figurant au cœur des préoccupations sur l’évaluation, elle ne peut figurer dans un ouvrage qui se veut être avant tout une présentation d’une méthodologie d’évaluation adaptable à différents contextes dans la mesure où elle est intiment liée à l’attitude évaluative dans ses aspects affectifs et non rationnels.

35

vue construit par l’évaluateur et par ses partenaires (visualisé à travers un ensemble

« d’axes ») […] bien qu’il soit loin du « « catalogue de capacités ou d’objectifs » auquel a

été attribué à tort, la même appellation qui a dévié de son sens général, en ne retenant que les

référents à dimension normative, est tout de même « un instrument, […] un ensemble statique

de catégories préformées » qui peut rapidement retomber dans le « normatif ». Pour parer à

cette difficulté et bien distinguer les deux domaines d’utilisation de la notion de « référentiel »

Figari a recours à la notion de référentialisation : si la référentialisation, pour reprendre les

termes d’Ardouin (2006, 100) est une « lecture de la réalité, une modélisation qui permet de

mieux la comprendre et l’appréhender », le référentiel est le produit de cette méthode

d’élaboration, d’ « une reconstruction de la réalité qu’il faut qui n’est jamais donnée

directement à voir et qu’il faut analyser, disséquer et reconfigurer ».

6.2 La méthode ICP

On l’a vu la référentialisation est notamment définie comme une modélisation des

référés (de l’ordre des faits observés) et des référents (éléments de comparaison choisis par

l’évaluateur) pour attribuer du sens au fait observé. La modélisation constitue donc « l’étape

intermédiaire entre la théorisation et la méthodologie que l’on retrouve dans l’opération

d’évaluation : c’est précisément l’étape du référentiel » (Figari, 2006a, p. 106). Figari (op.cit)

note que d’autres auteurs ont mis en place une démarche de modélisation préalable. C’est le

cas notamment de Stuffelbeam (1980) avec le CIPP : le traitement des informations s’organise

autour de la prise en compte du Contexte, de la description des Intrants, de l’élucidation des

Processus et de l’observation du Produit. Le modèle ICP mis à jour par Figari afin de

modéliser l’évaluation du dispositif éducatif semble a priori proche de cette démarche dans la

mesure où elle met, en relation, dans un processus d’évaluation, les données Induites par le

contexte avec des données Construites par l’activité éducative et des données Produites dans

les résultats obtenus. Toutefois, l’auteur note que sa démarche se démarque de celle de

Stuffelbeam dans la mesure où

« À la différence de Stuffelbeam, il ne s’agit pas, ici, d’un modèle linéaire et prescriptif mais circulaire et interrogatif considérant chacun des trois éléments constitutifs du fonctionnement du dispositif comme jouant tour à tour les fonctions de référé et référent ». (Figari 2006a, p.106).

L’intérêt d’une telle démarche qui s’appuie sur des étapes (1.délimitation du contexte

(l’Induit) 2.l’élaboration individuelle et collective en tant que processus, incluant une part de

négociation (le Construit) et 3.le traitement des résultats et des effets en vue de l’actualisation

36

et de la programmation (le produit) – ces trois dimensions, rappelons-le, interagissent : chacun

de ces éléments a besoin d’être légitimé par les deux autres) réside dans le fait qu’il s’agisse

d’un processus évolutif dans le temps. La référentialisation est donc à la fois modélisation

mais aussi méthodologie. En ce sens, elle guidera pas à pas notre démarche.

6.3 La référentialisation dans ce chantier de mémoire

De tout ce qui a été présenté en amont, nous retiendrons que la référentialisation se

présente comme une aide au pilotage de l’action dans la mesure où elle est une démarche de

conception. Il s’est agi d’avancer méthodiquement, de partir d’une recherche exploratoire en

vue de délimiter le contexte d’un nouveau dispositif de formation afin d’énoncer des critères

puis des indicateurs autorisant une évaluation des effets de ce derniers afin de favoriser son

évolution.

Les notions de « critère » et d « indicateur » méritent d’être précisées.

Critère : « Caractère, principe, élément auquel on se réfère pour juger, apprécier, définir

quelque chose ». (TLFI).

Figari (2006b, p. 101) indique que ce dernier a trois caractéristiques :

- l’abstraction (l’évidence, la clarté, la rapidité, l’ordre etc. …)

- la discrimination entre les objets possédant ou ne possédant pas ce critère (par

exemple, concernant le critère de clarté il va ainsi falloir fixer ce qui distingue une

phrase claire d’une phrase non claire ; et à l’intérieur de ce critère il va falloir faire

émerger ce qui distingue une phrase plus claire qu’une autre)

- elle permet de jouer le rôle d’ « interface entre, d’une part les visions du

monde…d’autre part, les indices, les indicateurs plus opératoires (Ardoino et Berger

cités par Figari op.cit).

L’indicateur est une « catégorie de la réalité » (Figari, 2006b, p.132) ou plus exactement,

l’on pourrait dire, pour reprendre certains éléments évoqués plus en amont : catégorie d’une

réalité entendue que cette dernière appartient au domaine de l’expérience. L’indicateur,

souligne Figari (op.cit., p.110) n’est pas de l’ordre de la preuve mais de l’exemple. L’auteur,

pour illustrer ses propos donne ainsi l’exemple du critère « temps de travail hebdomadaire

moyen d’un élève hors de la classe à l’école ». Cet exemple montre qu’un indicateur ne peut

en lui-même fournir un sens aux résultats mais qu’il doit se référer à un critère (ici, par

37

exemple, la volonté de réussir d’un élève). Le problème est alors posé an terme de réflexion et

de raisonnement : la présence des élèves prouve-t-elle leur volonté de réussir ? En outre,

l’indicateur, en tant qu’exemple ne peut démontrer la certitude d’un élément de la

connaissance : il ne peut qu’ « insinuer, justifier et confirmer un élément de la connaissance

(Figari, op.cit. 111). C’est ici qu’il faut distinguer l’analyse de l’évaluation. Pour Figari, si

l’analyse permet de traiter de l’information en vue d’obtenir des résultats par un appareillage

important (méthodes d’investigation), l’évaluation ne vise pas l’obtention de résultats sur une

situation donnée mais vise généralement une régulation du fonctionnement d’une organisation

éducative.

6.4 Le référentiel en cours de construction : un moment de la référentialisation

Parce que la référentialisation, on l’a dit, est une aide au pilotage de l’action et parce que

le référentiel n’a

« Atteint son terme [que] lorsqu’il arrive à formuler les critères dans le cadre desquels

l’évaluation va être réalisée, de manière à ce que les acteurs, partenaires et utilisateurs,

préparés par les phases précédentes, les comprennent et les reconnaissent, et soient prêts à

les appliquer », j’ai présenté aux équipes pédagogiques un référentiel en cours de construction

(voir annexe 8 : le protocole de référentialisation). Le but visé était une communication auprès

des équipes pédagogiques sur un moment de la référentialisation. Ce référentiel en cours de

construction « nécessairement incomplet et constamment vérifiable » (Figari, 2006b, p. 147) a

permis d’inscrire le processus d’évaluation (en vue, rappelons-le d’une évolution du

dispositif) dans une démarche collective explorant des champs d’évaluation à partir de

questionnements. Or, comme le souligne à juste titre Papay (2007, p. 38) :

« Une démarche collective ne signifie pas d’emblée une démarche consensuelle ou uniforme. Aucun point de vue ne peut être surdéterminé par rapport à un autre. L’évaluation doit constituer un espace d’analyse critique, de croisement des savoirs de l’ensemble des acteurs, permettant de dégager des marges d’amélioration à investir ».

C’est dire si la démarche choisie requiert une prise de recul nécessaire et une constante

interrogation sur le rôle et les qualités requises de l’évaluateur. C’est en ce sens que tout le

travail qui est ici retracé témoigne d’un cheminement identitaire sur la posture de l’évaluateur.

38

6.5 La référentialisation ou la mise à nue d’une posture d’évaluateur

Comme le note Jorro (2006, p.75), « l’acte évaluatif n’existe pas indépendamment de

l’acteur qui le met en œuvre ». Dès lors, émergent des questions relatives à « la dynamique

identitaire avec laquelle l’évaluateur agit, en particulier l’ethos dont il fait preuve […] :

comment se mobilise-t-il dans ses missions d’évaluation ? Quelle distance négocie-t-il avec

les objets et les terrains de l’évaluation ? (op.cit., p. 67-68).

La référentialisation, (qui rappelons-le est une démarche en lien avec ma mission

d’observation, d’accompagnement et d’évaluation du dispositif) en tant que méthodologie,

donne un cadre éthique à l’activité d’évaluation. C’est, en effet, une démarche exigeante qui

requiert de l’évaluateur notamment une certaine distanciation par rapport à l’objet à évaluer. Il

se doit ainsi de justifier le choix de l’information qu’il aura retenu dans la mesure où comme

le note Figari (2006b, p.71) : le principal reproche adressé aux évaluateurs est d’avoir tiré

arbitrairement un certain nombre d’informations (au détriment d’autres) qui feront l’objet

d’une mesure ou d’une évaluation. De plus, c’est également une démarche exigeante dans la

mesure où elle doit mettre en ouvre un processus d’élaboration individuel et collectif d’un

système de références, qui doit être favorisé par le jeu des négociations. Il convient d’associer

étroitement tous les acteurs à l’évolution du dispositif de formation et de se diriger vers un

objectif de transparence. De manière générale, la référentialisation exige de l’évaluateur qu’il

connaisse ses « registres d’action » dans la mesure où « la situation évaluative est toujours

traversée par les processus valorisation/dévalorisation et c’est sur ce plan, précisément,

qu’apparaît l’éthos de l’évaluateur sachant apaiser les tensions par les postures qu’il affiche

et utilise à bon escient. » (Jorro, 2006, p.68). Les registres d’action affichés par l’évaluateur

sont intimement liés à des « imaginaires » qu’il mobilise en puisant dans des systèmes de

valeurs. Deux imaginaires mis à jour par Jorro (op.cit) semblent très proches du système de

valeurs induit par la référentialisation. Il s’agit des imaginaires de la construction et de la

compréhension. Ici l’évaluateur se soit de garder une attitude humble puisqu’il s’agit

d’accompagner une équipe (par exemple) dans des processus de changement (pour nous

l’accueil des 16 / 18) en veillant à comprendre le contexte du dispositif de formation. « A la

différence de l’imaginaire de la maîtrise, l’imaginaire de la construction suppose la

reconnaissance d’une relation dialogique entre l’évaluateur et l’évalué autour d’un référent ».

(Jorro, op.cit, p.72). L’objectif de régulation est l’objectif principal visé. L’imaginaire de la

compréhension, quant à lui, vise une compréhension des projets. « le consultant veille à

analyser les signes, symboles, actes, résultats en jouant un rôle de miroir et en cherchant à

39

mobiliser acteurs et institution sur des aspects non explicites, tus, impensés, en vue de

permettre une compréhension et une régulation de la situation vécue » (op.cit). Il questionne,

fait émerger des pistes en vue de réfléchir à des perspectives nouvelles. Dans cette démarche,

c’est donc la régulation de l’action qui est visé par l’évaluation.

6.6 Conclusion sur la démarche de référentialisation dans ce mémoire

6.6.1 Un référentiel construit pour des acteurs donnés dans un contexte particulier

« La référentialisation consiste à repérer un contexte et à construire, en le fondant sur des données, un corps de références relatif à un objet (ou une situation) par rapport auquel pourront être établis des diagnostics, des projets de formation et des évaluations (Figari, 2006b, p 48)

C’est ainsi que « les résultats de l’évaluation » « sont toujours relatifs à un système de

références dont certains éléments existent déjà au sein de l’organisation (et de son

environnement) et chez les différents partenaires. Pour pouvoir fonder les résultats, il convient

donc d’éclairer les valeurs, les choix mais aussi les données par rapport auxquelles seront

sélectionnées les informations donnant lieu à mesure et à interprétation. Ce référentiel est à

construire en fonction des acteurs concernés Figari (2006b, p. 139).

Par conséquent, mon premier travail a été de circonscrire mon objet d’étude en le plaçant

dans le contexte des politiques de lutte contre le décrochage scolaire et la conjoncture

particulière de la commande et de la mise œuvre du dispositif (ce travail de contextualisation

macro est retracé dans les premières pages de ce mémoire) pour me diriger vers un niveau

méso à savoir la compréhension de la mise en œuvre du projet pédagogique (de l’écriture du

projet à son actualisation) dans les Ecoles jusqu’à un niveau micro (les jeunes décrocheurs

accueillis et leurs « spécificités »). Afin de répondre au rôle qui m’a été confié, il m’a fallu

adopter une posture distanciée et outillée. Dans un premier temps de ce travail, j’ai donc

cherché à comprendre, le « système de références existant dans l’environnement étudié

autrement dit : « la culture E2C ». Dans la mesure où j’étais accueillie au sein des Ecoles et

dans de nombreuses réunions préparatoires à la mise en place du dispositif en tant que chargé

de mission du Réseau, ce travail de recueil exploratoire (dans une perspective interprétative)

m’a été grandement facilité. Ce travail s’est inscrit dans une démarche ethnométhodologique

(que j’évoquerai ultérieurement) dans la mesure où il s’agit d’un travail interactif qui vise la

construction du sens. Ainsi, dès les réunions préparatoires, j’ai pu communiquer avec les

équipes pédagogiques à partir d’observations en vue d’une intercompréhension sur le sens de

40

qui est fait au sein des E2C et plus spécifiquement ensuite sur le sens de la mise en œuvre du

dispositif test.

6.6.2 Le choix d’un outil sociologique : l’entretien semi-directif

Avant d’exposer les résultats, il me reste à présenter d’une part les moments de recueil

d’information et d’autre part les outils utilisés en ce sens.

Période Etape du recueil

d’information et acteurs concernés

Objectif visé Outils utilisés

De novembre 2007 à avril 2008

Observation du dispositif E2C (visite de 9 Ecoles)

-contextualisation - quelle est la culture

E2C ? - quelles modalités

pédagogiques pour quel public ?

Entretiens d’explicitation

Janvier 2008

Réunion avec les directeurs d’Ecole

concernés (dont le chef de projet)

Construction d’un système de références

communes avec le groupe de pilotage

Echanges sur la base du travail de

référentialisation jusqu’ici effectué

Mai 2008

Présentation du référentiel en cours de

construction (voir annexe 8) aux équipes

pédagogiques (directeurs, formateurs, chargés de

relation entreprise)

- poursuite du travail sur la construction de

références communes - des objectifs de transparence et de

communication sont posés

Référentiel en cours de construction

Mai 2008

Entretiens semi-directifs organisés autour du

référentiel en cours de construction avec les

équipes

Evolution et amélioration du référentiel en cours de

construction

Grille d’entretiens semi directifs (voir annexe 7)

Mai et juin 2008

Entretiens semi-directifs avec les jeunes qui

viennent d’intégrer le dispositif dont un entretien collectif)

Recueil d’information sur le parcours des jeunes,

sur leurs opinions et leurs attentes par rapport au

dispositif qu’ils venaient d’intégrer)

Régulation de l’action

Grille d’entretien semi directif (voir annexe 7)

Juin et juillet 2008

Entretiens semi-directifs avec les jeunes des

Ecoles qui finissaient le test: bilan de l’action

Réponse à la question de recherche

Stabiliser le référentiel

Grille d’entretien semi directif (voir annexe 7)

Juin juillet et septembre 2008

Entretiens semi-directifs avec les équipes des

Ecoles qui finissaient le test: bilan de l’action

Stabiliser le référentiel Grille d’entretiens semi directifs (voir annexe 7)

Septembre 2008 Bilan de l’action avec les directeurs (dont le chef

de projet) Stabiliser le référentiel

Construction d’un référentiel stabilisé voir

infra)

41

6.6.2.1 Les entretiens semi-directifs des équipes pédagogiques

J’ai réalisé des entretiens semi-directifs et avec les jeunes et avec les équipes

pédagogiques participant à l’expérimentation. Le choix des entretiens semi-directifs s’est

imposé à moi de par le sens du travail effectué ici.

Ainsi, les entretiens semi-directifs menés avec les équipes pédagogiques au début et à la

fin de l’expérimentation ont été un outil parmi d’autres (que sont l’observation outillée de

novembre à mars et analyse détaillée des projets de chacune des écoles) pour proposer un

référentiel en cours de construction puis un référentiel stabilisé. L’entretien m’a semblé tout

adapté puisque :

« En tant que processus interlocutoire, l’entretien est un instrument d’investigation spécifique, qui aide donc à mettre en évidence des faits particuliers. L’enquête par entretien est l’instrument privilégié de l’exploration des faits dont la parole est le vecteur principal. Ces faits concernent les systèmes de représentations (pensées construites) et les pratiques sociales (faits expériencés). » (Blanchet et Gotman, 1992)

Autrement dit, le but était de rendre intelligible l’action exercée au sein des Ecoles.

L’entretien semi-directif (avec des questions ouvertes) semblait tout à fait adapté puisqu’il

permet non seulement à l’interviewer de guider l’interviewé (notons aussi que la grille de

l’entretien reproduite en annexe 7 était posée devant lui) et ne pas perdre de vue son objet de

recherche mais aussi parce qu’il permet à l’interviewé d’avoir une certaine initiative dans le

déroulement et le contenu de ce moment d’expression. Les grilles ont été conçues de manière

à alimenter le référentiel en cours de construction : autrement dit, le référentiel en cours de

construction et le référentiel stabilisé ont été construits à partir de l’analyse de ces entretiens

et des entretiens des jeunes.

Au cours de ces analyses, il ne s’agissait pas d’adopter un paradigme normatif dans une

perspective sociologique (Durkheim, Weber, Parsons) qui postule une théorie de l’action

fondée sur des règles, des normes (les motivations des acteurs font partie de modèles

normatifs qui règlent les comportements et les perceptions réciproques. Nos valeurs partagées,

qui nous dépassent et nous gouvernent, nous permettent de maintenir l'ordre social et de le

reproduire dans chaque interaction), mais d’adopter un paradigme interprétatif, dans une

perspective ethnométhodologique14. Ainsi, pour Garfinkel, le père de l’ethnométhodologie,

les individus ne subissent pas simplement ces normes, ils en sont conscients (ils les

14 L’exposé qui suit s’appuie sur Coulon (1987)

42

découvrent en situation) et peuvent accepter ou non de s’y soumettre. Les ethnométhodes

peuvent être décrites comme « les méthodes par lesquelles les êtres humains construisent la

réalité de la vie quotidienne ». Les activités des membres d’un groupe donné sont liées à leur

compréhension du sens de leurs comportements de tous les jours. Parce qu’elles sont avant

tout des connaissances tacites, elles sont peu accessibles par un non-membre, qui ne partage

ni les savoirs communs ni les savoirs-faires de ce groupe. Par ailleurs, au-delà du travail

d’identification et d’analyse de ces ethnométhodes accompli pour ce chantier, c’est un travail

d’appropriation de ces ethnométhodes (dont la trace matérielle dans ce chantier est la

construction du référentiel en cours de construction de ce dispositif), en tant que nouvelle

chargée de mission du réseau des Ecoles de la 2e Chance que j’ai été amené à effectuer. En

outre, adopter une perspective ethnométhodologique, c’est ne pas séparer l’objet d’étude et

son contexte et c’est également ne pas omettre de mettre en exergue le rôle que joue le

« chercheur » dans cette construction. Dès lors, le référentiel « stabilisé » construit sur

l’analyse (notamment) de ces ethnométhodes n’est jamais qu’un référentiel lié à un contexte

(un moment, des acteurs avec leur âge, leur sexe et leur rapport hiérarchique, une méthode)

autrement dit il s’agit bien plus d’une « référentialisation » utilisable en priorité (en vue d’une

amélioration) par les trois Ecoles qui ont fait ce test et moins par l’ensemble des Ecoles du

Réseau.

Soulignons pour finir que si les premiers entretiens semi-directifs effectués soit avant le

démarrage du dispositif soit au tout début sont des entretiens individuels, les seconds sont des

entretiens collectifs, ce qui a permis un travail interactif sur la construction du sens. Ainsi,

pour Garfinkel, (voir Coulon, 1987) l’intercompréhension passe par la coordination des

actions des interactants ainsi que par la coopération. Ces derniers peuvent coopérer parce

qu’ils partagent des savoirs communs qui leur permettent d’interpréter les paroles et les

actions les uns des autres. Garfinkel parle ainsi de « mécanisme de la réciprocité » : chaque

interactant est pris dans une activité d’inférence continue ; X essaie d’interpréter les actions

de Y, en essayant de deviner comment Y va interpréter ses actions à lui, X ; il essaie ensuite

d’interpréter simultanément comment Y va croire que lui, X, a interprété les actions de Y, et

ainsi de suite.

Au total, l’on retiendra que ce qui a été en jeu dans d’analyse des descriptions des actions

des équipes était la construction de la réalité, d’une certaine réalité.

43

6.6.2.2 Les entretiens semi-directifs des jeunes

Le choix de cet outil répond également à un objectif : structurer l’entretien afin de pouvoir

répondre à la question de recherche tout en laissant une part d’initiative aux jeunes

interviewés afin qu’ils puissent se raconter. Deux grilles d’entretien construites en ce sens ont

été construites : la première, utilisée lors des entretiens en début et milieu de parcours, a été

construite notamment dans le but de cerner les représentations de ces jeunes relativement à

l’école, l’orientation et le monde professionnel. L’entretien (semi-directif) trouve ici sa place

dans la mesure où il est «l’instrument le plus adéquat pour cerner les systèmes de

représentations, de valeurs, de normes véhiculées par un individu » (Ruqoy, 1995, p. 62).

La seconde grille d’entretien, construite sur le mode du bilan, avait pour vocation de

cerner l’évolution des jeunes et de leurs représentations à l’issue de ce parcours de formation.

Ces deux grilles sont reproduites en annexe 7.

Concernant l’échantillonnage, j’ai procédé, au total, à 14 entretiens, sur la base du

volontariat. Ce sont leurs formateurs référents qui me présentaient aux jeunes. Puis, dans un

second temps, j’expliquais rapidement aux jeunes mon rôle au sein du Réseau et mon rôle

dans ce dispositif. J’ai insisté sur le fait que ces entretiens avaient pour principale vocation de

faire avancer et évoluer le dispositif qu’ils venaient d’intégrer avec eux. Il est à noté qu’à

l’exclusion d’un groupe de jeunes qui refusait de se séparer pour être interviewé, tous les

entretiens sont des entretiens individuels. Parce que ce travail cherche avant tout à cerner de

manière générale les profils de ces jeunes décrocheurs (en cherchant à le comparer avec le

profil des jeunes habituellement accueillis et à mettre en exergue des modes d’action

adéquat), tous les entretiens qu’ils soient individuels ou collectifs sont traités et analysés de la

même manière.

7 Analyses des entretiens semi-directifs des jeunes

7.1 Rappel des hypothèses à vérifier

Rappelons quel est l’enjeu de ce chantier : pour les Ecoles de la 2e Chance les jeunes

décrocheurs accueillis au sein de ce dispositif constituent un public différent de celui

habituellement accueilli. En effet, parce que les jeunes décrocheurs n’ont pas connu un espace

de rupture d’un an au minimum, ils n’ont pu expérimenter la galère qui amène à une certaine

« maturité de la misère ». El Houat et Pane (2004) après avoir mené des entretiens semi-

directifs avec des jeunes (majeurs, dont le parcours est marqué par un an minimum de

44

rupture) del’E2C de Marseille constatent à ce propos que dans ces entretiens le thème « récit

de galère » est récurrent et que « cela s’explique aisément par le fait que l’E2C ne « recrute »

qu’après une sortie d’au moins un an de toute formation, qu’elle soit initiale ou

professionnelle ». En reprenant les théories de Dubet (1997) elles affirment que ces récits de

galère amène ces jeunes à adopter « une attitude réflexive » et de « finalement se mettre dans

une position « d’ouverture », prenant appui sur l’institution deuxième chance ».Dans le cas de

ce dispositif, il convient de se demander si les jeunes qui arrivent sur le dispositif sont en

position d’ouverture afin de « raccrocher » et trouver une solution d’orientation, en

s’appuyant sur l’Ecole. Nous l’avons dit, nous fonderons nos analyses ici sur le cadre

théorique de la TSCOP qui met en exergue la capacité des personnes à diriger leur propre

orientation scolaire et professionnelle sans chercher à nier l’importance de facteurs

contextuels (la personne et ses cognitions, son environnement) qui, dans une perspective

intégrée peuvent soit contribuer à affaiblir ou augmenter la puissance d’agir de la personne,

son agentivité, son autocontrôle dans les processus d’orientation. L’autocontrôle est à

comprendre comme un synonyme d’autorégulation. Toutefois, ce contrôle volontaire que

nous pouvons exercer sur nous-mêmes n’implique pas forcément que nous sommes

constamment dans une position de réflexivité. A ce titre Barone et al (cités par Vouillot et al.

2006, p.10) indiquent que « La TSC fait l’hypothèse que les personnes peuvent modifier leurs

buts, leurs stratégies et types de comportement et les situations dans lesquelles elles se

trouvent.[…] Bien sûr, faire l’hypothèse que les humains exercent leur volonté ne revient pas

à dire que nous sommes toujours ou habituellement rationnels […] La TSC postule que le

comportement efficacement dirigé vers un but et la régulation de soi sont essentiels pour

l’ajustement psychologique et le bien-être ».

7.1.1 Une analyse thématique

J’ai analysé les entretiens semi-directifs selon l’analyse thématique du discours, en

m’appuyant sur les travaux de Bardin (1977).

Nous avons procédé comme suit :

- retranscription intégrale des entretiens,

- dégagement de thématiques à partir d’une première lecture de ces derniers,

- codage et répartition des données du discours au sein de chaque thématique,

- analyse des catégories pertinentes.

45

7.1.2 Cartographie des thèmes

J’ai essayé, dans un premier temps de ce travail, de développer une cartographie aussi

détaillée que possible des thèmes qui apparaissent dans le discours des jeunes aussi bien dans

le discours spontané des jeunes (première partie de l’entretien) que dans la seconde partie

(évocations de termes) : en effet, même si la seconde partie apparaît thématiquement plus

contrôlée, les thèmes déjà identifiés dans la deuxième peuvent également y apparaître ; en

outre, les relances ont permis soit de prolonger notre découpage en thèmes soit d’affiner nos

sous-thèmes. Le tableau ci-dessous présente les thèmes et les sous-thèmes (dans leur ordre

d’apparition, à partir de l’analyse de l’entretien du jeune A) ainsi que leur fréquence

d’apparition. Cette analyse thématique prend appui sur une unité déterminée : le tour de

parole entendu comme une intervention d’un jeune (le comptage s’effectue ainsi : chaque fois

qu’un thème apparaît dans un tour de parole, il est pris en compte et comptabilisé) :

THEMES SOUS-THEMES

libellé_THEMEfréquence

d'apparitionlibellé_SOUS_THEME

fréquence

d'apparition

évocation du parcours scolaire 16,8% copains 6,0%

structures fréquentées 43,3%

rapport à l'école 50,7%

école de la 2e chance 29,1% réunion d'information 0,9%

cadre 5,6%

sentiments généraux par rapport à l'E2C 12,1%

démarche pédagogique 18,7%

accompagnement 3,7%

motivation à l'inscription 22,4%

information en amont sur le dispositif 13,1%

connaissance de l'E2C avant l'intégration 9,3%

groupe 7,5%

rémunération 2,8%

les "grands" 3,7%

apprentissages théoriques et pratiques 12,0% - -

environnement affectif 11,4% représentation des métiers 6,9%

rapport à l'école 13,8%

rôle de la famille dans l'orientation 27,6%

éléments de vie 51,7%

monde du travail 8,7% importance de la formation 32,1%

représentation sur le chômage 64,3%

rôle de l'orientation 3,6%

le jeune "acteur"... 5,4% ... dans son orientation 60,0%

... dans son accès à l'autonomie 40,0%

l'argent 0,8% - -

l'accompagnement 5,7% évocation des structures d'accompagnement 37,5%

représentation des structures d'accompagnement 56,3%

accompagnement par les parents 6,3%

maturité 7,3% expérience 36,4%

la majorité 63,6%

réussite 0,8% - -

socialisation 1,9% - -

46

7.1.3 Analyses qualitatives

Ce tableau nous montre que le thème principal de ces entretiens est le dispositif E2C que

les jeunes viennent d’intégrer et plus spécifiquement leur motivation à intégrer ce dispositif.

C’est par cette « entrée » que j’ai donc choisie d’analyser qualitativement les entretiens. Mon

hypothèse a été la suivante : c’est en s’appuyant sur les différentes motivations des jeunes à

intégrer le dispositif que l’on peut mettre au jour des modalités d’adaptations du dispositif

E2C aux jeunes décrocheurs. Autrement dit, l’analyse de ces entretiens m’a permis de mettre

en exergue des profils de jeunes selon leur motivation à intégrer le dispositif et les

« réponses » que les E2C peuvent leur proposer. Ces analyses se fonderont sur le cadre

théorique de la TSCOP qui met en exergue la capacité des personnes à diriger leur propre

orientation scolaire et professionnelle sans chercher à nier l’importance de facteurs

contextuels (la personne et ses cognitions, son environnement) qui, dans une perspective

intégrée peuvent soit contribuer à affaiblir ou augmenter la puissance d’agir de la personne,

son agentivité, son autocontrôle dans les processus d’orientation. Dès lors, les autres thèmes

mis en évidence dans ces entretiens (à savoir notamment le rapport à l’école, aux savoirs

théoriques et pratiques, les représentations face au monde professionnels, l’accompagnement

par la famille ou une structure) me serviront également de fil conducteur dans la mis au jour

de ces profils. Ainsi donc, j’essaierai de mettre en évidence les variables sociales cognitives

qui permettent aux jeunes accueillis d’influer positivement ou négativement sur leur propre

orientation professionnelle et plus généralement les autres variables personnelles et

environnementales peuvent affaiblir ou renforcer leur autocontrôle sur leur orientation.

Il est à noter que, je ne me suis pas servie dans ces analyses, des données concernant le

profil des jeunes qui m’ont été communiquées ultérieurement par les Ecoles dans la mesure

où ce qui m’intéressait ici c’était les jeunes et leurs représentations (face au dispositif de pré-

orientation, à l’école, à la formation…).

7.1.3.1 Motivation des jeunes à intégrer le dispositif et possibilités d’accompagnement

par les E2C

Concernant les jeunes adultes, habituellement accueillis au sein des E2C, une équipe

indique qu’: « ils ont une motivation qui n’est pas forcément liée à la formation mais à ce que

va permettre de mettre en œuvre cette formation puisqu’on a ceux qui veulent vraiment venir

en formation, travailler le français, les maths, construire des perspectives professionnels et

puis ensuite s’inscrire professionnellement ; et puis, il y a ceux qui viennent là, ils savent qu’à

47

l’Ecole, on a un portefeuille d’entreprises qui leur permettra de construire des parcours de

retour à l’emploi et de retrouver rapidement un emploi ».

Autrement dit, la poursuite d’un parcours à l’E2C pour le public habituellement accueilli

s’appuierait sur deux types de motivation : une motivation fondée sur la remise à niveau

(« rattraper » un niveau scolaire en vue de construire un projet professionnel) ou alors saisir

une opportunité (d’embauche ou de qualification) par rapport à un projet professionnel précis.

C’est sur cette motivation intrinsèque que les E2C construisent une modalité particulière de

leur démarche pédagogique : l’engagement dans le parcours de formation. Ainsi, comme le

soulignent Joule et Beauvois (1998, p. 60) « l’engagement correspond aux conditions de

réalisation d’un acte qui, dans une situation donnée, permettent à un attributeur d’opposer un

acte à l’individu qui l’a réalisé ». Autrement dit, il n’y a engagement que lorsque le sujet

s’attribue l’acte. Afin de faciliter l’engagement des stagiaires dans leur parcours de formation

au sein des E2C, « les stagiaires disposent d’une période d’intégration qui peut aller de trois à

sept semaines selon les Ecoles. Au cours de cette "période d’essai" le stagiaire vérifie que le

programme proposé correspond à ses attentes et qu'il est capable de s'y tenir, il peut arriver

qu’il quitte la structure de son propre gré. » (Étude pour l’essaimage du dispositif). Ainsi, la

plupart des stagiaires de Marseille interviewés par El Houat et Pane (2004, p. 69) parlent

clairement de leur « choix d’être là » et de leur « liberté de s’engager « : « si ça nous plaît pas

on reste et si ça nous plaît pas, on s’en va quoi », « on vient si on veut, ils vont pas venir nous

chercher, c’est pas comme au collège où on est obligé ».

Avant de s’interroger sur les motivations des jeunes 16 / 18, notons que la période d’essai

qui permet une contractualisation formalisée par la signature du contrat d’engagement15 par le

stagiaire et l’Ecole et parfois également par la Mission Locale et/ou PAIO, a été très courte, et

au travers notamment d’une démarche de bilan rapide, il a fallu rapidement formuler des

objectifs. Dans les entretiens-bilans, les équipes pédagogiques déplorent ce manque de temps

qui n’était pas propice à mettre en place un contrat d’engagement dans la durée. En outre, la

deuxième difficulté à laquelle les Ecoles ont dû faire face a été le statut de mineur de ces

jeunes, qui impose de facto la prise en compte d’un nouveau cadre juridique : « il faut sans

cesse que quelqu’un de l’équipe de l’Ecole jette un œil sur ces jeunes. Ce sont des mineurs.

Vous mettez un majeur dehors, pas de problème, mais les mineurs…On a pas le même cadre

15 En signant ce contrat le stagiaire s'engage à respecter les règles de l'Ecole et celles de l'entreprise, à mettre tout en oeuvre pour réussir tandis que l'Ecole s'engage à mettre à sa disposition tous les moyens dont elle dispose pour accompagner cette réussite. Le contrat pédagogique est le fondement du processus éducatif car il constitue la base d’un engagement réciproque auquel on pourra se référer par la suite.

48

juridique. Avec les jeunes majeurs qui font des bêtises ou qui vont pas bien, on peut dire ben

écoutez rentrez chez vous. C’est pas la même chose là, on a la responsabilité de mineurs ».

Que nous apprennent les entretiens réalisés auprès des jeunes 16 / 18 sur leur engagement et

sur la motivation qui les pousse à suivre le parcours qui leur est proposé ? J’ai procédé à une

analyse qualitative sur la base des segments d’entretiens qui se réfèrent à l’engagement du

jeune dans son parcours et ai pu mettre en lumière XX logique :

7.1.3.2 Une logique d’attente de travail

« Au bout de ces 12 semaines, on aura un truc, quoi, j'espère », remarque le jeune A.

Force est de constater que l’objectif visé à la fin de la formation demeure très vague.

Remarquons aussi que le jeune A n’utilise pas le pronom je mais le pronom on. Or, comme le

souligne Atlani (1984, p.24), on est « n’importe qui, tout le monde, les gens, tout sujet à la

condition qu’il soit indéfini ». Le jeune ne semble ni l’acteur de ce choix de suivre le

dispositif, ni l’acteur de ce qu’il prononce : « on aura un truc » semble être ici un résumé de

ce qu’il a retenu de la réunion d’information et de la journée d’accueil, « et enfin quoi

j’espère » indique une prise de distance par rapport a ce qui a été dit. Son manque d’intérêt

pour l’objectif visé par le dispositif (la pré-orientation pour raccrocher un parcours de

formation) est également visible lorsqu’il dit

En tout. Je pensais qu’on allait écrire et vu que moi j’aime pas trop les cours…Bon, je sais

qu’on va en faire en apprentissage. On va en faire un peu des maths, du français mais peut

être qu’il faut que j’attende mes 18 ans pour être tout prêt pour un métier

Son entrée dans ce dispositif ne lui offre pas de perspective dans la mesure où il est en

position d’attente : il considère que seul le fait d’être majeur est important pour trouver un

travail. Remarquons, en outre, que cette position d’attente est également perceptible au travers

du fait qu’il refuse d’évoquer son parcours de vie et son parcours scolaire : il ne souhaite pas

se mettre en mots et refuse donc d’amorcer une position réflexive, une « conversation avec la

situation » (Schön, 1994). Il se projette certes dans l’avenir mais c’est seul le travail

(contrairement à l’école ou à tout autre dispositif) qui lui permettra d’apprendre. Sa

représentation de l’apprentissage par le travail est visible dans cet extrait de l’entretien :

Vous connaissez des gens au chômage ?

Ouais et franchement je préfère travailler que toucher le chômage

49

Pourquoi ?

Parce que gagner des sous sans rien faire, pour moi, c’est pas…C’est pas voilà quoi, c’est

pas bien. Ça fait toujours plaisir d’avoir un petit peu de sous mais après on apprend rien, on

fait rien.

Ainsi donc, tout l’enjeu pour les équipes pédagogiques dans le raccrochage scolaire de ce

jeune est de l’accompagner afin de lui donner à voir et à comprendre l’utilité individuelle et

sociale des apprentissages, de tous les apprentissages, sans hiérarchisation. Toutefois, dans ce

dispositif conçu non comme un nouveau dispositif mais comme une adaptation des pratiques

des Ecoles, le levier est bien faible : les jeunes accueillis habituellement dans les E2C ont, on

l’a vu, un « projet » ou une envie (que l’on peut scinder grossièrement en deux familles16 : la

qualification pour un métier17 ou l’opportunité de s’inscrire dans le tissu économique local

grâce au portefeuille entreprises de l’Ecole) et s’engagent volontairement dans le parcours.

Ainsi, le travail des Ecoles s’appuie principalement sur un objectif (même s’il est encore peu

défini) que s’est fixé le jeune afin de développer un projet contractualisé, dans un cadre

institutionnel qui permet à la fois de mettre en œuvre un apprentissage individualisé, le

développement d’un projet personnalisé et le suivi très étroit du processus d’apprentissage, au

travers d’une pratique réflexive du stagiaire sur ses apprentissages qui vise à la fois

l’acquisition de compétences objectives nouvelles mais aussi le renforcement des motivations

à l’apprentissage. En effet, cette pratique réflexive sur ses apprentissages, accompagnée par

un formateur, permet au stagiaire d’expliciter ses acquis, à en prendre conscience et à s’en

attribuer la paternité et à formuler de nouveaux objectifs. Or, comme le souligne Lent (2008,

p74) le fait d’atteindre soi-même les objectifs que l’on s’est fixés constitue un terrain

particulièrement fertile d’intervention qui permet d’alimenter le sentiment d’efficacité

personnelle, qui est l’un des éléments clés dans la construction des intérêts scolaires et

professionnels visés dans ce dispositif de pré-orientation. Parmi les solutions proposées afin

de faire en sorte que les jeunes décrocheurs qui arrivent dans le dispositif soient dans une

dynamique d’engagement libre et de construction d’un projet avec l’Ecole, l’un des

formateurs interrogés propose un « sas d’entrée » avant l’intégration dans le dispositif : « tout

16 Une analyse bien plus fine s’imposerait bien sûr. 17 Le « phasage » (stages de découverte puis stages de confirmation de projet) proposé dans les Ecoles permet de construire le projet professionnel

50

ce qui est régie du quartier, il faut qu’ils jouent un peu le jeu pour que les jeunes intègrent un

chantier de 2-3 semaines parce que ça redynamiserait le jeune, de retravailler et de

redécouvrir avant d’intégrer l’E2C »

7.1.3.3 L’engagement : une réponse au milieu dans lequel évolue le jeune

Parfois, l’engagement dans le parcours apparaît comme une réponse au milieu dans lequel

évolue le jeune.

Vous avez eu de l’aide pour votre orientation ?

Ma mère.

Qu’est-ce qu’elle vous a dit ?

Tu veux pas te marier jeune toi non plus. Comme tu as arrêté l’école jeune, faut que tu

fasses une remise à niveau pour que tu aies un métier pour toi et que tu passes ton permis et

que tu travailles avant de te marier, plein de choses comme ça. Et là, maintenant, je suis là.

Bien que cette jeune fille ait a priori eu le soutien de sa mère pour intégrer le dispositif,

c’est à la demande de ses parents qu’elle a mis fin à son parcours dans le dispositif. De tels

épisodes ont fait émerger la constatation suivante : il est important d’intégrer les parents dès le

début dans le dispositif (notamment dans les réunions d’information) et de travailler de

manière étroite avec les acteurs de terrain, en relation avec les familles. Soulignons également

que l’un des freins des parents à l’intégration de leur enfant au sein du dispositif ou à la

poursuite du parcours, résidait dans le fait que la formation n’était pas rémunérée. Tous les

directeurs sont unanimes pour ne pas cautionner l’idée d’une formation rémunérée : la

« rétribution » que les jeunes auraient eu au titre de stagiaire de la formation professionnelle

eu égard à leur âge et à leur expérience n’aurait pas accéder 130 euros ; on est donc bien loin

d’un salaire. L’on peut néanmoins soutenir l’idée de faire bénéficier aux jeunes de cette

rétribution, en arguant du fait qu’il s’agit d’une bourse, d’une aide liée aux conditions de la

formation et non d’un salaire (voir infra).

Toujours dans l’idée d’aller plus en avant dans notre analyse de l’engagement du jeune

dans le dispositif conçu comme une réponse à son environnement, analysons l’entretien du

jeune B. Ainsi le jeune B, affirme que « j'avais rien à faire, il fallait bien que je trouve un truc

et « Déjà moi, je suis venu par force même si c'était pour moi et qu'on m'a fait comprendre

que c'était pour moi ». S’il affirme que c’est sa copine qui l’a lui a fait comprendre que

51

« c’était pour lui », il précise ensuite néanmoins « je suis venu en gros pour moi parce que

j'étais rien, j'étais tous les jours chez moi, je rentrais tard et dès fois, ça me manquait l'école et

je disais : " ça me manque l'école " et tout ; et là, on me disait, tu n'as qu'à faire un truc et tout,

voilà quoi. Aujourd'hui, j'ai envie de ne plus rien faire et dès fois il y a des patrons qui

prennent des apprentis, dès fois ». Le milieu dans lequel évolue le jeune semble avoir eu un

rôle important dans le processus de conscientisation de « faire un truc » et donc dans l’envie

de « plus rien faire ». Le choix de s’inscrire dans ce dispositif est « localisée » : il s’inscrit

dans une logique par rapport à la situation vécu par le jeune et par les retours qu’il reçoit et

perçoit de ses proches. Peut-on encore parler véritablement d’engagement dans le sens

exprimé par Joule et Beauvois ? Autrement dit, y-a-t-attribution de l’acte de s’engager et de

suivre ce dispositif ? A cet égard, il est intéressant de remarquer que le jeune indique

également qu’il a un projet professionnel qu’il aimerait voir se concrétiser à la fin de ce

dispositif :

Aujourd’hui, quelles sont vos attentes par rapport à ce dispositif ?

Moi, travailler

Dans quoi ?

En restauration, en apprentissage, c’est pas comme au lycée pro

Le jeune B était inscrit en lycée pro (en restauration) mais il a été exclu. Aujourd’hui son

projet professionnel reste le même (la restauration) mais il souhaite s’inscrire en apprentissage

dans la mesure où « C’est pas des cours qu’on apprend. On apprend pas ». Il justifie donc son

choix de formation par son intérêt pour les apprentissages pratiques et fait remarquer que s’il

y des maths et du français « c’est pour nous »18, il souligne également que « ça se passe mieux

en entreprise ». Eclairons ces propos au regard des apports de la TSCOP et plus

particulièrement du modèle du choix professionnel. L’on peut faire l’hypothèse que le jeune B

a exprimé un choix initial et s’est inscrit en lycée professionnel (mise en œuvre d’actions pour

atteindre son propre but) toutefois, exclu, il n’est pas allé au bout de sa formation. Cette

expérience d’apprentissage a vraisemblablement incité le jeune B à réviser ses sentiments

d’efficacité personnel et ses attentes de résultat, ce qui aurait dû l’amener à modifier ses

intérêts et ses buts. Ainsi, l’on aurait pu faire l’hypothèse qu’en s’inscrivant dans ce dispositif,

le jeune B aurait pu (notamment) exprimer le choix et d’un autre type d’études et d’une

18 Nous reviendrons sur les représentations concernant les apprentissages théoriques et pratiques.

52

nouvelle voie professionnelle. Si le jeune B choisit effectivement un autre type de formation

(l’apprentissage), il n’en est rien concernant son choix professionnel qui reste le même. On

peut émettre l’hypothèse que les stages en entreprise (« ça allait mieux en entreprise »), ont

été particulièrement exemplaires pour lui (expérience réussie) et qu’ils alimentent une

« boucle de rétroaction » (Lent, 2008, p.65) qui ont un rôle indéniable sur les modalités des

choix ultérieurs. Afin que son projet se concrétise, il est important d’accompagner le jeune B

dans son évolution notamment face à ses représentations de l’apprentissage. Le dispositif qui

vise également l’apport d’informations sur les formations, propose par la visite de CFA et la

rencontre avec des apprentis favorise une « élaboration d’attente réaliste » (Lent, op.cit. p.75)

à l’égard des représentations sur l’apprentissage et des aspects considérés par le jeune B

comme attrayants (cf. son discours sur les stages en entreprise ou encore ses représentations

face aux savoirs théoriques). Notons cependant que l’engagement du jeune dans le dispositif

reste toutefois très fragile. Même s’il a un objectif professionnel, son objectif de formation est

avant tout corrélé à la pression du milieu dans lequel il évolue.

Il ne faut perdre de l’esprit que si l’individu choisit sa voie professionnelle,

l’environnement choisit aussi les personnes. Il est important (mais aussi difficile) de

circonscrire toutes les variables qui entrent en jeu dans le processus du choix professionnel.

Dans le cas du jeune B, le choix de suivre une formation (quelque soit, semblerait-il) est

également contraint, on l’a vu, par la pression du milieu dans lequel il évolue. L’engagement

du jeune semble dès lors très fragile et la « pédagogie du contrat » mise en place par les E2C

n’est pas aisée à initier, comme le montre notamment ses difficultés à accepter le « cadre »

Moi je sais pas c’est un peu chelou ici.

C’est-à-dire ?

Si tu viens en retard, on te prend pas […]

Les entretiens bilan effectués avec les jeunes témoignent également de cette difficulté à

accepter le cadre :

Ouais, ils m’ont aidé à avancer. Mais on est trop derrière moi. On a pas assez de liberté

L’on retiendra que le processus d’engagement dans le dispositif est un processus

relativement long et c’est pour cela que les trois Ecoles qui ont fait ce test insistent sur le fait

qu’une période de 12 semaines est trop courte.

53

7.1.3.4 Une logique de découverte de soi et de ses intérêts

D’autres jeunes, comme le jeune L, indiquent qu’ils sont là pour «savoir ce que je veux

faire ». Or, comme le postule la TSCOP (Lent, 2008, p.77), les intérêts peuvent notamment ne

pas s’être développés à cause de sentiments d’efficacité personnelle anormalement faibles. La

démarche de bilan et de construction d’un plan de formation individualisée dans laquelle

s’inscrivent les jeunes dès leur entrée dans le dispositif jouent un rôle important puisque

comme le souligne Betz et Hackett (cités par Vouillot et al. 2006, p.11) les sentiments

d’efficacité personnels scolaires et professionnels jouent un rôle médiateur majeur dans le

choix professionnel. Ainsi : « De nombreuses recherches montrent que les croyances

d’efficacité personnelle jouent un rôle clé dans la carrière professionnelle. Plus l’efficacité

perçue à répondre aux exigences éducatives et aux fonctions professionnelles est élevée, plus

l’éventail des professions que les individus envisagent sérieusement de choisir est large et

plus l’intérêt qu’ils manifestent à leur égard est grand (Bandura cité par Vouillot et al, 2006,

p.11).

Ainsi, le plan de formation individualisé qui permet de fixer des objectifs dont le niveau

augmente progressivement peut accroître un sentiment d’efficacité personnelle lié à la

maitrise d’un objectif donné (qui donne lieu, on l’a vu à un « processus de restructuration

cognitive » (Lent (op.cit., p.75).La TSCOP ne devrait pas appuyer ses efforts uniquement sur

le renforcement des sentiments d’efficacité personnelle. Ainsi, l’apport d’information sur les

formations et les métiers est également, on l’a vu, un levier pour favoriser l’élaboration

d’attentes réalistes à l’égard par exemple d’un métier et constitue un mode

d’accompagnement adéquat dans le processus d’orientation. Cette confrontation au réel est

nouvelle pour la plupart des jeunes reçue au sein du dispositif : ainsi, une équipe pédagogique

note dans son bilan de l’expérimentation « Pour la plupart, ils n’avaient jamais fait de stage

pratique en entreprise, seulement des mini-stages de découverte et d’observation en fin de 3e.

Les stages ont ainsi permis de confirmer ou d’infirmer leur choix d’orientation

professionnelle ». Ces stages ont demandé aux Ecoles certaines adaptations : il a fallu trouver

des solutions pour le risque d’accident du travail, dans la mesure où contrairement aux jeunes

accueillis, ils n’avaient pas le statut de stagiaire de la formation professionnelle. Enfin,

remarquons que même si la plupart de ces jeunes sont très en demande par rapport à cette

confrontation au réel, beaucoup ont peur de l’entreprise :

54

« Même s’ils sont très demandeurs, une peur bleue de l’entreprise. Attendez, comment ça

va se passer là et je vais faire quoi là ? Je me souviens en particulier de P qui devait aller à

l’Holiday Inn. Alors qu’on avait vu l'entreprise, on l’avait accompagné, une peur ! Alors qu’il

avait dit pourquoi vous me ramenez pas en entreprise ? Et le jeune qui devait aller au T et qui

est absent le jour où l’on devait aller au T »

Toutefois, les modalités habituelles mises en place habituellement par les E2C, ont permis

de contourner certaines appréhensions : l’assistance dans la recherche de stage, des objectifs

clairement définis en amont du stage, les retours de stage conçus comme des moments des

moments privilégiés pour faire pour faire le point sur ses acquis, ses prochains objectifs, les

freins rencontrés et les solutions à y apporter. Lorsque l’on regarde de plus près les bilans des

jeunes sur les stages qu’ils ont déjà effectués au moment des entretiens, l’on voit qu’ils

mettent notamment l’accent sur le développement de leurs habiletés sociales :

Vous avez fait des stages en quoi ? En pépinière, en espace vert et 2 jours au CFA en pâtisserie et en boulangerie. Un jour

chacun. C’est tout, c’est déjà pas mal. Ça vous a plu ces stages ? Oui, ça m’a plu mais c’est pas ce que j’ai envie de faire mais ça m’a montré une autre

image du travail en fait. C’est-à-dire ? Faut être à l’heure, faut savoir écouter. Et aujourd’hui vous pensez que vous allez être plus ponctuel, plus à l’heure ? Je pense que je vais faire de mon mieux mais je peux pas garantir

L’immersion en entreprise vise, en premier lieu, la « socialisation professionnelle »

(Dubar, 2000, p 139). Comme le montre l’entretien du jeune ci-dessus l’apprentissage des

codes relationnels de l’entreprise et du fait que l’appartenance ou l’exclusion dans une

entreprise ne réside pas seulement dans la maîtrise de compétences techniques mais aussi dans

la maîtrise d’habiletés sociales. Toutefois, la pérennisation de ces habiletés sociales semble

encore très fragiles lorsque le jeune affirme : « Je pense que je vais faire de mon mieux mais

je peux pas garantir » Il faudrait ici effectuer une étude auprès des jeunes majeurs

habituellement accueillis au sein des E2C pour voir s’il y a des différences entre ces stagiaires

55

et les 16 / 18 concernant l’inscription dans le temps des habiletés sociales. Bien sûr, cette

étude devrait vraisemblablement s’appuyer sur les travaux modernes (Lerner et al., voir

Bouchard, 2002, p.1) concernant le développement des adolescents, qui contrairement à

certaines représentations présentant l’adolescence comme une période de crises où les crises

se succèdent, mettant à mal l’harmonie tant à l’école que dans les familles, postulent que

l’adolescent évolue dans un monde d’interrelations entre différents niveaux d’organisation

(biologique, psychologique, social et interpersonnel, institutionnel, culturel et historique)

entraînant de facto des modifications de relation avec le contexte dans lequel il évolue et par

là-même une modification de comportements ; enfin il ne faut pas perdre l’individu de vue

dans la mesure où les adolescents empruntent des voies différentes en fonction du groupe

d’appartenance, des différences interindividuelles etc.…. La seule hypothèse que nous

pouvons faire ici, au regard des entretiens menés, c’est que les jeunes 16 / 18 ne sont pas dans

la même temporalité que les jeunes adultes habituellement accueillis : ainsi, une Ecole note

dans son bilan que c’est l’urgence liée à leur situation qui pousse les jeunes habituellement

accueillis à fixer leurs habiletés sociales : « les difficultés rencontrées ont principalement été

l’assiduité, la motivation, la ponctualité et le manque d’intérêt pour certaines activités

proposées (en particulier la remise à niveau et les recherches). Pour les 20-30 ans, ces

difficultés sont les mêmes, mais elles sont assez rapidement surmontées par les responsabilités

familiales notamment ». Les jeunes que nous avons rencontrés indiquent clairement qu’ils ne

sont pas « pressés » :

[A propos des stages en entreprise] Ça vous a plu ? J ça nous a plu pour la journée mais travailler là-dedans non. I Moi la pâtisserie, j’ai trouvé bien, j’ai voulu, j’ai appelé beaucoup de patrons, mais ils

prennent plus, il y a plus de place, alors j’ai préféré arrêter J Non, on a peut-être moins envie comparé aux 18 ans, ils ont besoin d’argent, ils ont

besoin du permis. Nous, on baisse vite les bras, on est encore jeunes. Pourquoi ? I Nous ça va encore on a pas 18 ans J On a encore les parents derrière J On a que 16 ans, on a pas besoin d’argent

56

L’analyse de leurs représentations sur le passage à l’âge adulte fait apparaître qu’ils ont le

sentiment d’une véritable rupture entre ce qu’ils vivent aujourd’hui et ce qu’ils vivront à l’âge

adulte (marquée par la majorité, « les 18 ans » et des problématiques liées au fait que leurs

parents ne les soutiendront plus financièrement). Ils n’analysent pas ce passage comme un

processus. Les propos ci-dessous sont à ce titre intéressants :

Vous pensez l’être, autonome ? I Sur certains cas. C’est-à-dire ? I Sur une moitié oui et l’autre, on verra plus tard. J oui, l’autre moitié. On travaille pas encore donc on peut pas être autonome

Cet extrait fait apparaître que la jeune interviewée met sur le même plan indépendance et

autonomie. Or, comme le souligne Gaudet (2001, p. 75) « l’indépendance ne relève […] pas

du même processus que l’autonomie ». Une définition de l’autonomie s’impose. Comme le

souligne Gaudet (op.cit), « les racines grecques du mot évoquent l’idée de se donner soi-

même (auto) ses lois (nomos). Au cours de l’expérimentation, les Ecoles se sont fortement

interrogées sur les modalités d’accès à l’autonomie pour les jeunes 16/18. L’accès à

l’autonomie dans les E2C passe, on l’a vu, par une pédagogique du contrat, qui vise

notamment l’autorégulation des comportements dans la mesure où le stagiaire attribue un sens

aux règles parce qu’il les lie justement à ce contrat d’engagement réciproque signé ’à la fin de

la période d’essai du stagiaire. Les entretiens d’El Houat et Pane (2004, p.69) menés auprès

du public habituellement accueillis au sein des E2C font apparaître que cet engagement se

traduit notamment par le fait que pour ces jeunes la volonté est une attitude importante dans la

réussite de leurs parcours. Elles indiquent ainsi que de nombreux jeunes de l’E2C développent

« une croyance d’auto-responsabilisation dans le sens où l’entend Fournier (1992) à savoir

qu’il est conscient de la nécessité d’un impact personnel dans son insertion ». Elles ajoutent

également en faisant référence à la TSC et aux travaux de Blanchard et al. (1997) que « cette

attitude active face à l’environnement est prépondérante quand on sait qu’elle permet de

développer des compétences et des motivations intrinsèques et de pouvoir en tirer du

plaisir ». Les premiers entretiens menés avec les jeunes 16 18 font apparaître, qu’au contraire,

ils adoptent souvent une attitude passive face à leur environnement : « Pendant ces 12

57

semaines, on va faire des démarches pour moi » affirme ainsi une jeune. Une équipe

pédagogique relate également un épisode intéressant à analyser :

Ce matin, on devait aller à [inaudible] Faut être ici à 9h parce qu’il faut qu’on y soit à 9h30. Ouais, ouais, ouais.9h35, j’étais en train de proposer à un autre groupe, le scandale !

Ils disent : « on a été puni ». Je leur dis : « non vous étiez en retard ». Ils arrivent pas à

admettre qu’ils étaient en retard. C’est une punition. C’est que de l’éducatif. Là où on a manqué de temps, c’est pour travailler sur l’éducatif. Travailler sur ce qu’est-ce que c’est qu’un cadre, le respect des autres, le respect des engagements. On peut être acteur de sa vie. Quand on leur explique ça, ils se posent des questions. Vous me travaillez la tête, là, monsieur. C’est-à-dire qu’il faut travailler avec eux sur le fait qu’ils peuvent avoir prise sur leur environnement. A aucun moment, ils ne se permettent ou ils ne veulent, je ne sais pas, acteur de leur environnement.

Parce qu’ils ne sont pas arrivés à l’heure, autrement dit parce qu’ils n’ont pas respecté leur

engagement, la formatrice référente de ces jeunes a proposé la sortie à un autre groupe. Le

groupe des jeunes 16 / 18 interprètent cela comme une « punition ». De tels épisodes ont

amené les Ecoles qui ont participé à ce test à réfléchir à des adaptations liées à leurs pratiques

concernant leur pédagogie du contrat et plus généralement à amener les jeunes vers une plus

grande implication, une attitude active et donc l’autonomie. Comme le note, Gaudet (op.cit)

« le fait d’être autonome, d’apprendre à décider pour soi, n’amène pas l’individu à être

indépendant des liens sociaux » : « dans une socialisation où se développe le lien

d’interdépendance, il faut apprendre tout autant à se débrouiller seul qu’à demander de

l’aide ». Or, on le voit, pour la plupart des jeunes 16 / 18 interrogés, l’autonomie c’est

«savoir se débrouiller tout seul ». On peut faire l’hypothèse que le décrochage scolaire, la

rupture scolaire qu’ils ont connue a créé une grande méfiance chez eux vis-à-vis de

l’institution et des autres en général qu’ils ne sont pas en position de « demander de l’aide »

et d’accepter d’en recevoir :

J’ai pas vraiment aimé ça rester enfermé comme ça dans la classe , et puis quand on se

trompe, c’était à T , encore, quand on se trompe, on a des mauvaises notes que…parce que

moi j’avais des mauvaises notes aussi quand j’étais en primaire, faut absolument que toute la

classe fait ça, non le sache quoi comme ça après toute la classe se fout de toi après ; enfin,

c’est le genre de choses qui me dérangeaient et puis ben après, eu collège euh les jeunes,

parce que j’étais dans un collège de bourges, les jeunes hein ils se la pètent dès que tu as un

problème, tu sais, ils en profitent, dès que t’es affaibli, ils peuvent en profiter pour t’affaiblir

58

encore plus, je sais ce qu’ils sont, ils cassent encore plus de sucre que tu sois plus…Bon ben,

c’est bon, moi j’ai lâché l’affaire […]

Cet extrait nous invite à nous attarder sur la relation des jeunes avec l’Ecole, qui apparaît

être de l’ordre du « rejet » mais aussi à postuler qu’il s’agit de rétablir une relation de

confiance avec le jeune. Nous allons traiter de chacun de ces deux points séparément.

Des interviews des jeunes adultes de Marseille effectués par El Houat et Pane (2004), il

ressort que les jeunes insistent sur l’importance de l’école et des apprentissages notamment

pour l’insertion dans le monde du travail. Alors que le « désir d’école » se manifeste pour ces

jeunes « dans le manque », il semblerait que la rupture avec l’école est bien trop proche pour

notre échantillon de jeunes 16 / 18 pour que ce désir ait eu le temps de se réveiller. De la

même manière, on notera, chez la plupart des jeunes rencontrés une forte aversion face aux

savoirs théoriques. Ainsi, à plusieurs reprises les équipes pédagogiques soulignent que les

jeunes qui sont en voie de signer un contrat d’apprentissage à la fin du parcours soulignent

néanmoins qu’ils n’ont pas l’intention de travailler sérieusement au CFA et tout au moins la

deuxième année pou « obtenir le diplôme ». Il faut souligner que la durée du parcours n’a pas

permis aux Ecoles de mettre réellement en application, l’une de leurs démarches principales à

savoir : la pédagogie de la réussite. Ainsi, en ce qui concerne les apprentissages et

l’évaluation, les E2C s’appuient sur une pédagogie de la réussite afin de renforcer les

sentiments d’efficacité. Les réussites, si modestes soient-elles, sont systématiquement

encouragées et valorisées. L’évaluation n’est pas une sanction, elle permet au stagiaire de

mesurer, à chaque étape, les progrès accomplis et l’attestation de compétences acquises

délivrée en fin de parcours atteste des acquis qui peuvent être différents d’un stagiaire à

l’autre.

Ce rejet de l’école et la méfiance vis-à vis des dispositifs d’accompagnement ont conduit

les Ecoles à s’interroger sur les modes d’action adéquates permettant aux jeunes décrocheurs

de refaire à l’institution. Plusieurs pistes ont été développées ou proposées par les Ecoles.

La première hypothèse repose sur le fait que la relation de confiance est corrélée à un

sentiment d’appartenance. La difficulté première liée à cette expérimentation est que le

dispositif mis en place les jeunes à la fois dans et hors de l’Ecole de la deuxième Chance. A

l’intérieur, parce que non seulement il ne s’agit pas d’un dispositif nouveau mais bien d’une

adaptation des pratiques (la plupart des jeunes disent qu’ils sont à l’école de la deuxième

Chance) et qu’ils y côtoient les grands qui « sont dans la même galère » mais aussi à

59

l’extérieur parce que les jeunes ressentent ces adaptations comme les mettant un peu hors du

cadre de qui est habituellement fait :

Je sais pas, il y a de l’ambiance ici, depuis que nous les juniors, on nous appelle les juniors ici [rire] depuis que les juniors ils sont rentrés et ben voilà, il y a de l’ambiance

I Et les autres, les grands, ils sont gentils, ils sont dans la même galère que nous. J Mais, ils sont payés.

En vue de développer le sentiment d’appartenance aux E2C, des expériences positives

d’immersion des jeunes dans des groupes d’adultes ont été menées, lorsque cela était possible.

Lors du bilan, une Ecole remarque

L1 il y avait une jeune adulte, P, qui faisait un pot, ils bougeaient, ils étaient là…c’était la grande sœur et elle en regarde un et elle lui dit je te l’ai déjà dit d’enlever ton bonnet, elle l’enlève, le pose

L2 alors que nous L1 impossible de le toucher L2 on avait beau lui dire impossible L3 on pourrait imaginer une sorte de tutorat, parrainage L1 oui, on pourrait imaginer. Oui, c’est vrai, c’était flagrant durant le pot. P, pourtant,

elle les pas beaucoup côtoyés. Ils sont beaucoup en entreprise, ils reviennent, ils repartent. Ils sont pas du tout des mêmes quartiers. Je les ai regardés, ils bougeaient pas. C’est vrai que l’on aurait pu penser à cela et oui ton idée, L3

L3 et puis c’est quelque chose que l’on a découvert durant le dispositif

On peut faire l’hypothèse que se développe ici l’amorce d’un « apprentissage par

observation » (Lent, 2008). Ainsi, le sentiment d’appartenir tous un à un même groupe (« on

est tous dans la même galère ») peut entraîner chez les jeunes 16-18 « une forte probabilité de

s’identifier à des modèles de rôle qu’ils perçoivent comme étant conformes à leur genre »

(Lent, op.cit). Le parrainage prendrait alors la forme d’un soutien : sur le mode de la

« persuasion » les parrains pourraient encourager les jeunes 16/18 à s’engager réellement dans

le projet. Par un jeu de miroirs, les jeunes 16 / 18 se reconnaîtraient dans la mise en mots par

les jeunes adultes des « récits de galère » et de leur choix de suivre ce dispositif, de leur

liberté de s’engager. Il s’agit là, sans doute, d’un scénario idéal mais qui mérite néanmoins

60

d’être expérimenté, de manière toutefois très encadrée. Il s’agit bien d’un parrainage et non de

la création de groupes mixtes, étant entendu que les besoins ne sont néanmoins pas les

mêmes. Soulignons également, que le sentiment d’appartenance à ce dispositif pourrait

vraisemblablement s’accroître si les jeunes percevaient une rémunération au même titre que

les jeunes habituellement accueillis. Si toute idée de rémunération avait été rejetée au départ,

c’est parce que l’on craignait que les réorientations vers l’éducation nationale et des parcours

non rémunérés ne soient plus possibles. Peut-être faudrait-il insister sur le fait, comme le

suggère certains formateurs qu’il s’agit d’une aide ponctuelle (d’une bourse) liée aux

spécificités du dispositif qu’ils viennent d’intégrer qui exige notamment une certaine mobilité.

Il faut noter d’autre part que les Ecoles ont travaillé dans le sens de faire bénéficier à ces

jeunes des mêmes avantages que les jeunes habituellement accueillis (notamment le prix du

billet de bus, objet de négociation entre la compagnie de transport et l’E2C).

Une deuxième hypothèse concerne la (re) création d’une relation de confiance avec

l’Institution. On l’a vu plus haut les jeunes interviewés confondent souvent indépendance

(financière) et autonomie. Comme le souligne Gaudet (2006, p.75) si les racines grecques du

terme évoquent l’idée de se donner ses propres lois, il ne faut pas cependant oublier que

« dans le processus de socialisation de l’enfance et de l’adolescence, le rôle de l’éducation est

surtout de développer des outils pour que le jeune puisse se débrouiller un jour sans parent ou

sans éducateur et prendre les meilleures décisions tout au cours de sa vie. Or, le fait

d’apprendre à se débrouiller seul sans parent ou éducateur ne mène pas à l’individualisme ni à

l’autosuffisance, mais plutôt à un processus de socialisation plus large, dans lequel le jeune

apprend à développer des relations d’interdépendance avec d’autres personnes que les

membres de sa famille et les adultes significatifs de son milieu éducatif. La socialisation des

débuts de l’âge n’évacue pas pour autant le réseau primaire ; au contraire, il y a une

importante renégociation des liens avec ses membres. Dans une socialisation où se développe

le lien d’interdépendance, il faut apprendre tout autant à se débrouiller tout seul qu’à

demander de l’aide ».

Si les jeunes interviewés manifestent souvent le fait qu’ils doivent ou devront se

débrouiller seul, ils expriment peu souvent le fait qu’ils aient besoin d’aide et au contraire ne

font guère confiance à leur environnement :

Qu’est-ce que vous devriez faire pour être plus autonome ? Je sais pas. Arrêter d’avoir besoin des parents, des amis pour genre remplir des papiers

des choses comme ça. Il faut que j’arrive à me débrouiller toute seule, ça me fait peur d’avoir besoin de quelqu’un.

61

Afin de lever ce type de « réserves », les Ecoles de la 2e Chance offrent, au travers du

concept d’individualisation un cadre structurant permettant un accompagnement permanent

du jeune y compris en entreprise. Un épisode relaté par une Ecole, dans la phase de bilan, est

à ce titre éclairant :

L1 Pour P, c’est une entreprise nouvelle que nous avons démarché. On a dû arrêter au bout d’une semaine. On a mis un autre jeune qui voulait faire de la peinture. Il a arrêté car il a dit que le maître de stage posait trop de questions sur sa famille

L2 Juste, c’est bien, parce qu’Omar a fait la démarche de venir tout de suite nous voir. L1 On a pu tout expliquer au maître de stage et ça reste un partenaire entreprise. Et c’est

une entreprise nouvelle qu’on avait démarché car toutes nos autres entreprises en peinture ne pouvaient pas accepter de jeunes à ce moment-là

L2 et Omar est revenu. On l’a accompagné dans sa recherche d’un nouveau stage L’on peut faire l’hypothèse que c’est l’accompagnement personnalisé par le formateur

référent avec lequel le jeune fait le point très régulièrement qui permet à ce jeune de (re) faire

confiance à l’institution, au dispositif qui le suit et vers lequel il se retourne. Le retour à

l’Ecole n’est pas présentée comme un échec ; les formateurs référents ont à cœur de diffuser

un message clair : la familiarisation avec l’entreprise se fait progressivement, en fonction du

jeune ; dès lors qu’un problème se pose, on cherche à savoir pourquoi, à comprendre ce qui se

passe et à trouver une solution ensemble. Le mode de fonctionnement des E2C met également

en exergue la nécessité des liens sociaux dans la construction de son autonomie. Ainsi, les

Ecoles proposent un accompagnement du jeune dans sa globalité au travers d’un travail en

réseau avec les acteurs du champ social, de l’orientation, de la formation, du bilan et de

l’insertion. Soulignons, pour finir, que le travail tant pour le repérage des jeunes que pour leur

prescription a permis de faire émerger de nouveaux partenariats.

7.1.3.5 Le profil « utilitariste »

Certains des jeunes qui sont entrés dans l’action manifestent clairement un projet

professionnel (en pâtisserie, en peinture). Contrairement aux jeunes interviewés par El Houat

et Pane (2004) peu de jeunes interviewés avaient connaissance du dispositif E2C, avant la

présentation de l’action. Le levier de la réputation de l’Ecole construit par la relation des

membres de l’environnement familial ou amical pour qui le parcours a fonctionné n’existe pas

62

ou peu dans cette action notamment parce que les Ecoles n’ont pas pour habitude d’accueillir

des jeunes mineurs. Un gros travail d’informations des jeunes tant par les repéreurs que par

les formateurs de l’Ecole a permis de faire émerger l’idée d’une saisie d’opportunité par

rapport à un projet professionnel formulé par le jeune autrement dit par rapport à un but.

Rappelons que pour la TSCOP, « Les buts sont des moyens importants que les personnes

utilisent pour exercer leur agentivité personnelle dans la réalisation de leur projet d’études

ou de leur projet professionnel. En se fixant des buts, les personnes se donnent les moyens

d’organiser, de diriger et de soutenir leur propre comportement, et cela même sur de longues

périodes et en l’absence de renforcements externes ». (Lent, 2008). Toutefois, même si des

jeunes ont exprimé un but personnel, force a été de constater qu’ils mettaient néanmoins des

freins à s’engager réellement et à être acteur de leur formation. Or, pour la TSCOP « les buts

motivent des choix d’action ou des efforts pour atteindre ces buts ». L’une des hypothèses

retenue est la suivante : les jeunes de l’action ont le sentiment qu’une fois qu’ils ont exprimé

un souhait professionnel, il n’y a plus de retour en arrière possible ou de bifurcation possible

et que ce choix professionnel va les engager tout au long de leur vie. Autrement dit, ils ont

intégré un postulat de relation systématique, d’adéquation entre formation et emploi, postulat

encore véhiculé et construit, non seulement au plan sociétal par les acteurs du système

productif et du système éducatif, mais aussi, au plan individuel par les jeunes eux-mêmes

(Trottier, 2000, p. 97). Afin de leur faire découvrir que cette « relation n’est plus linéaire et

consécutive (on ne va plus simplement acquérir une formation pour ensuite accéder à un

emploi) mais devient « simultanée » (suppose la conjugaison de la formation théorique et de

la formation pratique au cours de la trajectoire scolaire et tout au long de l’itinéraire

professionnel (Vimont, 1995) », et que « la relation formation-emploi n’est pas établie une

fois pour toute au moment de l’obtention du diplôme, mais construite à la fois lors du

cheminement scolaire et, par la suite, tout au long de la carrière professionnelle », autrement

dit afin de « tempérer l’obsession de la correspondance formation-emploi instantané et

définitive » (Trottier, op. cit), il est important que les jeunes rencontrent davantage de

professionnels et que le dispositif soit plus long afin d’intensifier les démarches de bilan, la

validation de compétences et l’appropriation par le jeune des démarches de formation tout au

long de la vie, cœur de cible des E2C.

63

8 Résultats

Cette partie s’articule autour de la présentation du référentiel stabilisé, fruit d’une co-

analyse de données, dont les entretiens menés ainsi que les tableaux de bord des Ecoles et les

bilans finaux que les Ecoles transmettront à la DIV.

On l’a vu plus haut le travail de référentialisation entrepris a permis de faire émerger des

questionnements ainsi que des dimensions de l’évaluation, dont le référentiel en cours de

construction (annexe 8) est la trace. Le tableau ci-dessous synthétise les deux

questionnements de l’évaluation choisis ainsi que les dimensions qui s’y rapportent :

Questionnement de l’évaluation Dimensions de l’évaluation

Quels objectifs? Un dispositif E2C destiné exclusivement aux

jeunes décrocheurs

Un « raccrochage » des jeunes décrocheurs

Quels moyens mis en œuvre ? Un nécessaire partenariat

La pédagogie du contrat

La pédagogie de la réussite

Un dispositif de pré-orientation

8.1 Vers le référentiel stabilisé

Le travail qui suit traite de chacune de ces dimensions de l’évaluation à partir des données

recueillies en vue de faire émerger des indicateurs d’évaluation pertinents et d’aboutir à un

référentiel stabilisé présenté à la fin de cet exposé.

8.1.1 Un dispositif destiné exclusivement aux jeunes décrocheurs

Au total, 24 jeunes décrocheurs ont intégré l’expérimentation (8 jeunes à Tours, 9 à

Châtellerault et 7 à Mulhouse). Toutes les Ecoles sont d’accord pour dire qu’il existe un

public potentiellement concerné par ce type de dispositif. Notons toutefois deux types de

difficultés :

-Les jeunes repérés (et prescrits) ne viennent pas forcément à la réunion d’information et à

l’entretien individuel. A Mulhouse, sur les 13 noms fournis par la MGI, 3 se sont déclarés

non intéressés par l’action, 3 ne sont pas venus au RDV fixé (malgré plusieurs rappels) ;

64

les autres ont démarré l’action. A Châtellerault, 16 prescriptions ont été effectuées 9

jeunes ont réellement intégré le dispositif : 6 jeunes dès le départ de l’expérimentation et 3

qui les ont rejoint en cours de parcours. Il convient aussi de préciser que d’autres jeunes

dont le profil correspondait à l’action ont été contactés par les prescripteurs mais n’ont pas

tenu à participer au dispositif.

- à Tours, le travail de repérage effectué, en amont, a permis de positionner un nombre

de jeunes bien plus important mais parce que le courrier de la DIV informant les

Préfets de Région et par là-même les Inspections Académiques n’est jamais parvenu,

l’expérimentation n’a commencé qu’au mois de mai, avec un nombre de jeunes moins

importants.

Ainsi, les Ecoles insistent sur la nécessité d’un cadre légal pour instruire des contacts

locaux non seulement avec la MGI mais aussi avec tous les acteurs de terrain qui peuvent être

en contact avec les jeunes décrocheurs et qui sont des partenaires intéressants tant au niveau

du repérage du jeune qu’au niveau du suivi du jeune. Parmi de nombreux exemples, un

éducateur de la MJC, à Châtellerault, s’est proposé d’échanger avec l’entourage d’une jeune

rencontrant des difficultés familiales. Son rôle a donc été au-delà du repérage du jeune

puisqu’il est intervenu afin d’accompagner le jeune afin d’accompagner le jeune dans sa

poursuite sur le dispositif. Toujours concernant le repérage des jeunes, il est important qu’il se

fasse sur tout le premier trimestre afin notamment de trouver des solutions pour les jeunes

inscrits dans une structure mais en rupture au cours de l’année (dont notamment les jeunes en

rupture de contrat d’apprentissage).

8.1.2 Un raccrochage des jeunes décrocheurs

Tous les jeunes qui ont suivi le dispositif sont partis avec une préconisation d’orientation.

Certains des jeunes ont vu cette préconisation se mettre en œuvre durant la formation : un

jeune s’est inscrit en bac professionnel commerce (bac pro en 3 ans), deux jeune ont signé un

contrat d’apprentissage et un autre s’est inscrit en 3e générale (dans le privé, sa maman

refusant qu’il passe des tests, nécessaires, dans son parcours, pour intégrer une 3e dans le

public). Il est à noter que la date de démarrage du test n’a pas rendu possible les retours vers

l’Education Nationale : il existe des places réservées pour les publics MGI, mais les dates de

réservation de ces places ne correspondent pas aux dates auxquelles le test a pu finalement

65

démarrer. La plupart des autres jeunes sont à la recherche d’un maître d’apprentissage à

l’issue du parcours : pour cela, ils sont soit inscrits à la bourse de l’apprentissage soit au

CIVIS renforcé (dans le cadre duquel ils peuvent passer le BSR, indispensable pour passer

son permis ; il est à noter que c’est leur rupture scolaire qui ne leur a pas permis de passer le

BSR en fin de collège) et que tous peuvent s’appuyer sur le portefeuille d’entreprises des

Ecoles pour leur recherche, même à l’issue de leur parcours dans la mesure où il leur a été

précisé qu’ils pouvaient revenir vers l’Ecole. Il est aujourd’hui difficile de faire un bilan de la

mise en œuvre des préconisations d’orientation : toutefois le suivi post-parcours des jeunes,

qui inclut une mobilisation des partenaires (structures d’accompagnement notamment) devrait

permettre d’avancer en ce sens et surtout permettre de ne pas créer un espace de rupture après

la formation. Notons enfin, que le passage sur le dispositif, a permis de pointer du doigt des

problématiques particulières : pour deux jeunes, un dossier COTOREP est en cours

d’aboutissement.

Au total, 5 jeunes ont abandonné le parcours avant la mise en place d’une préconisation

d’orientation. Concernant les motifs de ces abandons et ruptures, elles sont soit à l’initiative

du jeune (évoluant dans un contexte particulier, sans repères familiaux, étant hébergé soit en

foyer soit chez des « amis ») soit à l’initiative de la famille. En effet, des jeunes se sont

trouvés confrontés à l’avis défavorable de certains membres de leur entourage concernant les

activités proposées au sein du dispositif. Les formateurs ont tenté de dialoguer avec les

familles, avec l’aide d’éducateurs, pour certains jeunes, mais n’ont pu changer la situation,

même lorsque la validation du projet du jeune était en cours. Cette expérience souligne

l’importance de prendre en compte les parents dans les démarches d’orientation et d’insertion

du jeune. Il s’agirait de les accueillir, leur présenter l’équipe pédagogique, les locaux et les

objectifs fixés avec les enfants. Si cette modalité a bien été mise en œuvre, il semblerait

toutefois qu’il faille davantage l’accentuer par un contact régulier et une preuve de la

progression du jeune à présenter à sa famille.

8.1.3 Un nécessaire partenariat

Les E2C ont pour habitude de travailler en collaboration étroite avec les acteurs du suivi

social, de l’insertion et de l’orientation. Pour ce dispositif qui vise à rendre le jeune acteur de

son parcours, le partenariat est plus que jamais important dans la mesure, où dans sa conquête

d’autonomie le jeune doit apprendre tout autant à se débrouiller seul qu’à demander de l’aide.

Ce dernier point ne peut avoir lieu qu’après avoir levé les appréhensions voire le rejet du

66

jeune envers l’Institution. En impliquant tous les partenaires, ce dispositif tend à recréer une

relation de confiance entre le jeune et les structures d’accompagnement et de suivi. A cet

égard, il est intéressant de remarquer que dans leurs entretiens bilans, la plupart des jeunes

interviewés indiquent qu’ils ont l’intention de revenir vers l’Ecole pour faire avancer leurs

démarches de recherche de stage. De la même manière, ils font allusion aux structures

d’accompagnement qui les suivent en nommant précisément des personnes et leurs rôles. Ici

aussi, seul le suivi post-parcours permettra de véritablement de saisir la valeur de ce

partenariat dans le processus de socialisation du jeune.

Le partenariat mis en place pour cette expérimentation a été bénéfique dans la mesure où

il a permis aux différentes structures en charge du suivi de ces jeunes de communiquer et

d’avancer, localement, d’une part sur une circonscription des profils des jeunes décrocheurs

mais aussi d’autre part sur des réponses collectives. Ainsi, dans son bilan, l’Ecole de

Châtellerault note que le partenariat a permis un échange entre les différentes structures sur la

problématique des jeunes 16 / 18 ans. L’Education Nationale a, à ce titre, présenté son travail

sur « l’observatoire du décrochage scolaire ». Les représentants des centres sociaux ont, eux,

apporté leurs connaissances de certaines familles et leurs observations sur le comportement du

jeune en milieu social. Il en va de même pour les représentants du CAE qui ont soulevé

d’autres points comme celui du suivi judiciaire. Ainsi, chacun s’accorde à dire que le

décrochage scolaire chez ces jeunes mineurs constitue une véritable problématique et qu’il

faut s’en préoccuper. Ce partenariat a également mis au jour la nécessité d’un travail

collaboratif. A la suite de cette expérimentation, les structures devraient continuer à échanger

régulièrement afin d’avancer sur leurs réflexions.

8.1.4 La pédagogie du contrat

Les analyses précédentes ont montré qu’il était important de réfléchir à des modalités

particulières de la pédagogie du contrat pour les jeunes décrocheurs. Avant d’y revenir

soulignons que le processus d’engagement dans le dispositif est un processus relativement et

c’est pour cela que les trois Ecoles qui ont fait ce test insistent sur le fait qu’une période de 12

semaines est trop courte. Elles proposent de mettre en place un dispositif de 6 mois qui

commencerait en janvier (afin de repérer les jeunes « sans solution » pendant le premier

trimestre et de rétrécir le plus possible la période de rupture) et s’achèverait en juin (les

réintégrations en cursus Education Nationale ou les possibilités de trouver un maître

d’apprentissage sont facilitées par ces dates ; en outre, il est très difficile de mobiliser les

67

jeunes pendant l’été et ils auraient accès à de véritables congés scolaires, à l’instar de la

plupart de leurs camarades, avant de démarrer une nouvelle formation).

L’hypothèse retenue est que la pédagogie du contrat ne peut s’épanouir que dans une

relation de confiance, liée à un sentiment d’appartenance : les jeunes accueillis doivent

comprendre que les E2C sont une Institution et par là-même croire à nouveau dans les

institutions. Les Ecoles sont d’accord pour dire que les jeunes 16 / 18, dans la mesure où ils

requièrent des approches particulières (en termes d’adaptations des pratiques pédagogiques

habituellement à l’œuvre au sein des E2C) ne peuvent être insérés dans les groupes de jeunes

adultes. Toutefois, au travers des analyses effectuées ci-dessus on a vu que les jeunes 16 / 18

se sentent à la fois dans et hors de l’Ecole de la 2e Chance. Or, pour ces jeunes en rupture, qui

ne font plus confiance à l’institution, il faut développer un sentiment d’appartenance.

Plusieurs pistes sont proposées en ce sens : là où elles été menées, les intégrations des jeunes

sur des activités précises (présentation de métiers, par exemple) dans des groupes de jeunes

adultes ont été positives dans la mesure où les jeunes adultes ont permis de réguler le

comportement des 16 / 18. De la manière, l’une des Ecoles a exprimé l’idée de mettre en

place un « parrainage » du jeune par un jeune adulte (suffisamment avancé dans son parcours)

dans une perspective, on l’a vu de « pédagogie par l’observation » (rappelons que les jeunes

soulignent que les jeunes adultes ont connu la même « galère » qu’eux). Enfin, la

rémunération (une « bourse » liée aux spécificités de la formation) ainsi que le fait de pouvoir

bénéficier des mêmes avantages que les stagiaires adultes (comme par exemple les prix

négociés sur le prix du ticket de bus) peuvent également constituer un levier en ce sens.

8.1.5 La pédagogie de la réussite

Tout comme la pédagogie du contrat, la pédagogie de la réussite qui vise l’encouragement

et la valorisation des acquisitions et des progrès individuels, nécessite une mise en œuvre dans

la durée et 12 semaines de stages sont à cet égard insuffisantes. Toutefois, certains entretiens

bilans effectués avec les jeunes montrent que la pédagogie de la réussite porte ses fruits :

On se comprend mieux comparé à un établissement où t’es le seul à être comme ça. On

était tous en panne. Mais aujourd’hui je me rends compte que je suis pas si con que ça et

pourquoi pas continuer ?

68

Il faut néanmoins noter une grande réticence de ces jeunes face à l’apprentissage des

savoirs de base tout au long du dispositif et ce même pour les jeunes qui ont signé des contrats

d’apprentissage : l’un deux affirme ainsi qu’il n’a pas l’intention de travailler au CFA si ce

n’est en 2e année pour avoir son diplôme. Toutes les Ecoles sont d’accord pour dire que les

savoirs de base ne doivent pas être introduits, dès le début dans le dispositif. Il convient de les

introduire progressivement, lorsque le jeune est prêt notamment lorsqu’il co-construit son

projet professionnel. Le dispositif ne doit pas s’inscrire dans une logique emploi-formation. A

cet égard, les Ecoles ont insisté sur le fait qu’il faille avant tout travailler avec le jeune sur ses

sentiments d’efficacité. Placer le jeune dans des démarches de projet semble à cet égard

intéressant. L’Ecole de Châtellerault, par exemple, évoque l’idée des coopératives jeunesse

existantes au Québec, où un groupe de jeunes créé une entreprise et se doit de la faire vivre.

8.1.6 Moyens mis en œuvre pour faire de ce dispositif de pré-orientation

Toutes les Ecoles ont mis en œuvre une démarche de bilan avec les jeunes afin de faire

émerger un projet professionnel. C’est de manière individuelle que les jeunes ont travaillé leur

CV, la lettre de motivation et qu’ils ont fait des simulations d’entretien.

Le dispositif qui vise également l’apport d’informations sur les formations, favorise par la

visite de CFA et la rencontre avec des apprentis une « élaboration d’attente réaliste » (Lent,

2008, p.75). Concernant les stages pratiques, les jeunes rencontrés n’avaient pour la plupart

soit jamais effectué de stages pratiques en entreprise soit avaient effectué des mini-stages de

découverte et d’orientation en fin de 3e. Les stages visent aussi, on l’a vu, la « socialisation

professionnelle » (Dubar, 2000, p 139 : l’apprentissage des codes relationnels de l’entreprise

et du fait que l’appartenance ou l’exclusion dans une entreprise ne réside pas seulement dans

la maîtrise de compétences techniques mais aussi dans la maîtrise d’habiletés sociales.

Toutefois, la pérennisation de ces habiletés sociales semble encore très fragile chez les jeunes

rencontrés.

Toutes les équipes soulignent aussi que ces stages en entreprise ont permis aux jeunes de

se familiariser avec la réalité du monde professionnel et de se projeter dans des attentes

réalistes et ceci notamment lors des stages en vente :

L1 alors, la vente d’abord, c’était pas en libre service, c’était vendre des vêtements L2 oui et pendant les stages, la difficulté – mais pour eux c’était bénéfique- : la réalité du

travail L1 la vente c’est dur : quand il faut plier, décharger les camions.

69

L2 Oui, voilà, pour eux l’idée c’était de travailler dans un magasin prestigieux L3 et avec de beaux objets L2 et donc leurs retours : la réalité. La vente c’est décharger les caisses, ranger,

nettoyer… L1 trier, passer l’aspirateur, faire des vitrines…

Le travail effectué à la sortie de ces stages sur la valorisation des acquis individuels a

porté ses fruits dans la mesure où certains des jeunes évoqués dans l’extrait ci-dessus ont fait

le choix de suivre un apprentissage en vente. L’hypothèse que nous pouvons faire ici est la

suivante : armé d’attentes réalistes sur le métier, les jeunes en questions iront plus

volontairement jusqu’au bout de leurs parcours.

8.2 Le référentiel stabilisé

Est ainsi né le référentiel stabilisé présenté ci-dessous. A l’instar de Figari (2006 b, 178),

ajoutons pour conclure que ce référentiel appartient aux auteurs qui l’ont construit (dans un

contexte particulier). En outre, il resterait à affronter la mise en œuvre de ce référentiel

stabilisé.

70

Question 1 : quels objectifs ?

Référent de l'évaluation Critère Indicateur

Un dispositif destiné aux jeunes décrocheurs

Efficacité Le repérage et la prescription des jeunes se fait en étroite colloboration avec les acteurs de l’éducation, de l’orientation, du suivi social et de l’insertion

Pragmatisme Les jeunes repérés et prescrits sur le dispositif qui ne se présentent pas à la réunion d’information sont recontactés

Un raccrochage des jeunes décrocheurs

Pragmatisme Le repérage des jeunes « sans solution » Education Nationale se fait tout au long du premier trimestre (de l’année scolaire)

Efficacité Le dispositif s’étend sur une période de 6 mois de janvier à juinLes parents sont impliqués dans le dispositif

Pragmatisme Une proposition d’orientation concrète est effectuée

Continuité un suivi post-parcours impliquant tous les partenaires est mis en place

71

Question 2 : quelles modalités mises en place ?

Référent de l'évaluation Critère Indicateur

Un nécessaire partenariat pragmatisme Les acteurs de terrain jouent un rôle de médiation avec les familles

efficacité Dans un processus d’accès à l’autonomie, le jeune apprend tout autant à se débrouiller seul qu’à demander de l’aide et dans ce sens il identifie les structures d’accompagnement et les rôles de chacunRepéreurs et prescripteurs échangent en vue de circonscrire localement la catégorie des jeunes décrocheurs et de prendre la mesure des solutions locales adaptées aux différents profils

Pédagogie du contrat pragmatisme L’Ecole contractualise des engagements réciproques (Ecole/Jeune voire repéreurs et prescripteurs) permettant l’atteinte des objectifs fixés

Adhésion Construction d’un sentiment d’appartenance (et par là d’une relation de confiance) par : - une immersion dans les groupes de jeunes adultes à chaque fois que cela est possible- une mise en place d’un système de parrainage avec de jeunes adultes suffisamment avancés dans le dispositif

- les 16/18 bénéficient des avantages négociés pour les jeunes adultes

72

Référent de l'évaluation Critère Indicateur

Pédagogie de la réussite Pragmatisme Encouragement et valorisation systématique des acquisitions et des progrèsLes savoirs de base ne sont abordés qu’après le début de l’émergence du projet professionnelDes projets collaboratifs visant le développement des sentiments d’efficacité sont réalisés

Un dispositif de pré-orientation Pragmatisme Mise en œuvre d’une démarche de bilan et d’aide à l’élaboration du projet

Efficacité Les bilans des immersions en CFA et en entreprise visent à faire émerger des « attentes réalistes sur la formation et les métiers en vue d’anticiper une nouvelle rupture

Conclusion

73

Ma conclusion débute par la réponse à ma question de recherche. Je présenterai ensuite les

limites de ce travail pour finir sur les intérêts de ce travail dans mon parcours professionnel.

En quoi un dispositif de pré-orientation conçu comme une adaptation des pratiques

pédagogiques des E2C peut-il permettre à des jeunes décrocheurs de développer leur

autocontrôle des processus à l’œuvre dans leur orientation ?

Force est donc de constater que les variables entrant en jeu dans les processus

d’orientation sont nombreuses. Qui plus est, il est souvent difficile de les circonscrire non

seulement parce que les jeunes en rupture n’adoptent pas facilement une position réflexive

mais aussi parce que les structures de suivi et d’accompagnement n’ont pas forcément toutes

ces informations. C’est à partir des interviews des jeunes et de l’analyse de leurs

représentations que des profils de jeunes ont pu émerger. C’est sur la base de ces profils que

des possibilités d’intervention (adaptées des pratiques des E2C) ont pu être pensées afin de

développer la puissance d’agir, l’autocontrôle des 16 / 18 de leur processus d’orientation.

De manière générale, les Ecoles de la 2e Chance ont à cœur de développer cette puissance

d’agir par le développement des sentiments d’efficacité et ce notamment par la mise en place

d’une immersion progressive en entreprise visant bien sûr comme le souligne Sontag et

Blanchard (2006, p60) « des effets sur le plan intellectuel » par l’apport puis l’appropriation

par le jeune de connaissances techniques notamment, mais aussi « des effets sur le plan de la

construction d’images de soi », relativement aux sentiments d’efficacité personnelle, et sur le

plan du « développement de certains types d’intérêt et de motivations, domaines qui

participent à la construction de l’identité professionnelle et, par là, aux projets

professionnels ». Contrairement aux jeunes adultes habituellement accueillis, les jeunes 16 /

18 n’avaient généralement qu’une connaissance relativement restreinte du monde de

l’entreprise (par le biais de mini-stages de découverte en fin de 3e), et les stages pratiques ont

été l’occasion pour eux de se confronter au monde professionnel, dans sa réalité. Cette

immersion rapide dans le monde de l’entreprise est une des caractéristiques qui distinguent les

E2C des autres dispositifs, l’hypothèse retenue étant que si les jeunes ont le sentiment qu’ils

intègrent un dispositif qui ressemble à ce qu’ils ont déjà connu, ils reproduiront les mêmes

mécanismes. Or, beaucoup de jeunes interviewés se sont interrogés sur le fait que le dispositif

qu’ils venaient d’intégrer est un dispositif d’Ecole de la 2e Chance. Il a donc fallu d’emblée

Conclusion

74

les inscrire dans cette différence. La pédagogie du contrat et l’engagement volontaire du jeune

dans le dispositif en sont les éléments fondateurs. Il a fallu toutefois réfléchir à d’autres

modalités d’engagement du jeune dans le dispositif (conçu comme la construction d’une

relation de confiance réciproque entre le jeune et l’Ecole sur la base d’une définition

d’objectifs) dans la mesure où les jeunes se sont sentis à la fois dans et hors l’institution Ecole

de la 2e Chance, dans la mesure où ils constituaient un groupe à part. L’idée de mettre en

place un système de parrainage avec un jeune adulte suffisamment avancé dans le dispositif et

qui en passe d’aboutir à une sortie positive (signature d’un contrat, CDI, CDD, contrat de

professionnalisation ou d’apprentissage) peut non seulement développer ce sentiment

d’appartenance mais aussi développer les sentiments d’efficacité personnelle par l’observation

de quelqu’un qui a réussi et qui était dans la même « galère » que le jeune, au départ de son

intégration dans le dispositif. De la même manière, les démarches de bilan mis en place sont

également des situations propices au développement des sentiments d’efficacité dans la

mesure où elles mettent l’accent sur des situations de réussite antérieures et sur la possibilité

de répétition de ces dernières. De plus, on l’a vu, la TSCOP ne se focalise pas uniquement sur

les sentiments d’efficacité personnelles, elle a pour objectif notamment de faire émerger une

variété de buts. En ce sens, les visites collectives en entreprise, les stages en entreprise

réalisés, les interventions de professionnels sont un levier particulièrement intéressants dans la

mesure où ils favorisent l’émergence d’ « attentes réalistes » vis-à-vis notamment des

croyances se rapportant aux conditions de travail ou aux aspects jugés attrayants par le jeune.

L’hypothèse mis en exergue est que lorsqu’un jeune s’engage volontairement dans un

parcours de formation armé de ces « attentes réalistes », les risques de rupture sont moindres.

Par leurs pratiques pédagogiques les Ecoles de la 2e Chance peuvent donc vraisemblablement

avoir une incidence sur l’autocontrôle des jeunes dans les processus d’orientation.

L’on notera cependant que la durée du test n’a pu permettre de mettre en évidence tous les

effets de ces pratiques pédagogiques sur les jeunes et que toutes les Ecoles sont d’accord pour

dire que la logique formation-emploi n’est pas un angle propice à remettre les jeunes

décrocheurs sur les voies d’un « raccrochage » volontaire. Pour gagner la confiance des

jeunes décrocheurs, et pour développer leur « autocontrôle » il semble aussi nécessaire de les

inscrire dans des démarches de projet orientées vers la Cité.

Il est nécessaire de mettre en exergue les limites de ce travail.

La principale limite de ce travail repose sur le fait que je n’ai pas effectué de

comparaisons entre les tests des 3 Ecoles. Ainsi, si les objectifs étaient les mêmes, les

Conclusion

75

modalités étaient différentes. On est cependant là au cœur même des particularités des E2C.

Si elles s’inscrivent toutes dans un modèle pédagogique qui s’appuie sur la « Charte des

principes », l’objectif est néanmoins de permettre aux Ecoles de rester innovantes et ne pas

s’enfermer dans un cadre trop rigide qui leur ferait perdre leur capacité d’adaptation aux

demandes de leur environnement. Le travail d’harmonisation effectué par les Ecoles a permis

de développer un cadre dans lequel les pratiques pédagogiques, d’une manière tout à fait

volontaire, ne sont ni uniformisées ni standardisées. Les Ecoles développent ainsi des projets

spécifiques en lien avec leur contexte particulier.

Une autre limite de ce travail consiste dans le fait que je n’ai pas réussi à saisir de manière

fine les processus à l’œuvre dans les processus décrochage des jeunes, d’une part parce que

les analyses des interviews ne donnent que peu d’éléments en ce sens mais aussi parce que les

Ecoles elles-mêmes n’avaient à leur disposition que des éléments parcellaires qui ne

permettent pas de reconstruire après-coup le cheminement du jeune.

En dernier lieu, je tiens à souligner que ce travail s’inscrit dans une logique de

professionnalisation, dans la mesure où il m’a permis d’évoluer sur le concept d’évaluation. Il

est ainsi à noter que le Réseau des E2C a mis en place une démarche de labellisation de ces

Ecoles. Reconnues par l’article L.214-14 du Code de l’éducation, les E2C sont ainsi soumises

à un label décerné par une Commission indépendante qui s’appuie sur le compte-rendu de la

visite de labellisation effectuée par l’AFNOR, sur la base d’un référentiel de labellisation. J’ai

suivi de très près, durant cette première année d’intégration au sein du Réseau E2C France, le

processus de labellisation des Ecoles et c’est armée de concepts théoriques et pratiques que

j’ai pu développer une nouvelle compétence.

.

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